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Neuroéthique : l’humain n’est pas réductible à son cerveau

 

 

 

 

 

 

 

Neuroéthique : l’humain n’est pas réductible à son cerveau

PUBLIÉ LE : 03/07/2018
TEMPS DE LECTURE : 8 MIN

*         ACTUALITÉ SCIENCE
Les neurosciences correspondent à l’étude du fonctionnement du système nerveux, depuis les aspects les plus fondamentaux, biologiques et chimiques, jusqu’aux plus fonctionnels : la personnalité, les comportements, les pensées. Les avancées en neurosciences permettent désormais de corréler ces deux aspects, avec des conséquences importantes pour l’individu et la société. Les questions de neuroéthique qui en découlent ont fait l’objet de discussions dans le cadre des États généraux de la bioéthique. Catherine Vidal, neurobiologiste et membre du Comité d’éthique de l’Inserm, et Hervé Chneiweiss, neurobiologiste et président du Comité d’éthique de l’Inserm, nous en parlent.
Quelles sont les avancées récentes qui bouleversent les neurosciences ?

Catherine Vidal : Les progrès des neurosciences ont en grande partie été portés par le développement des techniques d’exploration du cerveau qui permettent de « voir » à la fois l’anatomie et le fonctionnement du cerveau. Elles ont révolutionné la pratique clinique et permis une acquisition exponentielle de connaissances. L’IRM fonctionnelle (IRMf) permet notamment d’observer le cerveau en train de fonctionner lors de tâches diverses (motrices, sensorielles, cognitives, etc.) ou même d’états psychologiques (peur, angoisse, plaisir, satisfaction, etc.).
A côté des méthodes d’exploration, des techniques de modification du fonctionnement cérébral se sont développées. Certaines sont assez anciennes, telle l’utilisation de médicaments qui agissent sur le cerveau (psychostimulants, anxiolytiques, etc.). D’autres sont plus récentes, comme les stimulations électriques et magnétiques transcrâniennes, la stimulation cérébrale profonde, ou encore les thérapies cellulaires notamment développées pour lutter contre des maladies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson.

Quelles questions ou problèmes éthiques soulèvent ces avancées ?
Hervé Chneiweiss : Le champ de la neuroéthique est très vaste. Il englobe par exemple la médecine prédictive appliquées aux maladies neurodégénératives. Nos connaissances progressent si rapidement qu’elles permettent désormais de prédire l’apparition de maladies comme celle d’Alzheimer plusieurs années avant l’apparition des symptômes. Cela peut permettre d’instaurer des mesures préventives pour retarder le processus neurodégénératif. Mais, en l’absence de traitement efficace, cette médecine prédictive place le patient dans une situation très anxiogène et peut-être même discriminante. La question se pose de savoir s’il faut utiliser cette médecine prédictive à ce stade, dans l’intérêt des personnes concernées.

C.V. : Nous assistons également à une « invasion » des neurosciences dans de très nombreux domaines autres que médicaux : la justice, le marketing, l’éducation, les ressources humaines, la politique. Cet essor est étroitement lié à l’émergence des techniques comme l’IRM, que certains utilisent déjà pour décrire la pensée, les émotions, les motivations, avec au-delà la perspective de maîtriser les processus de prise de décision qui guident nos choix et nos actions. Ils vont parfois jusqu’à attribuer aux neurosciences le pouvoir de décrire l’être humain dans son individualité, sa subjectivité, ses actions, sa vie privée et sociale. Or dans la réalité, les connaissances actuelles ne permettent pas de caractériser un individu ou son comportement par la simple observation de son cerveau, loin de là. Une personne humaine n’est pas réductible à son cerveau.
H. C. : Sans oublier tout ce qui touche à la neuro-amélioration. Différents procédés permettent aujourd’hui de contrôler ou de modifier l’activité cérébrale, pour améliorer le comportement et les performances cognitives en dehors de tout contexte médical. Or non seulement le bénéfice-risque de ces techniques n’est absolument pas évalué en population générale, mais le risque de dérive est grand !

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l’utilisation des neurosciences en dehors du cadre médical ?
C. V. : Depuis 2011, la loi française inclut la possibilité de recourir à l’imagerie cérébrale dans le cadre d’expertises judiciaires. Et ce, alors que beaucoup d’experts s’y étaient opposés à l’époque. Dans les faits, les juges ne l’utilisent pas en France. En revanche, des images obtenues par IRM ont été utilisées comme « preuves » pénales dans plus de 600 affaires aux Etats-Unis. En Inde, un procès au cours duquel un électroencéphalogramme avait été utilisé comme détecteur de mensonge a fait grand bruit : une femme soupçonnée d’avoir empoisonné son fiancé avait été condamnée à la prison à vie car son cerveau ne réagissait pas au mot « arsenic », comme s’il lui était familier. La sentence a finalement été abandonnée face au scandale international suscité par cette affaire.
H. C. : Aucune étude n’est en mesure de valider l’utilisation de l’électroencéphalogramme ou de l’IRM pour prédire ou révéler un comportement et ils ne peuvent donc en aucun cas servir de preuve. Néanmoins, le nombre des publications sur la neuro-justice explose, principalement aux États-Unis : de 70 articles publiés entre 1990 et 2000, on est passé à plus de 2 000 entre 2000 et 2015.
C. V. : Il y a aussi la neuro-politique, une « nouvelle discipline » qui tente de corréler les opinions et le fonctionnement cérébral. Une étude a suggéré que le cortex cingulaire antérieur, qui joue un rôle dans la détection des contradictions, est plus volumineux chez les gens de gauche alors que la région de l’amygdale, impliquée dans la peur, est plus développée chez les gens de droite. Ainsi la peur des situations conflictuelles et des risques expliquerait les différences d’opinions politiques ! Dans le domaine du marketing, l’utilisation de l’imagerie cérébrale peut être utilisée pour savoir quelle étiquette stimule davantage l’attention de l’acheteur potentiel, le but étant bien sûr d’influencer sa décision d’achat ! Et dans le champ de l’éducation, les neurosciences influencent déjà certains programmes pédagogiques.
Aux Etats-Unis, des sociétés privées propose des examens d’imagerie cérébrale dans ces différents contextes non médicaux. En France, ces pratiques ne sont pas possibles : les appareils d’IRM sont réservés aux établissements de soins et de recherche biomédicale.

