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Des cellules immunitaires qui protègent des atteintes neurologiques post-AVC |
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Des cellules immunitaires qui protègent des atteintes neurologiques post-AVC
03 Juil 2024 | Par Inserm (Salle de presse) | Neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie
Le vieillissement accroît fortement les risques de survenue d’un AVC ischémique. Une équipe de chercheuses et chercheurs de l’Inserm, du CHU Caen Normandie et de l’université de Caen Normandie s’est intéressée au rôle que pourraient jouer certaines cellules immunitaires, les macrophages associés au système nerveux central (CAMs), dans les atteintes neurologiques qui surviennent après un AVC. Leurs travaux montrent que ces cellules acquièrent au cours du vieillissement un rôle clé dans la régulation de la réponse immunitaire déclenchée à la suite d’un AVC. Ces travaux, parus dans Nature Neuroscience, mettent en évidence l’importance de la présence de ces cellules à l’interface entre le sang et le cerveau dans le maintien de l’intégrité cérébrale.
Parmi les accidents vasculaires cérébraux (AVC), le plus fréquent est l’AVC ischémique, qui résulte de l’obstruction d’une artère du cerveau par un caillot sanguin. L’âge est un facteur de risque majeur : à partir de 55 ans, pour 10 ans d’âge en plus, le risque d’AVC ischémique est multiplié par deux.
L’AVC ischémique est suivi de processus inflammatoires cérébraux susceptibles d’aggraver les lésions neurologiques. Les macrophages associés au système nerveux central (CAMs) sont des cellules immunitaires situées au sein de la barrière hémato-encéphalique[1], à l’interface entre la circulation sanguine et le parenchyme cérébral[2]. En temps normal, le rôle des CAMs est de surveiller leur environnement, de le nettoyer des débris et autres molécules provenant du parenchyme cérébral, ainsi que des molécules dérivées du sang qui passent la barrière hémato-encéphalique, et de signaler aux autres cellules immunitaires la présence de pathogènes. Peu étudiés jusqu’à présent, ils se trouvent pourtant dans une situation anatomique idéale pour détecter et réagir aux signaux inflammatoires provenant de l’extérieur et protéger le parenchyme cérébral.
Une équipe de recherche du laboratoire Physiopathologie et imagerie des maladies neurologiques (Inserm/Université de Caen Normandie), menée par Marina Rubio, chercheuse Inserm, et Denis Vivien, professeur et praticien hospitalier à l’université de Caen et au CHU Caen Normandie et responsable du laboratoire, s’est intéressée chez la souris et dans des tissus cérébraux humains à l’évolution du rôle des CAMs au cours du vieillissement et à leur implication potentielle dans la régulation de la réponse inflammatoire survenant dans le cerveau après un AVC ischémique.
Dans un premier temps, les scientifiques ont cherché à caractériser les évolutions du rôle des CAMs et de leur environnement biologique au cours du vieillissement. Ils ont ainsi pu observer que, si le nombre de CAMs ne fluctuait pas avec l’âge, leurs fonctions évoluaient ; une molécule spécifique apparaissait à leur surface : le récepteur MHC II, qui joue un rôle majeur dans la communication entre cellules immunitaires (par exemple pour coordonner la réponse immunitaire face à la présence d’un pathogène). Dans le même temps, la barrière hématoencéphalique, étanche dans les jeunes cerveaux, devenait, elle, plus poreuse, permettant alors le passage de certaines cellules immunitaires en provenance du sang vers le parenchyme cérébral.
« Ces observations suggèrent que les CAMs seraient capables d’adapter leur activité en fonction du stade de la vie, de l’état de santé de la personne et de la région du cerveau où ils se trouvent », précise Marina Rubio.
Ainsi, pour compenser l’augmentation de la porosité de la barrière hématoencéphalique avec l’âge, ils renforceraient leurs capacités de communication avec les autres cellules immunitaires en exprimant davantage le récepteur MHC II.
« À la suite d’un AVC ischémique, cela pourrait permettre de prévenir une réponse immunitaire trop importante qui aurait des conséquences neurologiques plus graves », ajoute la chercheuse.
L’équipe de recherche s’est ensuite intéressée à l’impact de ces changements fonctionnels sur la réponse immunitaire dans le parenchyme cérébral après un AVC ischémique. Pour ce faire, elle a comparé ce qu’il se produisait après un AVC dans un cerveau âgé normal de souris et ce qu’il se produisait en l’absence de CAMs ou lorsque leur récepteur MHC II était inhibé.
Dans ces deux derniers modèles, les chercheuses et les chercheurs ont pu observer que lors de la phase aiguë de l’AVC ischémique mais également dans les jours suivants, davantage de cellules immunitaires provenant du sang traversaient la barrière hémato-encéphalique, témoignant d’une perméabilité accrue de cette dernière, couplée à une réponse immunitaire exacerbée. Ce phénomène s’accompagnait d’une aggravation des atteintes neurologiques causées par l’AVC.
« Ces résultats suggèrent que les CAMs acquièrent, au cours du vieillissement, un rôle central dans l’orchestration du trafic des cellules immunitaires après un AVC ischémique, explique Denis Vivien. Grâce à leur capacité d’adaptation, ils assureraient un contrôle étroit continu de l’intégrité de la barrière hémato-encéphalique et de l’intensité de la réponse inflammatoire. »
Le récepteur MHC II porté par les CAMs semble être impliqué dans cette modulation ainsi que dans la limitation des atteintes neurologiques dues à l’AVC.
La suite des recherches pour cette équipe visera à mieux comprendre les mécanismes moléculaires intervenant dans le dialogue entre les CAMs et les cellules qui tapissent la paroi interne des vaisseaux sanguins cérébraux.
« L’objectif sera, à terme, d’identifier et de développer de nouvelles cibles thérapeutiques qui pourraient permettre de moduler la réponse immunitaire cérébrale de manière adaptée à chaque patient après un AVC », conclut Marina Rubio.
[1]La barrière hémato-encéphalique sépare les vaisseaux sanguins cérébraux du parenchyme cérébral. Elle joue un rôle de filtre fortement sélectif capable à la fois de laisser passer les nutriments essentiels pour le cerveau tout en protégeant le parenchyme des pathogènes, toxines ou hormones circulant dans le sang et susceptibles de réussir à sortir des vaisseaux.
[2]Le parenchyme cérébral est le tissu fonctionnel du cerveau directement impliqué dans les activités neuronales et la transmission de l’influx nerveux. Il est entouré par les espaces périvasculaires et les méninges où résident notamment les CAMs.
