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De la pluripotence à la totipotence |
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De la pluripotence à la totipotence
COMMUNIQUÉ | 03 AOÛT 2015 - 17H00 | PAR INSERM (SALLE DE PRESSE)
BIOLOGIE CELLULAIRE, DÉVELOPPEMENT ET ÉVOLUTION | GÉNÉTIQUE, GÉNOMIQUE ET BIO-INFORMATIQUE
Alors qu’il est déjà possible d’obtenir in vitro des cellules pluripotentes (capables de générer tous les tissus d’un organisme) à partir de n’importe quelle cellule, les chercheurs de l’équipe de Maria-Elena Torres Padilla, directrice de recherche Inserm au sein de l’IGBMC (CNRS/Université de Strasbourg/Inserm) à Strasbourg sont parvenus pour la première fois à obtenir des cellules dites totipotentes, ayant les mêmes caractéristiques que celles des tous premiers stades embryonnaires, des cellules aux propriétés encore plus intéressantes. Ces résultats obtenus en collaboration avec Juanma Vaquerizas, du Max Planck Institute (Münster, Allemagne) sont publiés le 3 août dans la revue Nature Structural & Molecular Biology.
Juste après la fécondation, aux stades 1 ou 2 cellules, les cellules sont dites « totipotentes », c’est-à-dire capables de produire un embryon entier mais également le placenta et le cordon ombilical qui l’accompagnent. Ensuite, au fil des divisions cellulaires et ce jusqu’au stade blastocyste (près d’une trentaine de cellules), les cellules perdent cette plasticité. Devenues « cellules souches embryonnaires », elles sont encore pluripotentes et en mesure de se différencier en n’importe quel tissu. Elles ne peuvent cependant pas à elles seules donner naissance à un fœtus. La totipotence est donc un état beaucoup plus plastique que la pluripotence. Après le stade blastocyste, les cellules se spécialisent et forment les différents tissus de l’organisme, on parle alors des cellules différenciées.
Depuis quelques années, il est possible de transformer une cellule différenciée en une cellule pluripotente, mais pas en cellule totipotente. Afin de mieux comprendre les raisons pour lesquelles ce « retour » à l’état a totipotent n’était pas accessible, l’équipe de Maria-Elena Torres-Padilla s’est attelée à observer les caractéristiques des cellules totipotentes et à rechercher les facteurs d’induction de cet état.
In vitro, il arrive que des cellules totipotentes apparaissent parmi les cellules pluripotentes ; elles sont qualifiées de « cellules semblables au stade 2 cellules ». Les chercheurs ont donc comparé ces cellules aux cellules de l’embryon précoce afin de trouver leurs caractéristiques communes, différentes des stades pluripotents. Ils ont notamment montré que leur ADN était moins condensé et que l’expression du complexe protéique CAF1 était diminuée dans ces cellules. CAF1, déjà connu pour son rôle dans l’assemblage de la chromatine (état organisé de l’ADN), serait ainsi responsable du maintien de l’état pluripotent en participant à la condensation de l’ADN.
Sur la base de cette hypothèse, les chercheurs sont parvenus à induire un état totipotent en inactivant l’expression de ce complexe, ayant pour effet une reprogrammation de la chromatine dans un état moins condensé
Ces résultats apportent de nouveaux éléments dans la compréhension de la totipotence et laissent entrevoir de prometteuses perspectives en médecine régénérative.
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L'ADN : DÉCHIFFRER POUR MIEUX COMPRENDRE LE VIVANT |
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L'ADN : DÉCHIFFRER POUR MIEUX COMPRENDRE LE VIVANT
L'émergence d'outils et de disciplines
L'évolution des technologies a été fulgurante. Dans les années 1990, il a fallu 13 ans pour séquencer les 3,3 milliards de bases du génome humain alors qu'aujourd'hui, une vingtaine de séquenceurs utilisés en simultané permettent de le faire en 15 minutes. Rapidité, faible coût et surtout faible quantité d'ADN requise ouvrent le champ à de nouvelles applications, notamment dans l'épigénétique et le diagnostic médical.
