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Electrophotonique et pseudo-traitements : le scandale de la maladie de Lyme

 

 

 

 

 

 

 

Electrophotonique et pseudo-traitements : le scandale de la maladie de Lyme

Par Olivier Hertel le 10.05.2017 à 15h34

"Captations photoniques", tests non officiels, essai clinique illégal... L'enquête de Sciences et Avenir a mis au jour des pratiques non validées scientifiquement, voire dangereuses, proposées à de nombreux malades à qui la médecine officielle n’offre que peu ou pas de solutions.

SCIENCES ET AVENIR

Pour Nathalie, les résultats du test sur la machine "d'électrophotonique" ont constitué une excellente nouvelle : " J'ai pu enfin corréler tous mes symptômes avec la maladie de Lyme ! ", affirme cette femme de 37 ans qui cherchait une explication à son mal-être depuis… plus de vingt ans. En effet, les "captations photoniques" (sic) de ses dix doigts, réalisées par la société Électrophotonique Ingénierie à Brens (Tarn), indiqueraient bien la présence de la bactérie Borrelia, l'agent transmis par les piqûres de tiques responsable de la pathologie. Or, jusque-là, les deux tests de dépistage officiels qu'elle avait effectués (Elisa et Western Blot) avaient été négatifs. Résultat : une longue "errance" pour tenter d'expliquer et soulager ses douleurs persistantes et la consultation vaine de près de vingt médecins.
Le cas de Nathalie est celui de dizaines de milliers d'autres malades, acculés dans cette impasse thérapeutique car déclarés eux aussi négatifs par les tests (lire l'encadré ci-dessous). Avec parfois pour seule issue les remèdes "miracles" de médecins et thérapeutes peu scrupuleux.

DIAGNOSTIC. Des test officiels très contestés
Avec près de 70 symptômes possibles, en outre peu spécifiques, le diagnostic de la maladie de Lyme est difficile à poser. Ce, d'autant plus que l'efficacité des deux tests de dépistage officiels (Elisa et Western Blot) est très contestée. Ces tests sont en effet menés sur des échantillons de sang. Or Borrelia, la bactérie responsable de l'infection, s'y trouve très rarement. En outre, les tests sur le marché détectent plusieurs espèces de Borrelia... mais pas toutes. Ils ignorent aussi les autres pathogènes transmis par les tiques et impliqués dans la maladie, comme la bactérie Bartonnella ou encore des rickettsies et le parasite Babesia. Dans le cadre du "plan Lyme", lancé en 2016 par le ministère de la Santé, de nouveaux protocoles de diagnostics et de soins devraient être recommandés d'ici à la fin de l'année.


De graves dérapages lors de conférences publiques
Les "captations photoniques" dont se réjouit aujourd’hui Nathalie sont l’un des risques auxquels sont exposés les malades. Cette technique repose sur l’analyse d’étranges photos révélant un "halo" entourant le bout des doigts du patient. Selon Georges Vieilledent, le PDG de la société Électrophotonique Ingénierie, « la présence ou l’absence de lumière sur certaines zones de ce halo sont révélatrices de la présence de la bactérie dans le corps ». Ainsi, le pouce signalerait le microbe au niveau du cerveau et l’index serait en relation directe avec le rectum ! Cet examen, facturé 250 e par la société tarnaise, permettrait, selon ses concepteurs, de dépister presque 100 % des patients atteints de la maladie de Lyme ! Il est, en outre, couplé à un traitement dit d’électrothérapie délivré par un appareil appelé Vital Harmony, conçu lui aussi par la société de Georges Vieilledent et vendu aux malades près de 700 euros.
Il consiste à délivrer des microcourants grâce à deux électrodes tenues en main par le patient. Pour tenter de prouver l’efficacité de ses deux machines, Georges Vieilledent a réussi à lancer fin 2015 une "étude" (en cours) auprès de quelque 400 malades, supervisée par le Pr Christian Perronne, du CHU de Garches (Hauts-de-Seine), et le Dr Raouf Ghozzi, du centre hospitalier de Lannemezan (Hautes-Pyrénées). Ces deux médecins sont très appréciés des malades de Lyme car ils ont été parmi les premiers hospitaliers à braver les recommandations en ignorant les résultats "négatifs" des tests officiels pour administrer de longues cures d’antibiotiques, traitement donnant aujourd’hui les meilleurs résultats. Mais en cautionnant de fait l’étude d’Électrophotonique, n’ont-ils pas commis une erreur de jugement ? Au cours de notre enquête, nous avons pu en effet visionner des conférences publiques données par Georges Vieilledent et relever de graves dérapages. Celui-ci affirme par exemple que le Vital Harmony est « au moins aussi bon que les cures d’antibiotiques » pour traiter la maladie de Lyme. Pire ! il affirme que son traitement est efficace « à 100 % contre la sclérose en plaques », qu’il détruit « tous les pathogènes » et devrait bientôt « remplacer les injections d’insuline des diabétiques et les chimiothérapies des cancéreux ».

ANTISEPTIQUE F84. Un essai clinique sur l’homme réalisé en toute illégalité
Nous avons pu établir qu’un essai clinique sur des malades de Lyme a été organisé en dehors de tout cadre légal par Judith Albertat, fondatrice de l’association Lyme sans frontières, avec la complicité de certains médecins. Cet essai a consisté en l’injection d’un ammonium quaternaire (antiseptique) appelé F84, à une date que nous n’avons pas pu déterminer : « Oui, nous l’avons essayé […] dans l’illégalité la plus totale, nous a confié cette naturopathe, ancienne commandant de bord à Air France. Nous avons joué avec des “trucs” avec lesquels nous n’avons pas le droit de jouer. » Selon Judith Albertat, également vice-présidente d’un fonds pour la recherche appelé I for Lyme, le F84 aurait « guéri définitivement » des malades du sida lors d’un obscur essai clinique mené en Afrique en 1994 par un médecin militaire français. Ce dernier aurait ensuite fait produire le F84 en grande quantité, Judith Albertat ayant récupéré une partie du stock « aujourd’hui périmé » pour l’utiliser dans l’essai.
Nous avons montré ces enregistrements à Christian Perronne et Raouf Ghozzi, qui reconnaissent n’avoir jamais eu connaissance de tels propos. « Nous avions effectivement des doutes sur la machine de dépistage, explique Raouf Ghozzi. Mais, concernant le Vital Harmony, nous nous sommes fiés à la parole des patients qui nous ont rapporté une amélioration de leurs symptômes. Ces retours étaient positifs pour plus de 30 % d’entre eux, soit un effet supérieur à ce que l’on accorde au placebo. C’est ce qui nous a poussé à accepter de superviser cette étude. » Une appréciation biaisée par une confusion sur l’effet placebo, comme l’explique Nicolas Pinsault, chercheur au laboratoire Techniques de l’ingénierie médicale et de la complexité de l’université Grenoble-Alpes. « Cette règle des 30 % n’existe pas. L’effet placebo est présent chez 100 % des personnes testées puisqu’il est lié au fait de recevoir un traitement, que celui-ci soit efficace ou pas. Même lorsque l’on teste un “vrai” médicament, une partie de ses effets est due à la molécule active, mais une autre au placebo. »
D’où l’importance dans un essai clinique de toujours comparer le traitement à un placebo, ce qui n’est pas le cas dans l’étude menée par la société de Georges Vieilledent. Il sera donc impossible de déterminer si le Vital Harmony est plus efficace… qu’un granule de sucre. Et à y regarder de près, les allégations d’Électrophotonique Ingénierie ne relèvent aucunement de la science. En effet, il faut ici bien distinguer les deux appareils de l’usage qui en est fait. Dans le cas du dépistage, la machine de la société tarnaise reproduit un phénomène bien connu des physiciens sous le nom d’« effet couronne ». Celui-ci apparaît lorsqu’on applique une forte tension électrique à un objet - ici les doigts des patients - posé sur une électrode. Mais se servir de ces images comme outil de dépistage n’a pas de sens. « Ces images ne sont pas reproductibles et ne veulent rien dire, car le phénomène est trop sensible. Un changement infime de la pression du doigt sur l’électrode, de sa température, de l’humidité à sa surface… sont autant de facteurs qui modifient le halo capturé sur l’image », explique Jérôme Kasparian, physicien spécialiste de l’effet couronne à l’université de Genève (Suisse).

