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JULES CÉSAR

 

(49 - 44 av. J.-C.)
Jules César
(Caius Julius Cæsar)
 
Sur cette page :

Notice biographique de Jules César



 
Julius caesar   
César naquit en -101 avant J.-C dans une vieille famille patricienne, la gens Iulia, qui prétendait descendre de Iule, fils d'Énée et par là de Vénus elle-même. Rien que ça !

Vu la noblesse de ses origines, il aurait pu, aurait dû, faire carrière au sein de l'oligarchie sénatoriale. Pourtant, il n'en fut rien : sa tante Julia avait épousé le dictateur Marius, vainqueur des Cimbres et des Teutons, mais aussi leader incontesté du parti populiste. César rallia donc les rangs des "populares" qui s'opposaient à la dictature aristocratique et sanguinaire de Sylla et convola en justes noces avec Cornelia, fille de Cinna, le successeur de Marius à la tête de cette faction.

Pourchassé par des assassins à la solde de ce Sylla, qui n'en était pas à une exécution sommaire près, César se réfugia un moment en Bithynie (N.O. de la Turquie actuelle), auprès du roi Nicomède. Là, aux dires de certaines mauvaises langues, ce ne fut plus sa tête qui fut menacée, mais bien une autre partie de son anatomie : le roitelet oriental ne serait pas resté insensible au(x) charme(s) de cet athlétique jeune patricien romain, et ce dernier ne lui aurait guère opposé de résistance.
Pourtant, alors qu'à cette époque, les vieux Romains traditionalistes étaient fort peu enclins à l'indulgence pour "les mœurs grecques", cette aventure homosexuelle n'entacha pas plus la réputation de Jules qu'elle n'entrava sa carrière politique. (Pour plus de détails au sujet de cette anecdote sans doute apocryphe, voir ici)

Après la mort de Sylla (-78), comme César revenait d'exil pour reprendre le flambeau du parti plébéien à Rome, son bateau fut capturé par des pirates. Ces malfaisants personnages n'exigèrent qu'une rançon de 20 talents. Vexé, César; déjà très conscient de sa propre valeur, exigea que cette somme, qu'il trouvait ridicule, soit plus que doublée (50 talents). Pendant que ses émissaires rassemblaient la rançon, César amusa les malandrins de beaux discours, tout en leur promettant, comme pour plaisanter, qu'il reviendrait un jour et les ferait crucifier. Et les ravisseurs, ravis, de s'esclaffer !
Mais une fois la rançon versée et César libéré, celui-ci arma une flotte privée, captura les bandits et tint scrupuleusement ses engagements : les pirates furent tous mis en croix.

 
Enfin rentré à Rome, il entreprit sa marche vers le pouvoir absolu auquel il allait être porté par le consentement (résigné) du peuple.
Il fut sans doute impliqué, mais ce rôle reste assez obscur, dans la conjuration de Catilina, (-63). À cette occasion, il s'opposa aux mesures radicales (et illégales) d'un Cicéron par ailleurs fort suspect d'avoir monté en épingle ce minable complot populiste pour se poser en "Sauveur de la République" et en "Père de la Patrie".
Préteur en -62, propréteur d'Espagne en -61, Jules forma ensuite un Triumvirat avec Pompée et Crassus. Lui-même apportait à l'association son génie politique, Pompée son prestige militaire et le richissime Crassus, les fonds indispensables pour séduire la plèbe. C'est ainsi que César obtint le consulat en -59. Cependant, pour égaler la gloire de Pompée, il lui fallait aussi un grand commandement militaire. Il se fit donc attribuer les proconsulats de Gaule cisalpine et de Narbonnaise pour -58.

L'autorité de Rome, limitée, à cette époque, à une simple bande littorale entre Monaco et Narbonne, allait, grâce au "Génie de César", s'étendre désormais à l'intérieur des terres gauloises.
Prenant prétexte d'une invasion d'Helvètes, eux-mêmes poussés dans le dos par les Germains, et à la requête de certaines tribus gauloises, épouvantées, César envahit la Gaule.
La supériorité militaire des légions romaines fit merveille : les Helvètes furent bien vite refoulés dans leurs cantons et les Germains d'Arioviste rejetés au-delà du Rhin.
Cependant si les Gaulois croyaient s'être débarrassés à bon compte des demandeurs d'asile suisses et des envahisseurs germaniques, ils se trompaient lourdement ! Son mandat terminé, leur "protecteur", leur "sauveur" Jules César ne faisait pas mine de quitter le pays ! Il s'enracinait même, prétendant subjuguer les imprudentes tribus gauloises et coloniser, romaniser toute la Gaule !

Au nord de la Gaule, les Belges se révoltèrent.
D'où venaient, qui étaient réellement ces "Belges" ?
En vérité, on ne le sait pas trop.
Jules César, qui, on l'a assez dit, les qualifie de "fortissimes" (fortissimi sunt Belgae - "Extrêmement courageux sont les Belges !")), prétend aussi que certaines d'entre leurs tribus seraient, en fait, composées des descendants de guerriers germains qui auraient passé le Rhin dans les bagages des Cimbres, des Teutons et consorts, puis se seraient dissociés du gros de la troupe pour s'installer dans ce qui deviendra la Belgique. En outre, d'autres tribus belges, peu satisfaites de leur nouveau territoire ou qui avaient la bougeotte, passèrent la Manche, colonisèrent également les îles anglaises, puis passèrent en Irlande où on les appela les "Fier Bolg", les "nobles Belges".

Mais de tout ce folklore celtique, César n'en avait rien à cirer !
Si les Belges résistaient, ils seraient écrasés, tout "fortissimi" qu'ils fussent ! Et ce fut la bataille dite de la "Sabis" (-57), du nom d'une rivière que les historiens ont bien du mal à situer sur la carte (Sambre ?).

Dévalant la pente opposée de la vallée, franchissant la rivière à la nage, remontant au pas de charge l'autre versant, une masse compacte de guerriers belges, provenant de diverses tribus coalisées mais constituée surtout de Nerviens, attaqua par surprise le camp de César.
Celui-ci, voyant que tout se déglinguait autour de lui, se précipita aux avant-postes, et, l'épée à la main, rétablit les lignes qui menaçaient d'être enfoncées. Trois légions, attardées, arrivèrent juste à temps pour dégager le camp du général en chef et donner la victoire aux aigles romaines.
"Mais L'ennemi, même alors qu'il ne lui restait plus guère d'espoir, montra un tel courage que, quand les premiers étaient tombés, ceux qui les suivaient montaient sur leurs corps pour se battre, lançaient des traits sur nos soldats et renvoyaient les javelots qui manquaient leur but. Ainsi, ce n'était pas une folle entreprise pour des hommes d'un pareil courage, il faut le reconnaître, que d'avoir osé franchir une rivière très large, escalader une berge fort élevée et monter à l'assaut d'une position très forte. Cette tâche, leur héroïsme l'avait rendue facile" (César, Guerre des Gaules, II, 27).

Les Belges finirent par être écrasés… Mais César avait eu chaud. Très chaud !

La Belgique vaincue et conquise, il restait à César à pacifier le reste de Gaule.
Malgré les révoltes d'Ambiorix, en Belgique (-54 / -53), et de Vercingétorix, en Auvergne (-52), tout fut assez vite réglé. (Seul un petit village résista, encore et toujours, à l'envahisseur, etc…).
César put même se payer le luxe d'une excursion militaire en Britannia (Grande-Bretagne), histoire de donner aux indigènes un aperçu de la puissance romaine et de les dissuader de porter secours à leurs frères gaulois et belges.

Jules avait acquis la gloire militaire.
Il bénéficiait aussi une renommée littéraire considérable : ses "Commentaires sur la Guerre des Gaules" étaient (et sont toujours) considérés comme un chef d'œuvre de style, de précision et de concision ; des générations de latinistes débutants peuvent en témoigner !
Mais la situation politique ne cessait de se détériorer. Depuis la mort de Crassus en 53 av. J.-C., le triumvirat n'existait plus. César et Pompée restaient seuls à s'affronter. Or, deux maîtres pour Rome, c'était un de trop !

ambiorix
pompée   
César était aimé du peuple, tandis que Pompée disposait de l'appui inconditionnel du Sénat. Le vainqueur de Mithridate tenta donc, par des mesures assez maladroites, de dépouiller son rival de tous ses commandements, tant civils que militaires. Sous prétexte de troubles en Orient, deux légions furent retirées au vainqueur de Vercingétorix. Ensuite, le Sénat, toujours manipulé par Pompée, s'opposa à toute prolongation des pouvoirs de César et l'obligea de venir en personne à Rome pour briguer le consulat pour l'année -49.