Ces applications ont elles un fondement scientifique validé ?

C. V. : Aux Etats-Unis, certains scientifiques recherchent les bases neuronales des comportements de type antisocial, agressif et criminel, pour mettre au point de nouveaux traitements et des programmes de prévention de la délinquance. Des études par IRM ont pu montrer une légère réduction de l’épaisseur du cortex cérébral dans les régions préfrontale et temporale de criminels. Mais l’interprétation de ces images est problématique : jusqu’à présent, rien ne permet d’établir une relation de causalité entre une réduction d’épaisseur du cortex et un comportement déviant. L’origine des variations d’épaisseur du cortex ne peut être déterminée. Le cerveau est plastique et l’IRM donne seulement un cliché de l’état du cerveau d’une personne à un moment donné. Elle n’apporte pas d’information sur son passé et n’a pas non plus de valeur prédictive. Enfin, le fonctionnement du cerveau est extrêmement complexe, avec de nombreuses régions impliquées dans une même fonction. La zone du crime n’existe pas.
Les dérives dans l’interprétation de l’imagerie cérébrale ne sont pas rares. D’autant plus que pour un public non averti, les images colorées du cerveau sont fascinantes et peuvent apparaître comme une preuve scientifique « objective ».

Vous avez également parlé de neuro-amélioration : où en est la science et jusqu’où pourrait-elle aller ?
H. C. : La modification du fonctionnement cérébral n’est pas une idée nouvelle. Les antidépresseurs par exemple, peuvent en quelques sortes transformer la personnalité de l’individu. C’est aussi le cas du méthylphénidate donné à des millions d’enfants pour qu’ils soient plus calmes ou encore du modafinil pris comme stimulant par autant d’adultes. Mais dans le domaine psycho-cognitif, la ligne de démarcation entre le normal et le pathologique est impossible à tracer… la question se pose alors de savoir qui traiter : une grande timidité ou une hyperactivité doivent-ils être considérés comme un handicap à prendre en charge ?

C.V. : Et pour certains, dans une société marquée par le culte de la performance, l’objectif n’est plus seulement de palier un déficit mais d’aller au-delà. Des études ont montré que, dans certains cas, la stimulation électrique transcrânienne peut améliorer les performances cognitives et l’état émotionnel de personnes en bonne santé. Le neurofeedback permet quant à lui de contrôler sa propre activité cérébrale, pour augmenter certaines fonctions comme les capacités visuo-spatiales ou la mémoire.

Des sociétés privées, en Asie notamment, proposent déjà des casques de stimulation par courant continu qu’il est possible d’acheter pour des sommes modiques sur internet. On laisse croire au grand public que la stimulation transcrânienne aidera par exemple à préparer ses concours, alors même que l’innocuité de l’administration de courant continu n’a pas été évaluée à moyen et long terme. Il n’est pas exclu que la pratique « sauvage » de la neurostimulation interfère avec certains circuits neuronaux, altère la plasticité cérébrale et entraine des crises d’épilepsie. En France, la commercialisation de ces casques n’est pas autorisée.
A terme, le risque est d’assister à l’émergence d’une catégorie d’individus augmentés. Cette vision transhumaniste entrainerait inévitablement une fracture sociale entre ceux qui auront recours à ces techniques et ceux qui ne pourront pas y avoir accès. Sans compter que la personnalité de l’individu, son autonomie et son libre arbitre pourraient être altérées par ces neurotechnologies.
H. C. : Certains systèmes de stimulation cérébrale fonctionnent déjà de façon autonome et pourraient bientôt être proposés aux patients parkinsoniens pour contrôler leurs tremblements : une intelligence artificielle déclenche les stimulations quand elle l’estime nécessaire, alors que jusque-là le patient contrôlait lui-même son appareil. Avec ce système, le patient deviendrait donc un « homme augmenté ».

Qu’en est-il de la protection des données personnelles ?
H.C. : C’est un autre problème important. Des sociétés privées commencent à collecter les données cérébrales à tour de bras pour différentes recherches, sans consentement clair ou sans la protection des données nécessaires. Et qui sait ce qu’elles pourraient en faire un jour ? Je lisais récemment un article sur l’équipement de salariés de douze entreprises d’Etat chinoises, dépendantes de l’armée, par des casques permettant de surveiller leur activité cérébrale. Le motif officiel est de prévenir les baisses de vigilances et les accidents. Mais ces dispositifs permettent de collecter d’autres données... Il y a là un vrai problème éthique. L’activité cérébrale n’est pas neutre, elle correspond à des données personnelles.

Considérez-vous la situation actuelle comme préoccupante ?
C.V. : Nous ne sommes pas dans l’urgence, mais il faut aborder de front ces sujets qui posent des questions de société. La France est encore préservée des dérives qui gagnent d’autres pays, avec un accès à l’IRM réservé aux professionnels de santé ou encore l’interdiction de la stimulation cérébrale en dehors d’un protocole de soins. La loi de bioéthique de 2011 inclut en outre une mission de veille sur les recherches et les applications des techniques d’imagerie cérébrale, destinée à défendre une éthique dans ce domaine.

Aujourd’hui en France, pour évaluer la responsabilité pénale d’un accusé, le juge nomme des psychiatres et des psychologues qui appuient leurs expertises avant tout sur des entretiens et non sur l’IRM. Mais pour combien de temps encore ? Le risque est de voir le modèle américain gagner du terrain pour l’évaluation de la responsabilité et de la dangerosité d’un prévenu. Or les Français ne sont pas assez informés sur les dérives possibles de l’utilisation de l’IRM. En témoigne la faible participation aux discussions sur la neuroéthique dans le cadre des états généraux de bioéthique qui viennent de s’achever. Il est de notre responsabilité de chercheurs d’anticiper ces questions et de sensibiliser le grand public.

