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INDE

 

 

 

 

 

 

 

Inde : histoire


1. PRÉHISTOIRE ET PROTOHISTOIRE

Le sous-continent indien dans son ensemble, donc l'Inde actuelle, le Pakistan et le Bangladesh, est extrêmement riche en gisements préhistoriques. Malheureusement, faute encore de pouvoir rattacher à un cadre chronologique suffisamment précis les trouvailles faites sur de très nombreux sites disséminés sur la presque totalité de cet immense territoire, on se contente jusqu'à présent de classer les outils de pierre, seuls vestiges d'une activité protohumaine, puis humaine, en trois grands groupes correspondant à trois périodes successives du paléolithique, qui doivent coïncider, en termes d'évolution humaine, avec le passage de l'archanthropien au néanthropien, c'est-à-dire à l'homme actuel, dont on situe l'apparition entre −35000 et −15000 environ. Les industries microlithiques sont donc entièrement son œuvre puisqu'en Inde celles-ci ne paraissent pas antérieures à l'holocène, soit à −10000 environ.
Il est actuellement impossible de dire avec certitude si les premiers hominiens ont pénétré dans le sous-continent par le Nord-Ouest, comme on l'imagine parfois, ou si cette évolution s'est faite dans l'Inde même, ou encore si la péninsule a été colonisée dès ces temps reculés par des populations venues d'outre-mer.


1. 1. LA CIVILISATION DE L'INDUS

La « révolution néolithique », définie par l'apparition d'une économie de production, dont on situe les débuts, dans l'Ancien Monde, dans le Croissant fertile au Proche-Orient, entre les IXe et VIIe millénaires avant J.-C., apparaît, depuis la découverte de sites tels que celui de Mehragarh au Pakistan, pratiquement aussi ancienne dans le sous-continent indien. Il est vraisemblable que la présence dès cette époque de villages dans cette partie du Baloutchistan qui domine le bassin de l'Indus explique en partie que la première civilisation indienne, celle dite « de l'Indus » (ou « de Harappa », ou encore « harappéenne »), soit née dans cette région du sous-continent, alors que partout ailleurs dans le reste de l'Inde les populations en sont encore à un stade de civilisation bien moins avancé.
Avec la civilisation de l'Indus, qui dut commencer à se développer au IVe millénaire avant notre ère, commencent l'âge du bronze et, en fait, la protohistoire de l'Inde puisque cette civilisation, à son apogée, entre environ 2500 et 1750 avant J.-C., connaît l'écriture. Mais l'écriture harappéenne non plus que la langue qu'elle note ne sont encore déchiffrées. Ainsi, cette civilisation, par ailleurs assez bien connue sous ses aspects matériels, constitue une énigme.

1.2. LA QUESTION ARYENNE
Le millénaire qui suit la disparition de la phase brillante de la civilisation de l'Indus et qui se prolonge jusqu'aux débuts de l'histoire proprement dite (traditionnellement le vie s. avant J.-C., à l'époque du Bouddha) est, lui aussi, énigmatique. Il est en effet presque tout entier concerné par la fameuse question « aryenne », qui, très succinctement, se pose de la façon suivante. D'une part, le corpus littéraire indien le plus ancien : le Rigveda, puis les recueils suivants, ensemble composé en sanskrit védique, langue indo-européenne, sont supposés avoir été élaborés à partir de la seconde moitié du Ier millénaire avant notre ère dans l'Inde du Nord-Ouest.
D'autre part, les archéologues n'ont, pour cette période et dans ces régions, jusqu'à présent, guère trouvé de traces nettes de migrations de populations. On ne retrouve dans le Pendjab, pakistanais aussi bien qu'indien, que des vestiges de cultures harappéennes tardives auxquels font suite, mais après une période d'abandon qui peut avoir duré plusieurs siècles, des vestiges d'une culture qui paraît nouvelle, caractérisée par d'autres types de céramique (en particulier par une poterie grise peinte), et qui, surtout, se développe dans le Doab (l'interfluve entre le Gange et la Yamuna) et dans la haute vallée du Gange.
À cette culture qui doit commencer vers le début du Ier millénaire avant J.-C. fait suite, cette fois sans interruption, une autre culture définie par une forme évoluée de la poterie grise et centrée sur la moyenne vallée du Gange. Cette dernière culture appartient déjà à l'histoire puisqu'elle se prolonge dans la seconde moitié de ce Ier millénaire avant notre ère. À moins de nouvelles découvertes, la pénétration aryenne en Inde n'est donc encore imaginable qu'en termes de langue et de civilisation, les tribus véhiculant langue et idéologie indo-européennes ayant été d'ailleurs, on le sait, nomades et, pour cette raison, n'ayant peut-être pas laissé de traces durables de leurs mouvements.
Il faut enfin ajouter que cette question de la pénétration indo-européenne en Inde devrait être réexaminée si l'une des grandes hypothèses sur la nature de la langue harappéenne se révélait exacte, c'est-à-dire s'il s'a

