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Origine du langage

 


       

 

 

 

 

 

Origine du langage

36 langues


    Cet article concerne l'origine du langage dans l'évolution de l'espèce humaine. Pour le processus de développement du langage chez l'enfant, voir Acquisition du langage.
L’origine du langage humain a toujours suscité l’intérêt des penseurs. De nombreux mythes tendent à donner aux langues une origine surnaturelle. La Bible explique ainsi la multiplicité des langues par le mythe de la Tour de Babel, selon lequel la langue unique des origines aurait été divisée en une multitude de langues pour apporter la discorde entre les hommes et les empêcher de se concerter en vue d'une action commune.
Pour éviter les querelles stériles et les thèses farfelues, la Société de linguistique de Paris avait en 1865 informé ses membres dans ses règlements qu'elle ne recevrait plus « aucune communication concernant […] l'origine du langage »1. Aujourd'hui, le sujet est étudié scientifiquement dans le cadre de plusieurs disciplines, notamment en paléontologie, en psychologie, en biologie moléculaire et en linguistique historique.
L’histoire de l’évolution du langage humain est longue et étroitement liée au cerveau, mais ce qui fait que le cerveau humain soit le seul à être adapté au langage n’est pas clair. Les régions cérébrales impliquées dans le langage chez les humains ont leurs analogues chez les singes et les grands singes, pourtant ces derniers n’utilisent pas le langage. Il pourrait aussi y avoir une composante génétique : des mutations du gène de la protéine Forkhead-P2 empêchent les humains concernés de construire des phrases complètes2.
Selon John Maynard Smith et Eörs Szathmáry, le langage apparaît comme la plus récente des huit transitions majeures dans l’évolution de la vie, permettant l’émergence des sociétés humaines. Plus généralement, l’évolution de la communication permet l’émergence des différents niveaux de sociabilité.
Approche scientifique : objets et méthodes d'étude[modifier | modifier le code]
Le langage est très largement considéré comme strictement humain. C’est pourquoi l’approche comparative est privilégiée. Elle repose sur la recherche des points communs et différences entre les systèmes de communications non humains et le langage. L’absence de caractéristiques particulières chez les « langages non humains » est souvent retenue comme critère de singularité du langage humain. Or cette absence résulte peut-être d’une incapacité à détecter cette caractéristique chez le sujet d’étude. De plus, il n’est pas exclu que le fait d’étudier le langage en utilisant le langage introduise un biais.
Cependant, la comparaison de données peut aussi élargir la discussion (cf. le larynx descendu).
Aspects anthropologiques[modifier | modifier le code]
À partir de reconstructions de contours de pharynx, certains scientifiques américains, dont Lieberman (en) et Crelin (en), ont rejeté l'hypothèse de l'existence d'un langage articulé chez les prédécesseurs d’Homo sapiens3. Leur théorie, fondée sur la nécessité d'un larynx en position basse4 pour produire un langage articulé, est depuis infirmée : de nombreux mammifères produisent dans leurs signaux sonores des formants (ou fréquences de résonance) en mobilisant la partie haute de l'espace pharyngal ; des modélisations informatiques montrent que, même avec un larynx en position haute, les articulateurs (en) (langue, voile du palais, dents et lèvres) du tractus vocal ont un degré de liberté tel qu'il est possible de les coordonner afin de produire une large gamme de sons articulés ; certains fossiles de Néandertaliens montrent des larynx en position basse5.
Selon Perreault et Mathew6, le langage humain serait apparu il y a entre 350 000 et 150 000 ans chez Homo sapiens. Cette datation est estimée par la vitesse d’accumulation de phonèmes. L’étude des os, de la musculature cranio-faciale et des phénomènes culturels (sépultures) donne aussi des informations sur le moment de son apparition.
Aspects linguistiques et philosophiques[modifier | modifier le code]
Source7.
Le langage serait le propre de l'homme. Le langage s’appuie sur un vocabulaire dont les éléments en nombre fini peuvent se combiner d’une infinité de manières. De plus, ce vocabulaire n’est pas figé : tandis que certains des mots apparaissent, d’autres disparaissent ou voient leur sens changer. Ces deux caractéristiques du langage feraient de lui une faculté uniquement humaine. Le linguiste Emile Benveniste observe et interprète la danse des abeilles. Il en déduit que la différence entre la danse des abeilles et le langage humain réside dans le fait que la danse des abeilles n’est pas spontanée mais consiste en la réponse à un stimulus environnemental. De plus, la danse d’une abeille conduit les autres abeilles à avoir un comportement de butinage différent et non une réponse dansée. En outre il n’y a pas d’échange.
Enfin, le langage est indispensable au développement des caractéristiques essentielles de l’humanité (en particulier la pensée, la conscience réfléchie). On peut en effet penser aux enfants sauvages qui sont privés d’un développement intellectuel normal.
Théories de l'origine du langage[modifier | modifier le code]
Origine gestuelle[modifier | modifier le code]
La parole et la vocalisation auraient évolué à partir de la gestuelle chez l’être humain8. Cette hypothèse est soutenue par plusieurs arguments :
* les zones cérébrales qui contrôlent la production et le traitement du langage (aires de Broca et de Wernicke notamment), la main et le visage sont proches et interconnectées ;
* des neurones miroirs seraient impliqués dans la connexion de ces zones ;
* il y aurait un lien entre la latéralisation du langage et la préférence manuelle. Ce lien a récemment été remis en cause par le groupe d’imagerie neurofonctionnelle de Bordeaux9 ;
* dans les langues des signes, ce sont les mêmes aires qui sont mises en jeu ;
* lorsque l’on parle, on utilise aussi ses mains pour s’exprimer (par exemple lors d’un discours) ;
* pour s’exprimer, les enfants humains montrent du doigt.
Les chimpanzés qui produisent des sons visant à attirer le rassemblement montrent une activité dans des régions cérébrales très similaires à la région de Broca chez l’être humain10,11. Même les mouvements des mains et de la bouche sans émission de sons produisent des schémas d’activité cérébrale très similaires dans l’aire de Broca chez les singes et les humains12. Quand les singes voient d’autres singes en mouvement, les neurones miroirs de l’aire de Broca homologue s’activent. Des groupes de neurones miroirs sont spécialisés pour ne répondre qu’à un seul type d’action observée, et l’on pense actuellement que cela pourrait être une origine de l’évolution des neurones qui sont destinés au traitement et à la production de la parole13.
Le langage le plus ancien était strictement oral ; la lecture et l’écriture ne sont arrivées que bien plus tardivement14.
Grammaire universelle[modifier | modifier le code]
L’hypothèse du bioprogramme linguistique suggère que les humains ont une structure cognitive grammaticale innée leur permettant de développer et de comprendre le langage. Selon cette théorie, ce système est ancré dans la génétique humaine et étaye la grammaire de base de tous les langages12. Certaines preuves suggèrent qu’au moins une partie de nos capacités linguistiques serait contrôlée génétiquement. Des mutations du gène de la protéine Forkhead-P2 empêchent certains individus de transformer des mots et des sons en phrases2. Cependant, ces gènes sont présents dans le cœur, les poumons et le cerveau, et leur rôle n’est pas entièrement établi2.
Il est possible que la capacité grammaticale des humains ait évolué depuis des comportements non sémantiques comme le chant15. Les oiseaux ont la capacité de produire, traiter et apprendre des sons complexes, mais les unités d’un chant d’oiseaux, lorsqu’elles sont supprimées du sens large et du contexte de ce chant dans son ensemble, n’ont pas de sens inhérent. Des hominidés primitifs ont peut-être développé des capacités à but non sémantique similaires, qui se seraient transformés ensuite en langage symbolique16.
Ciment social[modifier | modifier le code]
En 1996, dans son ouvrage Grooming, Gossip and the Evolution of Language (en), le professeur de psychologie évolutionniste Robin Dunbar formule une hypothèse sur l'évolution du langage chez les humains. De la même manière que les primates non humains maintiennent leurs liens sociaux à l'aide de l'épouillage, les humains maintiennent un lien social par la conversation et le langage. Dunbar suggère que les humains, en évoluant, ont privilégié le langage à l'épouillage car la taille de leurs groupes était devenue trop importante. Le langage comme ciment social aurait pris moins de temps et permis à l'individu de faire plusieurs choses à la fois17. C'est la théorie du « Gossip ». Gossip en anglais veut dire « potin ». L'idée étant que même les petites conversations anecdotiques qui ne transmettent pas d'informations primordiales nécessaires à la survie sont importantes dans ce qu'elles créent du lien social.
Proto-langues[modifier | modifier le code]
Il est difficile d’envisager que le langage soit apparu d’un bloc. Certains soutiennent que le langage suit une évolution graduelle depuis un langage primitif. Les langues ne se fossilisant pas, il faut donc faire appel à des méthodes linguistiques pour reconstruire ce langage primitif et les langages intermédiaires (proto-langues). Deux hypothèses s'affrontent depuis le xixe siècle, celles de la monogénèse et de la polygénèse des langues.
Les travaux récents en anthropologie, en archéologie, en génétique et en linguistique suggèrent l'hypothèse d'une langue originelle commune18. En se basant sur des ressemblances lexicales, les linguistes avaient déjà pu établir depuis plus d'un siècle l'arbre généalogique approximatif de la grande famille de langues issues de l'indo-européen. En 2003, Russell D. Gray et Quentin Atkinson ont proposé d'appliquer à 2 449 termes provenant de 87 langues de cette famille de langues une méthode phylogénétique informatisée comme celle qu'utilise la biologie moléculaire pour construire des arbres généalogiques à partir de l'ADN19. Cette méthode prend comme unité de base non pas les lexèmes mais les phonèmes présents dans les différentes langues. Considérant que le nombre de phonèmes d'une langue augmente en fonction du nombre de locuteurs qui la parlent, mais diminue lorsqu'un sous-groupe émigre loin de la famille mère20, ils ont ainsi pu établir que l'expansion des langues indo-européennes correspond au développement de l'agriculture à partir du plateau anatolien entre 7 800 et 9 800 ans avant notre époque19. En 2011, Atkinson applique son modèle à un plus grand nombre de langues. Dans une base de 504 langues, il observe que certaines langues africaines comptent plus de 100 phonèmes, alors que le hawaïen, qui est la langue la plus éloignée du berceau africain, n'en compte que 13, contre 45 en anglais et 36 en français. Cette diminution de la diversité des phonèmes en fonction de la distance, comparable à celle qu'on observe dans les caractéristiques génétiques, impliquerait selon Atkinson que le langage humain aurait pris naissance dans le sud-ouest africain il y a entre 50 000 ans et 100 000 ans20,21.
Théorie du bébé à terre[modifier | modifier le code]
Selon la théorie du « bébé à terre » de Dean Falk, les interactions vocales entre les premières mères hominidées et leurs nourrissons auraient déclenché une séquence d'événements qui auraient finalement mené aux premiers mots de nos ancêtres22. L'idée fondamentale est que les premières mères humaines, contrairement à leurs homologues chez les autres primates, ne pouvaient pas se déplacer et se nourrir avec leurs nourrissons accrochés sur leur dos. La perte de fourrure a laissé les nourrissons sans aucun moyen de s'accrocher. Souvent, les mères ont alors dû mettre leurs bébés sur le sol. En conséquence, ces bébés devaient être rassurés. Les mères auraient répondu aux pleurs des bébés en développant un système communicatif dirigé par leur nourrisson englobant des expressions faciales, un langage corporel, le toucher, les tapotements et caresses, les rires, les chatouilles et les appels émotionnellement expressifs. Selon Dean Falk, la langue aurait pu apparaître de cette manière22.
Adaptations neurobiologiques favorables au langage[modifier | modifier le code]
Aires de Broca et de Wernicke[modifier | modifier le code]
Articles principaux : Aire de Broca et Aire de Wernicke.
Ce sont les régions du cerveau où le langage se situe – tout depuis la parole à la lecture et l’écriture23. Le langage est lui-même fondé sur des symboles utilisés pour représenter des concepts dans le monde, et ce système semble être stocké dans ces zones du cerveau. Les régions du langage dans les cerveaux humains ressemblent fortement aux régions similaires chez d’autres primates, même si les humains sont les seuls capables d’utiliser le langage14.
Les structures cérébrales des chimpanzés sont très similaires à celles des humains. Ces dernières possèdent toutes deux des homologues des aires de Broca et de Wernicke qui sont impliquées dans la communication. L’aire de Broca est en grande partie utilisée pour planifier et produire des sons chez les chimpanzés comme chez les humains. L’aire de Wernicke semble être l’endroit où les représentations linguistiques et les symboles sont affectés à des concepts spécifiques. Cette fonctionnalité est présente à la fois chez les chimpanzés et chez les humains ; l’aire de Wernicke du chimpanzé est bien plus similaire à son homologue humain que l’aire de Broca ne l’est au sien, ce qui suggère que l’aire de Wernicke évolue depuis plus longtemps que celle de Broca.