ANALYSES DE SANG. Le test non validé du professeur Montagnier
Sur une ordonnance datant de 2010 que nous nous sommes procurée auprès d’un malade de Lyme, le médecin a inscrit : "Test Montagnié" (sic), suivi des coordonnées d’un laboratoire d’analyses médicales. Contacté, celui-ci nous a expliqué expédier les échantillons de sang prélevés sur les malades à Jamal Aissa, collaborateur du professeur Luc Montagnier au sein de la société Nanectis (Yvelines), dont le prix Nobel 2008 est le P-DG. C’est là que le test est réalisé, suivant le principe jamais démontré de la "mémoire de l’eau" qui affirme qu’une molécule peut être détectée dans un échantillon d’eau, même si elle n’y est plus, grâce à son rayonnement électromagnétique. Luc Montagnier prétend ainsi détecter la présence de la bactérie Borrelia, à l’origine de la maladie de Lyme, à partir des ondes électromagnétiques émises par son ADN dans le sang du patient. Or ce test n’a jamais fait la preuve de son efficacité. Et serait facturé au malade entre 300 et 400 € selon différents témoignages. Mais selon Luc Montagnier, il s’agirait d’un "don libre" accordé à sa fondation, l’Institut de recherche Luc-Montagnier, et donc en partie déductible des impôts. Un montage financier singulier qui n’explique pas comment la société Nanectis finance ces tests depuis 2010.

Inspiré d’un appareil des années 1920
L’idée d’associer effet couronne et diagnostic n’est pas nouvelle. Déjà, dans les années 1970, cette pratique était en vogue dans le milieu de la parapsychologie sous le nom de "photographies Kirlian" à partir desquelles certains prétendaient lire "l’état énergétique" des personnes dans ce qu’ils appelaient alors l’« aura ». Si Georges Vieilledent préfère aujourd’hui le terme plus "scientifique" de "captations photoniques", l’idée demeure la même. D’ailleurs, le concepteur de sa machine, Raymond Herren, ingénieur CNRS du laboratoire de Chimie physique de l’université Paris-Sud (Orsay, Essonne), avait déjà élaboré des années plus tôt des machines du même genre pour un certain Georges Hadjopoulos. Ce dernier, véritable "pionnier de l’électrophotonique", se disait spécialiste de l’interprétation thérapeutique des photos Kirlian. L’ingénieur du CNRS ne s’est pas contenté de mettre ses compétences au service dudit Hadjopoulos. Il en a cautionné les dérives en cosignant avec lui et le dentiste suisse Nicolas Stelling l’ouvrage intitulé Établir un bilan bioénergétique dans lequel, déjà, des photographies Kirlian de doigts et d’orteils permettaient de « dépister » leucémie, cancer du sein, autisme ou schizophrénie…

Quant à la machine thérapeutique Vital Harmony, elle a - elle aussi - été conçue par Raymond Herren. Elle est inspirée d’un appareil mis au point dans les années 1920 par l’Américain Royal Raymond Rife, déjà censé soigner à peu près tous les maux par la variation de fréquence de champs électriques. « Selon quels critères ces fréquences sont-elles choisies ? Comment expliquer que cela fonctionne de la même manière pour chaque individu ? », s’interroge Lluis Mir, directeur de recherche au CNRS et directeur du laboratoire européen associé des Champs électriques pulsés appliqués en biologie et en médecine (LEA Ebam). « Ce sont des allégations extraordinaires, sans que la moindre preuve en soit publiée dans une revue scientifique », affirme de son côté Rodney O’Connor, spécialiste du traitement électrique au laboratoire d’Oncoélectronique de l’école des Mines de Saint-Étienne.

Aussi peu scientifiques soient-elles, les allégations de la société Électrophotonique Ingénierie peuvent rapporter gros : si les 400 personnes actuellement testées se sont vu offrir la séance de "dépistage", la plupart ont acheté l’appareil. Ce qui, même avec la remise de 10 % consentie, représente un gain potentiel… de près de 200 000 €.

 

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Les promesses de l’immunologie

 

 

 

 

 

 

 