LE SÉQUENÇAGE
Des révolutions technologiques
En 40 ans, le séquençage a connu de vraies révolutions technologiques grâce aux avancées en physique, chimie et aux nanotechnologies. L'activité, coûteuse à ses débuts, a développé une organisation de type industriel et optimise les rendements grâce à des séquenceurs automatiques. Les dépôts d'échantillons se faisaient à la main sur les premiers séquenceurs à gel. Aujourd'hui, un séquenceur (destiné à analyser des génomes autres qu'humains) est intégré dans une clef USB et s'acquiert pour moins de 1 000 euros. La première technique largement utilisée dès 1977 a été la méthode Sanger, du nom du double prix Nobel de chimie qui l'a mise au point. À partir de 2005, apparaissent de nouvelles technologies de séquençage dites de 2e génération, tel que le pyroséquençage. Des millions de molécules, toutes issues du même échantillon, sont traitées en même temps ; c'est l'heure du séquençage haut débit ! Bien qu'elles aient toutes des spécificités très différentes, trois phases les caractérisent. La première, la préparation d'une collection d'ADN d'intérêt. La deuxième : l'amplification de l'ensemble des fragments afin de générer un signal suffisant pour que le séquenceur le détecte. Et enfin la phase de séquençage elle-même : pendant la synthèse du brin complémentaire, un signal est généré à chaque fois qu'un nouveau nucléotide est incorporé. Inconvénient : les séquences sont plus courtes et le taux d'erreur plus élevé que précédemment ; ce problème est aujourd'hui résolu sur les séquenceurs de dernière génération.
Les années 2010 voient se développer de nouvelles plateformes, dites de 3e génération. Ces appareils sont si sensibles qu’ils sont capables de séquencer une seule molécule d’ADN en quelques dizaines de minutes ! La dernière innovation présente un avantage majeur : pas besoin de répliquer l'ADN ni d'utiliser de fluorochromes, substance chimique capable d'émettre de la lumière par fluorescence. Sous la forme d’une puce dotée de nanopores (des canaux qui traversent une membrane), la machine capte directement les signaux électriques de chaque base d'ADN qui traverse le canal et permet de séquencer en un temps record. Cette méthode est pour l’instant réservée à de petits génomes, pas au génome humain.
La course aux génomes
La quête des gènes débute dans les années 1970. Lire la séquence de l’ADN devient indispensable pour les étudier, comprendre leur fonction et déceler les mutations responsables de maladies. Objectif ultime : déchiffrer les quelques 3,3 milliards de bases (3 300 Mb) du génome humain. Le projet est aussi ambitieux et presque aussi fou que celui d’envoyer un homme sur la Lune ! Les chercheurs commencent par de petits génomes. En 1995, le premier séquencé et publié est celui d’Haemophilus influenzae (1,8 Mb), une bactérie responsable de la méningite chez l’enfant. Suivra en 1996 celui d’un génome eucaryote unicellulaire, la levure Saccharomyces cerevisiae (12,5 Mb). Puis ce sera le tour du ver Caenorhabditis elegans (97 Mb) en 1998.
En 30 ans, les séquenceurs ont vu leur capacité augmenter d'un facteur 100 millions !
Quant au projet "Human genome", il démarre officiellement en 1989, pour une durée prévue de 15 ans et un budget global estimé à 3 milliards de dollars. Plus de 20 laboratoires de 7 pays différents sont impliqués. Les deux plus importants sont le Sanger Center (Grande-Bretagne) et le Whitehead Institute (États-Unis). En 1997, la France s'équipe d'une plateforme nationale, le Genoscope, et prend en charge le chromosome 14. La version complète de la séquence du génome humain sera publiée en avril 2003, avec plusieurs années d'avance (les chercheurs la complètent encore aujourd'hui). La course aux génomes continue : en août 2016, la base de données génomique internationale, en libre accès sur le site Gold (Genome On Line Database), faisait état de 13 647 organismes séquencés et publiés.