Neurones moteurs[modifier | modifier le code]
       

Afin de parler, le système respiratoire doit être volontairement détourné afin de produire des sons vocaux14. Ceci permet aux mécanismes respiratoires d’être temporairement désactivés afin de produire du chant ou de la parole. Le canal vocal a évolué pour être mieux adapté à la parole, avec un larynx plus bas, une inclinaison à 90° de la trachée, et une large langue arrondie24. Les neurones moteurs chez les oiseaux et les humains contournent les mécanismes de l’inconscient dans le tronc cérébral pour donner au cerveau un contrôle direct du larynx16.

Gène FOXP2[modifier | modifier le code]
Source8.   

Protein FOXP2 PDB 2a07    Ce gène code une protéine appartenant à la famille des régulateurs de transcriptions. Il a été mis en évidence chez la famille KE dont certains membres présentent des difficultés d’articulation et une incapacité à acquérir certaines règles de grammaire.
La protéine est impliquée dans le développement de structures cérébrales interconnectées et associées à l’activité motrice. C’est une protéine hautement conservée chez les oiseaux chanteurs et les mammifères.
Enfin, la dernière mutation importante aurait eu lieu il y a 200 000 à 100 000 ans chez l’ancêtre commun d’Homo sapiens et de l'Homme de Néandertal : cela coïncide avec l’estimation de l’apparition du langage articulé.

Le larynx descendu : caractère sexuel secondaire ou organe acoustique ?[modifier | modifier le code]
Le larynx chez l’humain adulte se trouve plus bas dans la gorge par rapport aux autres mammifères. Cela implique que l’homme ne peut pas respirer et déglutir en même temps.
Ces chercheurs ont vu dans cette contre-adaptation apparente un avantage pour la communication vocale. En effet, un larynx descendu présente des propriétés acoustiques supérieures, permettant une augmentation de la diversité des sons de voyelles25.
* En 2001, Fitch et Reby26 examinent aussi des données comparées. Ils remarquent que dans d’autres espèces de mammifères, les pressions de sélection actuelles favorisent un larynx descendu. Chez la biche rouge, le mâle possède un larynx descendu mais pas la femelle. On parle de dimorphisme d’un caractère sexuel secondaire. Un tel larynx permet de produire une vocalisation exagérément sonore par rapport à la taille de l’individu. Deux pressions de sélection peuvent alors entrer en jeu :        •    compétition pour une partenaire et préférence des femelles : la vocalisation exagérée apporterait un avantage dans la compétition directe entre les mâles reproducteurs (intimidation), car elle serait un signal honnête de bons gènes, ce qui lui donnerait la préférence des femelles ;
    •    prédation : ce caractère serait un signal honnête de non profitabilité de la proie ; en effet, la vocalisation produite suggère que l’animal est en bonne condition physique et donc difficile à capturer.    Chez l’homme, il existe aussi un dimorphisme : l’homme et la femme ont tous deux un larynx descendu, mais celui de l’homme subit des modifications à la puberté (seconde descente et apparition de la pomme d’Adam).
Cette analyse comparative relativise la théorie du larynx comme adaptation au langage humain.