Les promesses de l’immunologie
09.07.2015, par Louise Mussat


Auteur d’un récent ouvrage sur l’immunologie, Philippe Kourilsky, professeur émérite au Collège de France et ancien directeur de l’Institut Pasteur, évoque les succès, les échecs et les espoirs de cette discipline dont il est l’un des grands spécialistes mondiaux.
L’immunologie existe au moins depuis le XIXe siècle. Pourtant, dans votre livre Le Jeu du hasard et de la complexité, vous parlez de la « nouvelle science de l’immunologie ». Pourquoi ?
Philippe Kourilsky1 : J’y souligne que la biologie n’est pas que la science de la vie. C’est aussi la science de la survie. Il ne suffit pas de naître et de vivre. Il faut survivre face aux innombrables hasards qui peuvent nous détruire. Pour moi, il faut élargir l’immunologie à l’ensemble des défenses naturelles de l’homme. Il ne s’agit plus seulement d’étudier celles qui combattent les agents pathogènes (virus, bactéries, champignons…), mais également celles qui s’attaquent incessamment aux « ennemis de l’intérieur », à savoir, aux innombrables erreurs commises par nos cellules au sein de l’organisme. Les plus communes, mais ce ne sont pas les seules, se produisent dans les cellules lors de la réplication de leur ADN. Ces mutations peuvent conduire au développement de cancers.
La plupart du temps, cette surveillance fonctionne plutôt bien…
P. K. : Notre organisme est une machine particulièrement robuste et performante en effet. Il est très probable que nous développions régulièrement (tous les mois, peut-être ?) des mini-cancers et toutes sortes d’infections bénignes. Nous ne nous en rendons pas compte parce que notre système immunitaire parvient la plupart du temps à s’en débarrasser, grâce à toutes sortes de contrôles de qualité qui corrigent les défaillances. Ainsi, on n’observe la tumeur cancéreuse que lorsque le système a échoué. C’est un peu comme dans l’aviation : on remarque les failles de l’ingénierie lorsqu’il y a un crash, mais on a tendance à oublier à quel point les systèmes de contrôles des avions sont efficaces. L’avion est le plus sûr des moyens de transport.



Alors pourquoi le système échoue-t-il de temps en temps, face à ces « ennemis de l’intérieur », notamment dans les cancers ?
P. K. : Parce que le système peut être débordé, ou contourné, et qu’il peut lui-même commettre des erreurs. Il faut en général une bonne demi-douzaine de mutations pour qu’une cellule parvienne à échapper à tout contrôle et se multiplie de façon anarchique. Une mini-tumeur se développe alors. L’organisme peut parvenir à s’en débarrasser. Mais si, par hasard encore une fois, de nouvelles mutations se produisent au sein de cette tumeur, cela facilite son échappement. Dans un jeu du chat et de la souris, elle va chercher à déjouer le système immunitaire, à produire des cellules plus agressives et à leurrer son environnement afin de grandir davantage. Si le cancer reste si difficile à soigner, c’est aussi parce qu’il ne s’agit pas d’une seule et même maladie. Parler « du » cancer est un abus de langage. Il y a quasiment autant de cancers que de types cellulaires. Pour chacun, il faut donc apporter une réponse spécifique. Cela implique de bien connaître le cancer auquel on a affaire. Ce qui est très loin d’être aisé…

Si le cancer reste si
difficile à soigner,
c’est aussi parce
qu’il ne s’agit pas
d’une seule et
même maladie.

La chimiothérapie et les rayons ne sont pas très spécifiques…
P. K. : C’est pour cela que l’on développe d’autres techniques. L’immunothérapie, par exemple, vise à stimuler les défenses immunitaires du patient. Cela consiste à lui administrer des anticorps spécifiques, dirigés contre telle ou telle catégorie de tumeur. On peut aussi procéder en prélevant, dans les tumeurs cancéreuses, des lymphocytes T porteurs du récepteur adéquat et capables d’éliminer les cellules cancéreuses. On fait ensuite proliférer ces cellules tueuses par milliards in vitro, dans des environnements hyperstériles. Cette technique est parfois couronnée de succès, mais elle est compliquée et très coûteuse. Une nouvelle approche est en train d’émerger, qui permet de faire proliférer les bonnes cellules tueuses au sein même du corps humain. Les travaux sont en cours.
On compte désormais plusieurs cas de rémission totale de cancers grâce à l’immunothérapie…
P. K. : Attention, ne donnons pas de faux espoirs aux gens. Cela fait depuis quinze à vingt que l’on parvient à guérir les souris du cancer avec ce type d’approche. Mais il est très compliqué de remporter le même succès chez l’homme, dont le corps est plus volumineux et plus complexe. Certes, des équipes (notamment celle de Carl June, à l’université de Pennsylvanie), ont récemment obtenu une proportion impressionnante de rémissions complètes dans le cadre d’essais cliniques portant sur assez petit nombre de patients atteints de certains cancers. Mais nous n’en sommes encore qu’à la phase expérimentale. Cette précaution prise, je dois avouer que cela fait des années que je n’ai pas vu de résultats aussi prometteurs…


Les avancées pour contrer certains agents infectieux, les ennemis de l’extérieur, sont moins spectaculaires. Pourquoi n’est-on toujours pas parvenu par exemple à élaborer un vaccin contre le VIH ?
P. K. : Les vaccins que l’on a mis au point jusqu’à maintenant étaient peut-être les plus faciles. Désormais, on s’attaque aux plus coriaces. Ceux contre les virus ou les parasites qui ont la faculté de muter très rapidement et pour lesquels il faut sans cesse adapter la réponse, comme le paludisme, la grippe (pour laquelle on ne sait pas encore proposer de vaccin universel) et le VIH… Ce dernier cumule deux casse-tête : non seulement il est en constante mutation, mais en plus il a la particularité de s’attaquer au système immunitaire. La vérité, c’est qu’avec le VIH une partie de la communauté scientifique est retournée au tableau noir afin de reprendre les fondamentaux du virus, car aucun des prototypes de vaccins préventifs n’a jusqu’à ce jour abouti. La perspective de vacciner massivement les populations, notamment en Afrique, est donc très lointaine. C’est pour cette raison qu’une autre partie de la communauté préfère se consacrer à la confection d’un vaccin non pas préventif, mais thérapeutique, qui complète, allège ou remplace le traitement par les médicaments antirétroviraux.
Vous parlez de l’immunologie comme d’une science fascinante. Pouvez-vous me dire ce qui vous surprend le plus dans le système immunitaire ?
P. K. : Beaucoup de mécanismes et de phénomènes liés à l’immunité et aux défenses naturelles me sidèrent. Ils proviennent de « découvertes évolutives » majeures. Par exemple, la faculté qu’ont nos lymphocytes B, ceux qui ont pour fonction de produire des anticorps, à combiner aléatoirement des morceaux de gènes pour dépasser la limite des 25 000 gènes que compte notre génome afin de produire des centaines de millions d’anticorps différents. L’organisme parvient ainsi à se doter d’une « couverture » anti-infectieuse quasi complète, puisqu’il est ainsi capable de répondre à l’immense variété des antigènes, qui évoluent sans cesse. Bien entendu, chaque catégorie de cellule B productrice d’un anticorps particulier n’est présente qu’en petit nombre dans l’organisme. Ce nombre est insuffisant pour pouvoir neutraliser les éléments pathogènes. Ce qui se passe, c’est que, lorsque l’anticorps reconnaît l’antigène, les lymphocytes porteurs de cet anticorps spécifique prolifèrent. Prodigieux ! Le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH), pour la découverte duquel le professeur Jean Dausset a reçu le prix Nobel de médecine, est également tout aussi fascinant.

Beaucoup de
mécanismes et de
phénomènes liés à
l’immunité et aux
défenses naturelles
me sidèrent.