LA GÉNOMIQUE FONCTIONNELLE
La quête des gènes ressemble souvent à une pêche miraculeuse ! Une fois détectés et annotés, leur fonction reste à vérifier et les conditions de leur expression à découvrir. C'est là que la génomique structurelle atteint ses limites et que la génomique fonctionnelle prend le relais.
Cette dernière dresse un inventaire qualitatif et quantitatif sur deux niveaux : le transcriptome et le protéome. Le premier désigne l’ensemble des transcrits (ARNm) et le deuxième l’ensemble des protéines fabriquées. Alors que le génome est unique pour un organisme donné, il existe autant de transcriptomes et de protéomes que de stades de développement cellulaire ! Grâce aux nouvelles technologies de séquençage, l’étude de l’ensemble des transcrits permet non seulement de réaliser un catalogue des gènes exprimés mais aussi de quantifier l’expression des gènes et de déterminer la structure de chaque transcrit à un moment donné. Une deuxième technologie, les puces à ADN, permet aussi d’étudier le transcriptome par l’observation simultanée de l’expression de plusieurs milliers de gènes dans une cellule ou un tissu donné. L’analyse d’un transcriptome peut, par exemple, indiquer le stade de développement d’un cancer et permettre ainsi d’adapter au mieux le traitement du patient.
LE GÉNOTYPAGE : Le génotypage cherche les différences dans la séquence des génomes d'individus d'une même espèce. Ces différences constituent des " marqueurs génétiques ". Pour les trouver, le génotypage fait appel à trois technologies différentes ; le séquençage, les puces à ADN et la spectrométrie de masse. Les marqueurs potentiellement intéressants sont ceux qui se transmettent au sein d'une famille de la même manière et en même temps que le gène impliqué dans une maladie. Les études génétiques à haut débit consistent à analyser des centaines de milliers de ces marqueurs sur des milliers d'individus afin d'identifier et localiser les gènes prédisposant à des pathologies
LA MÉTAGÉNOMIQUE
Les technologies de séquençage permettent aujourd’hui d’appréhender le génome de tous les organismes d’un même écosystème en même temps ; la génomique fait place à la métagénomique.
Le projet international "MetaHIT ”, auquel participe le CEA, a pour objectif d’étudier le génome de l'ensemble des bactéries constituant la flore intestinale humaine. Lourde tâche : le métagénome contient 100 fois plus de gènes que le génome humain et 85 % des bactéries sont encore inconnues. Premier résultat obtenu en mars 2010 : le séquençage de l’ensemble des gènes révèle que chaque individu abrite au moins 170 espèces différentes de bactéries intestinales.
En avril 2011, les chercheurs font une découverte assez inattendue. Ce ne sont pas les 3 signatures bactériennes intestinales identifiées qui sont corrélées à l'origine géographique, à l’âge ou à la masse corporelle des individus mais bien quelques poignées… de gènes bactériens ! La preuve de concept est faite : ces derniers pourront être utilisés comme biomarqueurs pour aider au diagnostic des patients touchés par des maladies comme l’obésité ou la maladie de Crohn. En 2014, une nouvelle approche permet de reconstituer le génome de 238 espèces complètement inconnues. Les chercheurs ont également trouvé plus de 800 relations de dépendance qui permettent de mieux comprendre le fonctionnement global de cet écosystème intestinal.
L'ÉPIGÉNÉTIQUE
Peut-on tout expliquer par la génétique ? Dès 1942, Conrad Waddington souligne l'incapacité de cette discipline à expliquer le développement embryonnaire. Comment, en effet, expliquer la différence entre une cellule du foie et un neurone alors que toutes renferment le même programme ? Ce généticien désigne l'épigénétique comme le lien entre les caractères observables (phénotypes) et l'ensemble des gènes (génotypes).
