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Franklin Delano Roosevelt

 

 

 

 

 

 

 

Franklin Delano Roosevelt

Cet article fait partie du dossier consacré à la Seconde Guerre mondiale.

1. L'ASCENSION VERS LA PRÉSIDENCE
1.1. ORIGINES ET FORMATION
De son père, James Roosevelt (1828-1900), gentilhomme campagnard administrateur de plusieurs sociétés, le jeune Franklin reçoit le nom ; de sa mère, Sarah Ann Delano (1854-1941), issue d'une famille riche possédant des mines et une flotte de navires, il hérite la fortune. Appartenant à l'élite, il bénficie du meilleur enseignement de l'époque : à Groton, puis à Harvard, enfin à Columbia, où il acquiert son diplôme d'avocat. Ce n'est pas un élève brillant, mais il sait se faire apprécier de ses camarades. Ses activités sont moins intellectuelles que sociales ; ses goûts le portent vers les bateaux et les chevaux, beaucoup plus que vers la jurisprudence.

1.2. LA CONQUÊTE DU SIÈGE DE SÉNATEUR DE L'ÉTAT DE NEW YORK
En 1905, il épouse une lointaine cousine, Anna Eleanor (1884-1962), qui est la nièce du président républicain Theodore Roosevelt. Pendant quelque temps, le jeune Franklin travaille dans un cabinet d'affaires de New York. Puis, en 1910, le parti démocrate lui demande de se présenter aux élections sénatoriales de l'État de New York : son nom, sa fortune, son dynamisme devraient faire merveille dans une région qui traditionnellement vote républicain. Au terme d'une campagne menée en automobile, il est élu.
1.3. SECRÉTAIRE ADJOINT À LA MARINE (1913-1921)
Son inclination le pousse du côté des progressistes, et, lorsque Thomas Woodrow Wilson se présente à l'élection présidentielle de 1912, F. D. Roosevelt ne lui marchande ni son aide ni son appui. Il en est récompensé : le nouveau président fait de lui son secrétaire adjoint à la Marine (1913) ; c'est un poste où le brillant jeune homme peut unir son goût de la politique à sa passion pour les bateaux. Il exerce ses fonctions jusqu'en 1921 ; c'est dire qu'il a l'occasion de vivre, à un niveau élevé, des événements de grande importance : les multiples interventions militaires de son pays aux Antilles, la préparation et la participation à la Grande Guerre, les vains efforts de Wilson pour faire ratifier le traité de paix (→ traité de Versailles) et le pacte de la Société des Nations (SDN).
F. D. Roosevelt est un fidèle partisan de son président, le défenseur inébranlable d'une puissante marine non dépourvu d'idées originales (il recommande avec vigueur en 1917 de lutter contre les sous-marins allemands par une attaque de leurs bases), mais sa jeunesse, ses airs de dandy ne lui confèrent qu'une audience limitée. Quoi qu'il en soit, la convention du parti en 1920 le désigne comme candidat à la vice-présidence ; les démocrates n'ont aucune chance de gagner les élections, mais F. D. Roosevelt se fait mieux connaître dans le pays.
1.4. LE CHOIX DÉLIBÉRÉ DE LA POLITIQUE
L'arrivée des républicains au pouvoir le ramène à la vie privée. Au cours de l'été de 1921, il est frappé par la poliomyélite et lutte contre la maladie pendant plusieurs semaines. Il recouvre partiellement l'usage de ses jambes. Sa vie politique est gravement compromise ; il pourrait même y renoncer ; sa fortune, l'exemple de son père, les encouragements de sa mère l'incitent à mener la vie tranquille du gentilhomme campagnard.
Mais, sous l'influence d'Eleanor, il réagit différemment : son caractère devient plus ferme ; il prend le goût de l'effort ; ses lectures se font plus nombreuses ; la vie politique est un excellent dérivatif à son infirmité. À demi paralysé, il manifeste une indomptable énergie, un allant qui surprend son entourage et bientôt le pays, une gaieté et une santé morale à toute épreuve. Paradoxalement, il incarne l'optimisme.
1.5. GOUVERNEUR PROGRESSISTE DE L'ÉTAT DE NEW YORK (1929-1932)
Dès 1924, F. D. Roosevelt reparaît dans les assemblées du parti. En 1928, il brigue le poste de gouverneur de l'État de New York auquel il est (il sera réélu en 1930). C'est à ce poste que F. D. Roosevelt fait l'expérience des effets de la crise : comme le plus grand nombre de ses concitoyens, il a été surpris par l'ampleur du marasme. Mais, avec l'aide de Frances Perkins (1882-1965) et de Harry Lloyd Hopkins (1890-1946) – qui joueront un rôle primordial de 1933 à 1945 –, il met au point les premières mesures de secours, notamment la Temporary Emergency Relief Administration, qui dispose d'un budget de 60 millions et vient en aide à un million de chômeurs.
Ses fonctions politiques, sa volonté de combattre la crise ont accru son influence. En 1932, le parti démocrate – qui a surmonté ses divisions – a le vent en poupe : or le président Herbert C. Hoover a déçu et ne parvient pas à redonner confiance.
1.6. CANDIDAT CHARISMATIQUE À LA PRÉSIDENCE DES ÉTATS-UNIS

La convention démocrate, réunie à Chicago en juillet 1932, désigne F. D. Roosevelt comme le candidat du parti à la présidence. Contrairement aux usages, F. D. Roosevelt se rend en avion devant les délégués pour accepter leur investiture. Sa campagne, il la mène tambour battant. Lui, l'infirme, il ne cesse de se déplacer d'un État à l'autre et, par son sourire, sa cordialité, son goût de la vie, remonte le moral de ses concitoyens.
Pour lutter contre la crise, il annonce le New Deal, une « Nouvelle Donne » qui ne comporte aucun programme précis. Ce qu'affirme Roosevelt, c'est que le temps de l'individualisme est passé : « L'heure est venue de faire appel à un gouvernement éclairé. » Les obscurités n'en demeurent pas moins : le gouvernement fédéral devra-t-il dépenser ou économiser ? Contrôlera-t-il la vie économique, et jusqu'à quel point ? Faut-il maintenir une monnaie solide ou donner libre cours aux tendances inflationnistes ? Qui, des États ou de l'Union, viendra au secours des chômeurs ? L'équivoque n'épargne pas davantage le programme de politique extérieure : F. D. Roosevelt a pris parti, sous la pression de son aile droite, contre l'entrée des États-Unis dans la SDN.
Mais il sait se faire entendre des Américains ; il a le génie des formules ; il exprime de grandes idées avec des phrases simples ; il « sent » ce que la majorité attend de lui. Aussi, le 8 novembre 1932, son succès électoral est-il net : il obtient près de 23 millions de voix et 472 mandats électoraux, contre 15 millions de voix et 59 mandats pour Hoover ; le candidat socialiste arrive en troisième position avec 900 000 suffrages.
2. LE PRÉSIDENT F. D. ROOSEVELT (1933-1941)
2.1. LE VÉRITABLE FONDATEUR DE LA PRÉSIDENCE MODERNE
AU CENTRE DE GRAVITÉ DE TOUTE LA VIE POLITIQUE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE
Le président devient le centre de gravité de toute le vie politique économique et sociale. Il conduit l'opinion publique, sans jamais perdre contact avec elle ; il la stimule, mais se garde d'aller trop vite. Il informe simplement et honnêtement : les « causeries au coin du feu » donnent pour la première fois dans l'histoire un rôle primordial à la radio.
Avec la presse, Roosevelt éprouve plus de difficultés : bien qu'en 1936, les deux tiers des journaux lui soient hostiles, il tient de fréquentes conférences de presse, au cours desquelles il charme, flatte, annonce ou menace. D'ailleurs, F. D. Roosevelt a le sens du « drame » : ce qui compte pour lui, c'est d'occuper par ses paroles et ses déplacements la première page ; il ne s'en prive pas.
Entre son élection et son entrée en fonction, il a mis sur pied son équipe, qu'il conservera pendant la quasi-totalité de l'administration Roosevelt, jusqu'en 1945 : le sénateur du Tenessee, Cordell Hull, au secrétariat d'État (Affaires étrangères), Henry Morgenthau au Trésor, Henry Wallace à l'Agriculture, Harold L. Ickes à l'Intérieur.
Contrairement à ses prédécesseurs, il fait appel à des intellectuels et s'entoure de son brain-trust, une structure parallèle rassemblant des hommes de confiance, des spécialistes dont il attend les recommandations. Désormais, c'est vers Washington que se tournent les regards des intellectuels américains.
UN EXÉCUTIF ÉLARGI, PRENANT L'INITIATIVE DES LOIS ET N'HÉSITANT PAS À RECOURIR AU VETO
De 1933 à 1945, le pouvoir exécutif ne cesse d'étendre ses compétences. Agences et bureaux sont chargés de mettre en œuvre les mesures législatives qui ont été adoptées par le Congrès ; ils touchent à tous les domaines et travaillent en relation étroite avec la Maison-Blanche. Toutefois, le Congrès subit un effacement limité : si F. D. Roosevelt est assez populaire pour faire élire dans son sillage des sénateurs et des représentants, il ne parvient pas, notamment en 1938, à empêcher la réélection de ceux qui lui déplaisent. En revanche, c'est de plus en plus de la présidence que partent les projets de lois ; F. D. Roosevelt vient en personne les soutenir devant le Congrès, prodigue ses encouragements aux législateurs frileux et n'hésite pas à recourir fréquemment au veto lorsque les « bills » du Congrès lui déplaisent.
Le président Roosevelt sait adapter la Constitution de 1787 aux besoins de la société des années 1930. « Notre Constitution, disait-il en mars 1933, est si simple et si pratique qu'il est toujours possible de faire face à des nécessités exceptionnelles par de simples changements d'accent et d'organisation sans rien perdre des formes essentielles. » Dans cette perspective, le gouvernement fédéral propose des objectifs nationaux, mais les États lui sont associés dans le choix des solutions et l'application des mesures décidées.
LE PRAGMATISME EN MATIÈRE ÉCONOMIQUE
Pour relever l'économie du pays, pour assurer la mobilisation des énergies nationales pendant le conflit mondial, deux principes guident l'action de Roosevelt. Le premier est qu'il faut moderniser le capitalisme américain, et non le détruire : Roosevelt n'a nullement souhaité le bouleversement de la société. En second lieu, F. D. Roosevelt est essentiellement un pragmatique : les doctrines économiques, il n'y croit guère ; il les expérimente : si l'une ne donne pas les résultats escomptés, il recourt à l'autre – ou bien il utilise les deux en même temps.
Son administration a été, l'espace de quelques années, le champ de bataille entre les libéraux et les partisans de la planification, entre les défenseurs de l'équilibre budgétaire et les tenants des dépenses fédérales, qui ne peuvent que mettre le budget en position de déficit.

