|
|
|
|
|
|
inconscient |
|
|
|
|
|
inconscient
En allemand : unbewusst, das Unbewusste, « in-conscient ».
Philosophie Générale, Psychologie
1. Négativement ce qui en l'homme échappe à la pensée consciente ou rationnelle. – 2. Positivement une fonction psychique déterminant souterrainement l'économie du désir.
Que le mot n'apparaisse que tardivement n'interdit pas de parler d'un problème philosophique de l'inconscient avant Freud. Les « petites perceptions » admises par Leibniz(1), ou les « représentations obscures » dont Kant affirme qu'elles recouvrent la plus large part de nos intuitions et sensations(2), signalent bien plus qu'un problème d'intensité ou de clarté de la perception : ce qui est en jeu philosophiquement, c'est l'existence en nous d'un domaine psychique échappant à l'emprise de la raison, non pas tant du point de vue psychologique d'une partition de l'âme humaine que d'un point de vue métaphysique (pour lequel la distinction entre les deux définitions prend toute son importance).
En effet, accorder l'existence d'une fonction psychique positive et efficace, susceptible de déterminer la volonté autant ou plus que ne le fait la conscience, c'est ruiner la métaphysique du sujet (comment puis-je me définir comme substance pensante si ma pensée est discontinue ? Il faut, comme Descartes, distinguer la pensée, qui m'est consubstantielle, et la mémoire que j'en ai, qui peut faillir(3)). C'est aussi contredire l'idée de liberté comme responsabilité et autonomie, dans la mesure où des actes inconscients ne peuvent être imputés à un auteur : pour sauver la volonté libre mis en doute par l'inconscient(4), il faut recourir à des concepts comme la mauvaise foi(5). La thèse de Sartre partage avec celle de Descartes le refus de toute positivité des manifestations de l'inconscient, ramenées à un défaut de la mémoire.
Isoler un noyau métaphysique de la question de l'inconscient n'autorise toutefois pas à considérer comme infra-philosophique la question des psychologues : Platon montre que déterminer la place des désirs irrationnels en nous met en jeu la nature de l'âme.
Sébastien Bauer
Notes bibliographiques
* Leibniz, G.W., Nouveaux essais sur l'entendement humain, préface, 1703, édition française 1966, Paris, Garnier Flammarion.
* Kant, E., Anthropologie d'un point de vue pragmatique, 1ère partie, § 5, trad P. Jalabert 1986, in Œuvres philosophiques, NRF, Paris.
* Descartes, B., Méditations métaphysiques, méditation 1ère Éd. 1992, GF-Flammarion, Paris.
* Nietzsche, F., Par-delà bien et mal, § 19, trad. P. Wotling 2000, Flammarion, Paris.
* Sartre, J.P., L'Être et le Néant, I, 2, a. Paris, Gallimard, TEL, 1976.
* Voir aussi : Vaysse, J.M., L'inconscient des modernes, 1999, NRF Gallimard, Paris.
→ âme, conscience, liberté, moi
Psychanalyse
Notion topique et dynamique qui démontre que « l'essence du psychique » ne se situe pas dans la « conscience »(1). Comme tel, objet de l'étude psychanalytique. Il désigne d'abord un lieu psychique (lcs), dont les contenus sont soumis à une force, le refoulement, qui les rend inaccessibles, puis une qualité (ics) des instances et des processus psychiques. Il a pour propriété de ne connaître que le principe de plaisir, et par conséquent d'ignorer la négation, le doute et le temps (processus primaire) : la pensée y vaut l'acte.
Notion commune au xixe s., promue notamment par Herbart et Hartmann, le terme n'apparaît chez Freud qu'une fois acquise l'intelligibilité dynamique du processus par lequel des représentations sont soustraites au champ de la conscience (théorie du trauma infantile et de l'après-coup). L'étude des psychonévroses de défense, qui révèle l'existence de « groupes psychiques séparés »(2), participe de cette mise au jour de l'inconscient. Des formations locales, symptômes, phobies, obsessions, etc., mais aussi lapsus, actes manques, rêves, etc., sont déterminées par des représentations inaccessibles, mais efficientes. Elles sont l'expression (formation de compromis) de souhaits inconscients ou refoulés, qui s'efforcent inlassablement d'atteindre à la conscience. Les contenus de l'inconscient se composent de traces phylogénétiques héréditaires (fantasmes originaires), du refoulé originaire et des représentations liées à la vie sexuelle infantile refoulée ; ils sont un pôle d'attraction pour les représentations qui seront ultérieurement refoulées. Dans la seconde conception topique de la personnalité psychique, le ça inclut l'inconscient et hérite de ses propriétés. Le moi et le sur-moi sont, dans leur plus grande partie, inconscients, comme le montrent la résistance dans la cure, le sentiment de culpabilité et les conflits entre instances.
La découverte de l'inconscient dynamique est certes la troisième blessure narcissique infligée à l'humanité, après celles de Copernic et de Darwin, mais elle révoque aussi en doute la distinction normal-pathologique et la dichotomie corps-âme. Elle démontre enfin l'ubiquité de la sexualité dans les processus psychiques humains – les plus abstraits compris.
Christian Michel
Notes bibliographiques
* Freud, S., Das Ich und das Es (1923), G.W. XIII, le Moi et le ça, OCF.P XVI, PUF, Paris, p. 258.
* Freud, S., Studien über Hysterie (1895), G.W. I, Études sur l'hystérie, PUF, Paris, p. 96.
→ acte, ça, dynamique, fantasme, moi, origine, principe, processus primaire et secondaire, refoulement, surmoi, topique
Psychologie
Ensemble des manifestations réflexes (c'est-à-dire ni conscientes ni volontaires) qui, au xixe s., enracinent la vie mentale dans le cerveau et lui imposent une rationalité neurologique.
Portée par l'extension du matérialisme réflexologique de la neurologie à la psychologie, l'expression « cérébration inconsciente » (plus qu'« inconscient cérébral ») apparaît chez T. Laycock et W. Carpenter en Angleterre et se systématise chez J. Luys. L'arc réflexe, dans une perspective darwinienne, évolue graduellement, et le cerveau humain est conçu comme un détour infiniment complexe entre input perceptif et output moteur. La volonté apparaît alors comme un système de contrôle biologiquement intégré à la décharge motrice, et perd sa transcendance. Cet étagement, dont la conscience est l'ultime niveau, a inspiré Jackson, Freud, et même le cognitivisme.