2. LA FORMATION DE L'INDE ANCIENNE

2.1. LES SOURCES
Les limites chronologiques que l'on assigne habituellement à l'histoire de l'Inde ancienne sont l'époque du Bouddha d'une part, et l'instauration du premier pouvoir musulman à Delhi, en 1206 après J.-C., d'autre part. Les raisons de ce choix sont, avant tout, qu'à chaque fois, avec l'apparition d'une nouvelle religion, un changement se produit dans les sources littéraires qui servent à écrire l'histoire de ce pays (et non un changement radical, politique ou social : pour importants qu'aient été en Inde le bouddhisme et l'islam, l'Inde a toujours été et est toujours majoritairement hindoue).
L'historicité des sources est ici seule en cause. Celle des sources bouddhiques est donc plus nette que celle de la littérature védique (Veda), dont l'élaboration, d'ailleurs, paraît s'achever au milieu du Ier millénaire avant notre ère. D'autre part, près de 2000 ans plus tard, l'histoire en tant que discipline intellectuelle est introduite en Inde par l'islam.
On touche ici à l'un des plus graves problèmes auxquels se heurtent les historiens de l'Inde ancienne. Les sources littéraires, qui restent les sources principales, qu'elles soient bouddhiques, jaïna ou brahmaniques – ces dernières étant de loin les plus considérables –, sont des œuvres religieuses (au sens large) ou purement littéraires. Cela explique que l'histoire proprement dite de l'Inde ancienne, en des temps où fleurit l'une des plus grandes civilisations du monde, soit si schématique en face d'une histoire des idéologies beaucoup plus consistante, sans qu'on ait guère pu, jusqu'à présent, intégrer l'une à l'autre. En d'autres termes, une chronologie, élaborée difficilement pour les temps les plus anciens, puis plus facilement lorsque apparaissent monnaies et surtout inscriptions, ne fournit que des listes de rois dont les activités principales sont l'attaque et la défense, cependant que l'histoire sociale se réduit pratiquement à l'image, figée et certainement passablement idéalisée, que les brahmanes donnent d'une société où ils réclament la première place.
Il est une évolution, toutefois, qui semble s'esquisser dès la fin de l'époque des Gupta (550 après J.-C. environ) et qui conduit, dans les siècles qui suivent, à ce que l'on appelle, assez improprement, le Moyen Âge indien : celui-ci commence à partir du moment où l'on a la preuve qu'aux donations royales de terres, qui, jusque-là, n'étaient que des donations pieuses faites à des brahmanes, à des communautés religieuses diverses ou à des temples, s'ajoutent des donations à des officiers du roi en rétribution de leurs services. Et, peu à peu, lorsque ces donations entraînent, en contrepartie, l'obligation d'entretenir des troupes pour les mettre au service du souverain, lorsque, surtout, d'abord limitées dans le temps, elles deviennent héréditaires, une sorte de noblesse féodale se constitue.
L'histoire de bien des royaumes indiens médiévaux est ainsi celle de dynasties qui ont su profiter de ces attributions de terres pour devenir indépendantes jusqu'à ce qu'à leur tour d'autres profitent de leur faiblesse. Telle est sans doute la raison de l'étonnante « plasticité » de nombre de dynasties qui, tantôt suzeraines, tantôt vassales, durèrent des siècles.

2.2. LES PREMIERS ROYAUMES

À l'époque du Bouddha (vers 560-480 avant J.-C.), qui est celle aussi de Mahivara, le fondateur du jaïnisme, subsistent encore des sociétés tribales diverses, indigènes ou « aryanisées ». De telles sociétés persisteront d'ailleurs longtemps : il en existe même aujourd'hui et certaines avaient conservé, il y a moins d'un siècle, des modes de vie qui devaient être ceux du néolithique.
Ainsi, le Bouddha appartenait-il à une famille dirigeante de la tribu ou du clan des Shakya (d'où son nom de Shakyamuni, « Sage des Shakya »). Mais déjà des royaumes sont nés dans la vallée du Gange. La mise en valeur de cette vallée, qui a commencé après l'introduction de la métallurgie du fer dès la première moitié du Ier millénaire avant notre ère, a permis, vers le milieu de ce millénaire, la construction, le long du fleuve, des premières cités. Les sources bouddhiques mentionnent un certain nombre de ces royaumes, tous situés dans la moitié nord du sous-continent.
Parmi ces royaumes, celui du Magadha (sud du Bihar actuel), dont l’essor est probablement dû à ses très riches gisements de cuivre et de fer, tient un rôle central. Ses premiers rois connus sont Bimbisara, contemporain du Bouddha, et son fils Ajatashatru. Leur descendant Udayin transfère la capitale de Rajagrha à Pataliputra (Patna) sur le Gange. Vers 413 avant J.-C., la dynastie Nanda leur succède et Pataliputra deviendra, environ deux siècles plus tard, le centre du premier Empire indien sous la dynastie maurya.
Dans la moitié Sud, la préhistoire a duré plus longtemps, sans doute jusque vers 1500 avant J.-C., et la première mention de peuples méridionaux ne date que du règne d'Ashoka (vers 269-233 avant J.-C.).

2.3. LES PERSES ET ALEXANDRE LE GRAND
Dans la seconde moitié du vie siècle avant J.-C., Cyrus puis Darius Ier annexent à l'Empire perse la Bactriane et une partie du bassin de l'Indus. Si les textes indiens n’ont pas laissé de trace directe de cette domination, celle-ci a notamment introduit l'écriture araméo-indienne (kharosthi) en usage dans le Nord-Ouest de l’Inde pendant plusieurs siècles et par l’intermédiaire de l'empire achéménide, les premiers échanges commerciaux et intellectuels avec le monde méditerranéen (et grec) eurent ainsi lieu avant l’expédition d’Alexandre le Grand.
Entre 327 et 325 avant J.-C., Alexandre est aux confins de l'Inde du Nord-Ouest. Il franchit l'Indus, mais ne dépasse pas l'Hyphase (la moderne Bias, l'un des cinq grands fleuves du Pendjab). Aucune mention n'a été retrouvée de cette expédition dans les sources indiennes, mais les sources classiques permettent d'entrevoir que sa venue a précédé de très peu, si elle ne l'a pas favorisée, la prise du pouvoir par Chandragupta, le premier des Maurya, vers 320 avant J.-C.
Le souverain le plus célèbre de toute l'histoire de l'Inde ancienne est le fils de Chandragupta, connu sous le nom de Ashoka (v. 269-v. 233). Il fur le premier à faire graver, sur des colonnes et sur des rochers, à la manière des Achéménides de la Perse, des édits, uniques en leur genre dans l'histoire de l'Inde et qui sont les premières inscriptions indiennes. Ces édits renseignent sur l'étendue de son empire et sur sa politique, dite du dhamma (sanskrit dharma), qui est une exhortation à se conformer à l'« ordre » au sens le plus large, l'ordre cosmique, dont les formes concrètes sont l'ordre religieux et l'ordre politique, celui-ci se devant d'être le garant de celui-là. Cette notion, centrale dans le brahmanisme comme dans le bouddhisme, fonde en partie la politique de tolérance de cet empereur, lui-même bouddhiste.
Mais la cohésion de l'empire ne survit que peu de temps à Ashoka. L'histoire de son déclin est obscure, comme celle des pouvoirs des Shunga 'ou Sunga) et des Kanva qui succèdent aux Maurya à la tête d'un royaume certainement de plus en plus petit (sans que l'on sache le situer avec précision) jusque vers le milieu du ier s. avant J.-C. Ashoka est le seul souverain de l'Inde ancienne qui soit aussi concrètement connu.

