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Dans le cerveau des procrastinateurs

 

 

 

 

 

 

 

Dans le cerveau des procrastinateurs

11 OCT 2022 | PAR INSERM (SALLE DE PRESSE) | NEUROSCIENCES, SCIENCES COGNITIVES, NEUROLOGIE, PSYCHIATRIE


Afin de décrypter le comportement de procrastination, une équipe de recherche a mené une étude auprès de 51 participants. © Adobe Stock

Une équipe de chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS, de Sorbonne Université et de l’AP-HP au sein de l’Institut du Cerveau à Paris vient de décrypter comment notre cerveau se comporte lorsque nous procrastinons. L’étude, menée chez l’humain, combine imagerie fonctionnelle et tests comportementaux et a permis aux scientifiques d’identifier une région du cerveau où se joue la décision de procrastiner : le cortex cingulaire antérieur. L’équipe a également mis au point un algorithme permettant de prédire la tendance à la procrastination des participants. Ces travaux sont publiés dans Nature Communications.

La procrastination, ou tendance à reporter des tâches qui nous incombent, constitue une expérience – souvent inconfortable voire culpabilisante – que nombre d’entre nous ont déjà éprouvée. Pourquoi alors, et dans quelles conditions, notre cerveau nous pousse-t-il à procrastiner ? Pour répondre à cette question, une équipe dirigée par Mathias Pessiglione, chercheur Inserm et Raphaël Le Bouc, neurologue à l’AP-HP, au sein de l’Institut du Cerveau (Inserm/CNRS/Sorbonne Université/AP-HP) a mené une étude auprès de 51 participants.

Afin de décrypter le comportement de procrastination, ces individus ont participé à un certain nombre de tests durant lesquels leur activité cérébrale était enregistrée par IRM. Chaque participant devait d’abord attribuer de manière subjective une valeur à des récompenses (des gâteaux, des fleurs…) et à des efforts (mémoriser un chiffre, faire des pompes…). Il leur a ensuite été demandé d’indiquer leurs préférences entre obtenir une petite récompense rapidement ou une grande récompense plus tard, ainsi qu’entre un petit effort à faire tout de suite ou un effort plus important à faire plus tard.

Les données d’imagerie ont révélé l’activation au moment de la prise de décision d’une région cérébrale appelée cortex cingulaire antérieur. Cette région a pour rôle d’effectuer un calcul coût-bénéfice en intégrant les coûts (efforts) et les bénéfices (récompenses) associés à chaque option.

La tendance à la procrastination a ensuite été mesurée par deux types de tests. Dans le premier, les participants devaient décider soit de produire un effort le jour même pour obtenir immédiatement la récompense associée, soit de produire un effort le lendemain et de patienter jusque-là pour obtenir la récompense. Dans le second, à leur retour chez eux, les participants devaient remplir plusieurs formulaires assez fastidieux et les renvoyer sous un mois maximum pour être indemnisés de leur participation à l’étude.

Les données fournies par les tests réalisés en IRM ont servi à alimenter un modèle mathématique dit « neuro-computationnel » de prise de décision, mis au point par les chercheurs.

« Notre modèle prend en compte les coûts et les bénéfices d’une décision, mais intègre également les échéances auxquelles ils surviennent, explique Raphaël Le Bouc. Par exemple, pour une tâche comme faire la vaisselle, les coûts sont liés à l’aspect long et rébarbatif de la corvée et les bénéfices au fait que l’on retrouve à son issue une cuisine propre. Laver la vaisselle est dans l’instant très pénible ; envisager de le faire le lendemain l’est un peu moins. De même, être payé immédiatement après un travail est motivant, mais savoir qu’on sera payé un mois plus tard l’est beaucoup moins. On dit que ces variables, le coût des efforts comme la valeur des récompenses, s’atténuent avec le délai, au fur et à mesure qu’ils s’éloignent dans le futur », ajoute le chercheur.

Ainsi, plus l’échéance est lointaine, moins l’effort paraît coûteux et moins la récompense paraît gratifiante.

« La procrastination pourrait être spécifiquement liée à l’impact du délai sur l’évaluation des tâches exigeant un effort. Plus précisément, elle peut s’expliquer par la tendance de notre cerveau à décompter plus vite les coûts que les récompenses », conclut Mathias Pessiglione.

