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Empire byzantin : littérature byzantine

 

 

 

 

 

 

 

Empire byzantin : littérature byzantine


L’héritage
La littérature byzantine représente moins une rupture avec l'hellénisme qu'une continuation avec des apports nouveaux. Sans doute la production ne demeure-t-elle pas égale, mais la littérature byzantine est la preuve de la permanence de l'intellectualité dans le monde hellénique ; elle constitue aussi l'une des grandes littératures de l'Europe médiévale, la première apparue, qui vaut tant pour elle-même que pour les relations de pensée entre les pays de culture et de langues différentes dont se compose le Moyen Âge.
La littérature byzantine, tout d'abord, est l'héritière de la tradition grecque antique. L'empire de Constantinople, s'il est politiquement issu de Rome, est grec de sentiment et d'intellectualité. La continuité de la langue donne aux Byzantins accès aux œuvres anciennes, dont ils font la base de l'éducation.
Par ailleurs, la civilisation byzantine est tout imprégnée de christianisme, ce qu'elle doit à la littérature grecque chrétienne des quatre premiers siècles de notre ère, qui a contribué à diffuser et à formuler le message et les dogmes de la nouvelle religion. Les Byzantins, passionnés de religiosité, épris tantôt de mystique, tantôt de raisonnement, sont parvenus à identifier hellénisme et christianisme, et à considérer le christianisme comme un fait spécifiquement grec.
L'attachement des lettres byzantines à la double tradition antique et chrétienne a eu sur l'expression linguistique une importante conséquence, encore sensible aujourd'hui : la recherche de l'archaïsme dans l'écriture littéraire, à des degrés variables, corroborée par les usages savants de la langue des institutions.

De l'hellénisme au byzantinisme (ive et ve s.)

Trois traits caractérisent la période couvrant les ive et ve s., qu'on peut qualifier de prébyzantine. La culture se répartit entre plusieurs centres : à côté de Constantinople, il y a la Grèce continentale (avec Athènes et Thessalonique), l'Égypte et l'Asie Mineure (notamment la Syrie, la Palestine, la Cappadoce). En outre, le latin est encore langue officielle : la concurrence du grec n'aboutira que deux siècles plus tard à une complète hellénisation. Enfin, la production littéraire présente parallèlement une double inspiration : païenne et chrétienne ; la première prolonge la pensée antique en un ultime éclat par la philosophie, la rhétorique, l'histoire, la poésie, le roman ; la seconde, remarquable surtout au ive s. avec les auteurs sacrés (les Cappadociens Basile de Césarée, Grégoire de Nazianze et Grégoire de Nysse, Jean Chrysostome d'Antioche), va réaliser progressivement la fusion du christianisme et de l'hellénisme en pénétrant peu à peu dans les genres littéraires profanes.
La philosophie ne se sépare pas de la théologie. Elle lutte contre les doctrines païennes, mais elle se trouve engagée, sur son propre dogme, dans un conflit au sujet de la personne du Christ. L'école d'Antioche insiste sur sa nature humaine, celle d'Alexandrie sur sa nature divine. Chacune de ces thèses a son défenseur : Nestorius (Homélies, traité du Théopaschite) donne son nom au nestorianisme, doctrine d'Antioche que condamne le concile d'Éphèse ; tandis que Cyrille d'Alexandrie (vers 376/380-444), lui-même inquiété pour ses idées, se réhabilite en défendant le christianisme contre les idées de Julien l'Apostat (331-363) et contre les hérésies (Catéchèses). Par ailleurs, à la violence des affrontements doctrinaux s'oppose une théologie plus édifiante, tournée vers la spiritualité et l'ascèse avec Palladios le Galate (vers 363-vers 431) [Histoire lausiaque] et Marc l'Ermite (Sur la loi spirituelle).
L'historiographie, qu'avait créée et illustrée Eusèbe de Césarée (vers 265-340), retrouve sa faveur auprès d'érudits tels que Socrate et Sozomène, qui continuent l'histoire ecclésiastique. Théodoret de Cyr, historien de l'Église pour la période de 323 à 429, est également historien des idées quand il étudie les hérésies et quand il compare les thèses des écoles helléniques et des écoles chrétiennes au profit de ces dernières.
La littérature de caractère sentimental fait son apparition dans la production chrétienne. Le roman, issu de l'épopée et du roman païen, vient s'ajouter à la littérature des idées et des événements, et faire diversion avec elle. Le récit en vers de l'impératrice Athénaïs Eudoxie (?-460) [Cyprien d'Antioche] est le premier « roman chrétien » : l'atmosphère du roman profane cède devant une vision de l'univers sensible à la nature humaine.
Le théâtre a longtemps continué les mimes romains, mais il n'en reste rien. Au contraire, le théâtre savant a servi à la propagande et aux polémiques théologiques. La manifestation la plus célèbre est le Christ souffrant, récit de la Passion avec dialogues et chœurs, dont les parties lyriques inspirèrent les mélodes.
À la fin du ve s., la pensée byzantine est déjà fortement élaborée. L'esprit théologique règne sur l'ensemble de l'activité intellectuelle. Si le paganisme se maintient encore, le christianisme s'efforce de l'éliminer et de conquérir toutes ses positions.

Première réalisation de la pensée byzantine (vie-xe s.)
Introduction
C'est à partir du moment où Constantinople exerce une action centralisatrice en tous domaines dans l'Empire que triomphe le « byzantinisme ». L'activité créatrice s'ordonne selon une certaine hiérarchie, au sommet de laquelle se situent les genres qui traitent des concepts théologiques et philosophiques ; viennent ensuite ceux qui ont trait à la vie religieuse dans le comportement humain ; enfin les genres profanes font diversion à l'austérité des précédents.
La pensée païenne cède définitivement devant le christianisme, que soutient l'Empire et dont il est lui-même le soutien (fermeture par Justinien des écoles philosophiques d'Athènes en 529). La vie intellectuelle se concentre dans la capitale. La production se manifeste d'abord avec éclat, se stabilise pendant deux siècles, pour connaître une nouvelle renaissance à la fin de la période.

Le vie s.
La littérature religieuse, abondante, atteste trois formes. Doctrinale (contre les hérésies nestorienne ou monophysite), elle trouve en Léontios de Byzance (vers 485-vers 542) un grand théologien, qui, par l'alliance du platonisme et de l'aristotélisme, fonde véritablement la scolastique byzantine. Un courant ascétique se développe dans le même temps : mysticisme populaire d'un Johannes Moschos (?-619) [le Pré spirituel], d'une part, mysticisme élevé, de l'autre, avec Jean Climaque (vers 579-vers 649) [l'Échelle spirituelle]. Cette création de prose est complétée par la haute poésie des mélodes, dont le plus célèbre est Romanos (ou Rhômanos) auquel on doit une riche production hymnographique.
La chronique et l'histoire rattachent à l'univers chrétien le monde profane pénétré de religiosité. Si les historiens religieux (Théodore le Lecteur, Evagre) ne font guère que continuer l'œuvre de leurs prédécesseurs en étudiant l'histoire ecclésiastique, les historiens profanes sont plus variés et originaux. Jean le Lydien (essai sur les Magistratures) et surtout Procope de Césarée (?-vers 562) [Histoire des guerres, Traité des édifices, Histoire secrète] sont les figures les plus attachantes de cette époque. La chronique est plus spécialement représentée par Hésychius de Milet et Jean Malalas. Voyageurs et géographes (tels Cosmas Indikopleustês, l'Exploration des mers indiennes) complètent l'œuvre historique.

Les viie et viiie s.
Les viie et viiie s. consolident les résultats de la production du siècle précédent malgré les difficultés qu'éprouve l'Empire à l'extérieur (recul devant les assauts étrangers) et à l'intérieur (crises religieuses du monothélisme et de l'iconoclasme).
Dans la production religieuse, l'orthodoxie a des défenseurs en Maxime le Confesseur (vers 580-662), mystique autant que philosophe, et en Anastase le Sinaïte, plus nettement scolastique. L'hagiographie est représentée par Léontios de Néapolis, et l'hymnographie par André de Damas, archevêque de Crète. L'iconoclasme est combattu par le patriarche Nicéphore (vers 748-829) et par Théodore le Stoudite (759-826). Mais c'est en Jean Damascène (?-vers 749) que la théologie byzantine trouve sa plus complète expression : philosophe (Source de la connaissance, Sur la doctrine orthodoxe) autant que poète (Hymnes, Canons, Nativité), il est avant le schisme le théologien de l'Orient que l'Occident ne reniera pas.
Dans la production profane, très imprégnée de religiosité, la chronique l'emporte sur l'histoire. Georges de Pisidie met en vers la Genèse, de même qu'il raconte sous forme d'épopée les expéditions de l'empereur Héraclius. Une poétesse, Cassia (ou Kassia), écrit des hymnes et des épigrammes. Le roman de Barlaam et Josaphat atteste des influences orientales par le goût du merveilleux et l'attrait du bouddhisme.

Les ixe et xe s.
Au redressement de la politique impériale correspond un renouveau des lettres aux ixe et xe s. Le goût de l'humanisme antique donne lieu à une véritable renaissance. Mais l'érudition et le culte des œuvres du passé ne se dressent pas contre le christianisme. Ainsi le patriarche Photios (vers 820-vers 895), esprit encyclopédique, qui crée en quelque sorte la critique littéraire dans son Myriobiblion (vaste compte rendu de ses lectures), reste le théologien orthodoxe, et incite à la rupture avec l'Occident romain : il contribue à former la conscience nationale dans l'Empire byzantin.
Nombreux sont les chroniqueurs. Érudits, ils édifient une philosophie de l'histoire – fait nouveau –, comme Théophane le Confesseur (vers 758-vers 818), soucieux de l'unité impériale et des principes capables de l'assurer, ou comme Georges le Moine (ou Hamartole), qui voit dans le pouvoir impérial une manifestation de la Providence.
Le goût de l'érudition, développé au xe s., est encouragé par les empereurs, souvent eux-mêmes écrivains et auteurs de traités (Léon VI le Sage, Nicéphore Phokas, Basile II). La philologie est illustrée par Suidas, auteur d'un précieux Lexique. Syméon le Métaphraste dresse une collection des Vies de saints. Constantin Képhalas compose l'Anthologie (dite Palatine) des meilleurs poèmes païens et chrétiens. Jean Cyriotis, tout en faisant œuvre d'érudit, est aussi poète et hymnographe, ce qui montre la diversité des créations chez un même esprit. De même, chroniqueurs et historiens sont volontiers théologiens ou moralistes : Syméon le Métaphraste, Théodore de Mélitène, Coméniatis, Léon le Diacre. L'œuvre de Constantin VII Porphyrogénète (905-959) présente le tableau le plus complet de l'époque du point de vue des coutumes, des institutions et de la civilisation (De l'administration de l'Empire et le Livre des cérémonies).
Les événements extérieurs, notamment la menace de l'islam, inspirent la poésie. Le xe s. voit le début des chants populaires, qui vont se répandre peu à peu sur tout le territoire hellénique. Un cycle épique se constitue autour du héros Digénis Akritas, dont il est fait un symbole ; par là, l'actualité rejoint la tradition, et le champ de la poésie s'étend de la production populaire orale à la littérature écrite et aux genres élevés.
C'est au xe s. également que se reconstitue le théâtre populaire de la liturgie. Les thèmes de la Vierge et du Christ donnent lieu à des jeux dramatiques célébrés dans les églises à l'occasion des grandes fêtes. La tradition s'est prolongée jusqu'au xve s. Mais le théâtre byzantin est demeuré religieux, au rebours du théâtre antique ou du théâtre occidental.

Nouvelle renaissance des lettres byzantines (xie-xve s.)
Introduction
Le relâchement provisoire de l'autorité impériale ainsi que les menaces extérieures permettent un développement de la pensée libre dans les lettres, alors que domine la philosophie platonicienne. Le redressement dû à la politique des Comnènes favorise une renaissance des lettres par un regroupement des activités, que suit une décentralisation, à laquelle succède une tendance contraire qui marque un dernier éclat avant la chute de l’Empire byzantin.