De quoi s’agit-il ?
P. K. : Les cellules du CMH ont pour fonction de présenter un morceau d’antigène (le plus souvent un bout de protéine, un peptide) que les cellules T vont, ou non, reconnaître grâce à leur récepteur. Mais, pour reconnaître les corps étrangers – virus, bactéries, etc. – rassemblés sous le terme de « non soi », et les attaquer, l’organisme doit d’abord apprendre à reconnaître ses propres constituants, pour les épargner. On dit que le système immunitaire doit apprendre à tolérer le soi. Cet apprentissage se fait notamment pendant la vie fœtale, par sélection : parmi les lymphocytes T, une bonne partie de ceux dont les récepteurs sont capables de se lier avec des molécules provenant de l’organisme lui-même sont éliminés. Ce qui permet d’écarter des cellules susceptibles de déclencher une réaction auto immune.
Mais ce système n’est pas infaillible…
P. K. : En effet, notamment parce que les agents infectieux ne cessent de développer des stratégies pour tromper le système immunitaire. Tel virus peut par exemple mimer telle protéine de l’organisme, de sorte que ce dernier ne se met pas en ordre de bataille, il ne se défend pas, car il n’a pas reconnu l’ennemi, il n’a pas reconnu le « non-soi ». Mais, quand il le reconnaît, les conséquences peuvent également être dramatiques. Certains virus peuvent en effet provoquer des désordres auto-immuns. Dans un premier temps, l’organisme s’attaque à un agent infectieux qui ressemble au soi. Ainsi dupé, il va ensuite prendre le soi pour du non-soi et ainsi déclencher une réponse auto-immune, c’est-à-dire s’attaquer à lui-même. C’est ainsi qu’apparaissent les maladies auto-immunes, comme la sclérose en plaques, le diabète, etc.
Une question plus personnelle pour terminer : pourquoi avez-vous choisi de vous tourner vers l’immunologie ?
P. K. : Je dois vous dire la vérité : c’est grâce à mon frère François. Au moment où j’ai commencé la recherche, en génie génétique, il était immunologiste avant de devenir directeur général du CNRS (entre 1988 et 1994, ndlr). Il m’a conseillé d’isoler par clonage et d’étudier les gènes du système HLA. De fil en aiguille, je suis ainsi devenu immunologiste… Je tiens à souligner que, même si j’ai fini par quitter le CNRS pour devenir professeur au Collège de France, je suis très reconnaissant envers l’organisme, qui m’a soutenu durant de très nombreuses années.

 

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PERTURBATEURS ENDOCRINIENS

 

 

 

 

 

 

 

PERTURBATEURS  ENDOCRINIENS

Sous titre
Un enjeu d’envergure de la recherche
        

Les perturbateurs endocriniens regroupent une vaste famille de composés, capables d'interagir avec le système hormonal. Ainsi, ces composés affectent potentiellement différentes fonctions de l’organisme : métabolisme, fonctions reproductrices, système nerveux...
Les sources d'exposition sont nombreuses et difficiles à maîtriser. Les conséquences biologiques de ces expositions sont quant à elles encore mal appréhendées et complexes à étudier. C'est pourquoi l'étude des perturbateurs endocriniens représente aujourd'hui un enjeu majeur pour le corps médical et les pouvoirs publics.
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*         TEMPS DE LECTURE 15-20 min 
DERNIÈRE MISE À JOUR 02.10.18 
DIFFICULTÉ 3 sur 5
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Dossier réalisé en collaboration avec Robert Barouki (unité 1124 Inserm/Université Paris Descartes, Toxicologie, pharmacologie et signalisation cellulaire, Paris)

Comprendre la perturbation endocrinienne
Il existe de nombreuses définitions pour décrire ce que sont les perturbateurs endocriniens. Celle qu'a établie l'Organisation mondiale de la santé en 2002 est la plus acceptée : un perturbateur endocrinien est "une substance exogène ou un mélange qui altère la/les fonction(s) du système endocrinien
système endocrinien
Comprend tous les organes qui sécrètent des hormones.
et, par voie de conséquence, cause un effet délétère sur la santé d’un individu, sa descendance ou des sous-populations".


C'est quoi la perturbation endocrinienne ?

C’est quoi la perturbation endocrinienne ? – Interview - 1 min 14 - vidéo extraite de la série C’est quoi ? (2015)

Le système hormonal sous le feu des perturbateurs endocriniens
Le système endocrinien regroupe les organes qui sécrètent des hormones : thyroïde, ovaires, testicules, hypophyse… Il libère ces médiateurs chimiques dans la circulation sanguine, pour agir à distance sur certaines fonctions de l'organisme comme la croissance, le métabolisme, le développement sexuel, le développement cérébral, la reproduction… Il s’agit donc d’un système de communication entre organes. Les perturbateurs endocriniens altèrent le fonctionnement de ce système en interagissant avec la synthèse, la dégradation, le transport et le mode d’action des hormones. Ces molécules se caractérisent donc par un effet toxique non pas direct, mais indirect, via les modifications physiologiques qu'elles engendrent.
Historiquement, les perturbateurs endocriniens ont commencé à attirer l'attention des chercheurs dès les années 1950. Mais c'est l'affaire du distilbène qui, dans les années 1970, a fait exploser le sujet sur la scène scientifique et médiatique, alors même que le terme de perturbateur endocrinien n’était pas encore utilisé (voir encadré). Depuis, on connaît plus précisément les mécanismes d'actions de ces substances. Selon le produit considéré, ils vont :
*         modifier la production naturelle de nos hormones naturelles (œstrogènes, testostérone) en interférant avec leurs mécanismes de synthèse, de transport, ou d'excrétion
*         mimer l'action de ces hormones en se substituant à elles dans les mécanismes biologiques qu'elles contrôlent
*         empêcher l'action de ces hormones en se fixant sur les récepteurs avec lesquels elles interagissent habituellement
En découle un certain nombre de conséquences potentielles pour l'organisme, propres à chaque perturbateur endocrinien : altération des fonctions de reproduction, malformation des organes reproducteurs, développement de tumeurs au niveau des tissus producteurs ou cibles des hormones (thyroïde, sein, testicules, prostate, utérus…), perturbation du fonctionnement de la thyroïde, du développement du système nerveux et du développement cognitif, modification du sex-ratio…
Aujourd'hui, la définition du champ d'action des perturbateurs endocriniens tend à s'élargir. Certains organes clés, qui ne sont pas considérés comme des glandes endocrines à proprement parler, produisent des messagers qui apparaissent elles-aussi comme des cibles potentielles pour les perturbateurs endocriniens : la leptine du tissu adipeux
tissu adipeux
Tissu contenant les adipocytes, cellules spécialisées dans le stockage de la graisse.
qui intervient dans la régulation du métabolisme, l'IGF-1 produite par le foie qui agit comme un facteur de croissance…
A ce stade, il convient toutefois de préciser que la plupart des substances qualifiées de perturbateurs endocriniens sont le plus souvent seulement suspectées d’avoir ce type d’activité. Il existe en effet très peu de perturbateurs endocriniens avérés à ce jour. Cela est dû à la grande difficulté de démontrer qu’un composé exerce sa toxicité par la perturbation du système endocrinien. Cette toxicité découle souvent d’effets à long terme, qui peuvent n’apparaître que lorsque l’exposition a eu lieu à des moments précis du développement.