Comparons l'organisme à une voiture ; la génétique serait l'établi sur lequel sont exposées toutes les pièces mécaniques et l'épigénétique la chaîne d'assemblage des différents éléments. Ainsi, l'épigénétique jouerait les chefs d'orchestre en indiquant pour chaque gène à quel moment et dans quel tissu il doit s'exprimer. Suite à la découverte des premiers mécanismes épigénétiques qui régulent l'expression des gènes, les chercheurs ont appris à « museler » un gène à des fins thérapeutiques.
Première méthode : par modification des protéines sur lesquelles s'enroule l'ADN. Le gène se compacte et devient alors inaccessible à la transcription ; il ne s'exprime plus. Seconde méthode : inactiver directement son ARNm avec des ARN interférence qui bloquent sa traduction. Depuis les années 1990, de nouvelles molécules associées à la régulation épigénétique sont découvertes. L'ensemble de ces molécules, le plus souvent trouvées dans l'ADN non-codant, forme l'épigénome. Complémentaire de la génétique, l'épigénétique donne une vue plus complète de la machinerie cellulaire et révèle une surprenante complexité dans les régulations de l'expression génique. Elle ouvre des perspectives dans la compréhension et le traitement de nombreuses maladies.
CNRGH et GENOSCOPE - Au sein de l'Institut de biologie François Jacob, ces deux services développent des stratégies et thématiques scientifiques distinctes, sur un socle de ressources technologiques communes. Le Centre national de recherche en génomique humaine (CNRGH) est axé sur la génomique humaine et la recherche translationnelle. Les recherches du Genoscope (aussi appelé Centre national de séquençage) portent sur l'exploration et l'exploitation de la biodiversité génomique et biochimique.
LE PROJET TARA
L'expédition « Tara Oceans » a débuté en septembre 2009. Pour explorer la diversité et évaluer la concentration du plancton, 40 000 prélèvements ont été réalisés. Leur analyse permet d'étudier l'effet du réchauffement climatique sur les systèmes planctoniques et coralliens, ses conséquences sur la vie marine et donc la chaîne alimentaire. Elle aidera à mieux comprendre l'origine de la vie sur Terre. Enfin, le plancton représente une ressource de biomolécules potentiellement intéressante pour la chimie verte, l'énergie ou encore la pharmacie. Le Genoscope est chargé de l'analyse génétique des 2 000 échantillons « protistes » et « virus » ! En mai 2016, la goélette est repartie pour l'expédition « Tara Pacific ».
Objectif : Mieux comprendre la biodiversité des récifs coralliens, leur capacité de résistance, d'adaptation et de résilience face aux changements climatiques et à la pollution et dégradations dues à l'Homme. À bord et à terre, les chercheurs continuent leur travail de séquençage pour établir une base de données de tous les échantillons prélevés.
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LA COÉVOLUTION |
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LA COÉVOLUTION
Les virus informatiques sont de plus en plus élaborés. Les anti-virus sont de plus en plus complexes. Telle est l'image moderne que l'on peut donner de la coévolution. La coévolution, c'est le processus sans fin dans lequel deux adversaires construisent sans cesse de nouvelles armes pour ne pas être distancé par "l'autre". Des exemples typiques de coévolution en biologie se trouvent dans les relations entre les agents pathogènes et leurs hôtes. La coévolution existe aussi dans les systèmes mutualistes, où chacun exploite l'autre. L'illustration la plus belle est celle des orchidées de Madagascar et de leurs papillons pollinisateurs. Les premières ont des tubes nectarifères de 30 cm de longueur et les seconds ont des trompes de 25 cm. L'allongement démesuré des nectaires et des trompes au cours de l'évolution s'explique seulement par un processus coévolutif qui avait été déjà entrevu par Charles Darwin. La question cruciale est celle du rôle de la coévolution dans le phénomène grandiose de l'évolution elle-même. N'est-elle qu'une anecdote, ou au contraire un mécanisme fondamental ? L'hypothèse dite de ""la Reine Rouge"" propose qu'elle est la base même de l'aventure de la vie. Avec l'homme apparaît une forme entièrement nouvelle de coévolution, non plus entre des objets vivants mais entre deux processus : le génome et la culture. Par leurs traditions culturelles, transmises de génération en génération, les hommes influencent de plus en plus fortement les processus de la sélection naturelle. Par exemple, les progrès de la médecine contrarient certainement la sélection des gènes de résistance aux maladies. Quant aux interventions directes sur le génome, elles relègueront les processus naturels au rang d'accessoires obsolètes.