Les xie et xiie s.
Le schisme du xie s. a rendu définitive la rupture entre l’Orient chrétien (Constantinople) et l'Occident chrétien (Rome) : l'orthodoxie est devenue un élément national de l’Empire byzantin. Toutefois, l'humanisme tempère parfois la rigueur des positions théologiques.
Trois courants de pensée se développent parallèlement. L'un, plus philosophique que proprement théologique, pénétré de rationalisme, est représenté par Michel Psellos (1018-1078), prodigieux érudit à l'œuvre immense (Chronographie, Lettres, Démonologie). À ce mouvement s'oppose le mysticisme de Syméon le Nouveau Théologien, auteur des Amours des hymnes divines, traité d'ascèse spirituelle et de contemplation. Un troisième courant, moralisateur, ramène au réalisme et à l'action avec Kékavménos (Stratêgikon), qui définit la conduite du citoyen et du soldat défenseur de Constantinople.
L'avènement des Comnènes restaure l'autorité impériale, qui reprend le contrôle des activités littéraires : l'orthodoxie, protégée des hérésies des Bogomiles et des Pauliciens, s'accommode d'un humanisme qui ne la heurte pas systématiquement.
La philosophie a des défenseurs, par exemple en la personne de Jean Italos, néoplatonicien, et d'Eustratios de Nicée (vers 1050-vers 1120), plus aristotélicien. Elle suscite, par ailleurs, des réactions chez des mystiques comme Nicétas Stéthatos (le Paradis intelligible) et Callistos Cataphigiotis (Chapitres sur la vie contemplative), et chez des moralistes comme Théophylacte (Institution royale) ou Eustache de Thessalonique (De la simulation, étude des caractères humains).
L'historiographie compte de grands écrivains. Anne Comnène, fille de l'empereur Alexis, écrit la chronique du règne de ce souverain (Alexiade). Michel Choniate (1140-vers 1220) défend dans ses Discours les droits de l'hellénisme. Son frère Nicétas rédige l'Histoire de Byzance au xiie s. Le pessimisme apparaît chez les historiens qui pressentent la fin de l'Empire (Eustache de Thessalonique, Jean Tzetzès), cependant que Jean Zonaras (?-vers 1130), Constantin Manassès (1143-1181), Glykas (?-vers 1204) restent fidèles à la chronique universelle plus ou moins officielle.
L'esprit satirique trouve sa place, à côté des grands genres, dans les Poèmes de Théodore Prodrome (1115-1166), type du poète de cour solliciteur et malheureux.
La littérature d'imagination donne naissance, d'une part, au roman courtois (Hysmine et Hysménias d'Eumathe Macrembolitos, Drosilla et Charichlès d'Eugénianos) et, de l'autre, aux adaptations de légendes indiennes ou persanes (Syntipas, Stéphanitis et Ichnélatis).

Le xiiie s.
La prise de Constantinople par les croisés (1204) a pour conséquence une décentralisation politique et littéraire.
Dans l'État de Nicée, la tradition philosophique se poursuit avec Nicéphore Blemmydès (1197-1272), conciliateur de Platon et d'Aristote, moraliste et éducateur. Deux de ses disciples sont des humanistes historiens et philosophes : Georges Acropolite (1217-1282) et Théodore II Lascaris (1222-1258).
À l'époque des croisades appartiennent les romans en vers de caractère chevaleresque (Belthandros et Chrysantza, Callimaque et Chrysorrhoe), qui complètent la production érudite.
À Trébizonde se crée au xiiie s. un centre culturel, au milieu des activités pratiques et commerciales de cette province. Mistra, dans le Péloponnèse, est un centre d'humanisme. En Épire, l'orthodoxie antilatine est défendue par Alexis Apokaukos (?-1345), Bardanès, Chomatène. Néanmoins, certains théologiens tentent un rapprochement avec le christianisme romain, d'où deux conceptions qui partagent la pensée hellénique.

Fin du xiiie-xve s.
La reprise de Constantinople aux croisés, de même que les efforts des Paléologues n'empêchent pas l'Empire byzantin de s'acheminer vers sa ruine (effective en 1453). La littérature, pourtant, demeure riche et atteste la diversité des courants de pensée qui, depuis longtemps, s'opposent.
Une renaissance littéraire est préparée par deux grands esprits, érudits historiens et philosophes : Georges Pachymère (vers 1242-vers 1310), hostile aux Latins, et Maximos Planude (vers 1260-1310), favorable à un rapprochement entre la pensée occidentale et celle de l'Orient. Cette opposition se poursuit au xive s. chez les disciples de ces penseurs, Théodore Métochite (1260-1332), quasi nationaliste, et Mélitèniotis, universaliste.

La crise religieuse de l'hésychasme vient diviser encore la pensée théologique : Grégoire Palamas (vers 1296-1359), dans ses Oraisons, et Cavasilas préconisent le mysticisme pur, que combattent Barlaam et Démétrios Cydonès (vers 1324-vers 1400).
L'hostilité aux Latins s'exprime chez Georges Gémiste Pléthon (vers 1355-vers 1450), tandis que le rapprochement est tenté par Gennadios (Georges Scholarios, vers 1405-après 1472) et Jean Bessarion (vers 1402-vers 1472).
L'histoire compte de grands écrivains : Jean VI Cantacuzène (Mémoires), Calliste Xanthopoulos (?-vers 1335) [Histoire de l'Église]. Jean Cananos (ou Kananos) et Jean Anagnotès décrivent les sièges de Constantinople en 1422 et de Thessalonique en 1430. L'Histoire de Romanie, de Nicéphore Grégoras (1296-1360), traduit la détresse de l'Empire. Doukas décrit la fin de l'Empire jusqu'en 1462, et Georges Phrantzês (1401-1478), après 1453, se lamente sur la chute de Constantinople.

Les contacts entre l’Empire byzantin et l'Occident ont favorisé les œuvres d'imagination et d'épopée : la Chronique de Morée tient de l'histoire et montre l'interpénétration de deux cultures. Ce caractère se retrouve dans le roman de Lybistros et Rhodamné. Mais les chansons populaires contemporaines vont répandre et vulgariser les thèmes de la production savante, et préparer l'avènement du lyrisme dans la poésie nationale quelques siècles plus tard.
La littérature byzantine ne disparaît pas avec l’Empire byzantin. Son héritage sera recueilli et préservera l'hellénisme sous la domination ottomane, en attendant l'indépendance. Elle reste indispensable à la connaissance du monde grec, dont elle constitue un élément original, ainsi qu'aux rapports de l'hellénisme avec l'Occident et l'Orient.

 

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NÉOLITHISATION

 

 

 

 

 

 

 

néolithisation


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Ensemble des innovations (agriculture, élevage, céramique, etc.) apparaissant au néolithique, qui amènent un changement du mode de vie (passage, notamment, du stade de la prédation à celui de la production).
La néolithisation, passage du paléolithique au néolithique, représente un ensemble de modifications économiques et sociales parfois radicales, mais aussi très progressives.
Une accélération des acquis culturels humains
Pendant tout le paléolithique, les hommes connurent un mode de vie remarquablement stable fondé sur la cueillette, la chasse et la pêche. Leur organisation sociale ne variait guère, faite de petits groupes plus ou moins nomades, et leur industrie elle-même évoluait peu. Le biface, principal outil du paléolithique, a été progressivement affiné et diversifié, mais son usage est resté le même pendant plus d'un million d'années. Parfaitement intégré dans la nature, l'homme exploitait, à l'aide d'un matériel simple, un milieu naturel d'autant plus riche que la pression démographique était réduite. Découverte essentielle, le feu permit une maîtrise de l'environnement, illustration de l’accélération progressive du développement des techniques et de la vie sociale, spirituelle et culturelle de l’homme.
La néolithisation, moment capital de cette accélération, est l'ensemble des processus mis en œuvre au début de l'holocène (période succédant à la dernière glaciation), et qui ont abouti à une organisation de la société telle que nous la connaissons aujourd'hui.
Or, s'il est facile d'analyser les inventions techniques, il l'est beaucoup moins de cerner les mécanismes qui mettent en place une économie et des modes de relations sociales et intellectuelles nouveaux.

Le paléolithique final
Le contrôle des ressources alimentaires par l'homme ne s'est fait que très lentement. Ce n'est qu'à la fin de la période – quelques millénaires sur les milliers que compte l'ensemble du paléolithique – que l'accélération est manifeste.
La cueillette, la chasse et la pêche étaient des moyens efficaces de se procurer de la nourriture avec un minimum d'efforts. Peu nombreux, mobiles, n'occupant guère que les régions riches, les hommes du paléolithique se procuraient facilement ce dont ils avaient besoin.
Cependant, au paléolithique supérieur et final, on constate une modification de la situation : le grand nombre de sites connus illustre la forte croissance démographique, parallèle à l'amélioration climatique postglaciaire et aux innovations techniques.
Après la glaciation de Würm
Après la fin de la glaciation de Würm, vers − 10 000, l’amélioration climatique exceptionnelle ouvre d'immenses régions, riches en gibier et en produits de cueillette, à la colonisation humaine. On observe une véritable multiplication des armes de chasse et de pêche, notamment avec l'invention de l'arc, dont l'efficacité diminue le rôle de la collectivité dans la chasse au profit de celui de l'individu, ce qui va influer sur la taille des groupes.

La tendance générale est à la réduction de la dimension des outils (microlithisme) et à l'utilisation d'outils composites, c'est-à-dire formés de plusieurs pièces lithiques montées en série ; de nouvelles exigences technologiques apparaissent après une immense période de stabilité.
Les hommes du paléolithique final maîtrisent leurs activités avec un savoir-faire certain. La chasse se spécialise et devient saisonnière ; le territoire de chasse se réduit, d'autant qu'un intérêt certain est porté aux petites espèces et à l'intensification de la cueillette. De ce fait, le seuil de viabilité des groupes diminue, et ces derniers se limitent à une dizaine de personnes (famille nucléaire).

L'exemple natoufien
L'enracinement dans une région restreinte se consolide progressivement. L'exemple des Natoufiens au Proche-Orient, sans doute le groupe le mieux connu avant le néolithique, est caractéristique de ce phénomène. Leur culture (− 10500 à − 8200) s'étend d'Israël à la Syrie actuels. Les Natoufiens sont des chasseurs-cueilleurs ayant élargi leurs possibilités alimentaires : gazelles, oiseaux, poissons, tortues, céréales et légumes sauvages. S'ils ne sont pas à l'origine de la néolithisation, une partie de leur mode de vie l'annonce : sédentarisation partielle, réduction du territoire de chasse propre à chaque groupe (intensification de l'exploitation des ressources naturelles, liée à la croissance démographique), utilisation du matériel de broyage (transformation en farine de céréales sauvages), domestication du chien. Les Natoufiens construisent de petits hameaux faits de cases circulaires, et des fosses-silos. Les rites funéraires confirment cette identification à un territoire réduit. Le stockage des céréales sauvages aurait joué un grand rôle dans l'immobilisation du groupe.
Les Natoufiens ont donc une organisation double : les activités domestiques sédentaires se rapprochent du mode de vie néolithique, tandis que la recherche de la nourriture reste mobile, donc de type paléolithique. Il est possible que la raréfaction du gibier et des ressources en céréales sauvages autour des zones en cours de sédentarisation ait conduit à de nouvelles dispositions pour assurer une alimentation équilibrée.
Du prélèvement paléolithique à la production néolithique
Les sociétés de chasseurs-cueilleurs disparaissent plus ou moins rapidement au cours du néolithique, bien que la collecte, la chasse et la pêche subsistent. De nouvelles activités, essentiellement liées à une stratégie alimentaire différente, se développent.

La naissance de l’agriculture
La naissance de l'agriculture se confond avec la recherche de produits alimentaires nouveaux, ce qui comprend aussi les techniques permettant de les consommer, notamment la mouture et la cuisson. Mais les hommes se nourrissaient depuis longtemps de produits de la cueillette, en particulier de céréales sauvages (blé et orge au Proche-Orient, riz en Orient, mil et sorgho en Afrique sahélienne, maïs en Amérique). Le passage de la notion de cueillette à celle de culture implique un mode de pensée radicalement différent, et demande des connaissances précises : sélection des graines, semailles à une date précise, préparation du terrain en forme de champ, assolement, fumure, irrigation, stockage (greniers-silos), cuisine.
Des stades intermédiaires ont existé, en particulier, la protection des espèces végétales utiles, par la destruction des espèces nuisibles voisines, et de la sélection, consciente ou non, d'un certain type de plants.
Ainsi, la céréale sauvage se reproduit plus facilement quand ses graines se détachent aisément de l'épi. Or l'agriculteur a besoin de graines restant sur un épi solide et sur sa tige pour en récolter un maximum en un temps réduit. Il en va de même pour les légumineuses, dont le rôle est essentiel dès le début des pratiques agricoles. La sélection des caractères désirés, presque automatique, est certainement à l'origine de l'agriculture.

L’exemple du Croissant fertile
C'est au Proche-Orient que le mécanisme des origines de l'agriculture est le mieux connu. À partir de − 8000, en Syrie et en Palestine, des groupements humains se fixent, cultivent le blé et l'orge (qui y ont leur berceau sauvage) dans des zones relativement humides pour subvenir aux besoins d'une population plus importante que celle des groupes ayant conservé un mode de vie paléolithique. Progressivement, tout le Croissant fertile – de la Palestine à l'Anatolie et aux montagnes de l'ouest de l'Iran – voit s'implanter des villages agricoles ; l'irrigation permettra un peu plus tard la conquête des terres plus arides.

Les débuts de l’élevage
L'élevage participe de la même recherche d'aliments nouveaux que l'agriculture ; il consiste à faire se reproduire intentionnellement des animaux spécifiques en vue de leur valeur économique.
La chasse intensive de la fin du paléolithique, sur le territoire réduit de communautés en voie de sédentarisation, avait raréfié le gibier, et l'idée de le conserver sur pied avait fait son chemin. L'élevage, au début, fut sans doute nomade, et l'homme se pliait au rythme physiologique et saisonnier de ses animaux. Son intervention se limitait probablement à un abattage sélectif pour équilibrer le potentiel de reproduction du troupeau. Cette stratégie n'est déjà plus celle du simple chasseur. Cependant, le terme d'« élevage » ne sera utilisé qu'à partir du moment où l'homme agit sur la reproduction du troupeau.