Distilbène, l'histoire à retardement d'un médicament hormonal
Au début des années 1970, un chercheur américain, Arthur L Herbst, a observé la recrudescence d'une forme rare de cancer gynécologique chez des adolescentes et de jeunes adultes. L'analyse de ces cas a montré que ces femmes étaient nées de mères qui avaient pris du distilbène, un œstrogène de synthèse, prescrit à l'époque pour prévenir les fausses couches durant la grossesse. Rapidement, le lien entre l'exposition du fœtus au distilbène et l'altération de ces organes reproducteurs (cancers, stérilité) a été établi. Depuis, il est apparu que les enfants nés de cette génération exposée in utero ont, eux aussi, un sur-risque de pathologies gynécologiques.

Air, eau, aliments… : les sources d'exposition sont multiples
Il existe une grande diversité parmi les perturbateurs endocriniens, et les sources de contamination auxquelles hommes et animaux sont exposés sont également nombreuses. En effet, ces composés peuvent être présents dans des produits manufacturés ou des aliments d'origine végétale ou animale. Ils sont pour la plupart issus de l'industrie agro-chimique (pesticides, plastiques, pharmacie…) et de leurs rejets. Beaucoup sont rémanents : ils persistent dans l'environnement de longues années et peuvent être transférés d'un compartiment de l'environnement à l'autre (sols, eau, air…) de longues années après qu'ils aient été produits.
Les hormones naturelles ou de synthèse constituent une source importante de perturbateurs endocriniens : œstrogènes, testostérone, progestérone
progestérone
Hormone stéroïde secrétée par l'ovaire à certaines phases du cycle, et par le placenta durant la grossesse. Chez les deux sexes, les glandes surrénales et le cerveau en produisent également
... et les produits de synthèse mimant leurs effets sont souvent utilisés en thérapeutique (contraception, substitution hormonale, hormonothérapie). Elles entraînent un risque indirect en rejoignant les milieux naturels, après avoir été excrétées dans les rejets humains ou animaux.


Le bisphénol, voleur d'identité

Le bisphénol, voleur d’identité – Communiqué de presse vidéo – 2 min 33 – vidéo extraite de la série Histoires de recherche (2012)
Un second groupe de perturbateurs endocriniens, bien plus large, rassemble tous les produits chimiques et sous-produits industriels qui peuvent interférer avec le système endocrinien de l'homme ou de l'animal. Il comporte à l'heure actuelle plus d'un millier de produits, de nature chimique variée. Parmi les plus fréquents, on peut citer:
*         des produits de combustion comme les dioxines, les furanes, les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)…
*         des produits industriels ou domestiques comme :
    *         les phtalates, ou le bisphénol A utilisés dans les plastiques
    *         les parabènes, conservateurs utilisés dans les cosmétiques
    *         les organochlorés (DDT, chlordécone…) utilisés dans les phytosanitaires
    *         l'étain et dérivés utilisés dans les solvants

Les enjeux de la recherche
L'étude des perturbateurs endocriniens est aujourd'hui très importante pour la santé, mais aussi pour l'environnement. Mais, cette recherche doit relever plusieurs défis, liés aux particularités de ces substances, notamment en raison d'incertitudes qui persistent.
Le premier défi se rapporte aux doses d'exposition à ces substances : les effets d’une exposition à une dose forte ne sont pas forcément les mêmes que ceux associés à une exposition chronique à dose faible. Il devient alors difficile de faire des extrapolations d’une dose à l’autre. Il est possible que même si une exposition à une dose unique d’un produit soit sans risque pour l'organisme, la répétition de cette exposition au cours du temps puisse perturber le système hormonal. Et le délai d'apparition des effets délétères des perturbateurs endocriniens, parfois prolongé, complique encore l'analyse !

Inserm

Une dent contre le Bisphénol

Un dent contre le bisphénol – Communiqué de presse vidéo – 2 min 35 – vidéo extraite de la série Histoires de recherche (2013)  
La seconde difficulté tient aux périodes de vulnérabilité des êtres vivants face au risque toxique : un organisme ne subit pas les mêmes effets lorsque le contact avec un perturbateur endocrinien a lieu in utero, avant ou après la puberté. L'effet transgénérationnel de certains d'entre eux montre aussi que le risque sanitaire ne concerne pas uniquement la personne qui est exposée, mais aussi sa descendance.
Enfin, l'effet cocktail des perturbateurs endocriniens est complexe à mettre en évidence : il découle parfois de l'addition des effets délétères de plusieurs composés à faibles doses, qui agissent sur les mêmes mécanismes biologiques. Ensemble, ils peuvent perturber l'organisme sans que chacun, pris isolément, n'ait d'effet. Par ailleurs, il peut y avoir des interactions entre perturbateurs endocriniens agissant par des mécanismes différents (synergiques ou antagonistes
antagonistes
Molécule se fixant sur un récepteur à la place du messager habituel et inhibant ainsi l'activation de ce récepteur.
).
A côté de la spécificité liée aux substances incriminées, la complexité du système hormonal rend la recherche encore plus complexe : en effet, les régulations endocriniennes ne font pas intervenir une mais plusieurs hormones interagissant entre elles. Il peut donc être particulièrement difficile de prédire l'ensemble des conséquences biologiques d'un perturbateur endocrinien.


Inserm

Cohorte SEPAGES, les bébés alertés


Cohorte SEPAGES, les bébés alertés – reportage – 8 min 28 – vidéo extraite de la série Des idées plein la tech’ (2015)
Malgré toutes ces difficultés, les pouvoirs publics et les chercheurs déploient plusieurs niveaux de vigilance pour réduire les risques d'exposition et repérer les perturbateurs endocriniens potentiels :
*         Les études écotoxicologiques, conduites en milieu aquatique, et les études épidémiologiques, conduites au sein d'une population, sont utiles pour corréler certains événements, parfois rares, à l'exposition à certaines substances. Le lien de causalité suspecté à travers de telles études doit cependant être apporté par des études conduites in vitro et/ou in vivo.

