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LE CERVEAU DE LA CONNAISSANCE: PHYSIOLOGIE DE LA COGNITION ET IMAGES DU CERVEAU
L'existence de relations entre cerveau et pensée a alimenté de nombreuses querelles philosophiques, et ce en raison de l'absence de techniques d'observation du fonctionnement normal de cet organe. A la fin du 19e siècle, physiologistes et neurochirurgiens ont établi que les fonctions cognitives généraient des modifications localisées de la circulation sanguine cérébrale, et que des stimulations ou des lésions du cortex pouvaient provoquer une interruption ou un trouble de leur exécution. Jusqu'aux années 1980, cette dernière approche - la neuropsychologie - a constitué la méthode expérimentale prédominante pour l'étude des relations entres structures et fonctions cérébrales. Elle est cependant limitée parce qu'elle tente d'inférer le fonctionnement du cerveau normal à partir de l'observation de dysfonctionnements de cerveaux lésés. Dans ce contexte, la mise au point au cours des années 1990 de techniques d'imagerie numérique tridimensionnelle permettant d'observer de façon externe chez l'homme vivant l'organisation fonctionnelle de son cerveau, constitue une véritable révolution. La tomographie par émission de positons, l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle et la magnétoencéphalographie sont désormais à même de fournir des cartes spatio-temporelles des événements électriques et métaboliques qui sous-tendent les activités mentales. Ces nouvelles approches des fonctions cognitives ont déjà fourni de nombreux résultats en démontrant que les activités cognitives avaient pour base une modulation d'activité neuronale. Elles devraient également permettre dans l'avenir une nouvelle approche des dysfonctionnements cognitifs apparaissant au détours des maladies neurologiques et psychiatriques.
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OBÉSITÉ |
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Paris, 15 avril 2014
Obésité : les lipides, des drogues dures pour le cerveau ?
Pourquoi sommes-nous capables de nous relever pour un morceau de chocolat, mais jamais pour une envie de carotte ? L'équipe de Serge Luquet du Laboratoire « Biologie fonctionnelle et adaptative » (CNRS/Université Paris Diderot) a mis en évidence une partie de la réponse : les triglycérides, corps gras d'origine nutritionnelle, pourraient agir dans notre cerveau, directement sur le circuit de la récompense, celui-là même qui est impliqué dans la dépendance aux drogues. Ces résultats publiés le 15 avril 2014 dans Molecular Psychiatry montrent un lien fort, chez la souris, entre les fluctuations de concentration de triglycérides et l'élaboration par le cerveau de la récompense. L'identification de l'action des lipides nutritionnels sur la motivation et la recherche de plaisir de la prise alimentaire permettra de mieux appréhender les causes de certains comportements compulsifs et de l'obésité.
Si l'acte de manger répond à un besoin biologique, il recouvre également, dans nos sociétés modernes, une fonction culturelle et sociale essentielle. Le repas est généralement associé à une forte notion de plaisir, sentiment qui nous pousse vers la nourriture. Parfois dangereusement : 2,8 millions de patients dans le monde meurent, chaque année, des conséquences de l'obésité. Sa cause fondamentale est un déséquilibre entre les calories consommées et celles dépensées. La vie sédentaire associée à l'abondance de denrées sucrées et grasses offrent un terreau fertile à la maladie.
L'organisme utilise sucres et graisses comme source d'énergie. Le cerveau consomme seulement du glucose. Alors pourquoi y trouve-t-on, en son centre et au cœur du mécanisme de la récompense, une enzyme capable de décomposer les triglycérides, lipides notamment issus de l'alimentation ? Question fondamentale sur laquelle s'est penchée une équipe du Laboratoire « Biologie fonctionnelle et adaptative » (CNRS/Université Paris Diderot) dirigée par Serge Luquet, chargé de recherche au CNRS.