Le Proche-Orient n'est pas le seul centre ancien de domestication : le Sahara égyptien a vu la domestication du bœuf, peut-être aussi tôt qu'au Proche-Orient ; l'Asie, celle de divers bovins, du porc, du mouton et de la chèvre ; l'Amérique andine, celle de l'alpaga et du lama.
L'accompagnement technique
L'arc et la flèche, inventés à la fin du paléolithique, ont joué un rôle essentiel au néolithique, où la chasse reste une activité fondamentale. Mais les autres inventions sont liées aux nouveaux modes de vie : matériel de broyage, hache polie, destinés au défrichement des forêts primaires ; abattage et taille du bois pour la construction des maisons, le chauffage, la cuisson des poteries et des aliments, la fabrication des manches d'outil, faucille, et surtout pour la poterie.

L'importance de la poterie
La poterie est une invention capitale, permettant à elle seule la généralisation du mode de vie néolithique ; elle facilite considérablement le stockage (graines, liquides, farine), ainsi que la cuisson à l’eau, base de la cuisine néolithique. La poterie a été inventée en différentes régions du monde : au Japon, il y a plus de 12 000 ans ; au Sahara, vers − 7500 ; au Proche-Orient, où elle ne s'impose vraiment que vers − 6000 ; et donc bien après les premières expériences de sédentarité, d'élevage et d'agriculture ; enfin, plus récemment, en Amérique du Sud.
Le rôle de la poterie est également culturel : son abondance, la variété des techniques de fabrication, des formes et des décors en font un élément fondamental de distinction entre les cultures ; bien souvent, celles-ci sont désignées par leur poterie, comme le rubané (céramique linéaire occidentale) ou le cardial (culture à céramique cardiale) en Europe.

La société
L'économie nouvelle implique une organisation sociale plus stricte afin d'assurer une meilleure solidarité à l'intérieur de groupes devenus beaucoup plus nombreux et entre eux.
Le fait le plus ancien est la sédentarisation, qui n'est pas une conséquence de l'agriculture car elle la précède.
Les premiers villages
En effet, la sédentarisation débute à l'époque des derniers chasseurs-cueilleurs paléolithiques. Dès le Xe millénaire existent en Palestine des protovillages, avec des cabanes rondes de 3 à 4 m de diamètre, et parfois plus, dont l'usage paraît diversifié (habitat principal et stockage).
Au néolithique précéramique, l'industrie du silex se dégage du microlithisme ; de véritables murs, ainsi que les divisions internes des cabanes rondes, apparaissent. À Jéricho, des constructions monumentales – tours, remparts – montrent déjà une maîtrise certaine.
Plus tard, le plan rectangulaire témoigne d'une organisation sociale plus complexe, où chaque famille dispose d'une habitation unique aux pièces spécialisées. N'ayant plus à se déplacer longuement, l'homme organise son espace de manière plus durable, et les villages regroupent des dizaines de maisons. L'exemple de Çatal Höyük, en Turquie, vers − 6000, est le plus significatif ; ce village (qui s’étendait, à son apogée, sur une douzaine d’hectares) a pu compter jusqu'à 5 000 habitants.

De nouveaux comportements sociaux
La sédentarisation est liée à de nouveaux comportements sociaux et économiques, et va de pair avec une spécialisation : éleveurs, agriculteurs, artisans, chasseurs. Certains se fixeront au village, d'autres parcourront le terroir.
Peu à peu, les groupes égalitaires, caractéristiques des chasseurs-cueilleurs, font place aux sociétés hiérarchisées, où certains individus joueront un rôle social plus important.
Les débuts de cette évolution sont difficiles à cerner au néolithique ancien : les premiers villages ne montrent pas d'exemples de hiérarchisation des maisons, tant au Proche-Orient que, plus tard, en Europe.
De même, l'art rupestre saharien ne met en valeur les différences sociales qu'à l'extrême fin de la période.

Au VIe millénaire, l'apparition de bâtiments exceptionnels – demeure de chef, maison commune, sanctuaire – est certainement liée au développement de l'agriculture. Mais à cette époque la néolithisation est achevée, ou en voie de l'être, au Proche-Orient.
De nouveaux éléments culturels
Plus probante est l'apparition de nouveaux éléments culturels, dont le rôle pourrait être essentiel dans la naissance du néolithique.
Les hommes du paléolithique montraient déjà un sens religieux tout entier tourné vers la nature, et qui ne semble pas faire référence à des divinités. On pouvait exalter, comme en Europe occidentale dans l'art pariétal (ou rupestre), des couples animaux (cheval-renne ; aurochs-bison) sans qu'il y ait de dieu animal. La représentation humaine était rare, à l'exception des vénus, statuettes en ivoire ou en pierre tendre du paléolithique supérieur.
Mais au Proche-Orient apparaissent vers − 8000 des statuettes représentant surtout des femmes et des taureaux, à un moment où l'agriculture en est à ses premiers balbutiements et où la céramique est absente. À Mureybet (Syrie), où l'élevage n'apparaît que vers − 7000, des crânes de taureaux sauvages sont scellés dans les murs des maisons.

La relation entre la femme et le taureau, c'est-à-dire l'alliance de la fécondité et de la force, ne constituerait sans doute pas les prémices idéologiques de l'agriculture et de l'élevage ; ce thème est en effet partout présent au Proche-Orient, dans des contextes culturels différents, et l'une de ses représentations les plus spectaculaires est la femme de Çatal Höyük accouchant sur un trône, entourée de panthères ; liée aussi au taureau, elle symbolise la vie et la mort, la bienveillance et la destruction. Ce thème sera classique en Mésopotamie et en Grèce préhellénique.
Les communautés néolithiques – premières sociétés paysannes – ont développé des idées religieuses orientées vers les préoccupations agraires : culte de la fertilité et de la régénération annuelle de la végétation, culte des morts et de l'identité communautaire dans le terroir. Ce sont là les origines des religions modernes.
Les causes et les mécanismes de la néolithisation

La néolithisation est-elle d'origine économique, sociale ou culturelle ? Longtemps les historiens ont cru que l'invention de l'agriculture et de l'élevage définissait le phénomène, mais on sait aujourd'hui qu'il n'en est rien.
La théorie des oasis
Selon cette théorie, l'origine de la néolithisation, au Proche-Orient, serait à rechercher dans une oscillation climatique aride qui aurait contraint les animaux et les hommes à se rapprocher de l'eau.
La domestication aurait été facilitée par ce côtoiement. Il s'agirait donc d'une pression écologique négative, conduisant à une économie nouvelle. Cette théorie n'a pas été confirmée par les faits, puisque les conditions climatiques étaient bonnes à l'époque et que les premières manifestations de la néolithisation n'ont pas été économiques, mais sociales et culturelles.

Les activités économiques
La sédentarisation ainsi que de nouveaux comportements intellectuels ont largement précédé l'agriculture et l'élevage. Cela est valable tant au Proche-Orient qu'au Japon et au Sahara. Les nouvelles activités économiques seraient donc plutôt une conséquence de la néolithisation. Elle serait en outre à la base de l'apparition progressive de l'agriculture et de l'élevage, de la familiarité toujours plus grande des hommes avec les plantes et les animaux, qui a conduit à de nouveaux rapports avec la nature.
Les facteurs sociaux et culturels
La sédentarisation, antérieure au néolithique, est fondamentale puisqu'elle débute dans un milieu où le mode de vie est fondé sur la chasse et la cueillette. Mais la croissance démographique ne va jouer un rôle essentiel que lorsque la néolithisation est pleinement engagée – c'est-à-dire au moment où une initiative humaine décide de consacrer un maximum d'énergie à certaines plantes (céréales, légumineuses) et à certains animaux (chèvre, mouton, porc, bœuf).

Les sociétés de chasseurs-cueilleurs, tout comme les premières sociétés paysannes, sont égalitaires, et quand les tensions internes deviennent trop fortes, le groupe essaime.
Or, au Proche-Orient, cela ne se produit pas ; le groupe a trouvé une solution aux éventuelles contradictions en créant de nouveaux rapports sociaux, et l'exploitation du milieu naturel par le biais de l'agriculture serait une de ces réponses.
La possible domination de la nature par l'homme
L'économie néolithique conduit à la division du travail et à l'économie de production ; cette mutation va progressivement modifier l'organisation sociale du groupe. D'ailleurs, l'évolution de la maison, qui de la case ronde passe à la maison rectangulaire à plan complexe et celle du village, qui évolue vers un groupe de maisons identiques et une hiérarchisation de l'habitat, épouse celle de l'économie.
L'importance du changement culturel se produisant au Proche-Orient, dans un milieu favorable, vers − 8000, est indéniable. La néolithisation aurait pour origine une initiative réfléchie de l'homme de la fin du paléolithique, qui prend peu à peu conscience de ses capacités à dominer la nature, alors même que celle-ci est sans doute encore capable de le nourrir, malgré un début de croissance démographique. Le changement de cap religieux, bien cerné au Proche-Orient, est la plus claire illustration du rôle de ces multiples facteurs spirituels.

Un phénomène lent et souvent partiel
Chacun des motifs évoqués peut être considéré comme une cause et une conséquence des mécanismes de la néolithisation. L'archéologie montre que celle-ci a été lente et souvent partielle : l'homme a pris ce qui lui convenait en manipulant les milieux végétal et animal par une succession de choix opportunistes.
Quelques exemples sont particulièrement probants : la céramique est bien plus ancienne au Japon et au Sahara central qu'au Proche-Orient ; au Japon comme au Sahara, l'agriculture est très nettement postérieure à la céramique, alors que c'est le contraire au Proche-Orient et en Amérique ; dans la vallée du Nil et au Sahara égyptien, l'élevage est antérieur à l'agriculture.
La chronologie de la néolithisation (invention, puis diffusion) illustre l'impossibilité de définir un processus unique d'apparition du néolithique.

Les centres de néolithisation
Si le natoufien n'est pas la première phase de la néolithisation au Proche-Orient, il présente déjà certains éléments caractéristiques, notamment l'habitat et le matériel de broyage.
Un peu plus tard apparaissent la pointe de flèche (transformation de la chasse) et les premières figurines féminines (nouveauté idéologique).
Au néolithique précéramique naissent les principaux éléments de la néolithisation dans trois régions : la plaine de Damas, le moyen Euphrate et la vallée du Jourdain.
À Mureybet, vers − 8000, il existe un village de maisons rondes accolées les unes aux autres, avec des toits en terrasse. L'agriculture n'est pas encore pratiquée, mais les céréales sauvages sont déjà utilisées. Seuls les gros mammifères sont chassés, et la pêche n'est plus pratiquée. La stratégie alimentaire diffère donc de celle du natoufien, où le milieu était exploité de manière indifférenciée.
À Tell Aswad, près de Damas, une véritable agriculture (blé, pois, lentilles, orge) existe dès − 7800, alors que le blé sauvage ne pousse pas autour du village, ce qui démontre une invention extérieure. Dans la région, l'agriculture (− 8000 à − 7000) est donc antérieure à l'élevage (− 7000 à − 6000), sauf au Zagros.
La céramique se généralise vers − 6000, alors que la néolithisation est achevée, même si certains groupes sont moins avancés que d'autres.
Le Sahara égyptien
Les habitants de la vallée du Nil, vers − 10 000, sont des chasseurs-cueilleurs. À l'époque, le Sahara, où s'achève une longue période aride, est vide ; il commence à se peupler vers −8000, à partir de la vallée, où la néolithisation débute, vers − 7000, par l'élevage bovin.
L'agriculture (blé, orge) n'apparaît que vers − 6100. Des villages sont attestés à la même époque. Dans la vallée, en retard par rapport au Sahara, l'agriculture n'apparaît pas avant − 4000.
L'économie de production et les nouvelles structures sociales y ont été le fait, au moins en partie, des pasteurs du désert occidental, contraints de quitter le Sahara en voie de désertification.

Le Sahara central
Dans les montagnes du Sahara central s'installe, vers − 7500, un centre autonome de néolithisation. La céramique, le matériel de broyage, la hache polie et l'arc y sont déjà présents, ce qui implique une origine plus ancienne. La chasse, la pêche et la cueillette sont les activités principales. L'agriculture pourrait débuter dès cette époque, en revanche, l'élevage n'apparaît pas avant le Ve millénaire. Mais on ignore s'il s'agit d'une domestication locale – le bœuf sauvage existe, mais pas la chèvre, ni le mouton – ou d'une importation en provenance du Sahara oriental.
L'Afrique du Nord et le reste du Sahara connaîtront une néolithisation progressive, qui sera plus tardive au Sahel. Plus au sud, il existe d'autres foyers de néolithisation, en particulier autour du golfe de Guinée et au Soudan. L'Afrique australe et orientale ne connaîtra l'agriculture et surtout l'élevage que vers le début de notre ère, en même temps que le métal.