À partir des informations sur l’activité de leur cortex cingulaire antérieur et des données recueillies lors des tests comportementaux, les chercheurs ont établi un profil motivationnel pour chacun des participants. Ce profil décrivait leur attirance pour les récompenses, leur aversion à l’effort, et leur tendance à dévaluer les bénéfices et les coûts avec le délai. Ce profil permettait donc d’estimer la tendance à procrastiner pour chacun des participants. Une fois alimenté avec les données spécifiques à chacun de ces profils, leur modèle s’est révélé capable de prédire le délai mis par chaque participant à renvoyer le formulaire rempli.

Ces recherches pourraient aider à développer des stratégies individuelles pour ne plus repousser sans cesse des corvées qui sont pourtant à notre portée. Elles permettraient ainsi d’éviter les effets pernicieux de la procrastination dans des domaines aussi variés que l’enseignement, l’économie et la santé.

 

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Bénéfices cérébraux liés au sport : rien ne sert de courir ?

 

 

 

 

 

 

 

Bénéfices cérébraux liés au sport : rien ne sert de courir ?

*         PUBLIÉ LE : 25/04/2024 TEMPS DE LECTURE : 4 MIN ACTUALITÉ, SCIENCE
*
À Dijon, une équipe de recherche a confirmé qu’à l’instar de l’activité physique, la stimulation des muscles par un courant électrique induit la production d’un facteur bénéfique au fonctionnement du cerveau. En décrivant les mécanismes biologiques sous-jacents, les chercheurs ouvrent des perspectives intéressantes pour les personnes qui sont en incapacité de faire du sport.
Si nous savons tous que l’activité physique est bonne pour la santé physique, cardiovasculaire et métabolique, son intérêt pour la santé mentale et cérébrale est moins bien connu. Philippe Garnier, enseignant à l’université de Bourgogne et chercheur dans une unité Inserm, étudie les mécanismes biologiques qui expliquent le bénéfice de l’exercice sur le cerveau. Il s’intéresse particulièrement au BDNF (brain-derived neurotrophic factor), une protéine de la famille des « neurotrophines » qui favorisent la santé et le bon fonctionnement des neurones. Dans des travaux antérieurs, le chercheur et son équipe ont montré qu’un seuil minimal d’intensité physique est nécessaire pour soutenir sa production. Malheureusement, ce niveau d’activité peut être difficile, voire impossible à atteindre pour de nombreuses personnes, notamment parmi les plus âgées ou celles en situation de handicap physique. « Des séances d’électromyostimulation (EMS, ou stimulation électrique neuromusculaire), leur sont parfois proposées : elles consistent à appliquer des électrodes externes en regard des muscles, afin d’induire des contractions musculaires involontaires lorsqu’un courant les traverse. Mais le bénéfice cérébral de ces séances n’a jamais été étudié », explique le chercheur. Avec Rémi Chaney, doctorant dans son équipe, il a donc mis en place une série d’expériences pour savoir si ce substitut passif à l’activité physique pouvait lui aussi conduire à une production de BDNF. En premier lieu, un protocole d’électromyostimulation efficace au niveau musculaire a été mis au point chez des volontaires en bonne santé.

Une élévation du taux de BDNF dans l’hippocampe
Les paramètres de la stimulation électrique ont été calibrés pour obtenir une activité musculaire aussi intense sur le plan biologique que celle nécessaire à la production de BDNF lors d’un exercice classique comme le jogging (rythme cardiaque, pression artérielle, saturation sanguine en oxygène). Avant et après la séance, les participants ont répondu à un questionnaire pour mesurer leur humeur et réalisé un test cognitif (test d’attention sélective de Stroop). Leurs résultats ont été comparés à ceux d’un groupe de témoins restés au repos. « Cette première étape a permis de confirmer que la séance d’électromyostimulation permet de réduire légèrement l’anxiété et d’améliorer les performances cognitives, comme nous l’observons après une séance d’activité physique », explique le chercheur. Des bénéfices qui suggèrent indirectement qu’une production de BDNF a été favorisée par l’électromyostimulation. Pour s’en assurer, le protocole a été transposé chez le rat : dans ce modèle, les chercheurs ont pu confirmer que l’électromyostimulation provoque une élévation du taux de BDNF dans l’hippocampe, une zone cérébrale essentielle à la mémoire et l’apprentissage.
« Nous savons que la production cérébrale de BDNF en réponse à l’activité physique découle de trois mécanismes complémentaires, commente Philippe Garnier. Il existe une synthèse neuronale directe, une production par la paroi interne des vaisseaux cérébraux secondaire à l’augmentation du débit sanguin local, et enfin une production de BDNF par le biais de molécules libérées dans la circulation sanguine par les muscles en contraction. Mais chez le rat soumis à la stimulation électrique, aucun des deux premiers mécanismes n’a pu être mis en évidence : il est donc probable que, dans ce contexte, l’augmentation de BDNF repose sur le métabolisme musculaire. »
Pour le confirmer, l’équipe dijonnaise a recherché des molécules qui pourraient être à l’œuvre dans ce processus. À l’issue des séances d’électromyostimulation, ils ont observé que l’élévation du taux sanguin du lactate, un des produits issus du métabolisme des muscles, était corrélé à l’augmentation de BDNF au niveau cérébral. « Par ailleurs, le taux de SIRT1, une enzyme cérébrale connue pour stimuler la production du BDNF sous l’action du lactate, était nettement augmenté quatre heures après l’électromyostimulation. »