 

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Préférence manuelle et langage : existe-t-il vraiment un hémisphère dominant ?

 

 

 

 

 

 

 

Préférence manuelle et langage : existe-t-il vraiment un hémisphère dominant ?

lundi 30 juin 2014

Les chercheurs du Groupe d'imagerie neurofonctionnelle (CNRS/CEA/Université de Bordeaux) ont démontré, avec une approche novatrice basée sur l'exploitation d'une grande base de données psychométriques et d'imagerie cérébrale, que la localisation des aires du langage dans le cerveau est indépendante du fait d'être droitier ou gaucher, sauf pour une très faible fraction de gauchers dont l'hémisphère droit est dominant à la fois pour les activités manuelles et pour le langage. Leur étude est publiée dans Plos One le 30 juin 2014.

L'espèce humaine est la seule chez laquelle on observe une asymétrie du comportement moteur fortement majoritaire : 90% de la population utilise préférentiellement la main droite et 10% la main gauche. Ce comportement moteur est dit « croisé » : si on utilise la main droite, c'est l'hémisphère cérébral gauche, alors considéré comme dominant, qui est activé. Le langage, avec le comportement moteur, est une des fonctions les plus latéralisées du corps humain : en fonction des personnes, les réseaux d'aires cérébrales contrôlant la parole sont situés préférentiellement dans l'hémisphère gauche ou dans l'hémisphère droit du cerveau. De nombreuses études ont montré que l'hémisphère gauche, comme pour le comportement moteur, est dominant pour le langage dans 90% des cas.
Les 10% de gauchers de la population correspondent-ils au 10% des individus dont le langage est situé dans l'hémisphère droit du cerveau ? La localisation des aires du langage dans le cerveau est-elle alors corrélée au fait d'être droitier ou gaucher ? Pour répondre à cette question, les chercheurs du Groupe d'imagerie neurofonctionnelle ont tout d'abord recruté un large échantillon de participants (297) très fortement enrichi en gauchers (153). Alors que la plupart des autres études ne concernent que des droitiers (majoritaires dans la population) les chercheurs ont analysé, pour la première fois, la latéralisation du langage chez un grand nombre de droitiers et de gauchers. Les sujets de cet échantillon ont ensuite subi une IRM fonctionnelle alors qu'ils effectuaient des tests de langage. Trois types de latéralisation pour le langage ont ainsi été révélés à partir des images obtenues (voir figure 1) : « typique » avec un hémisphère gauche dominant (présent chez 88% des droitiers et 78% des gauchers), « ambilatéral » sans hémisphère clairement dominant (présent chez 12% des droitiers et 15% des gauchers), « très atypique » avec un hémisphère droit dominant (présent uniquement chez 7% des gauchers). L'analyse statistique de cette distribution montre que la concordance entre l'hémisphère dominant pour les activités manuelles et celui pour le langage se fait au hasard, sauf pour une petite fraction de la population (moins de 1%) pour laquelle l'hémisphère droit est dominant à la fois pour le langage et pour la main.
Ces résultats montrent donc qu'il n'est pas possible de déterminer l'hémisphère dominant pour le langage en connaissant seulement la préférence manuelle d'un individu. Les chercheurs vont maintenant tenter de comprendre pourquoi seul un petit groupe de gauchers possède un hémisphère droit dominant pour le langage, en déterminant en particulier s'il existe des variants géniques qui expliqueraient ce phénomène. Ces résultats démontrent également qu'un échantillon enrichi en gauchers, composé à partir d'une grande base de données, permet, à la différence d'un échantillon essentiellement constitué de droitiers, de mettre en évidence des facteurs de variabilité des bases structurales et fonctionnelles du cerveau humain : la détermination de ces sources de variabilité dans la latéralisation du langage ouvre la voie vers une meilleure compréhension des pathologies du langage.


© Groupe d'imagerie neurofonctionnelle (CNRS/CEA/Université de Bordeaux)
Distribution de l'index de latéralisation hémisphérique pour le langage chez les droitiers (en vert) et les gauchers (en rouge) de l'échantillon de 397 sujets de la base de données. Les valeurs positives de l'index indiquent un hémisphère gauche dominant pour le langage. La ligne noire montre l'ajustement de chaque distribution par un modèle multi-Gaussien. À noter : la similitude des distributions et de l'ajustement, à l'exception d'un groupe de sujets gauchers dont l'index de latéralisation est fortement négatif, révélant un hémisphère droit dominant pour le langage.

© Groupe d'imagerie neurofonctionnelle (CNRS/CEA/Université de Bordeaux)
Carte de probabilité des régions cérébrales activées en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle par une tâche de production silencieuse de phrases dans un groupe de 144 individus droitiers. L'échelle de couleur indique le pourcentage de sujets ayant une activation significative en ce point pendant la tâche (vert : 50%, bleu : 65%, rouge : 80% et plus). À noter : la très forte asymétrie de la carte en faveur de l'hémisphère gauche.

Références :
Gaussian mixture modeling of hemispheric lateralization for language in a large sample of healthy individuals balanced for handedness . Bernard Mazoyer, Laure Zago, Gaël Jobard, Fabrice Crivello, Marc Joliot, Guy Perchey, Emmanuel Mellet, Laurent Petit, Nathalie Tzourio-Mazoyer. PLOS One, 30 juin 2014.
Contacts :
Chercheur l Bernard Mazoyer l T 05 47 30 43 95 l bernard.mazoyer@univ-bordeaux.fr
Presse CNRS l Alexiane Agullo l T 01 44 96 43 90 l alexiane.agullo@cnrs-dir.fr

 

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Schizophrénie

 

 

 

 

 

 

 

Schizophrénie
Intervenir au plus tôt pour limiter la sévérité des troubles

MODIFIÉ LE : 05/03/2020
PUBLIÉ LE : 11/07/2017
TEMPS DE LECTURE : 17 MIN

La schizophrénie est une maladie psychiatrique caractérisée par un ensemble de symptômes très variables : les plus impressionnants sont les délires et les hallucinations, mais les plus invalidants sont le retrait social et les difficultés cognitives. Aujourd’hui, une prise en charge adaptée, combinant traitement pharmacologique et psychosocial, permet d’obtenir une rémission durable chez un tiers des patients. Les chercheurs tentent de mieux comprendre la pathologie et ses facteurs de risque. Ils cherchent aussi à identifier des marqueurs de sa survenue et de son évolution. Leur objectif : être en mesure d’intervenir le plus tôt possible et de prévenir la sévérité de la maladie.
Dossier réalisé en collaboration avec Marie-Odile Krebs, directrice de recherche à l’Inserm (unité 1266, Institut de Psychiatrie et neuroscience de Paris) et chef de service au Groupe hospitalier universitaire psychiatrie et neurosciences de Paris, à l’hôpital Sainte-Anne.

