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CHIMIE ET RÉVOLUTION : LE POUVOIR DES MOTS

 

 

 

 

 

Chimie et Révolution : le pouvoir des mots
mensuel 321


Une querelle divise les chimistes à la fin de l'Ancien Régime. Comment nommer les substances chimiques ? Doit-on conserver des noms pratiques ou leur préférer des néologismes barbares ? L'adoption d'un nouveau langage peut-il déterminer un programme de recherche ? Dans la tourmente révolutionnaire, ce débat rencontre le champ de la politique où, là aussi, s'exprime une volonté de réforme linguistique.
En février 1776, les Procès-verbaux de l'Académie des sciences font état d'importants désaccords entre chimistes au sujet de « l'air fixe » gaz carbonique. Le problème n'est pas tant la substance elle-même : les chimistes « s'entendent généralement assez bien sur la chose », mais « ils ne sont pas d'accord sur le nom 1 ». Une décennie plus tard, le conflit devient un véritable débat après l'introduction d'un langage chimique radicalement novateur par Antoine Laurent Lavoisier et ses collaborateurs. Quel est en effet le langage le mieux adapté à la pratique d'une nouvelle science ? Curieusement, pendant que la controverse fait rage parmi les chimistes, les hommes politiques de la Révolution discuteront d'une question peu différente : quel est le langage le plus apte à former le citoyen nouveau au moyen de l'éducation civique ?

Idiome chimique . Les racines du débat animé par les chimistes peuvent être retrouvées dans l'Encyclopédie de Diderot. Gabriel François Venel, professeur de chimie à l'université de Montpellier, y est l'auteur principal de l'ensemble des sujets portant sur la chimie et l'unique auteur de l'article intitulé « Chymie ». Dans cet article, il qualifie les chimistes de « peuple distinct » ayant son propre langage. Il loue « l'idiome chimique » parce qu'il découle de « l'exercice immédiat des sens ». Un langage distinct, qui reflète l'expérience unique qu'ont les chimistes de la diversité de la nature, joint intimement leur science à leurs sensations. L'obscurantisme de l'argot des chimistes est même une vertu, estime Venel. L'ordre et la clarté, tant admirés par « les faiseurs de feuilles, de romans, les Poètes », déforment en fait, selon lui, la recherche scientifique. La clarté artificielle des traités systématiques donne une idée fausse de la confusion des sensations physiques naissantes. Par opposition, les théories chimiques ne sont pas des systèmes rationnels, mais des « expositions claires de la nature ». Elles dérivent non pas de principes, mais d'un « tâtonnement » intuitif, des « indices d'expériences vagues » que les chimistes sont capables de prédire. C'est ce que Venel décrit comme la capacité de « pressentiment expérimental » des chimistes. Venel sous-entend donc que, si le savoir des chimistes peut être exprimé, il ne peut l'être de façon précise2.

En opposition à cette vision naît une tradition nouvelle : celle des réformateurs du langage. Pierre Joseph Macquer en est l'un des premiers instigateurs. Il est l'auteur d'un dictionnaire de chimie, publié en 1766, dans lequel il propose de nouvelles règles systématiques pour nommer les sels. Sa proposition est adoptée puis étendue à tous les noms de substances chimiques, d'abord par le chimiste suédois Torbern Bergman, puis par l'avocat et chimiste lyonnais Guyton de Morveau, ancien étudiant de Macquer et ami de Bergman. Elle est finalement reprise par le fermier général, académicien, commissaire aux poudres et chimiste Antoine Laurent Lavoisier. Le mouvement d'instauration d'un langage chimique systémique culminera en 1787 avec la publication d'une nouvelle nomenclature chimique par Guyton de Morveau et Lavoisier, de concert avec deux autres chimistes, Antoine François Fourcroy et Claude-Louis Berthollet.

De Macquer à Lavoisier, ces philosophes de la nature cherchent à établir des règles fondées non pas sur les sens ou la tradition, mais sur « le rapport des idées avec les mots3 ». Ils s'opposent à ce que la théorie de la philosophie de la nature et la culture émergent spontanément de l'expérience sensorielle. Ils croient plutôt que le langage, non content de décrire les expériences, leur donne forme. Au lieu de se développer spontanément, comme un jargon, à partir de la somme des expériences et de leurs résultats, la théorie chimique doit plutôt être construite à partir de principes premiers, comme un lexique. Bergman remarque ainsi que les termes techniques « comme les pièces de monnaie, doivent leur valeur à la prescription4. » Une science dépend d'un vocabulaire de convention, tout comme une société est fondée sur un système conventionnel de valeurs. Ces conventions sont formelles, elles n'expriment aucune capacité intuitive qui ne puisse être exposée. Puisque les règles ou conventions sont choisies délibérément, elles peuvent être modifiées tout aussi délibérément.

En 1782, Guyton de Morveau lance un appel pour une réforme systématique du langage de la chimie. Il rejette toute base naturelle pour les noms : les faits seuls, affirme Morveau, « ne disent rien à l'esprit ». Il anticipe ensuite un concept qui dominera une bonne partie de la théorie du langage du XXe siècle, c'est-à-dire la relation arbitraire entre le signifiant et le signifié. Morveau prétend que tous les noms sont en fait artificiels : « Les sons, et les mots que représentent les sons écrit-il n'ont réellement par eux-mêmes aucun rapport, aucune conformité avec les choses. » Dans le cas d'une substance individuelle, « qu'on n'envisage que pour elle-même » et non en relation avec une autre substance, fait valoir Morveau, tout nom « qui ne signifiera rien » conviendra. En fait, pour de telles substances prises indépendamment, il préfère même les noms sans signification et recommande aux nomenclateurs de toujours choisir un nom « qui s'éloigne davantage de l'usage familier ». A cette fin, il propose d'utiliser des racines provenant de langues anciennes plutôt que de langues vulgaires5.

Signes et signification . Quand Morveau et Lavoisier soutiennent que les noms ne se rapportent qu'arbitrairement aux objets, ils s'inspirent en fait d'une théorie d'un de leurs contemporains : Etienne Bonnot de Condillac. Ce dernier fait valoir que la pensée s'appuie sur ce qu'il nomme des « signes d'institution ». Ces signes sont choisis de façon délibérée et n'ont « qu'un rapport arbitraire avec nos idées ». Un enfant élevé chez les ours, imagine Condillac, n'identifierait même pas ses propres cris comme étant des signes, puisqu'il n'aurait jamais entendu de cris semblables émis par aucune autre créature. S'il « vivait avec d'autres hommes », alors seulement pourrait-il percevoir la signification générale des cris humains naturels. Condillac en conclut que les gens « ne peuvent se faire des signes, qu'autant qu'ils vivent ensemble6 ». Tout langage, et par conséquent toute pensée - et la philosophie naturelle - est essentiellement une entreprise sociale. Voilà le principe central de la philosophie linguistique guidant Morveau et Lavoisier dans l'élaboration de leur nouveau langage.