3. L'INDE « CLASSIQUE » ET MÉDIÉVALE
Après une période assez obscure marquée par des invasions de Scythes puis de Kouchans, autres nomades issus du Turkestan – qui donnent naissance à l’empire de Kanishka, à cheval sur l’Inde et l’Iran, et de ses successeurs –, on voit apparaître, vers la fin du iiie siècle après J.-C., la brillante dynastie des Gupta, que l’on connaît toutefois aussi très mal faute de documents précis.

3.1. L'EMPIRE GUPTA (V. 320-V. 550)
C’est également la moyenne vallée du Gange qui constitue le cœur du nouvel empire constitué au ive siècle par la dynastie Gupta, fondée par Chandragupta Ier (v. 320-330). Son fils Samudragupta est le vrai fondateur de l’empire, qui s’étendit sous le règne de Chandragupta II (v.375-v. 414) pour comprendre à son apogée l’ensemble de l'Inde au nord de la Narmada. C’est à cette époque dite « classique », que l’hindouisme, encouragé par les souverains de cette lignée, prend tout son essor parallèlement au bouddhisme et au jaïnisme également florissants.
Au milieu du ve siècle, Skandagupta parvient à repousser les Huns hephtalites qui s’imposent cependant jusqu’au milieu du vie siècle et ont raison de l'Empire gupta, qui s'émiette alors en principautés locales. Parmi ces dernières, celle fondée par Harsha (Harsavardhana) — connue grâce à l'un des très rares romans écrits en sanskrit, la Geste de Harsha du poète Bana et par les Mémoires du pèlerin chinois Xuanzang – restaure l’unité de l’Inde du Nord de 606 à 647 à partir de Kanyakubja (Kanauj, dans le Doab). Mais à la mort du souverain, l’Inde du Nord se morcelle de nouveau pendant six siècles.

3.2. L'ESSOR DE L'INDE DRAVIDIENNE
Dans le nord du Deccan, sur les ruines de l’empire maurya, les Andhra avaient déjà constitué un nouveau centre de pouvoir régional à partir de ce qui deviendra l’actuel Andhra Pradesh, qui devait se maintenir jusqu’au iiie siècle, favorisant la pénétration du brahmanisme vers le sud.
À la fin des Gupta, se détachent quatre grands royaumes : dans le Deccan occidental celui des Chalukya au vie siècle, auxquels succèdent les Rashtrakuta aux viiie-xe siècles, et, plus au sud, ceux des Pallava et des Chola qui marquent l’âge d’or de la civilisation tamoule.
Mal connue à ses débuts, c’est à partir du vie siècle que la dynastie des Pallava (d’anciens vassaux des Andhra) étend son influence de la côte sud-orientale autour de Kanchipuram vers le sud de la péninsule. Sous leur règne, un commerce prospère avec l’Asie du Sud-Est commence à se développer. En guerre, dans le nord contre les Chalukya puis contre leurs successeurs, les Rashtrakuta, mais devant aussi affronter au sud les Pandya, les Pallava cèdent finalement devant les Chola, d’anciens vassaux héritiers d’une principauté fondée au iiie siècle.
Ces derniers, à partir de leur capitale Tanjore, s’imposent dans l’ensemble de la péninsule méridionale de la fin du ixe siècle jusqu’au milieu du xiiie siècle, prenant le contrôle de toute la côte orientale après des incursions jusqu’au Bengale et l’Orissa dans le Nord-est, de l’île de Ceylan — qui passe sous la domination des Tamouls au xie siècle pendant quelques décennies – et menant des expéditions maritimes jusqu’en Malaisie et dans le nord de Sumatra. Le règne de Rajendra Ier (1012-1044) en constitue l’apogée. À partir de la fin du xiie siècle, leur puissance s’atténue et les Pandya s’imposent comme la première principauté d’une Inde du Sud de nouveau morcelée.

4. LES PREMIERS POUVOIRS MUSULMANS (1206-1526)

La première région indienne conquise par une armée musulmane est celle du Sind, en 712. Elle est l'œuvre d'Arabes commandés par Muhammad ibn al-Qasim, neveu et gendre de Hadjdjadj, gouverneur de l'Iraq. Auparavant, des commerçants arabes et iraniens s’étaient déjà établis sur les côtes orientales.

4.1. LE SULTANAT DE DELHI
Mais l'islam ne sera en fait introduit qu'un demi-millénaire plus tard, par des Turcs établis en Afghanistan, lorsque, en 1206, Qutb al-Din Aybak, lieutenant esclave du sultan Muhammad de Ghur, fonda le sultanat de Delhi. Les conquêtes de Muhammad de Ghur (prise de Lahore en 1186, de Delhi en 1193, du Bengale en 1202) seront précédées, entre 1000 et 1027, des raids, mais sans lendemain, du sultan turc Mahmud de Ghazni contre les plus grandes cités de l'Inde du Nord.
Le sultanat de Delhi devient vite la première puissance de l'Inde du Nord et, après s'être étendu au détriment des royaumes hindous, il va donner naissance à des régimes semblables à lui. Il reste cependant largement étranger à la société indienne sur laquelle il est surimposé et dont subsistent les autorités locales. Sans légitimité et règle précise de succession, si ce n’est la force du clan, il se retrouve à la merci des rébellions internes et des changements de dynasties. Sur ses ruines, en 1526, commencera de s'édifier l'Empire moghol (→ Grands Moghols).
Cinq dynasties, toutes turques, au moins d'origine, sauf la dernière, occupent le trône de Delhi de 1206 à 1526 : celle dite des Esclaves (1206-1290), celle des Khaldji (1290-1320), celle des Tughluq (1320-1414), celle des Sayyid (1414-1450), celle enfin des Lodi, qui appartenaient à un clan afghan établi en Inde, de 1451 à 1526. Iltutmich (1211-1236) et Balban (1265-1286) donnent au sultanat des assises solides et Ala al-Din (1296-1315), pour un temps, des dimensions impériales, grâce aux conquêtes de son général, Malik Kafür, aux dépens des derniers grands royaumes hindous du Deccan et du Sud : Yadava de Devagiri (conquis en 1307), Hoysala de Dvarasamudra au Mysore (1310), Kakatiya de Warangal au Telingana (1309), Pandya de Madurai, tout au sud (1311). Comme ses prédécesseurs, Ala al-Din contient les Mongols toujours menaçants au nord-ouest.