Texte de la 7ème conférence de l'Université de tous les savoirs réalisée le 7 janvier 2000 par Claude Combes
"La coévolution"
Qu'est que la coévolution?
Les virus informatiques sont de plus en plus élaborés.
Les anti-virus sont de plus en plus complexes.
Telle est l'image moderne que l'on peut donner de la coévolution. Les virus informatiques deviennent de plus en plus élaborés parce que les logiciels anti-virus existent, et ces derniers se renouvellent sans cesse parce que des virus plus performants sont mis en circulation.
La coévolution, c'est le processus sans fin dans lequel deux adversaires construisent sans cesse de nouvelles armes pour ne pas être distancé par "l'autre".
Les pathogènes et leurs hôtes: un conflit sans merci
Un pathogène, qu'il s'agisse du virus de la grippe ou du pou des écoliers est un être vivant qui utilise un autre organisme vivant, l'hôte, à la fois comme habitat et comme source d'énergie. Très souvent, l'association entre le pathogène et l'hôte est caractérisée par une étroite spécificité: un pathogène donné a "son " hôte ou un petit nombre d'hôtes apparentés.
Pour l'étude de la coévolution, une notion est importante, celle de succès reproductif, que la littérature anglo-saxonne qualifie du mot évocateur de "fitness". Dans une association pathogène-hôte, la fitness du parasite augmente si la sélection naturelle lui permet de mieux exploiter l'hôte, tandis que l'hôte augmente la sienne si la sélection lui permet de mieux lutter contre l'infection.
On devine dès lors que toutes les conditions sont réunies pour une coévolution. Aux "armes" inventées par le pathogène répondent les "armes" inventées par l'hôte. Bien entendu, derrière le mot arme, il faut entendre des adaptations (comportementales, physiologiques, moléculaires) et derrière le mot "inventées", il faut entendre les choix de la sélection naturelle dans la variabilité génétique issue des mutations. Dans un tel conflit, où la coévolution oppose deux adversaires aux intérêts totalement divergents, les biologistes parlent couramment de courses aux armements, par comparaison avec deux pays rivaux qui maintiendraient un fragile équilibre, chacun inventant régulièrement de nouvelles armes capables de s'opposer aux initiatives de l'autre.
Dans les associations pathogènes-hôtes, les courses aux armements se font à deux niveaux successifs.
Les gènes qui permettent au pathogène de rencontrer son hôte avec une plus grande probabilité sont tout d'abord sélectionnés. Est sélectionné en réponse chez l'hôte tout gène qui lui permet d'éviter la rencontre avec le pathogène.
Les gènes qui permettent à l'hôte de détruire le pathogène, notamment par l'immunité, sont sélectionnés. Est sélectionné en réponse chez le pathogène tout gène qui lui permet de survivre dans le milieu hostile ainsi créé.
On devine que cette coévolution peut durer longtemps& C'est probablement pourquoi il existe autant de pathogènes et pourquoi il en existera vraisemblablement toujours. Cette coévolution ne diffère en rien de celles qui opposent les prédateurs à leurs proies: les chats ont d'excellentes adaptations pour attraper les souris, mais comme les souris ont d'excellentes adaptations pour éviter les chats, il existe toujours à la fois des chats et des souris. Les enfants savent bien que Jerry sait prendre les bonnes décisions qui font échouer les projets diaboliques et sans cesse renouvelés de Tom& Walt Disney a illustré la coévolution sans s'en douter.