Le comportement normal d'une souris est de préférer, si le choix se présente, une nourriture riche en graisses à des aliments plus simples. Pour simuler l'action d'un bon repas, les chercheurs ont développé une approche permettant d'injecter directement vers le cerveau de la souris de faibles quantités de lipides. Ils ont alors observé qu'une perfusion de triglycérides dans le cerveau diminue la motivation de l'animal à actionner un levier pour obtenir une friandise. Quant à son activité physique, elle diminue de moitié. De plus, une souris « perfusée » équilibre son alimentation entre les deux sources alimentaires proposées (nourriture riche en graisses et aliments plus simples).
Afin de s'assurer que ce sont bien les lipides injectés qui modifient le comportement de la souris, les scientifiques parisiens ont fait en sorte qu'ils ne puissent plus être détectés par le cerveau de l'animal. Ils ont réussi à éliminer l'enzyme spécifique aux triglycérides en réduisant au silence son gène codant, et ce, uniquement au cœur du mécanisme de la récompense. L'animal montre alors une motivation accrue pour obtenir une récompense, et, s'il en a le choix, une consommation de nourriture riche nettement supérieure à la moyenne. Ces travaux viennent faire écho aux travaux précédents de leurs collègues1 : une diminution de cette enzyme dans l'hippocampe induit une obésité.
Paradoxalement, en cas d'obésité, les taux de triglycérides circulant dans le sang et donc dans le cerveau, sont plus importants que la moyenne. Or, l'obésité est souvent associée à des comportements de surconsommation d'aliments sucrés et gras. Les chercheurs l'expliquent : en cas de fortes et longues expositions aux triglycérides, la souris affiche toujours une activité locomotrice en berne. Par contre, l'attirance pour les friandises n'est plus éliminée ! Les conditions idéales sont ainsi réunies pour la prise de poids. A taux soutenus de triglycérides, le cerveau s'adapte pour obtenir sa récompense, de façon similaire aux mécanismes observés lors de consommation de drogues.
Ces travaux, financés notamment par le CNRS et l'ANR, indiquent pour la première fois que les triglycérides d'origine nutritionnelle pourraient agir comme des drogues dures dans le cerveau, sur le système dit « de la récompense », contrôlant ainsi la composante motivationnelle et hédonique de la prise alimentaire.
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POURQUOI LE CERVEAU SE SOUVIENT - IL DES RÊVES ? |
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Paris, 12 février 2014
Pourquoi le cerveau se souvient-il des rêves ?
Certaines personnes se souviennent de leurs rêves tous les matins alors que d'autres s'en souviennent rarement. L'équipe de Perrine Ruby, chargée de recherche Inserm, au sein du centre de recherche en neurosciences de Lyon (Inserm / CNRS / Université Claude Bernard Lyon 1) a étudié l'activité cérébrale de ces rêveurs afin de comprendre ce qui les différencient. Dans une étude publiée dans la revue Neuropsychopharmacology, les chercheurs montrent que la jonction temporo-pariétale, un carrefour du traitement de l'information dans le cerveau, est plus active chez les grands rêveurs. Elle induirait une plus grande réactivité aux stimulations extérieures, faciliterait ainsi le réveil au cours du sommeil, ce qui favoriserait la mémorisation des rêves.
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LA TRANSGENÈSE ET SES APPLICATIONS |
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Texte de la 30ème conférence de l'Université de tous les savoirs réalisée le 30 janvier 2000 par Louis-Maris Houdebine
LA TRANGENESE ET SES APPLICATIONS
Les découvertes des cinquante dernières années nous ont familiarisé avec lidée que la vie nest quun ensemble de réactions physico-chimiques qui se déroulent à lintérieur despaces bien délimités, les cellules. Ces actions sont effectuées pour une part essentielle par des protéines (enzymes, facteurs sanguins, hormones, anticorps, etc.) Les protéines de tous les organismes vivants sont composées des mêmes vingt acides aminés assemblés les uns derrière les autres pour former des chaînes dont la longueur est très diverse. Les protéines peuvent contenir de quelques unités à quelques milliers dacides aminés. Le nombre de combinaisons théoriques des vingt acides aminés est considérable et lensemble des protéines existantes ne représente quune faible partie des possibilités. Lactivité biologique des protéines est directement liée à lenchaînement des acides aminés mais dune manière très complexe. Les chaînes formant les protéines se replient de multiples manières qui sont définies par la séquence des acides aminés. Ces repliements forment les sites actifs des protéines.