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Maladies rares et myopathies : la recherche montre les muscles |
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Maladies rares et myopathies : la recherche montre les muscles
* PUBLIÉ LE : 04/12/2024 TEMPS DE LECTURE : 9 MIN ACTUALITÉ
Les maladies rares… n’en ont que le nom. Des millions de patients sont concernés par l’une de ces maladies, dont nombre sont d’origine génétique. Aujourd’hui, focus sur les maladies neuromusculaires, et notamment les myopathies. Comment la recherche s’organise pour mieux les connaître afin de mieux les prendre en charge ? Vous découvrirez que l’une des voies thérapeutiques les plus prometteuses s’apparente à un véritable cheval de Troie !
Cet article est la retranscription de l’émission « Eurêka » diffusée sur l’antenne de RCF Alsace le 14 novembre 2024, en partenariat avec la Délégation régionale Inserm Est. Cet épisode est réécoutable en cliquant ici.
Comme chaque fin novembre, la célèbre musique du Téléthon a à nouveau retenti : cette mobilisation inédite, à travers une émission télévisée et des animations partout en France, met en lumière les maladies dites « rares » et vise à récolter des dons destinés à la recherche médicale les concernant. On pourrait supposer que les patients atteints de maladies rares sont peu nombreux… en réalité, ils sont des millions. Une maladie est dite « rare » dès lors qu’elle concerne moins d’une personne sur 2000 ; cela peut effectivement sembler peu, mais à ce jour plus de 6000 maladies rares différentes ont été décrites, portant à 3 millions le nombre de personnes en France concernées par l’une d’entre elles, 25 millions en Europe et plus de 300 millions dans le monde. La moitié de ces patients n’ont pas reçu de diagnostic précis et seuls 5% peuvent bénéficier d’un traitement spécifique.
Comment expliquer cette situation ? Eh bien globalement, nous manquons encore cruellement de connaissances sur bon nombre de ces maladies, c’est pourquoi il est souvent difficile de les diagnostiquer et encore plus de les traiter. Pourtant, elles sont généralement sévères et affectent considérablement la vie des personnes malades. Dans environ un cas sur deux, elles sont associées à un déficit moteur, sensoriel ou intellectuel.
Plus de 7 maladies rares connues sur 10 ont une origine génétique. Les maladies génétiques sont dues à des variations, des anomalies de l’ADN, ce support de l’information génétique qui détermine le fonctionnement de notre corps et certaines de nos caractéristiques physiques. Cette information nous est transmise par nos parents et nous la transmettons à nos enfants, entraînant un fort risque de récurrence de la maladie dans la famille – bien que les modes de transmissions soient complexes, et nous ne rentrerons pas dans ces spécificités aujourd’hui.
Chacune de nos 70 000 milliards de cellules contient notre patrimoine génétique via nos 23 paires de chromosomes, qui contiennent eux-mêmes notre ADN de manière compactée. L’ADN se présente sous la forme d’un complexe filament en forme de double hélice qui, si on le déroulait, mesurerait environ 2 mètres ! Rendez-vous compte, 2 mètres d’ADN compacté dans chacune de nos minuscules cellules. Le gène est un morceau de cet ADN qui correspond à une information génétique particulière et qui code pour une protéine unique, c’est-à-dire qui va transmettre un message à la cellule pour qu’elle synthétise telle ou telle protéine utile au fonctionnement de l’organisme. Lorsqu’une anomalie génétique apparaît dans un gène, la protéine ne fonctionne plus correctement, pouvant entraîner l’apparition d’une maladie génétique.
Le cas des myopathies
Parmi ces maladies figurent les myopathies, qui sont pour la plupart d’origine génétique. Les myopathies regroupent plus de 200 maladies neuromusculaires : si elles se caractérisent toutes par une diminution de la force musculaire, chaque type de myopathie correspond à une protéine déficiente différente, jouant un rôle dans la fabrication et le fonctionnement des muscles, ou dans la jonction entre muscles et nerfs.
Or, qui dit protéine déficiente, dit anomalie dans le gène supposé coder pour elle. Il existe environ 200 gènes différents en cause dans les myopathies. Certains sont situés sur le chromosome sexuel X, dont les hommes n’ont qu’un exemplaire contrairement aux femmes, de sorte qu’ils sont les principaux atteints même si les femmes, bien que plus rarement affectées, peuvent transmettre la maladie. C’est le cas de la myopathie myotubulaire, myopathie héréditaire et sévère affectant les nouveau-nés et enfants à raison d’environ un cas sur 50 000 naissances. Cette myopathie présente à la naissance est associée à une extrême faiblesse musculaire généralisée, au point que les muscles impliqués dans la respiration comme le diaphragme ne peuvent pas fonctionner, entraînant une détresse respiratoire profonde. L’impact de cette pathologie est particulièrement important sur les patients, et donc sur leurs familles et notre système de santé. La moitié des enfants atteints décèdent avant l’âge de 18 mois et il n’existe pas de thérapie à l’heure actuelle.
Si ces myopathies sont difficiles à traiter, c’est notamment car elles impliquent des dysfonctionnements dans la structure des muscles. Or, nous possédons des centaines de muscles, environ 600 ! Ils représentent ainsi environ 40% du poids sec d’un individu et sont répartis dans l’ensemble du corps. Le muscle est un organe crucial pour la génération de mouvements bien sûr, mais il joue aussi un rôle primordial dans la respiration, dans le maintien du corps à la température souhaitée ou encore dans le métabolisme.
Au sud de Strasbourg, à Illkirch-Graffenstaden, Jocelyn Laporte se consacre depuis 30 ans à l’étude de ces maladies rares. Chercheur Inserm à l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire, ce réputé centre de recherche affilié à l’Université de Strasbourg, au CNRS et à l’Inserm, Jocelyn Laporte et son équipe d’une vingtaine de membres se concentrent sur les maladies neuromusculaires.
Ensemble, ils mènent de front trois combats. D’une part, ils visent à identifier de nouveaux gènes impliqués dans ces maladies neuromusculaires rares et notamment des myopathies affectant principalement des enfants – jusqu’ici, ils ont identifié près d’une vingtaine de gènes impliqués ! Déterminer la mutation génétique à l’origine de la maladie est en effet une étape cruciale pour le patient, qui permet de mettre fin à l’errance diagnostique et de poser un nom précis sur la maladie, ouvrant ainsi la voie à une meilleure prise en charge.
D’autre part, il s’agit de mieux comprendre le passage de la mutation génétique à la faiblesse musculaire. Déchiffrer ces mécanismes pathologiques est indispensable pour la mise au point de thérapies et le développement de médicaments.