Un effet médié par la production musculaire de lactate
Ce travail suggère donc que le bénéfice cérébral de l’exercice physique pourrait être en partie reproduit par une séance de stimulation électrique de durée et d’intensité adaptée, grâce à la libération musculaire de lactate qu’elle provoque. Le chercheur souhaite confirmer ce résultat en s’assurant que la production de BDNF est stoppée lorsque la diffusion du lactate dans le cerveau des rats est inhibée par des molécules pharmacologiques. Il souhaite aussi comparer les effets d’un protocole d’électromyostimulation appliqué quotidiennement pendant une semaine à ceux d’un exercice physique classique équivalent, pour savoir si les taux de BDNF induits par les deux méthodes sont comparables. « Enfin, il serait intéressant d’injecter du lactate aux animaux, afin de voir si cette substance est capable de conduire directement à l’augmentation de l’expression de SIRT1 et donc à la synthèse de BDNF », complète le chercheur.
Sur le plan clinique, deux questions doivent aussi être élucidées. La première concerne la masse musculaire nécessaire pour obtenir un effet bénéfique. « Nous avons conduit cette étude sur le quadriceps, un ensemble de muscles localisés de la partie antérieure de la cuisse qui constitue l’un des plus gros groupes musculaires de notre organisme. Mais il serait intéressant de savoir si ce protocole peut favoriser la production de BDNF lorsqu’il est appliqué à un muscle plus petit. » L’objectif est donc d’évaluer s’il existe une relation entre le volume de muscle mobilisé et le taux de BDNF produit. Enfin, ce protocole a été établi avec des personnes en bonne santé et sportives. Le tissu musculaire de patients alités, incapables de faire des exercices classiques, reste-t-il capable de se comporter de façon comparable ? Produit-il du lactate dans des proportions équivalentes ? Le chercheur et son équipe souhaitent conduire une étude clinique, en collaboration avec un service hospitalier, pour le vérifier.

Philippe Garnier est chercheur dans l’unité Cognition action et plasticité sensori-motrice (CAPS, unité 1093 Inserm/Université de Bourgogne) à Dijon.

Source : Rémi Chaney et coll. Cerebral Benefits Induced by Electrical Muscle Stimulation : Evidence from a Human and Rat Study. Int. J. Mol. Sci., 4 février 2024 ; doi :10.3390/ijms25031883

 

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Sepsis : une thérapie cellulaire pour réparer les séquelles musculaires

 





 

 

 

 

 

Sepsis : une thérapie cellulaire pour réparer les séquelles musculaires

Des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’université Paris-Descartes, du Centre hospitalier Sainte-Anne et du CNRS publient dans Nature Communications une étude dévoilant les atteintes musculaires sévères provoquées par le sepsis, ou septicémie, expliquant les lourdes séquelles des patients après la réanimation. Ils proposent une approche thérapeutique aux premiers résultats très encourageants, fondée sur la greffe de cellules souches mésenchymateuses, et permettant de restaurer, chez l’animal, les capacités musculaires.