Leur nomenclature chimique offre deux caractéristiques remarquables. La première a trait aux noms des éléments. Selon le principe de Morveau attribuer des noms arbitraires aux entités les plus simples, les noms des éléments ne devraient pas avoir de signification propre. La pratique est tout autre. En effet, seuls quatre noms du tableau sont vraiment nouveaux : le calorique chaleur, l'oxygène, l'hydrogène et l'azote. Or, même ces quatre noms ont une signification. Certes, les nomenclateurs utilisent des racines des langues classiques pour bien distancier leur langage technique du vernaculaire, mais ils forgent des noms dont l'étymologie reflète les caractéristiques les plus marquantes d'un élément : l'« hydrogène » suggère un lien avec l'eau, l'« oxygène » une relation avec les acides, etc. Mais, pour Lavoisier, l'appel à ces étymologies a un objectif : « Soulager la mémoire des commerçants, qui retiennent difficilement un mot nouveau lorsqu'il est absolument vide de sens7 ». Malgré ces concessions d'ordre pratique, les noms des éléments n'en demeurent pas moins arbitraires du point de vue de la technique des règles de la nouvelle nomenclature. Les composés sont en effet nommés et classifiés selon leurs constituants élémentaires. Mais les substances élémentaires n'ont, par définition, aucun constituant ! Le choix de leurs noms précède donc nécessairement les règles et, sous cet angle, la nouvelle nomenclature respecte bien le principe fondamental de Morveau.

La seconde caractéristique spectaculaire de cette nomenclature a trait aux noms des composés. La première partie d'un nom indique le groupe auquel appartient le composé. Elle est formée à partir du nom de la substance simple que l'on suppose commune aux autres membres du groupe. La seconde partie du nom identifie la substance simple spécifique, soit le « radical » qui différencie un composé donné. Par exemple, les nomenclateurs ont défini un groupe de composés formés chacun à partir d'oxygène et d'un métal. Chaque membre de ce groupe se voit donc attribuer un premier nom, « oxide, » et un second, celui du métal spécifique, comme dans « oxide de zinc ». Grâce à cette règle fondamentale, la plupart des substances issues de cette nomenclature reçoivent des noms à caractère prédictif. Prenons l'exemple des acides. Lavoisier croit que chaque acide est composé d'un « principe acidifiant », qu'il associe par erreur à l'oxygène, et d'un radical ou « base acidifiable ». Les nomenclateurs supposent par « analogie » que les acides dont les radicaux n'ont pas encore été découverts contiennent à tout le moins des bases acidifiables. Guidés par cette supposition, ils nomment vingt-deux substances simples qui restent à isoler en formant des noms nouveaux à partir du mot « radical » et d'un acide donné, comme dans « Radical citrique8 ». Par un effet domino, plus de la moitié des nouveaux noms chimiques, composés et éléments confondus, désignent ainsi des substances qui n'ont pas encore été découvertes.

Attaques au vitriol! C'est parce qu'elle se fonde sur une liste de noms arbitraires donnés à des objets simples envisagés uniquement « pour eux-mêmes » que la nouvelle nomenclature déclenche une controverse houleuse. Un tel fondement soulève deux problèmes connexes. Premièrement, il instaure une distance entre le langage chimique et l'expérience commune où, de fait, les objets ne sont pas souvent perçus isolément. Les nouveaux chimistes font ainsi appel à un type d'expérience des plus curieuses : ils décomposent des substances communes comme l'air, l'eau et les acides, en des substances si rares qu'on ne les rencontre qu'en laboratoire ! Deuxièmement, la nomenclature éloigne le langage chimique du langage de tous les jours en attribuant le statut d'élément à ces produits rares issus des expériences et en leur donnant des noms sans signification. Leurs opposants ne s'élèvent pas contre les expériences elles-mêmes, mais contre cette pratique de qualifier leurs produits de substances élémentaires. Pour eux, cela va à l'encontre du cours naturel d'une expérience. Enfin, iIs sont contre l'usage de noms arbitraires, qu'ils jugent être un renversement du développement naturel de la culture.

La commission mise sur pied par l'Académie des sciences pour évaluer la nomenclature met en doute, par exemple, le fait qu'il soit « plus naturel » de considérer comme une substance simple le soufre, fabriqué en laboratoire à partir de vitriol acide sulfurique et d'oxygène, que de considérer l'air comme un élément. Pourquoi faudrait-il considérer comme des éléments des substances obtenues par des procédures de laboratoire, alors que les quatre éléments traditionnels terre, air, eau et feu sont présents partout dans la nature9 ? Jean François De Machy, un farouche opposant, fait remarquer que le soufre « n'est pas naturel même dans les volcans... il faut trop de conditions compliquées pour l'obtenir ». Il en conclut que la nomenclature n'est rien de moins qu'un « jargon hérissé de grec, boursouflé de latin, digne du Sphinx thébain10 ».

Jean Claude de La Métherie, éditeur du Journal de physique et adversaire de la chimie nouvelle, rappelle que les mots doivent s'implanter « tacitement » par « l'usage », sans être imposés par décret. La Métherie n'hésite pas à mobiliser l'esthétique pour défendre l'idée d'une unité organique de la langue au sein d'une société. Faisant de « l'harmonie des mots » une règle d'or de nomenclature, il soutient que les termes techniques doivent se plier eux aussi au génie de la langue française. Il critique ensuite, mot après mot, la musicalité de la nouvelle nomenclature : « Je préfère sel lactique, au lactate qui est dur et barbare11. »

Certains critiques ont recours au ridicule. L'un d'eux corrige le grec de Lavoisier, faisant remarquer qu'il inverse ses inflexions active et passive. Oxygène, fait-il remarquer, signifie en fait engendré par un acide, et non pas qui engendre un acide, et hydrogène de façon similaire signifie engendré par l'eau12. Un détracteur célèbre, Georges Balthazar Sage, pousse ce thème plus avant. Prétendant que « oxide » correctement traduit signifie « vinaigre », il en tire que « oxigène » signifie « fils de vinaigrier13 ». Morveau répond sérieusement à ces frivolités. Il cite l'article « Etymologie » qu'avait écrit Turgot pour l' Encyclopédie . Le mélange et la modification des langues y étaient loués. Pour adopter des racines classiques dans la création des mots français, Turgot recommande d'étudier une langue ancienne « non seulement dans sa pureté et dans les ouvrages des bons auteurs, mais encore dans les tours les plus corrompus » comme une leçon d'inventivité et de flexibilité14. Les mots, dit Turgot ce à quoi, rappelons-le, Morveau souscrit, n'ont pas de relations obligées avec les choses qu'ils expriment, et devraient conséquemment être modifiés au besoin.