M. Gauchet y a vu l'individualisation biologique de « l'asservissement intérieur » qui est la rançon de l'émancipation politique de l'individu moderne, à cause de la déspiritualisation de la volonté qu'implique la notion.
Pierre-Henri Castel
Notes bibliographiques
* Gauchet, M., L'inconscient cérébral, Paris, 1992.
→ réflexe
Psychologie, Philosophie Cognitive
Ensemble des processus non conscients inférés à partir de performances cognitives observables, et qui sont considérés, au moins par destination, comme mentaux.
L'idée d'inconscient cognitif vise à démarquer la nécessité d'inférer des processus mentaux non conscients en psychologie expérimentale de l'usage psychanalytique du concept d'inconscient. Dans l'inconscient cognitif, ni conflit, ni privilège du désir, ni représentations refoulées. Les observables qui lui servent de prémisses ne sont pas pathologiques. Cependant, dans la perception, ou le langage, le traitement computationnel de l'information implique des opérations intelligentes qui ne peuvent faire l'objet de comptes rendus introspectif : par exemple, les transformations qui permettent de passiver une phrase à l'actif. Sans être des actes mentaux donateurs de sens, des opérations de ce type sont conçues autant comme des règles que comme des mécanismes. Elles occupent une place intermédiaire entre cognitions et activations cérébrales. S'ils participent causalement à la genèse de totalités sémantiques de haut niveau, la question se pose enfin de la cohérence entre eux des divers processus cognitifs inconscients.
Pierre-Henri Castel
Notes bibliographiques
* Reber, A. S., Implicit Learning and Tacit Knowledge : An Essay on the Cognitive Unconscious, Oxford University Press, Oxford, 1993.
DOCUMENT larousse.fr LIEN
|
|
|
|
|
|
|
RÉALITÉ |
|
|
|
|
|
réalité
Du latin res, « chose matérielle, corps, être, fait ». L'usage philosophique du concept déborde largement son étymologie. En allemand : Realität, de real, « réel » ; Wirklichkeit, plutôt traduit par « effectivité ».
Si la supposition pratique de la réalité est toujours première, comme ce qui nous résiste dans l'appréhension sensible, penser la réalité se heurte à l'impossibilité d'une définition intrinsèque. Même si elle suppose conceptuellement l'identité, la permanence et l'univocité, la réalité ne peut être invoquée que sur le fond d'une différence première entre elle et ce dont on la distingue (apparence, phénomène, simulacre, rêve, illusion, idée ou idéal...), ce qui soulève une difficulté, puisque ce qui n'est pas la réalité et se confond parfois avec elle doit participer de celle-ci pour exiger cette discrimination.
Philosophie Générale, Philosophie Cognitive
L'être tel qu'il est pour nous déterminé dans l'existence, par opposition d'une part à ce qui n'est pas vraiment ou ce qui n'est pas au même degré ontologique éminent, et d'autre part à ce qui demeure un concept.
C'est moins la nature de la réalité qui fait problème que le statut ontologique de ce qui nous en sépare et qui contribue à sa définition et à sa désignation, comme si on devait nécessairement l'aborder par son contraire.
Cette difficulté provient de ce qu'on attribue au concept de réalité une finalité descriptive, comme ensemble des étants déterminés, alors qu'il relève toujours également d'une visée normative de discrimination au sein de ce qui apparaît, même quand la norme se présente comme une description. Cette distinction permet de poser la problématique propre à ce concept. L'extériorité supposée du langage et du réel, le premier devant être adéquat à la description du second, fait de la réalité une hypostase préconçue. À l'inverse, supposer que la réalité n'est pas indépendante de son élaboration dans le discours permet d'établir une ontologie dont les conditions de possibilité demandent à être explicitées autant qu'il est possible, même si le constructivisme ne peut être absolu sous peine de faire de la réalité une fiction. Entre la constitution intégrale et la croyance au réel immédiat, il n'y a de réalité qu'à l'intersection du monde et du logos.
Raynald Belay
Notes bibliographiques
* Cassirer, E., La philosophie des formes symboliques, Minuit, Paris, 1972.
* Descartes, R., Méditations métaphysiques, PUF, Paris, 1992.
* Fichte, J. G., Doctrines de la science (1801-1802), Vrin, Paris, 1987.
* Goodman, N., Manières de faire des mondes, J. Chambon, Paris, 1992.
* Kant, E., Critique de la raison pure, PUF, Paris, 2001.
* Ricœur, P., le Conflit des interprétations, Du verbe à l'action, Seuil, Paris, 1970.
→ apparence, concept, herméneutique, ontologie, phénomène
Psychanalyse
« Dans le monde des névroses, c'est la réalité psychique qui joue le rôle dominant »(1), aussi le névrosé « doit avoir, en quelque façon, raison »(2), dans ses symptômes et ses fantasmes. Reconnaître la « réalité psychique », différente de la réalité matérielle, fonde la psychanalyse comme discipline scientifique autonome.
Abandonnant la théorie de la séduction, Freud reconnaît que « dans l'inconscient il n'y a pas d'indice de réalité, de sorte qu'on ne peut différencier la vérité de la fiction investie d'affect » (lettre à W. Fliess du 21 septembre 1897)(3) : il existe une réalité psychique, dont l'efficience est spécifique. Néanmoins, réalités psychique et extérieure sont co-construites, dans la phylo- et l'ontogenèse, ainsi y a-t-il une ambiguïté intrinsèque de la « réalité ».
Le moi, cependant, « est la partie du ça modifiée sous l'influence directe du monde extérieur »(4) ; de même, le moi-plaisir se transforme en moi-réalité, l'épreuve de réalité modifiant le principe de plaisir en principe de réalité, par l'élaboration de séparations : « On reconnaît [...] comme condition pour la mise en place de l'épreuve de réalité que des objets aient été perdus qui autrefois avaient apporté une satisfaction réelle (real) »(5).
Selon Freud, la réalité psychique, inconsciente, n'est ni plus ni moins inconnaissable que la réalité du monde extérieur, puisque la conscience appréhende l'une et l'autre dans la méconnaissance qui lui est inhérente, et dans les limites et les formes que l'usage de la langue lui impose. Dénommant « réel » ce qui échappe à l'ordre symbolique, Lacan construit une autre perspective, où la réalité psychique s'identifie presque à celle de la langue.
Mazarine Pingeot et Michèle Porte
Notes bibliographiques
* Freud, S., Vorlesungen zur Einführung in die Psychoanalyse (1916-1917), G.W. XI, trad. « Introduction à la psychanalyse », Payot, Paris, 2001, p. 347.