4.2. LE SULTANAT DES BAHMANIDES ET L'EMPIRE DE VIJAYANAGAR
Sous le règne de Muhammad Tughluq (1325-1351), des gouverneurs s’émancipent du pouvoir de Delhi, dans le Sud (sultanat de Madurai, 1334-1378) comme dans le Nord (Bengale en 1339 où le sultanat des Ilyas Chah se maintiendra jusqu’en 1487). Mais ce sont surtout deux grands royaumes qui se distinguent alors. L’un, musulman, est le sultanat bahmanide fondé en 1347 dans le Deccan occidental par Hasan Gangu, avec pour capitale Goulbarga (nord du Karnataka) ; l’autre hindou, est le royaume de Vijayanagar formé en 1336 par Hariha ra Ier au centre du Karnataka (Hampi) qui parvient à s’étendre sur l’ensemble du territoire méridional autrefois contrôlé par les Chola. Si ce nouvel empire, qui trouve son apogée sous le règne de Krishnadeva Raya (1509-1529), se présente comme le foyer d’une renaissance hindoue, il n’est inspiré par aucune volonté de « reconquête » et, tout en se maintenant pendant plus de deux siècles grâce notamment à un système efficace d’administration, il est finalement défait en 1565 par une coalition de sultans successeurs des Bahmanides.

4.3. LA FIN DU SULTANAT DE DELHI
Firuz Tughluq (1351-1388) saura conserver les territoires qui lui restent, mais il sera le dernier grand sultan de Delhi. En 1398, Timur Lang (Tamerlan) vient piller la ville et massacrer ses habitants. Cette invasion accélère la désintégration du sultanat : le Malwa, en 1401, le Gujerat, en 1403, deviennent des sultanats indépendants, les Rajputs du Rajasthan reconstituent leurs principautés au milieu du XVe siècle et le dernier des Lodi, Ibrahim (1517-1526), doit faire face à d'autres rébellions avant de trouver la mort face au premier souverain moghol, Baber, à Panipat.

5. L'ARRIVÉE DES EUROPÉENS (1498-1669)
Les Portugais, qui, avec les Espagnols, s'étaient partagé les mers en 1494 (→ traité de Tordesillas), sont les premiers Européens à atteindre l'Inde et à y établir des bases commerciales. Vasco de Gama touche Calicut en 1498 et Pedro Álvarez Cabral y commerce dès 1500. Cette installation, qui est loin d'être pacifique, devient définitive avec la prise de Goa au sultan de Bijapur par Albuquerque (1510).
Tant que durera l'empire de Vijayanagar (jusqu'en 1565), son allié et partenaire, le commerce portugais sera plus que florissant. Les Portugais restent, en tout cas, les maîtres de l'océan Indien pendant presque tout le xvie siècle.
L'échec de l'Invincible Armada (1588), la publication (1595) par les Hollandais (indépendants de la cration des Provinces unies en 1579) des cartes portugaises, jusque-là gardées secrètes, encouragent les puissances protestantes à briser le monopole hispanique sur le commerce des épices. Les Compagnies des Indes orientales anglaise (East India Company) et hollandaise (Vereenigde Oost-Indische Compagnie ou VOC) sont fondées, respectivement, en 1600 et en 1602. Les Anglais abordent à Surat (1608), alors principal port de l'empire moghol. C'est là qu'après de longues négociations ils obtiennent d'édifier leur première factorerie (1612).
Pour en savoir plus, voir les articles Compagnie anglaise des Indes orientales, Compagnie hollandaise des Indes orientales,
Le développement ultérieur des comptoirs anglais sera, en grande partie, la conséquence des heurts violents de 1623 avec les Hollandais en Asie du Sud-Est. La Compagnie anglaise se replie donc vers l'Inde et, pour y pratiquer le commerce « triangulaire » qui enrichissait tant ses concurrents, s'établit sur la côte de Coromandel : elle construit (1639), près de la future Madras, un fort qui sera baptisé Saint George. En 1658, elle occupe une ancienne factorerie portugaise sur l'Hooghly, principal affluent du Gange, à plus de 160 km au nord du golfe du Bengale. Son troisième point d'ancrage sera Bombay, cédée aux Anglais par la dot de la princesse portugaise Catherine de Bragance à l’occasion de son mariage avec le roi d’Angleterre Charles II, et confiée par la Couronne à la compagnie en 1668. Surat est alors abandonnée et Bombay fortifiée dès 1669. En Angleterre même, la Compagnie, qui avait failli disparaître sous Charles Ier mais que Cromwell avait sauvée (charte de 1657), obtient désormais des privilèges de plus en plus grands.
La France n'apparaît en Inde que dans la seconde moitié du xviie siècle. Colbert crée la Compagnie française des Indes orientales en 1664. Les premières occupations françaises dans le golfe du Bengale en 1671 à Surat et à Sao Tomé sont éphémères avant que François Martin puisse acquérir le droit auprès du sultan de Bijapur de s'installer à Pondichéry (1674) et du nabab du Bengale à Chandernagor (1688). Pondichéry sera pris par les Hollandais pendant la guerre de la ligue d'Augsbourg, puis restitué en 1699 après la signature du traité de Ryswick (1697). Les autres comptoirs français ne seront acquis qu'au xviiie siècle : Masulipatam, Calicut, Mahé et Yanaon (1721-1723), et Karikal en 1739.
Pour en savoir plus, voir l'article Inde Française.

6. L'EMPIRE MOGHOL

6.1. LES PREMIERS CONQUÉRANTS (1526-1556)

L'établissement de la dynastie moghole en Inde fut l'œuvre du Timuride Baber (ou Babur), qui, parce que ses espoirs de conquêtes en Asie centrale avaient été contrecarrés par la montée des Ouzbeks en ce début du xvie siècle, avait dû se tourner vers Kaboul et, de là, avait su profiter du déclin du sultanat de Delhi. Trois victoires – sur Ibrahim, le dernier des Lodi, à Panipat, en 1526, sur une confédération rajpute, à Khanua, en 1527, et sur une coalition afghane, près de la Gogra, en 1529 – lui assurent la maîtrise de l'Inde du Nord.
L'histoire de la dynastie moghole, officiellement fondée sur le sol indien en 1527, est alors, et pour près de deux siècles, jusqu'à la mort d'Aurangzeb, en 1707, avant tout celle des luttes et des guerres qui assureront son maintien et sa grandeur, guerres civiles pour des successions toujours férocement disputées, guerres de conquêtes (parfois de reconquêtes) lorsque les premières sont achevées. Cette sorte de sélection naturelle, qui tenait au fait qu'il n'existait pas de droit précis en matière de succession chez les Turcs Djaghataïdes, amena au pouvoir des conquérants remarquablement habiles et implacables.
Le fils de Baber, Humayun (1530-1556), n'aura pas assez de dix ans pour asseoir suffisamment son autorité face aux siens. Il perd en 1540 son royaume au profit d'un Afghan, Chir Chah, à bien des égards meilleur que lui, mais dont, à son tour, la descendance ne peut conserver le pouvoir. Humayun recouvre alors son héritage, quelques mois seulement avant de mourir.