Les orchidées et les papillons: un conflit quand même&
L'association formée par certaines orchidées de Madagascar et leurs papillons pollinisateurs n'entre plus dans le domaine du parasitisme mais dans celui du mutualisme. Quelle est la différence? Si, dans le parasitisme, l'un des partenaires de l'association exploite l'autre, dans le mutualisme, l'exploitation est réciproque. En d'autres termes, il y a toujours un pathogène et un hôte, mais ce dernier trouve un avantage à être colonisé par le pathogène&
De nombreuses espèces d'orchidées possèdent des pollinies, petites masses collantes contenant les grains de pollen, et des tubes cylindriques (nectaires) qui sécrètent un nectar sucré. Des papillons viennent boire le nectar à laide de leur trompe. Pour ce faire, ils heurtent la base des pollinies et celles-ci adhèrent à leur tête. Au cours de leurs repas successifs de nectar, les papillons transportent ainsi les pollinies d'une fleur à une autre, ce qui permet la fécondation des orchidées. Cependant, pour que les pollinies se collent sur la tête du papillon, il faut que la tête de celui-ci heurte les pollinies placées au dessus du nectaire avec une certaine force. Si l'accès au nectar est trop facile, le papillon ingurgite du nectar mais repart sans pollinies. Par conséquent, seules les plantes à nectaires longs, qui contraignent l'insecte à heurter la base des pollinies pour atteindre le nectar, se reproduisent: le caractère "nectaire long" est favorisé par la sélection. Parallèlement, celle-ci favorise chez le papillon le caractère "trompe longue", puisque les papillons à trompe courte n'atteignent pas le précieux nectar et, mal nourris, ne se reproduisent pas normalement. Un tel processus coévolutif a abouti à des orchidées aux nectaires interminables et à des papillons à la trompe démesurée. Par exemple, l'orchidée Angraecum sesquipedale a des nectaires de 28 à 32 cm de long et le papillon Xanthopan morgani qui la pollinise une trompe de plus de 25 cm.
On voit bien que le fait que l'association soit de type mutualiste et non parasitaire n'empêche pas qu'il y ait coévolution. L'explication est que tout être vivant est fondamentalement égoïste et n'a d'autre "objectif" que de transmettre ses gènes à la génération suivante. La collaboration entre le papillon et l'orchidée n'a rien d'un processus altruiste, même si elle donne l'image d'une entente parfaite.
Carroll
Une question cruciale est celle du rôle de la coévolution dans le phénomène grandiose de l'Evolution elle-même (avec un "grand E"). La coévolution n'est-elle qu'un fait quelque peu anecdotique, propre à illustrer de belles histoires du monde vivant, ou est-elle au contraire un mécanisme fondamental?
Pour Leigh Van Valen, de l'Université de Chicago, le moteur principal de l'évolution de toute espèce vivante est représenté par les autres espèces avec lesquelles elle partage des ressources. Tout progrès dans la valeur adaptative d'une espèce quelconque modifie l'environnement des espèces qui l'entourent et les oblige à s'adapter. Cette adaptation provoque à son tour un changement dans l'environnement de la première espèce, ce qui la pousse à un nouvel épisode de sélection, et ainsi de suite. Cela se produit parce que les ressources sont limitées. Van Valen dit que les espèces jouent un "jeu à somme nulle" et a baptisé cette proposition du nom d'hypothèse de la Reine Rouge.