* Freud, S., « Trauer und Melancholie » (1915), G.W. X, trad. « Deuil et mélancolie », in Métapsychologie, OCP XIII, PUF, Paris, 1988, p. 264.
* Freud, S., Briefe an Wilhelm Fliess (1887-1904). Ungekürzte Ausgabe. Herausgegeben von Jeffrey Moussaieff Masson.
* Deutsche Fassung von Michael Schröter, S. Fischer, Francfort, 1986, p. 284.
* Freud, S., « Das Ich und das Es, trad. le Moi et le ça », in Essais de psychanalyse, Payot, Paris, 2001, p. 237.
* Freud, S., « Die Verneinung » (1925), G.W. XIV, trad. « la Dénégation », in Résultats, idées, problèmes II, PUF, Paris, 2002, p. 138.
DOCUMENT larousse.fr LIEN
|
|
|
|
|
|
|
QU’EST-CE QUE LA DÉMARCHE SCIENTIFIQUE ? |
|
|
|
|
|
Pour comprendre et expliquer le réel en physique, chimie, sciences de la vie et de la Terre, les scientifiques utilisent une méthode appelée la démarche scientifique. Quels sont ses grands principes ? Quels outils sont utilisés pour mettre en place des raisonnements logiques ? Découvrez l’essentiel sur la démarche scientifique.
QU’EST-CE QUE LA DÉMARCHE SCIENTIFIQUE ?
La démarche scientifique est la méthode utilisée par les scientifiques pour parvenir à comprendre et à expliquer le monde qui nous entoure. De façon simplificatrice, elle se déroule en plusieurs étapes : à partir de l’observation d’un phénomène et de la formulation d’une problématique, différentes hypothèses vont être émises, testées puis infirmées ou confirmées ; à partir de cette confirmation se construit un modèle ou théorie. L’observation et l’expérimentation sont des moyens pour tester les différentes hypothèses émises.
L’évolution de la démarche scientifique au fil du temps
De l’Antiquité à nos jours, les moyens d’investigation sur le monde ont évolué pour aboutir à une démarche dont les fondements sont communs à toutes les sciences de la nature (physique, chimie, sciences de la vie et de la Terre).
Dès l’Antiquité, Hippocrate, médecin grec, apporte de la nouveauté dans son traité « Le pronostic », qui détaille, pour la première fois, un protocole pour diagnostiquer les patients. Ce texte est l’une des premières démarches scientifiques.
Le XVIIe siècle est l’âge d’or des instruments et désormais l'expérience est au cœur de la pratique scientifique : on parle de Révolution scientifique. En plus des observations, les hypothèses peuvent aussi être testées par l’expérience. Par ailleurs, l’invention d’instruments tels que le microscope donne la possibilité aux scientifiques d’observer des éléments jusqu’alors invisibles à l'œil nu, comme les cellules, découvertes par Robert Hooke en 1665.
A partir du XXe siècle, la science se fait de manière collective. Les études scientifiques sont soumises au jugement des « pairs », c’est-à-dire à d’autres scientifiques et toutes les expériences doivent être détaillées pour être reproductibles par d’autres équipes. En contrepartie, la publication dans des revues internationales, et sur Internet dès les années 1990, permet aux chercheurs du monde entier d’accroître la notoriété de leurs idées et facilite l'accès aux sciences pour le grand public. Mais avec l'arrivée de l'informatique, il n'y a pas que la communication qui change, la méthode scientifique aussi se transforme. Il devient plus simple de trier de grands nombres de données et de construire des études statistiques. Il faut cependant faire attention à sélectionner les critères pertinents, car les progrès technologiques apportent aux chercheurs d’immenses quantités d’informations, appelées big data.
LES DIFFÉRENTES ÉTAPES DE LA DÉMARCHE SCIENTIFIQUE
Observation et formulation d’une problématique
A la base de toute démarche scientifique, il y a au départ une observation d’un phénomène et la formulation d’une problématique.
Par exemple, depuis l’Antiquité, certains savants sont convaincus que la Terre est immobile au centre de l’Univers et que le Soleil tourne autour d’elle : c’est l’hypothèse du géocentrisme. Elle est émise car à l’époque, toutes les observations se faisaient à l’œil nu. Vu depuis la Terre, le Soleil peut donner l’impression de tourner autour de nous car il se lève sur l’horizon Est et se couche sur l’horizon Ouest. Cependant, ce n’était qu’une intuition car à ce stade, aucune véritable démarche scientifique n’est engagée.
Plus tard, quand les astronomes ont observé le mouvement des planètes, ils ont vu que le déplacement de certaines planètes forme parfois une boucle dans le ciel, ce qui est incompatible avec un mouvement strictement circulaire autour de la Terre. Le problème fut résolu en complexifiant le modèle : une planète se déplace sur un cercle dont le centre se déplace sur un cercle. C’est la théorie des épicycles.
Les hypothèses et la construction d’un modèle
Une nouvelle hypothèse fut émise par Nicolas Copernic au XVe siècle. Selon lui, le Soleil est au centre de l’Univers et toutes les planètes, dont la Terre, tournent autour de lui. On appelle cette hypothèse « l’héliocentrisme ». Ce modèle rend naturellement compte des rétrogradations planétaires mais possède quand même des épicycles pour décrire leurs mouvements avec plus de précisions.
Durant l’hiver 1609-1610, Galilée pointe sa lunette vers le ciel et découvre les phases de Vénus et des satellites qui tournent autour de la planète Jupiter. Ses observations l’incitent à invalider l’hypothèse géocentrique et à adhérer à l’héliocentrisme.
Petit à petit, cette méthode est devenue générale. Une hypothèse reste considérée comme valide tant qu’aucune observation ou expérience ne vient montrer qu’elle est fausse. Plus elle résiste à l’épreuve du temps, plus elle s’impose comme une description correcte du monde. Cependant, il suffit d’une seule observation contraire pour que l’hypothèse s’effondre, et dans ce cas, c’est définitif. Il faut alors changer d’hypothèse.
Reste que l’héliocentrisme de Copernic s’est d’abord imposé par la qualité des éphémérides planétaires qui en étaient tirées plus que par la force de son hypothèse, certes plus pratique que l’hypothèse géocentrique mais pas confirmée directement. Pour cela, il fallut encore attendre quelques années, le temps que la qualité des instruments d’observation progresse.