L'Europe
La néolithisation de l'Europe, de la Grèce à l'Atlantique, est liée à une diffusion d'idées et à une colonisation. Dans le premier cas, il y a acculturation progressive de groupes qui perdent lentement leur identité ; dans le second cas, les colons néolithiques réduisent, sous la pression démographique, les territoires des derniers chasseurs.
L'idée d'une colonisation-invasion massive et rapide n'a plus cours aujourd'hui ; l'acquisition des caractères du néolithique ne s'est pas faite d'un bloc, et les échanges entre premiers fermiers et derniers chasseurs ont dû être nombreux. Ainsi, dans le midi de la France, le mouton est présent avant la poterie et l'agriculture. Ailleurs, la céramique a parfois précédé les nouvelles activités économiques.
Quoi qu'il en soit, l'apparition de l'agriculture et de l'élevage marque en Europe un retard sur la néolithisation au Proche-Orient ; il faudra plusieurs millénaires avant que les îles Britanniques et la Scandinavie ne soient touchées. Cela représente une lente migration des idées et des hommes, d'environ 25 km par génération, selon deux axes – l'un méditerranéen, l'autre danubien – et qui a réduit peu à peu la part des derniers chasseurs, avant leur disparition définitive.
Le premier néolithique européen comprend donc une société égalitaire, peu différenciée, et une agriculture itinérante.
Le néolithique ancien de la Méditerranée occidentale est caractérisé par sa céramique cardiale. Les influences néolithiques ont longé les côtes, acculturant peu à peu les groupes de chasseurs. La progression se poursuit le long de l'Atlantique jusqu'à la Vendée. La colonisation a probablement été moins importante que la diffusion des idées dans des groupes pratiquant de manière intensive la chasse et la récolte des légumineuses.
L'économie s'adapte aux biotopes méditerranéens, qu'elle dégrade rapidement. L'agriculture débute vers − 4900 en Provence, mais l'élevage du mouton est présent sur le littoral français dès − 6000.

L'Extrême-Orient
La Chine a vécu une néolithisation précoce, encore mal connue. Cette immense région possède une grande variété de climats, qui a permis toutes les combinaisons d'expériences. La Chine du Nord, autour de la vallée du fleuve Jaune, a cultivé le millet dès − 5500. Le porc, la poule, le chien sont domestiqués ; par contre, le bœuf et le mouton ne jouent qu'un rôle mineur. Au sud, la culture du riz est presque aussi ancienne : le village de Hemudu est daté de − 5000 à − 4700 environ.

La néolithisation s'étend, au Japon, sur une très grande période. Dès − 10 000, les chasseurs-cueilleurs se sédentarisent et fabriquent la poterie la plus ancienne du monde.
L'outillage lithique comprend, outre une tradition paléolithique, la hache polie, le matériel de broyage, l'hameçon et le poids de filet. L'arc date de − 9000, au moment où le microlithe est abandonné. Les premières cultures (sarrasin, courge, légumineuses, mûrier) datent de − 4600.
Les espèces domestiques ont été importées de Chine, ainsi que le riz, cultivé vers − 1400 seulement.
Les Amériques
La néolithisation y est un phénomène parfaitement autonome. Les milieux écologiques y sont encore plus variés que dans l'Ancien Monde. Ainsi, au Pérou, la domestication des plantes débute sur les hautes terres avec le haricot et la courge. Le maïs apparaît vers − 5500, la pomme de terre plus tard encore ; la domestication de l'alpaga et du lama se fait vers − 4500 et va jouer un rôle essentiel.
Mais, dans un premier temps, le mode de vie ne change guère : les hommes continuent à suivre les déplacements saisonniers des animaux. Sur le littoral, la sédentarisation est antérieure à l'économie néolithique ; l'économie agropastorale ne prédomine que vers − 2500. La céramique, qui apparaît à cette époque, joue un rôle plus modeste que dans l'Ancien Monde.
Au Mexique, la culture du maïs débute vers − 5700, et le coton est connu vers − 5000. Cependant, dans le bassin de Mexico, où les ressources naturelles sont accessibles toute l'année dans une même zone, la sédentarité date de − 6000, et précède largement l'agriculture.

Aux origines du monde actuel
La néolithisation se produit dans diverses régions du globe : Proche-Orient, Extrême-Orient, Sahara, Amériques. Des centres secondaires ont existé, à des époques très variées, et ont pu bénéficier d'expériences antérieures.

La néolithisation, qui s'étend sur des milliers d'années, est à la fois l'invention du néolithique et sa diffusion. Ce terme désigne en fait un niveau dans l'évolution de la société humaine, malgré les écarts chronologiques et la variété des formes. On comprend qu'il ne puisse être univoque, comme le montre l'importance des caractères partiels réversibles (première invention de la poterie sans lendemain au Proche-Orient, vers − 8000) ou atypiques, par exemple la disparition du néolithique au Sahara pour une raison de même nature que celle qui a provoqué son apparition : une crise climatique, humide au début et aride à la fin.

Mais le résultat de la néolithisation est identique : la croissance économique et démographique ainsi que les processus mentaux ont entraîné des modes de vie et des besoins nouveaux. Deux facteurs sont essentiels : l'un matériel – l'économie de production –, l'autre mental – le souci constant d'innover qui anime l'homme et qui fait suite à sa volonté de se situer désormais au centre de la nature, et non plus immergé en elle.
Le mouvement est allé en s'accélérant : l'invention de la ville, de l'État, de l'écriture, des grandes religions, de la guerre et de la métallurgie en découle directement. Enfin, la néolithisation a provoqué la première crise écologique de la Terre : la déforestation, attestée très tôt par l'archéologie, conduisit à une dégradation des sols dans nombre de régions, et à des modifications climatiques encore mal évaluées.
La néolithisation a-t-elle été une « révolution », comme l'a écrit le préhistorien britannique Gordon Childe ? Le terme a été encensé, puis banni. Mais les transformations ont véritablement été radicales, même si elles ont pris dans certains cas des millénaires – ce qui, tout compte fait, n'est qu'un bref instant à l'échelle des temps préhistoriques (→ préhistoire).

Après la fin de la dernière glaciation, celle de Würm, une multitude d'inventions techniques et de comportements nouveaux ont provoqué une rupture définitive entre l'homme du paléolithique et celui du néolithique, même si le mode de vie antérieur ne disparaît pas totalement. La rupture est en fait celle de l'homme avec la nature, dans laquelle il se fondait jusque-là.


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ARCTIQUE

 

 

 

 

 

 

 

Arctique ou régions arctiques


Ensemble formé par l'océan Arctique et la région continentale et insulaire (terres arctiques) située à l'intérieur du cercle polaire arctique. Les terres continentales englobent le nord de l'Amérique, de l'Europe et de la Sibérie. Les régions insulaires sont : l'archipel canadien ; le Groenland (Danemark) ; le Svalbard (Norvège) ; la Novaïa Zemlia (Nouvelle-Zemble), la terre François-Joseph, la Severnaïa Zemlia (Terre du Nord) et les îles de Nouvelle-Sibérie (Russie).


Arctique
Le climat, très froid, permet cependant, localement, l'existence d'une maigre végétation (toundra) et d'une faune terrestre et marine. Les groupes humains (Inuits, Lapons, Samoyèdes) sont très dispersés et vivent surtout de la chasse, de la pêche et de l'élevage.
Aujourd'hui, la fonte rapide de la banquise, liée au changement climatique, modifie la zone dans cette zone stratégique : les perspectives d'exploitation de ressources minérales et stratégiques potentiellement importantes et d'ouverture de nouvelles routes maritimes attisent le compétition entre États de la région.
1. Le cadre physique


Contrairement à l'Antarctique, l'Arctique est composé d'un océan limité de terres continentales, mais le froid – moins intense, toutefois, qu'au pôle Sud – joue un rôle tout aussi déterminant sur le milieu. La glace est présente sous deux formes : la glace d'eau douce des glaciers continentaux et la glace de mer de la banquise, formée d'eau salée. On peut estimer la superficie totale à environ 18 millions de kilomètres carrés pour un rayon de 2 400 km.
Le mot Arctique, du grec arktos (« ours »), fait référence à la constellation de la Grande Ourse, très visible dans le ciel arctique.
1.1. Les terres fermes


L'Arctique englobe presque tout le Groenland, la plus grande île du monde après l'Australie, et les parties septentrionales de la Russie, du Canada, des États-Unis (Alaska), de la Finlande, de la Norvège et de la Suède. Les plus grandes îles sont canadiennes : les îles de Baffin, de Banks, du Prince-de-Galles et Victoria, ainsi que celles de l'archipel de la Reine-Élisabeth, qui abrite le pôle nord magnétique et comprend les îles Melville, Devon, Axel Heiberg et l'île Ellesmere, pour les principales. Au nord-est du Groenland, l'archipel de Svalbard, qui comprend le Spitzberg, est une dépendance du royaume de Norvège. Les archipels François-Joseph, à l'est du Spitzberg, de la Novaïa Zemlia (Nouvelle-Zemble), celui de la Nouvelle-Sibérie et l'île Vrangel appartiennent à la Russie. Bien que l'on considère le cercle polaire arctique comme limite de la zone arctique, certains proposent l'isotherme + 10 °C en juillet : cet isotherme se calque sur le cercle polaire en Eurasie, mais descend plus au sud en Amérique.
Si les îles portent un grand nombre de grands glaciers, le seul inlandsis – ou calotte glaciaire – de la zone arctique est celui du Groenland. Le volume de glace que porte cette vaste coupole (1 850 000 km3) est cependant onze fois moins important que celui de l'inlandsis antarctique. La plupart de ces glaciers, qui se terminent par des langues étroites et épaisses, déversent dans la mer de gigantesques pans de glace, dont la hauteur varie entre 2 m et 50 m : c'est de là que se détachent les icebergs.
1.2. L'océan Arctique


L'océan Arctique, le plus petit du monde, occupe un bassin subcirculaire couvrant environ 12 millions de kilomètres carrés. Il est limité par l'Eurasie, l'Amérique du Nord et le Groenland. Le détroit de Béring le relie à l'océan Pacifique et la mer du Groenland à l'océan Atlantique. La majeure partie de l'océan Arctique est recouverte de glaces : la banquise. Celle-ci n'est pas une masse immobile : une partie est attachée à la côte, alors que le pack mobile – dont l'épaisseur moyenne est de 1,50 m – dérive lentement sous l'action des vents et des courants. Durant les longs hivers, une couche de glace, d'une épaisseur de 5 à 7 m, dérive dans la partie centrale. En empêchant l'eau de mer de se solidifier, elle joue le rôle d'un isolant. Quelles que soient les conditions ambiantes, l'épaisseur de la banquise reste donc limitée.

1.3. Le climat polaire


Aux hivers arctiques longs et froids s'opposent les étés courts et frais. Cette région reçoit, en effet, peu de rayonnement solaire en raison de son inclinaison par rapport à la zone intertropicale (où le soleil est au zénith). En hiver, le soleil n'apparaît jamais (au pôle Nord, cette saison dure théoriquement six mois). Les températures sont le plus souvent inférieures à − 10 °C, et n'approchent 0 °C au pôle Nord qu'en juillet et août.
Le froid qui sévit pendant le long et rigoureux hiver (moyennes mensuelles souvent inférieures à − 10 °C ou même − 20 °C) conditionne toute la vie. Il explique : la présence d'un sol gelé jusqu'à une grande profondeur, même sous les fonds marins ; la durée du manteau nival ; l'importance d'une banquise (palustre, lacustre, fluviale et côtière) interdisant l'écoulement superficiel pendant près de 200 jours par an ; la persistance d'inlandsis (au Groenland) et de calottes insulaires (Spitzberg, île de Baffin, etc.) dont les émissaires donnent naissance à des icebergs de petites dimensions.
Le cœur de l'Arctique est le siège d'un anticyclone qui confère une certaine aridité à cette région. Véritable désert froid, elle ne reçoit – sauf exceptions localisées – que 250 mm de précipitations annuelles en moyenne, le plus souvent sous forme de neige. Cependant, des perturbations atlantiques remontent les côtes toute l'année en apportant vents, brouillards et neiges. La présence de l'inlandsis du Groenland et l'important volume de glaces océaniques contribuent à maintenir des températures froides tout au long de l'année, bien que les franges côtières se réchauffent quelque peu durant le court été.
Des températures minimales atteignant − 70 °C ont été enregistrées au Groenland et à Verkhoïansk, en Sibérie. Bien que les vents arctiques soient moins fréquents et moins puissants qu'au pôle Sud, les zones côtières peuvent être balayées par des tempêtes.
La nuit polaire dure environ cinq mois, puis vient une période de un mois où le jour et la nuit sont en alternance. Au début, les jours sont très courts, puis ils s'allongent progressivement pour durer 24 heures : c'est alors que commence le jour polaire, qui dure environ cinq mois. Ce schéma est totalement inversé en Antarctique, l'autre terre polaire.
1.4. L'hydrologie
En été, les eaux de fonte des neiges, des glaces et des sols, sont grossies par les crues brutales des fleuves venant du sud. Pendant la débâcle de juin, l'Ienisseï débite à Igarka 78 500 m3s, moins de 8 semaines après les maigres qui n'ont transporté que 4 000 m3s sous la glace. Plaines fluviales et maritimes sont alors transformées en un immense champ de boue semé de marais et de lacs, où divaguent des fleuves larges comme des bras de mer (l'Ob et l'Ienisseï inondent leurs vallées sur une largeur de 40 à 50 km). Les embouchures, héritées de la transgression flandrienne, ont des dimensions impressionnantes et des contours incertains, semés de lagunes et de hauts fonds. L'Ob possède le plus long estuaire du monde (800 km), encombré de deltas et de barres instables ; ses eaux sont soumises à de fortes variations de vitesse et de niveau occasionnées par les sautes de vent et le renversement de la marée. Le delta de la Lena est parcouru par une multitude de bras divagants.
1.5. Le monde vivant
Seuls de rares arbres, de petite taille, peuvent résister au gel et à la débâcle. Les plantes arctiques possèdent de courtes racines en raison du permagel. Une flore éphémère, dont la durée de vie ne dépasse pas un mois, apparaît lors du bref été. Les variétés génétiques sont rares, en raison de l'imperméabilité du sous-sol et de l'intensité de la cryoturbation. La reproduction est le plus souvent asexuée et l'autopollinisation prédominante.