Le sepsis, est une réponse inflammatoire généralisée de l’organisme, en réaction à une infection sévère. Mal connu du grand public, c’est une maladie très fréquente qui touche 28 millions de personnes dans le monde chaque année, et qui est responsable de 8 millions de décès. Si, grâce aux progrès de la médecine et notamment de la réanimation, la mortalité liée au sepsis diminue – en France, elle est néanmoins de 27%, et dans sa forme la plus grave, le choc septique, elle peut atteindre 50% - les patients qui survivent présentent de graves séquelles, notamment neurologiques et musculaires, qui les handicapent lourdement et les empêchent durablement de retrouver une vie active normale. Avec le vieillissement de la population, les projections suggèrent un doublement du nombre de cas de sepsis d’ici cinquante ans. Dans ce contexte, la recherche de pistes thérapeutiques constitue un enjeu majeur de santé publique.

Pour mieux comprendre la perte notable des capacités musculaires observée chez les patients, des chercheurs de l’unité d’Histopathologie humaine de l’Institut Pasteur, dirigée par le Pr Fabrice Chrétien*, en collaboration avec le groupe de recherche mené au sein de l’unité Cellules souches et développement (Institut Pasteur/CNRS) par Miria Ricchetti, se sont intéressés aux conséquences du sepsis sur les cellules souches - dites cellules satellites - à l’origine des cellules des muscles des membres notamment. Ils ont observé chez la souris que ces cellules souches voyaient la masse de leurs mitochondries chuter drastiquement. Ces petits organites constituent les centrales énergétiques de la cellule : elles produisent l’ATP, la molécule-carburant nécessaire à toute réaction chimique. Les scientifiques ont ainsi montré qu’après un sepsis, les quelques mitochondries subsistant dans les cellules satellites leur permettaient tout juste de maintenir un fonctionnement minimal de survie, mais n’étaient pas suffisantes pour assurer leur division et leur différenciation en cellules musculaires en
* chef du service de Neuropathologie du Centre hospitalier Sainte Anne, Université Paris-Descartes
cas de besoin (croissance musculaire, réparation et maintenance). Cette atteinte, précoce et durable, empêche l’organisme de restaurer les fonctions musculaires et explique le déficit musculaire persistant observé chez les patients.

Ces travaux ont amené les chercheurs à envisager le recours à la greffe de cellules souches dites mésenchymateuses comme piste thérapeutique. Aisément cultivables en laboratoire, ces cellules sont connues pour leurs propriétés immunomodulatrices, ce qui en fait d’excellentes candidates à la greffe dans le cadre de thérapies cellulaires visant à réparer des lésions d’origine dégénérative ou traumatique. Fabrice Chrétien et son équipe ont ainsi pu montrer, sur un modèle murin, qu’une greffe de cellules souches mésenchymateuses effectuée après un choc septique directement au niveau intramusculaire permettait de diminuer le niveau d’inflammation globale et les symptômes associés : fièvre, atonie (absence de tonus), circulation des cytokines, les molécules inflammatoires etc. Grâce à une analyse histologique après la greffe, ils ont pu mettre en évidence que les cellules souches mésenchymateuses venaient supporter les cellules satellites en souffrance sans s’y substituer. Ensuite, elles étaient éliminées par l’organisme, alors que la greffe permettait de restaurer pleinement les dysfonctions mitochondriales et les capacités métaboliques et de division des cellules satellites.
Après ces résultats encourageants, les chercheurs espèrent maintenant pouvoir poursuivre leurs investigations chez l’Homme. La première phase des travaux, qui devrait permettre de vérifier si les mêmes atteintes tissulaires sont observées chez les patients, devrait pouvoir débuter prochainement.
Icono : tissu musculaire après sepsis. En rose, les fibres musculaires. Les espaces plus clairs entre les fibres correspondent aux défauts de régénération du muscle. © Institut Pasteur

En savoir plus
 Lire la fiche sur le sepsis : http://www.pasteur.fr/fr/institut-pasteur/presse/fiches-info/sepsis-septicemie-0
 Site web de TRIGGERSEP, réseau rassemblant chercheurs, cliniciens, statisticiens et experts dans le domaine du sepsis :
http://www.fcrin.org/support-outils/triggersep-sepsis#