LES PREMIÈRES MESURES D'URGENCE

Les États-Unis de mars 1933 sont au plus bas : 13 millions de chômeurs, les banques fermées, l'agriculture en pleine crise ; le produit national brut est passé de 104,4 milliards en 1929 à 60 milliards. La tâche du nouveau président est colossale. Il commence par redonner confiance : « La seule chose que nous ayons à craindre, déclare-t-il dans son discours inaugural, c'est la crainte elle-même, cette terreur sans nom et sans fondements, sans justification, qui paralyse les efforts nécessaires pour transformer une retraite en progression. »
Roosevelt lutte contre la crise en améliorant le pouvoir d'achat des classes défavorisées : agriculteurs et ouvriers. Pour cela il impose le contrôle fédéral aux banques et aux industries, et s'appuie sur l'opinion publique à laquelle il s'adresse dans ses « causeries au coin du feu ». Il réalise la réforme bancaire (fermeture des banques pour quatre jours, Emergency Banking Bill) et supprime la prohibition (mars 1933), abandonne l'étalon-or (avril 1933), dévalue le dollar (Gold Reserve Act, 1934) et favorise l'expansion du crédit. Il établit l'AAA (Agricultural Adjustment Act, 12 mai 1933) pour diminuer les excédents agricoles et alléger les dettes des fermiers.
Enfin, il cherche à faire reculer le chômage grâce à une politique de grands travaux (lutte contre l'érosion, reboisement, grands barrages, mise en valeur de la vallée du Tennessee), aux codes de la NRA (National Recovery Administration, juin 1933), chargée de réglementer les conditions du travail ; grâce aussi aux dispositions du National Labor Relations Act de 1935 (protection des syndicats), du Social Security Act (1935) et du Fair Labor Standards Act de 1938 (fixation de salaires minimaux et de durées maximales de travail). Hostile à l'esprit interventionniste du New Deal, la Cour suprême en rejette les deux textes essentiels : la NRA (1935) et l'AAA (1936).
Roosevelt, ayant été réélu triomphalement (novembre 1936), use de son prestige pour tenter, mais en vain, d'obtenir du Sénat la réorganisation de la Cour suprême ; pourtant, celle-ci, inquiète, valide de nombreuses décisions libérales en matière sociale, tandis que le président fait voter le Wagner Housing Act encourageant la construction (septembre 1937). L'ensemble de ces mesures renforce le pouvoir fédéral, renouvelle les cadres de la vie politique et entraîne la mutation du parti démocrate en un parti progressiste.
Pour en savoir plus, voir l'article New Deal.
UN PRÉSIDENT CONTESTÉ
F. D. Roosevelt n'a pas manqué d'ennemis. L'opposition vient autant des milieux économiques que politiques. Que ce soit les républicains, qui défendent alors les intérêts des conservateurs et , se plaignent de la brutalité dans l'application des réformes, des fascistes de tous horizons (les Silver Shirts, à l'imitation des Chemises noires de Mussolini), la Cour suprême jusqu'en 1937 ou la minorité de l'extrême gauche, tous ont souligné l'incohérence de sa politique, tous ont rappelé qu'en 1939 les États-Unis comptaient encore 9 500 000 chômeurs, que le produit national brut n'avait pas, en prix courants et malgré la dévaluation de 1934, retrouvé le niveau de 1929.
C'est la production de guerre qui tirera les États-Unis du gouffre où la crise les avait plongés. Mais F. D. Roosevelt a fourni à son pays les moyens politiques et économiques, la confiance nécessaire pour affronter le conflit mondial et en tirer les plus grands profits. L'opinion le suit puisqu'il est triomphalement réélu en 1936.
2.2. LA POLITIQUE EXTÉRIEURE
S'ASSURER UN BON VOISINAGE
Par une politique extérieure de bon voisinage, Roosevelt groupe finalement les républiques de l'Amérique latine autour des États-Unis. Il fait même évacuer le Nicaragua (1933), Haïti (1934), assure l'émancipation politique de Cuba (1934) et de Panamá (1936), promet l'indépendance aux Philippines pour 1944. Ayant reconnu l'Union soviétique dès 1933, il garde une certaine réserve à son égard, mais s'inquiète surtout des régimes de Hitler et de Mussolini.

ROMPRE L'ISOLATIONISME
Longtemps, en effet, l'opinion américaine s'est désintéressée des événements d'Europe – un peu moins de la situation en Extrême-Orient. Bien plus, elle a approuvé les précautions qui ont été prises de 1935 à 1937 pour éviter que le pays ne soit entraîné dans une nouvelle guerre. L'isolationnisme est alors triomphant. Roosevelt lui-même ne peut que se plier à la volonté de ses concitoyens.
Mais, dès 1937, il manifeste son inquiétude : son discours d'octobre recommande de mettre en quarantaine les agresseurs ; la marine reçoit du renfort, l'armée ne compte en 1939 que 200 000 hommes. Le président suggère une conférence mondiale sur la limitation des armements ; sa voix n'est pas entendue ; il ne dispose pas des forces suffisantes pour empêcher l'Allemagne de déclencher la guerre.
Persuadé que les États-Unis ne pourront rester à l'écart d'une guerre européenne, Roosevelt fait voter la loi de neutralité le 5 septembre 1939 (révisée le 21 septembre), abrogeant les clauses de l'embargo et autorisant la vente d'armement aux belligérants qui peuvent le payer comptant et l'emporter (Cash and Carry).
Après la défaite de la France (juin 1940), il obtient des crédits pour le réarmement, l'établissement de la conscription (septembre 1940) et cède cinquante destroyers à la Grande-Bretagne. Ayant, contre toutes les traditions, demandé et obtenu un troisième mandat présidentiel (novembre 1940), il accentue sa politique d'aide aux démocraties. En mars 1941, le Congrès adopte la loi du prêt-bail (Lend-Lease Act) – une idée de Roosevelt – qui permet aux États-Unis de fournir gratuitement de l'aide aux Britanniques, puis aux Soviétiques, aux Chinois, aux Français libres. Un programme de mobilisation économique est mis sur pied. En août 1941, Roosevelt rencontre Churchill, et les deux hommes énumèrent les buts de guerre de leur pays dans la charte de l'Atlantique qui pose comme base à la reconstruction du monde le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et la liberté des hommes et des biens de transiter d'un pays à un autre.

LE CHEF DE GUERRE

Lorsque les Japonais attaquent la base de Pearl Harbor le 7 décembre 1941, les Américains sont prêts, grâce à leur président, à s'engager activement dans la guerre. La déclaration de guerre à l'Allemagne (11 décembre), accroît les responsabilités de Roosevelt : il doit diriger l'effort de guerre des États-Unis, équiper leurs alliés, décider la fabrication de la bombe atomique et préparer l'après-guerre.
Appliquant sa méthode des contacts personnels pour résoudre les problèmes militaires et diplomatiques de la coalition, il rencontre plusieurs fois Churchill, à Washington (décembre 1941), à Casablanca (→ conférence de Casablanca, janvier 1943), à Washington (mai 1943), à Québec (→ conférences de Québec, août 1943), et avec lui rencontre Tchang Kaï-chek (Le Caire, novembre 1943), Staline (→ conférence de Téhéran, nov.-déc. 1943 ; conférence de Yalta, février 1945).
Désireux d'éviter toute rupture avec l'URSS, Roosevelt consent à un déplacement de la Pologne vers l'ouest et s'oppose avec Staline au projet anglais de débarquer dans les Balkans, en cédant d'avance le contrôle de cette région à l'URSS (conférence de Téhéran, 1943), à laquelle il abandonne en outre Port-Arthur, les chemins de fer transmandchourien et sudmandchourien, le sud de Sakhaline et les îles Kouriles, en échange d'une promesse d'intervention militaire contre le Japon après la capitulation de l'Allemagne (Yalta, 1945).
Ayant posé le principe d'élections libres et de frontières conformes à la volonté des populations, le président des États-Unis renonce à placer les colonies sous une tutelle internationale. Préoccupé de mettre au point la meilleure formule de sécurité collective, il accepte, en 1943, l'idée d'une Organisation des Nations unies (ONU), dont il fait élaborer le plan (→ plan de Dumbarton Oaks, 1944) et qu'il convoque pour une première session à San Francisco (1945). Il se fait réélire pour un quatrième mandat en novembre 1944, mais il meurt (12 avril 1945) à la veille de la victoire.
Roosevelt laisse à son pays un atout considérable : la plus grande puissance économique de la planète, et une mission redoutable : assurer la défense de la démocratie dans un monde où s'annonce déjà la guerre froide.
Pour en savoir plus, voir les articles Histoire des États-Unis, Seconde Guerre mondiale.


PLAN
*        
    *         1. L'ASCENSION VERS LA PRÉSIDENCE
        *         1.1. Origines et formation
        *         1.2. La conquête du siège de sénateur de l'État de New York
        *         1.3. Secrétaire adjoint à la Marine (1913-1921)
        *         1.4. Le choix délibéré de la politique
        *         1.5. Gouverneur progressiste de l'État de New York (1929-1932)
        *         1.6. Candidat charismatique à la présidence des États-Unis
    *         2. LE PRÉSIDENT F. D. ROOSEVELT (1933-1941)
        *         2.1. Le véritable fondateur de la présidence moderne
            *         Au centre de gravité de toute la vie politique économique et sociale
            *         Un exécutif élargi, prenant l'initiative des lois et n'hésitant pas à recourir au veto
            *         Le pragmatisme en matière économique
            *         Les premières mesures d'urgence
            *         Un président contesté
        *         2.2. La politique extérieure
            *         S'assurer un bon voisinage
            *         Rompre l'isolationisme
            *         Le chef de guerre




Médias associés

Discours du président Roosevelt lors de sa visite à Harrisburg (Pennsylvanie), octobre 1936

F. D. Roosevelt en campagne électorale (1932)

Franklin Delano Roosevelt

Franklin Delano Roosevelt, déclaration de guerre contre le Japon


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Voir plus


Chronologie
*         1933 F. D. Roosevelt, président des États-Unis, engage la politique du New Deal.
*         1935 Loi Wagner aux États-Unis (juillet).
*         1936 Réélection de F. D. Roosevelt.
*         1937-1938 Nouvelle crise économique aux États-Unis.
*         1939 Cash and Carry Act, modifiant la loi de neutralité américaine en faveur des Alliés (4 novembre).
*         1942 Lancement du « Victory Program » aux États-Unis (6 janvier).
*         1943 Conférence de Téhéran ; W. Churchill, F. D. Roosevelt et J. Staline décident du débarquement des Alliés en Provence (28 novembre).
*         1944 Conférence de Bretton Woods (juillet).
*         1945 Conférence de Yalta entre J. Staline, W. Churchill et F. D. Roosevelt (4-11 février).
*         1945 Mort de F. D. Roosevelt, remplacé par H. S. Truman (12 avril).