Apparition du langage et moteurs de cette évolution[modifier | modifier le code]
Point de vue paléontologique[modifier | modifier le code]   
.    C’est l'Homo habilis, il y a plus de deux millions d’années, qui pourrait être le plus ancien préhumain à avoir employé un langage articulé27, ce qui ne signifie pas pour autant que cet hominidé ait usé d’un langage comparable au nôtre. On suppose la préexistence d’une proto-langue chantée par l'Homme de Néandertal (the singing Neanderthal28) qui, au niveau actuel des connaissances, ne possédait pas de syntaxe.
La morphologie du crâne d’Homo habilis, marquée par l’apparition d’une flexure antéropostérieure jusqu’alors absente chez les Australopithèques, conduisait en effet à l’expansion des zones cérébrales impliquées aujourd’hui dans le langage articulé. Par ailleurs, le redressement du crâne chez l'Homo habilis abaissait les voies aériennes supérieures, pharynx et larynx (d’où l’apparition d’une pomme d'Adam), ce qui était une condition nécessaire pour pouvoir moduler la vocalisation et augmentait la hauteur de la voûte du palais, permettant à la langue d’articuler une plus large gamme de sons. Apparues avec le genre Homo, ces caractéristiques allaient se renforcer nettement par la suite, notamment chez l’espèce Homo erectus : au-delà de la bipédie, il se serait agi en fait d’une adaptation à la course à pied pour permettre de mieux contrôler son souffle, en même temps que l’élargissement du thorax pour renforcer la respiration et, sans doute, la perte de la majeure partie des poils pour réguler la température corporelle pendant l’effort.
Il est possible que ces capacités physiologiques aient permis l’essor d’une communication orale à la complexité croissante, permettant aux populations de l’Homo habilis d’organiser leurs communautés en régulant leurs activités quotidiennes. L'Homo habilis est en effet le premier hominidé pour lequel il y ait évidence d'une organisation sociale structurée (campements, outils, habitats et sans aucun doute spécialisation des individus).
Ultérieurement, il faut noter que l’augmentation de la masse de l’encéphale29, continue de l’Homo erectus à l’Homo sapiens, a été un point-clé dans la maturation du langage. Lors du passage à l'Homo sapiens sont apparues des aires de Broca sur une circonvolution frontale gauche, et de Wernicke sur une circonvolution temporale gauche qui ont suivi la mutation génétique d’au moins un gène dominant FOXP229, dit de la parole, qui a donné la capacité de l’homme de passer des mots à la syntaxe (ce facteur n’est pas suffisant en lui-même, car il existe chez d’autres espèces sans donner naissance à la parole) ; il faut mentionner que ce(s) gène(s) serai(en)t à l’origine de la maturation de ces deux zones : l'aire de Broca et l’aire de Wernicke30. Cependant, dans une étude publiée en 2014 dans la revue Brain31, le neurochirurgien et neuroscientifique Hugues Duffau montre que « l'aire de Broca n'est pas l'aire de la parole » et que les fonctions langagières ne sont pas tant localisées dans une aire précise que dépendantes de connexions neuronales en reconfiguration constante32.
Prédominent actuellement deux scénarios d’apparition de l’Homo sapiens, le scénario « Out of Africa » et un scénario pluricentripète (polygenèse). Certaines recherches en paléolinguistique ont identifié un fonds de vingt-sept mots communs à la racine de toutes les langues terrestres écrites au début du xxie siècle33, ce qui pousse à favoriser le scénario « Out of Africa » (monogenèse). En effet, plusieurs sources n’auraient pas eu de raison d’adopter la même protolangue de départ34. Les divers rameaux du moderne Homo sapiens qui sont partis d'Afrique il y a cent mille ans partageaient déjà une même fonction langagière, bien avant l'apparition de l'Homme de Cro-Magnon35.
Enfin, l’Homo sapiens a dominé le monde, soit du fait de l’hypothèse productiviste36, soit du fait de l’hypothèse sociologique37.
Le langage pourrait avoir de multiples origines, les aires cérébrales du langages étant proches de celles mobilisées pour le travail manuel de précision (ce qui induit un codéveloppement des facultés langagières et manufacturières du genre humain), tandis que l’articulation de sons est par ailleurs souvent corrélée de façon réflexe à des mouvements du corps (à l’effort ou sous l’effet de la surprise, notamment) ; la perception de ces sons pouvait en retour être affinée par le développement du cerveau humain, libéré par la bipédie des limitations d’encombrement et de poids, puisque désormais littéralement « posé » sur la colonne vertébrale, ce qui permettait de charger de sens ces sons nouveaux que la nouvelle morphologie crânienne d’Homo habilis permettait de produire. D’un point de vue neurologique, le développement du langage semble provenir des mécanismes de reconnaissance du comportement, de la gestuelle et de l’action d’autrui.

Point de vue génétique[modifier | modifier le code]
La substitution d’un seul des 715 acides aminés du gène FoxP2 entraîne de sérieuses pathologies affectant la phonation et, plus généralement, la forme du larynx. Ce gène est, en raison même du caractère sensible de ses mutations, demeuré d’une remarquable stabilité au cours de l’évolution, la séquence de la protéine humaine ne différant que pour deux acides aminés (sur 715) de celle des chimpanzés, des gorilles et des macaques rhésus, et pour un acide aminé supplémentaire avec la souris38. La mutation du gène FoxP2 intervenue chez Homo sapiens il y a cent à deux cent mille ans a donc certainement dû être déterminante, mais s’est inscrite dans une dynamique d’évolution commencée plusieurs millions d’années auparavant39.

Huitième transition majeure[modifier | modifier le code]
En 1997, John Maynard Smith et Eörs Szathmáry ont publié un livre s’intitulant The Major Transitions in Evolution. Ce livre va profondément influencer par la suite les travaux de biologie évolutive.
Ces deux chercheurs ont identifié huit transitions majeures dans l’évolution de la vie. L’apparition du langage est la plus récente des huit et consiste en un passage des sociétés de primates vers les sociétés humaines. Pour eux, le langage est uniquement présent chez les humains puisqu’il est à la base de leurs sociétés. Il s’agit d’un nouveau mécanisme de transmission d’informations permettant une transmission socioculturelle de ces informations, non limitée par l’hérédité.

Modèles FLB (Faculty of Language in the Broad sense) et FLN (Faculty of Language in the Narrow sense)[modifier | modifier le code]
Un article de Marc Hauser, Noam Chomsky (linguiste et philosophe) et W. Tecumseh Fitch paru en 200240 a produit une énorme discussion en linguistique, en sciences cognitives et en théorie de l’évolution sur le langage. Dans l’article, les auteurs abordent la question de ce qu’il y a de commun et de différent entre l’espèce humaine et les autres espèces, ainsi que la question de l’évolution du langage. Ces chercheurs ont proposé un classement des différentes facultés de langage pour faciliter les discussions sur l’évolution. Ils ont créé les termes de FLB et FLN.
Division de la faculté de langage[modifier | modifier le code]
Le FLB correspond à une faculté de langage au sens large. Cela inclut les propriétés du langage des hommes partagées avec les systèmes de communication des êtres « non humains » (les animaux). Il est composé d’un système sensorimoteur qui fait intervenir le système moteur et le système sensoriel et d’un système conceptuel-intentionnel permettant de représenter ce que l’on a l’intention de faire. Le FLB regrouperait les êtres possédant des systèmes biologiques qui sont nécessaires mais pas suffisants au langage humain (mémoire, respiration, digestion, circulation).
Le FLB inclut également le FLN qui est la faculté du langage au sens étroit. Cette faculté est basée sur le mécanisme de récursivité qui est la possibilité de créer une infinité d’expressions (idées, sentiments…) à partir d’un nombre fini d’éléments (les mots). Ces expressions sont ensuite transmises aux deux systèmes sensorimoteur et conceptuel-intentionnel. Le langage humain est doté d’une telle faculté.
Évolution de FLN et FLB[modifier | modifier le code]
Les trois chercheurs ont mis en avant trois hypothèses d'évolution[modifier | modifier le code]        •    Hypothèse 1 : le FLB est strictement homologue à la communication animale. Cela sous-entend que les composants fonctionnels permettant le langage des humains seraient identiques à ceux des systèmes de communication des autres espèces.        •    Hypothèse 2 : le FLB est une adaptation dérivée, spécifiquement humaine, pour le langage. C’est la sélection naturelle qui a joué un rôle dans la formation du FLB, ce processus étant sans parallèle chez les animaux non humains.        •    Hypothèse 3 : seul le FLN est uniquement humain. Le FLN serait une évolution récente spécifiquement humaine. Les systèmes sensorimoteur et conceptuel-intentionnel sont alors combinés avec des composantes socioculturelles et communicatives.    Marc Hauser, Noam Chomsky et W. Tecumseh Fitch suggèrent que l’hypothèse 3 serait la plus plausible. Ils pensent que, si les hypothèses 1 ou 2 étaient valables, il faudrait qu’une série de mutations graduelles du FLB puissent mener à terme à une capacité du langage humain basé sur la récursivité. Des modifications mineures de ce système fondamental sembleraient insuffisantes pour y parvenir.
Apports de l'expérimentation[modifier | modifier le code]
De nombreux résultats d’expériences d’autres chercheurs (neurologues, linguistes, psychologues, biologistes…) ont été étudiés dans leurs articles pour justifier leurs points de vue. Ces études portent notamment sur les systèmes sensorimoteur et conceptuel sensoriel qu’ont les animaux et les humains en commun mais aussi sur le principe de récursivité.        •    chez les oiseaux chanteurs : la faculté à produire des signaux complexes comme chez les humains, qui est une faculté propre au FLB, a été retrouvée chez de nombreux animaux ayant la capacité à l’apprentissage vocal comme l’oiseau chanteur41. Il a été montré que certaines zones du cerveau d’un être humain pourraient être similaires à celles des oiseaux chanteurs (notamment le canari). Des problèmes et déficits de langages similaires à ceux des humains ont été repérés chez ces oiseaux lorsque a lieu une lésion dans une zone identique du cerveau. Il a été aussi montré que l’expression de gènes, certes différents dans la structure, a cependant un mécanisme d’activation identique dans différentes zones du cerveau de ces oiseaux et des humains via des tests d’ouïe et de parole. Que ce soit chez les humains ou les oiseaux, certains gènes sont activés ou non lorsqu’ils entendent un congénère de la même espèce s’exprimer. D’autres gènes sont activés dans les mêmes régions du cerveau (principalement le cortex moteur du visage) lorsqu’ils émettent des sons ;   