La découverte des protéines sest accompagnée de la mise en évidence dune molécule omniprésente dans les organismes vivants : lacide désoxyribonucléique ou ADN qui renferme linformation génétique. Cette molécule est formée dune chaîne de phosphate et de désoxyribose sur laquelle sont accrochées quatre structures appelées bases et symbolisées par les lettres ATGC.
De multiples observations ont montré quun gène est constitué par une région de la chaîne dADN et quà un gène correspond essentiellement une protéine. Des études systématiques ont permis détablir que la succession des bases dans un gène définit directement lenchaînement des acides aminés de la protéine correspondante selon un code universel : le code génétique. Trois bases successives déterminent ainsi quel acide aminé doit participer à la formation de la protéine.
LADN peut donc considérer comme une banque de données dont la cellule fait usage en fonction de ses besoins en protéines. Une copie dun gène sous la forme dun acide ribonucléique messager (ARNm) est formé à la demande de la cellule et décrypté pour synthétiser la protéine correspondante. Ces faits établis il y a bientôt quarante ans définissaient déjà tout le principe du génie génétique. En effet, si les messages génétiques contenus dans lADN ne sont définis que par la succession des quatre bases, il doit être possible de modifier ces messages voire den créer de nouveaux dès lors que lon maîtrise la chimie de lADN. Les techniques essentielles qui permettent de manipuler ainsi lADN ont été définies il y a maintenant un peu plus de vingt ans et avec elles est né le génie génétique qui est désormais un outil très largement utilisé dans de nombreux laboratoires.
Il est admis quil y a une continuité stricte entre la matière inorganisée qui a précédé le Big Bang il y a quinze milliards dannée et la matière très organisée que constituent les organismes vivants apparus sur la terre il y a quatre milliards dannées. Les minéraux représentent un état de complexité intermédiaire.
Les organismes vivants sont eux-mêmes dune complexité très variable qui va croissante des bactéries aux mammifères et à lhomme en passant par les levures et les plantes. Très logiquement, on constate que les organismes vivants les plus complexes sont ceux qui ont le plus grand nombre de gènes. Les bactéries ont ainsi de 350 à 4000 gènes, les levures environ 6000, un des plus petits animaux connus de la famille des nématodes 19099, les plantes environ 20000 et lhomme autour de 100000 (le chiffre proche de la réalité sera connu au cours de lannée 2000). Ces données sont particulièrement révélatrices de la manière dont lévolution a procédé pour faire émerger les différentes espèces. Les mammifères sont en effet beaucoup plus complexes que les bactéries et ils nont pourtant que 50 fois plus de gènes. Les biologistes savent déjà que les gènes, les protéines et les molécules qui en dérivent sont capables dinteragir de manière de plus en plus complexe au fur et à mesure que lorganisme est lui-même devenus plus évolué. La complexité du vivant naît donc au moins autant dune combinatoire de plus en plus sophistiquée de molécules qui le compose que dune accumulation des informations génétiques primaires.
1/ Des gènes au génie génétique
Ces faits ont une répercussion directe et profonde sur les expériences impliquant le génie génétique. Les techniques actuelles permettent virtuellement disoler nimporte quel gène, den étudier la structure, de le modifier et de le réintroduire dans une cellule ou un organisme vivant. Cette dernière opération est une des plus essentielles. Un gène peut en effet se comparer à une bande magnétique. Tous les deux contiennent des messages linéaires codés et aisément modifiables. Ces messages sont en soi inertes. Ils nont dintérêt que par les produits qui en sont issus : une image ou un son dans un cas, une protéine dans lautre cas. Une différence fondamentale existe toutefois entre les deux systèmes ; le lecteur de bande magnétique est indifférent au message quil décode ce qui nest le plus souvent pas le cas pour les gènes dans la mesure où les protéines peuvent agir sur la cellule ou sur lorganisme entier qui les synthétisent.