Lexpression "Reine Rouge" est empruntée à la nouvelle de Lewis Caroll "A travers le miroir", dans laquelle Alice tient la Reine Rouge par la main et court avec elle au pays des Merveilles. Alice, constatant avec surprise que le paysage autour d'elles ne change pas, interroge la Reine. Cette dernière répond qu'elles courent pour rester sur place et que c'est pourquoi le paysage paraît immobile. Les choses sont comparables dans les coévolutions: les espèces en conflit courent, c'est à dire "inventent" sans cesse de nouvelles adaptations, mais la qualité intrinsèque de chacune ne change pas. Le processus est d'autant plus marqué que deux espèces (ou un petit nombre d'espèces) forment une association "fidèle" dans le temps, compté en millions ou dizaines de millions d'années. Chaque fois que l'une d'elles acquiert par sélection un avantage quelconque, cet avantage modifie l'environnement des autres et les oblige à acquérir à leur tour par sélection des avantages compensateurs. Matt Ridley a écrit de manière imagée que, dans la vie, tout progrès n'est que relatif&
L'hypothèse de la Reine Rouge présente l'avantage d'expliquer l'accroissement ininterrompu de la complexité qui, en 3, 5 milliards d'années, a conduit l'être vivant de l'état de molécule à celui d'Homo sapiens. Si l'hypothèse est exacte, l'évolution, & c'est les autres. Accorder crédit à la "Reine Rouge" n'implique en aucune manière que les grands évènements physiques qui ont affecté la planète (émergence des terres, dérive des continents, grandes éruptions volcaniques, fluctuations climatiques, etc.) n'aient pas joué un rôle essentiel à certains moments de l'évolution, donnant à celle-ci un caractère bien moins "gradualiste" qu'on ne le croyait vers le milieu du XXème siècle.
La coévolution génome-culture
Avec l'apparition des hommes sur la Terre s'est installée une forme entièrement nouvelle de coévolution, non plus entre des espèces vivantes mais entre deux processus. On la qualifie de coévolution culture-génome.
Comme le notent Marcus Feldman, de l'Université de Stanford et Kevin Laland, de l'Université de Cambridge, aussitôt que les hommes ont su construire des outils de pierre, la compétence acquise dans cet exercice a pu être transmise de génération en génération, par un processus culturel et non plus génétique. Curieusement, les changements culturels chez les humains donnent raison à Lamarck: en matière de culture, il y a transmission des caractères acquis, qu'ils soient matériels, spirituels ou cognitifs.
On parle de coévolution culture-génome parce que, par leurs traditions culturelles, transmises d'une génération à la suivante, les hommes ont influencé de plus en plus fortement la sélection naturelle de l'information génétique.
On cite le plus souvent l'invention de l'agriculture. Celle-ci a permis que de petites inégalités initiales entre les individus se traduisent par la possession des terres et l'accumulation des richesses. Des inégalités de plus en plus grandes se sont manifestées et de là sont nés les royaumes, les empires et les féodalités& Ces bouleversements dans les "hiérarchies" entre les humains ont fortement perturbé la transmission des gènes. Matt Ridley montre que le "pouvoir" a été, jusqu'à une date très récente, associé à la production du grand nombre possible de descendants. Il cite l'empereur chinois Fei-Ti (5ème siècle après JC, dynastie Nan) et ses 10.000 concubines, et bien d'autres exemples. Laura Berzig rapporte que les empereurs de la dynastie Tang (7 et 8ème siècles après JC) allaient jusqu'à faire tenir un agenda détaillé des dates de menstruation de leurs concubines afin de ne pas gaspiller leur sperme& D'autres pratiques culturelles modifient les caractères génétiques des populations humaines. Tel est le cas de l'infanticide traditionnel qui déséquilibre la proportion des sexes. Quant aux progrès modernes de la médecine, ils contrarient certainement la sélection des gènes de résistance aux maladies. Même l'invention des lunettes doit avoir pour conséquence logique de laisser les gènes de myopie se répandre en toute liberté.
On peut enfin se demander si l'affaiblissement croissant de la structure familiale dans les sociétés occidentales ne relève pas d'un processus de coévolution culture-génome. L'accélération des acquisitions culturelles est telle que les parents ne peuvent transmettre à leurs enfants que des concepts démodés, de telle sorte que les enfants enrichissent davantage leurs connaissances par des mécanismes horizontaux (auprès d'individus de la même génération) que par des mécanismes verticaux (auprès d'individus des générations précédentes). Grand-père et grand-mère ont perdu leur pouvoir& Est-il utile enfin de dire que les interventions directes sur le génome humain, qui se feront au troisième millénaire, relègueront les processus naturels au rang d'accessoires obsolètes. Il reste à espérer qu'elles se feront seulement à des fins thérapeutiques, notamment pour lutter contre les maladies génétiques.