Le monde animal est représenté, notamment, par l'ours polaire, le caribou, le renne et le bœuf musqué. La plupart de ces espèces migrent en vastes troupeaux à travers la toundra à la recherche de leur nourriture. Parmi les petits mammifères terrestres, on note la présence d'animaux tels que le rat d'eau, le lemming, la belette, l'hermine, la martre, la zibeline, le renard, l'écureuil et le lièvre.


Les mammifères marins comme le narval, le morse, le phoque, l'otarie et le lion de mer effectuent également d'importantes migrations. En revanche, des poissons tels que la morue, le saumon et l'omble peuvent vivre toute l'année sous la banquise arctique, où ils trouvent une riche faune benthique. Des insectes pullulent et possèdent la particularité de pouvoir se congeler à tout moment en attendant de meilleures conditions climatiques. En l'absence de prédateurs, en particulier de reptiles, l'abondance des insectes en hiver fait de la toundra un milieu très favorable à la nidation au sol des oiseaux. Parmi ces derniers, bécasses, pluviers, lagopèdes, grues, hiboux, alouettes, pinsons et quelques faucons sont les plus représentés.


À l'approche de l'hiver, la plupart des mammifères emmagasinent des réserves de graisse (la couche de graisse du caribou peut, par exemple, atteindre un sixième de son poids). Accumulateur d'énergie, la graisse constitue également une excellente isolation. Si le phoque poilu et le morse ne sont pas enveloppés d'une épaisse fourrure, ils sont protégés, comme les cétacés, par une épaisse couche de graisse.


La couleur blanche est une dominante de la plupart des animaux arctiques. Certains gardent leur pelage ou leur plumage blanc toute l'année, comme l'ours polaire et le hibou des neiges, tandis que d'autres, tel le renard arctique, en changent avec l'été.
En été, le renouveau de la végétation est suffisant pour produire la reprise des migrations animales : de la taïga montent les bœufs musqués et les caribous vers le Grand Nord canadien ; les oies et les canards viennent, avec les moustiques, peupler les lagunes et les lacs de la plaine sibérienne. Dans les eaux marines dégagées des glaçons et enrichies par les crues, le jour quasi continu entretient une intense floraison planctonique qui profite aux poissons et aux animaux supérieurs (phoques, morses et diverses espèces de baleines). C'est la période d'une brève pêche côtière, traditionnelle ou industrielle.
2. Les hommes et les activités
Ces ressources rudimentaires furent exploitées par les peuples hyperboréens dès que le retrait des glaces permit leur installation. L'Arctique accueille de longue date des hommes, dont les Esquimaux (ou Inuit), peuple d'origine mongole, qui ont développé la plus fameuse civilisation. Ils ont colonisé l'Arctique depuis l'Asie, il y a 10 000 ans. Leur vie fut longtemps dépendante de la pêche et de la chasse aux phoques, morses, baleines et caribous. Les formes traditionnelles de l'élevage, de la chasse et de la pêche ont subi de profonds bouleversements et ne se maintiennent en l'état qu'en quelques secteurs reculés.
Les Lapons, peuple d'origine finno-ougrienne, sont présents dans le nord de la Norvège, de la Suède et de la Finlande, et dans le nord-ouest de la Russie (ces différents territoires constituant la Laponie). Principalement chasseurs de rennes à terre et pêcheurs le long des côtes, les Lapons ont développé ces dernières années des activités sédentaires, comme l'élevage du renne.
Les zones arctiques de la Russie sont occupées par de nombreux groupes ethniques, dont un petit groupe d'Esquimaux (en Sibérie orientale), de Samoyèdes et de Iakoutes.
La plupart de ces groupes ont été sédentarisés en de gros villages, comme sur les côtes du Groenland et de l'Alaska. D'autres ont été contraints de s'embaucher dans les divers centres où la vie industrielle et commerciale est parvenue à se développer en dépit des conditions hostiles. Ils y côtoient de riches travailleurs, employés dans les bases militaires ou minières, ce qui les incite à adopter leur mode de vie. Des centres miniers ont été établis sur les gisements de charbon (Vorkouta et Kolyma en Russie ; Spitzberg), d'hydrocarbures (bassin de la Petchora ; Prudhoe Bay), de minerais rares (Grand Nord canadien, Groenland), de fer (Labrador). Des villes ont été créées autour des anciens postes coloniaux ou des villages de pêcheurs égrenés le long des grandes voies navigables. Des stations jalonnent les axes de pénétration routière (route de l'Alaska) ou ferroviaire (Russie, Labrador). Des ports de commerce ont été établis principalement en Russie le long de la route maritime du Nord-Est où, pendant le bref été, une circulation se fait en convois précédés de brise-glace à propulsion nucléaire. Des aéroports et bases militaires ont été créés, enfin, en raison de l'importance stratégique des régions arctiques.
3. L'exploration de l'Arctique

2010 : le français Jean-Louis Étienne réussit la première traversée de l'Arctique en avion, en survolant le pôle Nord.
Situés à proximité des bases de départ de grands navigateurs, les Vikings, les parages des régions arctiques ont été atteints très tôt : dès 982, Erik Thorvaldsson, dit Erik le Rouge, exilé d'Islande, aborde la côte sud-ouest du Groenland et entreprend peu après la colonisation d'un secteur littoral de cette terre, sans doute un peu moins froide qu'aujourd'hui. Mais, après le déclin et l'oubli de cette mise en valeur, il faudra attendre l'ère des grandes découvertes et de puissants impératifs commerciaux pour que l'Arctique soit abordé dans l'optique de la recherche géographique.
Si, pour les régions australes, la géographie ancienne a longtemps nourri le mythe d'un continent s'étendant jusqu'aux latitudes moyennes, pour l'Arctique, en revanche, on a plutôt espéré que la terre ferme était éloignée du pôle. Ceci pour résoudre à bon compte le grand problème de la navigation à l'aube des temps modernes qui était la recherche d'une voie rapide vers l'Orient fabuleux. La découverte de l'Arctique a donc été liée d'abord à la reconnaissance des deux « passages » maritimes vers l'Asie, au nord-ouest et au nord-est de l'Europe occidentale.
La découverte de l'Arctique a procédé de deux modalités : par la terre, avec l'avancée des Russes en Sibérie et des découvreurs dans le grand Nord canadien et l'Alaska ; par la mer, avec la recherche de deux grands passages, le Nord-Ouest et le Nord-Est, qui devaient ouvrir aux navires d'Europe des voies nouvelles, raccourcies, vers l'Asie. L'exploit sportif de Peary couronnera le tout avec la conquête du pôle proprement dit.
3.1. La Sibérie arctique
À partir de la fin du xvie s., les Cosaques, refoulés de Russie, s'avancent dans les immensités sibériennes, plaçant sous leur servitude les rares populations qu'ils rencontrent. Avec Semen Ivanovitch Dejnev (vers 1605-vers 1672), ils explorent dès 1648 les rives du détroit de Béring. Le Kamtchatka est conquis en 1697. Enfin, juste avant sa mort, Pierre le Grand organise une expédition de découverte, la plus importante de son temps. Il en confie la direction au Danois Vitus Bering (ou Behring) [1681-1741]. L'avant-garde part de Saint-Pétersbourg en 1725 ; le dernier échelon ne sera de retour qu'en 1733. L'essentiel des efforts est consacré au littoral de la Sibérie. Semen Ivanovitch Tcheliouskine, en particulier, atteint en traîneau la pointe nord du continent, formée par le cap auquel sera donné son nom (1742). Au même moment, Dmitri Iakovlevitch Laptev cartographie le littoral dans la région de l'embouchure de la Iana. Par la suite, les recherches ne reprennent activement qu'au xixe s. En 1821, 1822 et 1823, Ferdinand Petrovitch Wrangel (ou Vrangel) [1797-1870] effectue trois pointes vers le nord, sur la banquise bordant la Sibérie orientale : il dépasse 72° de latitude. En 1843, Aleksandr Fedorovitch Middendorf (1815-1894) explore la péninsule de Taïmyr ; de 1868 à 1870, Maysel reconnaît le bassin de la Kolyma ; en 1891, enfin, Ivan Dementevitch Tcherski (1845-1892) visite les régions drainées par la Iana, l'Indiguirka et la Kolyma.
3.2. Le passage du Nord-Est
À l'initiative de Sébastien Cabot, qui était le gouverneur de la Société des marchands aventuriers, une expédition anglaise de trois navires prend le départ en 1553 vers le nord-est pour rechercher une liaison nouvelle vers la Chine qui permette d'échapper au contrôle du trafic par les Ibériques. Seul le navire commandé par Richard Chancellor (mort en 1556), qui atteint la mer Blanche, en réchappe, entamant le négoce avec la Moscovie. Son ancien pilote, Stephen Burrough, parvient à la Nouvelle-Zemble en 1556. Le Hollandais Willem Barents (ou Barentsz) [vers 1550-1597] poursuit la recherche et double la Nouvelle-Zemble par le nord. En 1596, il découvre le Spitzberg, qu'il prend en fait pour le Groenland, puis doit hiverner près du littoral oriental de la Nouvelle-Zemble et meurt d'épuisement sur le chemin du retour (c'était alors le premier hivernage effectué par des Européens dans l'Arctique). Au cours du xviie s., les Russes font faire des progrès décisifs à la connaissance de la Sibérie, mais la localisation de la voie maritime attendra le xviiie s.. En 1735, Mouravev et Pavlov pénètrent de nouveau dans la mer de Kara. En 1737, l'embouchure de l'Ob est atteinte par Stepan Gavrilovitch Malyguine (mort en 1764) et A. Skouratov. Ces parages ne seront de nouveau visités, par mer, que par le Norvégien Johannesen, en 1869. Adolf E. Nordenskjöld (1832-1901) gagne l'embouchure de l'Ienisseï en 1875. Il contourne le cap Tcheliouskine sur la Vega et hiverne près de l'embouchure de la Lena (1878-79). Franchissant le détroit de Béring pendant l'été de 1879, il ouvre ainsi le passage du Nord-Est. Les limites septentrionales en seront précisées par la découverte, due à Boris Andreïevitch Vilkitski (1885-1961), de l'archipel de la Terre du Nord, la Severnaïa Zemlia (1913-1914). Mais c'est seulement avec l'instauration du pouvoir soviétique que la route maritime du Nord, longue de 4 500 km, commence à jouer un rôle capital dans la mise en valeur de l'Arctique sibérien : le cabotage qu'elle connaît chaque année pendant une dizaine de semaines n'est possible que grâce à de puissants brise-glace. Le Lénine sera le premier navire de ce type à utiliser la propulsion nucléaire.
3.3. Le grand Nord américain
Dans la foulée des grandes expéditions sibériennes, les Russes sont amenés à étudier l'Alaska et les Aléoutiennes dès 1741 avec Georg Wilhelm Steller (1709-1746), un Allemand à leur service. Pendant toute la première moitié du xixe s., ils jouent le rôle essentiel dans la reconnaissance de l'intérieur de cette immense région, qui ne sera rachetée par les États-Unis qu'en 1867 et dont l'exploration méthodique ne sera menée à bien qu'avec la ruée vers l'or, dans les toutes dernières années du siècle (1896). À l'est des Rocheuses, Alexander Mackenzie (1745-1831) descend le fleuve qui portera son nom en 1789 et atteint les rives de l'océan Arctique. Les côtes qui encadrent l'embouchure de la Coppermine et celles qui s'allongent à l'ouest du Mackenzie seront explorées par John Franklin (1786-1847) en 1820-1821 et en 1825. Mais les régions des confins de l'Alaska et du Canada ne seront vraiment connues que dans la seconde moitié du xixe s.
Quant au Groenland, il n'est traversé qu'en 1888, par Fridtjof Nansen. En 1912, Knud Rasmussen (1879-1933) fait une randonnée de plus de 1 200 km dans la grande île. Le Danois Lauge Koch (1892-1964) s'illustre également par ses explorations de cette région à partir de 1913, et le grand géophysicien allemand Alfred Wegener (1880-1930), qui accompagne ce dernier en 1930, trouve la mort au cœur de l'inlandsis. Enfin, depuis 1948, les expéditions de Paul-Émile Victor ont parcouru sur la calotte glaciaire plusieurs centaines de milliers de kilomètres avec des véhicules à chenilles.
3.4. Le passage du Nord-Ouest et l'archipel arctique
Dès la fin du xve s., 5 ans seulement après le voyage de Colomb, les marchands de Bristol envoient Jean Cabot vers le nord de l'Amérique (1497). En 1501 et 1502, des Portugais, les frères Corte Real, cherchent un chenal vers l'Orient en longeant le Labrador. La quête décevante se poursuivra pendant 400 ans
L'Anglais Martin Frobisher (1535-1594), le premier, reprend le chemin des Vikings, atteignant le Groenland et le Labrador (1576). Il prétend avoir trouvé le chemin de la Chine, ce qui incite ses compatriotes à monter une grande expédition – comprenant quinze navires – en 1578 ; celle-ci connaît bien des déboires, et c'est avec des moyens beaucoup plus modestes – deux petits bateaux – que John Davis (vers 1550-1605) franchit le détroit auquel sera donné son nom, entre le Groenland et la terre de Baffin (1585) ; en 1587, il dépasse la latitude de 72°. L'infortuné Henry Hudson (mort en 1611), qui sera abandonné par son équipage mutiné, fait une grande découverte, celle de l'immense baie qui limite le Labrador vers l'ouest (1610) ; mais ce n'était pas encore la voie vers l'Orient, comme l'espéraient ses commanditaires. Il faudra la rechercher plus au nord, ce à quoi s'emploient sans succès Robert Bylot et William Baffin (1584-1622), qui parviennent pourtant en 1616 à la latitude du détroit de Lancaster, sans se douter que le passage s'ouvre là. Plus de deux siècles s'écoulent avant qu'un navire s'y engage : en 1818, John Ross (1777-1856) se présente à l'entrée, mais croit que ce n'est qu'un fjord en cul de sac et ne poursuit pas ses recherches. Il sera critiqué par son second, William Edward Parry (1790-1855), qui franchit le long détroit en 1819 et dépasse la longitude de 110° O. Grand pionnier de l'exploration polaire, Parry met aussi au point l'hivernage, organisant les loisirs de la nuit polaire et établissant le régime alimentaire qui permet d'échapper au scorbut. Il ne peut dépasser les parages de l'île Melville et ne progresse guère plus à l'ouest dans son voyage de 1821-1823.
Une nouvelle tentative de John Ross (1829) est encore un échec en ce qui concerne le passage du Nord-Ouest, mais l'extrémité la plus septentrionale du continent américain est découverte avec la péninsule de Boothia. Ces échecs relatifs amènent un arrêt provisoire dans la difficile recherche de l'itinéraire vers l'Orient. Elle reprend avec John Franklin, qui part en 1845 avec l'Erebus et le Terror, emportant cinq années de vivres. Mais on a omis de prévoir des rendez-vous annuels pour donner des nouvelles, et l'on saura simplement, par des baleiniers, que l'expédition s'est bien engagée dans le détroit de Lancaster. Elle devait se diriger vers le sud, en longeant la côte occidentale de la péninsule de Boothia. Aucune nouvelle ne parvient plus à son sujet. Cette disparition mystérieuse engendre un grand nombre d'expéditions de secours, qui vont faire, elles-mêmes, progresser beaucoup la connaissance de l'Arctique. En 1850, sur l'Investigator, Robert McClure (1807-1873), parti de l'océan Pacifique, longe la mer de Beaufort, mais ne peut franchir le détroit séparant la terre Victoria de l'île de Banks. Reparti en juillet 1851, Robert McClure contourne cette dernière et doit encore hiverner sur sa côte nord. En 1852, il effectue un raid vers l'île Melville. En 1853, enfin, une expédition de secours venue de l'est le rejoint. Si l'Investigator doit être abandonné, le passage du Nord-Ouest est reconnu.
Le sort de Franklin n'en restait pas moins obscur. Il faudra attendre 1859 pour que l'expédition de Francis Leopold McClintock (1819-1907) recueille chez les Esquimaux de l'île du Roi-Guillaume quelques objets ayant appartenu à Franklin et un rapport laconique mentionnant la mort du chef de l'expédition en 1847. Pour cinquante années encore, le passage du Nord-Ouest apparaîtra comme à peu près impossible à franchir : enfin, Amundsen, sur un très petit navire, le Gjøa, réussit à joindre l'Atlantique à la mer de Beaufort, à travers le dédale de l'archipel arctique (1903-1906). En 1944, un navire canadien, le Saint-Roch, franchit le passage en une seule saison. Les possibilités économiques du passage du Nord-Ouest sont enfin révélées en 1969, par l'exploit du gigantesque pétrolier brise-glace Manhattan. Ce navire américain, long de 306 m, a été conçu pour démontrer qu'on pouvait transporter le pétrole des immenses gisements de l'Alaska septentrional vers les grands centres de consommation de l'est de l'Amérique. Recherchant systématiquement les difficultés, il emprunte les détroits de Lancaster, de Melville et du Prince-de-Galles, et joint la Pennsylvanie et la baie de Prudhoe en moins d'un mois.
3.5. La route du pôle
Les mythes de la géographie arctique, le continent polaire ou la « mer libre de glaces », ne disparaîtront qu'avec les progrès de la course vers le pôle, entamée par Parry. Cet explorateur anglais entreprend une nouvelle expédition au-delà du Spitzberg en 1827. Utilisant des embarcations pouvant être transformées en traîneaux, il dépasse 82° de latitude, point le plus septentrional jamais atteint par un explorateur. Mais l'accès au pôle a été recherché plus à l'ouest : en 1853, un médecin américain, Elisha Kane (1820-1857), atteint la latitude de l'immense glacier de Humboldt, sur la côte nord-ouest du Groenland. Son second, Isaac Hayes (1832-1881), reconnaît la terre de Grinnell, dépasse 81° de latitude en 1861 et relance encore l'idée de la mer libre. Un journaliste américain, Charles Hall (1821-1871), qui a fait construire le Polaris, débouche en 1871 sur l'océan Arctique. Les Anglais entrent de nouveau en scène dans cette région avec Albert H. Markham (1841-1918), qui bat le record de Parry et parvient à 83° 20′ de latitude en 1876, à partir de la région située à l'ouest du Groenland. Le caractère sportif de la course vers le pôle se précise, et l'Américain James B. Lockwood (1852-1884) atteint la latitude de 83° 24′, près de l'extrémité nord du Groenland, en 1882 ; il mourra d'épuisement par la suite, au cours d'un hivernage.
3.6. L'utilisation de la dérive polaire