Tamarin        •    chez les tamarins : les tamarins sont-ils capables d’apprendre des phrases à structure complexe basée sur le principe de récursivité ? Les tamarins sont conditionnés la veille du test. On leur fait écouter des suites de séquences de syllabes respectant les règles d'un système soit à phrase simple (à état fini : ABAB), soit à phrase structurée (AAABBB) basée sur le principe de récursivité. Le système à phrase simple est basé sur une alternance d’éléments A et B. Le système à phrase structurée consiste en une chaîne d’éléments A et B dans laquelle chaque élément A et B peut être séparé par un élément intervenant. Il y a une intégration d’unités de représentation au sein de cette chaîne hiérarchisée. Le test consiste à faire écouter des nouvelles séquences de syllabes respectant ou non les règles d’un des deux systèmes. Les tamarins ayant été conditionnés pour le système à phrase simple réagissent quand la suite de syllabes écoutée ne correspond pas aux règles apprises (9 sur 10 tamarins: en regardant pendant un long moment le speaker; quand ils ne réagissent pas ils ne le regardent que très brièvement). Les tamarins ayant été conditionnés pour le système à phrase complexe réagissent moins quand une suite de syllabes ne respecte pas les règles du système. Les tamarins ont donc échoué au test. Cette étude montre que les tamarins pourraient ne pas posséder le principe de récursivité, mais cela ne prouve pas forcément que tous les êtres non humains ne le possèdent pas.    Critiques et limites du modèle FLN/FLB[modifier | modifier le code]
Cette expérience est assez critiquée. Il a été montré que des étourneaux ont pu réussir ce test contrairement aux singes42. Le test a été réalisé avec des séries de huit gazouillis et huit hochets différents. Ces oiseaux ont été formés pour picorer leur nourriture correspondant à une récompense s'ils entendaient une série respectant le système de grammaire auquel ils ont été formés. S'ils picorent à tort, la récompense leur est interdite. Seuls deux étourneaux sur onze ont échoué au test. Dans ce test, il existe aussi de nombreux échecs chez les humains, qui sont pourtant censés être capables de récursivité.
D’autres chercheurs, comme Ray Jackendoff et Steven Pinker43 ont aussi montré que la récursivité, bien qu’absente des autres systèmes de communication animale, se trouve dans la cognition visuelle. Or, on ne sait pas si les animaux « non humains » sont capables de récursivité visuelle, ce qui implique qu’elle ne peut être le seul développement évolutif qui permette le langage aux humains.
Ils contestent également principalement la 2e et la 3e hypothèse. Pinker et Jackendoff considèrent que leur caractérisation de la faculté du langage restreint (FLN) est problématique et ce, pour plusieurs raisons : tout d’abord, ils mettent en place une dichotomie des capacités cognitives : celles qui sont entièrement spécifiques aux humains et les capacités « non linguistiques » ou « non humaines », omettant ainsi les capacités cognitives qui auraient pu être en grande partie modifiées pendant l’évolution humaine. Fitch, Hauser et Chomsky omettent les traits qui sont des adaptations, ne considérant que le trait dans sa version ancestrale et actuelle. De plus, leur comparaison humain/animaux ne permet pas de faire une différence entre les similarités dues aux fonctions communes et les similarités dues à l’héritage d’un ancêtre commun récent. L’affirmation qu’un trait est « spécifique au langage » ou « spécifique aux humains » peut être interprétée de deux manières. Tout d’abord, le « tout ou rien ». Le trait est spécifique aux humains et il n’y a rien de similaire dans le règne animal. Il apparaît, à partir de rien, dans l’évolution. Cela peut être interprété avec des termes plus nuancés : le trait a été modifié au cours de l’évolution humaine à un tel degré qu’il en est différent de manière significative de son ancêtre évolutif (a priori, cela serait le résultat d’une adaptation à une nouvelle fonction pour laquelle le trait a été sélectionné). Fitch, Hauser et Chomsky attribuent au FLB n’importe quel trait retrouvé dans le monde animal tel que l’imitation vocale chez les oiseaux chanteurs qui a évolué indépendamment du langage humain. La comparaison entre « trait partagé avec animaux non humains » et « évolué récemment » n’a de sens que si les animaux en question ont un ancêtre commun récent (tels que les chimpanzés). S’il s’agit de moineaux ou de dauphins, alors le trait (comme l’apprentissage vocal), peut être partagé avec l’animal et évolué récemment.

Une dynamique à trois composantes[modifier | modifier le code]
Selon Simon Kirby44, le langage est un nouveau système de transmission d’information. Le langage n’est pas complètement inné, il doit être en très grande partie appris. La meilleure façon d’apprendre est d’observer son prochain (qui lui-même a appris en observant…) lorsqu’il utilise le langage, puis de le copier. Ce principe est appelé langage itératif.
Le langage évolue donc au fil du temps avec les observations et les interprétations du comportement de chaque individu dans l’utilisation de la langue sur chaque individu dans une société.
Le langage serait lui-même un mécanisme d’évolution comprenant trois systèmes dynamiques qui prennent part à la transmission d’information : l’évolution biologique, la transmission culturelle et l’apprentissage individuel qui a un plus faible impact dans ce mécanisme.
Ces trois dynamiques interagissent entre elles de façon cyclique et complexe. Les mécanismes d’apprentissage des langues font partie de notre héritage biologique et sont donc soumis à l’évolution biologique. Cette évolution a un impact sur la dynamique culturelle de transmission linguistique par l’apprentissage réitéré (apprentissage itératif). Les nouvelles structures de langages issus de la transmission culturelle ont alors en partie un effet sur la fitness des individus les possédant et donc un impact sur la trajectoire de leur évolution biologique dans les mécanismes d’apprentissage du langage…