 

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LES PHÉNICIENS

 

 

 

 

 

 

 

Phéniciens

Cet article fait partie du dossier consacré à la Mésopotamie.

Peuple sémitique de l'Antiquité.
Les Grecs furent les premiers à nommer « Phéniciens » les habitants de la bande côtière syro-palestinienne qui s'étire de Tell Suqas (l'antique Shukshan), au nord, à Acre (Akko), au sud. On attribue parfois au mot grec phoiniks, désignant la pourpre – colorant tiré du murex et qui représentait une grande richesse dans la haute Antiquité –, l'origine du nom des Phéniciens. Se désignant eux-mêmes plutôt comme Sidoniens ou Tyriens, du nom des cités (Sidon et Tyr) de ce petit territoire au sous-sol pauvre en matières premières, les Phéniciens ont donné naissance à une brillante civilisation et colonisé toute la Méditerranée.

1. L'INFLUENCE DES CIVILISATIONS VOISINES

Peuple sémitique d'origine cananéenne, les Phéniciens ne sont attestés, en tant qu'identité indépendante et différenciée dans l'histoire, qu'à partir de 1200 avant J.-C. Auparavant, intégrés dans un vaste complexe culturel syro-palestinien, ils n'avaient pas de civilisation propre. L'archéologie situe les débuts de la période protophénicienne au Ve millénaire ; à cette époque, les habitants de Byblos connaissaient l'agriculture, pratiquaient la pêche et fabriquaient – déjà – des tissus.

1.1. BYBLOS
Au IIIe millénaire, à la faveur de contacts assidus avec la Mésopotamie, la Syrie du Nord et la vallée du Nil, la Phénicie s'urbanise ; Byblos, où cette évolution est bien attestée, est alors une grande cité avec une imposante enceinte, un important habitat et de nombreux sanctuaires ; deux ports, expression de sa vocation commerciale précoce, lui permettent d'entretenir d'étroites relations avec les pays voisins, y exportant bois, lin, métaux travaillés et en important étoffes, parfums, denrées alimentaires ainsi que des matières premières. Cependant, à la fin du IIIe millénaire, notamment à cause de certaines difficultés de son partenaire égyptien, le commerce extérieur de Byblos connaît un net fléchissement ; en outre, subissant peu après les contrecoups de l'invasion nomade amorrite, la cité phénicienne entre dans une phase de déclin.
Entre le xxe et le xviiie s., le commerce reprenant avec l'Égypte, Byblos retrouve sa prospérité passée, tout en subissant une certaine emprise culturelle ; la marque égyptienne, sensible dans certains aspects de la culture matérielle tels que le mobilier funéraire des tombes royales, l'iconographie des ex-voto, etc., s'accompagne alors d'une certaine subordination politique. Cependant l'hégémonie égyptienne n'empêche pas la Phénicie d'entretenir des relations commerciales avec la Syrie et la Mésopotamie.

1.2. UNE CITÉ SOUS INFLUENCE ÉGYPTIENNE
La prépondérance égyptienne sur Byblos s'atténue pendant la période où les pharaons sont évincés par les Hyksos, venus d'Asie, puis est renouvelée au milieu du IIe millénaire, alors que, dans le reste de la Phénicie, se fait sentir l'influence des Sémites de Mésopotamie, des Asiatiques (Hourrites, Mitanniens, Hittites) et aussi des Égéens (Crétois et Mycéniens). Cette ouverture de la Phénicie à de nouvelles influences culturelles est attestée sur le site d'Ougarit (aujourd'hui Ras Shamra, en Syrie) par une architecture palatiale de type mycénien. Durant une bonne partie de la seconde moitié du IIe millénaire, cette cité de Phénicie septentrionale, tirant profit de ses contacts étroits avec les Égyptiens, les Hittites, les Crétois et les Mycéniens, forme un État puissant et organisé.

2. UN ENSEMBLE DE CITÉS INDÉPENDANTES

Au xiie s., après l'invasion des Peuples de la Mer, les grands empires entrent peu à peu en décadence : pour la Phénicie, une nouvelle histoire commence. Disposant d'une langue, d'une religion, d'un art et d'une organisation politique qui la différencient, la Phénicie n'est cependant qu'un agrégat d'États concurrents. Comme en Grèce, la cité phénicienne est une entité autonome politiquement, limitée géographiquement à un territoire comprenant une ville, un port et la campagne environnante. Les plus importantes cités, Byblos, Sidon ou Arados, n'hésitent plus à défendre leur autonomie, bravant tantôt les Assyriens, tantôt les Égyptiens. Ces cités sont cependant aussi souvent en rivalité entre elles.
Au xe s., Tyr, après s'être affranchie de la tutelle de Sidon, devient le principal État de Phénicie ; son apogée coïncide avec le règne du roi Hiram Ier (969-935) et son hégémonie se maintient jusqu'au milieu du ixe s. Cependant, Tyr et les autres cités phéniciennes doivent encore faire face à une grande poussée impérialiste assyrienne. Assournazirpal II (884-859) puis Salmanasar III les attaquent et leur imposent le paiement d'un tribut. Gênés économiquement, les Phéniciens se mettent alors à regarder du côté de l'Occident : vers 814, des émigrés tyriens s'en vont fonder la colonie de Carthage.

2.1. TYR
L'âge d'or de la Phénicie commence vers 1100 avant J.-C., au moment où Tyr évince la cité rivale, Sidon. La construction navale tyrienne bénéficie des forêts qui couvrent les pentes de l'actuel mont Liban. Bien que tributaire de l'Assyrie au viie s. avant J.-C. et malgré le relais commercial pris au vie s. avant J.-C. par Carthage, sa colonie, Tyr est restée une cité prospère – avec des éclipses dues aux sièges de Nabuchodonosor puis d'Alexandre – durant toute l'Antiquité. Occupée par les Arabes, elle connaît un regain d'activité lié à la présence des croisés (1124-1291) [croisades] avant d’être détruite par les Mamelouks. Il reste de nombreux vestiges de la cité de Tyr, nommée aujourd'hui Sour, et dont le port antique est totalement immergé.
2.2. L'ASSYRIE ET BABYLONE
Dès la seconde moitié du ce s., les relations avec l'Assyrie se dégradent ; successivement et parfois avec une grande brutalité, Téglath-Phalasar III (746-727), Sargon II (727-705), Sennachérib (705-681), Assarhaddon (682-669) et Assourbanipal (669-626) asservissent les cités phéniciennes. Après la disparition de l'Empire assyrien en 612, les Phéniciens tombent sous la dépendance des Babyloniens et connaissent une nouvelle période de déclin, qui va durer jusqu'à la fin du vie s.

2.3. LA PERSE ET LA GRÈCE
Sous l'hégémonie perse (vie-ive s.), la Phénicie, transformée en satrapie, est traitée avec bienveillance. Tyr et Sidon en tirent particulièrement avantage ; la première peut étendre ses domaines vers le sud jusqu'au mont Carmel ; la seconde, siège du gouverneur perse, reçoit Dor et Jaffa. Lors des guerres médiques, les navires phéniciens sont mis au service du Grand Roi. Cependant, durant le ive s., alors que l'Empire perse commence à se désagréger, les Phéniciens se laissent gagner par un sentiment philhellène ; en 333, à l'exception de Tyr, prise après un long siège, les cités côtières ouvrent grandes leurs portes aux soldats d'Alexandre. Dès lors, emportée par l'hellénisme, la Phénicie cesse d'être une nation.

3. LA COLONISATION DE LA MÉDITERRANÉE

Jamais un aussi petit peuple ne réalisa autant d'implantations coloniales ; tournés vers la mer, succédant aux Achéens, précédant les Grecs, les Phéniciens créent un grand nombre de comptoirs commerciaux le long des côtes méditerranéennes. De proche en proche, à partir de Cition – dans l'île de Chypre –, où ils sont installés vraisemblablement dès le xe s., ils se fixent à Rhodes et en Crète.
Hérodote mentionne en Égypte une présence tyrienne à Memphis. En Tripolitaine, les cités de Leptis Magna, Oea et Sabratha ont livré de nombreux témoignages de la présence phénicienne, sans que l'on sache précisément s'il s'agit d'implantations orientales ou d'implantations carthaginoises. En Tunisie actuelle, domaine du relais carthaginois, les comptoirs sont bien plus nombreux : Hadrumète (Sousse), Leptis Minor (Lamta), Mahdia, Thapsus (Ras Dimasse), Kerkouane, etc. De même, sur les côtes d'Algérie, sont à signaler Hippo Regius (Annaba), Cirta (Constantine), Icosium (Alger), Tipasa, Iol (Cherchell), Marsa Medakh… Plus à l'ouest, les côtes marocaines, tant méditerranéenne qu'atlantique, offrent autant d'installations. Les Phéniciens se sont aussi implantés en Sicile, en Sardaigne et en Espagne, au plus tard dès le viiie s., et à Malte, vers le viie s.

4. ÉCONOMIE
Cette importante expansion phénicienne vers l'Occident avait pour mobile le commerce, que les Phéniciens avaient pratiqué d'abord avec les régions proches. En échange de produits manufacturés – fines coupes de bronze et d'argent, récipients en pâte de verre, tissus teints à la pourpre –, l'Égypte, Chypre et la côte méridionale d'Anatolie leur fournissaient du lin, du cuivre et de l'étain. Peu après, à la faveur de l'alliance du roi tyrien Hiram Ier avec le roi des Hébreux Salomon, les Phéniciens commercent avec le royaume d'Israël, échangeant bois de cèdre et de genévrier contre des denrées ; ils montèrent même avec lui des expéditions maritimes ; selon la Bible, l'une d'entre elles, partie du port édomite d'Ezion Geber sur la mer Rouge, parvint au riche pays d'Ophir (Somalie actuelle).

4.1. L'ORIENTATION OCCIDENTALE DU COMMERCE
À partir du Ier millénaire, gênés par la consolidation des États de l'intérieur, handicapés par la reprise de l'expansion assyrienne, les Phéniciens donnent une orientation occidentale à leur commerce ; désormais leurs navires s'aventurent jusqu'en Étrurie, en Ibérie (royaume de Tartessos) et, remontant le long des côtes de la France actuelle, jusqu'en Cornouailles. Ce changement de cap, au départ coûteux, est financé à la fois par des armateurs publics, par la maison régnante et par la caste sacerdotale ; du reste, pour amortir les frais, les équipages phéniciens n'hésitent pas à faire du fret maritime. Les succès commerciaux des cités phéniciennes s'expliquent aussi par l'habileté de leurs artisans à mettre en œuvre des matières premières de toutes sortes. À côté de la classique industrie de la pourpre, le travail de l'ivoire paraît aussi ancien et dès le IIe millénaire, les artisans y taillent des amulettes, des vases et surtout de beaux éléments de placage pour meubles en bois destinés aux cours du Proche-Orient.