Longtemps, César ne broncha pas, subissant avanie sur avanie sans moufter et faisant même montre d'une modération et d'un esprit de conciliation exemplaires. Il faut aussi dire qu'Antoine et Cassius, tribuns du peuple et partisans de César, usaient et abusaient de leur droit de veto pour saper les menées de ses adversaires.
Mais, à la séance du Sénat du 7 janvier -49, les tribuns, dont l'intégrité physique était pourtant sacrée, furent molestés par les Sénateurs et durent s'enfuir de Rome.
César, qui se trouvait à Rimini (Ariminium), estima alors que la légalité avait été bafouée, et marcha sur Rome à la tête de ses troupes pour "rétablir l'ordre".
Alea jacta est ("les dés en sont jetés") aurait-il dit - mais cela est loin d'être prouvé - en franchissant le Rubicon, un insignifiant ruisselet séparant la Gaule cisalpine de l'Italie proprement dite... insignifiant certes, mais qui n'en marquait pas moins la limite qu'aucun général romain en armes ne devait franchir, sous peine d'être considéré comme un "ennemi de l'État".

Jules s'empara sans difficulté de Rome, abandonnée par Pompée et par la plupart des Sénateurs puis se prépara à affronter son rival qui s'était réfugié dans des Balkans avec une armée considérable, bien plus nombreuse que la sienne.La rencontre décisive se déroula en Thessalie (Grèce), à Pharsale, le 9 août -48.
Au soir de la bataille, l'armée de Pompée était littéralement écrasée. César lui, sur les vingt-deux mille hommes dont il disposait, n'avait perdu "que" dix centurions et deux cents légionnaires

Après avoir, un temps, erré en Méditerranée orientale, Pompée, vaincu se réfugia en Égypte, où il fut assassiné sur ordre du roi Ptolémée XIII (16 octobre -48).

Quelques jours plus tard, César arrivait à son tour à Alexandrie d'Égypte.
En guise de cadeau de bienvenue, le gouvernement égyptien ne trouva rien de mieux que de lui offrir la tête, encore sanglante, de Pompée. César s'en détourna, écœuré : Pompée le Grand, le "triumvir", avait été jadis son allié et même son gendre (le vainqueur de Mithridate avait été marié à Julia, fille unique de César - le décès de celle-ci, en septembre 54, distendit considérablement les liens d'amitié qui, jusque-là, unissaient les deux politiciens).

cléopâtre   
Puisqu'il se trouvait en Égypte, César en profita pour remettre de l'ordre dans le pays.

Entre le pharaon Ptolémée XIII et sa sœur-épouse Cléopâtre, c'était la guerre. Le jeune roi contrôlait Alexandrie et l'essentiel du pays, tandis que sa sœur s'était s'enfuie au diable Vauvert.

Un jour, un serviteur se présenta aux portes du palais où résidait le général romain. Un admirateur anonyme l'avait chargé d'apporter un cadeau à Jules, un somptueux tapis d'Orient. L'homme insistait pour le lui remettre en mains propres. À force d'insistance, de supplications (et de bakchichs), le portefaix franchit toutes les portes, toutes les sentinelles et arriva devant César. Il déposa précautionneusement son fardeau par terre, retira les ficelles qui maintenaient l'étoffe roulée, déroula enfin le tapis et… qui apparut ? La petite Cléopâtre en chair, en os et en nez ! La sœur et épouse du Pharaon d'Égypte !

Coup de foudre !
César fut sans doute aussitôt séduit ; autant par l'ingénieuse ruse que par le joli minois de la petite reine. Cléopâtre, elle, de son côté, tombait probablement sous le charme de cet alerte quinquagénaire, de ce descendant de Vénus qui avait affronté et vaincu d'innombrables armées barbares, de ce puissant général romain qui lui rendrait, à elle et à elle seule, le trône d'Égypte et qui peut-être, pourrait même un jour, restaurer l'empire d'Alexandre.

Effectivement César allait tenter d'éliminer le roi-époux-frère de la belle Cléopâtre pour donner à celle-ci tout pouvoir en Égypte. Mais les choses se compliquèrent : le parti du Pharaon était bien plus puissant que César ne l'avait prévu. Le grand Jules se trouva bientôt assiégé, encerclé dans le palais d'Alexandrie, avec seulement une poignée de légionnaires pour repousser toute la populace d'Alexandrie et affronter l'armée de Ptolémée XIII, commandée par l'eunuque Ganymède, un général de raccroc, certes, mais énergique et très compétent.
Une nouvelle fois, Jules n'en menait pas large.
Après avoir vainement tenté de rompre l'encerclement ennemi, force lui fut d'appeler ses alliés au secours.
Les plus proches étaient les Juifs. Ceux-ci se mirent en campagne sous la conduite d'Antipater (en latin) ou Antipatros (en grec). Cet Antipas, arabe Iduméen selon certaines sources, Juif gouverneur de l'Idumée selon d'autres, était surtout le Premier ministre d'Hyrcan II, Grand Prêtre et roi (fantoche) des Juifs. Antipas était aussi le père du futur roi des Juifs Hérode le Grand, de si détestable réputation.
Joignant ses forces à celles de Mithridate de Pergame, le "Maire du Palais" juif parvint briser l'étau égyptien et à libérer César (24 mars -47). Le surlendemain, Jules et ses alliés orientaux écrasaient l'armée du pharaon lors d'une bataille sanglante.
Ptolémée XIII trouva la mort en s'enfuyant, noyé dans le Nil.

Débarrassé des opposants égyptiens, César s'en fut alors faire une petite croisière sur le Nil
Voyage de noces ? Tourisme culturel ? Initiation aux mystères religieux et ésotériques de l'ancienne Égypte ? Inventaire des ressources fiscales du pays ? Sans doute un peu de tout cela. Quoi qu'il en soit et quels que fussent les motifs de cette excursion, César et sa royale maîtresse remontèrent le Nil jusqu'à Assouan, conçurent sans doute le petit Césarion, puis s'en revinrent dare-dare à Alexandrie tant la situation politique requérait à nouveau la vigilance, la présence et l'intervention du divin Jules. (Juillet -47).

Malgré la sanglante bataille de Pharsale et la mort du Pompée, le parti sénatorial renaissait de ses cendres en Afrique (du Nord) autour de Caton le Jeune (dit "Caton d'Utique), tandis que les légions de César, stationnées en Italie et privées depuis trop longtemps de la présence (rémunératrice) de leur chef, paraissaient prêtes à se révolter.Mais César n'était pas un larbin qui rapplique quand on le siffle ! Pas question pour lui de quitter l'Orient romain sans avoir imposé partout la paix romaine !
Or, un certain Pharnace, roi du Pont (rives de la Mer Noire) refusait de se soumettre à Rome.
Son compte fut vite réglé.

cato   
Le 13 juillet -47, César débarquait à Beyrouth, rassemblait toutes les légions du coin et leur faisait traverser à toute vitesse les brûlants plateaux d'Anatolie. Quelques jours plus tard (2 août -47) l'armée du présomptueux souverain oriental était anéantie, Pharnace destitué et remplacé par son frère Mithridate de Pergame, celui-là même qui, avec le ministre juif Antipas, avait tiré Jules du guêpier alexandrin. Commentaire de Jules : Veni, Vidi, Vici, "Je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu".

De retour en Italie, César reprit fermement en main ses légions mutinées puis se prépara à déloger les "Pompéiens" d'Afrique du Nord.