Mise en évidence d'un paradoxe et système de communication déductif[modifier | modifier le code]
Orrigi et Sperber45 ont constaté que jusqu’à présent les différentes approches considèrent la faculté du langage comme une adaptation mais construisent leur modèle afin d’expliquer l’usage du langage ce qui n’est qu’une partie de cette faculté.
Paradoxe[modifier | modifier le code]
Quand on considère la faculté du langage comme une adaptation biologique, on doit envisager une de ses fonctions proximales permettant l’ensemble des autres fonctions (compétence linguistique, communication verbale). Il s’agit de la fonction d’acquisition du langage. Or une adaptation est maintenue uniquement si elle apparaît dans un environnement dans lequel elle a une valeur adaptative. Dans cet environnement particulier, le langage doit préexister. La faculté de langage et le langage sont donc l’une pour l’autre une précondition.
Considérons un mutant qui a la faculté d’échanger avec ses semblables. Il en tire un bénéfice uniquement lorsqu’un autre individu présente cette aptitude. Habituellement, les mutants présentant une innovation adaptative bénéficient d’un avantage sélectif quand ils sont en petit nombre.
* Trois hypothèses tentent de résoudre ce problème chez les langages non humains basés sur un code inné ; on accepte comme prérequis que le langage apporte un bénéfice :        •    l’hypothèse du trait neutre (Sober, 198446) : le trait « langage » n’apporte initialement pas de bénéfices, mais pas de coût non plus. Il peut se répandre dans la population, car il n’est pas contre sélectionné. Quand un nombre limite d’individus portant ce trait apparaissent et interagissent, ils en tirent bénéfices. Le trait est alors sélectionné ;
* l’hypothèse de la transition de fonction : la mutation est initialement sélectionnée, car elle a une autre fonction bénéfique et la fonction de code inné se surajoute à ou supplante la précédente ;
    •    l’effet Baldwin : cette hypothèse est controversée, car elle utilise les principes dans la sélection naturelle, mais elle se base sur une vision lamarckienne. Le code inné est acquis culturellement, et le posséder de façon innée (via les gènes) devient un avantage, et épargne des coûts d’apprentissage.    Orrigi et Sperber notent que ces hypothèses ne peuvent s’appliquer au langage humain, car l’inné et l’acquis sont très importants.
La part de l’inné n’étant pas prépondérante, la probabilité que deux mutants aient des langages compatibles est infime. De plus, l’apprentissage du langage peut se faire avec des erreurs.
Le langage comme système de communication déductif[modifier | modifier le code]
Ces chercheurs proposent donc de concevoir le langage humain comme un système de communication déductif, C'est-à-dire que le destinataire est capable de reconstruire l’information du communicant en tenant compte de ses intentions, bien qu’il n’ait pas exactement la même correspondance signe-sens. La faculté de langage est le fait d’être disposé à traiter un élément linguistique non codé et de le stabiliser comme un signal compréhensible. Cela nourrit la cohérence entre les langages. (À noter qu’ils se sont basés sur les travaux de Ruth Millikan47).

Avantages du langage
La plupart du temps, les individus ayant une forme de communication notable appartiennent à des espèces ayant un mode de vie social. Cette constatation a amené certains auteurs à se demander si la socialité n’était pas un prérequis à l’apparition du langage48. En effet, pour une bonne coordination, il est logique que la sélection naturelle ait fini par faire émerger des capacités de communications efficaces, expliquant le succès évolutif de ces espèces. On peut toutefois se demander sur quels mécanismes ce caractère a pu être sélectionné.
Stratégies de chasse et de fourragement[modifier | modifier le code]
Un langage élaboré permet d’émettre des informations de façon d’autant plus précise que le moyen de communication est précis. De cette façon, des individus chassant ou fourrageant en meute ou en groupe peuvent facilement décupler leur efficacité en élaborant des comportements plus ou moins complexes. Un exemple assez connu est celui de la danse des abeilles : une éclaireuse ayant localisé une source de nourriture va effectuer devant ses congénères une danse qui leur permettra de savoir où trouver la nourriture, mais aussi en quelle quantité et de quel type49. De cette façon, les espèces sociales sont avantagées par rapport aux espèces non sociales en cas de compétition. Ce type d'explication reposant sur l'avantage collectif se heurte toutefois au problème de la tragédie des biens communs pour les individus non apparentés.
Résistance à la pression de prédation[modifier | modifier le code]
Avoir un langage permet de développer plusieurs adaptations contre les prédateurs comme des mécanismes de guet ou d'alerte. On peut par exemple citer le chien de prairie, qui en un seul cri et selon la durée et l’intensité de celui-ci, peut avertir ses congénères du nombre de prédateurs en vue, de sa distance, de son type (volant ou terrestre) et de la vitesse à laquelle il approche50,51. De la même façon, une fourmi peut alerter sa colonie à l’aide de phéromones adéquates.
Meilleure adaptation aux contraintes environnementales[modifier | modifier le code]
Certaines fourmis sont capables de s’agréger et de former des ponts vivants au-dessus de l’eau, voire des ilots flottant52. Ce comportement est une réponse à une contrainte environnementale, qui ne serait pas possible sans un minimum de « concertation » et donc de langage. On peut donc dire que face à un environnement induisant un stress, les espèces possédant un langage sont susceptibles de mieux réagir que les autres.
Ces paramètres constituent une liste non exhaustive des bénéfices qu’apportent le langage et la socialité. Ceci permet de dire que dans beaucoup de cas, les espèces ayant un langage et donc sociales auront tendance à avoir une meilleure compétitivité que les non sociales pour une même niche écologique. Cela a par exemple été montré sur une espèce d’abeille charpentière, Ceratina australensis53. L'argument de l'avantage écologique collectif est toutefois problématique dans une espèce où les individus interagissant ne sont pas apparentés.

Langage et signal[modifier | modifier le code]
L'existence du langage humain pourrait trouver une explication dans la théorie du signal honnête, issue des travaux de l'éthologue Amotz Zahavi54,55. Le fait de fournir une information pertinente à ses congénères démontre qu'on la détient. Ce comportement d'affichage par le langage a pu évoluer dans un contexte où la capacité à s'informer constitue une qualité sociale recherchée. La théorie du signal honnête explique pourquoi les humains trouvent un intérêt à offrir des informations (et ne se contentent pas de prendre les informations des autres).

Langage humain, valeur sélective et culture[modifier | modifier le code]
Ces observations sont parfaitement déclinables à l’Homme, qui possède la particularité unique du langage articulé. Il a en effet développé des stratégies de chasse en groupe et de défense contre les prédateurs, qui n’étaient possibles que grâce à ce moyen de communication, sur lequel il a bâti par la suite toute une société organisée, jusqu’à celle que l'on connaît aujourd’hui.
Le langage affecte la valeur sélective via l’expression et la communication de pensées. Ainsi, le langage contribue aux performances cognitives de l’individu.
De plus, le langage est mis en jeu dans la manipulation, la séduction, le maintien de relations sociales, etc.
Enfin, chaque individu bénéficie des perceptions et raisonnements des autres. L’individu dispose d’un très large éventail de savoirs et de connaissances qui traversent le temps et qu’il ne pourrait acquérir seul.
« Le caractère du langage est de procurer un substitut de l'expérience apte à être transmis sans fin dans le temps et l'espace, ce qui est le propre de notre symbolisme et le fondement de la tradition linguistique56 ».

 

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La démarche scientifique

 


 

 

 

 

 

La démarche scientifique

Publié le 19 septembre 2018
 
Pour comprendre et expliquer le réel en physique, chimie, sciences de la vie et de la Terre, les scientifiques utilisent une méthode appelée la démarche scientifique. Quels sont ses grands principes ? Quels outils sont utilisés pour mettre en place des raisonnements logiques ? Découvrez l’essentiel sur la démarche scientifique.
QU’EST-CE QUE LA DÉMARCHE SCIENTIFIQUE ?
La démarche scientifique est la méthode utilisée par les scientifiques pour parvenir à comprendre et à expliquer le monde qui nous entoure. De façon simplificatrice, elle se déroule en plusieurs étapes : à partir de l’observation d’un phénomène et de la formulation d’une problématique, différentes hypothèses vont être émises, testées puis infirmées ou confirmées ; à partir de cette confirmation se construit un modèle ou théorie. L’observation et l’expérimentation sont des moyens pour tester les différentes hypothèses émises.

L’évolution de la démarche scientifique au fil du temps
De l’Antiquité à nos jours, les moyens d’investigation sur le monde ont évolué pour aboutir à une démarche dont les fondements sont communs à toutes les sciences de la nature (physique, chimie, sciences de la vie et de la Terre).
Dès l’Antiquité, Hippocrate, médecin grec, apporte de la nouveauté dans son traité « Le pronostic », qui détaille, pour la première fois, un protocole pour diagnostiquer les patients. Ce texte est l’une des premières démarches scientifiques.


Le XVIIe siècle est l’âge d’or des instruments et désormais l'expérience est au cœur de la pratique scientifique : on parle de Révolution scientifique. En plus des observations, les hypothèses peuvent aussi être testées par l’expérience. Par ailleurs, l’invention d’instruments tels que le microscope donne la possibilité aux scientifiques d’observer des éléments jusqu’alors invisibles à l'œil nu, comme les cellules, découvertes par Robert Hooke en 1665.
A partir du XXe siècle, la science se fait de manière collective. Les études scientifiques sont soumises au jugement des « pairs », c’est-à-dire à d’autres scientifiques et toutes les expériences doivent être détaillées pour être reproductibles par d’autres équipes. En contrepartie, la publication dans des revues internationales, et sur Internet dès les années 1990, permet aux chercheurs du monde entier d’accroître la notoriété de leurs idées et facilite l'accès aux sciences pour le grand public. Mais avec l'arrivée de l'informatique, il n'y a pas que la communication qui change, la méthode scientifique aussi se transforme. Il devient plus simple de trier de grands nombres de données et de construire des études statistiques. Il faut cependant faire attention à sélectionner les critères pertinents, car les progrès technologiques apportent aux chercheurs d’immenses quantités d’informations, appelées big data.