4.2. UNE PRODUCTION ADAPTÉE AUX MARCHÉS
Le bois de cèdre et de sapin – abondant dans les forêts de Phénicie – a lui aussi alimenté une précoce industrie de charpenterie navale. Le travail du verre, dont il ne faut pas attribuer la paternité aux Phéniciens, contribue également à l'excédent de la balance commerciale. Dans ce domaine comme dans celui de l'orfèvrerie et de la dinanderie (production d'objets fabriqués en feuilles de métal martelé), les Phéniciens, soucieux d'éliminer la concurrence, améliorent les techniques et, surtout, varient la production en fonction des marchés disponibles.

5. POLITIQUE ET RELIGION
5.1. L’ORGANISATION POLITIQUE
On sait bien peu de chose sur l'organisation politique, hormis le fait qu'à Tyr un gouvernement oligarchique contrôlé par la puissante classe des négociants élimine la monarchie alors que les autres cités-États semblent avoir conservé le principe dynastique. Par ailleurs, bien que le roi tire sa légitimité de sa fonction sacerdotale, il ne régne pas sans partage. Souvent assisté par de hauts fonctionnaires, il doit en outre composer avec un conseil des anciens et une assemblée de citoyens.

5.2. LA RELIGION
La religion des Phéniciens continue celle des Cananéens. La Bible, hostile aux Phéniciens, fut longtemps la principale source d'information concernant leur religion, mais des textes découverts sur le site d'Ougarit en 1929 ont enrichi les connaissances. On admet aujourd'hui que la religion phénicienne, auparavant succinctement définie comme polythéiste, avec autant de panthéons qu'il y avait de cités – Melqart étant le patron de Tyr, Eshmoun celui de Sidon, Dagan celui d'Arados –, est d'une bien plus grande complexité. En effet, les textes d'Ougarit ont révélé l'existence de nombreux mythes rédigés en forme de poèmes épiques ; le plus connu, appartenant à la catégorie des mythes agraires, met en scène Aliyan, dieu des Fleuves, des Sources et des Eaux, et son adversaire Mot, dieu de la Moisson, qui symbolise aussi la chaleur et la sécheresse. Chaque ville possède son panthéon, dominé par une divinité ou un couple divin. Ces mêmes documents ont aussi révélé l'existence d'une cosmogonie originale ; les Phéniciens pensaient l'univers sur le modèle d'une chaîne généalogique de divinités ; ainsi, à la suite du dieu suprême El, venaient Baal, le dieu de la Foudre et des Hauteurs, Aliyan et Mot ; suivaient alors des divinités féminines telles qu'Ashérat, Anat, sœur et maîtresse de Baal, et Ashtart, ou Astarté, déesse-mère et déesse de la Fécondité, que les Carthaginois appellent Tanit. Les Phéniciens conservent des rites très archaïques, prostitution sacrée et sacrifice des enfants (en particulier du fils premier-né).

6. L'ART DES PHÉNICIENS
La civilisation phénicienne, encore mal connue, a apporté, comme on l'a vu, des innovations importantes dans les domaines économique, commercial et culturel. Les Phéniciens, audacieux marins, habiles commerçants, ne semblent pas avoir eu une production artistique à l'égal d'autres peuples méditerranéens, et il n'est pas toujours possible de distinguer sa spécificité car sa principale originalité semble être une remarquable adaptation, si bien que l'art des Phéniciens doit beaucoup à leurs voisins ou à leurs envahisseurs.
Essentiellement composite, l'art phénicien a beaucoup emprunté aux civilisations qui ont eu une influence politique sur la Phénicie. Les deux sites les mieux préservés, Byblos et Ougarit, ont livré un matériel archéologique riche en renseignements sur les IIIe et IIe millénaires, mais très pauvre sur l'époque de gloire de la Phénicie, celle qui commence au xiiie s. avant J.-C. Malgré ces difficultés, on sait aujourd'hui que l'art phénicien est une adaptation, parfois fort réussie, de thèmes et de styles dont l'origine est, selon l'époque et le lieu, mésopotamienne, anatolienne, égyptienne, perse, égéenne ou syrienne. Les Phéniciens furent toutefois d'habiles artisans et architectes.

6.1. DE GRANDS ARTISANS
L'habileté des artisans phéniciens était réputée et contribua grandement à la puissance de cette civilisation. Dans la Bible, le livre des Rois rapporte que le roi Salomon demanda à engager Hirom de Tyr, qui était fils d'une veuve de la tribu de Nephtali et d'un père tyrien : « Hirom acheva tout l'ouvrage qu'il devait faire pour le roi Salomon dans la Maison du Seigneur : les deux colonnes, les volutes des deux chapiteaux qui sont au sommet de ces colonnes, les deux entrelacs pour couvrir les deux volutes des chapiteaux qui sont au sommet des colonnes, les quatre cents grenades pour les deux entrelacs – deux rangées de grenades par entrelacs – pour couvrir les deux volutes des chapiteaux qui sont sur les colonnes, les dix bases et les dix cuves posées sur celles-ci, la Mer avec, sous elle, les douze bœufs, les bassins, les pelles, les bassines à aspersion et tous les autres accessoires. Ce que fit Hirom pour le roi Salomon dans la Maison du Seigneur était en bronze poli. »

6.2. L'ARCHITECTURE RELIGIEUSE
L'architecture religieuse des Phéniciens comprenait deux types de constructions : les sanctuaires, où l'on honorait les dieux, et les tophet, où l'on sacrifiait les enfants. Des vestiges de tophet ont été trouvés dans les cités phéniciennes de Carthage, de Sousse, de Sicile et de Sardaigne, mais jamais encore en Phénicie même. Les sanctuaires étaient de grands espaces sacrés, entourés d'une enceinte sur laquelle les fidèles érigeaient des autels, des stèles, des ex-voto. Sous l'influence de l'Égypte, les temples phéniciens s'entourèrent de monuments annexes : cours, portiques, bassins, greniers, magasins. Une frise égyptienne représentant des uræi, serpents couronnés du disque solaire, décorait le haut des parois du sanctuaire. À Eshmoun, près de Sidon, c'est l'influence perse qui s'est fait sentir sur le temple (ve s. avant J.-C.) : les chapiteaux sont décorés de protomés de taureaux, comme on en voit à Persépolis. L'architecture civile, construite en brique crue et en argile, a complètement disparu. Ce qu'on en sait provient essentiellement des représentations figurées sur les bas-reliefs assyriens. Enserrées dans des fortifications, les maisons phéniciennes étaient surmontées de terrasses et de coupoles. Les auteurs anciens nous disent que les Phéniciens furent des architectes et des urbanistes habiles.

6.3. LA SCULPTURE
Des stèles, des sarcophages ornés de bas-reliefs et quelques statues donnent une idée de la sculpture phénicienne. Là encore, l'influence égyptienne domine. La stèle cintrée de Yehawmilk, roi de Byblos (ve s. avant J.-C.), adorant une déesse coiffée comme la déesse Hathor ; les naos (partie principale du temple, abritant la statue de la divinité), décorés de disques ailés et d'uræus (frises représentant de façon stylisée le serpent) ; la représentation de sphinx sur de multiples reliefs témoignent de cette manière « égyptisante ». Les Phéniciens ont été les inventeurs du sarcophage à cuve parallélépipédique : le sarcophage du roi de Byblos Ahiram (xiiie s. avant J.-C.) en est le premier exemple connu.

6.4. LE TRAVAIL DU MÉTAL ET DE L'IVOIRE
C'est dans la fabrication de vases en métal et d'objets en ivoire que la production artistique phénicienne semble avoir été la plus originale. Dans toutes les cités phéniciennes on a découvert des « patères » (vases à libations) en or, argent et bronze, dont le décor est somptueux. Certaines de ces coupes figurent des alternances d'animaux, d'hommes, de génies et de démons. D'autres portent des scènes de chasse, de guerre et de rites religieux.

 

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LE TIERS ÉTAT

 

 

 

 

 

 

 

tiers état

Consulter aussi dans le dictionnaire : tiers
Cet article fait partie du dossier consacré à la Révolution française.
Sous l'Ancien Régime, ensemble des personnes qui n'appartenaient ni au clergé ni à la noblesse et qui formaient le troisième ordre du royaume.

HISTOIRE
LES ORIGINES DU TIERS ÉTAT
Après la chute de l'Empire romain, la société franque est strictement hiérarchisée, depuis les Francs vivant sous la loi salique, en haut de l'échelle, jusqu'aux esclaves, à l'autre extrémité. Vers le xiie-xiiie s., la société est déjà divisée en trois ordres : ceux qui prient, ceux qui combattent et ceux qui travaillent.
L'évolution vers cette partition sociale à trois niveaux fondamentaux s’est produite lentement. Durant les dynasties mérovingienne et carolingienne, les seigneurs jouissaient du droit de justice et d'administration sur leurs terres, et étaient les chefs de guerre, mais les rapports de vassalité les plaçaient sous la dépendance du roi. La masse de la population restait vouée à l'obéissance et au travail ; elle était notamment exclue du droit de propriété. Mais, à partir du xe s., les seigneurs ne peuvent plus déplacer les paysans à leur guise, sans respect des liens familiaux. La permanence de familles paysannes sur les terroirs entraîne un certain droit des serfs sur les terres qu'ils cultivent, et l'émergence de communautés villageoises.

Dans les bourgs, l'Église se pose en rivale des seigneurs. L'affaiblissement des institutions municipales jusqu'aux xe et xie s. entraîne la fusion des divers éléments de l'ancienne société gallo-romaine ; la distinction entre francs, gallo-romains, ou ceux qui sont issus d'autres peuples s'efface complètement. Comme les seigneurs dans leurs domaines, les villes obtiennent peu à peu la souveraineté à l'intérieur de leurs remparts, même si les situations restent très diverses selon les cités. Aux xiie et xiiie s., l'autorité royale se renforce (sous Philippe Auguste notamment), tandis que villes et campagnes connaissent un essor remarquable (c'est l'ère des grands défrichements). Recevant des privilèges du roi, les villes deviennent un élément à part de la hiérarchie féodale ; les représentants des villes peuvent être convoqués lors d'états provinciaux, même si ces convocations sont facultatives.

Lorsque, en 1302, Philippe IV le Bel convoque les représentants de certaines villes à une réunion que l'on peut considérer comme les premiers états généraux du royaume, cette accession des villes à un statut qu'elles n'ont jamais encore atteint ne semble pas extraordinaire. Il s'agit pour le roi de France de s'assurer du soutien du royaume dans le conflit qui l'oppose au pape, et de faire plier le clergé. Les villes assurent le roi de leur loyauté, et leurs représentants affirment que Philippe IV doit conserver la « souveraine franchise » du royaume. Même s'il ne s'agissait là, du point de vue du souverain, que d'une entente « tactique » entre la couronne et le tiers état contre le clergé, les représentants du peuple devaient se souvenir de cet important précédent pour chercher à faire entendre leur opinion dans la conduite des affaires du royaume.