Comprendre la schizophrénie
La schizophrénie est une pathologie psychiatrique chronique complexe qui se traduit schématiquement par une perception perturbée de la réalité, des manifestations productives, comme des idées délirantes ou des hallucinations, et des manifestations passives, comme un isolement social et relationnel. En pratique, elle peut être très différente d’un patient à l’autre, selon la nature et la sévérité des différents symptômes qu’il présente.
Trois types de symptômes peuvent se manifester de façon chronique ou de façon épisodique (période de psychose) :
* Ceux dits productifs (ou positifs) sont les plus impressionnants : ils rassemblent les délires et les hallucinations et peuvent se traduire en un sentiment de persécution (paranoïa), une mégalomanie, des idées délirantes invraisemblables et excentriques, ou encore des hallucinations sensorielles, souvent auditives (le sujet entend des voix) mais aussi visuelles, olfactives, tactiles ou gustatives.
* Les symptômes négatifs (ou déficitaires) correspondent à un appauvrissement affectif et émotionnel. Le patient se met en retrait et s’isole progressivement de son cercle familial, amical et social. Il communique moins, présente une volonté limitée et manifeste une émotivité réduite. Il présente moins d’intérêt et de volonté et davantage d’apathie, ce qui peut ressembler à une dépression.
* Enfin, les symptômes dissociatifs correspondent à une désorganisation de la pensée, des paroles, des émotions et des comportements corporels. La cohérence et la logique du discours et des pensées sont perturbées. Le patient est moins attentif, présente des difficultés à se concentrer, mémoriser, comprendre ou se faire comprendre. Il peut avoir des difficultés à planifier des tâches simples comme faire son travail ou des courses, ce qui peut être source d’un handicap majeur dans la vie quotidienne.
La schizophrénie débute à la suite d’un épisode psychotique inaugural qui n’est malheureusement pas toujours identifié ou pris en charge. Elle suit ensuite une évolution fluctuante, avec des symptômes chroniques auxquels se surajoutent parfois des phases de psychose aiguës. Elle peut ensuite se stabiliser avec des symptômes résiduels d’intensité variable selon les personnes. Le pronostic varie en fonction des caractéristiques de la maladie et de la précocité de la prise en charge.

Une dangerosité surtout contre soi-même
En dépit de l’emphase donnée à certains faits divers, les patients schizophréniques dangereux pour la société sont une minorité. Seuls de rares cas donnent lieu à des accès de violence au cours d’une crise, et cette agressivité est le plus souvent tournée vers le patient lui-même. Environ la moitié des patients souffrant de schizophrénie font au moins une tentative de suicide au cours de leur vie. Entre 10 et 20% en meurent, surtout dans les premières années.

L’adolescence, période critique de vulnérabilité
La schizophrénie toucherait environ 0,7 à 1% de la population mondiale, et environ 600 000 personnes en France. Elle concerne aussi bien les femmes que les hommes, ces derniers semblant touchés par des formes plus précoces et invalidantes. Elle semble plus fréquente chez les personnes vivant en milieu urbain et celles ayant un parcours d’immigration.
La maladie se révèle généralement au cours de l’adolescence, entre 15 et 25 ans, mais elle débute le plus souvent plus tôt, sous une forme atténuée.
Pour comprendre ces caractéristiques épidémiologiques particulières, il faut se tourner vers les mécanismes biologiques impliqués dans la maladie : en effet, le cerveau est une structure dynamique caractérisée par sa plasticité, c’est-à-dire sa capacité à se structurer et restructurer au cours du temps, selon les évènements et expériences vécus. Le stress lié à certaines situations, les atteintes infectieuses ou l’exposition à des substances, altéreraient la qualité de cette plasticité et pourrait favoriser certaines pathologies comme la schizophrénie.
Dès l’âge de 10–12 ans et jusqu’à 30 ans, le passage de l’enfance à l’âge adulte se traduit en effet par une phase particulièrement intense de maturation du cerveau, au cours de laquelle les neurones et différentes régions cérébrales se réorganisent. L’adolescence constitue donc une période critique pour le bon fonctionnement cérébral futur. Perturber les processus cérébraux qui la caractérisent peut avoir des conséquences délétères ultérieures.
Ceci explique pourquoi la majorité des maladies psychiatriques se développent avant l’âge de 25 ans. Heureusement, pour les mêmes raisons, cette période constitue une phase au cours de laquelle une intervention thérapeutique adaptée peut être particulièrement efficace.

Une pathologie d’origine génétique et environnementale
La schizophrénie est une maladie dont l’origine est plurifactorielle. Son développement résulterait d’une interaction entre gènes et environnement, suggérant qu’il existe une vulnérabilité génétique précipitée par des facteurs environnementaux.
La part de la génétique
Il existe a priori deux types de prédisposition génétique à la maladie : d’une part, certaines variations génétiques ont été identifiées comme étant associées à un léger surrisque de développer la maladie en cas d’exposition à des facteurs de risque environnementaux. Cependant, leur impact modeste rend leur identification difficile. D’autre part, quelques mutations ponctuelles rares ont été décrites comme ayant un impact majeur sur le risque de développer une schizophrénie. Elles toucheraient préférentiellement des gènes jouant un rôle dans la plasticité neuronale, en partie communs avec ceux impliqués dans d’autres troubles du neurodéveloppement.
Pris globalement, le rôle de la génétique reste donc modéré : la fréquence de la maladie reste 10 fois plus faible que la fréquence à laquelle ces facteurs de vulnérabilité génétique sont retrouvés au sein de la population générale. Chez des jumeaux qui possèdent le même patrimoine génétique, lorsque l’un est atteint de schizophrénie, le risque que le second développe la maladie n’est que d’environ 40%.