Ce n'était chose aisée car, en fait, ses adversaires (Caton, Labienus, Metellus Scipion et Juba Ier, roi de Numidie) semblaient plus puissamment armés, plus riches et mieux approvisionnés que lui. En outre, ses propres soldats, gavés de belles promesses, mais impayés depuis des lustres, continuaient à grogner. Il lui fallait donc faire au plus vite !
Malgré son infériorité numérique, il débarqua à Hadrumète (auj. Sousse, en Tunisie) et ce fut la bataille de Thapsus, rendue célèbre par un épisode d'Astérix (Astérix légionnaire).
Les forces "pompéiennes", commandées par Metellus Scipion, ne se décidaient pas à attaquer. César lui-même semblait hésiter. Ce furent les vétérans de César qui prirent l'initiative : faisant fi de la tactique prudente de leur imperator, ils se ruèrent à l'assaut des lignes pompéiennes, les rompirent et se livrèrent un épouvantable carnage, massacrant leurs ennemis jusqu'au dernier. Seuls les chefs de l'armée "sénatoriale" parvinrent à s'échapper (4 avril -46).
Quelques jours plus tard (12 avril), Caton le Jeune (Marcus Porcius Cato) se suicidait à Utique.
Les provinces africaines, avec toutes leurs richesses et leurs immenses réserves céréalières étaient désormais aux mains de César et celui-ci, qui s'était enfin acquitté de ses dettes envers ses soldats, put rentrer à Rome.

… Pour peu de temps !
Le parti pompéien avait à peine été écrasé en Afrique qu'il renaissait en Espagne.
Cette fois c'était Cnæus Pompée, le fils aîné du Grand Pompée, qui brandissait l'étendard de la révolte. Il avait étrillé les maigres forces dont César disposait en Espagne après avoir réuni autour lui tous les ennemis de César, en particulier Labienus, l'ancien lieutenant du conquérant des Gaules mais qui était devenu son plus farouche adversaire.
Et le vieux César (il avait cinquante-six ans, âge vénérable à l'époque) de se remettre en route, casque en tête et cuirasse aux flancs.
La dernière bataille entre le divin Jules et ses adversaires pompéiens se déroula le 17 mars -45 à Munda, non loin de Cordoue. Manque de bol, César, ce jour-là, n'était pas au mieux de sa forme : il se remettait à peine d'une de ces crises d'épilepsie auxquelles il était sujet.
Il émergea à grand-peine de son lit de douleur, et, tête lourde, oreilles bourdonnantes et jambes flageolantes, se traîna devant ses troupes, déjà alignées en ordre de bataille face à l'ennemi, pour les haranguer : "Soldats ! leur s'écria-t-il en substance, voici la dernière bataille qu'il vous faudra livrer contre vos concitoyens ! C'est la der des der, je vous le promets ! Une fois ces ennemis exterminés, nous pourrons triompher à Rome avant de nous lancer dans d'autres aventures, encore plus glorieuses et plus profitables, je vous le garantis !".
Mais, pour la première fois, ses soldats ne furent pas convaincus. Les Pompéiens étaient deux fois plus nombreux qu'eux, et puis, la crise de "haut-mal" qui avait frappé l' imperator leur semblait de mauvais augure, un averissement des dieux peut-être...
Ils restèrent donc figés, l'arme au pied, comme épouvantés.

César alors commença à avoir peur. Non pour sa vie, mais pour son honneur. "Les dieux ne m'ont-ils accordés tant de victoires que pour me voir succomber ici ? se dit-il. Si telle est leur volonté, autant mourir en combattant !" Alors, forçant son corps encore endolori à lui obéir, il se lança seul, tout seul, glaive à la main, à l'assaut des lignes ennemies…

Geste désespéré, mais décisif ! Après un bref moment d'hésitation, ses soldats, émerveillés de l'audace, de la bravoure de leur vieux général, entraînés par son charisme quasi surnaturel, suivirent son exemple et se ruèrent eux aussi à l'attaque, comme un seul homme.
Au soir, l'ultime armée "pompéienne" était anéantie.
Quant au fils aîné de Pompée, en fuite, il sera exécuté par des soldas quelques jours plus tard. 

César, désormais seul maître du monde méditerranéen, allait gouverner en souverain absolu, mais sans sortir du cadre républicain.
Déjà chef de la religion romaine en qualité de grand pontife, il s'était également fait décerner la dictature pour dix ans en-46 et était devenu, en même temps, consul annuel.
En -44 il fut nommé dictateur et censeur à vie en Italie.
Mais ces dignités" républicaines" ne lui suffisaient pas : poussé sans doute par la belle Cléopâtre qui l'avait rejoint à Rome au grand scandale des Romains traditionalistes, il aspirait au titre de roi, non par gloriole personnelle, mais pour mieux asseoir son prestige auprès des populations orientales avant d'engager une grande expédition militaire contre les Parthes.

À la séance du Sénat qui devait lui accorder ce titre (Ides de mars, 15 mars -44), il fut tué à coups de poignards par les conjurés menés par M. Junius Brutus, qui était, peut-être, son fils "de la main gauche.

brutus
Dans son excellent livre "Cléopâtre ou le rêve évanoui", (Librairie académique Perrin), Jacques Benoist-Méchin, vieux facho mais auteur souvent pénétrant, compare très intelligemment les destinées d'Alexandre le Grand et de notre Jules :

"L'un (Alexandre) se présente à nous comme un adolescent impétueux, paré de toutes les séductions de la jeunesse et qui semble avoir l'éternité devant lui ; l'autre (César) comme un homme mûr, aux tempes grisonnantes, auquel le temps est parcimonieusement mesuré. Alexandre est poussé en avant par une ivresse dionysiaque. Rien ne paraît le contraindre à faire ceci plutôt que cela. Il danse à travers les sables dorés de l'Asie et c'est pourquoi sa conquête garde la grâce et la liberté d'un jeu. Tandis que César parcourt le monde d'un pas grave et réfléchi. Chaque étape de sa carrière est commandée par la nécessité. Sans cesse, un délai rigoureux lui est imparti. Il faut, à jour nommé, qu'il franchisse le Rubicon ; il faut qu'il rattrape Pompée, avant qu'il ne soit trop tard ; il faut qu'il mette un terme rapide à la guerre civile, sans quoi le monde entier sombrera dans le chaos.
Alexandre, l'immortel, semble protégé du danger par une cuirasse invisible. Rien ne paraît pouvoir trancher le fil de ses jours. César, éminemment mortel, est exposé à tous les périls et le poignard de ses assassins ne l'épargnera pas. Sans doute ont-ils l'un et l'autre la même ardeur créatrice, qui se traduira par deux des plus belles chevauchées que l'histoire ait retenues. Mais l'un tire son pouvoir de sa fougue et de son imagination, l'autre de son audace et de sa volonté de puissance. Porté par son propre mythe, le premier semble voler de prodige en prodige. Le second, pris dans les obligations astreignantes de la politique, n'obtient rien qu'en respectant l'enchaînement serré des causes et des effets. Alexandre clôt la série des demi-dieux antiques ; César ouvre celle des chefs d'État modernes."


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LA VACCINATION - HISTOIRE

 

La vaccination : histoire, classification, mode d’administration

La vaccination est un procédé de prévention qui consiste à introduire un agent antigénique (un vaccin) dans un organisme vivant afin de stimuler une réponse immunitaire adaptative et protectrice contre les micro-organismes pathogènes. En général, les vaccins peuvent prévenir ou atténuer la morbidité d’une l’infection.

La vaccination reste le seul moyen efficace de prévention contre les maladies infectieuses. L'immunité généralisée due à la vaccination est d'ailleurs responsable de l'éradication mondiale de la variole et de la restriction de maladies telles que la poliomyélite, la rougeole et le tétanos. La réaction immunitaire primaire permet donc la mise en mémoire de l'antigène pour une réaction immunitaire plus rapide lors d'une éventuelle prochaine contamination. L'agent actif d'un vaccin peut être intact mais inactivé (non-infectieux) ou atténué (avec une infectiosité réduite).
Histoire de la vaccination


Les premiers éléments documentaires sur la vaccination viennent de l'Inde et de la Chine du 17e siècle. À cette époque, la vaccination par croûtes de vaches infectées par la variole était utilisée à titre préventif. D'où la dénomination vaccination venant du latin « vacca » qui signifie vache.
Cependant, il faut attendre jusqu'en 1796 pour que le médecin anglais Edward Jenner expose les résultats de ses recherches sur l'immunisation du jeune James Phipps, à l'époque âgée de 8 ans. Grâce au pus prélevé sur la main de Sarah Nelmes, une fermière infectée par la vaccine, il développe son premier vaccin. Cette pratique se répand par la suite dans toute l'Europe.