Durant la guerre de Cent Ans, le pouvoir monarchique, qui traverse une crise d'une extrême gravité, cherche à s'appuyer sur l'ensemble du royaume pour faire bloc face à l'Angleterre. En 1351, les états généraux réunissent à la fois la langue d'oc (sud du royaume) et la langue d'oïl (nord), mais bien que l'ensemble des sujets soient conviés à députer aux états généraux, aucune émergence marquante du troisième ordre ne se produit. Ce ne fut qu'à partir des états de 1355, qui ne réunissent que le nord du royaume, que le tiers état s'affirme politiquement à travers les figures des chefs parisiens, dont le plus connu est Étienne Marcel. Certains bourgeois de la capitale mettent en effet à profit la situation de crise (le roi Jean le Bon a besoin d'argent, puis, en 1356, il est fait prisonnier par les Anglais lors de la bataille de Poitiers) pour demander l'entrée de représentants du tiers état au conseil royal, le gouvernement du royaume. Mais le reste du royaume ne suit pas les chefs des marchands parisiens dans leurs revendications. L'assassinat d'Étienne Marcel, en 1358, marque le retour à l'ordre. Les conséquences politiques à plus long terme de cette rébellion sont cependant fondamentales. La question des impôts, si importante pour la bourgeoisie marchande, va rester au cœur des revendications du tiers état.


DOMINATION DE LA BOURGEOISIE

À la différence des deux premiers ordres du royaume, le clergé et la noblesse, qui sont des ordres privilégiés, le tiers état ne bénéficie d'aucun privilège particulier. Bien que le tiers soit uni juridiquement, il existe en son sein une hiérarchie que crée la dignité de la fonction exercée. Ainsi, les officiers de justice et de finances, les gradués de l'université, les médecins, les avocats, les financiers et les gens d'affaires se placent devant les négociants, les apothicaires, les laboureurs et les artisans ; les brassiers (ou manouvriers) des villes et des campagnes, les vagabonds et les mendiants se tiennent en bas de l'échelle.

De nombreux antagonismes dressent les membres du tiers les uns contre les autres jusqu'à la fin de l'Ancien Régime. Et la Révolution révélera les solidarités rurales ou urbaines des classes populaires et les liens des notables. Le troisième ordre n'a d'existence politique qu'au sein des états provinciaux et des états généraux, où il est censé être « représenté ». En fait, le monde paysan et le petit peuple des villes n'ont pas de représentants aux états provinciaux (sauf dans la région pyrénéenne) ; dans ces assemblées, dont la constitution est nettement aristocratique (excepté en Languedoc), le tiers ne peut rien, le plus souvent, contre la volonté des ordres privilégiés, que l'on vote par têtes, comme c'est l'usage le plus général, ou par ordres, comme en Bretagne. Aux états généraux, la majorité des députés du tiers sont des officiers royaux et des robins : aux états de 1614-1615, où il envoie 187 députés dont 31 sont nobles et 72 détenteurs de seigneuries, le tiers compte 114 officiers, 18 magistrats municipaux, 30 avocats et seulement 2 marchands et un laboureur ; ainsi, la « bourgeoisie bureaucratique », dont une partie est anoblie ou en voie d'anoblissement, « représente » le tiers.
Cette bourgeoisie, dont les états généraux du xvie s. révèlent la hauteur de vues et l'esprit politique qui l'inspire, exerce une influence sur la législation : en effet, les grandes ordonnances d'Orléans (1561), de Moulins (1566) et de Blois (1579) reprennent en partie les doléances du troisième ordre aux états d'Orléans (1560-61) et de Blois (1576-77). Au plan local et provincial, les députés du tiers participent activement, ainsi qu’ils l’avaient demandé lors des états généraux de 1484, à la rédaction et à la révision des coutumes aux xve et xvie s.

Pendant des siècles, le tiers défend l'ordre monarchique et sert souvent d'appui au pouvoir royal pour briser les résistances ou les prétentions du clergé et de la noblesse, notamment lors des états de 1614-1615. L'hostilité entre la noblesse, fière de son ascendance, et le tiers état, qui fait valoir son rôle économique et social, fait de ce dernier une entité politique désormais clairement opposée à la noblesse. Le tiers exprime ouvertement sa supériorité intellectuelle sur la noblesse lorsque son délégué, Savaron, lieutenant général d'Auvergne, affirme devant le roi que la noblesse a « bien souvent moins de mérite, suffisance et capacité que le tiers état », et que si elle se tient à l'écart des offices royaux, c'est du fait de « l'opinion en laquelle elle a été depuis de longues années que la science et l'étude affaiblissaient le courage ». Les privilégiés du tiers substituent ainsi, à la supériorité de l'hérédité invoquée par les nobles, la hiérarchie des talents et des compétences. Ces premiers contours du passage d'une société d'ordres fondée sur la naissance à une société de classes fondée sur le rôle et l'utilité sociale s'affinent sous les règnes de Louis XIV, Louis XV et Louis XVI. Cependant, le tiers état reste impuissant politiquement : aucune des demandes des délégués du troisième ordre aux états généraux de 1614-1615 n’est satisfaite.

Beaumarchais conduit à la prison de Saint-Lazare
L'absence de convocation des états généraux entre 1614 et 1789 coïncide avec le mouvement des Lumières et le rejet de l'absolutisme. C’est l'un des facteurs qui favorise la constitution du tiers état en tant que force politique (non unie, certes, mais cependant consciente de sa différence d'avec la noblesse et le haut clergé). L'opuscule de Sieyès, Qu'est-ce que le tiers état ?, rend compte des aspirations du troisième ordre, résumées par une formule devenue fameuse : ce que voulait le tiers état, lui qui était « tout » mais n'avait aucune part au pouvoir, c'était « être quelque chose » dans l'ordre politique.

1789 : LE TIERS ÉTAT AU POUVOIR

Lors de la convocation aux états généraux de 1789, les personnes pouvant assister aux assemblées du tiers état sont définies par la loi comme « tous les habitants des villes, bourgs et campagnes, nés Français ou naturalisés, âgés de vingt-cinq ans, domiciliés et compris au rôle des impositions ». C'est la quasi-totalité des sujets du royaume qui est invitée à élire des députés (seuls les vagabonds et les pauvres sont exclus du vote). Mais, parmi les députés élus ne figure qu'un seul paysan ; la représentation politique du tiers n'a donc que peu à voir avec sa réalité sociale. Les paysans forment en effet au xviiie s. l'immense majorité de la nation : environ 18 millions de paysans sur 28 millions de Français en 1789.
La députation du tiers état, forte de 578 membres, compte environ 200 avocats, une centaine de commerçants, d'industriels et de banquiers, 3 ecclésiastiques (dont l'abbé Sieyès) et 11 nobles (dont Mirabeau). Elle se fait l'apôtre des nouveautés : la « révolution constituante » sera essentiellement l'œuvre des gens de lois qui la dominent.
La haute bourgeoisie, dont le rôle dans la société fut éminent à la veille de 1789 s'efface en effet au profit de la moyenne bourgeoisie, composée des professions libérales, des médecins ou encore des journalistes, qui a dû attendre la Révolution pour jouer le rôle essentiel qu'elle revendiquait, et de la petite bourgeoisie, parfois peu distincte des classes populaires.

Lorsque, le 27 juin 1789, Louis XVI invite le clergé et la noblesse à siéger avec le tiers, Bailly déclare à la tribune de la toute nouvelle Assemblée nationale : « La famille est complète. » Les trois ordres sont donc destinés à se fondre dans cette nouvelle Assemblée, celle de la nation. L'abolition des privilèges, le 4 août 1789, révèle qu'à une société d'ordre (l'Ancien Régime, comme on appelle dès ce moment la monarchie absolue) vient de succéder une société de classes : la position sociale d'un individu ne sera désormais plus déterminée par sa naissance (cas de la noblesse), par l'ordre dans lequel il rentre (cas du clergé) ou par son « absence de naissance » (sens d'origine du mot « ignoble », qui désigne un non-noble, un roturier), mais par sa richesse, son activité économique, son talent. Ainsi que le déclare l'article premier de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen, adoptée le 26 août 1789 : « … les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. »

 

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DE L'HOMME - ET DE LA FEMME - PRÉHISTORIQUES

 

 

 

 

 

 

 

DE L'HOMME - ET DE LA FEMME - PRÉHISTORIQUES

Depuis leur fondation au milieu du XIXème siècle, les sciences de la préhistoire ont situé le devenir de la famille humaine dans les 5 ou 7 millions d'années de son existence. Ils ont déployé une rigueur et une inventivité extraordinaires pour faire parler les vestiges rares, disséminés et fragmentaires dont ils disposent.
La théorie de l'évolution conduit à penser l'origine de l'Homme, non comme création, moment ponctuel miraculeux où il serait triomphalement apparu sur la terre, mais comme filiation, qui enracine notre espèce dans l'ensemble du règne animal, dans les embranchements et les buissonnements multiples de l'histoire du vivant. Anthropologues et biologistes se sont attachés à reconstituer la généalogie de l'homme, et les mécanismes mêmes de son devenir : Ardipithecus ramidus, Australopithecus, Homo habilis, erectus, neandertalensis, sapiens... - dessinent, depuis le lointain de la préhistoire africaine, la constellation de nos ancêtres.

Les préhistoriens ont tenté de reconstituer les cultures, les modes de vie et de pensées des Préhistoriques : invention, usage et évolution de l'outillage, formes de l'expression et de la communication, gestes, croyances et rituels que pouvait exprimer l'art ou les sépultures. Les formes et les structures de la vie sociale des premières sociétés humaines - sociétés nomades de chasseurs-cueilleurs - ont elles aussi été interrogées ; de nouvelles approches ont permis de repenser les relations entre hommes et femmes au Paléolithique, et de réévaluer le rôle de la femme dans la préhistoire.