LES DIFFÉRENTES ÉTAPES DE LA DÉMARCHE SCIENTIFIQUE
Observation et formulation d’une problématique
A la base de toute démarche scientifique,  il y a au départ une observation d’un phénomène et la formulation d’une problématique.
Par exemple, depuis l’Antiquité, certains savants sont convaincus que la Terre est immobile au centre de l’Univers et que le Soleil tourne autour d’elle : c’est l’hypothèse du géocentrisme. Elle est émise car à l’époque, toutes les observations se faisaient à l’œil nu. Vu depuis la Terre, le Soleil peut donner l’impression de tourner autour de nous car il se lève sur l’horizon Est et se couche sur l’horizon Ouest. Cependant, ce n’était qu’une intuition car à ce stade, aucune véritable démarche scientifique n’est engagée.
Plus tard, quand les astronomes ont observé le mouvement des planètes, ils ont vu que le déplacement de certaines planètes forme parfois une boucle dans le ciel, ce qui est incompatible avec un mouvement strictement circulaire autour de la Terre. Le problème fut résolu en complexifiant le modèle : une planète se déplace sur un cercle dont le centre se déplace sur un cercle. C’est la théorie des épicycles.

Les hypothèses et la construction d’un modèle
Une nouvelle hypothèse fut émise par Nicolas Copernic au XVe siècle. Selon lui, le Soleil est au centre de l’Univers et toutes les planètes, dont la Terre, tournent autour de lui. On appelle cette hypothèse « l’héliocentrisme ». Ce modèle rend naturellement compte des rétrogradations planétaires mais possède quand même des épicycles pour décrire leurs mouvements avec plus de précisions.
Durant l’hiver 1609-1610, Galilée pointe sa lunette vers le ciel et découvre les phases de Vénus et des satellites qui tournent autour de la planète Jupiter. Ses observations l’incitent à invalider l’hypothèse géocentrique et à adhérer à l’héliocentrisme.
Petit à petit, cette méthode est devenue générale. Une hypothèse reste considérée comme valide tant qu’aucune observation ou expérience ne vient montrer qu’elle est fausse. Plus elle résiste à l’épreuve du temps, plus elle s’impose comme une description correcte du monde. Cependant, il suffit d’une seule observation contraire pour que l’hypothèse s’effondre, et dans ce cas, c’est définitif. Il faut alors changer d’hypothèse.
Reste que l’héliocentrisme de Copernic s’est d’abord imposé par la qualité des éphémérides planétaires qui en étaient tirées plus que par la force de son hypothèse, certes plus pratique que l’hypothèse géocentrique mais pas confirmée directement. Pour cela, il fallut encore attendre quelques années, le temps que la qualité des instruments d’observation progresse.

L’observation et l’expérimentation
Si la Terre est animée d’un mouvement autour du Soleil alors on devrait constater un effet de parallaxe, c’est-à-dire de variation des positions relatives des étoiles au fil de l’année. L’absence d’une parallaxe mesurable était utilisée contre l’héliocentrisme. C’est en cherchant à mesurer la parallaxe des étoiles que l’astronome anglais James Bradley découvrit en 1727 un autre effet, l’aberration des étoiles, dont il montra qu’elle ne pouvait provenir que de la révolution de la Terre autour du Soleil. La première mesure de parallaxe, due à l’astronome Friedrich Bessel en 1838, vient clore le débat.
Le mouvement de rotation de la Terre ne fut prouvé que plus tard. En 1851 le physicien Léon Foucault mène une expérience publique spectaculaire : un grand pendule est accroché à la voûte du Panthéon de Paris et la lente révolution de son plan d’oscillation révèle la rotation de la Terre sur elle-même.
On trouve là une autre caractéristique de la démarche scientifique. Une fois le modèle mis au point en s’appuyant sur des observations qui le justifient, il faut en tirer des prédictions, c’est-à-dire des conséquences encore non observées du modèle. Cela permet de mener de nouvelles observations ou de bâtir de nouvelles expériences pour aller tester ces prédictions. Si elles sont fausses, le modèle qui leur a donné naissance est inadéquat et doit être réformé ou oublié. Si elles sont justes, le modèle en sort renforcé car il est à la fois descriptif et prédictif.

La communication
Aujourd’hui, la « revue par les pairs » permet de contrôler la démarche scientifique d’une nouvelle découverte, par un collège de scientifiques indépendants. Si les observations et expérimentations vont dans le même sens et qu’elles ne se contredisent pas, la proposition est déclarée apte à être publiée dans une revue scientifique.

QUELS OUTILS POUR DÉCRYPTER LA SCIENCE ?
La démarche scientifique repose sur la construction d’un raisonnement logique et argumenté. Elle utilise les bases de la logique formelle : l’induction et la déduction.

L’induction
L’induction cherche à établir une loi générale en se fondant sur l’observation d’un ensemble de faits particuliers (échantillon).
L'induction est par exemple utilisée en biologie. Ainsi, pour étudier des cellules dans un organisme, il est impossible de les observer toutes, car elles sont trop nombreuses. Les scientifiques en étudient un échantillon restreint, puis généralisent leurs observations à l’ensemble des cellules. Les scientifiques établissent alors des hypothèses et des modèles dont il faudra tester les prédictions par des observations et des expériences ultérieures.

La déduction
La déduction relie des propositions, dites prémisses, à une proposition, dite conclusion, en s’assurant que si les prémisses sont vraies, la conclusion l’est aussi.
Exemple classique de déduction : tous les hommes sont mortels, or Socrate est un homme donc Socrate est mortel.
La déduction est beaucoup utilisée en physique ou mathématiques, lors de la démonstration d’une loi ou d’un théorème.

Raisonnement du Modus Ponens et du Modus Tollens
Le Modus Ponens et le Modus Tollens sont utilisés par les scientifiques dans leurs raisonnements.
Le Modus Ponens est, en logique, le raisonnement qui affirme que si une proposition A implique une proposition B, alors si A est vraie, B est vraie.
Mais si une implication est vraie alors sa contraposée l’est également (même valeur de vérité selon les règles de la logique formelle). Cela signifie que « la négation de B implique la négation de A » (contraposée de « A implique B »).
Le Modus Tollens est le raisonnement suivant : si une proposition A implique une proposition B, constater que B est fausse permet d’affirmer que A est fausse.
Un exemple : On sait que tous les poissons respirent sous l'eau. Or le saumon est un poisson donc il respire sous l'eau (Modus Ponens). La proposition initiale peut être énoncée sous une autre proposition équivalente (contraposée) : si « je ne peux pas respirer sous l’eau, alors je ne suis pas un poisson ». Cela permet de construire le raisonnement suivant : tous les poissons respirent sous l’eau, or je ne respire pas sous l’eau, donc je ne suis pas un poisson (Modus Tollens).
Ces outils de logique formelle permettent de vérifier la cohérence logique d’un argument et de détecter les argumentations fautives. Grâce à ces outils et en gardant un bon esprit critique et en vérifiant l'origine des informations diffusées, on peut donc plus facilement repérer un discours non scientifique ou pseudo-scientifique.

Notions clés
*         Une hypothèse est considérée comme valide aussi longtemps qu’aucune observation ou expérience ne vient montrer qu'elle est fausse.
*         La démarche scientifique consiste à tester les hypothèses pour démontrer si elles sont fausses ou non et à conserver uniquement celles qui sont cohérentes avec toutes les observations et les expériences.
*         La fausseté d’une hypothèse est certaine alors que sa validité scientifique est temporaire et soumise à l’évolution des connaissances.

 

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linguistique

 

 

 

 

 

 

 

linguistique
(de linguiste)

Consulter aussi dans le dictionnaire : linguistique
Science qui a pour objet l'étude du langage et des langues.