Aux yeux des critiques, cette attitude cavalière face aux expériences sensorielle et historique est une usurpation, plaçant les « MOTS... ces Filles de la Terre » sur le trône des « CHOSES... les Fils du Ciel15 ». Ils y voient aussi de la coercition. Dans une lettre outragée à Lavoisier, Sage établit un parallèle entre le droit de choisir un vocabulaire technique et la liberté religieuse ou politique : « Permettez-moi, Monsieur mon cher confrère, d'avoir ma religion, ma doctrine, mon langage16» Persuadés que l'expérience et la tradition sont les seules sources légitimes du langage scientifique, les partisans de Sage sont des conservateurs en matière de réforme linguistique. Pour La Métherie, par exemple, « les changements ne doivent se faire que peu à peu » et « on doit... s'éloigner le moins possible des anciens mots ». De même, la commission de l'Académie écrit que ce n'est pas « en un jour qu'on réforme, qu'on anéantit presque une langue. » De tels conservateurs trouvent les vantardises de Lavoisier de mauvais augure, car elles annoncent une « révolution », un mot ayant acquis en 1787 une connotation inquiétante. Après thermidor, Joseph Priestley, un chimiste anglais, s'adressera aux survivants de cette cabale chimique française : « Comme votre règne, j'en suis persuadé, ne ressemblera pas à celui de Robespierre, nous espérons que vous allez rallier les quelques désaffectés que nous sommes par la persuasion, et non nous faire taire par la force17. » Ce rapprochement entre les deux révolutions à l'oeuvre dans les champs de la chimie et de la politique est alors fréquent. En effet, comment ignorer la volonté de réforme linguistique des révolutionnaires ? Pensons à brumaire, ventôse et autres noms bucoliques des mois du calendrier républicain. Ou à l'introduction d'une foule de préfixes grecs pour le nouveau système décimal des poids et mesures. Ou encore aux noms nouveaux d'un grand nombre d'objets, parmi lesquels Sage mentionne des variétés de poire : les bons-chrétiens sont devenus bons-citoyens, alors que les cuisses-madames sont désormais des cuisses-citoyennes ! Dans une diatribe contre la nouvelle nomenclature, Sage mentionne une pièce de théâtre intitulée Neologomania dans laquelle un personnage de premier plan, « Oxiphile «, rallie ainsi ses collègues conspirateurs : « Messieurs ! vous savez que nous avons pour but de faire adopter une nouvelle nomenclature physico-chimique ! Secondés par vous, Messieurs, nous saurons forcer l'opinion publique. » Dans ses vieux jours, après la chute de Napoléon et alors que l'Empereur lui-même a confessé à Sage qu'il était « pneumatiste », un disciple de la nouvelle doctrine chimique, Sage restera fidèle à ses idées. « La révolution a été féconde en néologistes », écrit-il, et plusieurs étaient des chimistes animés d'un désir de vengeance. Selon Sage, Morveau, qui avait gardé en mémoire le fâcheux rejet de sa nomenclature par l'Académie, se sera vengé précisément avec les armes de la néologie : en tant que membre du Comité sur la sécurité publique, il élimina en effet l'Académie en la renommant « l'Institut18 » !

D'où proviennent ces idées des révolutionnaires sur le rapport des mots aux choses, du langage à l'expérience ? On pourrait par exemple se tourner vers Rousseau, l'auteur de ces recommandations dans son roman pédagogique Emile : « Resserrez donc le plus qu'il est possible le vocabulaire de l'enfant. C'est un très grand inconvénient qu'il ait plus de mots que d'idées. » Plus tard, il conseillera même : « Maintenez l'enfant dans la seule dépendance des choses, vous aurez suivi l'ordre de la nature dans le progrès de son éducation19. » En réalité, le véritable guide dans ce débat n'est pas Rousseau, mais le philosophe anglais John Locke.

Réformer l'enseignement . La tabula rasa de Locke, sa notion que l'esprit est une ardoise vide à la naissance et que toutes nos idées proviennent de l'expérience des sens va effectivement de pair avec une bonne partie du programme révolutionnaire. Un manifeste sur l'instruction publique, typique de l'époque des jacobins, recommande que « tout l'art de l'instruction » repose sur « la liaison des sensations ». Joseph Lakanal se sert du même argument plusieurs années plus tard dans une proposition au Conseil des Cinq-Cents pour un programme d'instruction en arts techniques. Il rejette les méthodes d'enseignement « stériles » de l'Ancien Régime et affirme que « l'expérience est le seul flambeau qui puisse éclairer le génie ». Jean-Paul Marat dans l'intérim avait discrédité les académiciens de l'Ancien Régime comme étant « peu doués de l'esprit d'observation, méconnaissant l'art des expériences20 » .

Dans ce débat sur l'éducation civique, la vision sensualiste de Locke s'accompagne d'une méfiance envers le langage spécialisé. Le langage des sciences et son usage dans l'enseignement des sciences sous l'Ancien Régime sont les cibles favorites des réformateurs révolutionnaires de la pédagogie. Un exemple ? Ce pamphlet publié en l'an II de la République intitulé « La Science sans-culottisée : premier essai sur les moyens de faciliter l'étude de l'astronomie... et d'opérer une RÉVOLUTION dans l'enseignement » . L'auteur de ce manifeste, un certain citoyen Decremps, trouve fautif le langage de l'astronomie, qu'il juge beaucoup trop éloigné de la pratique et du bon sens. Un marin possédant une connaissance ordinaire de la configuration céleste et un besoin pressant de résultats astronomiques souhaiterait que ces résultats soient livrés dans « des langues vivantes » et non en grec ou en latin21.

Les défenseurs d'une pédagogie fondée sur l'expérience dénigrent les vocabulaires techniques et voient le langage comme l'ennemi de l'empirisme. Un plan pour un « lycée républicain » proclame, par exemple, que la « langue que parlaient les Savants n'était pas celle de la nature ; celle de l'observation et des expériences pour laquelle il suffit d'avoir des sens. » Et un rapport sur le nouveau Conservatoire des arts et métiers fait valoir, en tant que vrais idéaux pour cette nouvelle institution, l'enseignement de « la science des faits » plutôt que « la science parlière » et « leur faire voir » plutôt que « leur parler22 ».

Lavoisier, à l'opposé, insiste sur l'inefficacité de la seule expérience sensorielle en éducation. Sa pratique personnelle lui est restée en mémoire. Lavoisier avait en effet étudié la chimie avec Gabriel-François Rouelle, pharmacien et démonstrateur de chimie au Jardin du roi. Plusieurs années plus tard, dans des notes sur l'enseignement de la chimie, Lavoisier se rappelle l'état de confusion qu'il ressentait lors des cours de Rouelle. « J'étais accoutumé, écrit-il, à cette rigueur de raisonnement que les mathématiciens mettent dans leurs ouvrages. » En chimie, c'était « tout un autre monde... on me présentait des mots qu'on n'était point en état de me définir23 ».

Le Traité de chimie de Lavoisier, qui se veut le manuel d'une science révolutionnée par le langage, paraît d'abord en mars 1789 et est réédité quatre fois jusqu'en 1793. Sans surprise, Lavoisier érige la nouvelle nomenclature chimique en exemple de la fonction pédagogique du langage. Dans son traité sur l'instruction publique, remis en 1793 à la Convention nationale, Lavoisier fait ainsi valoir que l'éducation d'un peuple au moyen de la recherche scientifique demande, non seulement des sensations et des expériences, mais des « établissements » appropriés - notamment l'Académie des sciences qu'il tente de protéger de l'activisme anti-académique de la Convention. Mais il a aussi en tête la nomenclature. Les « établissements » nécessaires à l'éducation nationale, écrit Lavoisier, sont ceux qui « par leur essence, par le mécanisme même de leur organisation, sont continuellement occupés de reculer les bornes de nos connaissances. » De telles institutions ont pour but d'encourager l'industrie mentale et non physique, soit « l'emploi des facultés de l'esprit24 ».