Source
Sepsis induces long-term metabolic and mitochondrial muscle stem cell dysfunction amenable by mesenchymal stem cell therapy, Nature Communications, 15 décembre 2015.
P. Rocheteau †(1), L. Chatre †(2,3), D. Briand (1), M. Mebarki (1), G. Jouvion (1), J. Bardon (1), C. Crochemore (2,3), P. Serrani (1), P. P. Lecci (1), M. Latil (1), B. Matot (4,5), P. G. Carlier (4,5), N. Latronico (6), C. Huchet (7), A. Lafoux (7), T. Sharshar (1,8,9,10), M. Ricchetti (2,3) and F. Chrétien* (1,10,11,12)
† ces auteurs ont contribué à part égale.
(1) Institut Pasteur Human Histopathology and Animal Models Unit, Infection and Epidemiology Department, Paris, France
(2) Institut Pasteur, Stem Cells and Development, Dept. of Developmental and Stem Cell Biology, Paris, France (3) CNRS UMR 3525, Team Stability of Nuclear and Mitochondrial DNA
(4) Institute of Myology, NMR Laboratory, Paris France
(5) CEA, I2BM, MIRCen, NMR Laboratory, Paris, France
(6) Anesthesia and reanimation department, Department of surgery, University of Brescia, Italy
(7) INSERM UMR1087/ CNRS UMR6291, Institut du Thorax, Therassay, Université de Nantes, Faculté des Sciences et des Techniques, Nantes, F44322, France.
(8) Service de réanimation médico-chirurgicale adulte, Hôpital Raymond Poincaré, Garches, France
(9) Université Versailles Saint Quentin, France
(10) TRIGGERSEP, F-CRIN Network, France
(11) Laboratoire de Neuropathologie, Centre Hospitalier Sainte Anne, Paris, France
(12) Paris Descartes University, Sorbonne Paris Cité, Paris France
Contacts
Service de presse de l’Institut Pasteur
Marion Doucet – presse@pasteur.fr – 01 45 68 89 28

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Stéphanie Descroix, la biologiste qui met nos organes sur puce

 

 

 

 

 

 

 

Stéphanie Descroix, la biologiste qui met nos organes sur puce

28.02.2024, par Kheira Bettayeb

Issue d’une formation en biologie et en chimie, Stéphanie Descroix travaille dans un domaine de recherche hautement pluridisciplinaire : la microfluidique. Grâce à cette technologie, elle crée des mini-organes sur puce. Des outils qui ouvrent des perspectives immenses, notamment en oncologie...

Lorsqu’on parle avec Stéphanie Descroix1, directrice de recherche CNRS et cheffe d’équipe à l’Institut Curie, à Paris, un trait de caractère retient l’attention : sa « positive attitude ». Qu’on en juge : son lieu de travail ? « C’est un centre merveilleux, le plus bel endroit pour mener mes recherches », lance-t-elle. Son travail ? Il est « génial », « hyper satisfaisant ». Sa carrière ? « J’ai eu beaucoup de chance ! » Et ses collaborateurs ? Beaucoup sont de « super collègues ». « Elle crée une ambiance si bonne dans son groupe qu’on a du mal à le quitter », constate Charlotte Bouquerel, qui a travaillé avec elle pendant quatre ans, dans le cadre de son stage de doctorat.

Mais la chercheuse dénote aussi par ses recherches... à la pointe de la technologie ! C’est que son groupe, l’équipe « Macromolécules et microsystèmes en biologie et en médecine », est un des leaders mondiaux dans un domaine récent, qui promet de révolutionner la compréhension de la physiologie et des pathologies humaines et leur prise en charge : les organes sur puces.

Les organes sur puce sont de nouvelles technologies conçues pour reproduire certaines caractéristiques cellulaires, biochimiques, physiques et physiologiques des organes et tissus humains.

Dits aussi « organs-on-chip » (de leur nom anglais), « les organes sur puce sont de nouvelles technologies conçues pour reproduire certaines caractéristiques cellulaires, biochimiques, physiques et physiologiques des organes et tissus humains, comme leur structure en trois dimensions, leur environnement physico-chimique (taux d’oxygène, acidité…) ou leurs fonctions », éclaire Stéphanie Descroix. Ces systèmes sont fabriqués grâce à la microfluidique, une technologie née il y a une trentaine d’années, en plein essor aujourd’hui.
À la croisée de la biologie, de la physique, de la chimie et de l’ingénierie, la microfluidique permet la fabrication de dispositifs miniatures sur des petites puces en verre, en silicone ou en plastique. D'une taille réduite (quelques centimètres carrés), ces plateformes hébergent un ensemble de micro-canaux gravés ou moulés, connectés entre eux de manière à réaliser une fonction donnée comme mélanger des composants ou encore contrôler l’environnement biochimique.