Un gène peut dans une certaine mesure être comparé à un micro-ordinateur qui contient un message spécifique. Lintroduction dun gène isolé dans une cellule et à fortiori dans un organisme entier revient alors à connecter le micro-ordinateur à un réseau de micro-ordinateurs déjà interconnectés et interagissant. Une telle incursion peut enrichir le réseau de manière harmonieuse ou à linverse perturber profondément son fonctionnement.
La transgenèse est lopération qui consiste à ajouter un gène étranger à un organisme pluricellulaire (plantes ou animaux) entier ou à remplacer un des ses gènes par un autre. Il est bien évident que dans lun et lautre cas, les effets du transgène sur lorganisme ne peuvent être totalement prévisibles aussi bien connues que soient les propriétés du gène étranger et de la protéine correspondante. La transgenèse est donc par essence un retour au complexe, lisolement dun gène et son étude in vitro étant au contraire une étude volontairement réductionniste. Les conséquences dune transgenèse sont donc à priori inévitablement en partie inconnues. La gestion du complexe que représentent lagriculture et lélevage est en réalité une activité très familière pour les communautés humaines. La sélection génétique consiste classiquement à repérer les effets biologiques intéressants (prolificité, résistance aux maladies etc.) apparus spontanément chez quelques individus au hasard de la redistribution des gènes lors de la reproduction sexuée et de mutations résultant derreurs dans la réplication de lADN. La reproduction privilégiée des individus dotés des propriétés biologiques intéressantes conduit progressivement à létablissement de lignées ou de races. Cette méthode de sélection a largement fait ses preuves et nous en bénéficions grandement. La sélection classique est toutefois une opération le plus souvent réalisée en aveugle. Le sélectionneur ne sait en effet le plus souvent rien des gènes quil a sélectionnés ni de leurs effets individuels. Seul le résultat global est généralement pris en compte. Le remaniement des chromosomes dans les cellules germinales consiste à redistribuer les gènes parentaux de manière aléatoire. Ceci explique que les enfants dun même couple sont différents. Le remaniement des chromosomes parentaux concerne de longs segments dADN qui portent de nombreux gènes contigus. La sélection dun gène ayant un intérêt biologique attendu saccompagne donc inévitablement de la co-sélection de gènes voisins inconnus dont les effets ne sont pas toujours bénéfiques. Ainsi, des taureaux, des verrats, etc. retenus comme géniteurs en raison de leur potentiel génétique intéressant savèrent parfois à lusage porter également un gène parfaitement nuisible pour lélevage. Ces géniteurs doivent alors être éliminés non sans parfois avoir entraîné des pertes financières importantes. Il en est de même pour la sélection végétale.
La transgenèse évite, par essence, une bonne partie de ces effets imprévisibles. La modification génétique quelle représente a des effets en grande partie attendus, dans la mesure où les propriétés du gène étranger sont elles-mêmes connues. La transgenèse ne correspond par ailleurs quà une seule modification génétique de lorganisme. La transgenèse vue ainsi est donc en principe moins hasardeuse que la sélection classique. Tout bien considéré, les mutations obtenues par transgenèse ne sont généralement pas plus complexes que celles engendrées par les mécanismes naturels à chaque cycle de reproduction. La gestion des organismes transgéniques peut donc logiquement sinspirer de celle des organismes obtenus par sélection classique.