Enfin, l’objectif ultime est de valider des preuves de concept thérapeutiques. En utilisant des stratégies innovantes dans des modèles de laboratoire, Jocelyn Laporte et son équipe proposent des thérapies qui pourront être testées chez les patients dans le cadre d’essais cliniques. Notre chercheur concentre ses efforts sur deux types de myopathies, appelés myotubulaires et centronucléaires, avec comme ambition de parvenir à normaliser les fonctions musculaires. Par exemple, faire en sorte que les patients puissent se passer de ventilation assistée constituerait un gain d’autonomie non-négligeable.
Notons que l’AFM Téléthon apporte depuis des années un soutien financier aux recherches menées par Jocelyn Laporte, qui a dès sa thèse choisi de travailler sur ces maladies génétiques, trouvant du sens dans la portée quasi philosophique d’un engagement contre des maladies “écrites” dans l’ADN des patients.
Un cheval de Troie viral
L’approche pratiquée par Jocelyn Laporte vise à agir directement sur les gènes mutés, ceux présentant une anomalie, pour les suppléer. C’est ce qu’on appelle la thérapie génique. Elle consiste à remplacer littéralement le gène défaillant, qui ne code plus les protéines utiles au bon fonctionnement de la contraction musculaire, et ainsi corriger le patrimoine génétique défectueux. Cette stratégie de thérapie génique (il en existe d’autres) repose sur l’utilisation d’un matériel génétique comme médicament, puisqu’on introduit dans l’organisme des gènes sains à des fins thérapeutiques – d’où l’appellation de « gène médicament » qu’on entend parfois.
Pour introduire ce matériel génétique, deux solutions :
Dans le cas de pathologies affectant des petits organes par exemple, la thérapie génique peut être pratiquée ex-vivo. On prélève des cellules au patient puis on les cultive en laboratoire en y ajoutant un gène fonctionnel. Les cellules traitées sont ensuite réinjectées au patient. Mais souvenez-vous, les muscles sont répartis partout dans le corps et représentent une masse importante, cette méthode n’est donc que peu adaptée.
Par conséquent, l’introduction du matériel génétique thérapeutique va plutôt s’effectuer directement in-vivo. Autrement dit, on va chercher à injecter au patient le gène fonctionnel, ce qui constitue un sacré défi puisque celui-ci doit pouvoir atteindre chacune des cellules musculaires de notre corps. Comment faire pour y arriver ? Eh bien, figurez-vous qu’on va infiltrer un agent qui aura la faculté de disséminer ce matériel génétique dans nos cellules. Et les meilleurs candidats en la matière ne sont autres que… les virus. Oui, vous avez bien entendu, les virus. C’est en fait ce qu’ils font quand ils nous contaminent en se multipliant. Plus précisément, on recourt à petit virus à ADN, qui peut infecter l’être humain mais ne provoque pas de maladie et n’entraîne qu’une réponse immunitaire modérée. Une fois à l’intérieur des cellules, comme tous les virus, il en prend en quelque sorte le contrôle, puisque la cellule infectée se voit obligée de répliquer l’ADN de son indésirable visiteur.
Le virus fait donc office de vecteur pour introduire le matériel génétique. Pour autant, il ne s’agit pas de rendre le patient malade ; il est donc inactivé en laboratoire, c’est-à-dire qu’on enlève son ADN, pour le rendre inoffensif. D’un ennemi, on en fait un allié. En revanche, on conserve précieusement l’enveloppe du virus, sa structure externe comprenant les protéines qui lui permettent d’entrer dans les cellules. C’est donc un véritable cheval de Troie qui est mis au point, puisque la structure extérieure du virus et ses propriétés lui permettent de s’introduire dans notre organisme et nos cellules. Une fois la cible atteinte, surprise : notre « cheval de Troie viral » y relargue non pas son ADN mais le gène fonctionnel introduit en laboratoire et visant à remédier à l’anomalie génétique impliquée dans la maladie. Le virus n’est qu’une simple illusion…
D’une certaine manière, on cherche à duper l’organisme tout en utilisant des principes biologiques. Notre chercheur cherche aussi de plus en plus à modifier la structure du virus utilisé comme vecteur pour que son enveloppe cible des tissus particuliers, en l’occurrence les muscles. Éviter que le virus ne se réplique ailleurs limiterait le risque d’effets indésirables voire de complications sévères liées à l’introduction du gène dans des organes qui n’étaient pas ciblés, comme le foie, ou d’éventuelles toxicités induites par leur injection.
Ces thérapies sophistiquées montrent que les maladies rares sont entrées dans l’ère des traitements, mais de nouvelles questions se posent sans cesse. En l’occurrence, les thérapies géniques utilisant un virus comme vecteur ne peuvent s’effectuer qu’en une seule injection et auprès de patients n’ayant jamais croisé le virus utilisé. C’est le principe de la vaccination : lorsque notre système immunitaire rencontre un virus pour la première fois, il en mémorise les caractéristiques pour mieux s’en défendre la fois suivante. Pour dépasser cette limite, Jocelyn Laporte travaille également sur le développement de vecteurs synthétiques cette fois, qui seraient eux aussi capables de transporter le gène médicament et de fusionner avec la membrane des cellules sans provoquer de réaction immunitaire.
Quoi qu’il en soit, la thérapie génique constitue un véritable espoir pour de nombreuses maladies génétiques héréditaires, mais elle peut aussi être envisagée pour traiter des cancers, des maladies du sang ou des maladies neurodégénératives.
On le voit bien, mieux comprendre une maladie rejaillit positivement sur l’ensemble de la recherche biomédicale, puisque c’est le niveau de connaissances générales qui se trouve amélioré. La dernière publication de Jocelyn Laporte, parue il y a seulement quelques jours dans la prestigieuse revue Science, l’illustre bien : il co-signe ce papier avec son confrère américain Lloyd Trotman, qui a découvert un mécanisme pour contrebalancer les effets d’un gène participant au développement du cancer de la prostate. Cette parade passe par une supplémentation en vitamine K, connue pour ses propriétés oxydantes. Or Jocelyn Laporte montre, dans un modèle animal de myopathie (myotubulaire / centronucléaire), que ce même traitement peut en améliorer les symptômes. Là encore, ces résultats devront être validés dans des études plus larges et des essais cliniques, mais la recherche est à l’œuvre et nombre de scientifiques, comme Jocelyn Laporte, y consacrent leur vie.