Des cohortes nationales pour mieux évaluer l'exposition des populations vulnérables
La cohorte ELFE (pour Etude longitudinale française depuis l’enfance), a été lancée en 2011, sous la coordination de l’unité mixte Ined-Inserm-EFS Elfe : elle suit aujourd'hui 20 000 enfants, nés en 2011. Son objectif principal est l’étude les déterminants environnementaux et sociétaux qui, de la période intra-utérine à l'adolescence, peuvent impacter le développement et la santé des enfants. Un volet de cette étude a permis de collecter des échantillons biologiques chez 8 000 mères. Ils pourront aider à repérer d'éventuelles corrélations entre événement de santé et une imprégnation par des perturbateurs endocriniens in utero.
La cohorte PELAGIE (pour Perturbateurs endocriniens : étude longitudinale sur les anomalies de la grossesse, l’infertilité et l’enfance) suit, depuis 2002, 3 500 couples mères-enfants habitant en Bretagne. Conduite par l'équipe Evaluation des expositions et recherche épidémiologique sur l'environnement, la reproduction et le développement de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (Irset, unité Inserm 1085), PELAGIE vise à étudier l'impact de contaminants environnementaux sur le développement intra-utérin, puis sur celui de l'enfant. D'ores et déjà, elle a montré plusieurs corrélations, comme l'exposition à certains polluants organiques (DDT, PCB
PCB
Composés aromatiques chlorés utilisés jusqu'en 1987 dans les transformateurs électriques, encres, peintures
) sur le délai de conception d'un enfant, ou l'exposition à un herbicide du maïs et le retard de croissance intra-utérin. L'étude est toujours en cours.
*         les études toxicologiques in vitro permettent d'appréhender la toxicité des composés chimiques considérés comme suspects. Pour parfaire ce travail, différents systèmes de cellules en culture sont utilisés : cellules de l'hypophyse, du foie, cellules mammaires, cellules reproductrices... De nouvelles approches utilisant des cellules cultivées en 3D sont testées. Depuis 2007, la législation européenne impose aux fabricants de soumettre chacun de leurs produits chimiques à des tests toxicologiques différents selon la nature du produit (système REACH). Afin d'améliorer l'efficacité de cette mesure, un programme de recherche européen vise à identifier les tests les plus pertinents pour détecter les risques parmi les produits chimiques émergents et identifier les mélanges chimiques les plus préoccupants.
 
*         Des modèles d'études in vivo (chez l'animal) sont indispensables pour appréhender l'effet toxique global d'un perturbateur endocrinien. Toutefois, des techniques récentes utilisant le haut débit et la biologie des systèmes tentent de remplacer, de réduire le plus possible, voire d’éliminer l’utilisation d’animaux.

Une stratégie nationale
En 2014, le gouvernement a adopté la première stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens. Elle vise à articuler recherche, surveillance et réglementation pour prévenir et limiter l'exposition de la population à ces substances, et en particulier les plus vulnérables (femmes enceintes, enfants). Elle s'inscrit maintenant dans le troisième plan national santé-environnement (PNSE3). Cette stratégie comporte quatre axes principaux :
*         l'information des citoyens
*         le soutien à la recherche sur les perturbateurs endocriniens et sur le développement d'alternatives non toxiques à ces produits. Pour accélérer ce mouvement, le gouvernement souhaite proposer une plateforme public-privée des méthodes d'évaluation et de validation de test des substances pour que l'évaluation de nouveaux composés devienne précoce, systématique et formalisée
*         la programmation d'expertises conduites par les institutions en charge de la sécurité sanitaire (ANSM, ANSES) afin de statuer annuellement sur plusieurs substances suspectées à risque.
*         la mise en place d'une réglementation spécifique. La France est, avec le Danemark, l'un des pays les plus engagés pour la régulation relative aux perturbateurs endocriniens. C'est dans le cadre de cette stratégie qu'ont été récemment adoptés le contrôle des phtalates dans les jouets ou l'élimination du bisphénol A des tickets de caisse.Le gouvernement entend soutenir cette stratégie au niveau de l'Europe, en appuyant la définition d'une législation européenne spécifique.
Une nouvelle stratégie nationale est en cours d’élaboration.

 

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Sclérose latérale amyotrophique (SLA) / maladie de Charcot

 

  

 

 

 

 

 

              INFORMATION EN SANTÉ

Sclérose latérale amyotrophique (SLA) / maladie de Charcot

Sous titre
Une dégénérescence des motoneurones encore incurable.

       

La sclérose latérale amyotrophique est une maladie dégénérative grave et handicapante qui conduit au décès dans les 3 à 5 ans qui suivent le diagnostic. L'effort de recherche qui lui a été dédiée ces dernières années a permis de développer les connaissances sur la génétique et la biologie de cette maladie. Et si aucun traitement curatif n'est encore disponible, les perspectives à moyen terme sont encourageantes.
       

       

       

*         TEMPS DE LECTURE 15-20 minutes 
DERNIÈRE MISE À JOUR 19.12.15 
DIFFICULTÉ 4 sur 5
* Dossier réalisé en collaboration avec Séverine Boillée, unité 1127 Inserm/université Pierre et Marie Curie, Institut du cerveau et de la moelle épinière, Paris
* Comprendre la sclérose latérale amyotrophique
La sclérose latérale amyotrophique (SLA), aussi connue sous le nom de maladie de Charcot, est une maladie neurodégénérative grave qui se traduit par une paralysie progressive des muscles impliqués dans la motricité volontaire. Elle affecte également la phonation et la déglutition.
Il s'agit d'une maladie au pronostic sombre, dont l'issue est fatale après 3 à 5 ans d'évolution en moyenne. Le plus souvent, c’est l’atteinte des muscles respiratoires qui cause le décès des patients.