Cet épisode tragique contribue au développement de nouvelles techniques pour atteindre le pôle. L'Américain George W. De Long (1844-1881), commandité par le New York Herald, avait franchi en 1879 le détroit de Béring, puis avait dû abandonner son navire, la Jeannette, pris par les glaces. Revenu à pied sur la banquise, il avait péri sur la côte sibérienne. Mais les débris de son navire avaient été portés par les courants marins jusqu'au littoral oriental du Groenland (1881-1884), ce qui donna l'idée au Norvégien Fridtjof Nansen (1861-1930) d'utiliser ces derniers pour parvenir au pôle. Pris par la banquise de la mer de Kara en 1893, il se laisse dériver sur le Fram pendant seize mois, puis effectue un raid avec des traîneaux en 1895 : il atteint 86° 14′ de latitude.
Le Soviétique Ivan Dmitrievitch Papanine (1894-1986) et trois compagnons devaient également utiliser la dérive de la banquise pour étudier l'océan Arctique (1937-1938). Mais ils se retrouvèrent sur un étroit glaçon entouré d'eau libre et ne furent sauvés que de justesse.
3.7. Les dernières étapes et la conquête du pôle
La fin du xixe s. devait être marquée par la plus folle tentative pour atteindre très vite le pôle : le Suédois Salomon Andrée (1854-1897) fait construire un aérostat en France, avec l'aide de son roi. Parti du nord-ouest du Spitzberg le 11 juillet 1897, il disparaît vers le nord. Des vestiges et le carnet de l'aéronaute, retrouvé en 1930 sur le littoral de l'île Blanche, au nord-est du Spitzberg, montrent qu'Andrée et ses compagnons n'avaient pas dépassé la latitude de 82° 55′. Au ballon libre, les Italiens devaient préférer des techniques plus traditionnelles : ils furent sur le point de conquérir le pôle. L'expédition du duc des Abruzzes (1873-1933) prit comme base de départ l'île Rodolphe, terre de l'archipel François-Joseph, à l'est du Spitzberg. Mais Umberto Cagni (1863-1932) dut arrêter ses traîneaux le 25 avril 1900, par 86° 34′ de latitude, et il eut beaucoup de peine à rejoindre l'île Rodolphe.


La dernière étape devait être franchie par l'Américain Robert Edwin Peary (1856-1920). Adoptant les techniques des Esquimaux, il effectue de nombreux raids vers le nord, puis lance enfin une expédition visant le pôle en utilisant les services d'un navire conçu spécialement à cet effet, le Theodor-Roosevelt. Grâce à ses traîneaux tirés par des chiens, il dépasse le 87e parallèle (1906). En 1908, il prépare une base de départ au cap Columbia, extrémité nord de la terre de Grant, partie la plus septentrionale de l'archipel arctique. Son expédition, qui compte dix-neuf traîneaux, se met en route le 22 février 1909 ; elle est divisée en plusieurs groupes, dont le but est de soutenir successivement celui de Peary, qui se charge de la conquête proprement dite du pôle. Constituant une équipe avec son domestique, Matthew Henson, et quatre Esquimaux, Peary parvient enfin au but le 6 avril. Il prend possession de la région au nom des États-Unis, puis rallie sans encombre sa base de départ.
Mentionnons encore pour mémoire le raid de l'Américain Frederick Cook (1865-1940), qui, parti du Groenland un an auparavant (19 février 1908), aurait traversé la terre d'Ellesmere, puis, piquant droit vers le nord, serait parvenu au pôle le 21 avril 1908. Un retour difficile l'aurait amené aux environs de l'île Devon. Cet exploit n'a jamais été confirmé par des preuves irréfutables.
Le 19 avril 1968, le pôle Nord était atteint par la première expédition motorisée. Composée de six hommes sous la direction de Ralph Plaisted, elle avait quitté l'île Hunt (Canada arctique) le 7 mars 1968 avec des motocyclettes à neige « skidoo ». Les hommes furent rapatriés par avion.
Le 6 avril 1969, pour commémorer le soixantième anniversaire du raid de Peary, arrivait au pôle une expédition britannique de quatre hommes avec des chiens et des traîneaux. Dirigée par Wally Herbert, elle était partie de Pointe Barrow (Alaska) et avait hiverné sur une île de glace flottante. Son but était de traverser entièrement la mer Arctique avec des moyens terrestres. Cette expédition fut couronnée de succès puisqu'elle fut prise à bord de l'Endurance le 11 juin 1969, à 40 km au nord du Spitzberg.
En 1977, le brise-glace soviétique Arctika parvenait jusqu'au Pôle.


En 1986, le docteur Jean-Louis Étienne est le premier homme à atteindre le pôle Nord à pied et en solitaire, tirant lui-même son traîneau pendant 63 jours.
En 2002, il se laisse dériver volontairement plusieurs mois sur la banquise pour en étudier la régression.
En 2010, il réussit la première traversée de l'Arctique en ballon, en partant du Spitzberg, survolant le pôle Nord et atterrissant en Sibérie.
3.8. L'avion et le sous-marin
C'est à Amundsen que l'on doit la première tentative pour gagner le pôle en avion (1923). Mais c'est seulement en 1926, le 9 mai, que l'Américain Richard E. Byrd (1888-1957) survole le pôle, à bord de la Josephine-Ford. Deux jours plus tard, c'est la revanche du plus léger que l'air, qui, avec le progrès des dirigeables, apporte tant d'espoirs aux techniciens du premier tiers du xxe s. : le Norge survole le pôle, ayant à son bord Amundsen et l'Italien Umberto Nobile (1885-1978). Avec l'Italia, ce dernier tentera une réédition de son exploit, qui se terminera par la perte de l'appareil (1928).
Le pôle avait été conquis « par les glaces » et par les airs, mais il fallait encore tenter de le vaincre par les eaux, c'est-à-dire « par en dessous », et les brise-glace n'étaient pas assez puissants pour se frayer un chemin jusqu'à lui. En 1931, avec le Nautilus, le Canadien G. Hubert Wilkins, avec l'aide des Américains, essaie en vain de l'atteindre. Il leur faudra attendre jusqu'en 1958 pour parvenir au but avec un autre Nautilus, sous-marin américain à propulsion nucléaire. Entre-temps, le survol du pôle est devenu une routine quotidienne, par les lignes aériennes qui joignent le nord de l'Europe et de l'Amérique à l'Orient : dès 1933, Lindbergh préparait l'itinéraire Amérique-Europe par l'Islande et le Groenland. En juillet 1937, les Soviétiques joignent Moscou et l'Amérique par le pôle. En même temps, leurs avions installent au pôle même une station scientifique qui comptera trente personnes : le pôle arctique fait désormais partie de l'« écoumène ».