2/ Les techniques de transfert de gènes
Le transfert dun gène isolé à un organisme nest quexceptionnellement un phénomène spontané. Si tel nétait pas le cas, lintégrité des espèces ne serait pas une réalité puisque les organismes vivants sont très fréquemment en contact direct avec lADN dautres espèces. Les virus qui ne sont constitués que de quelques gènes associés à des protéines ont une capacité exceptionnelle à pénétrer dans les cellules. Ce processus que lon nomme une infection est primordiale pour le virus qui doit absolument utiliser la machinerie cellulaire dont il est dépourvu pour se répliquer. Lintroduction de gène étranger destiné à obtenir des organismes transgéniques requiert donc des méthodes expérimentales variées. La plus utilisée chez les animaux consiste à procéder à une microinjection directe du gène isolé en solution dans le noyau ou le cytoplasme dun embryon au stade une cellule. Dans une petite proportion de cas (de lordre de 1%) le gène étranger sintègre à LADN de lembryon et se transmet ainsi à ses cellules filles puis à sa descendance.
Cette méthode ne peut être appliquée aux végétaux. Deux techniques sont dans ce cas le plus souvent utilisées. Lune consiste à introduire le gène étranger dans un vecteur dérivé dune bactérie. Celui-ci pénètre aisément dans la cellule végétale et sintègre dans son ADN. Lautre méthode est utilisée pour les végétaux ne pouvant bénéficier du vecteur. Elle consiste à faire pénétrer de force des microbilles métalliques enrobées dADN contenant le gène étranger dans les cellules végétales en les projetant à haute vitesse. Dans lun et lautre cas, le transfert de gène doit être suivi dune régénération complète dune plante à partir de la cellule ayant subi la modification génétique.
Laddition de gène est lopération la plus simple et de loin la plus fréquemment pratiquée. Le remplacement spécifique de gène est également hautement souhaitable. Il permet en pratique de remplacer un gène de lorganisme par un gène inactif (ceci revient alors à supprimer sélectivement un gène de lorganisme) ou par un autre gène actif. Cette opération nest actuellement possible que chez les animaux (et les microorganismes). Elle implique en effet que lADN étranger contenant le gène de remplacement reconnaisse très spécifiquement le gène ciblé pour pouvoir se substituer à lui par un processus de recombinaison homologue. Cette opération nest finalement couronnée de succès que si la cellule dans laquelle a eu lieu le remplacement de gène peut donner naissance à un organisme entier. Cette régénération très couramment pratiquée chez bon nombre de plantes est particulièrement malaisée chez les animaux. En pratique, la cellule animale modifiée doit être celle dun embryon précoce capable, une fois introduite dans un embryon précoce hôte, de participer au développement de lorganisme jusquà transmettre la mutation à la descendance. Cette méthode laborieuse est utilisée depuis plus de 10 ans mais, pour des raisons techniques, chez la souris seulement. Le remplacement de gène par recombinaison homologue a donc pendant une décennie été réservée à cette seule espèce.
Une autre approche très séduisante peut en principe reposer sur la technique de clonage des animaux. Cette technique mise au point il y a environ quinze ans consiste à reconstituer léquivalent dun embryon en introduisant le double stock de chromosomes dune cellule dans un ovocyte préalablement énucléé. Ceci na pendant longtemps été possible quen partant de cellules embryonnaires non différenciées (totipotentes) et non cultivées. Des améliorations techniques relativement minimes ont permis dobtenir des clones de moutons en partant de cellules embryonnaires totipotentes cultivées (un an avant la naissance de Dolly) puis à partir de cellules fStales différenciées et enfin de cellules adultes. Ces expériences ont été menées essentiellement pour tenter de simplifier la technique de transgenèse. Il est en effet en principe possible de transférer des gènes étrangers dans des cellules cultivées utilisées ensuite pour engendrer des animaux qui se trouvent être transgéniques. Laddition de gène a ainsi été couronnée de succès (naissance de Polly) un an après la naissance de Dolly. En 1999, le remplacement de gène chez les moutons a pu être obtenu par recombinaison homologue par le même procédé.
Laddition de gène est ainsi simplifiée et le remplacement de gène est devenu possible chez les ruminants domestiques et très vraisemblablement chez dautres espèces dans le futur.