Les motoneurones sont les cellules nerveuses de la moelle épinière qui provoquent la contraction des muscles. Motoneurone de rat en culture. On distingue clairement le corps cellulaire d'un diamètre de trente microns, l'axone et les fibres collatérales. © Inserm, C. Henderson
La SLA est due à la mort progressive des motoneurones, les cellules nerveuses qui dirigent et contrôlent les muscles volontaires. Elle touche les deux types de motoneurones effecteurs de la motricité : ceux dits centraux, localisés dans le cerveau, et ceux dits périphériques, situés dans le tronc cérébral
tronc cérébral
Partie du système nerveux central située entre le cerveau et la moelle épinière, responsable de plusieurs fonctions de régulation : respiration, rythme cardiaque, contrôle de la douleur…
et la moelle épinière. Ces derniers assurent le relais entre les motoneurones centraux et les muscles.
La composante génétique encore mal cernée
L'origine de la SLA est complexe à déterminer : la survenue de la maladie serait multifactorielle, soumise à l'influence de la génétique et de l'environnement.
Concernant le rôle de l’environnement, aucun facteur déclenchant n'a été clairement mis en évidence. Le tabac, le sport de haut niveau, les pesticides, les métaux lourds et la cyanotoxine BMAA, présente dans certaines algues, sont suspectés. Mais, à ce jour, les données disponibles ne permettent pas de les impliquer formellement.
Dans la pratique, la SLA est familiale chez 10% des malades. Dans ce cas, l'origine génétique est probable, même si elle n'est pas toujours facile à démontrer. Pendant longtemps, une seule mutation responsable de la maladie était connue. Affectant le gène SOD1, elle a permis de donner naissance au premier modèle animal de SLA. Depuis, une vingtaine d'autres gènes impliqués ont été identifiés : C9ORF72, dont la mutation est observée dans plus de 40% des formes familiales, TARDBP, FUS/TLS... Lorsque aucune mutation causale connue n'est retrouvée, la maladie familiale découle probablement de l’altération d'un ou de plusieurs gènes pour l'heure non identifiés.
Lorsque la maladie touche des personnes sans risque génétique familial (90% des cas), elle est dite sporadique. Ces cas sont vraisemblablement liés à la mutation aléatoire (et non transmise) d'un gène causal ou d'un ou plusieurs gènes de susceptibilité (qui augmenteraient le risque de survenue de la maladie).





ARSLA et autres maladies du motoneurone
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Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA)



Sclérose Latérale Amyotrophique (SLA) – animation pédagogique – 1 min 28 – vidéo de l’association ARSLA (2012)
Une maladie progressivement invalidante
La SLA apparaît souvent entre 50 et 70 ans, même si elle survient en moyenne plus précocement lorsqu'elle est d'origine familiale.
Elle prend des formes différentes selon la nature de l'atteinte initiale :
*         Dans environ 30% des cas, elle débute au niveau du tronc cérébral. On parle d'une forme à début bulbaire dont les premières manifestations sont les difficultés à articuler ou à déglutir.
*         Dans les autres cas, la SLA altère d'abord les motoneurones périphériques : dans cette forme à début spinal, c'est par une faiblesse et une gêne au niveau d'un bras, d'une jambe ou d'une main que se manifeste la maladie pour la première fois.
La maladie s'intensifie progressivement : des contractures, une raideur des muscles et des articulations apparaissent localement. L'atteinte se transmet à d'autres muscles. Une fonte musculaire et des troubles de la coordination finissent par gêner la marche et la préhension des objets. Les difficultés à déglutir ou à articuler croissent. L'atteinte des muscles respiratoires intervient souvent à un stade avancé de la maladie. Elle précipite son aggravation et le risque de décès.
Une meilleure connaissance de la maladie permet aujourd'hui de repérer des formes de SLA dans lesquelles apparaissent aussi des douleurs, des manifestations de type parkinsoniens ou des troubles du comportement (démence fronto-temporale).
Des mécanismes physiopathologiques variés et encore mal compris
Il est encore très difficile d'établir précisément les mécanismes initiant et maintenant la dégénérescence neuronale impliquée dans la SLA. Cependant, plusieurs phénomènes ont été décrits, notamment grâce à l’étude des mutations génétiques associées à la maladie et de leur impact sur le fonctionnement des cellules nerveuses. Il s’agit, entre autre, de défauts de repliement des protéines mutées qui s'agrègent avec d'autres protéines dans les cellules : ces amas peuvent bloquer des fonctions vitales pour les neurones, conduisant par exemple au dysfonctionnement des mitochondries
mitochondries
Organite cellulaire qui joue un rôle crucial dans le métabolisme cellulaire en assurant la production d'énergie.
(qui produisent l‘énergie des cellules) ou à une perturbation des fonctions de transport dans le neurone. Certaines mutations (affectant les gènes TDP43, FUS, C9ORF72) peuvent aussi entraîner un défaut dans la maturation des ARN
ARN
Molécule issue de la transcription d'un gène.
messagers, des molécules impliquées dans la synthèse des protéines nécessaires au bon fonctionnement de la cellule. Dans les neurones porteurs de mutations du gène TDP43, c'est la production même des ARN messagers
ARN messagers
Molécule issue de la transcription d’un gène et qui permet la synthèse d’une protéine.
qui serait perturbée.
Autre hypothèse : celle de l'excitotoxicité du glutamate
glutamate
Neurotransmetteur excitateur le plus répandu dans le système nerveux central.
(un neurotransmetteur
neurotransmetteur
Petite molécule qui assure la transmission des messages d'un neurone à l'autre, au niveau des synapses.
) sur les cellules nerveuses. Ce phénomène serait lié à une stimulation continue et anormale des neurones par une trop grande production de glutamate ou par sa mauvaise élimination. Sont également pointés du doigt le stress oxydatif
stress oxydatif
Déséquilibre entre la production par l’organisme d’agents oxydants nocifs (radicaux libres, notamment) et celle d’agents antioxydants (comme les vitamines E et C). Il entraîne une inflammation et la survenue de mutations de l’ADN.
et l’atteinte des cellules gliales (cellules de soutien des neurones) ou des cellules immunitaires. Les modèles animaux de la SLA ont mis en évidence un état inflammatoire chronique local dans lequel les cellules microgliales, les astrocytes
astrocytes
Cellule gliale en forme d’étoile qui assure le support et la protection des neurones.
et les macrophages
macrophages
Cellule du système immunitaire chargée d’absorber et de digérer les corps étrangers
environnants jouent un rôle délétère sur les neurones. Ces mécanismes pourraient donc constituer une cible thérapeutique potentielle. Enfin certains patients présentent un hypermétabolisme
hypermétabolisme
Augmentation anormale du métabolisme de base observée en cas de traumatisme ou de certaines maladies.
qui peut engendrer une perte de poids significative et aggraver le pronostic. Certaines études visent à comprendre la corrélation entre ces deux phénomènes. Il faut désormais comprendre comment s'articulent et/ou coexistent tous ces mécanismes entre eux.
Diagnostic par élimination