Les types de vaccins
Il existe actuellement plusieurs types de vaccins en usage clinique : les vaccins issus d'agents infectieux inactivés, les vaccins issus d'agents vivants atténués, les vaccins constitués de toxines inactivées, les vaccins synthétiques et les vaccins conjugués.
Les vaccins à base d'agents infectieux inactivés
Un vaccin issu d'agents infectieux inactivés est constitué de bactéries ou de virus développés en culture et ensuite détruits par la chaleur ou le formaldéhyde. Bien que les particules du virus ou de la bactérie soient détruites et ne peuvent plus se multiplier, les protéines de capsides du virus ou de la paroi bactérienne sont suffisamment intactes pour être reconnues et mémorisées par le système immunitaire dans le cadre d'une réponse immunitaire. Des injections de rappel sont nécessaires pour renforcer la réponse immunitaire avec ce type de vaccin
Les vaccins à base d'agents vivants atténués
Un vaccin issu d'agents vivants atténués est obtenu à la suite de plusieurs cultures cellulaires de l'agent infectieux afin d'atténuer sa virulence. Comme il ne peut plus se reproduire, il continue à présenter l'antigène au système immunitaire au-delà de la vaccination initiale. Un vaccin atténué peut être produits par des passages tels que l'adaptation d'un virus dans des cultures de cellules hôtes d'animaux ou à des températures sous-optimales.


Les vaccins à base de toxines inactivées
Ces vaccins sont constitués de protéines responsables de l'activité infectieuse du pathogène. Il peut soit s'agir de protéines inactivées avant d'être introduites dans l'organisme, soit de protéines cibles des anticorps protecteurs.


Les vaccins synthétiques
Les vaccins synthétiques sont principalement constitués de peptides synthétiques, d'hydrates de carbone, ou d'antigènes. Ils sont communément considérés comme étant plus sûrs que les vaccins de cultures bactériennes. Le développement de tels vaccins permet d'augmenter la vitesse de production et de réaction, surtout dans le cas d'une grave épidémie.


Les vaccins conjugués
Les vaccins conjugués possèdent un antigène polyoside, qui est associé de manière chimique à une protéine. Cette association permet d'améliorer l'immunogénicité du polyoside. Ces protéines possèdent un revêtement de polysaccharides, qui déguise les antigènes du pathogène, de sorte que les systèmes immunitaires immatures des nourrissons et des jeunes enfants ne puissent pas les reconnaître et y répondre. Les vaccins conjugués sont un type spécial de vaccin sous-unitaire, qui permet de contourner des problèmes d'ordre immunitaire.


Mode d'administration des vaccins
La vaccination se fait par injections intradermique, sous-cutanée ou intramusculaire, par la voie orale ou même par l'orifice nasale.
Les vaccins BCG et celui contre la variole sont entre autres administrés par voie intradermique.
L'injection sous-cutanée s'effectue dans la région du deltoïde, c'est-à-dire du haut du bras, sous l'épaule. La voie sous-cutanée est préconisée pour les vaccins viraux (rougeole, oreillons, rubéole, fièvre jaune, etc.).
L'injection intramusculaire, quant à elle, se fait au niveau du deltoïde chez l'enfant, l'adolescent et l'adulte, ou de la face antérolatérale de la cuisse chez le nourrisson.
La vaccination peut se faire en mettant quelques gouttes de la préparation contenant l'agent antigénique dans la bouche. Par exemple, le vaccin contre la poliomyélite peut être administré par voie orale. L'histoire retient que ce mode d'administration a permis d'éradiquer la rage.


Le vaccin contre la grippe peut s'administrer par la voie nasale. Et la vaccination reste valable même si le sujet vacciné se met à éternuer juste après avoir reçu sa dose.
Par ailleurs, les vaccins sont à différencier des sérums ou autres produits injectables même s'ils se rejoignent dans leur mode d'administration.

 

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RELATIVITÉ RESTREINTE

 

Relativité restreinte et naissance de l'espace-temps


Il y a un siècle naissait en deux étapes la relativité selon Einstein : en 1905 la relativité dite restreinte, puis entre 1907 et 1915 la relativité générale. Bien que toutes deux aient révolutionné nos conceptions de l'espace et du temps, la relativité générale était également à son apparition une nouvelle théorie de la gravitation : la première qui soit cohérente et en accord avec les observations, depuis celle de Newton.
13/01/2005 - Par Loïc Villain, Enseignant-chercheur physique théorique
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Sommaire

  1/9
 Relativité restreinte et naissance de ...

  
2/9
 Les précurseurs de la relativité ...

  3/9
 Relativité galiléenne : première moitié ...

  
4/9
 La physique newtonienne : du milieu du ...

  
5/9 
Lumière et éther de Newton à Maxwell et ...



  
6/9 
La relativité revisitée et l'éther ...

  
7/9 
Minkowski et la naissance de l'espace-temps : 1907

  8/9
 Tests et applications de la relativité ...

  9/9
 Bibliographie sur la relativité restreinte

 

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le cartouche auteur

Loïc
VILLAIN

Enseignant-chercheur physique théorique
Sa biographie
Son métier au quotidien
Sa dédicace
Ses dossiers