6.2. AKBAR ET LA CONSTRUCTION DE L’EMPIRE MOGHOL (1556-1605)

Les extraordinaires capacités d'Akbar (1556-1605), tant militaires qu'administratives, jointes à une personnalité hors pair, font du royaume si fragile d'Humayun, son père, un empire solide et véritablement indien.
Une à une, les différentes puissances et les différentes régions, de l'Afghanistan au Bengale et de la bordure himalayenne au nord du Deccan, sont soumises et intégrées dans une structure impériale dont nombre d'aspects administratifs dureront au moins jusqu'aux premiers temps de la domination britannique. L'un des plus grands mérites de l'empereur est, en même temps, de reconnaître la diversité de son peuple et d'en tenir compte pour gouverner. Dans ce sens sont à comprendre des mesures comme la suppression de la capitation (qui, en territoire conquis par l'islam, frappe les infidèles) et la participation, jusqu'au plus haut niveau, d'hindous au gouvernement.
Des considérations politiques aussi, en même temps qu'une forte tendance au mysticisme et que la fréquentation curieuse d'hommes de religions diverses, le pousseront même à tenter d'instituer une forme de syncrétisme religieux lorsqu'il se voudra chef spirituel de ses sujets. L'art du nouvel empire, l'architecture notamment, témoignera de la même ouverture d'esprit.

6.3. LES SUCCESSEURS D’AKBAR ET L’APOGÉE DE L’EMPIRE (1605-1707)
Les règnes de Djahangir, de 1605 à 1627, puis de Chah Djahan, de 1628 à 1658, sont ceux de la plus grande splendeur moghole, à la cour du moins (à Agra puis, à partir de 1648, à Delhi) et dans les capitales provinciales.
Le règne de Djahangir, en fait celui de sa femme, la princesse persane Nur Djahan, voit Agra, alors deux fois plus grande qu'Ispahan, devenir un modèle d'élégance séfévide. Quant à Chah Djahan, il a laissé avant tout le souvenir du bâtisseur le plus magnifique que l'Inde ait connu. Le Tadj Mahall et la mosquée de la Perle, tous deux à Agra, et la septième cité de Delhi, Chah Djahanabad, sont son œuvre.
Mais, déjà sous ce dernier empereur, l'esprit de tolérance d'Akbar et de Djahangir a cédé la place à une réaction musulmane qui, avec Aurangzeb (1658-1707), deviendra fanatisme et contribuera sûrement au déclin de l'empire, en lui aliénant, entre autres supports, les Rajputs loyaux depuis le temps d'Akbar.
Déjà aussi sous Chah Djahan, le piège s'entrouvre où s'enlisera Aurangzeb. Ce piège c'est le Deccan, précisément les sultanats de Bijapur et de Golconde. Les campagnes successives, coûteuses et dévastatrices, pour annexer ces deux royaumes commencent dès 1631. Elles occuperont Aurangzeb de 1681 à sa mort.
Les guerres de succession, les guerres dans le Deccan, d'autres encore ont finalement ravagé de vastes territoires. L'Empire moghol n'a jamais été aussi étendu qu'à la fin du règne d'Aurangzeb, mais l'Inde est plus misérable qu'au temps d'Akbar. Des révoltes éclatent dans la seconde moitié du xviie siècle, auxquelles le fanatisme de l'empereur donne une coloration religieuse : les sikhs du Pendjab se soulèvent, ainsi que les Rajputs du Rajasthan et surtout les Marathes du Deccan (Sivaji commence sa carrière en 1647 et fonde le royaume marathe en 1674).

7. LE XVIIIe SIÈCLE
Les traits marquants de ce siècle sont le déclin de l'empire moghol, la montée de la puissance marathe, les débuts de l'ingérence des Anglais dans les affaires indiennes et la défaite des Français face aux Britanniques dans l'Inde du Sud.

7.1. LE DÉCLIN ET L’ÉCLATEMENT DE L’EMPIRE MOGHOL
Dans un premier temps, malgré bien des vicissitudes – luttes intestines à la cour, manifestations d'indépendance de la part de gouverneurs, attaques venues de la Perse (1739) puis de l'Afghanistan (à cinq reprises, de 1747 à 1761) –, l'Empire moghol reste la première des puissances indiennes jusqu'à la bataille de Panipat (1761), donc pendant plus de cinquante ans après la mort d'Aurangzeb.
Le principal responsable de la défaite de Panipat (militairement, celle de l'armée marathe face aux Afghans de Ahmad Chah) est, en fait, le vizir de l'empire, Imad al-Mulk. Sa gestion, de 1753 à 1761, a été si désastreuse qu'elle a affaibli Delhi au point de susciter une quatrième intervention afghane en 1757, puis une cinquième en 1759, l'obligeant à appeler encore les Marathes à son secours.
Après la défaite de Panipat, l'Empire moghol n'est plus qu'un royaume, celui de Delhi, qui, grâce d'abord au gouvernement du représentant du souverain afghan (1761-1772), puis grâce à celui de Nadjaf Khan (1772-1782), pour le compte du plus talentueux des derniers Moghols, Chah Alam (restauré en 1772), réussit à rester indépendant. Il cesse de l'être lorsque, faute d'une personnalité capable de succéder au khan, le général marathe, Mahadaji Sindhia, se voit offrir le titre de régent de l'empire en 1785.
Les Anglais, ensuite, occuperont Delhi en 1803 lors de leurs campagnes contre Sindhia et la dynastie moghole disparaîtra définitivement quand, après la « mutinerie » (→ révolte des cipayes) de 1857, ils enverront mourir en exil en Birmanie son dernier représentant, Bahadur Chah.