L’art de faire mieux avec moins
En pratique, « les organes sur puce sont obtenus à partir de cellules et de molécules de la matrice extracellulaire, le “ciment” qui maintient attachées les cellules d’un même tissu. L’ensemble est injecté sur une puce microfluidique où il s’auto-organise pour acquérir une structure en trois dimensions qui peut être similaire à celle du vrai organe », détaille la directrice de recherche.
Les atouts des organes sur puce sont énormes ! Tout d’abord, la microfluidique permet d’y contrôler différents paramètres biologiques, physiques ou physico-chimiques : composition en cellules, en matrice extracellulaire, taux d’oxygène, acidité, forces appliquées, etc. ; ce qui permet de se rapprocher au mieux des caractéristiques et des conditions retrouvées au sein de vrais organes ou tissus. Conséquence, les organes sur puce devraient à l’avenir être des outils d’expérimentation plus fiables que les simples cellules mises en culture.



Stéphanie Descroix
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Ensuite, ils permettent de réaliser de nombreuses expériences avec très peu de matériel biologique : « quelques dizaines de milliers de cellules pour un organe sur puce, ce qui peut représenter quelques millimètres carrés de l’organe d’origine ». Enfin, comparés aux tests chez l’animal ou l’humain, ils permettent de travailler plus rapidement et à moindre coût. Bref, comme le souligne Stéphanie Descroix dans un chapitre d’ouvrage consacré à la microfluidique2, ces systèmes permettent de « faire mieux avec moins » !
La multidisciplinarité chevillée au corps
Comment la chercheuse en est-elle arrivée à se spécialiser dans un domaine si pointu ? De fait, cette francilienne née à Fontenay-sous-Bois (94) a toujours baigné dans un environnement propice à la curiosité scientifique : « Mes parents, tous deux scientifiques mais dans l’industrie, avaient une vraie appétence pour la science, qu’ils nous ont transmise à mon frère – aujourd’hui professeur de maths – et moi. Par la suite, je me suis mariée avec un chercheur et j’ai désormais deux enfants qui aiment également les sciences », confie-t-elle.
C’est aussi très tôt qu’elle a affiché un goût marqué pour différentes disciplines : « au lycée, j’aimais les maths, la bio, l’histoire, l’allemand et aussi la physique-chimie ». Mais une fois le baccalauréat en poche, elle doit faire un choix.

Les organes sur puce devraient à l’avenir être des outils d’expérimentation plus fiables que les simples cellules mises en culture.
Elle s’inscrit alors en biologie, à l’université des sciences de la vie à Créteil (94). Sitôt sa maîtrise de sciences et techniques en génie biochimique et biologique acquise, le besoin de pluridisciplinarité la rattrape. Elle « bifurque » alors vers un diplôme d'études approfondies, spécialisé cette fois en chimie analytique (cette partie de la chimie dédiée à l'analyse de produits chimiques), à l’université Pierre-et-Marie-Curie, devenue Sorbonne Université.
Une fois sa thèse obtenue en 2002, celle qui se dit « souvent pressée, au point que (son) professeur de tennis ne cesse de (lui) répéter de faire trois ou quatre échanges avant de monter au filet pour conclure l’attaque ! », court-circuite le traditionnel stage postdoctoral qui clôture normalement la formation des chercheurs et opte pour un poste à l’université d’Orsay en tant qu’attachée temporaire d'enseignement et de recherche. Mais très vite, elle se sent « plus à (sa) place dans la recherche que l’enseignement », et tente le concours d’entrée au CNRS qu’elle décroche en 2004.
Mettre le cancer sur puce pour aller vers une médecine personnalisée
La microfluidique ? Stéphanie Descroix y fait ses premiers pas dès son entrée au CNRS : « À cette époque, raconte-t-elle, cette technologie commençait à significativement décoller en France. Aussi, j'ai souhaité, avec mon équipe d'accueil d’alors – le Laboratoire physico-chimie des électrolytes, colloïdes et sciences analytiques3 –, la combiner avec des approches bio-analytiques (qui permettent la mesure quantitative d'un objet biologique, Ndlr) ». Cependant, observe-t-elle, « cela m’a pris du temps pour devenir experte en microfluidique et en organes sur puce...et mon apprentissage est loin d’être terminé ! »