Pour concevoir son plan d'éducation civique, Lavoisier élabore sa réforme linguistique à partir des propositions du marquis de Condorcet, un membre fondateur du Comité d'instruction publique. Les deux hommes se vouaient une considération mutuelle. Condorcet invoque implicitement la nomenclature chimique de Lavoisier lorsqu'il avance qu'à la fois la recherche et l'éducation, la philosophie et la pédagogie, doivent s'appuyer sur deux sources principales du progrès philosophique. L'une est « l'art de réunir un grand nombre d'objets sous une disposition systématique » ; l'autre est « l'institution d'une langue universelle25 ».

Un outil social . Dans les semaines qui mèneront à la purge des girondins de juin 1793, Condorcet se livre à une dernière tentative pour sauver la Révolution des « charlatans politiques » qu'il voit s'emparer du pouvoir. Son instrument est toujours le langage. Il fait ainsi de la réforme linguistique un outil social. De concert avec l'abbé Sièyes et Jules-Michel Duhamel, Condorcet crée le Journal d'instruction sociale, qui, espère-t-il, va enseigner aux citoyens à penser, non pas à travers les sensations et les émotions, mais par un vocabulaire habilement conçu. Le journal affirme que le langage ordinaire et ses limitations, que Lavoisier et Morveau ont identifiés comme des empêchements au progrès scientifique, représente un obstacle majeur pour le progrès moral et politique26.

L'idéal de Condorcet pour l'éducation sociale s'appuie sur la reconnaissance des limitations de l'empirisme dogmatique. On devrait enseigner aux étudiants, dit-il, que le langage est le guide de l'expérience sensorielle et que les livres leur enseignent à « mieux voir les objets ». Il recommande également l'usage de termes techniques dans l'enseignement. Le langage scientifique est préférable à la langue vulgaire, dit-il, parce qu'il opère « par une convention moins tacite »27. Condorcet voit bientôt essuyer un reproche, celui de délaisser le principe de l'origine sensorielle des idées. Un critique de ses mémoires sur l'instruction publique lui reproche d'avoir énoncé que les hommes naissent avec des « habitudes » vertueuses et un sens moral inné. Comment, demande- t-il, « un être qui n'a encore pu agir peut-il apporter des habitudes quand sa mémoire est encore une table rase28 ? »

Le conflit persiste . Au sein du Comité d'instruction publique, Condorcet doit défendre une position de moins en moins populaire. La divergence croissante des opinionss'illustre dans ces propos tenus par Jean-Paul Rabaut, un représentant de la Convention nationale qui impressionne tant les membres du Comité d'instruction publique qu'ils l'invitent à rejoindre leurs rangs. Rabaut distingue précisément l'instruction et l'éducation : alors que l'instruction vise à élever l'esprit avec « des livres, des instruments, des calculs, des méthodes », l'éducation vise plutôt à cultiver le coeur par « des cirques, des gymnases, des armes, des jeux publics ». Il conclut que l'Etat devrait éduquer ses citoyens, mais ne jamais les instruire29.

Condorcet perdra la bataille sur l'instruction publique. Le moment décisif se situe en 1792, huit mois après la présentation de son programme pédagogique à l'Assemblée législative, au nom du Comité d'instruction publique. Dans l'intérim, un nouveau comité sur l'instruction est formé, après le remplacement de l'Assemblée législative par la Convention nationale et la mise en place de la République. Pierre-Toussaint Durand Maillane, un membre de ce nouveau comité, critique le plan de Condorcet devant la Convention. Durand Maillane en appelle à ce qui est alors devenu l'idéal populaire dominant : « Pour être de bons citoyens prétend-il, il faut moins de science que de vertu ; il faut moins parler, moins écrire et mieux agir. »30 Tout comme l'Académie des sciences avait rejeté la nouvelle nomenclature chimique, le Comité d'instruction publique écarte, pour des raisons étrangement semblables, le plan de Condorcet...

La question du langage aura ainsi entraîné les sciences de la nature et de la morale dans un conflit qui atteint le coeur même du projet des Lumières. Les « philosophes » et les révolutionnaires auront développé des visions rivales sur les relations des mots et des choses pour appuyer des conceptions rivales de la révolution politique - telles que l'invention de nouvelles institutions sociales, ou la génération d'une culture politique moderne. Les idéologues post-thermidoriens, adeptes d'une nouvelle science des idées allant jusqu'à la neurophysiologie et la psychologie criminelle, chercheront à étendre l'application de la philosophie du langage de Condillac. Ils invoqueront alors la chimie de Lavoisier comme preuve de la validité de leur programme linguistique. Le débat autour de l'éducation civique reviendra à l'occasion sur le problème des rôles relatifs des sensations et des mots dans l'élaboration des facultés morales et intellectuelles des élèves. Parallèlement, le langage chimique des nomenclateurs sera de mieux en mieux reçu. Leur conception de la recherche en chimie connaîtra un succès grandissant au cours des premières décennies du XIXe siècle. Malgré tout, affirmer que le langage de la science ne fait pas qu'exprimer les expériences de ceux qui la pratiquent mais dirige activement son progrès restera controversé. Dans sa rétrospective napoléonienne de la science française, Cuvier remarquera encore à propos de la nomenclature : « Il serait ridicule de vouloir en faire un instrument de découvertes31. »
1Registre des procès-verbaux 24 février 1776, Archives de l'Académie des sciences, Paris

2Gabriel François Venel, « Chymie » 1753, Encyclopédie, ou, Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et métiers , Elmsford, Pergamon, 1969, vol. 1, t. 1, p. 408-437.

3Morveau, Lavoisier, Berthollet et Fourcroy, Méthode de nomenclature chimique , Paris, p. 5, 1787.

4Torbern Bergman, Physical and Chemical Essays... To which are added Notes by the Translator , trad. Edmund Cullen, Londres, J. Murray, 1784, vol. 3, p. 303.

5Louis Bernard Guyton de Morveau, Observations et mémoires sur la physique 1782, vol. 19, p. 370-382 ; Encyclopédie méthodique : chymie, pharmacie, et métallurgie , 5 vols, Paris, Panckouke, 1786-1808, Vol. 1, p. III-iv ; « Hépar » 1777, in Diderot et d'Alembert, éds., Encyclopédie , vol. 5, t. 3, p. 347-348.

6Étienne Bonnot de Condillac, Essai sur l'origine des connaissances humaines , Armand Colin, 1924 1746, p. 32-33, 87-88.

7Lavoisier, Sur la nécessité de perfectionner la nomenclature de la chimie , 1787, p. 18-19.

8Morveau, Lavoisier, Berthollet et Fourcroy, Méthode de nomenclature chimique , 1787.

9Antoine Baumé, Antoine Alexis Cadet de Vaux, Jean Darcet et Georges Balthazar Sage, « Rapport sur la nouvelle nomenclature » 13 juin 1787.

10Jean François De Machy, Tribut de la société des Neuf Soeurs , janvier 1791, p. 110-111 .

11Jean-Claude de La Métherie, Observations et mémoires sur la physique , vol. 31 1787, p. 270-285.