Les fragments dADN qui sont utilisés pour la transgenèse sont généralement construits au laboratoire pour diriger lexpression du gène étranger spécifiquement dans un tissu donné. La connaissance limitée que lon a actuellement du mode de fonctionnement des gènes ne permet encore quune approche empirique raisonnée dans la construction des futurs transgènes. Des progrès rapides récents dans ce domaine laisse prévoir pour un avenir assez proche un contrôle satisfaisant du fonctionnement des transgènes dans la majorité des cas.
3/ Les applications de la transgénèse
La transgenèse, a dès ses débuts chez les animaux en 1981 puis en 1983 chez les plantes, été définie avant tout comme un outil de recherche. Laddition ou le retrait dune information génétique dans un organisme entier est en effet un moyen incontournable pour déterminer les mécanismes moléculaires qui contrôlent le fonctionnement des gènes et le rôle des gènes eux-mêmes dans lexpression des fonctions biologiques. Lidentification systématique et massive des gènes de certains organismes par le séquençage complet de leur ADN va logiquement être suivie dune utilisation plus intense de la transgenèse chez quelques organismes modèles comme la souris et le tabac.
La maîtrise du vivant que représente la transgenèse a rendu possible des applications nouvelles dans le domaine médical et agronomique. Létude des maladies humaines ne peut se passer de modèles animaux. Les modèles pertinents résultant de mutations spontanées sont rares. Dans le meilleur des cas, des modèles particulièrement précieux peuvent être obtenus par addition ou remplacement de gènes. Cest surtout la souris qui est sollicitée en raison de son faible coût dutilisation. Dautres espèces sont parfois nécessaires pour diverses raisons, cest le cas notamment du rat, du lapin, du porc et des primates non humains. Cette approche expérimentale est devenue récemment plus simple et potentiellement plus utile à la suite de lamélioration des techniques de transgenèse.
Les animaux et les plantes sont depuis des temps immémoriaux la source de substances dotées de propriétés pharmacologiques. Ces substances nont, par le passé, été que rarement des protéines. Jusquà une époque récente en effet, un nombre relativement petit de protéines était connu et seulement quelque unes dentre elles pouvaient être extraites pour être administrées à lhomme. Cétait le cas de linsuline de porc pour le traitement des diabétiques. Le génie génétique offre la possibilité de préparer virtuellement nimporte quelle protéine en abondance en transférant le gène correspondant dans des bactéries, des levures, des plantes ou des animaux. Linsuline et lhormone de croissance humaine proviennent désormais essentiellement de bactéries recombinées. Plusieurs dizaines de protéines dintérêt pharmaceutique ont été obtenues à partir du lait danimaux ou de plantes transgéniques. La première protéine extraite ainsi du lait doit être mise sur le marché en 2000. Beaucoup dautres suivront et on peut considérer quune nouvelle branche de lindustrie pharmaceutique est née.
La transgenèse peut jouer un rôle décisif dans le domaine des greffes dorganes. Plusieurs milliers de personnes meurent chaque année en France par manque de greffon humain. Limpossibilité quil y a et qui persistera sans doute longtemps de remédier à cette situation a fait resurgir une idée déjà ancienne. Certains organes ou cellules des animaux et notamment ceux du porc pourraient probablement être utilisés à la place de matériel humain. Les rejets extrêmement violents des organes animaux ont jusquà maintenant empêchés les xénogreffes de devenir une réalité. Des succès partiels mais bien réels ont été obtenus dans la dernière décennie du XXème siècle. Des cSurs et des reins de porcs transgéniques abritant des gènes capables dinhiber le système du complément humain responsable du rejet hyper-aigu des éléments étrangers ont pu être maintenus, intègres, pendant plusieurs semaines après avoir été greffés à des singes.