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Immunothérapie : combiner les données pour mieux prédire l’efficacité |
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Immunothérapie : combiner les données pour mieux prédire l’efficacité
22 Jan 2025 | Par Inserm (Salle de presse) | Cancer | Génétique, génomique et bio-informatique | Santé publique

Comment améliorer la prédiction de la réponse à l’immunothérapie dans le cancer du poumon non à petites cellules ? Des chercheurs de l’Institut Curie, de l’Inserm et de Mines Paris-PSL ont relevé ce défi en combinant différents types de données d’examens (génomiques, radiomiques, anatomopathologiques, cliniques) au sein d’algorithmes d’intelligence artificielle inédits. Une première, qui vient d’être publiée dans la revue Nature Communications.
Dans la grande majorité des cancers du poumon (plus précisément dans les cancers du poumon non à petites cellules[1]), l’immunothérapie est prescrite en première ligne pour 85 % des patients. Or, certains y répondent et d’autres non. Réussir à prédire l’efficacité de ce traitement représente donc un enjeu crucial afin de gagner du temps sur l’évolution de la maladie, éviter des effets secondaires inutiles et réduire les coûts. Des scientifiques de l’Institut Curie, de l’Inserm et de Mines Paris-PSL, se sont lancés dans un projet pionnier, financé par la Fondation Arc[2] et PR[AI]RIE[3], à la recherche de nouveaux biomarqueurs prédictifs.
Pionnier d’abord en termes d’organisation : 16 chercheurs de l’Institut Curie, de l’Inserm et de Mines Paris-PSL, aidés de nombreux collègues et issus de divers domaines (imagerie, intelligence artificielle, pathologie, radiomique, biologie de la tumeur…) ont collaboré de manière transdisciplinaire autour de mêmes jeux de données.
Pionnier ensuite en termes de résultats : cette équipe est parvenue à identifier la meilleure combinaison de données pour prédire la réponse à l’immunothérapie dans le cancer du poumon non à petites cellules.
La preuve de l’intérêt de la multimodalité
« En collaboration avec l’équipe du Pr Nicolas Girard, chef du département d’oncologie médicale de l’Institut Curie, nous avons recueilli, pour 317 patients, des données transcriptomiques, c’est-à-dire d’expression du génome ; des données de radiomique, donc d’imagerie ; des données d’anatomopathologie de la tumeur ; et enfin des données cliniques », détaille le Dr Emmanuel Barillot, directeur de l’unité Oncologie computationnelle (U1331, Institut Curie, Inserm). « Nous avons ainsi découvert que les algorithmes qui combinent les données de trois ou quatre de ces modalités prédisent toujours mieux la réponse au traitement que ceux n’en utilisant qu’une ou deux. Cette preuve de l’intérêt de la multimodalité n’avait pas encore été rapportées pour le cancer du poumon non à petites cellules ».
Mieux encore, les scientifiques ont repéré les modalités les plus prédictives et les ont reliées à des mécanismes biologiques.
« Nous avons par exemple observé que le transcriptome fournit des informations de bonne qualité, notamment parce qu’il permet de quantifier les cellules dendritiques – dont l’action dans la réponse à l’immunothérapie est déjà connue », poursuit le chercheur.
L’espoir d’une application prochaine en clinique
Des découvertes qui auront un impact à court mais aussi à long terme.
« Nos prochaines recherches vont s’attacher à intégrer encore plus de données dans nos algorithmes pour vérifier la fiabilité des prédictions et l’améliorer encore », annonce Nicolas Captier, premier auteur de l’étude et doctorant dans l’équipe Biologie des systèmes du cancer de l’Institut Curie. « Et à terme, l’espoir est de pouvoir utiliser de tels algorithmes pour l’élaboration de la stratégie thérapeutique. »
La pratique exigera pour sa mise en place une étroite collaboration avec les médecins : un processus qui devrait être facilité par la capacité des chercheurs de l’Institut Curie à travailler de manière translationnelle avec les équipes de l’Ensemble hospitalier.
[1] Ces cancers représentent plus de 80 % des cancers du poumon et regroupent les adénocarcinomes (60 % des cas), les carcinomes épidermoïdes (30 % des cas) et les carcinomes à grandes cellules (plus rares).
[2] Fondation pour la recherche sur le cancer
[3] L’un des quatre instituts français d’intelligence artificielle qui rassemble l’Université PSL, comprenant l’Institut Curie, ainsi que l’Université Paris Cité, le CNRS, l’Inria, l’Institut Pasteur, et des acteurs industriels majeurs comme Google et Meta.
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Chronobiologie Les 24 heures chrono de l’organisme |
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Chronobiologie
Les 24 heures chrono de l’organisme
MODIFIÉ LE : 01/10/2018
PUBLIÉ LE : 13/06/2017
TEMPS DE LECTURE : 20 MIN
La chronobiologie correspond à l’étude des rythmes biologiques dans l’organisme. Ce domaine a connu un boom au cours de ces dix dernières années : les chercheurs ont découvert de nombreux mécanismes de régulation des horloges internes et évaluent de mieux en mieux l’impact majeur de son dérèglement sur la santé. Concrètement, presque toutes les fonctions de l’organisme sont soumises au rythme circadien, c’est-à-dire à un cycle de 24 heures. Ainsi, les troubles de ce rythme peuvent avoir des conséquences aussi bien sur le sommeil que sur le métabolisme, le fonctionnement du système cardiovasculaire, du système immunitaire… Les avancées en chronobiologie ont valu un prix Nobel à trois généticiens américains en 2017.
Dossier réalisé en collaboration avec Claude Gronfier, Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CRNL), équipe Waking, unité Inserm 1028, Université Claude Bernard Lyon I (UCBL) Faculté de médecine Rockefeller
Recherche de participants pour une étude en chronobiologie
Vous souffrez de maux de tête ? L’Inserm recherche des hommes âgés de 20 à 45 ans pour participer à un protocole de recherche.
Pour en savoir plus
Comprendre le fonctionnement de notre horloge interne
Des fonctions de l’organisme aussi diverses que le système veille/sommeil, la température corporelle, la pression artérielle, la production d’hormones, la fréquence cardiaque, mais aussi les capacités cognitives, l’humeur ou encore la mémoire sont régulées par le rythme circadien (de circa : « proche de » et diem : « un jour »), un cycle d’une durée de 24 heures.