12Anon, Journal de Physique, 31 1787, p. 418-432.

13Sage, cité dans Marco Beretta, The Enlightenment of Matter : The Definition of Chemistry from Agricola to Lavoisier , Canton, Science History Publications, 1993, p. 288.

14Morveau, Encyc. Méth. 1789, vol. 1, p. 637-638 .

15James Keir, The First Part of a Dictionary of Chemistry 1789, p. XVIII, cité dans Beretta, Enlightenment 1993, p. 292.

16Sage - Lavoisier, 17 mai 1787, in Lavoisier, OEuvres de Lavoisier, Correspondance , vol. 7, fascs. 1-3, René Fric, Paris, Albin Michel, 1955-1964.

17La Métherie, « Essai » 1787, p. 273 ; Baumé, Cadet, Darcet, et Sage, « Rapport » 1787, p. 244 ; Joseph Priestley, Considerations on the Doctrine of Phlogiston, and the Decomposition of Water , in Lectures on Combustion , éd. William Foster, Princeton, Princeton University Press, 1929, 1796, p. 17.

18Sage, Opuscules de physique , Paris, 1813.

19Jean-Jacques Rousseau, Émile, ou D e l'éducation , 2 volumes, Émile Faguet éd., Paris, Nelson, 1913 1762, p. 96, 114.

20Joseph Lakanal, « Rapport fait au Conseil des Cinq-Cents » 23 messidor an 4 [11 juillet 1796], Jean Paul Marat, Les Charlatans modernes ; ou Lettres sur le charlatanisme académique, publiée par M. Marat, l'Ami du peuple Paris, 1791, p. 14.

21Henri Decremps, La Science sans-culottisée ..., Paris, an 2 [1793-94].

22Alquier, « Rapport sur une résolution du Conseil des Cinq-Cents » 27 nivose an 6 [17 janvier 1798], p. 10.

23Lavoisier, « Sur la manière d'enseigner la chimie » ; Traité 1789, OEuvres , vol. 1, p. 5.

24Lavoisier, « Réflexions sur l'instruction publique » 1793, OEuvres , vol. 6, p. 527-529.

25Jean-Antoine-Nicolas Caritat, marquis de Condorcet, Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain , éd. Alain Pons, Paris, Flammarion, 1988, 1793, p. 289-293.

26Condorcet et al., Journal d'instruction sociale, Prospectus 1793, in OEuvres de Condorcet , éds. A. O'Connor et M.F. Arago, Paris, Firmin Didot, 1847, vol. 3, p. 605-613.

27Condorcet, « Second mémoire » 1791, in Écrits sur l'instruction publique , éd. Charles Coutel, Paris, Edilig, 1989, vol. 1, p. 85-95.

28Anon., « Analyse des réflexions sur l'instruction publique du M. de Condorcet » Tribut de la société des N euf S oeurs , 1792, 4 : 426-.

29Saint-Étienne Rabaut, « Projet d'éducation nationale », 21 décembre 1792, Condorcet, Inst. pub . 1989, vol. 2, p. 232-233.

30Pierre Toussaint Durand de Maillane, « Opinion sur les écoles primaires », 12 décembre 1792, Condorcet, Inst. pub . 1989, vol. 2, p. 223.

31Georges Cuvier, Histoire des progrès des sciences naturelles depuis 1789 jusqu'à ce jour , Paris, Baudouin, 1826, p. 81.
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François Dagognet, Tableaux et langages de chimie , Paris, Le Seuil, 1969.

Maurice Crosland, Historical Studies in the Language of Chemistry, Cambridge, Harvard University Press, 1962.


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BACHELARD

 

Gaston Bachelard


Philosophe français (Bar-sur-Aube 1884-Paris 1962).
Théoricien de la connaissance scientifique, Gaston Bachelard est l’un des maîtres fondateurs de la nouvelle épistémologie française. Il s’est, en même temps, illustré dans une analyse des formes de l’imaginaire éclairée par la psychanalyse.
Une carrière exemplaire

Fils d’artisan, entré aux Postes et Télégraphes après ses études secondaires, Gaston Bachelard va faire une double carrière de scientifique et de philosophe. Licencié en mathématique en 1912, il est mobilisé en 1914 et sera décoré de la croix de guerre 1914-1918. Entre 1919 et 1930, il enseigne la physique et la chimie au collège de Bar-sur-Aube. Veuf dès 1920, il doit élever seul sa fille Suzanne (1919-2007), qui, plus tard, contribuera à diffuser et à commenter ses travaux d’épistémologue.
 Également licencié de philosophie en 1920, après une seule année d’études, Bachelard réussit l’agrégation en 1922 et enseigne désormais dans deux disciplines à Bar-sur-Aube. Docteur ès lettres en 1927, il devient professeur à la faculté de Dijon, avant d’être nommé à la Sorbonne, où, de 1940 à 1954, il est le titulaire de la chaire d’histoire et de philosophie des sciences, tout en dirigeant l’Institut d’histoire des sciences et des techniques. Élu à l'Académie des sciences morales et politiques en 1955, il reçoit en 1961 le Grand Prix national des Lettres.
La philosophie du non

Dans son ouvrage majeur, le Nouvel Esprit scientifique (1934), Gaston Bachelard fait de la connaissance scientifique une critique à la fois simple et rigoureuse. Sans accorder une confiance aveugle à la science, il en examine les conditions de possibilité loin de tous les exclusivismes. Contre les partisans du raisonnement par induction, il fait observer que l’on ne peut jamais affirmer qu’il n’y aura pas de contre-exemples à la loi que l’on a établie. Contre les empiristes, il montre que l’objet de la science tient aux régularités observables et que, en conséquence, les lois ont une légitimité rationnelle. Le rationalisme doit être « appliqué » et non pas cantonné dans l’abstraction dénuée de sanctions expérimentales. Les instruments scientifiques sont ainsi des théories matérialisées, de sorte que toute théorie est une pratique ; il est ainsi possible de parler d’un « matérialisme rationnel ».
La science procède donc par une double rupture. D’une part, elle est en rupture par rapport aux erreurs anciennes. Connaître scientifiquement exige de s’opposer à ce qui est tenu pour vrai sans être offert à l’examen critique et à l’expérience. Les théories établies peuvent devenir des préjugés si elles ne sont pas offertes à la possibilité de la réfutation. Ainsi, toute étude épistémologique doit être historique. D’autre part, la connaissance scientifique est en rupture avec l’expérience commune de la réalité. Le sens commun constitue, en effet, un obstacle qu’il faut dépasser : l’affectivité qui lui est liée ne concerne pas l’objet à étudier mais le sujet et lui seul ; le scientifique doit donc s’en départir. Dès les premiers mots d’une autre de ses œuvres clés, la Formation de l’esprit scientifique (1938), Bachelard l’annonce clairement : « Rendre géométrique la représentation, c’est-à-dire dessiner les phénomènes et ordonner en série les événements décisifs d’une expérience, voilà la tâche première où s’affirme l’esprit scientifique. » La condition même du nouvel esprit scientifique est donc une « philosophie du non », selon le titre même de son ouvrage de 1940.
La poétique de la rêverie