7.2. LES MARATHES
La plus grande puissance indienne du xviiie siècle, lorsque décline l'Empire moghol, est celle des Marathes de Pune. Tant que les peshva (Premiers ministres) conservent tout le pouvoir entre leurs mains (de 1714 à 1772), tenant à distance les quatre grandes familles de chefs de guerre qui forment avec eux une sorte de confédération, les Marathes règnent en maîtres, directement ou indirectement, sur l'Inde entière, à l'exception du Bengale. Mais l'affaiblissement de leur pouvoir central, en un temps où les Anglais viennent d'apprendre au Bengale et dans le sud de l'Inde à user de leur influence, conduit à trois guerres (1775-1782, 1803-1805, 1817-1818) qui finissent par anéantir les Marathes et par donner à leurs adversaires britanniques l'empire de l'Inde.

7.3. LA RIVALITÉ FRANCO-BRITANNIQUE
La guerre de la succession d'Autriche (1740-1748) dans laquelle s’opposent la France, l’Angleterre et leurs alliés respectifs, se double d’un conflit d’ordre colonial entre les deux puissances, notamment en Inde. Il a pour théâtre le Deccan oriental, plus précisément le Carnatic, portion sud-est de la péninsule entre les Ghât orientaux et la côte du Coromandel, et, plus au nord dans le centre, l’État de Hyderabad.
Si Pondichéry est défendue en 1748 avec succès par son gouverneur Dupleix , Madras, qui avait été prise en 1746 par la flotte de Mahé de La Bourdonnais, est rendue aux Anglais par le traité d'Aix-la-Chapelle (1748) en échange de la restitution de Louisbourg au Canada. Dupleix reprend alors la lutte contre les Anglais par princes indiens interposés. Il rencontre un certain succès (prise de Hyderabad en 1751) mais se heurte aux Anglais et à leurs alliés indiens au Carnatic (échec devant Trichinopoly, 1753) avant d’être rappelé par la Compagnie française des Indes et le gouvernement en 1754.
La guerre de Sept Ans (1756-1763) est l’occasion pour l’Angleterre d’écarter définitivement la concurrence de la France. Chandernagor tombe en 1757 ; Masulipatam en 1759 ; les troupes de Lally-Tollendal sont défaites par celles de sir Eyre Coote à Vandavachy (Wandiwash) en janvier 1760 et Pondichéry capitule l’année suivante avant d’être restitué par le traité de Paris (1763) mais le rôle de la France en Inde est désormais insignifiant.

8. LA FORMATION DE L'EMPIRE BRITANNIQUE DES INDES

Les menées agressives d'un jeune nabab du Bengale, Siradj al-Dawla, en 1756, face à une compagnie de marchands qui entend défendre ses droits, sont le choc initial qui déclenche un processus d'expansion qui, de la simple canonnade de Plassey (juin 1757), commandée par Robert Clive contre le nabab, conduit à la victoire de Buxar, en octobre 1764, cette fois face à une coalition indienne où figure l'empereur moghol.

8.1. L’EAST INDIA COMPANY, NOUVELLE PUISSANCE TERRITORIALE
En 1765, l’East India Company, dont la principale « présidence » est Fort William (à Calcutta) se voit confier par le traité d’Allahabad la perception des impôts et l’administration des Finances dans les trois provinces du nord-est (Bengale, Bihar et Orissa). La même année, elle prend en main les fonctions de défense et de maintien de l’ordre au Bengale. Ce pouvoir ne tardera pas à s’étendre pour devenir sans partage et la Compagnie devient de fait l’une des principales puissances territoriales du sous-continent, dotée d’une puissante armée recrutée parmi les brahmanes et Rajputs du Nord sous le commandement d’officiers britanniques et dont l’entretien absorbera près de la moitié de ses dépenses.
Mais loin d’être le fruit d’une politique délibérée, l'expansion britannique dans toute l'Inde (à partir des présidences de Calcutta, de Madras et de Bombay, avec une nette prééminence de la première à partir de 1793) apparaît plutôt comme un mouvement irréversible, dans lequel la Compagnie, obéissant à une logique à la fois mercantiliste et militaire, est entraînée pour augmenter ses revenus, mais aussi parfois seulement pour les conserver face à des États indiens encore puissants. Ainsi, pour Warren Hastings, gouverneur général du Bengale en 1772-1785, il s’agit avant tout de préserver les possessions britanniques déjà établies dans le Nord comme dans le Sud, en signant notamment un traité avec les Marathes (1782) tandis que son successeur, le général lord Cornwallis (1786-1793), n’entend qu’affaiblir le sultan Tippoo Sahib (troisième guerre du Mysore, 1790-1792) et non annexer son territoire. Sous le gouvernorat de Sir John Shore (1793-1798) la Compagnie privilégie de nouveau la diplomatie.

8.2. L’EXTENSION DU RAJ BRITANNIQUE
C’est à partir de l’arrivée au pouvoir de lord Richard Wellesley, gouverneur général de 1798 à 1805, que la compagnie se lance dans une politique systématique d’annexions territoriales. Tippoo Sahib est battu et trouve la mort en 1799 à l’issue de la quatrième et dernière guerre du Mysore. La majeure partie de ses territoires est annexée de même que le Carnatic en 1801, tandis que Tanjore est placée sous la protection de la compagnie.
Cette politique d’annexion est poursuivie dans le Nord et commence à inquiéter Londres et la direction de la compagnie. Le gouvernorat de lord Minto (1807-1813) marque ainsi une pause dans les conquêtes avant leur reprise sous celui de lord Hastings (1813-1823) : le royaume du Népal, transformé en État tampon, doit céder des territoires (1816) et, surtout, après trois guerres, les Marathes s’inclinent en 1818. À cette date, la Compagnie n’a plus de véritable rival dans le sous-continent à l’exception du plus lointain Pendjab et avec lequel les relations sont encore bonnes.
Elle est cependant engagée dans de nouveaux conflits dont certains en dehors du territoire indien au cours des années suivantes. Sous Amherst (1823-1828), la Birmanie perd la plus grande partie de sa façade maritime. Après un intervalle de sept années de paix sous lord William Bentinck (1828-1835), lord Auckland (1836-1842) cautionne la désastreuse expédition d'Afghanistan. Cette expédition devait s'assurer de ce pays face au péril russe. En 1841, l'armée anglaise de Macnaughten est totalement exterminée.
Lord Ellenborough (1842-1844) venge cette défaite en faisant la conquête (sanglante) du Sind (1842). Lord Hardinge (1844-1848) attaque la dernière grande puissance indienne indépendante, le royaume sikh du Pendjab, jusque-là ami mais en en proie à des troubles depuis la mort de son souverain, Ranjit Singh, en 1839.
La première guerre sikh s'achève (1846) par l'annexion de territoires, entre autres le Cachemire, qui est donné au Rajput Gulab Singh dont la famille régnera jusqu'après l'indépendance de l'Inde (1947). Lord Dalhousie (1848-1856), enfin, achève l'œuvre de son prédécesseur. La seconde guerre sikh aboutit (1849) à l'annexion du Pendjab.
En 1850, l'Empire britannique des Indes s'étend du Bengale à l'Indus, du Cachemire au cap Comorin. D'ultimes expéditions auront lieu contre la Birmanie (1852 et 1885) et contre l'Afghanistan en 1878-1880, sans plus de succès qu'en 1841. Les territoires conquis seront, dans leur grande majorité, administrés directement, mais des centaines d'États autonomes, protectorats en fait liés par traité à la Couronne, gouvernés par des maharaja, subsisteront jusqu'en 1947. Parmi les plus grands figurent le Cachemire et l'État de Hyderabad.