Plus généralement, les données de la recherche montrent que presque toutes les fonctions biologiques sont soumises à ce rythme. Grâce à l’horloge circadienne, la sécrétion de mélatonine débute en fin de journée, le sommeil est profond durant la nuit, la température corporelle est plus basse le matin très tôt et plus élevée pendant la journée, les contractions intestinales diminuent la nuit, l’éveil est maximal du milieu de matinée jusqu’en fin d’après-midi, la mémoire se consolide pendant le sommeil nocturne…
Ce rythme circadien est endogène, c’est-à-dire qu’il est généré par l’organisme lui-même.
L’horloge interne, métronome de l’organisme
C’est une horloge interne, nichée au cœur du cerveau, qui impose le rythme circadien à l’organisme, tel un chef d’orchestre. Toutes les espèces animales et végétales ont leur propre horloge interne, calée sur leur rythme. Chez l’humain, cette horloge se trouve dans l’hypothalamus. Elle est composée de deux noyaux suprachiasmatiques contenant chacun environ 10 000 neurones qui présentent une activité électrique oscillant sur environ 24 heures. Cette activité électrique est contrôlée par l’expression cyclique d’une quinzaine de gènes « horloge ».
Les noyaux suprachiasmatiques régulent ensuite différentes fonctions de l’organisme grâce à des messages directs ou indirects. Ils innervent directement et indirectement des régions cérébrales spécialisées dans différentes fonctions comme l’appétit, le sommeil ou la température corporelle. Ils entraînent en outre la production cyclique d’hormones agissant à distance, sur d’autres fonctions.
Cette horloge interne possède son propre rythme : des expériences menées avec des personnes plongées dans le noir (ou soumises à très peu de lumière) pendant plusieurs jours, sans repère de temps, ont permis de montrer que le cycle imposé par l’horloge interne dure spontanément entre 23 h 30 et 24 h 30, selon les individus. La moyenne chez le sujet sain est estimée à 24 h 10. Autant dire que si l’horloge interne contrôlait seule le rythme biologique, sans être remise à l’heure, l’humain se décalerait tous les jours. Chacun finirait ainsi par dormir à un horaire différent de la journée ou de la nuit, rendant incompatible une vie en société. L’horloge interne est donc resynchronisée en permanence sur un cycle de 24 heures par des agents extérieurs.
Plusieurs synchroniseurs agissent simultanément. Le plus puissant d’entre eux est la lumière. L’activité physique et la température extérieure jouent aussi un rôle, mais leur effet est bien plus modeste.
La lumière, indispensable à la synchronisation de l’horloge biologique
Transmission de l’information lumineuse vers l’horloge biologique. Coupe de rétine de souris, montrant les cônes de la couche externe, en vert, et une cellule ganglionnaire à mélanopsine de grande taille, en rouge, dans la couche interne. ©Inserm/H. Cooper
La lumière est captée au niveau de la rétine par un groupe de cellules photoréceptrices particulières : les cellules ganglionnaires à mélanopsine, sensibles au bleu. Ces cellules sont reliées aux noyaux suprachiasmatiques par un système nerveux différent de celui impliqué dans la perception visuelle (la voie rétinohypothalamique). Le signal transmis à l’horloge interne provoque la remise à l’heure du cycle pour le synchroniser sur 24h. Ce même signal est aussi transmis à d’autres structures cérébrales dites « non visuelles », qui sont notamment impliquées dans la régulation de l’humeur, de la mémoire, de la cognition et du sommeil.
Néanmoins, les autres photorécepteurs de la rétine impliqués dans la vision, les cônes et les bâtonnets, semblent également jouer un rôle dans la régulation de l’horloge biologique avec des sensibilités différentes (couleur/spectre) de celles des cellules à mélanopsine. Les mécanismes mis en jeu restent cependant à éclaircir.
C’est donc l’exposition à la lumière pendant la journée et l’obscurité pendant la nuit qui permettent de synchroniser l’horloge biologique à la journée de 24 heures. Et l’effet de la lumière dépend de l’heure : une exposition tardive (entre 17 h et 5 h en moyenne) retarde l’horloge, alors qu’une exposition précoce (entre 5 h et 17 h en moyenne) l’avance. L’effet de la lumière dépend aussi de son intensité. Alors que l’on croyait, il y a une vingtaine d’années, qu’il fallait des niveaux de lumière supérieurs à 1 000 lux pour affecter l’horloge, les études récentes montrent que quelques dizaines de lux suffisent : de simples bougies peuvent bloquer la sécrétion de mélatonine ! L’effet de la lumière sur l’horloge dépend aussi de son spectre (sa couleur) et sera d’autant plus important qu’il sera riche en longueurs d’ondes bleues (~460–500 nm).
Enfin, l’effet de la lumière dépend de la durée de l’exposition lumineuse et du niveau d’exposition dans les heures qui ont précédé (c’est ce qu’on appelle l’historique lumineux). D’après de études récentes, conduites en collaboration avec l’Inserm, des expositions de 10–15 minutes en début de nuit peuvent supprimer la sécrétion de mélatonine et retarder l’horloge. D’autres travaux, y compris des études épidémiologiques, montrent que ces effets de la lumière en fin de journée sont plus faibles si l’exposition a été importante pendant la journée.
La mélatonine, synchroniseur sous influence lumineuse
La mélatonine est une hormone dont la sécrétion est typiquement circadienne. Sa production augmente en fin de journée peu avant le coucher, contribuant à l’endormissement. Elle atteint son pic de sécrétion entre 2 et 4 heures du matin. Ensuite, sa concentration ne cesse de chuter pour devenir quasiment nulle au petit matin, un peu après le réveil.
Le rythme de sécrétion de cette hormone est contrôlé par l’horloge interne, car il est identique chez des individus maintenus en pleine obscurité sans variation de la luminosité. De fait, la mélatonine est utilisée comme marqueur biologique de l’heure interne.
Néanmoins, la luminosité extérieure peut affecter sa production. La lumière perçue par la rétine est transmise directement aux noyaux suprachiasmatiques qui relaient l’information jusqu’à une petite glande, l’épiphyse ou glande pinéale, qui secrète la mélatonine. L’exposition à la lumière le soir retarde l’horloge biologique, et donc la production de mélatonine et l’endormissement. Une exposition lumineuse le matin va au contraire avancer l’horloge. Ce phénomène permet, en particulier, de s’adapter aux changements d’heure et aux décalages horaires.