De multiples obstacles, y compris dans le domaine de la connaissance des mécanismes de rejet, restent à franchir pour que la xénogreffe devienne une réalité médicale. La xénogreffe peut toutefois dans lavenir concerner plus les cellules qui sont moins sujettes aux rejets que les organes. La démonstration récente que des cellules embryonnaires humaines peuvent être différenciées in vitro en cellules souches dorganes laisse penser que des cellules humaines préparées de cette manière pourraient être dans lavenir utilisées plutôt que leurs homologues dorigine porcine. La situation actuelle incite à imaginer que la xénogreffe ou la greffe à partir de cellules humaines différenciées pourraient être retenues comme moyen thérapeutique au cas par cas en fonction des problèmes à résoudre. Le transfert de gène dans les cellules ou via la transgenèse pourrait permettre aux cellules porcines non seulement dêtre mieux tolérées mais également dapporter des protéines ayant une activité thérapeutique. Une thérapie génétique serait alors réalisée en même temps quune thérapie cellulaire.
Les applications agronomiques de la transgénèse commencent à être significatives, en ce qui concerne les végétaux. Elles sont, pour des raisons techniques, tout juste naissantes chez les animaux. La transgenèse permet dans certains cas de conférer aux plantes et aux animaux une résistance contre les maladies. Ceci se traduit ou se traduira par une moindre utilisation de pesticides et dantibiotiques ainsi que par une simplification de la tâche des agriculteurs et des éleveurs. La résistance des animaux à des maladies devenue ainsi génétiquement transmissible a par ailleurs toutes les chances de réduire la souffrance des animaux, de permettre de consommer des viandes plus saines et diminuer la fréquence des zoonoses.
Certains projets de transgenèse nont dautre but que de réduire la pollution. Des porcs transgéniques expérimentaux rejettent ainsi deux fois moins de phosphate dans lenvironnement. Des plantes transgéniques ont été spécialement conçues pour capter certains ions métalliques toxiques présents spontanément dans le sol ou apportés à la suite dune activité industrielle.
Des plantes capables de se développer dans des sols salés ou alcalins impropres à lagriculture ont été obtenues par transgenèse. Ceci permet denvisager de conquérir de nouvelles terres.
La modification volontaire de la composition des plantes ou des animaux via la transgenèse peut permettre de fournir aux consommateurs des aliments plus riches en éléments essentiels voire plus sapides. Le riz doré capable dapporter un supplément de vitamine A aux 400 millions dêtres humains qui en manquent et sont menacés de devenir aveugles ainsi que de fer aux 4 milliards de personnes carencées est un exemple éloquent. Le transfert de plusieurs gènes a dû être réalisé pour atteindre ce but.
Diverses améliorations des produits animaux sont également envisagées. Elles concernent la composition du lait, des graisses, de la carcasse, de la laine, etc.
Il est intéressant de mentionner également que les végétaux qui sont déjà la source de molécules non destinées à l'alimentation humaine ou animale vont de plus en plus être sollicités pour servir comme base à la synthèse de plastiques biodégradables, de carburants, etc. La transgenèse peut dans certains cas apporter des solutions uniques ou originales et très satisfaisantes.