Le diagnostic de la SLA est souvent posé par élimination, après avoir écarté les pathologies de présentation proche parmi les maladies neurodégénératives et celles qui touchent les motoneurones.
Ce diagnostic repose sur des examens neurologiques et cliniques. Le neurologue en charge de cette évaluation recherche la présence de signes de neurodégénérescence au niveau musculaire, de signes d'atteinte bulbaire et de pathologies ou de symptômes associés. L’examen neurologique associé à un bilan biologique, à la réalisation d'un électromyogramme et à celle d'un IRM permettent de confirmer le diagnostic face à des symptômes persistants depuis quelques mois.
L'aggravation des symptômes reste l'un des signes permettant de différencier la SLA d'autres maladies du motoneurone, mais des examens spécifiques peuvent être prescrits au cas par cas pour le confirmer.
La SLA demande une prise en charge pluridisciplinaire
Il n'existe pas de traitement curatif de la SLA. La prise en charge de la maladie cible les symptômes : aide technique, kinésithérapie et médicaments antispastiques pour contrer les troubles moteurs, myorelaxants et antalgiques contre les douleurs, prise en charge de la dénutrition, orthophonie pour les troubles de la parole et de la déglutition, accompagnement psychologique…
Même si le pronostic de la maladie reste sévère, de réels progrès ont été réalisés ces vingt dernières années :
*         la ventilation non invasive (VNI), qui supplée la fonction respiratoire lorsqu'elle commence à décliner
*         la prescription de riluzole, seul médicament à avoir démontré sa capacité à ralentir l'évolution des symptômes
améliorent modestement l'espérance de vie des patients SLA.
Depuis les années 1990, les personnes atteintes de SLA bénéficient d'une prise en charge optimale, spécialisée et pluridisciplinaire à travers un réseau de centres de référence : il en existe aujourd'hui une vingtaine, répartis sur toute la France.
Les enjeux de la recherche
Dissocier les différentes formes de SLA pour mieux les traiter
Depuis quelques années, on commence à considérer la SLA comme un syndrome, et non plus comme une maladie : l'âge de survenue des premiers symptômes, la présentation bulbaire ou spinale initiale, la rapidité d'évolution, ou encore les pathologies associées peuvent en effet laisser penser que différentes maladies du motoneurone seraient regroupées sous le nom générique de SLA. Cette hétérogénéité pourrait expliquer l'échec de nombreux essais cliniques conduits autour de nouveaux traitements.
Un des objectifs des chercheurs est donc de dissocier l'ensemble des patients en groupes plus homogènes ; la découverte récente de différentes mutations génétiques pourrait aider à mieux regrouper ceux pour lesquels la cause de la maladie est la même. Les symptômes cliniques peuvent aussi aider à différencier les patients, même si leur spécificité est imparfaite. De nouvelles perspectives seront apportées par l'identification de nouveaux biomarqueurs
biomarqueurs
Paramètre physiologique ou biologique mesurable, qui permet par exemple de diagnostiquer ou de suivre l’évolution d’une maladie.


Sclérose latérale amyotrophique – Interview – 6 min – vidéo de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (2014)
A la recherche de biomarqueurs pertinents
L'identification de biomarqueurs biologiques ou radiologiques pourrait non seulement faciliter ce diagnostic, mais aussi aider à prédire l'évolutivité de la SLA et la réponse aux traitements.
Plusieurs pistes sont aujourd'hui à l'étude :
*         Celle des neurofilaments. Ces assemblages de protéines forment le cytosquelettecytosqueletteRéseau de filaments protéiques à l'intérieur des cellules, confèrant à ces dernières leur structure et leurs propriétés mécaniques. 

des neurones et peuvent s’agréger dans les motoneurones en cas de SLA. Des premières données suggèrent une corrélation entre le taux d'une sous-partie protéique des neurofilaments retrouvé dans le sang ou le liquide céphalorachidienliquide céphalorachidienLiquide transparent dans lequel baignent le cerveau et la moelle épinière.

et l'évolution de la maladie.
*         Celle de protéines et d'ARN issues de certains sous-types de lymphocytes dont la quantité augmente chez les personnes atteintes de SLA. Le suivi de leur concentration sanguine pourrait être un marqueur de la vitesse d'évolution de la maladie.
*         Celle de l'imagerie fonctionnelle. En permettant d'étudier la dynamique de l'activité cérébrale, elle pourrait être utile, à terme, pour prédire la progression de la maladie. Des données expérimentales montrent que l'IRM permettrait de mesurer des paramètres d’atrophie de la moelle épinière, tandis que le PET-scan pourrait lui utiliser l’évolution de l’inflammation comme marqueur prédictif.
Ces études sont encore du domaine de la recherche et il n'existe encore aucun biomarqueur validé permettant d'envisager une utilisation en clinique.
Vers de nouvelles perspectives de traitement

Jusqu'à présent de nombreux candidats médicaments ont échoué à montrer leur efficacité. Mais, une nouvelle vague d'innovations a récemment été portée par l'identification de gènes responsables de la SLA et par la compréhension des cascades biologiques intervenant dans la survenue de la maladie. Ainsi, chacun des mécanismes pathogènes décrits constitue une cible thérapeutique potentielle.
Plusieurs agents thérapeutiques sont étudiés pour contrer la toxicité de la protéine mutante SOD1. Des essais cliniques de phase I ont notamment été conduits avec succès à partir d'oligonucléotides antisens qui empêchent la production de la protéine. De la même façon, des oligonucléotides
oligonucléotides
Court segment d’acides nucléiques (ARN ou ADN).
antisens sont étudiés pour contrer la protéine mutante C9ORF72.
Le microenvironnement des neurones fait aussi l'objet d'études interventionnelles : une molécule expérimentale, le NP001, a fait l'objet de premières études cliniques pour contrer l'activité délétère des macrophages environnants.
Favoriser la régénérescence neuronale permettrait par ailleurs de pallier le mécanisme de mort cellulaire de la SLA. Des premières études cliniques sont en cours avec un agent anti-NOGO, ciblant la protéine NOGO, inhibitrice de la repousse des axones
axones
Prolongement de neurones
.
Thérapie cellulaire et cellules souches
La thérapie cellulaire consiste à restaurer la fonction d’un tissu ou d’un organe en introduisant des cellules saines dans l'organe malade. Deux options sont envisagées afin d'appliquer cette approche innovante à la problématique de la SLA : la première consiste à remplacer les cellules défaillantes de l'environnement des motoneurones afin qu'elles leurs apportent des facteurs trophiques favorables à la survie de ces derniers. Pour l'heure, les chercheurs utilisent différents types de cellules issues de la moelle osseuse ou des cellules souches issues du tissu nerveux, qui sont injectées dans la moelle épinière. Plusieurs études cliniques ont d'ores et déjà été conduites en Espagne, en Israël et aux Etats-Unis.
A plus long terme, une seconde option pourrait consister à utiliser des cellules souches pluripotentes induites (iPSC), spécialisées en motoneurones ou en cellules de soutien avant d'être administrées. Ces cellules thérapeutiques viendraient remplacer les motoneurones défaillants ou les cellules de leur environnement. Beaucoup d’étapes restent encore à franchir pour y parvenir.
Mais quelle que soit l'option, la difficulté de mise en œuvre de la thérapie cellulaire est d'apporter les cellules de remplacement in situ. Cela nécessite une chirurgie lourde qui pourrait être limitante pour l’utilisation clinique de ces approches.

 

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