Une composante environnementale, avec un rôle établi du stress et du cannabis
Différents facteurs environnementaux pourraient favoriser le développement de la maladie, notamment au cours de la période critique que constitue l’adolescence et le début de la vie adulte.
Des travaux suggèrent aussi que certains éléments influençant le développement cérébral (comme des problèmes au cours du développement fœtal en raison d’incompatibilité rhésus ou de complications liées à une grippe contractée pendant la grossesse) augmentent le risque ultérieur de schizophrénie, mais l’effet reste assez faible. Les troubles précoces du développement ont ainsi été identifiés comme facteurs favorisant l’apparition d’un trouble schizophrénique.
Deux autres paramètres constituent, eux, des facteurs de risque bien établis précipitant l’apparition de troubles psychotiques :
- le premier correspond au stress, qui est décrit comme pouvant altérer différents mécanismes biologiques (neurogenèse, activité des facteurs de croissance et survie des neurones…) au niveau de plusieurs structures cérébrales (hippocampe, cortex préfrontal, amygdale…). Il expliquerait ainsi l’incidence plus élevée de la maladie en milieu urbain ou parmi les sujets ayant eu un parcours de migration, notamment au cours de l’enfance et de l’adolescence. Ces associations ont été notamment bien décrites par les études issues du projet européen EU-GEI (pour European network of national schizophrenia networks studying gene-environment interactions), dont le but était d’étudier les déterminants génétiques et environnementaux de la schizophrénie et les facteurs déterminant l’émergence des troubles chez des sujets à très haut risque, présentant des symptômes atténués.
- le second correspond à la consommation de substances psychogènes et particulièrement le cannabis : le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) perturberait la maturation cérébrale en agissant sur les récepteurs qu’il active, nombreux au niveau des zones du cerveau impliquées dans les pathologies psychiatriques, et particulièrement dans les régions où la plasticité est importante à l’adolescence. Ainsi, la consommation de cannabis doublerait le risque de schizophrénie, mais avec une grande hétérogénéité en fonction des individus. Cet effet dépendrait de la dose, de la teneur du produit en THC, de la durée d’utilisation et de l’âge d’exposition. Des travaux conduits à l’Inserm ont d’ailleurs montré que les consommateurs les plus sensibles aux effets psychotiques du cannabis présentent des variants génétiques particuliers.
Enfin, d’autres aspects liés à l’hygiène de vie joueraient aussi un rôle significatif : qualité du sommeil, nutrition, apports en facteurs neurotrophiques (favorisant la croissance et la survie des neurones) comme les folates.

Des premiers symptômes psychotiques au diagnostic
La schizophrénie est une pathologie souvent difficile à diagnostiquer. Il n’est donc pas rare que le diagnostic soit posé alors que la maladie progresse depuis plusieurs années.
La difficulté à poser le diagnostic s’explique par la diversité de ses symptômes, pouvant être parfois confondus avec ceux de la dépression, d’un trouble anxieux sévère ou des troubles bipolaires, notamment quand les symptômes déficitaires sont au premier plan.

Une difficulté dans l’identification des premiers symptômes psychotiques
Dans trois quart des cas, la schizophrénie n’est pas une maladie d’apparition brutale. Elle débute par des symptômes atténués, souvent peu spécifiques, associés à des difficultés cognitives. Ces symptômes annonciateurs, ou « prodromiques », correspondent à un état mental à risque d’évolution vers un trouble psychotique. Les symptômes sont alors non seulement moins intenses, mais en outre moins fréquents ou moins durables. A ce stade, l’évolution vers la schizophrénie n’est pas inéluctable puisque, statistiquement, seul un tiers des personnes concernées évolueront vers un premier épisode psychotique, parmi lesquels un peu plus de la moitié évoluera ultérieurement vers une schizophrénie chronique.
Dans l’objectif d’un repérage précoce, toute la difficulté consiste à ne pas banaliser une modification de comportement chez un adolescent, sans s’alerter trop vite : il faut solliciter une évaluation médicale face à certains signes, comme un changement de comportement et d’intérêt, un retrait, l’arrêt des activités habituelles, des idées étranges comme le sentiment de télépathie, des idées de persécution ou encore des préoccupations mystiques ou philosophiques marquées, des perceptions altérées… Le jeune peut aussi avoir l’impression de ne plus réussir à réfléchir de la même façon, ou le sentiment d’avoir une pensée modifiée.
Même s’ils ne constituent pas un élément d’alerte pris séparément, l’isolement social et la baisse des résultats scolaires accompagnent souvent les premiers symptômes. Ainsi, l’orientation rapide des jeunes en rupture scolaire ou sociale vers des consultations spécialisées est pertinente : elle permet une évaluation précise et multidisciplinaire de la situation. Le cas échéant, elle permet aussi de tenter d’enrayer la dérive, et de prévenir le risque d’une évolution possible vers un trouble psychotique avéré, voire une schizophrénie.
Une intervention pendant la période prodromique pourrait limiter le risque de transition vers la psychose ou le risque de psychose sévère. Il est aujourd’hui démontré qu’une prise en charge adaptée et précoce limite l’entrée dans la phase chronique de la maladie et améliore les chances de rémission, permettant au jeune de reprendre ses études, son travail, sa vie. Dans tous les cas, l’évaluation et la prise en charge précoce des vulnérabilités permettent d’accroître les chances d’amélioration – même si le diagnostic n’est pas certain – en identifiant des leviers pour agir sur des facteurs précipitants et favoriser les facteurs protecteurs.
Il faut comprendre qu’un premier épisode psychotique n’est pas toujours une entrée dans la schizophrénie : certains jeunes évolueront vers un autre trouble (trouble bipolaire, trouble de l’usage de substances) ou pour certains, se rétabliront sans troubles chroniques.