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Origines

Rome, le Forum
Pendant la période héroïque des débuts et des conquêtes (viiie s.-201 avant J.-C.), le peuple romain se compose de soldats-paysans, à l'économie simple et à la culture fruste ; l'art leur apparaît comme un luxe superflu et dangereux, sauf s'il est mis au service de la piété, qui est très vive, ou s'il sert à glorifier la puissance politique et militaire de la cité. Mais, d'autre part, Rome est en contact étroit et constant avec des peuples de culture avancée : d'abord et surtout les Étrusques, qui dominent politiquement la ville pendant le vie s. avant J.-C. et y introduisent l'urbanisme, l'architecture monumentale (temples du Capitole et du Forum boarium), fabriquent des statues de terre cuite ou de bronze (Louve du Capitole, vers 500 avant J.-C.) ; ensuite les Grecs, installés en Campanie, dont l'influence est favorisée par l'expulsion des rois étrusques, en 509 avant J.-C. selon la tradition. Au ve s. avant J.-C., les dieux grecs (Dioscures, Héraclès, Déméter, Apollon) affluent à Rome, suivis d'artistes qui viennent décorer leurs temples. La première période des grandes conquêtes, du milieu du ive s. au milieu du iie s. avant J.-C., est marquée d'une part par l'apport massif d'œuvres enlevées comme butin aux cités vaincues (pillage de Syracuse en 212 avant J.-C.), d'autre part par la construction, dans un complet désordre du point de vue de l'urbanisme, de sanctuaires, d'édifices publics et de monuments triomphaux, dont certains réalisent des formules originales : la basilique, vaste salle couverte, au plafond porté par des colonnes, et le fornix, ancêtre de l'arc de triomphe, nés l'un et l'autre au début du iie s. avant J.-C. Les arts plastiques se développent aussi, mais nous n'en n'avons presque rien gardé : le Brutus du palais des Conservateurs au Capitole représente seul une statuaire iconographique, en pierre et en bronze, qui envahissait déjà les places publiques. Une fresque représentant des scènes guerrières, découverte dans un hypogée funéraire de l'Esquilin est l'unique témoin d'une peinture triomphale très abondante, dont le grand maître fut, autour de 300, un très noble personnage, Fabius, qui légua à ses descendants le surnom de Pictor.
À tout cela il faut ajouter les arts industriels : la fabrication à Rome même et surtout dans la ville voisine de Préneste (Palestrina) de miroirs et de boîtes de bronze gravé, imités des Étrusques, mais dont les sujets sont souvent originaux (la représentation d'une scène de triomphe sur une ciste offre un intérêt exceptionnel, et la ciste Ficoroni [villa Giulia, Rome], consacrée aux aventures des Argonautes, est une œuvre de grande classe) ; la céramique décorée (plats du type de « genucilla » ornés d'une tête de femme). Le Latium est devenu un foyer de production artistique. R. Bianchi Bandinelli rattache cette production à l'art « médio-italique », qui, tout en subissant l'influence grecque italiote et celle de l'Étrurie, présente cependant une originalité, due à l'austérité de populations mal préparées à accepter les complications et les raffinements nés dans les cours hellénistiques et accueillis par les centres les plus évolués de la Méditerranée occidentale.

L'art patricien (iie s. avant J.-C.)

À partir du milieu du iie s., une coupure se produit dans la société romaine entre la noblesse, à qui la conquête a procuré d'immenses richesses, le moyen d'acquérir une culture fondée sur l'hellénisme et une morale moins austère, et la masse du peuple romain, dont la situation économique s'est plutôt dégradée et qui demeure attachée aux valeurs traditionnelles ; des conflits s'ensuivent (crise des Gracques ; guerre sociale) ; l'armée, composée de professionnels à partir de la fin du iie s. avant J.-C., en deviendra dès lors l'élément déterminant.
La noblesse investit une part importante de ses ressources dans la création artistique ; dès le début du iie s. avant J.-C., elle fait appel à des artistes grecs venus soit d'Athènes, qui a favorisé la mainmise de Rome sur l'Hellade, soit d'Asie Mineure (en 133 avant J.-C., Attalos III lègue le royaume de Pergame à Rome). Les plus connus sont des sculpteurs qui réalisent pour leurs patrons soit des copies d'œuvres classiques, soit des adaptations. Les plus doués parviennent à combiner ces emprunts à la tradition avec des éléments italiques : l'exemple le plus parfait de cette synthèse est la « base de Domitius Ahenobarbus », qui décorait le temple de Neptune au champ de Mars et qui est aujourd'hui partagée entre le Louvre et la Glyptothèque de Munich ; une partie des reliefs qui la décorent représente le cortège de Neptune, selon une formule fréquente dans l'art hellénistique. Le reste montre une scène de la vie politique de Rome : le recensement des mobilisés, accompagné d'un sacrifice à Mars. La date a été fort discutée ; les dernières recherches tendent à la situer soit vers 110 avant J.-C., soit vers 80 avant J.-C. Au iie s. avant J.-C., la production de portraits est plus abondante que jamais ; la plupart ont péri, et l'identification de ceux qui subsistent est souvent incertaine : citons une grande statue en bronze du musée des Thermes, où certains ont voulu reconnaître Sulla. La plupart de ces statues décoraient des temples, dont le nombre se multipliait, à Rome d'abord. Le quartier le plus en vogue était alors le champ de Mars, où l'on peut voir encore un ensemble religieux des iiie-iie s. avant J.-C. : l'aire du Largo Argentina, identifiée au portique Minucia, et qui contient quatre temples. Les deux sanctuaires antiques les mieux conservés de Rome, le temple rond et le temple ionique rectangulaire situés sur le bord du Tibre, sont de la fin de cette période ; ils présentent deux formules caractéristiques de l'architecture religieuse romaine, la rotonde et le temple « pseudo-périptère », aux colonnes engagées dans le mur de la cella. Un effort pour ordonner l'urbanisme anarchique de Rome commence à se faire sentir. Il aboutira, pendant la dictature de Sulla, à la construction du Tabularium qui domine le Forum.
Mais les réalisations les plus spectaculaires de l'architecture monumentale romaine au iie s. avant J.-C. se trouvent dans les villes du Latium. Le sanctuaire de la Fortune à Préneste est un gigantesque complexe – partiellement dégagé depuis la Seconde Guerre mondiale – de terrasses étagées sur la pente abrupte de l'Apennin et dominées par une structure en hémicycle analogue à un théâtre. Après de longues discussions entre partisans d'une datation vers le milieu du iie s. avant J.-C. et partisans d'une datation sullanienne, l'épigraphie paraît avoir tranché en faveur des premiers. Dans cet ensemble sont déjà en œuvre les principes et les techniques que les architectes de l'époque impériale allaient appliquer en les perfectionnant pendant cinq siècles : l'emploi d'un matériau nouveau, le blocage de pierres liées au ciment, et la connaissance des lois de la mécanique permettent de remodeler complètement le paysage, en lui imposant un ordre rationnel fondé sur la symétrie ; l'élément fondamental de l'architecture grecque, l'entablement porté par les colonnes, n'est plus utilisé que pour masquer les structures dynamiques.
Tout en utilisant pour ces constructions publiques, qui servaient leur propagande, une large partie des ressources que leur procurait l'exploitation des vaincus, les nobles romains de la fin de la République en réservent une part importante pour se créer un cadre de vie personnelle confortable et raffiné ; les bourgeois des régions italiennes les plus favorisées les imitent. Nous voyons ainsi à Pompéi et à Herculanum, petites villes de la riche Campanie « fossilisées » par l'éruption du Vésuve en 79 après J.-C., la maison italique traditionnelle, constituée à l'origine essentiellement par l'atrium (cour de ferme entourée d'un préau pour certains archéologues, vaste salle commune couverte selon d'autres), devenir de plus en plus semblable aux palais des rois hellénistiques : on ajoute en arrière le péristyle, portique entourant un jardin, on pare les sols de mosaïques (celles de la maison du Faune à Pompéi, qui datent de 80 avant J.-C. environ, sont dignes des plus beaux palais orientaux) et surtout on orne les murs de peintures, qui, après avoir imité des marbres précieux, en viennent, à partir du deuxième quart du ier s. avant J.-C., à évoquer, derrière la paroi supposée transparente, un monde étrange et fantastique. Ainsi s'exprime le besoin d'évasion d'hommes à qui le monde où ils vivaient offrait certes des possibilités et des satisfactions infinies, mais aussi d'incessants périls ; l'angoisse constante s'exprime dans de nombreux portraits d'hommes de cette époque, inspirés de la tendance « physiognomique » hellénistique : parmi les plus émouvants, ceux de Cicéron et de Pompée, qui, comme beaucoup de leurs contemporains, périrent de mort violente.


L'art des généraux et des premiers empereurs (80 avant J.-C.- 68 après J.-C.)

Un pilier triomphal, découvert au pied du Capitole, où il fut probablement consacré par Sulla (actuellement au Museo Capitolino), est bien caractéristique de l'art de la période des guerres civiles, au cours desquelles des imperatores, appuyés sur des troupes de professionnels qu'ils fanatisaient en faisant croire qu'une chance surnaturelle les rendait invincibles, s'efforcèrent d'établir un pouvoir monarchique. Les armes qui composent la frise de ce monument et qui reproduisent les unes des dépouilles enlevées à Mithridate, les autres des boucliers sacrés symbolisant les principaux dieux de Rome, ont une valeur significative précise, déterminée d'une part par leur nature et d'autre part par leur place dans la syntaxe de la composition. Celle-ci est ordonnée dans une symétrie rigoureuse par rapport à l'axe de chaque face, où se trouve l'objet le plus important ; ce système de composition, que nous appelons héraldique, prévalait dans les arts de l'ancien Orient, en particulier dans celui de Sumer ; il avait été complètement éliminé par le classicisme grec. Sa réapparition dans l'art romain du ier s. avant J.-C., qu'il va complètement dominer, est un des traits qui différencient le plus nettement cet art des écoles hellénistiques, auxquelles il emprunte par ailleurs la plupart de ses thèmes.
Il subsiste bien peu de choses des grands monuments réalisés par les chefs militaires qui dominent la politique de la République agonisante. On a récemment identifié quelques éléments du décor du premier théâtre permanent de Rome, construit par Pompée en 55 avant J.-C. Le forum de César, qui prolongeait au nord-ouest le vieux Forum romain, devenu trop étroit, a été dégagé avec les ruines du temple de la déesse protectrice du dictateur, Venus Genitrix ; mais tout cet ensemble a été reconstruit complètement par Trajan.
Au contraire, un grand nombre des édifices construits sur l'ordre d'Auguste, à Rome, en Italie et dans les provinces, au cours du règne demi-séculaire qui rendit enfin la paix au monde méditerranéen épuisé (31 avant J.-C.-14 après J.-C.), ont traversé les âges, parfois presque intacts, comme l'admirable Maison carrée de Nîmes. Le plus important pour l'historien de l'art est justement un autel dédié à la « paix d'Auguste » qui se dressait à Rome, dans la partie nord du champ de Mars, et qui a été reconstitué aussi près que possible de son emplacement originel ; le décor essentiel est sculpté sur une enceinte de marbre qui entoure l'autel proprement dit. Les plaques qui la composent sont ornées au bas de rinceaux d'acanthes, ciselés avec une précision d'orfèvre et pourtant pleins de vie malgré la rigoureuse ordonnance de leur disposition ; ces sculptures sont inspirées par des modèles pergaméniens plus anciens de deux siècles. Au-dessus, le sculpteur a représenté la procession qui s'était déroulée le jour de la dédicace de l'autel, sous la conduite de l'empereur lui-même, suivi des prêtres, des magistrats, de sa famille et de tout le peuple romain. La noble gravité de la cérémonie est tempérée par quelques scènes familières mettant en valeur la tendresse des rapports entre les héritiers du prince et leurs jolies épouses ainsi que la gentillesse de leurs enfants. Ce maître de l'Ara Pacis, dont le nom et l'origine nous restent inconnus, peut être comparé à Virgile par l'aisance avec laquelle il a su assimiler l'héritage du classicisme grec et le revivifier par une sensibilité vivante qui fera hélas défaut à ses successeurs.
Auguste s'était assigné la tâche énorme de remettre en état tous les temples de Rome ; il en construisit bon nombre de nouveaux, dont les plus importants sont celui d'Apollon sur le Palatin et celui de Mars Vengeur, qui dominait un nouveau forum, orienté perpendiculairement à celui de César ; d'autre part, un grand nombre de villes d'Italie et des provinces, même dans des régions encore à demi barbares comme la Gaule, suivirent l'exemple de la capitale. Aux sanctuaires s'ajoutèrent partout toutes sortes d'édifices à fonctions politique, économique ou culturelle, comme les théâtres et les amphithéâtres. Ce gigantesque effort de construction donna l'occasion de fixer les règles de l'art de bâtir ; en particulier, c'est dans le dernier quart de siècle qui précède notre ère qu'on arrêta définitivement les caractères de l'ordre corinthien romain, dont la Maison carrée de Nîmes, qui date de ce temps, nous offre le plus remarquable exemple. Les éléments typiques sont le chapiteau à acanthes « en feuille d'olivier », la frise décorée de rinceaux proches de ceux de l'Ara Pacis, la corniche soutenue par de petites consoles, ou modillons, qui font alors leur apparition. C'est dans les premières années du règne d'Auguste qu'un ancien officier du génie de César rédigea un traité d'architecture qui fut considéré, de la Renaissance à la fin du xixe s., comme un véritable livre saint. En réalité, Vitruve, esprit assez borné et rétrograde, bien que fort cultivé, ne comprit pas les tendances novatrices de son temps ; à plus forte raison ne pouvait-il prévoir les développements de l'art de bâtir aux siècles suivants, qui, à tous égards, laissèrent loin derrière eux celui d'Auguste.
Le pouvoir impérial étant fondé sur la victoire, Auguste attachait une importance particulière aux monuments qui exaltaient sa gloire militaire ; en 29 avant J.-C. apparut au Forum romain un nouveau type d'édifice triomphal qui va être presque immédiatement imité d'un bout à l'autre de l'Empire : l'arc de triomphe, qui diffère du fornix républicain par ses dimensions plus fortes, son décor de colonnes et la richesse de son ornementation sculptée. Les principaux arcs augustéens se trouvent en Italie du Nord et en Gaule méridionale. La propagande impériale utilise encore les armes d'apparat (cuirasse de la statue d'Auguste trouvée à Prima Porta), les monnaies, les camées, dont la taille atteint alors sa perfection (Gemma augustea de Vienne, Grand Camée de France à la Bibliothèque nationale, qui date de Tibère).
Dans le décor pictural des maisons (on connaît celle d'Auguste lui-même, sur le Palatin), une réaction se manifeste contre la fantaisie irrationnelle de l'époque précédente : le IIIe style, qui apparaît vers 15 avant J.-C., supprime les échappées derrière la paroi. L'art augustéen se prolonge sans se renouveler sous ses successeurs, Tibère, Caligula et Claude (14-54 après J.-C.). Le dernier prince de la dynastie, Néron, est un demi-dément, que nous comparerions volontiers à Louis II de Bavière ; persuadé d'être un grand artiste, et probablement moins dépourvu de talent qu'on ne l'a dit, il voulut faire du pouvoir suprême un des beaux arts et substituer l'esthétique à la morale. Un des grands incendies qui ravageaient périodiquement Rome lui donna l'occasion de rebâtir une partie du centre selon un urbanisme rationnel ; on lui reprocha surtout d'avoir profité de l'occasion pour insérer au milieu des quartiers reconstruits une résidence (Domus aurea) conçue plutôt comme une villa de campagne que comme les hôtels urbains où avaient vécu ses prédécesseurs. Le décor pictural de cette « Maison d'or » (ou « dorée »), œuvre du peintre Fabullus, fut aussitôt imité par les particuliers, surtout à Pompéi, qui vivait alors ses dernières années dans une activité fiévreuse ; le IVe style, comme on l'appelle, revient aux tendances fantastiques du IIe ; le monde imaginaire qu'il laisse entrevoir derrière la paroi, à travers une architecture baroque, est inspiré souvent du théâtre pour lequel Néron éprouvait une passion déraisonnable.