Cela m’a pris du temps pour devenir experte en microfluidique... et mon apprentissage est loin d’être terminé !
Désormais, à l’Institut Curie, qu’elle a intégré en 2011, la chercheuse et ses collègues développent des organes sur puce particuliers : « des tumeurs de patients sur puce ». Comme elle l’explique, « il s’agit de micro-tumeurs créées à partir de différentes cellules issues d’un même patient : des cellules cancéreuses mais aussi d’autres naturellement présentes dans les tumeurs, comme des cellules immunitaires et des cellules de vaisseaux sanguins ».
Grâce à ce type d’outils, la chercheuse espère réaliser un grand rêve : développer des systèmes de médecine personnalisée qui permettraient de tester la réponse d’un patient aux chimiothérapies ou aux immunothérapies (deux types de traitements anticancer) ; ces thérapies pouvant être plus ou moins efficaces selon les caractéristiques – notamment génétiques – de chaque tumeur. « Si on arrive à développer de tels outils, ils pourraient aider à donner directement au patient la thérapie la plus efficace pour lui. Ce qui augmenterait ses chances de survie », espère Stéphanie Descroix.


A gauche, un moule en laiton mimant la structure de l’intestin. Il sert à mouler une structure 3D en collagène pour réaliser l’intestin sur puce. La partie droite montre l’intestin sur puce avec les cellules qui ont colonisé la structure.

Stéphanie Descroix
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Lors d’une étude récente4, la chercheuse et ses collègues ont démontré la faisabilité de ce concept chez une dizaine de patients. Reste maintenant à renouveler l’étude à plus grande échelle. Pour ce faire, un large essai clinique est prévu avec environ deux cents malades. Il devrait être lancé dans les six prochains mois.
De nombreuses découvertes en perspective
Mais il n’y a pas que la recherche appliquée ! « Mon équipe fait également de la recherche fondamentale, pour améliorer nos connaissances sur les organes et leurs maladies. Pouvoir travailler sur ces deux versants de la recherche que l’on a tendance à opposer, alors qu’ils se nourrissent mutuellement, est une spécificité à laquelle je tiens », souligne Stéphanie Descroix, avec une certaine fierté.
Dans ce domaine, la chercheuse « s’amuse » notamment à tenter de répondre à plusieurs questions très précises concernant l’intestin, « un organe superbe mais trop souvent sous-estimé ». Par exemple, lors de récents travaux publiés notamment avec Danijela Vignjevic, biologiste cellulaire à l’Institut Curie5, elle a co-développé un intestin sur puce qui a permis d’en savoir plus sur la mise en place des différents types de cellules constituant l’épithélium intestinal, le tissu qui recouvre la paroi interne de l’intestin grêle. « Nous voulions savoir ce qui pilotait l’organisation spatiale de ces différents types cellulaires, sachant qu’ils ne sont pas placés n’importe comment mais à des niveaux précis dans l’épithélium », développe-t-elle.


Stéphanie Descroix
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Et bingo ! La cheffe d’équipe et ses collègues ont montré que si la géométrie particulière de l’épithélium en cryptes (creux) et en villosités (replis) régule en partie le positionnement des cellules au niveau de ce tissu, elle ne suffit pas. Il faut aussi la présence de cellules particulières, appelées fibroblastes, lesquelles produisent des substances (des facteurs de croissances et du collagène, le constituant majeur de la matrice extracellulaire) indispensables au bon positionnement des cellules. En fait, termine Stéphanie Descroix, « les potentialités des organes sur puce sont énormes. Dans les années à venir, ils devraient mener à de très nombreuses découvertes. Et ce, aussi bien en recherche fondamentale et appliquée qu’en clinique ! ». ♦

À lire sur notre site
Les organoïdes : de mini-organes aux maxi-pouvoirs
Notes
*         1.
Laboratoire Physique de la cellule et cancer (CNRS/Institut Curie/Sorbonne Université). Équipe « Macromolécules et microsystèmes en biologie et en médecine » résidente de l'Institut Pierre Gilles de Gennes pour la microfluidique (IPGG) à Paris.
*         2.
« Faire mieux avec moins : la microfluidique ! », Stéphanie Descroix, Jean-Baptiste Salmon, Julien Legros, in Étonnante chimie, sous la direction de Claire-Marie Pradier, CNRS Éditions, 2021.
*         3.
Unité CNRS/École supérieure de physique et de chimie industrielles/Sorbonne Université.
*         4.
Irina Veith et al. bioRxiv. 21 juin 2023. doi: https://doi.org/10.1101/2023.06.21.545960
*         5.
Marine Verhulsel et al. Lab Chip. 27 janvier 2021. https://pubs.rsc.org/en/content/articlelanding/2021/lc/d0lc00672f

 

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