L’imagination de l’individu lui est propre, mais, tout à la fois, elle est structurée par un inconscient collectif, lui-même porteur d’archétypes. La littérature et la mythologie expriment et mettent en forme ces archétypes. La psychanalyse peut constituer un outil précieux pour interpréter le sens des images, des rêves mais aussi des connotations affectives. Bachelard réalise ainsi une critique de l’imaginaire centrée sur les quatre éléments que la philosophie de la nature présocratique, en particulier celle d’Empédocle, avait distingués. Chacun des quatre éléments est le foyer d’images et d’évocations particulières que le scientifique doit écarter.
Le texte de Bachelard se fait lui-même poésie, et ses titres sont évocateurs : la Psychanalyse du feu (1938), l’Eau et les rêves (1942), l’Air et les songes (1943), la Terre et les rêveries du repos (1946), La Terre et les rêveries de la volonté (1948), la Poétique de l’espace (1957), la Poétique de la rêverie (1960), la Flamme d’une chandelle (1961). La prose de l’épistémologue épouse son sujet et laisse entrevoir la force des images : « Tout rêveur de flamme est un poète en puissance. Toute rêverie devant la flamme est une rêverie qui admire » (la Flamme d'une chandelle).
Les évocations oniriques remontent à l’enfance et s’enracinent dans des traditions ancestrales ; elles sont également liées aux grands textes de la littérature. Dans l’Eau et les rêves, par exemple, Bachelard évoque le poète allemand Novalis, qui associe l’eau à la figure de la femme ; dans l’Air et les songes, il étudie Nietzsche et Wagner, penseurs et musiciens « ascensionnels ». Les mythes nous habitent et portent un sens qui souvent reste pour nous inconscient : le feu, volé par Prométhée, est la figure de la transgression ; gardé par les Vestales, il symbolise la continuité de la cité.
La pensée de Gaston Bachelard, indépendante de tous les systèmes, adopte une position équilibrée : le rapport poétique à la réalité ne doit pas être déprécié au nom de la science ; il coexiste avec elle. Le chercheur, pour être scientifique, n’en est pas moins homme. Cette approche exercera une grande influence sur l’épistémologie française à travers l’œuvre principalement de Georges Canguilhem (1904-1995) et de Michel Foucault (1926-1984).


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SCHOPENHAUER

 

Arthur Schopenhauer


Philosophe allemand (Dantzig 1788-Francfort-sur-le-Main 1860).
Élevant le « vouloir-vivre » au rang de principe métaphysique, Arthur Schopenhauer en fait la « clef de l’énigme du monde ». Par là s’explique le tragique de la condition humaine, réduite à être le jouet de cette force vitale qui lui échappe. La pensée de Nietzsche se formera par opposition à cette conception pessimiste.
Un parcours intellectuel syncrétique

Issu d'une famille de riches banquiers, Arthur Schopenhauer passe une partie de sa jeunesse à voyager en Europe, notamment en France et en Angleterre. Influencé par Platon et par Kant, il l’est aussi par Fichte, dont il suit les cours, et obtient en 1813 son doctorat de philosophie à Iéna, avec une thèse intitulée De la quadruple racine du principe de raison suffisante. Également marqué par la lecture des Upanishad, il se plonge dans la pensée de l’Inde, brahmanisme et bouddhisme confondus. Après la publication, en 1818, de son œuvre maîtresse, le Monde comme volonté et comme représentation (laquelle n’acquerra de vraie audience qu’après la réédition de 1844), Schopenhauer est chargé de cours à l'université de Berlin en 1819 (en même temps que Hegel), mais on ne lui confie pas de chaire. En 1831, il se retire à Francfort-sur-le-Main, où il rédige les Deux Problèmes fondamentaux de l’éthique (1841), puis Parerga et Paralipomena (1851), contenant des aphorismes spirituels qui faciliteront la diffusion de sa doctrine.
Schopenhauer demeure le représentant d’un pessimisme métaphysique absolu. Outre Nietzsche (« Schopenhauer éducateur », troisième des Considérations inactuelles [ou intempestives], 1874), l’écrivain Thomas Mann (les Buddenbrook. Le déclin d’une famille, 1901) comptera parmi les intellectuels le plus fortement marqués par sa pensée.
La force de la volonté universelle

Schopenhauer professe que le monde est tel que nous le connaissons, du fait même que ses phénomènes ne sont rien d'autre que nos sensations et que ses lois sont nos idées. Ce phénomène, Schopenhauer le renomme représentation ; ainsi, « le monde est ma représentation ». Mais il y a plus : la pensée elle-même n'est qu'un phénomène.
Toute la philosophie de Kant consiste dans la distinction entre phénomène et noumène. Le phénomène est ce qui nous apparaît, c'est-à-dire la représentation que nous nous faisons des choses. Le noumène est la chose en soi, inaccessible à notre connaissance. Or, Schopenhauer déclare que la grande découverte de sa vie est celle de la chose en soi. Cette réalité nouménale, il la trouve en lui-même, en faisant l’expérience de ce qu’est la tendance, le désir, la volonté, en un mot le « vouloir-vivre » érigé en volonté universelle.
Toute action du corps n’est que l’objectivation de cette volonté universelle. Le monde lui-même ne se compose que des manifestations de cette volonté, puissance aveugle qui travaille sans but et sans repos, qui s’élève par degrés de la matière inorganique à la raison humaine, en passant par l'irritabilité des plantes et la sensibilité des animaux, puisque la vie est une lutte pour l'existence où l'on est sûr d'être vaincu, c'est-à-dire de mourir. L'intelligence n'est qu'un agent de la volonté chargé de pourvoir à la vie de l'individu.
L'art et la pitié

Le fond de la conscience humaine elle-même ne serait que la tendance irrésistible au vouloir-vivre, illusion fatalement déçue. Le premier moyen pour s'affranchir de cette illusion est l'art, ce frère aîné de la philosophie. Par l'art – et notamment par la musique, d’où l’intérêt de Wagner pour Schopenhauer –, le génie contemple les Idées éternelles et sait les exprimer ; et, par la contemplation, il échappe aux dures nécessités de la vie.
Mais il n'est que peu de génies. Pour l'homme ordinaire, la voie du salut le plus à sa portée est la morale. L'existence n'est qu'une souffrance, puisque l'homme ne peut guider sa destinée. Mais par l'amour (tel que Jésus-Christ l'a enseigné) et par la pitié, qui lui révèle la fraternité humaine, l'homme peut se délivrer de l'égoïsme. La seule libération véritable et totale est le « quiétisme » de la volonté individuelle, qui laisse toute sa valeur à la volonté universelle. Il faut abolir en soi le vouloir-vivre, il faut « sortir du monde de la vie et entrer dans l'inconscience », dans le néant du nirvana pour parler le langage de l'hindouisme. Le suicide ne représente pas une solution, car il est encore inspiré par la passion.
Dans cette philosophie pessimiste, l'essence de l'être n'est donc qu'un effort douloureux, dont la libération n'est point dans le plaisir, répit négatif qui résulte de l'interruption momentanée de la souffrance, mais dans l'effort de l'intelligence, dans l'art, dans l'ascétisme et dans la pitié. Au final, c'est la pitié, « principe réel de toute justice spontanée et de toute vraie charité », qui constituera le fondement de la morale.