Le terme apparaît au xixe siècle en même temps que naît la discipline sous le nom de « grammaire comparée ». Le souci des comparatistes a très vite été de constituer une linguistique générale, ce que l'un d'entre eux, Ferdinand de Saussure, a réalisé au début du xxe siècle en élaborant une linguistique formelle et en se détachant du même coup du comparatisme. Il faut dire aussi que l'on trouve déjà chez W. D. Whitney (1827-1894), aux États-Unis, la tentative très intéressante de constituer la linguistique en science. Après Saussure, la linguistique structurale va se développer sous l'impulsion de Troubetskoï (1890-1938) et d'un groupe de chercheurs tchèques dont fera aussi partie R. Jakobson (« le cercle de Prague ») et, parallèlement, en Amérique avec notamment L. Bloomfield et Z. S. Harris. Le Danois L. Hjelmslev (1889-1965) tentera de son côté de développer une véritable axiomatique linguistique. Puis N. Chomsky proposera une théorie du langage qui fait dépendre la « compétence » du locuteur de modèles innés. C'est lui qui sera à l'origine de la « grammaire générative », censée fournir certains modèles capables de rendre compte du processus de formation des phrases grammaticalement correctes. En même temps, des courants – de la sociolinguistique issue de Meillet, ou encore de l'analyse du discours représentée par Benveniste et sa théorie de renonciation, ou enfin de la pragmatique anglo-saxonne – renouent avec les préoccupations du xixe siècle concernant, par exemple, la situation des locuteurs ou les effets non purement informatifs que produisent les énoncés.

Les débuts de la linguistique
Depuis l'Antiquité, on s'est occupé du langage, et pas seulement en Occident. Mais ni la philosophie du langage ni les traités de grammaire ou les spéculations théoriques sur la nature et l'origine des langues ne sont la linguistique. Celle-ci ne prend véritablement naissance qu'au xixe siècle après la découverte en Europe du sanskrit et l'étude comparée des langues qui s'ensuit. De ce courant linguistique, que l'on a appelé comparatisme, F. Bopp (Système de conjugaison du sanskrit, comparé à celui des langues grecque, latine, persane et germanique, 1816), F. Schlegel et J. L. C. Grimm sont les représentants les plus notables. C'est précisément en comparant les langues européennes et le sanskrit que les comparatistes font l'hypothèse linguistique (et non plus seulement métaphysique) d'un groupe d'origine d'où proviendraient ces langues. Ils nomment ce groupe l'« indo-européen ». Ce qu'ils comparent, ce sont les éléments grammaticaux, pour tenter d'établir une correspondance entre ces langues ; en fait, « ils cherchent quel élément x de l'une tient la place de l'élément x′ de l'autre » (O. Ducrot, T. Todorov, Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage) sans chercher à savoir quelle évolution a mené de la langue mère aux langues modernes (qu'ils regroupent par familles). L'histoire, d'ailleurs, n'est généralement prise en compte par eux que pour expliquer l'érosion des langues et le déclin de la langue originelle, l'Ursprache.

De la variété des descriptions au besoin de généralité
La fin du xixe siècle se caractérise en linguistique par le besoin de constituer une science générale du langage, que Schleicher, par exemple, appellera « glottique », sur la nécessité de laquelle Baudouin de Courtenay insistera dans les années 1870 et dont, en France, M. Bréal, notamment, montrera l'importance. La linguistique historique, à côté de laquelle se constitue la linguistique générale, permet sans doute désormais d'éviter les discours spéculatifs incontrôlés ; en même temps, les problèmes qu'elle pose seront au point de départ de la linguistique générale. En voulant être unifiante, la linguistique va devoir tenter une redéfinition globale du langage qui serve de critère d'unité. En fait, comme le souligne Claudine Normand (la Linguistique générale – 1880-1928), la linguistique générale essaie de résoudre les difficultés rencontrées dans leur pratique par les linguistes qui tentent d'éclairer la relation de la linguistique aux autres sciences et à la philosophie, de passer de la description à l'explication, de revoir les problèmes légués par la tradition grammaticale ou simplement de réfléchir sur la méthode.

Ferdinand de Saussure
Le Cours de linguistique générale n'a été publié qu'après la mort de Saussure, survenue en 1913, d'après les notes prises par ses élèves. Saussure lui-même a très peu publié ; outre son mémoire sur le système primitif des voyelles dans les langues indo-européennes, ses écrits, parus en 1922 de façon posthume, rassemblent sa thèse, soutenue en 1880, sur l'emploi du génitif absolu en sanskrit et quelques articles techniques. Pourtant, l'importance historique du Cours est considérable tant pour la linguistique que pour les sciences humaines.
Saussure est au départ un comparatiste ; son originalité viendra de sa réflexion sur la méthode linguistique et de sa volonté de constituer la langue en objet scientifique en tentant de la dégager en même temps de toute analyse positive. Pour Saussure, c'est « le point de vue qui crée l'objet ». « Hors d'une relation quelconque d'identité, un fait linguistique n'existe pas. Mais la relation d'identité dépend d'un point de vue variable qu'on décide d'adopter » (Sources manuscrites, Gödel).

Langue/parole
La confusion entre langue, langage et parole est constante au xixe siècle. Un des mérites de Saussure est de clarifier les rapports entre ces trois concepts. Ainsi, selon lui, la langue est un ensemble de conventions qui permet la faculté du langage chez l'individu, celui-ci ne pouvant « ni la créer ni la modifier ». Quant à la parole, elle est « l'acte de l'individu réalisant sa faculté au moyen de la convention sociale qu'est la langue ».
Cette convention qu'est la langue est par ailleurs définie comme « un système de signes ». Ces signes sont « arbitraires » : aucune loi ne commande que tel son corresponde à tel sens. Le rapport entre les deux est immotivé (à l'exception très relative des onomatopées). La convention s'impose néanmoins à tout locuteur comme une nécessité. La langue, dit encore Saussure, est « la partie sociale du langage » ; elle est une sorte de contrat tacite passé entre les membres de la communauté.

Le système de signes
Le signe linguistique est une « entité à deux faces » composée d'un signifié et d'un signifiant ou encore, comme dit parfois Saussure, d'un concept et d'une image acoustique. Tous deux sont indissociables et on ne peut pas plus les séparer que les deux faces d'une même feuille de papier. Ce qu'il est important de comprendre dans cette définition, c'est que le signe n'unit pas un nom et une chose. Le signifié est une représentation et le signifiant « une empreinte psychique des sons ». Ainsi, l'ordre de la langue est indépendant de l'ordre de la réalité.
Quand Saussure dit que la langue est un « système de signes », il indique par là que « tous ses termes sont solidaires » et que « la valeur de l'un ne résulte que de la présence simultanée des autres ». Si la valeur d'un mot réside dans sa propriété de représenter une idée, elle est bien sûr un élément de la signification mais elle tient en plus au rapport des signes entre eux, les valeurs étant toujours constituées « 1°) par une chose dissemblable susceptible d'être échangée contre celle dont la valeur est à déterminer ; 2°) par des choses similaires qu'on peut comparer avec celle dont la valeur est en cause ».

Synchronie/diachronie
Si la langue est bien un système, il n'empêche que ce système évolue. Le problème de l'évolution de la langue, ou diachronie, était central chez les comparatistes ; il n'est que dérivé pour Saussure, qui s'intéresse davantage à l'aspect synchronique de la langue, à son caractère systématique. Si la langue évolue, c'est sous l'action de la parole (en général, un individu n'y peut rien changer). Si diachronie et synchronie sont en réalité deux points de vue sur un même objet, c'est le second que Saussure privilégie, la synchronie n'étant pas seulement identifiée à l'« état de la langue » mais devant être prise « comme un concept qui permet la définition théorique d'un système abstrait ».

Chomsky et la grammaire générative
Chomsky va chercher à créer des modèles de compréhension du fonctionnement de la langue comportant « un ensemble fini de règles qui, à partir d'un nombre fini d'unités et grâce à des transformations successives en nombre fini, rend compte de la formation de l'infinité des phrases correctes d'une langue et de celles-là seules ».

Les présupposés épistémologiques
Outre les références au cartésianisme, à K. Popper et à sa théorie de la falsifiabilité, Chomsky va prendre position au début des années 1950 contre les psychologues béhavioristes, et en particulier contre Skinner, en leur reprochant de se limiter à faire fonctionner des techniques expérimentales pour elles-mêmes. La maîtrise des règles extrêmement complexes du langage suppose d'autres mécanismes que l'enregistrement passif par l'enfant des données empiriques. Le schéma stimulus/réponse fournit de ce point de vue un modèle beaucoup trop simple.
Il faut, pour rendre compte de ce processus, postuler une construction active des règles de la langue, qui permet à l'enfant, à partir de données particulières, d'expérimenter des formes de syntaxes spécifiques suivant des contraintes générales ; ces dernières témoignent de l'existence de règles « profondes » qui l'empêchent de faire n'importe quelles hypothèses, en particulier celles qui ne seraient pas compatibles avec les langues naturelles. C'est ce que Chomsky appelle la grammaire universelle, qui « est un ensemble de principes qui caractérise la classe des grammaires possibles en préconisant la manière dont sont organisées les grammaires particulières ». Chomsky est alors de plus en plus préoccupé par l'inscription de la linguistique dans la neurobiologie et par les travaux sur l'intelligence artificielle.