Prise en charge médicamenteuse et psychosociale
La prise en charge d’un premier épisode psychotique est globale, multidisciplinaire, articulée autour des volets médicaux, sociaux, psychologiques… adaptés à la multiplicité et à la diversité des symptômes, au profil de chaque patient, aux besoins d’accompagnement spécifiques à cette phase de la maladie, à la tranche d’âge, au terrain cognitif, médical et développemental, à la présence d’un abus de substance et à l’environnement. Une hospitalisation est souvent nécessaire lors d’un premier épisode, lorsqu’il est envahissant, mais une prise en charge plus précoce pourrait éviter cela.
Un traitement médicamenteux et une réhabilitation psychosociale doivent être associés à une prise en charge active des addictions associées, qui constituent des facteurs de risque de mauvaise observance, de complications, de rechutes et d’hospitalisation. Ainsi, il est indispensable d’accompagner vers le sevrage les patients consommant le cannabis.

Les médicaments antipsychotiques
Sur le plan médicamenteux, le traitement de première intention repose sur un antipsychotique de 2e génération (ou antipsychotique « atypique » : rispéridone, aripiprazole, quetiapine, olanzapine). Il est généralement instauré progressivement, jusqu’à l’atteinte d’une dose efficace. Le traitement doit être chronique : maintenu au moins 2 ans après un premier épisode, et plus de 5 ans à partir du second. L’utilisation de solution injectable à action prolongée facilite la prise du traitement et le maintien de doses efficaces. Il peut être ajusté en fonction de la tolérance et l’efficacité observées (via la modification de la molécule ou des associations). L’hospitalisation du patient peut être nécessaire pour faciliter l’instauration du premier traitement. D’autres psychotropes comme des antidépresseurs ou des anxiolytiques peuvent être associés selon les symptômes du patient.
In fine, les antipsychotiques ont révolutionné la vie des patients. Ils atténuent ses symptômes, principalement les symptômes « positifs » et réduisent les rechutes et permettent pour certains patients une « guérison fonctionnelle » associée à une bonne qualité de vie.
Malheureusement, jusqu’à un quart des patients présentent une résistance aux antipsychotiques. Certaines molécules peuvent être prescrites en seconde intention, comme la clozapine.

L’indispensable approche psychosociale
Les difficultés cognitives, sociales ou la perte d’autonomie dans la vie quotidienne ont un impact important sur le processus de rétablissement (difficulté à reprendre une activité professionnelle, difficulté à vivre seul…) : une réhabilitation psychosociale permet d’aider la personne à progresser pour atteindre ses objectifs en matière de projet de vie. Elle se fonde sur les capacités du patient et vise à les utiliser pour améliorer son quotidien. Elle comporte notamment :
* Une réhabilitation (ou remédiation) cognitive, qui traite notamment les symptômes de désorganisation. Il s’agit d’une technique non médicamenteuse qui consiste à identifier les différentes composantes cognitives altérées par la maladie (troubles attentionnels, mémorisation, exécution…) et à trouver des solutions pour guérir ou contourner ces troubles, à travers des jeux de rôles, des exercices ou encore une éducation à sa propre maladie. Elle se pratique le plus souvent sous forme d’entretiens individuels entre le patient et un professionnel de santé formé à cette thérapie (psychologue, infirmier…), au rythme de deux à trois séances par semaine pendant environ 3 à 6 mois.
* Certaines modalités de thérapie cognitivo-comportementale (TCC) peuvent permettre au patient de gérer ses symptômes négatifs mais aussi positifs, et l’aider à éviter l’enfermement sur lui-même et la désocialisation progressive. Ces thérapies peuvent aborder des dimensions émotionnelles (angoisse, estime de soi, gestion du stress), sociales (hygiène de vie, motivation à entreprendre et aller vers les autres), ou encore médicales (réduction de sa consommation de substances psychogènes, éducation sur sa maladie).
* Des séances de cognition sociale (sur la maladie, ses symptômes, son traitement…), d’ergothérapie et/ou d’accompagnement sur le plan social et professionnel…peuvent aussi être envisagés selon les besoins.
* La psychoéducation du patient, ou éducation thérapeutique du patient (ETP), est un élément essentiel de la prise en charge, permettant à l’intéressé de mieux comprendre la maladie, ses symptômes, son traitement, sa santé en général, et l’aider à « faire avec ».
* Le soutien et l’éducation de l’entourage est également essentiel pour assurer un bon engagement du patient et de sa famille. Le programme BREF est une étape initiale dans le parcours des aidants dont le but est de renseigner les aidants sur les dispositifs existants. Le programme Profamille est précieux pour aider les parents à développer leurs connaissances et leur compréhension de la maladie et leur donner les outils pour faire face et diminuer leur fardeau.
Tous ces programmes doivent être adaptés à la situation vécue et des programmes spécifiques sont nécessaires pour les patients souffrant d’un premier épisode

Un pronostic qui dépend de l’engagement du patient dans sa prise en charge
La précocité de la prise en charge, la qualité du soutien psychosocial, de l’accès aux soins et de l’adhésion du patient à sa prise en charge vont constituer des éléments de bon pronostic. Sur le plan individuel, les femmes ont plus de chances d’avoir une évolution favorable que les hommes, ainsi que celles et ceux qui sont proactifs dans la gestion de leur maladie.
À l’inverse, les personnes isolées socialement et celles qui ont présenté une progression rapide des symptômes négatifs, ou un délai diagnostique prolongé, ont un moins bon pronostic.
Mais le principal facteur pronostic est l’observance du traitement et l’engagement dans la prise en charge. D’où l’importance de la psychoéducation, pour améliorer l’adhésion du patient à son traitement. Près de la moitié des patients interrompent leur traitement dans la première année, parce qu’ils ne reconnaissent pas leurs troubles (déni), parce qu’ils se sentent mieux, ou en raison d’effets indésirables (en particulier la prise de poids), induisant un risque élevé de rechute.
Au final, environ un tiers des patients sont en rémission durable après quelques années de traitement : ils reprennent une vie sociale, professionnelle et affective. Chez les autres, la maladie persiste dans le temps avec des symptômes à peu près contrôlés grâce à un suivi médical, mais avec des rechutes possibles. Restent malheureusement 20 à 30% de sujets très peu répondeurs aux traitements.