Des horloges périphériques optimisent les fonctions locales
L’horloge interne est le chef d’orchestre mais il existe de nombreux musiciens qui adaptent le rythme localement dans l’organisme : ce sont les horloges périphériques. Chaque fonction biologique importante est régie par une horloge à elle, destinée à optimiser l’efficacité de cette structure locale en fonction du contexte environnemental. Ces horloges périphériques sont présentes dans tous les organes et tissus aux fonctions essentielles : cœur, poumon, foie, muscles, reins, rétine, différentes aires du cerveau (cervelet, lobe frontal...). Cela permet d’adapter leur activité au cas par cas, par exemple s’il y a travail de nuit, alimentation très riche ou encore activité physique intense. Une récente étude américaine menée chez le primate, en collaboration avec l’Inserm, indique que dans les 64 organes et tissus analysés deux tiers des gènes codants sont exprimés de façon cyclique au cours des 24 heures, avec de grandes variations d’un tissu à l’autre. Moins de 1% des gènes dont l’expression est rythmique dans un tissu le sont également dans les autres tissus confirmant le rôle majeur des horloges périphériques et leur spécificité.
Ces horloges périphériques sont largement contrôlées par l’horloge centrale : si les noyaux suprachiasmatiques sont lésés, les horloges périphériques se désynchronisent et se mettent à travailler en cacophonie. Ce phénomène de désynchronisation s’observe aussi au cours du vieillissement et dans certaines pathologies. Mais d’autres synchroniseurs agissent sur ces différentes horloges périphériques : l’alimentation, en particulier au niveau du foie, ou encore la température corporelle ou l’exercice physique, notamment pour l’horloge située dans le tissu musculaire. En outre, ces horloges communiquent entre elles par des moyens qui restent à identifier. Ainsi, des signaux extérieurs peuvent perturber la synchronisation de ces horloges périphériques. De récents travaux ont par exemple permis de constater des bouleversements de l’horloge de plusieurs organes en réponse à une alimentation riche en graisse : le métabolisme de différentes molécules se trouve bouleversé au cours de 24 heures, que ce soit dans le sérum, le foie ou le cerveau.
Le fonctionnement des horloges périphériques repose sur des mécanismes moléculaires identiques à ceux de l’horloge centrale, passant par l’expression locale cyclique des gènes « horloges ». Au niveau de la rétine par exemple, ces gènes s’expriment dans des neurones où se situe l’horloge périphérique. Le fait d’altérer localement l’expression de ces gènes perturbe le fonctionnement de la rétine même si les noyaux suprachiasmatiques de l’horloge interne sont totalement fonctionnels.
Le rythme des divisions cellulaires est couplé à celui de l’horloge biologique interne. Pour parvenir à cette démonstration, une équipe niçoise (unité Inserm 1091) a travaillé in vitro sur des fibroblastes « uniques », c’est-à-dire séparés les uns des autres. Grâce à des molécules fluorescentes, ils y ont suivi l’expression d’un gène de l’horloge biologique et de deux marqueurs de phases du cycle cellulaire. Cette technique leur a permis de visualiser conjointement l’activité oscillante de l’horloge biologique et l’avancée des divisions cellulaires. Photographie issue d’une vidéomicroscopie en fluorescence de fibroblastes de souris en prolifération, transformés avec un système rapporteur d’horloge (en vert) et du cycle cellulaire (en rouge et bleu). © Inserm/iBV/C. Feillet
La chronopharmacologie : le bon médicament au bon moment
Les oscillations circadiennes du fonctionnement de l’organisme et de chaque organe rendent l’organisme plus ou moins sensible à certains médicaments au cours du cycle de 24 heures. Pour plusieurs molécules, des études ont permis d’identifier des schémas horaires d’administration optimaux pour une tolérance maximale et une toxicité minimale.
Ce concept est utilisé en cancérologie à l’hôpital Paul Brousse (AP-HP, Villejuif), par le Dr Francis Lévi, ancien directeur de l’unité Rythmes biologiques et cancers (unité 776 Inserm/université Paris Sud), et actuellement directeur du groupe Chronotherapy à la Faculté de Médecine de Warwick (Royaume-Uni). Il l’applique chez ses patients atteints de cancers digestifs. L’anticancéreux fluorouracile, par exemple, s’avère plus efficace et 5 fois moins toxique lorsqu’il est perfusé la nuit autour de 4 h du matin, plutôt qu’à 4 h de l’après-midi.
Encore sous exploitée, cette approche est amenée à se développer. Une étude récente montre que l’expression de deux tiers des gènes est fortement rythmée au cours de 24 heures et que 82% de ces gènes codent des protéines ciblées par des médicaments ou sont des cibles thérapeutiques pour de futurs traitements. La chronopharmacologie a donc de beaux jours devant elle et plusieurs essais cliniques sont en cours pour tester les rythmes d’administration d’anticholestérolémiants ou encore d’anti-inflammatoires.
Chronothérapie : se soigner à la bonne heure augmente vos chances de guérir du cancer – interview – 2 min 52 – France Culture (2018)
Comprendre les troubles du rythme circadien
Les troubles circadiens sont souvent décelés par une position du sommeil anormale au cours des 24 heures. Mais ils sont associés à bien d’autres perturbations : métaboliques, cardiovasculaires, immunitaires, cognitives et cellulaires. Il semble de plus en plus évident que pas une seule fonction biologique n’échappe au contrôle circadien.
La classification internationale des troubles du sommeil distingue différents types de troubles des rythmes circadiens du sommeil, dont les plus fréquents sont :
* L’avance de phase : les individus s’endorment très tôt, par exemple vers 20 h, et se réveillent très tôt, par exemple vers 4 h du matin. Ce phénomène s’observe davantage chez les personnes âgées, mais il peut aussi s’observer à tous les âges.
* Le retard de phase : les individus s’endorment très tard, au milieu de la nuit et s’éveillent spontanément en fin de matinée, s’ils en ont la possibilité. Ce syndrome émerge souvent au cours de la puberté et il est relativement fréquent chez les adolescents et les jeunes adultes.
* Le libre court est un phénomène fréquent chez les personnes aveugles, mais mal diagnostiqué et traité. En absence d’un œil fonctionnel, l’horloge centrale n’est pas synchronisée par la lumière, les rythmes biologiques exprimés sont alors ceux de l’horloge interne non synchronisée (entre 23 h 30 et 24 h 30 selon les individus). La personne décale tous les jours son sommeil, par exemple en se couchant une demi-heure plus tard pour un individu ayant une horloge de 24 h 30. Dans ce cas précis, le sommeil n’est nocturne et de bonne qualité que pendant quelques jours tous les 48 jours !
Dans les cas d’avance ou de retard de phase, les personnes sont incapables de s’endormir et de se réveiller aux heures voulues. S’ils s’obligent à respecter des horaires normaux, des troubles quantitatifs et qualitatifs du sommeil, une fatigue chronique, des troubles cardiovasculaires, métaboliques, ou encore des troubles du comportement (irritabilité ou apathie) risquent d’apparaître.