La compétence
En opposition aux conceptions béhavioristes, telles celles de L. Bloomfield (1887-1949), Chomsky a toujours estimé que le comportement linguistique humain était « créateur ». Ainsi, il ne nous est pas possible de prévoir quel sera le type d'énonciation d'une phrase compte tenu des stimulations sensorielles qui pourront affecter un locuteur au moment qui précède cette énonciation. Les théories grammaticales ne prétendent pas non plus pouvoir prédire le comportement linguistique. Leur propos est de chercher à « caractériser l'état cognitif qui permet au locuteur de se montrer créateur ». C'est cet état cognitif que Chomsky nomme la « compétence grammaticale ».

La grammaire générative
Chomsky, comme Saussure, énumère les mécanismes de la langue qui échappent au locuteur dans la mesure où il en dispose sans les connaître consciemment, mais il s'intéresse essentiellement à ceux qui permettent de produire des phrases. La grammaire doit être capable de prévoir toutes les phrases possibles de la langue et de produire des jugements sur la « grammaticalité » ou l'« agrammaticalité » d'une phrase. « Une grammaire générative du français se proposera non seulement d'engendrer toutes et rien que les phrases grammaticales du français, de représenter la structure catégorielle des phrases, mais aussi de représenter les relations grammaticales qui unissent les divers constituants. » D'où les indicateurs syntagmatiques, ou « schémas en arbre », qui symbolisent ces relations.

Sociolinguistique, analyse du discours, pragmatique
Ainsi, la sociolinguistique refuse de prendre en considération l'« objet langue » puisque celui-ci n'existe pas dans la réalité (il est en effet l'objet d'une construction). Refusant l'idéalisation – ce qui équivaut, aux yeux d'un Chomsky, à de l'irrationalisme –, elle réintègre dans sa perspective la variété empirique et privilégie le rapport de la langue au social. On trouve les origines de cette discipline au xixe siècle chez W. von Humboldt mais surtout chez A. Meillet et plus récemment chez W. Labov. Pour Humboldt et ceux qui ont repris ses idées, l'étude de la langue permet de comprendre l'esprit de ceux qui la parlent et de les caractériser en tant que groupe distinct. Ainsi se manifeste l'esprit d'une nation. Meillet cherchera de son côté à rendre compte du changement linguistique par le seul changement social.

Analyse du discours et pragmatique
L'analyse du discours naît avec É. Benveniste. Ce qui est pris en compte, c'est l'énonciation, c'est-à-dire la manière particulière dont un locuteur s'empare d'un énoncé ; c'est l'acte de le produire et non son contenu qui importe ici. L'énonciation « peut se définir par rapport à la langue comme un procès d'appropriation » (Problèmes de linguistique générale, II). En même temps qu'il devient locuteur, celui qui parle postule un allocutaire.
C'est cette position du sujet dans la langue par rapport à d'autres sujets, sur lesquels il agit en les intimidant, en les flattant ou en les commandant, par exemple, que la pragmatique va analyser, à la suite des travaux du philosophe anglais J.L. Austin sur les speech acts. Ces actes « illocutionnaires » ne concernent pas le contenu de l'énoncé mais la position même du locuteur.

 

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REPORTAGE. Cogni'classe : quand les sciences cognitives entrent à l'école

 


 

 

 

 

 

CERVEAU ET PSY

REPORTAGE. Cogni'classe : quand les sciences cognitives entrent à l'école

Par Joël Ignasse le 30.05.2018 à 20h00

Reportage au sein de la "Cogni'classe" de CE2 de l'école Francoise Césari à Septèmes-les-Vallons, où est testée une nouvelle forme d'enseignement intégrant des pratiques pédagogiques innovantes issues des recherches en sciences cognitives.


VALENTINE VERMEIL
Ce mardi 17 avril 2018, les élèves de CE2 entrent calmement dans leur classe de l'école François Césari à Septèmes-les-Vallons. Depuis septembre 2017, ils expérimentent une nouvelle forme d'enseignement avec des pratiques pédagogiques innovantes issues des recherches en sciences cognitives (lire notre dossier sur Les sciences cognitives à l'école dans le Sciences et Avenir n°856, en kiosque en juin 2018). Dix-huit classes et 450 élèves sont concernés dans la région PACA par ces "cogni'classes", une expérimentation de grande échelle qui sera prolongée en CM1 et CM2 pour ces derniers.

Temps calme et outils technologiques
La matinée commence par un "temps calme" : élèves debout et chaises contre le bureau, ils enchainent pendant cinq minutes quelques exercices de relaxation basés sur du contrôle du souffle et des massages des tempes et du front. Tous les élèves sont silencieux et réceptifs. "Ils apprécient ce petit moment de retour sur soi du matin. Ce temps calme a permis de faciliter la gestion du groupe et certains le font d’eux-mêmes quand ils se sentent énervés" souligne Andrée Elbaz, leur maitresse. Après, place aux choses sérieuses ! Avec les mathématiques. Mais point de leçon au tableau, les élèves vont jouer au Mathador, une sorte de "Des chiffres et des lettres". Chaque lundi, l'enseignante leur présente un nombre qu'ils vont décomposer tout au long de la semaine pour arriver à le retrouver avec d'autres chiffres et opérations. Chacun planche donc sur son ardoise, toujours dans le calme, et la maitresse les interroge tour à tour. Ce jour-là, tous les comptes ne sont pas bons mais cette semaine, le nombre choisi était particulièrement compliqué apprend-on !

Le Mathador consiste a décrypter un nombre et à le reconstituer à la façon Des chiffres et des Lettres. Crédit : Valentine Vermeil pour Sciences et Avenir.
Et les ateliers se poursuivent avec les Plickers, des plaquettes portant une sorte de symbole orientable, croisement entre un QRcode et un origami. Les élèves peuvent le tenir selon quatre orientations possibles correspondant aux lettres A, B, C, D. L’enseignante pose une question avec 4 choix possibles et les élèves répondent en mettant le symbole dans la position qui correspond à leur choix puis le tienne bien droit devant eux. L’enseignante n'a plus qu'à filmer la classe avec son téléphone qui via l'application dédiée va lire les réponses des élèves. Elle peut ainsi évaluer d'un seul coup toute la classe, repérer les erreurs et les corriger dans la foulée. Pratiques et ludiques, les Plickers ont très vite remporté l'adhésion de tous à l'école. La journée de classe sera ainsi rythmée par différents exercices dont certains sont répétés à intervalles réguliers sur plusieurs mois. Cette répétition est essentielle à la consolidation des savoirs. Andrée Elbaz travaille ainsi le vocabulaire avec le logiciel Anki qui met en forme des cartes-mémoires et permet de programmer des répétitions plus ou moins espacées dans le temps. "Une méthode qui permet le stockage d'un vocabulaire réflexe commun à toutes les matières" explique l'enseignante.
Grâce aux Plickers, l'enseignante peut vérifier les réponses de toute une classe d'un seul coup de scan avec son téléphone. Crédit : Valentine Vermeil pour Sciences et Avenir.

Les évaluations en 2019

A ces activités journalières s'ajoutent d'autres temps d'apprentissage, moins fréquents, comme des projections de films (un tous les quinze jours) sur le fonctionnement du cerveau et qui sont le sujet de discussions de groupe après diffusion. Toutes ces méthodes dont le déploiement "demande un peu plus de travail personnel et au début plus de temps en classe" précise Andrée Elbaz semblent en tout cas enchanter élèves et professeurs. Mais ont-ils des impacts concrets sur ces jeunes cerveaux en apprentissage. "C'est difficile pour le moment d'évaluer leur efficacité même si la plupart des retours sont très positifs" répond Isabelle Roos, Inspectrice de l'Education Nationale, très impliquée dans la mise en place des cogni'classes dans la région. A la fin de l'année scolaire des questionnaires seront remplis par les parents et les enfants pour connaître leur ressenti et à la rentrée 2018 une évaluation du vocabulaire acquis avec des tests pré et post CE2 et une comparaison avec d’autres classes aura lieu. Ils permettront de mieux apprécier les résultats de ces nouvelles méthodes pédagogiques.

 

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