Des approches complémentaires, notamment en cas de résistance aux traitements
La stimulation magnétique transcrânienne est parfois efficace chez des patients résistants aux traitements, ou en adjonction aux antipsychotiques. Cette thérapie consiste à appliquer un champ magnétique sur une zone du cerveau pendant quelques secondes. Quelques séances menées sur une courte période semblent plus particulièrement efficaces pour réduire la sévérité d’hallucinations.
Enfin, dans les formes de la maladie sévères ou résistantes, l’électroconvulsivothérapie (électrochocs) peut être indiquée. C’est notamment le cas chez certains patients souffrant de formes catatoniques (associées à des perturbations psychomotrices particulières), désorganisées ou associées à des troubles de l’humeur.

Vers un réseau d’intervention précoce
Afin d’améliorer l’identification des patients dès la phase d’état mental à risque, des innovations facilitant l’accès à une évaluation et une prise en charge précoce sont en cours de développement : des outils de détection, notamment des questionnaires spécialisés permettant de faciliter l’identification, voire l’auto-évaluation de la maladie par le jeune lui-même, sont en cours de développement.
Par ailleurs, un réseau de structures de soins d’intervention précoce spécialisées dans l’évaluation et des modalités structurées d’intervention se développent. Spécifiquement dédié aux adolescents et jeunes adultes, ce réseau offrira un environnement non stigmatisant et permettra d’évaluer le jeune et, le cas échéant, de lui proposer une prise en charge pharmacologique et non pharmacologique. Ces centres doivent aussi permettre de faciliter l’accès aux soins en travaillant avec les structures de soins primaires (généralistes, médecine scolaire, de prévention universitaire, médecine du travail). La composante française du réseau (développées au niveau international) est nommée Transition. Outre des outils d’évaluation communs, ces centres partageront un ensemble de ressources thérapeutiques, comme le case management (gestion de cas) ou des programmes de psychoéducation incluant une approche de thérapie cognitive et comportementale dérivés d’un programme canadien. Le programme « I Care/You Care » propose quant à lui de travailler en deux groupes distincts, en parallèle, le premier pour les patients et le second pour leurs parents. Il leur permet de comprendre les troubles et d’aborder certains domaines favorisant le rétablissement, comme la gestion du stress et des émotions, les symptômes cliniques et l’amélioration de la communication au sein de la famille.

Les enjeux de la recherche
Décrire les anomalies cérébrales associées
La schizophrénie est associée à des anomalies cérébrales touchant :
* la substance grise, au niveau des neurones et/ou de la neuropile, cette dernière correspondant aux prolongements permettant les contacts entre neurones, et cellules gliales
* la substance blanche, avec un déficit en oligodendrocytes, et/ou des anomalies de la myéline, la gaine lipidique des fibres nerveuses
A ce jour, même si ces anomalies ne sont pas suffisamment spécifiques à l’échelle individuelle pour établir un diagnostic, des examens d’imagerie doit être réalisés car ils peuvent révéler des altérations cérébrales associées au diagnostic d’une autre maladie (marques d’atteintes infectieuses ou inflammatoires, anomalies de développement par exemple).
Les données issues des techniques d’examens les plus puissantes laissent penser que le profil d’anomalies observées pourrait aider à caractériser le diagnostic et possiblement le pronostic de la maladie (réponse thérapeutique, évolution vers une psychose chez des personnes ayant des symptômes atténués).

Mieux comprendre l’action des facteurs de risque
Les chercheurs tentent en outre de mieux comprendre l’influence des facteurs génétiques et environnementaux dans le déclenchement et l’évolution de la maladie. L’espoir est de pouvoir mettre en place des mesures de prévention, mais aussi de découvrir de nouvelles cibles thérapeutiques qui permettront de traiter la cause de la maladie, et non plus seulement ses symptômes.
La première analyse épigénétique, issue de l’étude ICAAR, montre l’importance des voies de l’inflammation, de la neuroplasticité et des réactions d’oxydation dans l’émergence d’un premier épisode psychotique chez des jeunes présentant un état mental à risque. D’autres études ont également évoqué le rôle de certaines infections précoces par des rétrovirus, celui de la toxoplasmose ou encore de la neuroinflammation ou de l’auto-immunité (notamment dans les formes rares liées à certaines encéphalites).
Les chercheurs s’intéressent par ailleurs aux problèmes de développement cérébral qui pourraient être associés à certaines schizophrénies. Des travaux ont ainsi montré que certains autistes développent parfois une forme de schizophrénie atypique. Des anomalies de ce développement précoce sont par exemple au cœur des travaux de Karine Loulier (unité Inserm 1051 Inserm, Montpellier), visant à mieux en comprendre la survenue au sein de différentes populations de neurones par marquage neuronal. En pratique, certaines personnes présentant des troubles du neurodéveloppement ont un risque d’évoluer vers certaines formes de schizophrénie. Il existerait un continuum entre les deux, dont les mécanismes restent à comprendre. Ces formes nécessitent dans tous les cas une prise en charge thérapeutique et psychosociale spécifique.