/le cartouche auteur
A - Les théories de la lumière

Parmi les principaux outils dont nous disposons pour percevoir notre environnement figure la lumière. Mais la "lumière" en tant que telle est un concept récent qui fut assez long à émerger. En effet, alors qu'il est désormais connu de tous que le monde est perceptible car de la lumière se propage des objets éclairés (ou lumineux) vers nos yeux, pendant longtemps une autre hypothèse ne pouvait pas être écartée. Celle selon laquelle c'est au contraire l'œil qui envoie une sorte de "rayon éclairant" vers le monde afin de le rendre "visible". Toutefois, cette histoire est sans importance pour ce qui nous intéresse ici, et à l'époque de Kepler ou Newton, l'hypothèse d'une lumière qui provenait des objets pour atteindre les yeux avait finalement été admise. Restait cependant encore ouverte la question de la nature de cette lumière. Ainsi, à cette époque, on discutait déjà de deux modèles apparemment incompatibles dont on allait encore parler longtemps, puisque la question de leur validité ne fut définitivement tranchée qu'avec le modèle actuel, né au début du XXème siècle, sorte de compromis les traitant tous deux sur un même pied d'égalité.
Le premier de ces modèles, était atomiste, la lumière étant considérée comme une collection de "petites billes" émises par les corps lumineux. Cette conception mécaniste étant fort compatible avec la dynamique newtonienne et son espace vide, Newton fut naturellement l'un de ses partisans. Il contribua d'ailleurs de manière très importante à son développement, puisqu'il produisit dès 1669 une théorie de la composition de la lumière blanche, et publia en 1675 son "Optique", une théorie de la lumière et des couleurs qu'il remania jusqu'à sa mort. Selon cette théorie, chaque couleur correspondait à des corpuscules se déplaçant à une vitesse différente. La vitesse finie de la lumière ayant été mise en évidence en 1676 grâce à l'observation des satellites de Jupiter par l'astronome danois Ole Christensen Römer, la théorie de Newton s'imposa d'autant plus facilement que sa dynamique avait impressionné. Cependant, le modèle corpusculaire allait être écarté pour une raison que Newton avait très bien pressentie : il ne parvenait pas à rendre compte de l'existence des interférences1, phénomène qui sera décrit après la deuxième théorie sur la nature de la lumière, celle qui parvint à l'expliquer.
Illustration des "anneaux de Newton", interférences lumineuses découvertes par Newton mais qu'il peina à expliquer malgré la sophistication de son modèle corpusculaire de la lumière. Voir par exemple "Lumière et matière : une étrange histoire" de R.P. Feynman pour plus de détails. Source Harvard Lect. Demonstration Services.
Ce deuxième modèle, introduit en 1678 par le physicien et astronome hollandais Christiaan Huygens, décrivait la lumière comme une onde, oscillation partout présente, similaire à celles que l'on peut observer à la surface de l'eau. Or, selon les idées de l'époque, une onde ne pouvait se propager que comme vibration d'un support matériel. Huygens supposa donc qu'elle était supportée par un "éther luminifère", lequel n'avait a priori rien à voir avec l'éventuel "éther gravitationnel" auquel Newton avait bien voulu reconnaître, un peu à contre-cœur, une possible existence. Avec son modèle, Huygens fut à même d'expliquer quantitativement nombre de phénomènes face auxquels la théorie corpusculaire peinait parfois. Cependant, la réputation de Newton était telle que son modèle restait le plus communément admis. Et il fallut attendre le début du XVIIIème siècle, avec le médecin et physicien anglais Thomas Young puis le Français Augustin Fresnel, pour que la preuve soit faite que le modèle corpusculaire échouait là où la théorie ondulatoire fonctionnait à la perfection. Young fit en effet de nombreuses expériences d'interférométrie, qui furent reprises par Fresnel, lequel travailla également sur la théorie de Huygens dont il montra qu'elle prédisait bien les interférences lumineuses.
Afin d'essayer de comprendre comment ce modèle ondulatoire peut expliquer le phénomène des interférences, il convient de présenter deux grandes différences entre particules et ondes, différences qui sont importantes ici :
    •    sous certaines conditions (qui sont respectées dans les modèles considérant la lumière comme une onde), deux ondes peuvent se croiser puis continuer leurs chemins comme s'il ne s'était rien passé;
    •    une onde, qui peut être visualisée, en première approximation, comme le déplacement de va-et-vient vertical d'un "élément physique", peut prendre des valeurs positives comme négatives, alors qu'un "nombre de particules présentes en un endroit donné" ne peut être que positif, ou au pire nul.
Or, le phénomène d'interférences lumineuses correspond à la situation étrange où "lumière+lumière=obscurité", ce qui fait intervenir ces deux effets simultanément. Techniquement, on peut observer des interférences lorsque de la lumière émise par une source unique parvient, par deux chemins différents, jusqu'à un même endroit. On assiste alors à la formation d'une alternance de bandes sombres et éclairées (voir la figure précédente). Si la lumière était composée de particules, on comprendrait mal comment la rencontre de deux faisceaux de celles-ci pourrait amener à une absence de lumière. Une particule plus une particule ne peuvent pas donner une absence de particules, mais plutôt un choc suivi d'une dispersion aléatoire. Au contraire, si la lumière est une onde, on voit bien (par exemple sur la figure ci-dessous), qu'une condition suffisante, et facilement réalisée, pour obtenir une absence de lumière (une frange noire) à partir de deux lumières est que se produise la superposition d'un creux (maximum "vers le bas") de la première vague avec un pic (maximum "vers le haut") de la seconde : à cet endroit précis, la superposition des deux ondes donne un résultat "nul", une absence de lumière, le signe de l'onde (direction du "déplacement") n'intervenant pas dans la valeur de l'intensité lumineuse.

La démonstration mathématiquement précise de ce fait et d'autres effets finit de convaincre la plus grande partie des scientifiques de la nature ondulatoire de la lumière, et indirectement de l'existence de son support matériel : l'éther. Mais alors que l'hypothèse d'un éther gravitationnel n'était pas véritablement fondamentale pour la gravitation newtonienne puisqu'elle n'intervenait pas dans les calculs, l'éther luminifère de Huygens était l'ingrédient clef de sa théorie, omniprésent dans les calculs. Or, l'existence nécessaire de cet éther se révéla problématique, ce que l'on comprit une fois la théorie ondulatoire de la lumière formalisée d'une nouvelle façon, c'est-à-dire par la théorie de Maxwell de l'électromagnétisme.
B - L'éther et la théorie de Maxwell
La grande étape suivante dans l'histoire de la lumière commença de manière complètement indépendante, puisqu'elle est liée à la matière, via la force électrostatique et le magnétisme. Encore une fois, ces sujets furent initialement étudiés par les philosophes grecs, qui avaient remarqué que la résine et l'ambre (en grec, êlektron) acquièrent la propriété de s'attirer ou de se repousser, lorsqu'on les a frottés, mais également que certains minerais attiraient naturellement le fer. Ils constatèrent aussi que mis face à face, deux morceaux de ce minéral pouvaient soit s'attirer, soit se repousser, de même qu'une possible répulsion existait dans le cadre du premier phénomène, l'électrostatique. Certains d'entre eux émirent donc l'hypothèse selon laquelle ces deux phénomènes n'en étaient qu'un seul, ce qui se vérifia au début du XIXème siècle. En effet, au XVIIIème siècle, l'électrostatique et l'électricité, étudiées et développées par divers scientifiques, parmi lesquels le Français Charles Augustin Coulomb2, ainsi que les Italiens Luigi Galvani et Alessandro Volta, restaient cependant imparfaitement comprises, malgré la mise en évidence de l'existence de deux sortes de charges, les charges vitreuses (plus tard positives) et résineuses (négatives). Or, en 1820, le Danois Hans Christian Örstedt découvrit par hasard qu'une aiguille aimantée située à proximité d'un fil parcouru par un courant électrique était déviée. Cette expérience fit beaucoup parler d'elle, et quelques temps après, le physicien français André Marie Ampère présenta une théorie étayée d'expériences ne laissant pas la moindre place au doute : l'électricité et le magnétisme n'étaient que deux aspects d'un même phénomène.
Cette théorie fut suivie de nombreux travaux et expériences, parmi lesquels ceux de l'Anglais Michael Faraday seront les seuls mentionnés ici3. En effet, expérimentateur dénué de toute connaissance formelle et mathématique4, Faraday n'était pas "encombré" par la mécanique newtonienne. Il n'hésita donc pas à la secouer un peu, donnant naissance à un concept qui allait remplacer celui de force et se révéler fondamental pour l'avenir : le champ. Comme Newton autrefois, Faraday ne pouvait accepter la notion d'interaction à distance. Mais alors que Newton construisit sa théorie d'interaction à distance pour l'interaction gravitationnelle, Faraday étudiait les phénomènes électriques et magnétiques. Il pouvait donc expérimenter en laboratoire et constater que ces interactions se propageaient à vitesse finie et non instantanément. Par ailleurs, Faraday ne pouvait admettre que l'énergie5, qui existe du fait de la force qu'exerce un corps sur un deuxième, préexiste, au sein du premier, à la présence de ce deuxième corps, ni même qu'elle apparaisse spontanément, répartie entre eux deux, si ce deuxième corps était soudain mis en présence du premier. Pour Faraday, le bon sens imposait que préexiste à l'interaction entre les deux corps, un "état nécessaire à l'action", qui était réparti dans tout l'espace. Lorsqu'un second corps est introduit, la force qu'il subit "concrétise", selon Faraday, cette énergie qui préexistait. Pour représenter et conforter ses conceptions, il inventa même des schémas sur lesquels couraient des "lignes de champ", graphiques qui matérialisaient en quelques sortes les "courbes de niveau" de "l'état nécessaire à l'action". Dans le cas d'un aimant, on peut par exemple observer ces lignes de champ magnétique en répartissant de la limaille de fer (voir figure suivante). Malheureusement, l'ignorance de Faraday le forçait à s'exprimer dans un vocabulaire qui n'était pas standard et à utiliser de manières erronées certains termes techniques, malgré la validité de ses idées. Ainsi, la plupart de ses contemporains n'accordèrent pas assez d'intérêt à ses travaux, et seul un jeune physicien écossais comprit que, malgré les apparences, le discours de Faraday était cohérent. Il réussit même à le formaliser mathématiquement et à développer dans ce cadre une théorie complète de l'électromagnétisme, théorie au sein de laquelle les deux phénomènes étaient unis pour la première fois avec la lumière.

Illustration des lignes de champ électrique entre deux charges de signes opposés qui s'attirent. Source MIT/TEAL-Studio Phys. Proj..