Texte de la 11ème conférence de l'Université de tous les savoirs réalisée le 11 janvier 2000 par Claudine Cohen
De l'homme (et de la femme) préhistorique
En 1883, l'anthropologue français Gabriel de Mortillet publie Le Préhistorique, une somme du savoir accumulé de son temps sur la préhistoire. Savoir tout neuf encore : seulement deux décennies plus tôt, Boucher de Perthes avait produit, aux yeux de ses contemporains d'abord sceptiques, puis émerveillés, les preuves de l'ancienneté de l'Homme, et démontré que des êtres humains avaient cohabité, en des temps dont aucune écriture n'a conservé la mémoire, avec des animaux aujourd'hui éteints - le Mammouth, l'Ours des Cavernes, le Rhinocéros laineux survivant par des froids glaciaires dans la profondeur des grottes, et armé de frustes "casse-têtes" de silex taillés.
Mortillet s'était employé à donner plus de rigueur à la science commençante, et avait classé selon un ordre typologique et évolutif les cultures humaines de cet homme, que déjà on n'appelait plus "antédiluvien". En 1865 John Lubbock avait forgé les termes de "Paléolithique" pour désigner les cultures de la pierre taillée, les plus anciennes, celles des chasseurs-cueilleurs, et "Néolithique" pour nommer les plus récentes, de la pierre polie et de la terre cuite propres aux premiers temps de la sédentarisation, de l'agriculture et de l'élevage.

L'étude de l'Homme préhistorique de Mortillet se nourrissait des recherches de Boucher de Perthes dans la basse vallée de la Somme, et des magnifiques découvertes de Lartet et Christy dans la vallée de la Vézère et de la Dordogne. S'inspirant de l'évolutionnisme darwinien (ou de ce qu'il croyait en savoir) il avait décrit le devenir linéaire et progressif de l'Homme et de ses cultures, depuis les primitifs bifaces de l'Acheuléen et du Chelléen, jusqu'aux industries de l'Homme de Néandertal (le Moustiérien) et aux cultures solutréennes et magdaléniennes, caractéristiques d'Homo sapiens. Cette progression de la lignée humaine culminait avec l'Homme de Cro-Magnon, un Homme semblable à nous, au front haut et à la stature robuste, découvert en 1868 dans la vallée de la Vézère. Aux racines de cette brillante lignée, Mortillet avait forgé la fiction d'un ancêtre mi-singe mi-homme, l'Anthropopithèque, auquel on attribua une petite industrie de silex éclatés trouvés à Thenay, dans le Loir et Cher, qui devaient bientôt se révéler être de vulgaires cailloux aux cassures naturelles.
Aujourd'hui, en l'an 2000, l'image de l'Homme préhistorique a beaucoup changé. Les idées sur l'évolution se sont modifiées, la Nouvelle Synthèse depuis les années 1930 a récusé l'image d'une évolution comprise comme progrès linéaire, mettant l'accent sur la variation, le buissonnement des formes, et la notion d'une histoire contingente, et imprévisible. D'innombrables découvertes ont enrichi notre vision du passé préhistorique de l'Homme, et ce n'est plus seulement dans le Loir-et-Cher, la vallée de la Somme et de la Vézère, que l'on va chercher ses origines, mais au Moyen Orient et en Europe centrale, aux confins de l'Afrique, de l'Indonésie, de la Chine...

Le regard sur la préhistoire est devenu plus directement ethnologique, et la volonté de mieux connaître dans leur réalité les premières sociétés humaines s'est marquée par de nouvelles exigences de rigueur dans les recherches de laboratoire et de terrain. Celles-ci font appel à un arsenal méthodologique nouveau - fouilles très fines, décapage horizontal des sites, remontages d'outils, méthodes quantitatives pour reconstituer la vie. La préhistoire expérimentale, par la taille et l'utilisation d'outils, en reproduisant les gestes du sculpteur ou du peintre, s'emploie à retrouver les pensées et les démarches opératoires des Hommes de ce lointain passé. Cette approche expérimentale et cognitive vise à livrer une vision plus vivante, plus vraie, plus humaine du passé lointain de notre espèce. Enfin, la vision de l'Homme préhistorique s'est diversifiée, complexifiée, et laisse aujourd'hui la place à une réflexion sur le rôle, les rôles possibles de la femme dans la préhistoire.

Généalogie d'Homo sapiens
"L'Homme descend du Singe", affirmait Darwin, et déjà Lamarck avant lui. La théorie de l'évolution, née au XIXème siècle, a conduit à penser l'origine de l'Homme, non comme création, mais comme filiation, qui enracine notre espèce dans l'ensemble du règne animal. Dès lors, reconstituer la généalogie de l'Homme, c'est réunir et tenter de donner un sens évolutif à tous ces vestiges osseux, baptisés Ardipithecus Ramidus, Australopithecus, Homo habilis, ergaster, rudolphensis, erectus, neandertalensis, sapiens... - qui dessinent, depuis le lointain de la préhistoire africaine, la constellation de nos ancêtres ; c'est interroger la configuration des événements complexes - biologiques, culturels, environnementaux - qui ont eu lieu depuis plus de 5 millions d'années.
La multiplicité des espèces d'Hominidés fossiles connues dès les époques les plus anciennes rend désormais impossible toute conception finaliste et linéaire de ce devenir. C'est un schéma arborescent, buissonnant même, qui rend le mieux compte de la profusion des espèces d'hominidés, parfois contemporaines entre elles, qui nous ont précédés. A lidée dune progression graduelle, on a pu opposer la possibilité de processus évolutifs plus soudains et contingents : ainsi Stephen Jay Gould a pu réaffirmer, après les embryologistes du début du siècle, l'importance pour l'évolution humaine de la néoténie : celle-ci consiste dans la rétention, à lâge adulte, de caractéristiques infantiles ou même fStales, qui peut faire apparaître dans une lignée des formes peu spécialisées qui seront à lorigine de groupes nouveaux. LHomme pourrait bien être un animal néoténique, et dériver dun ancêtre du Chimpanzé qui aurait conservé à lâge adulte les traits du jeune... Un des caractères particuliers de lHomme est en effet le retard de la maturation et la rétention des caractères juvéniles : ce retard se manifeste par certains traits anatomiques : régression de la pilosité, bras courts, tête volumineuse par rapport au reste du corps, gros cerveau, front redressé, régression de la face... - , mais aussi dans sa psychologie et son comportement : longue durée de léducation, goût du jeu, plasticité du système nerveux et capacité de lapprentissage jusque tard dans la vie.... L'acquisition chez l'homme de ces traits, et leur corrélation même, pourrait être explicable par un processus simple (et accidentel) du développement.

A la quête des origines de l'Homme s'est longtemps associée celle du "berceau" de l'humanité, dont Teilhard de Chardin se plaisait à dire qu'il était "à roulettes". On l'a recherché en Asie, en Europe, mais cest l'Afrique qui aujourd'hui s'impose comme le lieu d'enracinement le plus probable de la famille des Hominidés et du genre Homo. Les découvertes des hominidés les plus primitifs connus, les Australopithèques, faites d'abord en Afrique du Sud, puis en Afrique de l'Est conduisent à penser que le berceau de la famille des Hominidés se situe dans ces régions.

La Vallée du grand Rift africain doit elle être considérée comme le lieu d'origine le plus probable de la famille des Hominidés ? Cette thèse est débattue aujourd'hui. Il se peut en effet que les découvertes nombreuses et spectaculaires dans ces sites - ainsi, celle de "Lucy", une Australopithèque très primitive datée de 3 millions d'années, dont les restes presque complets ont été découverts dans le site de Hadar, en Éthiopie en 1974 - s'expliquent plutôt par d'extraordinaires conditions de préservation des fossiles, et des conditions géologiques particulièrement favorables à ce genre de trouvailles. Aujourd'hui, le schéma de "L'East Side Story" selon lequel les premiers Hominidés seraient d'abord apparus à l'est de la Rift Valley, après le creusement de cette faille il y a 7 millions d'années, semble devoir être révisé : une mandibule d'Australopithèque découverte par le paléontologue français Michel Brunet à quelque 2500 km à l'ouest la Rift Valley, au Tchad et contemporaine de Lucy, suggère que l'histoire humaine à cette époque très reculée met en jeu des facteurs environnementaux et comportementaux plus complexes que ceux supposés jusqu'alors. Cette découverte a fait rebondir la question du berceau de l'humanité : elle oblige à penser très tôt en termes de dispersions et de migrations, et à considérer que dès ces époques lointaines du Pliocène, il y a quelque 3 millions d'années, les Hominidés étaient déjà répandus dans une grande partie du continent africain.
Selon les constructions de la biologie moléculaire, c'est entre 5 et 7 millions d'années avant le présent qu'il faut situer l'enracinement commun des Hominidés et des Grands Singes. Les restes d'Ardipithecus ramidus, découverts en Éthiopie, ont été classés en 1994 dans un genre nouveau, que son ancienneté (4,4 millions d'années) semble situer tout près de l'origine commune des grands Singes africains et des premiers Hominidés.

Le tableau de lévolution de la famille humaine inclut de nombreuses espèces d' Australopithèques, ces Hominidés dallure primitive, au front bas, à la démarche bipède, qui ont coexisté en Afrique pendant de longues périodes et dont les vestiges sont datés entre 3,5 et 1 million d'années avant le présent.
Quant aux premiers représentants du genre Homo, ils sont reconnus à des périodes fort anciennes : à Olduvai (Tanzanie) Homo habilis, à partir de - 2,5 millions d'années, a été désigné comme le plus ancien représentant du genre auquel nous appartenons, mais il coexiste peut-être en Afrique avec une deuxième espèce du genre Homo, Homo ergaster.
A partir de -1,7 millions d'années Homo erectus apparaît en Afrique, puis va se répandre dans tout l'Ancien monde : Homo erectus est un Homme de taille plus élevée, au squelette plus lourd et dont le crâne, plus volumineux et plus robuste, a une capacité d'environ 800 cm3. Il va bientôt se répandre dans les zones tempérées du globe, dans le Sud-Est asiatique, en Asie orientale, dans le continent indien et en Europe. Culturellement, il s'achemine vers des sociétés de plus en plus complexes : il développe les techniques de la chasse, domestique le feu, et autour d'1,5 millions d'années invente le biface, qui pour la première fois dans l'histoire humaine manifeste le sens de la symétrie et de l'esthétique.

Les Néandertaliens (Homo neandertalensis) semblent apparaître il y a environ 400 000 ans en Europe occidentale, mais on les trouve aussi au Proche Orient, en Israël et en Irak, entre 100 000 et 40 000 avant le présent. Ces Hominidés au front bas, à la face fuyant en museau, à la carrure massive, mais au crâne dont la capacité cérébrale est proche de la nôtre, parfois même supérieure ont prospéré en Europe de l'Ouest, au Paléolithique moyen (jusqu'il y a 35 000 ans environ), avant d'être brusquement, et de façon encore mal comprise, remplacés par des hommes de type moderne au Paléolithique supérieur. Au Proche-Orient, les choses paraissent plus complexes. Au Paléolithique moyen, les Néandertaliens semblent bien avoir été les contemporains, dans les mêmes lieux, des sapiens archaïques. Pendant plusieurs dizaines de millénaires, ils ont partagé avec eux leurs cultures. Dans ces sites du Proche-Orient, la culture "moustérienne" est associée, non pas comme en Europe aux seuls Néandertaliens, mais à tous les représentants de la famille humaine. En particulier, la pratique de la sépulture est associée non à tel type biologique d'hominidé mais à ce qu'on peut appeler la culture moustérienne, qui leur est commune.
Histoire d'amour, de guerre ou... de simple cohabitation? Sapiens et Néandertaliens ont-ils pu coexister dans les mêmes lieux, avoir, à quelques variantes près, la même culture et les mêmes rituels funéraires, sans qu'il y ait eu d'échanges sexuels entre eux ? Pour certains, il pourrait s'agir de deux races d'une même espèce, donc fécondes entre elles, et les Néandertaliens auraient pu participer au patrimoine génétique de l'homme moderne. D'autres refusent cette hypothèse, sur la foi de l'étude récente d'un fragment d'ADN de Néandertalien, qui paraît confirmer - mais de manière encore fragile - la séparation des deux espèces, et donc l'impossibilité de leur interfécondité.