L'art de l'Empire (68-285 après J.-C.)


La mort de Néron, en 68, marque aussi la fin de la noblesse
qui avait gouverné Rome depuis le iie s. avant J.-C. et lui avait imposé son idéal culturel, partagé par César, Auguste et leurs héritiers. Vespasien, qui accède au trône en 69, est issu d'une famille de la bourgeoisie italienne que ses goûts portaient vers un « art plébéien » (selon l'expression de R. Bianchi Bandinelli) plus près de la vie familière, indifférent aux savantes spéculations de l'esthétique grecque, et en particulier à la reconstruction d'un univers mesuré sur l'homme et conforme à sa raison, soucieux, en revanche, d'efficacité psychologique, ce qui lui fait employer souvent des procédés comparables à ceux de la publicité moderne. Cet art, jusque-là maintenu au second plan, va maintenant prendre d'autant plus d'influence qu'il s'accorde aux tendances dominantes dans la bourgeoisie des provinces d'Occident, qui bénéficie à ce moment d'une grande prospérité économique. Cependant, la haute société romaine ne renoncera pas à défendre la tradition classique, de plus en plus identifiée avec l'art augustéen ; elle y sera encouragée par la pénétration dans son sein de nombreux éléments venus du monde grec, en particulier d'Asie Mineure, pour qui ce classicisme s'identifie avec l'hellénisme. Cependant, d'autres éléments d'origine hellénique préféreront un art pénétré de passion, inspiré des écoles hellénistiques pergaménienne et rhodienne, qui, d'ailleurs, avaient déjà autrefois influencé l'Italie et n'avaient pas perdu toute audience, même à l'époque augustéenne. En revanche, l'influence des civilisations orientales non hellénisées (Syrie, Égypte, Mésopotamie, Iran), si elle se manifeste assez tôt dans le domaine religieux, semble avoir été pratiquement négligeable dans celui de l'art.
On peut donc, dans un souci de simplification, dire que trois grandes tendances vont désormais s'affronter dans l'art romain, dont le domaine s'étend maintenant à l'ensemble des régions bornées par le limes, avec une production qu'il est pratiquement impossible de dénombrer : la tendance plébéienne, la tendance classique et la tendance pathétique ou baroque. C'est surtout dans le domaine de l'iconographie qu'il est relativement aisé de les discerner : à la tendance plébéienne se rattachent des portraits qualifiés souvent plus ou moins exactement de réalistes, qui confèrent au modèle une vie intense par la reproduction de ses particularités souvent disgracieuses et qui, en général, s'efforcent d'exprimer son énergie virile. Cette tendance prévaut au temps de César, de nouveau sous les Flaviens et reparaît au iiie s. à l'époque de l'« anarchie militaire ». Elle s'oppose absolument au classicisme, qui idéalise le modèle aux dépens de sa personnalité : triomphant sous Auguste, le classicisme reparaîtra sous Hadrien, sous les derniers Sévères et enfin sous Constantin. La tendance pathétique, enfin, atteint son apogée sous Antonin et Marc Aurèle.
Des faits analogues peuvent être constatés dans d'autres branches de l'art ; ainsi, à Rome, la grande frise de la colonne Trajane, réalisée entre 112 et 117, témoigne d'un esprit classique dans le traitement de la figure humaine, constamment idéalisée, et dans la composition équilibrée des scènes, bien que les exigences matérielles du genre (il s'agissait de présenter des milliers de personnages et d'objets sur un étroit ruban de pierre, dans un cadre évoquant d'immenses paysages) aient obligé à accepter, surtout dans la représentation de l'espace, des conventions analogues à celles de l'art primitiviste. Au contraire, la colonne de Marc Aurèle, plus récente d'une soixantaine d'années, présente une conception pathétique poussée jusqu'à la déformation systématique de la figure humaine, afin d'exprimer la passion et l'horreur de la guerre. Un troisième monument triomphal, l'arc de Septime Sévère, qui date des toutes premières années du iiie s., supprime pratiquement le décor, groupe les figures en masses compactes pour donner un effet de puissance, les présente systématiquement face au spectateur ; l'origine de ces procédés se trouve dans l'art plébéien. Le décor des sarcophages, qui apparaissent au début du iie s. et qui seront, avec les portraits, les seules œuvres sculptées importantes à partir du deuxième tiers du iiie s., suit la même évolution.
L'architecture demeure l'art roi ; l'ingéniosité créatrice des bâtisseurs ne sera affectée par aucune des crises externes ou internes qui, pendant plus d'un siècle – de 166 à 284 –, paraîtront annoncer la mort de l'Empire. Continuant les recherches de leurs devanciers, les architectes du iie s. et du iiie s., dont le plus illustre est Apollodore de Damas, maître d'œuvre de Trajan, rechercheront des formules sans cesse plus hardies pour couvrir en voûtes d'immenses surfaces. Le matériau est toujours le blocage de ciment, masqué à Rome par des parements en brique et dans les provinces par divers types de maçonnerie. Les programmes sont orientés vers l'efficacité et le confort : d'une part, les ports, les marchés (marchés de Trajan à Rome), les constructions hydrauliques, les grands immeubles de rapport et, d'autre part, les thermes, les édifices destinés aux spectacles ont la priorité. Les premiers servent le difficile équilibre économique de l'Empire, les seconds l'action psychologique qui en maintient la cohérence. L'utilisation systématique de la voûte conduit l'architecte à créer un espace artificiel clos dans lequel une lumière savamment canalisée joue sur un décor plaqué aux parois. Ces tendances se remarquent dans les grands thermes impériaux à plan symétrique, qui apparaissent sous Trajan, atteignent leur apogée à Rome avec les fondations de Caracalla (211-217) et de Dioclétien (284-305) et se multiplient par centaines dans les provinces. Notons, à ce propos, que l'impression d'uniformité qu'on éprouve en retrouvant des constructions de même type de l'Écosse à l'Euphrate est détruite par un examen plus poussé de ces monuments : par exemple, l'exploration des thermes de Mactar (Tunisie) nous révèle un type d'édifice balnéaire conforme dans ses grandes lignes au schéma « impérial », mais présentant, contrairement aux exemples déjà connus de cette famille (celui de Cluny à Paris est l'un des mieux conservés), une façade articulée et largement ouverte de baies. Il s'agit là, cependant, d'une tentative isolée et à contre-courant, la tendance générale étant en faveur de l'espace artificiel clos. En créant le Panthéon, Hadrien transpose même cette formule dans l'architecture religieuse.
Cette recherche de l'espace clos est certainement l'une des causes de la décadence des modes d'expression artistique auxquels les Grecs avaient donné la priorité, comme la sculpture en ronde bosse. Une autre cause de cette décadence, qui s'applique également à la peinture murale, est que la force de la tradition empêchait pratiquement toute création originale dans ces domaines. Au contraire, la mosaïque connaît depuis le début du iie s. un extraordinaire développement, précisément parce qu'elle convient à merveille à la décoration de l'espace clos. Des écoles indépendantes se développent en Italie et dans les principales provinces ; toutes reviennent au décor figuré, qui, au ier s. avant J.-C. et au ier s. après J.-C., avait été presque abandonné pour le décor géométrique ; mais, tandis que l'école italienne traite ce décor figuré en noir sur fond blanc, les écoles provinciales utilisent dès le début du iie s. une polychromie extrêmement riche. D'autres caractéristiques sont, au contraire, communes à toutes les écoles : l'abandon de l'illusionnisme pictural, les figures étant souvent traitées comme des motifs ornementaux ; la tendance à la surcharge, qui, à partir de la fin du iie s., fait multiplier et foisonner les éléments du décor, qui finissent par recouvrir entièrement le champ. On peut résumer sommairement cette évolution en disant que la mosaïque de sol, qui, au ier s., ressemblait soit à un dallage, soit à un tableau, prend de plus en plus l'aspect d'un tapis lourdement brodé.


La renaissance constantinienne et la fin de l'art romain


Les tendances que l'on vient d'analyser semblaient annoncer l'apparition d'un art fondé sur des principes entièrement différents de ceux qu'avaient formulés les Grecs. Or, on constate qu'au ive s. certaines œuvres sont caractérisées par un souci de la netteté et de l'équilibre des formes qu'il faut incontestablement qualifier de classique : il en est ainsi dans le domaine du portrait, mais aussi dans celui du relief, représenté principalement par les sarcophages, de la peinture (plafond peint du musée épiscopal de Trêves), dans celui de la mosaïque (mosaïque de chasse de Daphné-Antioche, au Louvre), ainsi que dans ceux de l'orfèvrerie et de l'illustration des manuscrits, qui connaissent alors un développement particulier. La même tendance apparaît aussi dans l'architecture, notamment celle des grandes villas seigneuriales, par exemple en Aquitaine (Montmaurin). Il s'agit d'une « Renaissance » ; le phénomène n'est pas nouveau, mais prend alors une importance spéciale, qu'explique la situation sociale : après les troubles du iiie s. se reconstitue une aristocratie riche et raffinée, qui réduit les paysans à une condition bien pire que celle qu'ils avaient connue au Haut-Empire. Le transfert, en 330, du principal centre politique de l'Empire à Constantinople accentuera ce phénomène, les milieux anatoliens étant toujours restés plus fidèles que ceux d'Occident à la tradition hellénistique. C'est dans cette atmosphère que se produit la naissance de l'art chrétien officiel, qui diffère profondément de l'art antérieur à la paix de l'Église, d'inspiration résolument plébéienne.
Cependant, l'art plébéien, devenu l'art provincial, ne devait pas mourir ; par des voies actuellement mystérieuses, il a engendré en Occident la sculpture que nous appelons romane : non seulement la reprise de thèmes, mais la similitude des modes d'expression est incontestable. Par ce biais, l'art romain propre apparaît donc comme une des composantes essentielles de la culture artistique de l'Occident. L'architecture impériale allait, d'autre part, servir de modèle pour le décor, mais non pour les structures, à tous les constructeurs européens du xvie au xixe s. Quant à la peinture, elle a exercé une influence plus discontinue, mais féconde, au xvie s. d'abord (Raphaël s'inspire de la Maison dorée de Néron), puis au xviiie s., après les premières fouilles d'Herculanum et de Pompéi.

 

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