L’observation et l’expérimentation
Si la Terre est animée d’un mouvement autour du Soleil alors on devrait constater un effet de parallaxe, c’est-à-dire de variation des positions relatives des étoiles au fil de l’année. L’absence d’une parallaxe mesurable était utilisée contre l’héliocentrisme. C’est en cherchant à mesurer la parallaxe des étoiles que l’astronome anglais James Bradley découvrit en 1727 un autre effet, l’aberration des étoiles, dont il montra qu’elle ne pouvait provenir que de la révolution de la Terre autour du Soleil. La première mesure de parallaxe, due à l’astronome Friedrich Bessel en 1838, vient clore le débat.
Le mouvement de rotation de la Terre ne fut prouvé que plus tard. En 1851 le physicien Léon Foucault mène une expérience publique spectaculaire : un grand pendule est accroché à la voûte du Panthéon de Paris et la lente révolution de son plan d’oscillation révèle la rotation de la Terre sur elle-même.
On trouve là une autre caractéristique de la démarche scientifique. Une fois le modèle mis au point en s’appuyant sur des observations qui le justifient, il faut en tirer des prédictions, c’est-à-dire des conséquences encore non observées du modèle. Cela permet de mener de nouvelles observations ou de bâtir de nouvelles expériences pour aller tester ces prédictions. Si elles sont fausses, le modèle qui leur a donné naissance est inadéquat et doit être réformé ou oublié. Si elles sont justes, le modèle en sort renforcé car il est à la fois descriptif et prédictif.
La communication
Aujourd’hui, la « revue par les pairs » permet de contrôler la démarche scientifique d’une nouvelle découverte, par un collège de scientifiques indépendants. Si les observations et expérimentations vont dans le même sens et qu’elles ne se contredisent pas, la proposition est déclarée apte à être publiée dans une revue scientifique.
QUELS OUTILS POUR DÉCRYPTER LA SCIENCE ?
La démarche scientifique repose sur la construction d’un raisonnement logique et argumenté. Elle utilise les bases de la logique formelle : l’induction et la déduction.
L’induction
L’induction cherche à établir une loi générale en se fondant sur l’observation d’un ensemble de faits particuliers (échantillon).
L'induction est par exemple utilisée en biologie. Ainsi, pour étudier des cellules dans un organisme, il est impossible de les observer toutes, car elles sont trop nombreuses. Les scientifiques en étudient un échantillon restreint, puis généralisent leurs observations à l’ensemble des cellules. Les scientifiques établissent alors des hypothèses et des modèles dont il faudra tester les prédictions par des observations et des expériences ultérieures.
La déduction
La déduction relie des propositions, dites prémisses, à une proposition, dite conclusion, en s’assurant que si les prémisses sont vraies, la conclusion l’est aussi.
Exemple classique de déduction : tous les hommes sont mortels, or Socrate est un homme donc Socrate est mortel.
La déduction est beaucoup utilisée en physique ou mathématiques, lors de la démonstration d’une loi ou d’un théorème.
Raisonnement du Modus Ponens et du Modus Tollens
Le Modus Ponens et le Modus Tollens sont utilisés par les scientifiques dans leurs raisonnements.
Le Modus Ponens est, en logique, le raisonnement qui affirme que si une proposition A implique une proposition B, alors si A est vraie, B est vraie.
Mais si une implication est vraie alors sa contraposée l’est également (même valeur de vérité selon les règles de la logique formelle). Cela signifie que « la négation de B implique la négation de A » (contraposée de « A implique B »).
Le Modus Tollens est le raisonnement suivant : si une proposition A implique une proposition B, constater que B est fausse permet d’affirmer que A est fausse.
Un exemple : On sait que tous les poissons respirent sous l'eau. Or le saumon est un poisson donc il respire sous l'eau (Modus Ponens). La proposition initiale peut être énoncée sous une autre proposition équivalente (contraposée) : si « je ne peux pas respirer sous l’eau, alors je ne suis pas un poisson ». Cela permet de construire le raisonnement suivant : tous les poissons respirent sous l’eau, or je ne respire pas sous l’eau, donc je ne suis pas un poisson (Modus Tollens).
Ces outils de logique formelle permettent de vérifier la cohérence logique d’un argument et de détecter les argumentations fautives. Grâce à ces outils et en gardant un bon esprit critique et en vérifiant l'origine des informations diffusées, on peut donc plus facilement repérer un discours non scientifique ou pseudo-scientifique.
Notions clés
* Une hypothèse est considérée comme valide aussi longtemps qu’aucune observation ou expérience ne vient montrer qu'elle est fausse.
* La démarche scientifique consiste à tester les hypothèses pour démontrer si elles sont fausses ou non et à conserver uniquement celles qui sont cohérentes avec toutes les observations et les expériences.
* La fausseté d’une hypothèse est certaine alors que sa validité scientifique est temporaire et soumise à l’évolution des connaissances.
DOCUMENT cea LIEN
|
|
|
|
|
|
|
HEGEL |
|
|
|
|
|
Georg Wilhelm Friedrich Hegel
LA VIE
En 1788, ses études secondaires achevées, le jeune Hegel quitte sa ville natale pour étudier la théologie à Tübingen. C'est l'époque de premières lectures de Kant, de Rousseau et des auteurs qui ont marqué le mouvement des « lumières » (Aufklärung), dans l'esprit moraliste et libéral duquel Hegel aborde les problèmes politiques alors au centre de ses réflexions : la tradition veut qu'en 1791, avec ses camarades de chambre Hölderlin et Schelling, Hegel ait planté un arbre de la liberté dans les environs de Tübingen.
Diplômé en théologie, il accepte en 1793 – plutôt que de s'engager dans une carrière pastorale – un poste de précepteur dans une famille de Berne, charge qu'il occupera trois ans. De cette période datent des réflexions religieuses dont témoignent divers fragments posthumes – une Vie de Jésus (1795), une Critique de l'idée de religion positive (1795-1796), un poème, Eleusis – dans lesquels transparaît une admiration nostalgique pour la culture grecque, sur laquelle se greffent diverses tentatives de concilier hellénisme et christianisme à partir du rapprochement des personnes de Socrate et du Christ. Des trois années suivantes (1797-1800), qu'il passe à Francfort, où il a accepté un nouveau préceptorat, datent un essai politique sur la Constitution du Würtemberg, un fragment sur l'Esprit du christianisme et son système et, première ébauche philosophique, le Fragment de système, en partie perdu.