4/ Les problèmes posés par la transgenèse
La transgenèse est actuellement vue surtout par ses applications très marginales mais spectaculaires dans lalimentation humaine. Les OGM (organismes génétiquement modifiés) ont très mauvaise presse. Ce fait ne laisse de surprendre la majorité des biologistes qui considèrent que la transgenèse appliquée à lalimentation est à priori une des techniques puissantes les moins dangereuses que lhumanité ait inventées. Certes, un organisme transgénique est par définition en partie inconnu, mais cela est aussi le cas dun organisme obtenu par sélection classique ou dun aliment exotique. Les tests classiques de toxicité, oncogénicité et allergénicité accompagnés dune traçabilité raisonnable doivent pouvoir réduire les risques à un niveau bien inférieur à celui de beaucoup dautres techniques très généralement acceptées. Il est incontestable que certaines plantes, transgéniques ou non, posent des problèmes environnementaux dont limportance ne peut pas être aisément évaluée. Les modèles de laboratoire ne peuvent en effet que difficilement prendre en compte de manière satisfaisante des paramètres comme lespace et le temps. Les biotechnologistes ont quelque difficulté à imaginer comment leurs actions dans le domaine agronomique pourraient faire ne serait-ce que dix ou cent fois moins de victimes que lautomobile. Les réticences actuelles des consommateurs ne sont toutefois pas incompréhensibles. Toute nouveauté effraie. Les condamnations actuelles des OGM ressemblent à sy méprendre à celles appliquées aux vaccins il y a un siècle. Il est vrai quune désinformation qui a atteint un niveau peu commun ne fait quentretenir la confusion. Les critiques vis à vis des OGM sont en fait bien souvent dirigées plus contre la société libérale mal contrôlée que contre la technique elle-même. Les OGM en font actuellement les frais. Il est vrai que leur utilisation ne devrait pas tomber sous la coupe dentreprises qui détiennent des monopoles de fait. Lobtention du riz doré financée par lUnion Européenne et la fondation Rockefeller indique que la situation est bien plus ouverte et diverse que certains ne le prétendent. Les réticences des pays riches vis à vis des OGM ne sont pas partagées par ceux qui souffrent de pénuries alimentaires. Les chinois consomment ou utilisent actuellement au moins sept plantes transgéniques. Il ne semble pas que ces cultures se fassent sans contrôle. Les agriculteurs chinois sappuient en effet sur les résultats des expériences réalisées dans les pays développés et notamment les USA. Lavenir de lagriculture ne peut reposer sur un retour aux techniques anciennes, pas plus que la médecine traditionnelle ne saurait être un remède à certaines dérives des pratiques médicales modernes. Une application raisonnée des techniques agronomiques modernes, y compris de la transgenèse, paraît plus appropriée. En face de la demande croissante des consommateurs humains, le principe de précaution invite à mettre à notre disposition toutes les techniques de transgenèse pour optimiser les productions végétales et animales, quitte à ne pas les utiliser si des alternatives au cas par cas savèrent tout aussi efficace.
La transgenèse appliquée à lespèce humaine est en principe possible. Tout le monde ou presque saccorde pour considérer quune telle opération ne devrait comporter aucun risque technique et ne concerner que des activités thérapeutiques. La première condition nest pas actuellement remplie mais on peut imaginer que cela sera un jour le cas. Les thérapies géniques germinales ne peuvent raisonnablement concerner que le remplacement de gènes responsables de maladies humaines par leurs homologues non mutés. Ce type dopération est et restera probablement difficile et elles devront être accompagnées de contrôles stricts pour sassurer que la modification génétique induite est bien celle que lon attendait. Cette approche thérapeutique se trouverait en compétition directe avec le tri des embryons portant les gènes défectueux. Il y a tout lieu de penser que la deuxième solution paraîtra majoritairement comme la plus satisfaisante.
La modification du patrimoine génétique dun être humain non destinée strictement à remplacer un gène défectueux par un gène sain paraît difficilement envisageable sans risque. Laddition dun gène, conférant une résistance vis à vis dune maladie infectieuse, paraît séduisante à première vue. Nul ne peut prévoir tous les effets du transgène et ce qui est acceptable pour les animaux et les plantes ne lest plus pour l'espèce humaine. Il est concevable de procéder à des transgènes réversibles. Ceci ne paraît pas suffire à justifier lutilisation de cette technique pour l'espèce humaine.
Les générations qui nous suivront trouveront peut-être légitime et souhaitable de modifier le patrimoine génétique humain pour toute sorte de bonnes raisons. On pourrait en effet par exemple souhaiter que les êtres humains soient plus sereins et moins féroces envers leurs semblables ou plus modestement quils aient une vieillesse biologiquement plus douce. Il nest en rien certain que la transgenèse, dans le meilleur des cas, puisse apporter une solution à des problèmes aussi complexes. Quoiquil en soit, il serait sans doute prétentieux de condamner par avance les décisions de nos descendants. Il nous suffit, dans les faits, dêtre pleinement en accord avec nos convictions actuelles. Elles nous indiquent sans ambiguïté que la transgenèse ne doit pas âtre appliquée à lespèce humaine.
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