Les exemples qui précèdent démontrent que, si l'évolution des génomes dans la lignée des hominidés a conduit à l'émergence du cerveau de l'homme moderne et par conséquent à celle de la culture, celle-ci a profondément modifié à son tour les pressions sélectives s'exerçant sur les génomes. Terme paradoxal de cette évolution à l'aube du 3ème millénaire, les différentes cultures nées dans des entités géographiques autrefois cloisonnées ont bien plus tendance à se heurter dans un processus "darwinien" d'exclusion compétitive qu'à s'enrichir mutuellement. Si un processus de Reine Rouge s'installait entre elles, elles pourraient survivre les unes et les autres en s'enrichissant. Si au contraire la compétition pure et simple l'emporte, une seule culture dominante subsistera.
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PROPRIOCEPTION |
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PROPRIOCEPTION, subst. fém. * Dans l'article "PROPRIOCEPTIF, -IVE,, adj."
PSYCHOPHYSIOL. ,,Qui se rapporte au fonctionnement des propriocepteurs`` (Méd. Biol. t.3 1972). Réflexe proprioceptif. Allons-nous supposer que l'excitation extéroceptive ou proprioceptive a réveillé chez lui [le normal] des «résidus kinesthésiques» qui tiennent lieu de mouvements effectifs? (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p.126).Est-ce parce que le labyrinthe nous renseigne sur nos déplacements dans l'espace qu'il est proprioceptif, mais le tact, la vue nous renseignent aussi sur nos déplacements, et leur fonction doit-elle devenir proprioceptive pour cela? (Piéron, Sensation, 1945, p.40).
− Sensibilité proprioceptive. Sensibilité propre aux organes profonds de la vie de relation, os, articulations, muscles, ligaments, par opposition à la sensibilité extéroceptive (tactile) et à la sensibilité intéroceptive (viscérale). Récepteurs de la sensibilité proprioceptive. Un de ces schémas posturaux sans but extérieur, où le corps joue une sorte de monologue moteur avec la conscience de ses attitudes, avec son équilibre ou simplement avec le libre jeu de ses ébats (sensibilité proprioceptive) (Mounier, Traité caract., 1946, p.193).V. intéroceptif ex.
♦ Empl. subst. V. extéroceptif, s.v. extéro- A 1 ex. de Piéron.
REM. 1.
Proprioception, subst. fém.a) Activité de la sensiblité proprioceptive; p.méton., résultat de cette activité. (Ds Lar. Lang. fr., Lexis 1975). b) Perception qu'a l'homme de son propre corps, par les sensations kinesthésiques et posturales en relation avec la situation du corps par rapport à l'intensité de l'attraction terrestre. Les données de la proprioception sont sensorielles et proviennent des trois sources suivantes: tactile (...), kinesthésiques [sic] (...), labyrinthique. L'accumulation des données de la proprioception fournit à l'être humain son schéma corporel (Lar. encyclop. Suppl.1968).
2.
Proprioceptivité, subst. fém.Ensemble des sensations résultant de la perception qu'a l'homme de son propre corps et renseignant sur l'activité du corps propre (sensations kinesthésiques et posturales) (d'apr. Greimas-Courtés 1979). Synon. thymie.On entendait d'abord par «schéma corporel» un résumé de notre expérience corporelle, capable de donner un commentaire et une signification à l'intéroceptivité et à la proprioceptivité du moment (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p.114).
Prononc.: [pʀ ɔpʀijɔsεptif], fém. [-i:v]. Étymol. et Hist. 1935 (Arts et litt., p.36-4). Formé de proprio-, élém. tiré du lat. proprius «propre» (v. ce mot) et de [ré]ceptif*, cf. extéroceptif (s.v. extéro-) et intéroceptif. L'angl. proprioceptive est att. dep. 1927 (v. Ned Suppl.2, s.v. exteroceptor).
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