L'héritage que la mort de son père vient de lui laisser lui permet à partir de 1801 de se consacrer entièrement à son activité philosophique. Il rejoint Schelling à Iéna et y fonde avec lui le Journal critique de philosophie (1802-1803), où paraît son premier écrit publié, la Différence des systèmes philosophiques de Fichte et de Schelling, que suivront l'Essence de la critique philosophique, la Philosophie et le sens commun, le Rapport du scepticisme et de la philosophie et Foi et savoir, tandis qu'il donne au Journal littéraire d'Erlangen des articles sur F. Bouterwek, J. F. C. Werneburg, R. F. W. Gerstäcker, etc. Il soutient en même temps, pour accéder à l'enseignement, une dissertation qui, sous le titre De orbitis planetarum, tente de justifier par une déduction a priori les lois de Kepler. De cette époque datent encore trois textes posthumes, un essai sur la Constitution de l'Allemagne, un autre sur le Droit naturel et la Logique d'Iéna, cours qu'il professa lorsque sa dissertation lui eut ouvert les portes de l'enseignement.
Après l'adhésion à la pensée de Fichte, ces années d'Iéna constituent ce que l'on pourrait appeler une période schellingienne, Hegel les passant en quelque sorte sous la tutelle de son ancien camarade de séminaire, dont il se borne le plus souvent à défendre la Naturphilosophie contre les critiques qu'une œuvre déjà abondante lui avait suscitées. Ce sera donc pour lui une manière de libération lorsqu'en 1803 Schelling quittera Iéna pour Würzburg, libération d'où naîtra la Phénoménologie de l'esprit, qui, achevée au soir de la bataille d'Iéna, paraît en 1807, contemporaine de l'écrasement de la Prusse par les armées napoléoniennes.
Après un séjour à Bamberg, où il s'occupe d'un journal (1807-1808), Hegel retrouve l'enseignement avec la direction du gymnase Saint-Gilles, à Nuremberg, qu'il conservera de 1808 à 1816. La matière de cet enseignement est publiée en 1812 dans la Propédeutique philosophique. De 1812 à 1816 suivront les trois volumes de la Science de la logique ; entre-temps, il s'était marié (1811).
C'est à Heidelberg, où il est nommé en 1816, que commence sa carrière universitaire proprement dite et qu'il pourra développer plus amplement son système, dont le plan est donné en 1817 dans l'Encyclopédie des sciences philosophiques. Nommé à la chaire de Berlin en 1818, il ne quittera plus ce poste, se consacrant au développement de sa pensée dans des cours dont le succès ne cesse de croître, et, hors des Principes de la philosophie du droit (1821), il ne fera plus rien paraître que quelques articles dans les Annales de critique scientifique, qu'il fonde en 1827. Son dernier écrit, Sur le Reform bill anglais, est une mise en garde contre le réformisme libéral, inspirée par les craintes que la révolution de Juillet avait fait naître. Il meurt le 14 novembre 1831, à Berlin, emporté par l'épidémie de choléra.
L'ŒUVRE
À la fin de la vie de Hegel, son enseignement, devenu à peu de chose près philosophie officielle de la Prusse, avait atteint un vaste public devant lequel se poursuivait le développement scolastique et monotone des différentes sections du système. Il fallut la publication posthume des écrits de jeunesse pour réanimer cet édifice impassible que les querelles d'héritage entre gauche et droite hégéliennes n'étaient pas parvenues à troubler. Cette seconde jeunesse, en effet, déchirait la figure du penseur entre deux visages antithétiques, l'un académique et conservateur, l'autre romantique et révolutionnaire, et bientôt l'œuvre se voyait assigner, selon les commentateurs, trois centres : les écrits théologiques de jeunesse, le système lui-même, la Phénoménologie de l'esprit, œuvre où s'effectue leur articulation.
LES PREMIERS ÉCRITS (1793-1807)
Les années de « formation » (Bildung) de Hegel sont marquées par de nombreuses lectures, une attention inquiète aux problèmes de l'époque et la confrontation constante de ceux-ci avec celles-là. Trois moments scandent cette période, dominée par l'expérience douloureuse d'une contradiction opposant la culture et la vie de l'époque, expérience qui sera retracée en des termes encore historiques ou religieux plutôt que proprement philosophiques.
Hegel semble d'abord adhérer à un rationalisme moralisant hérité de l'Aufklärung, puis de Kant, mais qui se situe sous l'influence plus directe de Fichte.
Un revirement se dessine vite, et le moralisme est dénoncé pour ce qu'il a d'autoritaire et d'abstrait : le devoir, en effet, commande, et il le fait au nom d'une loi qui, issue de la raison, ignore la réalité. Au « devoir-être » (Sollen), dont le culte définira plus tard la « belle âme », il faut donc opposer cette réalité et, contre les généralités formelles et abstraites issues de la raison, se soumettre au fait concret et individuel. D'où les études sur la religion « positive », religion née d'un événement historique réel et non pas déduite par la raison, qui, de ce fait, la récuse, virant à la libre pensée, voire à l'athéisme. Il y a donc opposition entre expérience religieuse et philosophie : « Dieu, dit alors Hegel, ne peut être enseigné, ne peut être appris, car il est vie et ne peut être saisi que par la vie. » Remplaçant par la spontanéité de l'amour (le Christ) le légalisme des rapports de droit et de devoir (Abraham, Kant), plaidant pour l'inconscient contre la réflexion, Hegel se joint à Schelling et au romantisme dans l'exécration de l'Aufklärung.
Mais l'inconscient est exclusion, et bientôt Hegel va pousser sa recherche de la totalité jusqu'au point où il devra se séparer de Schelling. En ce point, qu'il baptise notion, s'opère, réalisant l'universel concret, l'union du concept et de la vie. En lui la raison, unie à l'amour, saura enfin accueillir ce que les Aufklärer lui avaient fait rejeter : le cœur, la diversité, les mystères religieux.
Si la tentative kantienne puis fichtéenne d'échapper au dualisme du sujet et de l'objet était louable, elle avorte parce qu'elle consent à le faire au prix de l'abandon d'un de ses termes, l'objet. Mais le dépassement de la philosophie de la subjectivité en une philosophie de l'identité n'est pas suffisant : Schelling n'échappe au dualisme que par la confusion de ses termes. Le véritable monisme exige au contraire que soient conservés les termes antinomiques qui, au lieu d'en constituer les impasses, sont maintenant les ressorts de la raison. Ce mouvement où apparaît le geste dialectique hégélien de l'Aufhebung (qui dépasse en conservant) va rendre de nouveau possible la philosophie, en tant que science de cet absolu auquel l'Aufklärung (relativiste et sceptique) avait renoncé. Cette philosophie, animée par les antinomies, pourra opérer la réconciliation de la culture et de la vie, du constat de séparation desquelles elle était sortie.