Les avancées de la génétique et de la biologie moléculaire ont conduit à poser en termes nouveaux la question de l'origine d'Homo sapiens et de la diversité humaine actuelle. Au milieu du XXème siècle, Franz Weidenreich, se fondant sur l'étude des Hominidés fossiles de Chine, les "Sinanthropes", considérait qu'"il doit y avoir eu non un seul, mais plusieurs centres où l'homme s'est développé ". Selon lui, la part trop importante faite aux fossiles européens avait masqué l'existence d'importantes particularités locales chez les Hominidés du Paléolithique inférieur (par exemple entre les Sinanthropes et les Pithécanthropes de Java). Au cours de l'évolution parallèle de ces groupes isolés les uns des autres par des barrières géographiques, les différences déjà présentes à ce stade ont pu se perpétuer jusqu'aux formes actuelles. Ces idées restent aujourd'hui à la source des approches "polycentristes" qui tentent de reconstituer le réseau complexe des origines des populations humaines actuelles, héritières selon eux de formes locales d'Homo erectus, remontant à 500 000 ans, voire 1 million d'années. Cette approche, qui privilégie l'étude des fossiles asiatiques, se donne pour une critique des mythes "édéniques" en même temps que de l'eurocentrisme qui a longtemps prévalu dans l'étude de la diversité au sein de l'humanité actuelle et fossile.
Face à ces positions "polycentristes", les tenants du "monocentrisme" défendent la thèse d'un remplacement rapide des formes d'hominidés primitifs par des Homo sapiens anatomiquement modernes : ils s'efforcent, à partir de l'étude des différences morphologiques, mais aussi des données de la biologie moléculaire, de reconstituer l'origine unique de toutes les populations humaines. Ces études ont abouti à un calcul des "distances génétiques" entre les populations actuelles, et avancé l'hypothèse d'une "Ève africaine" qui serait la "mère" commune de toute l'humanité

La thèse de l'origine unique et africaine de l'espèce Homo sapiens, il y a quelque 200 000 ans, irait dans le sens d'une séparation récente des populations humaines actuelles, et d'une différence très faible entre elles. Mais elle demande à être confirmée, non seulement par de nouvelles expériences et un échantillonnage rigoureux, mais aussi par les témoignages paléontologiques, rares à cette époque dans ce domaine géographique.

La mise en place de l'arbre généalogique de la famille humaine au cours de l'histoire de la paléoanthropologie et de la préhistoire reste aujourd'hui encore l'objet de discussions, qui concernent tant les schèmes évolutifs et les processus environnementaux que les critères biologiques et culturels qui y sont à l'Suvre. Lhistoire de la famille humaine apparaît fort complexe dès ses origines : aux racines de l'arbre généalogique, entre 4 millions et 1 million d'années, les Hominidés se diversifient en au moins deux genres (Australopithecus et Homo) et un véritable buissonnement d'espèces, dont certaines ont été contemporaines, parfois dans les mêmes sites. La multiplication des découvertes, l'introduction des méthodes de classification informatisées, et les bouleversements des paradigmes de savoir, ont abouti à rendre caduque la recherche d'un unique "chaînon manquant" entre l'Homme et le singe. L'espèce Homo sapiens a été resituée dans le cadre d'une famille qui a connu une grande diversification dans tout l'Ancien Monde. Que la plupart des espèces d'Hominidés se soient éteintes est un phénomène banal dans l'histoire du vivant, et ne signifie certainement pas que la nôtre fût la seule destinée à survivre. Plusieurs dizaines de milliers d'années durant, les Néandertaliens ont prospéré et parfois même cohabité avec notre espèce - et ils se sont éteints, comme d'ailleurs la plupart des espèces vivantes, il y a seulement un peu plus de 30 000 ans, pour des raisons qui restent inconnues. Mais ils auraient pu survivre, et la vision que nous avons de nous-mêmes en eût sans doute été fortement modifiée...

Le devenir des cultures humaines
"L'évolution [humaine] a commencé par les pieds"... aimait à dire par provocation André Leroi-Gourhan, insistant sur le fait que l'acquisition la bipédie précède dans l'histoire humaine le développement du cerveau.
De fait, des découvertes récentes ont montré que la bipédie a sans doute été acquise très tôt dans l'histoire de la famille humaine, il y a 3 ou 4 millions d'années. Les études menées sur la locomotion des Australopithèques ont conclu que ceux-ci marchaient déjà sur leurs deux pieds, même s'il leur arrivait parfois de se déplacer par brachiation - en se suspendant à l'aide de leurs bras. Les traces de pas découvertes en 1977 à Laetolil (Tanzanie ) et datées de 3,6 millions d'années sont bien celles de deux individus parfaitement bipèdes, marchant côte à côte... Elles ont confirmé le fait que la station redressée et la marche bipède étaient déjà acquises par ces Hominidés primitifs, - bien avant que la taille du cerveau n'atteigne son développement actuel.

Le développement du cerveau est certainement le trait le plus remarquable de la morphologie humaine. Des moulages naturels d'endocrânes fossiles - comme celui de lenfant de Taung, découvert en 1925 - ou des moulages artificiels obtenus à partir de limpression du cerveau sur la paroi interne du crâne dautres Hominidés fossiles ont permis de suivre les étapes de cette transformation du volume cérébral, de l'irrigation et de la complexification des circonvolutions cérébrales au cours de l'évolution des Hominidés. La question reste cependant posée du "Rubicon cérébral" - elle implique qu'il existerait une capacité endocrânienne au-delà de laquelle on pourrait légitimement considérer qu'on a affaire à des représentants du genre Homo, dignes d'entrer dans la galerie de nos ancêtres... La définition, longtemps discutée, d'Homo habilis comme premier représentant du genre humain, a fait reculer cette frontière à 600 cm3... et peut-être même encore moins : il faut donc bien admettre que le développement du cerveau n'a pas été l'unique "moteur" du développement humain : il s'associe à d'autres traits anatomiques propres à l'homme, station redressée, bipédie, morphologie de la main, fabrication et utilsation d'outils, usage d'un langage articulé...

La main humaine a conservé le schéma primitif, pentadactyle, de l'extrémité antérieure des Vertébrés quadrupèdes. La caractéristique humaine résiderait dans le fait que chez l'Homme le membre antérieur est totalement libéré des nécessités de la locomotion. Mise en rapport avec le développement du cerveau, la libération de la main ouvre à l'Homme les possibilités multiples de la technicité. L'avènement d'une "conscience" proprement humaine se situerait donc du côté de ses productions techniques.
L'outil est-il autant qu'on le pensait naguère porteur de la différence irréductible de l'homme ? Éthologistes, préhistoriens et anthropologues ont cherché à comparer, sur le terrain archéologique ou expérimental les "cultures" des Primates et celles des premiers Hominidés fossiles. Ils proposent des conclusions beaucoup plus nuancées que les dichotomies abruptes de jadis. Si l'outil définit l'Homme, l'apparition de l'Homme proprement dit ne coïncide plus avec celle de l'outil. Certains grands Singes savent utiliser et même fabriquer des outil. L'étude fine de la technicité des Panidés a également conduit à en observer des formes diversifiées dans différents groupes géographiquement délimités, et certains chercheurs n'hésitent pas à parler de "comportements culturels" chez ces Singes. D'autre part, les premières industries de pierre connues sont probablement l'Suvre des Australopithèques : ces hominidés au cerveau guère plus volumineux que celui d'un gorille sont-ils les auteurs des "pebble tools" ou des industries sur éclats vieilles d'environ 2,5 millions d'années - qui ont été trouvés associées à eux dans certains sites africains ? Beaucoup l'admettent aujourd'hui ... mais d'autres restent réticents à attribuer ce trait culturel à un Hominidé qui ne se situe pas dans notre ascendance ! Il a donc fallu repenser les "seuils" qui naguère semblaient infranchissables, non seulement entre grands Singes et premiers Hominidés, mais aussi entre les différents représentants de la famille humaine.
L'Homme seul serait capable de prévision, d'intention : Il sait fabriquer un outil pour assommer un animal ou découper ses chairs -et, plus encore, un outil pour faire un outil. Instrument du travail, l'outil est lui-même le produit d'un acte créateur. Si les vestiges osseux sont rares et se fossilisent mal, d'innombrables silex taillés, des primitifs "galets aménagés" aux élégantes "feuilles de laurier" solutréennes et aux pointes de flèches magdaléniennes permettent de suivre à la trace les chemins qu'ont empruntés les Hommes, d'évaluer leurs progrès dans la conquête et la maîtrise de la nature, de percevoir la complexité croissante de leurs échanges et de leurs communications.
Les "cultures" préhistoriques ont dans le passé été caractérisées, presque exclusivement, par l'outillage lithique qui les composent. Le Moustérien, le Solutréen, le Magdalénien, ce sont d'abord des types d'outils et de techniques lithiques décrits, inventoriés, étudiés dans leur distribution statistique. Cependant les approches contemporaines tendent à élargir cette notion de "cultures" en mettant en lumière d'autres traits culturels importants, inventions techniques essentielles comme celle du feu, de l'aiguille et du poinçon, de la corde, et du tissage, structures d'habitat, organisation du groupe social, division du travail...
Aux périodes les plus récents du Paléolithique supérieur, l'art, mobilier ou rupestre, traduit le fait que l'homme a désormais accès au symbolique, à la représentation. Innombrables sont les objets en ivoire, en os ou en bois de renne, sculptés ou gravés découverts sur les sites préhistoriques, et témoignant de la fécondité artistique des chasseurs cueilleurs de la préhistoire, et de ce que ces primitifs du Paléolithique avaient un talent et une sensibilité dartistes, très proches en somme de celles de lHomme daujourdhui.
Devant ces figurations animales et humaines ou ces signes abstraits, le problème se pose de leur signification : labbé Breuil nhésitait pas à prêter un sentiment religieux à ses auteurs, et à interpréter les figures et les symboles sculptés, gravés, dessinés ou peints du Paléolithique comme la manifestation de cultes animistes et de rituels chamaniques, que l'on retrouverait chez certains peuples actuels. La thèse du chamanisme a fait l'objet d'importantes critiques, elle a pourtant été récemment reprise par le préhistorien français Jean Clottes et l'anthropologue sud-africain David Lewis-Williams, qui proposent d'interpréter les symboles de l'art paléolithique en s'inspirant de ceux du chamanisme, lisibles selon eux dans l'art rupestre des Bushmen d'Afrique australe. Cette interprétation, étayée aussi par des arguments neuro-physiologiques, ne laisse pas d'être fragile, précisément par l'universalité qu'elle suppose, excluant les lectures de cet art qui viseraient à prendre en compte son contexte particulier et son symbolisme propre
La faculté symbolique dont témoigne l'art est sans aucun doute liée aux possibilités de l'échange et de la parole. On sait que certaines régions du cerveau humain sont dévolues à la parole et le développement de ces aires cérébrales a pu être observé, dès Homo habilis, voire même peut-être chez les Australopithèques. Certaines caractéristiques des organes de la phonation (larynx, apophyses de la mandibule pour linsertion de la langue, résonateurs nasaux) sont également invoquées, mais beaucoup dincertitudes subsistent : le grognement, le cri, le chant, ont-ils été les formes primitives de l'expression humaine ? Le langage "doublement articulé" - au niveau phonétique et sémantique - existe-t-il déjà aux stades anciens du genre Homo, voire dès Australopithecus, ou apparaît-il seulement avec l'Homme moderne ? Le langage humain résulte-t-il d'un "instinct" déterminé génétiquement qui dès les origines de la famille humaine nous distingue déjà des autres primates ? ou faut-il le considérer comme un produit de la société et de la culture, contemporain de la maîtrise des symboles de l'art ?
Nouveaux regards sur la femme préhistorique
Le XIXème siècle n'avait pas donné une image très glorieuse de la femme préhistorique. Le héros de la préhistoire, de Figuier à Rosny, cest l'Homme de Cro-Magnon, armé d'un gourdin, traînant sa conquête par les cheveux pour se livrer à d'inavouables orgies dans l'obscurité de la caverne& La sauvagerie des "âges farouches" est alors prétexte à des allusions à la brutalité sexuelle, au viol. Cet intérêt pour les mSurs sexuelles des origines est sans doute l'envers de la pruderie d'une époque. Il rejoint celui que l'on commence à porter aux ténèbres de l'âme, aux pulsions primitives, inconscientes, qui s'enracinent dans les époques primitives de l'humanité.
Notre regard aujourdhui semble se transformer. Notre héros de la préhistoire, c'est une héroïne, Lucy, une Australopithèque découverte en 1974 dans le site de Hadar en Ethiopie et qui vécut il y a quelque 3 millions d'années. Innombrables sont les récits qui nous retracent les bonheurs et les aléas de son existence. Signe des temps : la femme a désormais une place dans la préhistoire.
Les anthropologues ont renouvelé l'approche de la question des relations entre les sexes aux temps préhistoriques en mettant l'accent sur l'importance, dans le processus même de l'hominisation, de la perte de l'oestrus qui distingue la sexualité humaine de celle des autres mammifères. Tandis que l'activité sexuelle chez la plupart des animaux, y compris les grands Singes, est soumise à une horloge biologique et hormonale, celle qui détermine les périodes de rut - la sexualité humaine se situe sur le fond d'une disponibilité permanente. Cette disponibilité fut sans doute la condition de l'apparition des normes et des interdits qui dans toutes les sociétés limitent les usages et les pratiques de la sexualité. Peut-être a-t-on vu alors naître des sentiments de tendresse, s'ébaucher des formes de la vie familiale, de la division du travail - et s'établir les règles morales, l'interdit de l'inceste et les structures de la parenté dont les anthropologues nous ont appris quils se situent au fondement de toute culture.