 

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LEIBNIZ

 

Gottfried Wilhelm Leibniz

Philosophe allemand (Leipzig 1646-Hanovre 1716).
La vie

Descartes n'avait plus que quatre ans à vivre lorsque, le 1er juillet 1646, Gottfried Wilhelm Leibniz naît d'une famille luthérienne de Leipzig. Le père de ce dernier, professeur à l'université de la ville, devait bientôt mourir, laissant une importante bibliothèque où son fils, en marge de l'enseignement qu'il reçoit à la Nikolaischule, acquerra une vaste culture en autodidacte. En 1661, Leibniz est à l'université l'élève de Jacob Thomasius, qui le guide dans l'étude de la scolastique et de la pensée moderne (Bacon). Sa thèse pour le grade de bachelier (De principio individui, 1663) refuse de définir l'individu par négations à partir de l'universel. Leibniz commence alors des études juridiques qui lui permettront d'être habilité (décembre 1664) maître ès philosophie avec un travail où il se propose d'introduire dans le droit une rigueur mathématique, en particulier grâce à l'intervention du calcul des probabilités. C'est le même projet de formalisation, mais généralisé, qui inspire le De arte combinatoria (1666), dans lequel, après Raymond Lulle et le P. A. Kircher, Leibniz tente de constituer une sorte d'alphabet des pensées d'où devrait découler une écriture – ou « caractéristique » – universelle. Reçu en 1667 docteur à la faculté de droit d'Altdorf, Leibniz refuse le poste de professeur qu'on lui propose et part pour Nuremberg, où il s'affilie quelque temps aux rose-croix. Johann Christian von Boyneburg, un ancien conseiller de l'Électeur de Mayence, l'y rencontre : il l'introduira (1667) à la cour de Mayence, où l'Électeur l'engagera pour des travaux de jurisprudence.
À partir de ce moment, la vie de Leibniz va constituer un tissu des plus diverses activités : politique, diplomatie, droit, affaires religieuses, travaux scientifiques, technologiques, philosophiques, etc.
Le nombre des activités de Leibniz lui vaut la réputation de dernier véritable encyclopédiste.
Dès cette époque, Leibniz sera le champion d'un renouveau patriotique de l'Allemagne. Devant les ambitions de Louis XIV, il tentera de restaurer la cohérence de l'Empire, dont les différents États seraient liés sur un mode fédéral, la prépondérance des protestants neutralisant les catholiques plus ou moins suspects de francophilie. Il essaiera aussi de détourner vers l'Égypte les visées expansionnistes de la France, projet où se lit un double désir d'épargner l'Allemagne et de réaliser par cette sorte de croisade l'unité des nations chrétiennes. Une mission liée à ce projet le conduit à Paris en 1672. Mais la guerre que Louis XIV déclare alors à la Hollande anéantit tout espoir que le projet aboutisse. Leibniz restera pourtant à Paris jusqu'en 1676 pour y rencontrer diverses célébrités. C'est alors qu'il se perfectionne dans les mathématiques, à l'instigation de Christiaan Huygens, et met au point le calcul infinitésimal, origine d'une célèbre querelle avec Newton, qui l'accusera de lui avoir volé cette découverte. Avec Arnauld et Bossuet, il tente de définir les conditions d'une négociation irénique qui aboutirait à la réunion des Églises. Appelé en 1676 à Hanovre, où la place de bibliothécaire lui était offerte par le duc Jean Frédéric de Brunswick-Lunebourg, il restera jusqu'à sa mort au service de la cour de Hanovre. Il se lie avec la comtesse palatine Sophie et avec sa fille Sophie Charlotte, qui, devenue reine de Prusse, l'aidera à fonder l'Académie des sciences de Berlin (1700). À la demande du duc Ernest Auguste, il s'engage à écrire une histoire de la maison princière de Brunswick, dont les recherches généalogiques qu'elle demande l'entraîneront de 1687 à 1690 à Vienne, à Rome (où son esprit de conciliation lui vaut l'offre d'un poste au Vatican s'il se convertit : ce qu'il refuse), etc. Tenu à l'écart des affaires sous George Louis (le futur George Ier d'Angleterre), il se tourne vers la Russie (Pierre le Grand le fait conseiller privé en 1712). En 1714, l'empereur le nomme baron.
Mais c'est dans la plus totale indifférence de son entourage qu'il mourra, le 14 novembre 1716, à Hanovre, alors que sa pensée achève de conquérir l'Europe.
La philosophie

Les idées principales

Jusqu'à sa mort, Leibniz ne cessera d'écrire sur les sujets les plus variés (« pareil en quelque sorte aux Anciens qui avaient l'adresse de mener jusqu'à huit chevaux attelés de front, il mena de front toutes les sciences », dira Fontenelle).
À ses ouvrages il faut ajouter d'importantes correspondances avec Spinoza, Hobbes, Antoine Arnauld, Bossuet, Malebranche, Bernoulli, Bayle, Clarke, etc., ainsi que tous les fragments publiés après sa mort.
Ce n'est pas sans raison que l'on a caractérisé la pensée de Leibniz par son opposition au cartésianisme, opposition qui apparaît en effet en physique, en mathématiques, en théologie comme en métaphysique. Leibniz refuse la dualité des substances posée par Descartes : l'espace, en particulier, ne saurait être considéré comme une substance ; il n'est que l'ordre selon lequel les substances coexistent. Celles-ci (il les appelle des monades) sont des principes spirituels et seul le lien avec une telle entéléchie constitue une substance.
L'être de la monade est une force active (vis primitiva activa), plus métaphysique que physique, qui se manifeste d'abord par deux types d'actions : la perception (qu'il ne faut pas ramener à l'aperception consciente : il y a une infinité de « petites » perceptions qui sont inconscientes), par laquelle chaque monade « exprime » l'infinité des autres monades, et l'appétition, qui assure le passage d'une perception à l'autre.
S'il n'y a que des monades, il y en a de plusieurs ordres, selon qu'elles sont ou ne sont pas capables de mémoire : les monades qu'on appelle corps en sont dépourvues (corpus est mens momentanea), ainsi que les plantes, mais non les animaux, dont l'entéléchie est une âme. À son tour, l'âme est soit brute (empirique : chez les animaux), soit raisonnable (chez l'homme), selon qu'elle est capable ou non de connaître par réflexion la nécessité des vérités éternelles, l'identité du moi et la perfection de Dieu, capable de raisonnement.
Raisonner, c'est toujours dégager des implications (praedicatum inest subjecto), mais ces implications peuvent reposer sur deux principes : le principe de contradiction et celui de raison suffisante. D'où, également, deux types de vérités : 1° des vérités logiques, nécessaires (leur contraire est impossible), démontrables par simple analyse, comme en mathématiques, où toutes les propositions sont déjà impliquées dans les définitions, les axiomes et les demandes d'où elles découlent ; 2° des vérités de fait, contingentes (leur contraire est possible) ; pour prouver leur raison, l'évidence, que le principe de contradiction garantit, n'est d'aucune utilité : il faut alors remonter à Dieu, seule et véritable raison suffisante de toute existence.
Dieu est infiniment parfait. Il est source des essences aussi bien que des existences (sans lui il n'y aurait « non seulement rien d'existant, mais rien de possible »), mais à des titres différents : si les essences dépendent de son entendement, les existences (contingentes) dépendent de sa volonté. Autrement dit : du fait de sa sagesse, Dieu distingue, entre tous les possibles que son entendement contient, celui qui est le meilleur ; du fait de sa bonté, c'est celui-là qu'il choisit et, du fait de sa puissance, il le produit. Parmi l'infinité des univers possibles, Dieu a donc créé (et continue de créer comme par des « fulgurations continuelles ») celui qui était le meilleur. Si la possibilité était le principe des essences, la perfection est maintenant celui des existences – perfection qui n'est pas une évidence (il faudra comprendre en effet que le meilleur des mondes implique le mal). Ce principe de raison sert de guide dans l'étude du monde, dont il permet de rattacher tous les objets à la sagesse divine en y retrouvant les principes de son action.
Le principe de continuité