LES LIVRES
LA PHÉNOMÉNOLOGIE DE L'ESPRIT (PHANOMENOLOGIE DES GEISTES).
Ce premier livre, à la rédaction duquel Hegel s'est mis si brusquement qu'il en donnera les chapitres à l'imprimeur, morceau par morceau, au fur et à mesure de leur rédaction, pose plusieurs problèmes à ses commentateurs, comme il n'a d'ailleurs pas cessé de le faire à son auteur lui-même. Quand celui-ci s'est mis au travail, il pensait écrire une « introduction », qui s'est déjà transformée, à la publication, en « première partie du système de la science ». Or, la seconde édition, préparée par Hegel à la veille de sa mort, supprime cette précision. Entre-temps, en effet, la Phénoménologie de l'esprit était devenue une simple rubrique du système (3.1.2.). Mais, dans ce déplacement de l'extérieur, puis du seuil à l'intérieur du système, elle sera amputée de trois chapitres qu'elle développait initialement : rattachée à l'esprit subjectif, elle abandonnera ceux qui traitaient de l'esprit, de la religion et du savoir absolu, qui seront alors répartis entre l'esprit objectif et l'esprit absolu. Ces difficultés que rencontre la localisation de la phénoménologie dans l'ensemble de la pensée hégélienne situent ce qui est sans doute la difficulté majeure de cette dernière : la conciliation de l'exigence de dépassement continu impliquée par une philosophie qui identifie la vie de l'esprit au devenir historique avec l'exigence de clôture, dont on ne voit pas comment ce qui se présente comme système achevé du savoir absolu pourrait l'éviter.
La Phénoménologie est le récit de ce que l'on pourrait appeler la « vocation philosophique » de la conscience ; elle retrace les différentes étapes d'une éducation qui la fait passer de l'état initial de conscience empirique limitée à la pure sensation à l'état final de détentrice du savoir absolu. Éducation qui permettra à la conscience individuelle de devenir, en tant que conscience de soi, conscience de l'esprit de son temps grâce à la médiation des moments de l'histoire universelle et du monde culturel au sein desquels elle se développe. Éducation qui de surcroît aura été celle-là même de Hegel, qui, depuis son enfance, est passé par les déchirements de la conscience malheureuse, ceux de la belle âme, etc., avant la réconciliation finale que son propre système réalise en tant qu'il serait le savoir absolu. Le livre se développe ainsi sur un triple plan : (a) itinéraire « autobiographique » de son auteur lui-même, il se propose (au lecteur) comme (b) un itinéraire type permettant l'accession d'une conscience empirique au savoir absolu, dans la mesure où (c) il est l'itinéraire de l'esprit objectif lui-même dans le cours historique du monde.
Toutefois, ce dernier plan est encore estompé : la Phénoménologie décrit le devenir de la conscience individuelle et ne peut en aucun cas être confondue avec une philosophie de l'histoire.
La conscience est le premier moment. Successivement conscience sensible, puis perceptive, entendement enfin, elle se caractérise par une passivité devant l'objet de qui elle attend la vérité : elle croit connaître autre chose qu'elle-même, mais ne rencontre en fait jamais qu'elle-même. Cette identité de l'objet et du sujet constitue le second moment, la conscience de soi, qui toutefois ne la pose plus sur le mode théorique mais la vit activement dans la dialectique du désir (le besoin qui conduit à l'assimilation de l'objet par le sujet qui s'en nourrit), puis passe à la lutte pour la reconnaissance des consciences de soi individuelles en tant que libres, laquelle aboutit aux rapports de domination et de servitude, et au désir d'une conscience de soi universelle. La raison est cet élément où se réconcilient singulier et universel. D'abord, avec la raison observante, la conscience découvre la raison comme réalité objective dans le monde, comme chose. Avec la raison active, elle veut comme sujet se retrouver elle-même dans l'être, et conduit au donquichottisme qui espère réaliser les désirs de son cœur malgré l'ordre du monde. L'individualité réelle en soi et pour soi, au contraire, ne place pas son but hors du monde (il est bien plutôt de s'y réaliser en utilisant ses lois au lieu de les détruire). Cette réconciliation de la conscience individuelle et de son Autre inaugure la seconde partie de la Phénoménologie ; la seule, remarque J. Hyppolite, à porter effectivement sur « l'esprit » au sens hégélien du terme, puisque jusqu'ici il n'a encore été question que de la conscience. L'esprit sera d'abord esprit vrai (objectif) dans la cité antique, travaillée par le conflit de deux lois : la loi humaine, ou civile, et la loi divine, ou familiale (cf. Antigone). Conflit qui, accentué avec le christianisme, aboutira à l'opposition de deux mondes (celui de la foi et celui de la science) jusqu'à ce que la Révolution française fasse régner de nouveau une loi unique : « Le ciel est descendu sur la terre. » Mais l'opposition se déplace et, au lieu d'être celle de deux lois, devient opposition à l'objectivité de la loi elle-même avec le moralisme de la « belle âme ». Pour elle, l'esprit n'est pas objet, mais sujet, il ne s'incarne donc pas dans l'État mais dans la religion, en attendant que la Philosophie réalise avec l'esprit absolu la synthèse de l'esprit objectif et de l'esprit subjectif.
LA SCIENCE DE LA LOGIQUE (WISSENSCHAFT DER LOGIK).
La Phénoménologie est la science pédagogique qui trace à la conscience le chemin du savoir absolu, science des moments nécessaires à la production de la vérité. La Logique est la science du vrai lui-même : non plus genèse, mais développement du savoir absolu.
La logique est la science de l'idée, et, comme l'idée est la réalité suprême, la logique tient lieu de ce qu'on désignait traditionnellement comme métaphysique. Elle se divise en deux parties : d'une part, la logique objective, qui se subdivise à son tour en logique du concept en tant qu'être (ontologie) et logique du concept en tant qu'essence (où l'être ne se borne plus à simplement être, mais apparaît, sans toutefois encore s'apparaître à soi-même) ; d'autre part, la logique subjective, ou logique du concept en tant que concept, c'est-à-dire en tant que sujet.