Cliquez pour agrandir. Illustration des lignes de champ magnétique qui existent autour d'un aimant permanent. Les lignes sont mises en évidence par de la limaille de fer qui se répartit naturellement le long de celles-ci. Source Star Gazers.
Ce jeune physicien écossais, James Clerk Maxwell, s'illustra pour ses travaux en théorie cinétique des gaz, qu'il contribua à créer6, mais avant tout pour cette théorie de l'électromagnétisme qu'il présenta en 1864. Les équations de Maxwell, comme se nomme l'ensemble d'équations qu'il découvrit, ne sont en effet pas qu'une simple unification de l'électricité et du magnétisme, car Maxwell démontra que leur union, le champ électromagnétique, était réellement une "nouvelle substance". Peu de temps auparavant, le physicien allemand Hermann Ludwig von Helmholtz avait montré que le concept d'énergie correspondait à une grandeur ayant une certaine réalité puisque les énergies cinétique (de mouvement), électrique et thermique étaient différents aspects de celle-ci, qui se conservait tout en changeant de "forme". Maxwell, dans la continuité des travaux de Helmholtz, démontra que le champ électromagnétique était le siège d'une nouvelle forme d'énergie véhiculée par les champs électrique et magnétique, forme d'énergie qui pouvait se transmettre aux énergies déjà connues, toutes "mécaniques". Par ailleurs, il montra également que cette nouvelle subtance était fondamentalement continue, dénuée de toute propriété mécanique et telle que ses oscillations se propageaient à une vitesse de l'ordre de 300 000 kilomètres par seconde. De là à supposer que la lumière n'était qu'un type particulier d'onde électromagnétique, il n'y avait qu'un pas que Maxwell franchit sans hésitation, ce qui ne fut malheureusement confirmé expérimentalement qu'après sa mort en 1888 par l'Allemand Heinrich Rudolf Hertz. L'aspect ondulatoire de la lumière était donc vérifié, et sa nature identifiée plus précisément : elle était une onde électromagnétique, véritablement différente de la matière et absolument pas mécanique.

Au-dessus, onde électromagnétique composée de champs électrique et magnétique oscillants (cliquez pour agrandir). Source Astrovision. En dessous, position du spectre de la lumière visible dans le spectre électromagnétique. Source OpticsValley.
Néanmoins, un point important a été occulté : la conception moderne de champ en tant qu'entité qui n'a pas besoin de support matériel était hors de portée des scientifiques du XIXème siècle, Faraday inclus. Le champ électromagnétique de Maxwell était donc supposé être supporté par un milieu matériel, qui fut rapidement identifié avec l'éther luminufère de Huygens. Cet éther continu remplissait le vide entre les atomes, mais rien d'autre. Cependant, à une époque où la théorie atomiste de la matière commençait à être définitivement admise, la naissance d'un "objet physique" continu, qui interagissait avec la matière discontinue, posa des problèmes conceptuels. Par exemple, dans les équations de Maxwell, en plus des champs magnétiques et électriques, figuraient la densité de charge électrique et la densité de courant électrique (interprétée comme un déplacement de ces charges électriques). Or, ces deux grandeurs, étant véhiculées par la matière, ne pouvaient pas être continues "par nature" si la matière était naturellement discontinue. Maxwell en vint donc à reconsidérer les densités de charges et de courant électriques qui figuraient dans ses équations comme des "déplacements d'éther", laissant irrésolu le problème de la compatibilité entre continu et discontinu.
C - Lorentz et l'éther
Cette question fut partiellement réglée par le physicien néerlandais Hendrik Antoon Lorentz. Il démontra en 1895 que les équations de Maxwell étaient compatibles avec une conception dans laquelle l'éther était partout présent, même à l'intérieur des atomes. Avec cette nouvelle théorie de l'électrodynamique, on retournait à l'ancienne vision dans laquelle les champs électriques et magnétiques étaient bien générés par les charges électriques portées par les particules matérielles, et pour la première fois dans l'histoire, une théorie se permettait de décrire précisément la physique aux échelles des particules fondamentales. Cependant, un problème bien plus génant subsistait concernant le rôle de l'éther. Les équations de Maxwell prévoyaient la propagation de la lumière à la vitesse de 300.000 km/s par rapport à l'éther. Or, si l'on cherche à calculer la vitesse de la lumière par rapport à un référentiel qui est lui-même mobile dans l'éther, on observe que la lumière se propage avec une vitesse différente et que les équations de Maxwell changent de forme. Le premier résultat était prévisible, compte tenu de la formule de composition des vitesses découverte par Galilée, mais le second signifie que les référentiels inertiels ne sont plus équivalents. Si l'on inclut les équations de Maxwell dans le cadre de la cinématique newtonienne, il existe donc un référentiel privilégié, celui de l'éther, et mesurer la vitesse de la lumière dans un certain milieu permet de déterminer expérimentalement la vitesse de ce milieu par rapport à l'éther, vitesse qui est une sorte d'absolu puisque l'éther est un référentiel privilégié. Le principe de relativité de Galilée est donc apparemment violé par les équations de Maxwell. Mais jusqu'ici, pas de problème réel : il n'avait jamais été dit que le principe de relativité de Galilée était un principe inviolable.
Le problème survint7 lorsque, après un raisonnement semblable à celui-ci, furent exécutées des expériences dont la plus célèbre est celle, en 1881, de l'américain d'origine polonaise Albert Michelson8, expérience reprise en 1887 en collaboration avec son compatriote Edward Williams Morley. Ces expériences avaient pour but de mettre en évidence le "vent d'éther", effet d'un éventuel déplacement de la Terre à travers l'éther, en mesurant, dans une même direction, la vitesse de la lumière à six mois d'intervalle. De cette façon, si la vitesse de la lumière par rapport à l'éther était "c" et celle de la Terre "v", à une certaine date, la vitesse mesurée (= par rapport à la Terre) de la lumière en mouvement dans le même sens que la Terre, serait "c-v" (conformément à la formule de Galilée), alors que six mois plus tard, une fois que la Terre se déplacerait dans le sens contraire, la vitesse mesurée serait "c+v". Avec ces deux nombres il devait être théoriquement possible de déterminer à la fois "c" et "v". Mais le résultat de l'expérience fut sans appel : dans les deux cas la vitesse de la lumière mesurée était la même. Bien que changeant de sens à six mois d'intervalle, la Terre restait "immobile" dans l'éther.
Notes :
1 le mot "interférence" semble avoir été "inventé" au début du XIXème siècle par l'Anglais Thomas Young, à qui l'on attribue généralement la découverte du phénomène. Il semblerait cependant que l'Italien Garimaldi (découvreur de la diffraction) l'ait peut-être remarqué dès le début du XVIIème siècle (ses notes ne sont pas très explicites), alors que les Anglais Hooke et Newton l'ont observé dans la seconde moitié du XVIIème siècle, mais uniquement dans des conditions bien précises (lame mince).
2 qui établit que la force s'exerçant entre deux "charges" électriques immobiles avait la même forme que la force gravitationnelle proposée par Newton.
3 sur Faraday et son influence sur Einstein, on se reportera au livre de Balibar "Einstein 1905".
4 Faraday commença la physique assez tardivement : enthousiasmé par des conférences du soir auxquelles il avait assisté, il réussit à convaincre l'un des conférenciers de l'engager en tant que préparateur.
5 le concept moderne d'énergie n'était pas encore né, mais Faraday considérait une "quantité" qui lui était assez similaire.
6 la théorie cinétique des gaz, dont il ne sera pas question ici, décrit les notions macroscopiques de pression et température comme des effets moyennés des agitations atomiques.
7 il y avait en fait un autre problème avec l'éther : il devait à la fois être infiniment rigide pour ne pas admettre de vibrations longitudinales, mais également ne pas influer sur le mouvement des planètes.
8 cette expérience fut suggérée par Maxwell, mais il décéda avant de pouvoir participer à son élaboration.

 

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PETITE ET GRANDE HISTOIRE D'ASTROPHYSIQUE

 

Petite et grande histoire d’astrophysique
Jean-Claude Pecker

L’astrophysique a, depuis longtemps, été un domaine d’excellence de la recherche française. L’exploration du cosmos tantôt fascinante, tantôt imprévisible, est avant tout une grande aventure humaine. Jean-Claude Pecker nous invite à un voyage dans le temps et dans l’espace.
The nature of the Universe has fascinated mankind for millenia. Nowadays, some astrophysicists even think they are reaching the origins of the Universe. Is it true? But, true or not, the Universe opens a magnificent landscape, of which we can understand very large appearances. J.-C. P.