Le monde leibnizien est un monde dans lequel il n'y a rien de mort, puisque toute substance est monadique et que la monade est un principe vital. D'autre part, l'implication formulée au niveau des essences sous la forme praedicatum inest subjecto se traduit sur le plan existentiel par omne praesens gravidum est futuro, « le présent est gros de l'avenir », et cela depuis le premier instant. L'ensemble des monades, dont la compossibilité constitue le meilleur des mondes possibles, a dû être créé simultanément. Dès lors, il n'y a jamais dans le monde de naissances à proprement parler : ce mot désigne simplement la métamorphose des monades spermatiques, emboîtées les unes dans les autres depuis les reins d'Adam et qui accèdent au moment de la conception à un « plus grand théâtre ». Et la mort n'est, à son tour, qu'un retour de la monade à un « théâtre plus subtil ».
Le principe des indiscernables

La monade (sans étendue) est un « point métaphysique » : un point de vue sur les autres monades que sa perception exprime. Chaque substance est ainsi un « miroir vivant » de l'univers, communiquant (mais à travers Dieu) avec toutes les autres substances à quelque distance spatiale ou temporelle qu'elles soient situées. Mais tout point de vue est unique. Il n'y a donc pas deux substances, deux monades identiques. Une différence, même infinitésimale (indiscernable), les distingue.
L'harmonie préétablie

Toute monade est définie par la spontanéité de sa force active. Elle ne connaît ni n'éprouve rien qui ne vienne d'elle-même. Elle n'est sujette à rien qui ait une origine extérieure à elle ; « elle seule fait tout son monde ». Aussi est-ce Dieu qui accorde entre elles ces monades solipsistes (« sans portes ni fenêtres ») ; c'est lui qui « fait la liaison des substances et c'est par lui que les phénomènes des uns se rencontrent et s'accordent avec ceux des autres ». Tel est le premier aspect de l'harmonie préétablie. Le second éclaire l'union de l'âme et du corps : chacun des deux suit ses propres lois, elle les causes finales, lui les causes efficientes, aucun des deux ne pouvant agir sur l'autre, quoiqu'ils ne cessent de paraître en action réciproque ; l'harmonie que Dieu fait régner entre eux est la source de cette illusion.
Dans ce monde où Dieu a tout calculé d'avance, y compris la part du mal, la liberté a pourtant sa place. Dieu n'est pas responsable du péché d'Adam : Dieu permet sans doute qu'il y ait du mal, mais ce qu'il veut, c'est seulement le bien (le meilleur). « La racine du mal est dans le néant », c'est-à-dire dans ce qu'il manque à l'homme de perfection et dont Dieu n'est pas responsable, car il l'est, au contraire, dans sa bonté des seules perfections qu'il lui a effectivement données. Donc : « Dieu incline notre âme sans la nécessiter. »
Quelques écrits de Leibniz

Droit :

Codex juris gentium diplomaticus (1693).
Géologie :

Protogaea (publié en 1780).
Histoire :

Meditationes de originibus gentium (1710).
Logique :

De arte combinatoria (1666).
Mathématiques :

Analysis situs (1679) ; Nova Methodus pro maximis et minimis (1684).
Pamphlets :

Mars christianissimus (1683).
Philosophie :

Confessio naturae contra atheistas (1668) ; Dialogus de connexione inter res et verba et veritatis realitate (1677) ; Quid sit idea (1678) ; Méditations sur la connaissance, la vérité et les idées (1684) ; Discours de métaphysique (1686) ; Remarques générales sur les « Principes » de Descartes et De la réforme de la philosophie première… (1694) ; Système nouveau de la nature et de la communication des substances (1695) ; De rerum originatione radicali (1697) ; De ipsa natura… (1698) ; Considération sur la doctrine d'un esprit universel (1702) ; Nouveaux Essais sur l'entendement humain (1704, publié en 1765) ; Essais de théodicée (1710) ; Monadologie et Principes de la nature et de la grâce fondés en raison (1714).
Physique :

Hypothesis physica nova (1671) ; Brevis Demonstratio erroris memorabilis Cartesii (1686).
Politique :

Securitas publica (1670) ; Consultation touchant la guerre ou l'accommodement avec la France (1684) ; Exhortation aux Allemands pour mieux cultiver leur raison et leur langue avec, y joint, une proposition d'une Société teutophile (1696).
Théologie :

Demonstrationes catholicae (1669).
L'œuvre mathématique de Leibniz

L'œuvre mathématique de Leibniz est à la fois la complémentaire et l'opposée de celle d'Isaac Newton. S'insérant dans tout un courant de pensée qui remonte à l'Antiquité grecque et que les analystes du xvie s. et du xviie s. ont renouvelé, les deux hommes fondent tous deux l'analyse infinitésimale moderne. Mais Newton, physicien, mécanicien, génial créateur de la mécanique rationnelle, veut une mathématique directement efficace et manque ainsi de peu l'invention d'une symbolique enrichissante.
Venu plus tard aux mathématiques d'avant-garde, et cela grâce en particulier aux conseils de Christiaan Huygens, Leibniz a une formation et surtout un tempérament beaucoup plus philosophiques. Si tous deux s'inspirent de la mathématique cartésienne, à laquelle il leur arrive de s'opposer dans l'espoir de la surpasser, c'est Leibniz qui rêvera le plus à la découverte de nouveaux algorithmes, à une symbolique universelle et efficace, au prolongement de l'algèbre par des mécanismes mentaux nouveaux, véritables machines à penser, aptes à décupler la puissance de l'esprit humain. De son vivant, il ne réalisera son rêve que très partiellement. Sa machine arithmétique, supérieure à l'additionneuse de Blaise Pascal, qui est de 1645, lui donne une place de choix parmi les précurseurs de la cybernétique. Ses notations de la différentielle et de l'intégrale se sont rapidement imposées ; Leibniz pressent le calcul des déterminants ainsi que l'Analysis situs, la topologie actuelle. Mais sa pensée a imprégné l'esprit de ses premiers disciples, les frères Bernoulli. Elle a ensuite animé les travaux de Leonhard Euler, puis et surtout ceux de Louis de Lagrange, et elle reste toujours vivante dans certains aspects des mathématiques modernes.

 

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