8.3. L'ÉVOLUTION INSTITUTIONNELLE
L'expansion territoriale britannique provoque des mesures destinées à l'administration du nouvel empire et qui touchent au statut de la compagnie des Indes elle-même. La centralisation de l'autorité à Calcutta (confiée au « gouverneur général et conseil de la présidence de Fort William ») s'accompagne du passage progressif de la compagnie sous le contrôle du gouvernement de Londres. La première loi témoignant de cette évolution est le Regulating Act de 1773. L’India Act de 1784, transfère le pouvoir de décision de la Cour des directeurs de la Compagnie à un Conseil de contrôle (Board of Control) relevant de la Couronne.
Puis, par le Charter Act de 1813, la Compagnie perd son monopole commercial. L'Inde est ouverte à l'entreprise privée. Par celui de 1833, elle perd ses activités commerciales pour ne plus être qu'un organisme de gouvernement et le gouverneur général du Bengale devient gouverneur général de l'Inde. Enfin, le Government of India Act de 1858, signant le démantèlement de la compagnie, en transfère toutes les fonctions et propriétés à la Couronne, qui par l’intermédiaire du vice-roi, gouvernera désormais le pays.
Les mesures administratives, pendant cette période, sont nombreuses. Il convient de mentionner le Code que laisse Cornwallis en 1793 et qui définit les règles selon lesquelles s'exercera l'autorité anglaise. La plus célèbre d'entre elles, le Permanent Zamindari Settlement, définit les modalités de la levée de l'impôt foncier au Bengale et fait des zamindar les propriétaires intermédiaires entre les paysans et l'Administration. Dans le Sud, la perception de cet impôt sera différente, dans son principe. L'impôt, aux termes du Ryotwari Settlement mis en place par Thomas Munro, gouverneur de Madras de 1820 à 1827, sera exigé directement des paysans par l'Administration. Dans le premier cas, l'Angleterre tente de substituer une sorte de « gentry » à l'ancienne noblesse moghole ; dans le second, elle tente de faire des paysans les seuls propriétaires des terres qu'ils cultivent, ce qui revient à vouloir changer les structures sociales traditionnelles…
D'une manière générale, toutes les mesures que les Anglais prennent, dans la première moitié du xixe siècle, amènent des transformations partielles de la société indienne. Par exemple, la levée (1833) de l'interdiction faite jusque-là aux missionnaires de venir exercer leurs activités en Inde ainsi que l'introduction, vers la même époque, de l'éducation anglaise font naître une culture anglo-indienne, illustrée d'abord par le mouvement dit de la « renaissance hindoue » au sein de l’intelligentsia bengali. Et les Britanniques tentent des réformes sociales (interdiction, par exemple, du suicide des veuves en 1829). En matière économique, de même, l'abolition du monopole commercial de la Compagnie rend l'Inde dépendante de l'étranger (c'est-à-dire de l'Angleterre). Mais cette mesure fait aussi naître un capitalisme indien…

8.4. LA « MUTINERIE »
L'œuvre du gouverneur général Dalhousie (1848-1856) résume assez bien les bouleversements que l'Angleterre impose à l'Inde pendant la première moitié du xixe siècle. Bouleversements techniques par le lancement de la construction du réseau ferré, et celle du réseau télégraphique, ainsi que par la mise en place d'un réseau postal uniforme. Bouleversements politiques par l'application de la doctrine dite du « lapse », selon laquelle, en l'absence d'héritier direct, un royaume revient à son suzerain, donc à la compagnie. Cette doctrine, contraire à la loi hindoue et à la loi musulmane, qui reconnaissent les droits des héritiers par adoption, permet à Dalhousie des annexions pacifiques et des économies substantielles, car le principe est également appliqué aux pensions.
Cette politique impérialiste culmine avec l'annexion de l'Aoudh, en 1856, non parce que son souverain n'a pas d'héritier, mais sous le prétexte de mauvais gouvernement. L'Aoudh est, en fait, l'une des régions les plus riches de l'Inde. Cette annexion est une erreur à laquelle viennent s'en ajouter d'autres commises par lord Canning (1856-1862), dernier gouverneur général de l'Inde et premier vice-roi.

Le 9 mai 1857, à Meerut (à environ 50 km au nord de Delhi), éclate dans l'armée du Bengale ce que les Anglais appelleront une « mutinerie », mais qui sera plus qu'une simple révolte de soldats, sans cependant atteindre les dimensions d'une révolte nationale, faute d'une direction et d'un idéal communs. C'est, sans doute, le « dernier sursaut d'un ordre condamné », dont certains éléments supportaient mal les spoliations et la pacification énergique de la puissance étrangère. Cette révolte qui, pendant l'été de 1857, ne fait vraiment perdre aux Anglais que le contrôle du cœur de la vallée du Gange, est rapidement matée, souvent avec une extrême cruauté.
La « mutinerie » (ou révolte des cipayes) aura de multiples conséquences. Un mur de défiance opposera désormais les deux communautés, et l'Angleterre, qui se voulait éducatrice et civilisatrice, n'essaiera plus de légiférer dans des domaines touchant à la religion et aux mœurs. L'évolution de l'Inde au siècle suivant sera bien davantage due au rôle économique que lui fera jouer la puissance coloniale, initiatrice, partenaire et rivale, et à la prise de conscience des Indiens de leur identité.