Le développement de la logique commence avec l'être pur : l'être qui n'est qu'être et rien d'autre, ne recevant aucune détermination supplémentaire. L'être n'est donc pur qu'à la condition de n'être rien, en quoi il s'identifie à son contraire, le rien ou néant. Toutefois cette identité reste indéterminée tant que n'a pas été posée, avec le devenir, la différence des termes en question. C'est donc le devenir qui permet à l'être de se déterminer en une existence particulière comme être-là (Dasein), de recevoir une qualité qui le définit et le limite. Mais cette limite est en même temps position d'un autre être-là, d'un autre côté de la limite, d'une in-finitude… Ainsi se poursuit (jusqu'à la mesure qui l'achève) la théorie de l'être.
L'essence est le produit des opérations de l'entendement sur l'être par la médiation desquelles l'existence trouve un fondement qui permettra à l'essence d'apparaître, cette apparence (phénomène) ne s'opposant pas à l'essence, mais au contraire en constituant la réalisation.
Immédiateté de l'être et médiateté de l'essence sont reprises et conciliées dans le concept, qui est en soi et pour soi : concept subjectif, il correspond à la logique traditionnelle (concept, jugement, syllogisme) ; concept objectif, il étudie le mécanisme (action externe des objets les uns sur les autres), le chimisme et la téléologie (où la détermination externe est remplacée par l'autodétermination : les objets réalisent le concept dont ils sont porteurs) ; idée, enfin (ou vérité en et pour soi), il est d'abord vie (idée objective et immédiate), puis connaissance (idée subjective), enfin idée absolue sur laquelle se referme le cercle de la logique, car on est revenu à l'être, mais développé dans la totalité de ses moments en une science systématique : la logique elle-même. Science il est vrai qui n'est encore que celle du concept en et pour soi (du concept « divin », dit Hegel), dont la philosophie de la nature développera l'aliénation dans l'extériorité du monde, et la philosophie de l'esprit son retour en soi avec la réalisation de l'esprit absolu par l'humanité.
REMARQUE : le système hégélien n'a pas été développé intégralement. Des cinq livres publiés par Hegel, le premier (Phénoménologie) en est l'introduction, les deuxième et quatrième (Propédeutique et Encyclopédie [Philosophische Propädeutik et Enzyclopädie der philosophischen Wissenschaften im Grundrisse]) de simples résumés scolaires, les troisième et cinquième (Logique et Philosophie du droit) n'en développant que des secteurs particuliers.
LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE DU DROIT (GRUNDLINIEN DER PHILOSOPHIE DES RECHTS).
Ils développent, dans la philosophie de l'esprit, la section consacrée à l'esprit objectif, et se situent donc entre l'esprit subjectif et l'esprit absolu.
Le développement de la philosophie de la nature s'était achevé avec la vie animale, qui fait apparaître une intériorité au sein de l'extériorité naturelle elle-même (la nature est l'aliénation de l'idée dans l'extériorité matérielle). Ainsi s'effectue le passage à l'esprit qui, dans son premier moment, l'esprit subjectif (qui n'existe que pour soi), se définit successivement comme âme, conscience, puis sujet spirituel. L'âme est l'esprit immédiat soumis aux déterminations naturelles (géographiques, raciales, etc.). L'esprit immédiat est le « sommeil de l'esprit » dont la phénoménologie décrit le réveil à travers les différentes structures de la conscience, alors que la psychologie étudie les activités du sujet qui culminent et s'unifient avec la volonté libre. L'esprit objectif (qui est en soi) apparaît à ce point.
La préface des Principes soutient que le droit est le lieu où se réalise l'être en soi objectif de l'esprit, et que c'est donc là qu'il faut le rechercher si on désire le connaître au lieu de le dépasser en rêvant un état aussi irréel que subjectif.
L'esprit objectif se divise en trois moments : droit abstrait, Moralität ou moralité subjective, Sittlichkeit ou moralité objective incarnée dans les coutumes et les pratiques d'un peuple.
Le droit abstrait correspond à un formalisme juridique comparable à ce que les théoriciens de l'Aufklärung avaient développé sous le titre du droit naturel. C'est le droit de la personne définie par ses propriétés, donc par ce qui n'est pas elle, ces propriétés elles-mêmes étant garanties par un contrat, par la transformation d'une volonté particulière en volonté commune. Mais la volonté particulière reste dans sa nature différente de la volonté commune, alors même que, dans le contrat, elles coïncident, et, leur coïncidence dépendant de la seule volonté individuelle, la possibilité de l'injustice (de leur non-coïncidence) est une implication originelle du formalisme juridique.
La moralité subjective est celle du sujet qui ne reconnaît d'autre droit que celui dont il est l'origine. Mais, pour réaliser ses projets, il doit les exposer à des interférences étrangères qui l'amèneront, n'y retrouvant plus ses intentions, à refuser la responsabilité de leurs conséquences. Elle est conduite de la sorte aux antinomies de l'intention et de l'action, des fins et des moyens. Antinomies qui ont leur source dans le caractère abstrait et vide de la certitude morale, à la seule autorité subjective de laquelle elle se confie.
Le premier moment de la moralité objective est la famille, où domine l'élément naturel (sexualité) et qui est appelée à se nier elle-même par l'émancipation des enfants. Ceux-ci, devenus à leur tour des individus, entrent dans la société civile (bürgerliche Gesellschaft), où chaque personne poursuit la satisfaction de ses besoins propres dans le cadre de la division du travail. Mais cet atomisme utilitariste est surmonté dans l'État, qui n'est pourtant pas une limite pour la volonté individuelle, car celle-ci ne se réalise vraiment qu'en faisant de lui son but substantiel. Entre les États indépendants, les rapports sont condamnés à rester ceux de volontés particulières ; en cas de conflit, l'invocation d'un droit international ne saurait être qu'un des vœux pieux du moralisme subjectif, leur règlement reposant en réalité sur la décision des armes : au « tribunal du monde » qu'est l'histoire, la guerre est en effet pour les nations la seule forme de procès, du verdict duquel découlera leur contribution à l'histoire universelle. Mais cette violence n'est que la ruse dont la raison se sert pour donner dans le monde une réalité à l'esprit.
LES COURS
INTRODUCTION
Ils ont été publiés en quatre séries : Vorlesungen über die Philosophie der Geschichte (Leçons sur la philosophie de l'histoire, publiées en 1837, complétées en 1840) ; Vorlesungen über die Aesthetik (Leçons sur l'esthétique, 1835-1838) ; Vorlesungen über die Geschichte der Philosophie (Leçons sur l'histoire de la philosophie, 1833-1836) ; Vorlesungen über die Philosophie der Religion (Leçons sur la philosophie de la religion, 1832). Leur contenu peut sommairement se formuler de la façon suivante.