Il est vraisemblable que les troubles circadiens du sommeil ont différentes origines selon les individus. Les avances ou retards de phase ont une base génétique. Il existe en effet des familles dont plusieurs membres présentent l’un de ces syndromes. Les études montrent que des mutations ou des polymorphismes de certains gènes « horloges » peuvent en être responsables.
D’autres facteurs, notamment des maladies (dépression, anxiété, cancer) pourraient également favoriser une désynchronisation de l’horloge interne. Les comportements individuels (mauvaise hygiène de sommeil et de lumière) peuvent aussi être responsables ou accentuer des désynchronisations circadiennes. Enfin, des sensibilités différentes à la lumière ou aux autres synchroniseurs pourraient expliquer ce phénomène.
Des troubles du rythme circadien sont associé à une augmentation du risque de :
* somnolence / troubles du sommeil
* troubles métaboliques et cardiovasculaires
* cancers
* altération des fonctions cognitives
* dépression, anxiété, troubles de l’humeur chez les personnes âgées
* troubles du sommeil et de l’humeur associés à la maladie de Parkinson
Le travail de nuit : une plaie pour la santé
L’étude des conséquences des troubles circadiens a principalement été menée chez les travailleurs postés (organisation du travail en rotation en 3 x 8 heures sur 24 heures). Le travail de nuit induit une désynchronisation de l’horloge biologique en raison des changements d’exposition à la lumière et d’une dette de sommeil. De nombreuses études sont parues sur les liens entre ce rythme de travail et les risques pour la santé et notamment la survenue de cancers, à l’image d’une récente étude Inserm basée entre autres sur la cohorte CECILE. Elle montre que les femmes non ménopausées qui travaillent au moins 3 heures entre minuit et 5 h du matin ont un risque de cancer du sein augmenté de 26% et ce risque croît avec la fréquence des nuits travaillées et la durée de l’emploi. Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), sous l’égide de l’OMS, a d’ailleurs inscrit le travail posté à la liste des agents « probablement cancérogènes » en 2007. Une récente expertise collective de l’Anses (2016) confirme l’augmentation du risque du cancer du sein chez les femmes exposées et va plus loin encore en concluant que le travail de nuit est un facteur de risque probable de cancer en général.
L’expertise Anses met en avant de très nombreux autres troubles induits de manière avérée ou probable par le travail de nuit : la somnolence, les troubles du sommeil, une altération des performances cognitives, une augmentation du risque d’obésité, de diabète de type 2, de maladies coronariennes, de dyslipidémies, d’hypertension artérielle et d’accidents vasculaires cérébraux ischémiques.
Pour ces raisons, l’Anses a émis plusieurs recommandations afin de limiter le travail de nuit à des situations nécessitant d’assurer les services d’utilité sociale ou la continuité de l’activité économique (hôpitaux, services d’utilité publique...) et avec une organisation permettant d’en minimiser l’impact pour la santé des salariés. L’expertise a aussi recommandé de mettre en place des protocoles de recherche dans ce domaine, fondamentaux et cliniques, afin de mieux comprendre les mécanismes impliqués dans les troubles observés. L’objectif est de pouvoir proposer des solutions aux employés, aux employeurs et aux médecins du travail, qui sont souvent démunis dans cette situation. En 2012, 3,5 millions de personnes, soit 15,4% des salariés (21,5% des hommes et 9,3% des femmes salariés), travaillaient régulièrement ou occasionnellement de nuit.
La lumière, bleue en particulier, puissant désynchronisateur
Pour une même intensité lumineuse perçue, la lumière bleue LED active 70 fois plus les récepteurs photosensibles non visuels de la rétine que la lumière blanche d’une lampe fluorescente de même intensité. Elle génère donc le message d’une exposition massive à la lumière, directement transmis aux noyaux suprachiasmatiques.
Cette lumière bleue est émise en particulier par les écrans LED des ordinateurs, des téléviseurs ou encore des téléphones mobiles. S’exposer en excès à ce type d’écran, notamment le soir, provoque une baisse de somnolence, un regain de vigilance et retarde l’endormissement avec une dette de sommeil si l’heure de lever ne peut être retardée.
Des études attestent de l’impact négatif de l’utilisation importante de ces écrans le soir sur le sommeil des enfants et des adolescents : une utilisation intensive est en moyenne associée à une heure trente de sommeil en moins par rapport aux faibles utilisateurs, et avec un risque accru de troubles de l’humeur et d’échec scolaire. Il existe également une augmentation du risque de troubles métaboliques (risque accru de surpoids, d’obésité et de diabète) corrélés avec la durée passée sur les écrans. Ce risque est en effet associé aux perturbations du rythme circadien et non pas uniquement à la sédentarité. Pour le limiter, il faut veiller à réduire la durée d’exposition aux écrans, les sortir de la chambre à coucher et interrompre leur l’utilisation au moins 1 h avant le sommeil. Il est aujourd’hui possible d’acheter des filtres à la lumière bleue ou de télécharger des applications permettant de réduire l’émission de ces lumières à partir des écrans. Mais ces dispositifs n’ont pas été évalués scientifiquement et leur intérêt reste à vérifier.
La lumière bleue est également extrêmement présente en ville, notamment via les éclairages urbains, de plus en plus fréquemment à base de LEDs, allumés en permanence, ou a minima tard dans la nuit. Plusieurs études épidémiologiques montrent une association qui reste à confirmer entre le niveau d’exposition aux éclairages nocturnes et certains troubles dont des troubles du sommeil, des problèmes métaboliques et les cancers, notamment du sein. En outre, de récents travaux en laboratoire montrent qu’une faible intensité de lumière (quelques lux) ou même des durées d’exposition très courtes tels que des flashs lumineux de quelques millisecondes sont suffisants pour affecter l’horloge biologique. Cela interpelle sur l’impact de toutes sortes de pollution lumineuse sur la qualité du sommeil et la santé : utilisation d’écrans pendant la nuit, absence d’obscurité durant le sommeil... même pendant de courtes durées et même à faible intensité. Cela permet aussi d’envisager de belles applications en perspectives (certaines sont en cours d’étude) pour le traitement de certains troubles du sommeil.
Un groupe de travail de l’Anses planche actuellement (2018) sur les effets sanitaires des LEDs, afin d’émettre des recommandations.