Depuis environ trois décennies, des travaux conjugués d'ethnologie et de préhistoire ont remis en cause les a priori jusque là régnants sur linanité du rôle économique et culturel des femmes dans les sociétés paléolithiques. Les recherches des ethnologues sur les Bushmen dAfrique du Sud ont ouvert de nouvelles voies pour la compréhension des modes de vie et de subsistance, des structures familiales et de la division sexuelle du travail chez les peuples de chasseurs-cueilleurs. Dans ces groupes nomades, les femmes, loin d'être passives, vouées à des tâches subalternes, immobilisées par la nécessité délever les enfants, et dépendantes des hommes pour l'acquisition de leur subsistance, jouent au contraire un rôle actif à la recherche de nourriture, cueillant, chassant à loccasion, utilisant des outils, portant leurs enfants avec elles jusquà lâge de quatre ans, et pratiquant certaines techniques de contrôle des naissance (tel que l'allaitement prolongé). Ces études ont conduit les préhistoriens à repenser l'existence des Homo sapiens du Paléolithique supérieur, à récuser les modèles qui situaient la chasse (activité exclusivement masculine) à lorigine de formes de la vie sociale, et à élaborer des scénarios plus complexes et nuancés, mettant en scène la possibilité de collaborations variées entre hommes et femmes pour la survie du groupe.

La figure épique de Man the Hunter, le héros chasseur poursuivant indéfiniment le gros gibier a vécu. Il faut désormais lui adjoindre celle de Woman the gatherer, la femme collectrice (de plantes, de fruits, de coquillages). Larchéologue américain Lewis Binford est allé plus loin en insistant sur l'importance au Paléolithique des activités, non de chasse, mais de charognage, de dépeçage, de transport et de consommation de carcasses d'animaux morts, tués par d'autres prédateurs. Des preuves dactivités de ce type se trouveraient dans la nature et la distribution des outils de pierre sur certains sites de dépeçage, et dans la sélection des parties anatomiques des animaux consommés. Si tel est le cas, des femmes ont pu participer à ces activités, et être, tout autant que les hommes, pourvoyeuses de nourriture.
Il se peut aussi que, contrairement aux idées reçues, les femmes aient été très tôt techniciennes, fabricatrices d'outils quelles se soient livrées par exemple à la taille des fines industries sur éclats qui abondent à toutes les époques du Paléolithique -, qu'elles aient inventé il y a quelque 20 000 ans, la corde et l'art du tissage de fibres végétales, dont témoignent les parures et les vêtements qui ornent certaines statuettes paléolithiques : la résille qui coiffe la "dame à la capuche" de Brassempouy, le "pagne" de la Vénus de Lespugue, les ceintures des Vénus d'ivoire de Kostienki, en Russie&

Ces Vénus paléolithiques nous donnent-elles pour autant une image réaliste de la femme préhistorique ? Si tel était le cas, il faudrait croire, comme le disait avec humour Leroi-Gourhan, que la femme paléolithique était une nature simple, nue et les cheveux bouclés, qui vivait les mains jointes sur la poitrine, dominant sereinement de sa tête minuscule lépouvantable affaissement de sa poitrine et de ses hanches &Ces Vénus ont suscité une multitude d'interprétations - tour à tour anthropologiques, physiologiques, voire gynécologiques, religieuses, symboliques. Certains, s'appuyant sur l'abondance dans lart paléolithique des images sexuelles et des objets réalistes - vulves féminines ou phallus en érection, scènes d'accouplement, corps de femmes dont les seins, les fesses et le sexe sont extraordinairement soulignés, y ont vu l'expression sans détour de désirs et de pratiques sexuels, en somme l'équivalent paléolithique de notre pornographie&

Des études féministes ont mis en cause le fait, jusque là donné pour une évidence, qu'il puisse s'agir d'un art fait par des hommes et pour des hommes. Chez les Aborigènes australiens, l'art sacré est en certaines occasions réservé aux femmes. Si on admet que l'art paléolithique a pu avoir une fonction rituelle et religieuse, ses figurations et ses objets pourraient avoir été destinés, plutôt qu'à un usage exclusivement masculin, à l'usage des femmes ou à l'initiation sexuelle des adolescentes. L'ethnologue californienne Marija Gimbutas a reconnu dans ces Vénus paléolithiques des images de la "Grande Mère", figure cosmogonique, symbole universel de fécondité, qui se retrouve au Néolithique et jusqu'à l'Age du Bronze dans toute l'Europe : ces sociétés dont les religions auraient été fondées sur le culte de la "Grande Déesse" auraient connu, de manière continue jusqu'à une époque relativement récente, des formes de pouvoir matriarcales et des formes de transmission matrilinéaires, avant d'être remplacées par des structures sociales à dominance masculine et des religions patriarcales. Cette construction, qui reprend la thèse du matriarcat primitif à lappui de thèses féministes, reste pourtant fragile : lhistoire ultérieure ne nous montre-t-elle pas que le culte de la mère peut exister dans des religions à dominance masculine, et dans des sociétés comportant une bonne part de misogynie ?

Quoi quil en soit, limage de la femme du Paléolithique a changé. Sil reste souvent à peu près impossible de désigner précisément ce qui dans les rares vestiges de la préhistoire, ressortit à lactivité de lun ou lautre sexe, ces nouvelles hypothèses et ces nouveaux savoirs, qui ne sont pas sans liens avec les transformations de nos sociétés, nous livrent une image plus vivante, plus colorée, plus ressemblante peut-être, de la femme des origines.

Conclusion
Comme tous les savoirs de l'origine, la préhistoire est un lieu inépuisable de questionnements, de rêves et de fantasmes. Elle représente un monde à la limite de la rationalité et de l'imaginaire, où peut s'exprimer le lyrisme, la fantaisie, l'humour, l'érotisme, la poésie. Mais l'imagination, en ce domaine, ne saurait être réduite à une combinatoire de thèmes fixés, archétypes ou lieux communs. Elle invente, elle crée, elle se renouvelle en fonction des découvertes et des événements, mais aussi des représentations prégnantes en un moment et dans un contexte particulier.

La préhistoire est une science interdisciplinaire, qui mobilise la géologie, la biologie, l'archéologie, l'ethnologie, l'histoire de l'art& et qui s'enrichit des développement de tous ces savoirs. Mais elle est avant tout une discipline historique, dont les documents sont pourtant beaucoup plus pauvres que ceux de l'histoire : ce sont des traces, des vestiges fragmentaires et muets, auxquels il faut donner sens, et dont l'interprétation est un lieu privilégié de projection de nos propres cadres mentaux et culturels.
Cest pourquoi on peut prophétiser sans risque que l'humanité préhistorique du XXIème siècle ne ressemblera pas à celle du XIXème ou du XXème siècle. Non seulement parce que des découvertes, suscitées ou inattendues, surgiront du terrain ou du laboratoire. Mais aussi parce que nos sociétés elles-mêmes, et la conscience que nous en avons, changeront elles aussi. Car l'Homme préhistorique a une double histoire : la sienne propre, et celle de nos représentations.

 

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