A la recherche de marqueurs prédisant l’évolution et différenciant les formes de schizophrénie
Une prise en charge précoce évite une dégradation de l’état de santé du patient et un isolement trop marqué. C’est pourquoi les cliniciens cherchent à identifier des marqueurs de survenue et d’évolution de la maladie au stade précoce, dès la phase « prodromique » qui précède l’arrivée des symptômes de plusieurs années. L’étude européenne EU-GEI et son versant français (l’étude ICAAR) étudie une population de personnes présentant un état mental à risque, c’est à dire avec des signes atténués pouvant être annonciateurs de schizophrénie (voir plus haut). Le projet de recherche européen PRONIA propose quant à lui un outil de pronostic actuellement développé sur la base d’algorithmes d’apprentissage informatique (e‑learning), fondé sur des données cliniques et d’imagerie. L’idée est d’établir le moyen d’identifier les personnes à haut risque ayant une probabilité d’environ 1/3 de faire une transition psychotique dans les deux ans.
L’identification précoce des patients reste difficile et les critères cliniques dont disposent les médecins sont peu spécifiques et insuffisants. Des marqueurs génétiques ou moléculaires complémentaires seraient nécessaires. Mais à ce jour, aucun n’a été identifié. Et la grande hétérogénéité des symptômes que présentent les patients complique cette quête : il est difficile d’établir des profils homogènes, permettant l’étude d’un éventuel arrière-plan génétique commun. En outre, cette hétérogénéité suggère qu’il existe non pas une forme de schizophrénie mais plusieurs, avec leurs caractéristiques cliniques et biologiques propres. Ces différentes formes nécessitent peut-être des prises en charge médicales particulières et personnalisées. Elles doivent d’abord être classifiées pour qu’on puisse les identifier clairement. Des études de cohortes sont nécessaires pour progresser dans cette voie, incluant en particulier des personnes âgées de 15 à 25 ans, période de vulnérabilité à certains facteurs de risque environnementaux, période critique pour l’apparition de la maladie et période déterminante pour le pronostic à moyen terme.
En France, le programme de recherche translationnelle PsyCARE vise à améliorer l’ensemble des volets détection, prise en charge et accompagnement : il regroupe des structures expertes de recherche et de prise en charge. Outre l’amélioration des connaissances sur les biomarqueurs et les processus sous-jacents à la maladie il comporte un volet d’innovation technologique visant à construire un outil d’aide à la décision thérapeutique, la mise à disposition d’outils mobiles facilitant la détection et l’intervention précoce, ainsi qu’un axe visant à favoriser l’accès et le maintien des patients dans les soins.

 

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La mémoire associative indirecte : un mécanisme cérébral identifié

 

 

 

 

 

 

 

La mémoire associative indirecte : un mécanisme cérébral identifié

31 AOÛT 2018 | PAR INSERM (SALLE DE PRESSE) | NEUROSCIENCES, SCIENCES COGNITIVES, NEUROLOGIE, PSYCHIATRIE

Neurone d’hippocampe de souris à 7 jours de différenciation en culture. Crédits: Inserm/Peris, Leticia

Imaginez que vous mangez une belle pomme Granny sous un parasol rouge de la terrasse d’un jardin public. Le lendemain vous mangez une autre pomme Granny chez vous, dans votre cuisine mais juste après vous êtes malade. Et bien si vous retournez dans le jardin public, vous n’irez plus jamais sous le parasol rouge.  Il n’y a – a priori – aucune relation entre le parasol et le fait d’avoir été malade … et pourtant si ! Il s’agit du processus de mémoire associative indirecte et les chercheurs de l’Inra et de l’Inserm viennent d’en révéler le mécanisme cérébral majeur. Leurs résultats, publiés le 30 août 2018 dans la revue Neuron, révèlent que les récepteurs cannabinoïdes de l’hippocampe jouent un rôle essentiel pour la mémorisation de ces associations.
Les mémoires associatives directes, qui impliquent un couplage précis entre une information et des conséquences positives ou négatives, influencent nos choix futurs. Cependant, nos comportements sont le plus souvent guidés par des mémoires associatives indirectes, basées au départ sur des associations entre différentes informations à priori sans conséquence. Ceci explique que nous sommes souvent repoussés, ou attirés, par des objets, des endroits ou des personnes qui n’ont jamais été directement associés à des situations aversives, ou attractives, mais que l’on a préalablement rencontrés en présence d’autres informations qui elles ont ensuite acquis une signification aversive, ou positive. C’est le cas dans l’exemple de la pomme et du parasol rouge !

Les récepteurs, les neurones et la structure cérébrale impliqués dans la mémoire associative indirecte sont aujourd’hui identifiés

Si les bases neurobiologiques des apprentissages associatifs directs font l’objet d’intenses recherches, celles des apprentissages indirects restent assez méconnues. Les chercheurs de l’Inra et de l’Inserm ont tout d’abord mis en évidence au laboratoire des modèles comportementaux d’apprentissages associatifs indirects sur des souris. Ils ont pour cela présenté une odeur (de banane ou d’amande) et un goût (sucré ou salé), de façon répétée et simultanée, sans conséquence particulière pour l’animal; dans un deuxième temps, ils ont associé le goût à un malaise gastrique (similaire à une intoxication alimentaire) ; enfin, en présentant l’odeur initialement associée à ce goût, les chercheurs ont noté l’évitement spécifique de cette odeur traduisant un transfert de la valeur aversive entre le goût et l’odeur.

Les chercheurs ont montré des résultats similaires avec une lumière et un son et le transfert entre ces sensorialités, non pas d’une valeur aversive, mais d’une valeur attractive (par l’octroi d’une récompense), généralisant ainsi ce phénomène. Les scientifiques ont alors précisé le mécanisme en jeu : ce processus de mémoire associative indirecte (entre une odeur et un goût ou entre une lumière et un son) implique l’hippocampe et un système neuromodulateur majeur au sein de cette structure cérébrale, le système endocannabinoïde. Plus spécifiquement, cette forme particulière d’apprentissage associatif fait intervenir les récepteurs cannabinoïdes CB1 de l’hippocampe présents au niveau de certains neurones : les neurones GABA.

Ces résultats inédits vont conduire les chercheurs à évaluer si ces récepteurs CB1 pourraient également intervenir dans d’autres structures cérébrales lors de ces apprentissages associatifs indirects. Cela pourrait également ouvrir des pistes sur la compréhension de certaines pathologies (schizophrénie ou états psychotiques) dans lesquels cette mémoire associative est altérée.

 

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