LA PHILOSOPHIE DE L'HISTOIRE
Dans l'histoire universelle la raison en tant que volonté libre devient consciente d'elle-même. Cette conscience de soi se réalise par la médiation des traces que l'activité humaine dépose sur le sol terrestre (œuvres de l'art, temples des religions…). Est historique tout fait dont l'objectivation en tant que trace se destine à une lecture qui le fera entrer dans la mémoire commune de l'humanité. D'où la distinction de trois mondes : l'Afrique (où règne encore l'âme naturelle, nuit et sommeil de la conscience), l'Asie (Orient : matin de l'histoire), l'Europe (pays de la lumière, non pas celle extérieure du Soleil, mais la lumière intérieure et active de l'esprit occidental au travail).
Si l'Afrique est non historique, dans le monde asiatique, l'histoire ne fait encore que naître. Lui-même se subdivise en trois empires : la Chine et l'Inde (immobiles, elles restent aujourd'hui ce qu'elles étaient il y a des millénaires) ; la Perse, premier empire historique parce que « premier qui ait disparu » : un peuple qui meurt a plus de valeur historique qu'un peuple qui dure.
À l'histoire statique des despotismes orientaux, dont le caractère abstrait écrase toute individualité, le monde européen oppose d'abord l'Empire grec, qui a l'individualité pour principe substantiel et la réalise dans la démocratie. Les individualités s'épanouiront dans leur diversité (variété des cités, éparpillement géographique des îles, etc.), qui, devenue principe de division et de rivalités, les livrera à la conquête romaine.
L'Empire romain rassemble sous sa domination universelle tous les peuples particuliers. À l'individu concret succède alors la personnalité juridique. La destruction viendra ici de l'opposition de la subjectivité et de l'État qu'introduira le christianisme.
C'est l'Empire germanique qui prend pour principe les valeurs chrétiennes. Il réalisera dans la Réforme la réconciliation vivante de la conscience subjective et de la moralité objective : le protestantisme seul peut assumer le rôle de religion d'État dans le monde moderne et résorber le conflit, propre aux nations latines et à la religion romaine, de l'individu et de la collectivité.
L'ESTHÉTIQUE
L'esprit absolu succède à l'esprit objectif. Son premier moment est l'art, objet de l'esthétique. Activité par laquelle l'homme spiritualise la nature en n'en retenant que le caractéristique et l'essentiel, l'art réalise le Beau, qui ne saurait donc exister en dehors de lui. Production d'un esprit que définit le pouvoir de réfléchir sur ses propres opérations, l'art est susceptible d'une étude scientifique. Toutefois, il produit des œuvres dont la définition veut qu'elles revêtent une apparence sensible (formes, couleurs, sons, etc.) ; il n'est donc que le premier moment de l'esprit absolu, dont le second, la religion, renoncera à l'extériorité sensible de l'œuvre ; la philosophie (qui en est le troisième) retrouvera bien l'objectivité de l'œuvre d'art, mais dépouillée dans le savoir conceptuel de toute apparence sensible. L'histoire de l'art retrace la domination progressive du spirituel sur l'élément sensible et matériel, jusqu'à l'élimination totale de ce dernier, donc la fin de l'art qui « pour nous, dit effectivement Hegel, est désormais chose du passé ». Quand l'oiseau de Minerve prend son vol, quand la philosophie se tourne vers l'art, c'est qu'il a fait son temps : à la présence vivante de l'art son concept a succédé.
L'idéal du Beau se présente successivement comme symbolique, classique et romantique. L'art symbolique caractérise les productions des premières époques historiques (Orient) et témoigne, en cette enfance, d'une inadéquation, d'un conflit du sens spirituel de l'œuvre et de son support matériel encore écrasant. L'art classique, qui s'épanouit dans le monde grec, réalise l'équilibre parfait de la matérialité et de la spiritualité, avec l'apothéose de la plus spirituelle des formes naturelles : le corps humain. L'art romantique, lié au christianisme, tend vers l'élimination de la part sensible, l'amincissement du contenu de l'œuvre.
Selon le « poids » de matière impliqué dans sa mise en œuvre, un art différent dominera chacune de ces périodes. L'art symbolique par excellence sera ainsi l'architecture, l'art classique la sculpture, et les arts romantiques la peinture, la musique et la poésie, selon un ordre de matérialité décroissante (si le son est pur dans la musique, dans la poésie, devenu langage, il doit déjà s'accompagner d'un sens, avant de n'être dans la prose philosophique qu'un simple outil extérieur de la pensée).
LA PHILOSOPHIE DE LA RELIGION
L'esthétique était l'aboutissement de l'art, la philosophie de la religion sera celui de la religion. La notion générale de la religion la définit comme une connaissance par laquelle l'homme s'élève au-dessus du monde fini auquel se bornent la sensation, la perception et l'entendement : son objet (Dieu) est l'infini. Mais si l'entendement ne l'atteint pas, ce n'est pas qu'il soit inconnaissable, que foi et savoir s'opposent. Au contraire, la tâche de la philosophie est de les réconcilier. Entre philosophie et religion, en effet, les différences ne sont que formelles : la religion est destinée à tous les hommes, alors que la philosophie n'est praticable que par une minorité ; d'autre part, la religion se contente de se représenter Dieu, alors que la philosophie en saisit le concept.
Hegel définit les religions déterminées par l'inadéquation de l'idée de Dieu et de la représentation limitée qu'elles en donnent ; ce sont d'abord les religions de la nature, qui posent Dieu comme un en-soi objectif (fétichisme, taoïsme, brahmanisme…), puis les religions de l'individualité subjective, qui en font un pur sujet (judaïsme, polythéisme grec, finalisme romain). Seule la religion absolue, la religion révélée (chrétienne), offre de Dieu une représentation adéquate à sa notion (l'Esprit comme sujet en soi et pour soi).
L'HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE
La religion a pour contenu la vérité telle qu'elle est pour les hommes ; la philosophie, la vérité telle qu'elle est pour elle-même. La Phénoménologie en décrit la progression jusqu'au système du savoir absolu, dans lequel « c'est l'idée éternelle, existant en et pour soi, qui se manifeste, s'engendre elle-même éternellement et jouit éternellement de soi comme esprit absolu ».
DOCUMENT larousse.fr LIEN |
|
|
|
|
Page : [ 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 ] - Suivante |
|
|
|
|
|
|