Lumière et rythmes – interview – 3 min 51 – vidéo extraite de la série POM Bio à croquer (2013)
L’importance de la régularité et de l’horaire des repas
Le rythme des prises alimentaires a un impact direct sur la santé et peut contribuer à synchroniser les horloges biologiques ou au contraire les perturber. Une alimentation très distribuée sur 24 heures désynchronise par exemple les horloges périphériques permettant de réguler le métabolisme, en particulier au cours de la nuit. Les animaux nourris de cette façon (ad libitum) ont davantage de troubles métaboliques que ceux qui mangent en même quantité mais à l’occasion de repas réguliers ou restreints à une partie de la journée seulement. Chez la souris, imposer cette discipline protège de l’obésité. Chez l’humain, de récents suivis de cohorte ont permis d’établir une association entre l’heure des repas et le risque de cancer du sein ou encore de la prostate. Dans ces études, les individus qui mangent dans l’heure précédent le coucher ont un risque accru de cancer par rapport à ceux dont le dernier repas se termine plusieurs heures avant.
Le thème de la nutrition en chronobiologie est en train d’émerger et consiste à étudier le rythme optimal des prises alimentaires pour la santé. De nombreux régimes dits chronorégimes ou reposant sur la chrononutrition sont déjà proposés dans le commerce et dans des ouvrages, mais leur efficacité et leur supériorité par rapport à d’autres approches n’ont pas été démontrées par des études scientifiques.
Troubles du rythme et affections psychiatriques et neurologiques
Les troubles du rythme circadien pourraient également favoriser le déclin cognitif et les troubles associés comme la dépression, l’anxiété et les troubles de l’humeur. Un travail a montré que le fait d’augmenter l’exposition à la lumière de personnes âgées institutionnalisées au cours de la journée améliorait le sommeil nocturne, la vigilance diurne, et ralentissait le déclin cognitif et réduisait les symptômes dépressifs. Traiter leurs troubles du rythme par photothérapie est une piste de recherche actuelle intéressante, qui doit se développer.
Les personnes atteintes de la maladie de Parkinson présentent également des troubles du sommeil et de l’humeur. Un protocole de photothérapie réduit ces troubles mais aussi, contre toute attente, les tremblements et troubles moteurs typiques de la maladie. Cette nouvelle piste doit également être davantage explorée.
La photothérapie, traitement de référence
De plus en plus de troubles sont désormais liés à des perturbations de l’horloge biologique, suggérant le potentiel important des traitements par des approches chronobiologiques. La photothérapie (anciennement appelée luminothérapie) est actuellement le traitement de référence de certaines pathologies.
Des protocoles cliniques existent pour traiter les troubles des rythmes circadiens du sommeil mais aussi des troubles de l’humeur (y compris chez le malade parkinsonien et chez le sujet âgé) ainsi que des dépressions saisonnières et non saisonnières. Il ne fait pas de doute que la liste des indications s’allongera dans les années à venir, tant l’horloge biologique est au cœur du fonctionnement optimal de l’organisme. Ces traitements doivent être prescrits par des spécialistes du sommeil ou des médecins formés à la chronobiologie, après évaluation des potentielles contre-indications, car un diagnostic précis doit être posé, et un traitement adapté à chaque individu doit être prescrit.
Cette thérapie repose sur une exposition à une lumière de forte intensité et de durée précise (entre 30 minutes à 1 heure en général), à un horaire particulier qui dépend des individus et du trouble. Par exemple, un adolescent ou un adulte en retard de phase devra s’exposer pendant 30 à 60 min à une lumière blanche de 5 000–10 000 lux à l’heure de réveil souhaitée, quotidiennement. Il devra aussi diminuer son exposition à la lumière le soir, et supprimer tout appareil électronique avec écran de sa chambre à coucher au moins une heure avant l’heure de coucher souhaitée. Dans certains cas, un comprimé de mélatonine à prendre le soir peut être additionnellement prescrit.
Une hygiène de lumière particulière, avec des horaires précis d’exposition, est également conseillée aux travailleurs postés. Les études montrent que le fait d’augmenter l’intensité lumineuse pendant le travail de nuit, puis de diminuer l’exposition un peu avant le coucher à domicile et de dormir dans des conditions d’obscurité totale sont favorables à la synchronisation de l’horloge biologique. Cela permet une meilleure vigilance pendant les heures de travail puis un sommeil de meilleure qualité.
L’hygiène de lumière
Cette notion émergente est maintenant prise en considération avec beaucoup d’intérêt car la lumière permet la remise à l’heure de l’horloge biologique et est synonyme d’éveil pour l’organisme. En activant un ensemble de mécanismes biologiques, la lumière permet une vigilance et un fonctionnement cognitif de bonne qualité pendant la journée. C’est la bonne exposition à la lumière de jour et l’obscurité la nuit qui permettent une synchronisation optimale de l’horloge biologique et un bon sommeil nocturne. Une mauvaise hygiène de lumière peut être responsable de troubles et de pathologies.
Des règles élémentaires d’hygiène de sommeil sont également nécessaires pour favoriser la resynchronisation : éviter le sport et les écrans avant de dormir, se coucher à une heure raisonnable (correspondant aux besoins de sommeil), dans le noir et au calme, ou encore se relever en cas d’impossibilité de s’endormir, sans s’exposer à des lumières riches en bleu (LEDs, ampoules fluorescentes froides) ou de forte intensité. Pour en savoir plus, consulter notre dossier Sommeil
L’utilisation de la mélatonine pourrait également se développer. Elle est actuellement recommandée dans le traitement du retard de phase, le libre-cours de l’aveugle, le décalage horaire, et dans certaines situations de travail de nuit. Elle est aussi recommandée dans les troubles du spectre autistique et dans le trouble du déficit de l’attention. Là encore, ce traitement doit être prescrit par des médecins formés à la chronobiologie. La bonne efficacité de la mélatonine est reconnue, mais des études sont encore nécessaires pour optimiser la dose et l’horaire de traitements qui peut dépendre du patient (selon son chronotype).
Enfin, des médicaments qui agissent sur l’horloge biologique pourraient voir le jour dans le futur, afin de la retarder ou de l’avancer. Des travaux sont actuellement conduits dans ce sens, avec par exemple des molécules destinées à bloquer le signal des cellules ganglionnaires à mélanopsine. Les patients pourraient toujours voir (grâce à leurs cônes et leurs bâtonnets), mais l’horloge centrale ne percevrait pas ou peu la lumière externe. Reste à savoir si ces molécules présenteront un avantage par rapport à des lunettes de soleil, faciles d’utilisation. D’autres molécules en cours de développement ciblent directement la mécanique de l’horloge biologique. Elles pourraient avoir un intérêt dans les troubles circadiens décrits plus haut.
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