1
La revue pour l’histoire du CNRS. Parlez-nous des débuts. Quand l’astrophysique a-t-elle véritablement fait son apparition en France ?
   
2
Jean-Claude Pecker. Au XIXe siècle, au début du XXe, il y avait eu Janssen, Nordmann, Thollon, Deslandres... Mais rien de réellement organisé. Tout a vraiment commencé en 1937 avec Jean Perrin, alors ministre de la Recherche. Il crée le Service d’astrophysique du CNRS qui comprenait deux sites : l’Institut d’astrophysique de Paris (IAP) et l’observatoire de Haute-Provence (Saint-Michel, OHP) et la création d’une revue de niveau international, les Annales d’Astrophysique. Des années ont été nécessaires pour la mise en place des deux établissements et la construction ne s’est vraiment achevée qu’au lendemain de la guerre, en 1946. L’OHP11 a d’abord été dirigé par Jean Dufay. Son directeur adjoint, Charles Fehrenbach, qui s’était délocalisé de Strasbourg pendant l’occupation allemande, a succédé à Dufay après son départ à la retraite. Fehrenbach résidait sur place alors que Dufay était à Lyon où il était Directeur de l’observatoire. Fehrenbach, nommé directeur à Marseille, a continué à diriger l’OHP. Il n’y avait pas de résident. Seuls les directeurs, directeurs adjoints et administratifs disposaient d’un appartement. Les astronomes visiteurs venaient observer, logeaient et mangeaient à la maison « Jean Perrin ».
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La revue pour l’histoire du CNRS. Décrivez-nous les instruments et les campagnes de mesures.
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J.-C.P. Au lendemain de la guerre, l’instrument majeur (en dehors de quelques instruments plus petits) fut le grand télescope de 192 cm, de grande qualité. Mais il est aujourd’hui devenu trop petit. De nombreuses équipes françaises y ont effectué des travaux importants. Tous les scientifiques qui ont fait de la spectroscopie en France y ont fait leurs premières armes jusque dans les années 1980-1990. Lieu unique, remarquable avec des télescopes de qualité. De temps en temps, les astronomes allaient ailleurs pour des raisons très spécifiques. Par exemple, Daniel Chalonge observait peu à Saint-Michel car il avait besoin de l’ultra violet et que l’observatoire est trop bas. Il allait au Jungfraujoch en Suisse avec un petit télescope de 30 cm qui lui suffisait pour étudier les étoiles brillantes. L’ozone en quantité plus importante à Saint-Michel y perturbait les observations. Il y a eu également l’observatoire du pic du Midi, et son télescope de 2 m. Beaucoup d’équipes internationales – hollandaises, belges, allemandes, scandinaves – sont venues observer sur place. Les Italiens avaient leur propre site d’observation dans les Dolomites (observatoire Asiago). Les conditions d’observation ont grandement changé ensuite lorsque les chercheurs sont partis à Hawaï dans l’hémisphère nord (CFH, Canada-France-Hawaii) et à l’ESO (Observatoire européen austral, ou European Southern Observatory) dans l’hémisphère sud, au Chili (avec notamment le Very Large Telescope, VLT), où ils pouvaient bénéficier, en altitude, de bien meilleures conditions atmosphériques.
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La revue pour l’histoire du CNRS. En parallèle, s’est développé le « 98 bis boulevard Arago » à Paris.
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J.-C.P. Le cas de l’Institut d’astrophysique de Paris (IAP) est tout à fait différent. C’est un observatoire où l’on n’observe pas. Dès le début, une coupole était prévue sur le toit de l’IAP. Un contrat fut établi entre le CNRS et l’Observatoire de Paris. Le premier directeur, Henri Mineur, a été pris entre tourmente et quête de reconnaissance. À mon sens, on en a un peu terni la mémoire. Il disait toujours : « J’ai été le plus jeune astronome adjoint, je suis devenu le plus ancien. » Ce qui soulignait son amertume de ne jamais avoir été nommé astronome titulaire à cause de l’opposition farouche d’André Danjon. Danjon était un personnage austère, détestant les extravagances. À l’inverse, Mineur était un homme à frasques en tout genre. En 1936, Mineur fut très actif au temps du Front populaire. Pendant la guerre, alors qu’il dirigeait l’IAP, Mineur, entré dans la Résistance, fut emprisonné. Suite à une dénonciation, il a été arrêté avec des membres de son réseau. Il a été libéré peu de temps après, laissant ses camarades d’infortune en prison. À la libération, Mineur a été accablé de tous les maux et on l’a accusé d’avoir livré ses amis. Mineur bien que blanchi après jugement à la Libération s’en est tellement voulu qu’il s’est laissé aller, s’adonnant à la boisson. Sa femme Gabrielle, qui avait joué un rôle important aux côtés de Jean Perrin, l’a quitté. Malgré son état de santé, il dirigeait l’IAP et dans ses moments de lucidité, il faisait montre de tous ses talents de scientifique. En 1950, lorsque j’ai soutenu ma thèse, il n’a pas fait partie de mon jury, car il n’était pas professeur à la Sorbonne (condition sine qua non). Le jury était composé d’André Danjon, Alfred Kastler et Croze. C’était la première soutenance de thèse dans l’amphithéâtre de l’IAP (actuel amphithéâtre « Henri Mineur »). Fauvet, le secrétaire de l’institut, s’est finalement inquiété de l’absence de Mineur et l’a retrouvé effondré dans son bureau. « Ils ont fait ça sans moi », répétait-il, désespéré.
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La revue pour l’histoire du CNRS. Pouvez-vous nous parler de l’œuvre de Mineur ?
   
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J.-C.P. Mineur était mathématicien plus que physicien. Un mécanicien et un analyste. Il avait constitué un bureau de calcul avec une dizaine de personnes, ses calculatrices. Il a réalisé des travaux remarquables : dynamique de la Galaxie, dynamique des étoiles dans des amas globulaires. Il a beaucoup publié, notamment un traité de calcul numérique. Mineur a fait une découverte qui a été oubliée. Son analyse dynamique des mouvements d’étoiles dans la Galaxie a en effet montré que l’on sous-estimait d’un facteur 2 environ la distance des étoiles Céphéides2. Or, ces étoiles servent de base à l’établissement des distances galactiques en raison de la relation qui lie leur période et leur luminosité3. Cette découverte a conduit à changer l’échelle de temps de la vie de l’Univers. À l’époque, la loi de Hubble, fondée sur l’échelle des distances des galaxies, suggérait pour l’Univers une durée de vie de 2 milliards d’années, plus courte que celle de la Terre ! Ce qui était inacceptable. La correction de Mineur (datant de 1945) a servi à diviser par deux la constante de Hubble et donc à multiplier par deux l’âge de l’Univers. Ce fut une surprise pour la communauté scientifique ! Mais personne aujourd’hui ne mentionne plus Mineur ! Walter Baade, qui avait fait la même découverte à partir d’un point de vue différent, a présenté ses résultats au congrès de Rome de l’Union astronomique internationale de 1952. C’est de lui seul dont on se souvient.
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La revue pour l’histoire du CNRS. Qui a pris la succession de Mineur ?
    
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J.-C.P. Mineur qui était diabétique, est mort prématurément (1952) et fut remplacé par Danjon. L’IAP a dû s’organiser autour de différentes équipes autonomes : Chalonge et son groupe, Daniel Barbier et son groupe, notamment des géophysiciens comme Gilbert Weil, spécialiste de magnétisme terrestre, et Vigroux, spécialiste de l’ozone atmosphérique, Evry Schatzman aussi et son équipe de théoriciens (dont j’étais) qui ont créé l’astrophysique théorique en France. Ces groupes ont, peu à peu, occupé les locaux qui venaient d’être construits. La coupole a été utilisée dans le but d’expérimenter les appareils, des spectrographes mobiles. Tout était fabriqué sur place (électronique, mécanique, optique) y compris les spectrographes. André Danjon parti à la retraite (1962) est remplacé par André Lallemand. Au même moment, l’équipe de Schatzman emménage au laboratoire d’astrophysique de Meudon en 1960 et je pars en 1962 pour diriger l’observatoire de Nice. J’ai quitté la direction de l’observatoire de Nice par anticipation, en 1969, car je n’approuvais pas le système de la loi d’orientation trop contraignant en matière administrative. Après un bref intermède meudonnais, je suis revenu en 1972 pour succéder à André Lallemand à la direction de l’IAP4. Une partie de l’équipe provenait de Meudon. Avec un accord avec le Collège de France (où j’avais été élu en 1963) pour l’entretien du laboratoire. Mais la tâche n’était pas aisée : il fallait redonner un peu d’unité à un établissement qui était une sorte de « patchwork » d’équipes. J’ai été amené à faire des coupes sombres et à me défaire des géophysiciens qui n’y avaient pas leur place. Cela a été un déchirement pour moi et pour eux, mais cette décision était nécessaire. La recherche s’est reconcentrée sur l’astrophysique et l’atelier s’est réduit à peau de chagrin pour disparaître définitivement. Nous avons transformé les sous-sols en laboratoires. Le sous-directeur, Roger Peyturaux, directeur de recherche au CNRS, un compagnon des années de thèse, était un personnage très attachant. Il a fait de très beaux travaux sur le spectre solaire. Jean Audouze a pris ma suite en 1979. Je suis resté dans le laboratoire en tant que directeur du laboratoire du Collège de France jusqu’en 1988. Mon témoignage direct s’arrête là.
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La revue pour l’histoire du CNRS. Vous prononcez un véritable plaidoyer pour l’astrophysique théorique.
      
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J.-C.P. Et pour cause ! Bien souvent les observations sont belles mais elles ne sont pas bien interprétées. Ou alors avec des concepts anciens. Il est primordial d’utiliser de la bonne physique, valide dans les conditions des milieux astrophysiques. Le spectre de l’astrophysique est très large. On passe de densités énormes (de l’ordre de 1013 g/cm3, dans les « étoiles à neutrons ») à des densités très faibles (10-30 g/cm3, dans le milieu intergalactique). Plus de 1040 ordres de grandeur entre les extrêmes ! Même chose pour les températures : quelques degrés absolus dans le vide interstellaire, des températures de l’ordre du million de degrés dans la couronne solaire, quinze millions de degrés au centre du soleil, encore plus grandes dans les supernovas. Les problèmes dynamiques sont de nature différente de ceux qu’on rencontre dans la physique de laboratoire car il n’y a pas de parois. Comment étudier les turbulences et les flots turbulents dans un milieu illimité (limité seulement par lui-même ou par la gravité) ? On ne peut pas traiter les phénomènes magnétiques indépendamment des phénomènes dynamiques. On doit constamment faire appel à la magnétohydrodynamique, inventée par Hannés Alfvén, un astronome5. Il y a des quantités de phénomènes que l’on comprend encore très mal. Par exemple, la structure solaire et la pénétration convective. Il est difficile d’expliquer ce qui se passe dans la jonction entre la zone convective (énergie transportée par des mouvements convectifs) et la zone radiative (énergie transportée par le rayonnement).
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La revue pour l’histoire du CNRS. N’est-ce pas « frustrant » pour un physicien, que son laboratoire ne possède pas de frontières ?
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J.-C.P. Non, les objets que nous observons sont déjà très intéressants. Nous disposons d’outils performants en constante évolution. Du temps de Hubble, on dépassait à peine l’amas local de galaxies (des millions d’années de lumière). Aujourd’hui, on atteint les milliards d’années de lumière ! Le progrès est considérable. Un volume exploré multiplié par un milliard ! Les théoriciens dépendent profondément des progrès de l’observation. Le danger : l’observation va trop vite pour que la théorie suive et propose un nouveau prisme d’observation. Il y a encore un décalage énorme entre théorie et observation.
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La revue pour l’histoire du CNRS. L’astrophysique est une discipline où théorie et observations sont intimement liées.
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J.-C.P. Prenons le cas du Soleil. Son énergie se consomme de jour en jour. Donc, les paramètres varient en permanence, lentement certes, mais ils varient. Le rayonnement du Soleil est une conséquence directe de la transformation de l’hydrogène en hélium (proposition de Jean Perrin, 1919). La composition du Soleil change, mais lentement. On peut calculer avec une bonne précision le moment où la teneur en hydrogène sera tellement faible que le système de réaction sera modifié. L’hélium se transformera en élément plus lourd à une température plus élevée. Le Soleil changera d’état et deviendra une géante, puis s’effondrera en naine blanche, une fois les carburants consumés. On maîtrise bien l’évolution future du Soleil à quelques centaines de milliers d’années près. La théorie est indispensable car il faut non seulement comprendre ce qu’on a observé, mais aussi pouvoir planifier les expériences à faire. La séismologie stellaire n’a de sens que grâce aux travaux théoriques sur le Soleil. Un laboratoire sans théoriciens n’est pas un laboratoire de qualité.
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La revue pour l’histoire du CNRS. Vos propos dénotent un certain regret par rapport à la théorie.
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J.-C.P. Une véritable école d’astrophysique, autour de Schatzman, s’était constituée en France dans les années d’après-guerre. Mais aujourd’hui, les instruments sont tellement sophistiqués, les observations, spatiales notamment, sont tellement coûteuses qu’il faut y consacrer tous les moyens. On ne recrute que peu de théoriciens. Pour être recruté, il faut avoir un programme à la clef. Or les programmes sont orientés par les observations. La théorie bien que moins onéreuse ne trouve pas preneur. L’astrophysique théorique est donc, de fait, en baisse de régime actuellement en France. L’astrophysique actuelle est aussi la « victime » du développement des ordinateurs rapides. On a la tentation de calculer plutôt que de réfléchir. Je voudrais mettre en garde la nouvelle génération de chercheurs. Il faut faire de la bonne physique et se méfier du calcul trop facile.
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La revue pour l’histoire du CNRS. Qu’avez-vous envie de dire pour conclure ? L’astrophysique, à quoi sert-elle ?
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J.-C.P. Si je voulais être un brin provocant, je répondrais, « À rien, heureusement ! ». Mais au-delà du clin d’œil, je pense que c’est un élément de culture à part entière ! À quoi sert de lire Shakespeare ? À rien ! (Ndlr : un blanc). L’astrophysique n’apporte aucun profit financier, or, aujourd’hui, seules les retombées économiques comptent ! L’astrophysique ne permet à aucune compagnie privée d’engranger de l’argent sauf peut-être à celles qui fabriquent des instruments. L’astrophysique sert à comprendre l’Univers. C’est une démarche essentiellement intellectuelle, – le plaisir de comprendre, le plaisir de connaître, l’accumulation du savoir. L’astrophysique sert à être heureux.
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Propos recueillis par Marie Pinhas-Diena le 29 novembre 2007 au Collège de France.

Notes
1 Véron P. « Pré-histoire de l’observatoire de Haute- Provence ». In Colloque : Observatoires et patrimoine astronomique français, Nantes, 8-9 juin 2001.
2 Étoile géante ou supergéante jaune, de 4 à 15 fois plus massive que le Soleil et de 100 à 30 000 fois plus lumineuse, dont l’éclat varie de 0,1 à 2 magnitudes selon une période bien définie, de quelques jours, d’où elle tire son nom d’étoile variable.
3 Loi découverte par Henrietta Leavitt en 1912.
4 Élu selon la loi d’orientation de la recherche.
5 Dont Hannes Olof Gösta Alfvén, prix Nobel de physique en 1970.
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Pour citer cet article
Référence électronique
Jean-Claude Pecker, « Petite et grande histoire d’astrophysique », La revue pour l’histoire du CNRS [En ligne], 23 | 2008, mis en ligne le 03 janvier 2011, consulté le 15 mai 2015. URL : http://histoire-cnrs.revues.org/8623
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#quotation
Auteur
Jean-Claude Pecker
Jean-Claude Pecker est astrophysicien. Il est professeur honoraire au Collège de France (chaire d’astrophysique théorique) et membre de l’Académie des sciences.


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