9. L'INDE COLONIALE

9.1. LE GOUVERNEMENT DE L'INDE
L'Inde britannique, résultat de cette politique de conquêtes et d'annexions, est devenue, au fil des années, un immense empire comprenant deux sortes de territoires : des territoires administrés directement et des territoires princiers (plus de 600 au début du xxe siècle) soumis au régime de l'administration indirecte, autonomes, mais sans aucune indépendance réelle.
L'Empire est, depuis Calcutta (depuis Delhi à partir de 1911), dirigé par un vice-roi (successeur du gouverneur général depuis 1858) nommé par le gouvernement anglais et dépendant du secrétaire d'État à l'Inde, ce dernier, membre du gouvernement de la Couronne. Le vice-roi est assisté d'un Conseil exécutif, purement consultatif, d'abord de six membres nommés par Londres. Son Conseil législatif est le même, mais augmenté de seize membres nommés par lui. L'administration impériale est absolument centralisée dans la mesure où les gouverneurs de province, assistés de leurs conseils, ne sont que des délégués du vice-roi qui les nomme. Cette centralisation autoritaire est pesante. Elle prend la forme, le temps passant, d'une machine bureaucratique énorme et conservatrice.
L'administration quotidienne repose, elle, presque entièrement sur la personne du collecteur de district, au début homme de terrain, homme à tout faire, aux fonctions à la fois exécutives et judiciaires. Puis, ses tâches ne cessant de croître, ce personnage devient un bureaucrate qui supervise, à la tête d'une administration indigène.
Les administrateurs britanniques appartiennent au corps de l'ICS (Indian Civil Service), dont les Indiens, longtemps, ne pourront faire partie puisque, jusqu'en 1922, le concours d'entrée se passera obligatoirement en Angleterre. Ce corps est resté célèbre pour l'esprit victorien qui l'animait, mais qui le rendait anachronique et incapable d'innover. Toutes les initiatives rendues nécessaires par la poussée nationaliste et par les grands événements mondiaux (les deux guerres mondiales, la crise de 1929) viendront toujours de Londres et se heurteront au conservatisme de ces fonctionnaires coloniaux.

L'Inde sur laquelle les Britanniques étendent leur empire est un pays rural (le pourcentage de la population urbaine est de 10 % en 1901 et ne sera que de 13 % en 1941) peuplé de villages (730 000 en 1901) isolés, pratiquement autarciques, aux structures sociales héritées d'un très long passé.
La société y est divisée en castes hiérarchisées et cette structure conditionne tous les aspects de la vie rurale. Si le nombre des castes, à considérer l'Inde dans son ensemble, apparaît presque infini, à l'intérieur d'un même village, trois groupes peuvent être, du point de vue économique, définis. Au sommet de la hiérarchie, la caste dominante possède la plus grande partie des droits sur la terre, sans la travailler elle-même. En dessous, et dépendant largement de la classe précédente, viennent les petits propriétaires, les tenanciers et les artisans ruraux. Les exploitations à ce niveau sont petites, guère plus du minimum vital, parfois moins. En bas, enfin, se tiennent les plus pauvres et les plus méprisés, les paysans sans terre et les castes de service impures, en général intouchables. C'est dans ce prolétariat que figurent les paysans non libres endettés dans des conditions qui ne leur permettent pas de racheter leurs dettes.
Dans ce monde, les Anglais introduisent un certain nombre de nouveautés qui, directement ou indirectement, transforment les structures agraires. Il s'agit d'abord de l'établissement de nouveaux systèmes fonciers (dès 1793) qui, en instituant le droit de propriété, bouleversent les droits traditionnels sur la terre, rompant par là l'équilibre de l'économie villageoise. Il s'agit ensuite de l'introduction des cultures industrielles et de la commercialisation croissante de l'économie agricole, phénomènes qui, joints à la concentration de la propriété foncière qui avait suivi l'institution de la propriété, vont déséquilibrer la production agricole et l'assujettir aux fluctuations des cours mondiaux. Enfin, aux facteurs de déséquilibre touchant une société bloquée, s'ajoute, à partir de 1921, le facteur démographique. À partir de 1921, en effet, le taux de mortalité chute de façon continue (il passe de 40 à 50 ‰ avant cette date à 31,2 ‰ en 1941) en face d'un taux de natalité stationnaire aux environs de 45 ‰.

9.3. L'INDUSTRIE PENDANT LA PÉRIODE COLONIALE
Le secteur moderne de l'économie indienne, de type capitaliste, est d'abord aux mains d'hommes d'affaires britanniques qui qui peuvent exercer leur activité fortement monopolistique grâce au système des agences de gestion (managing agency system) créé entre 1834 et 1847 à Calcutta puis généralisé à l’ensemble du territoire : les sociétés londoniennes, ignorantes du milieu indien, confient la gestion de leurs capitaux à de vieilles firmes implantées depuis longtemps en Inde.
Ces agences, qui détiennent, en le concentrant aux mains de quelques-uns, le pouvoir économique, fleurissent jusque dans les années 1920. Après quoi commence à se développer un capitalisme indigène, calqué sur le modèle anglais, œuvre de communautés précises (et d'abord celle des parsis, qui avaient commencé, au siècle précédent, à faire des affaires en tant qu'intermédiaires [compradores] dans le commerce du coton et de l'opium). Ce développement se produit à la faveur, notamment, d'une protection douanière (mais sélective) de l'industrie indienne, des difficultés auxquelles se heurte l'industrie en métropole dans les années 1930, et des succès que remporte le nationalisme indien. Les deux guerres mondiales, en isolant l'Inde et en augmentant la demande anglaise, favoriseront aussi l'essor de l'industrie indienne.

Cela étant, le bilan industriel de l'Inde au moment de l'indépendance ne sera nullement en rapport avec les besoins du pays. La raison principale en est que l'industrie indienne est longtemps restée de type colonial, c'est-à-dire déséquilibrée. Certains secteurs seulement ont été développés : fabrication du thé, industrie du coton dans l'Inde de l'Ouest, du jute au Bengale, extraction de la houille au Bihar et en Orissa, au détriment des industries de base que le gouvernement n'a pas aidées, laissant par ailleurs les frontières ouvertes aux importations de la métropole. L'une des conséquences de cette politique est que longtemps subsistera un vaste secteur inorganisé et archaïque. Enfin, l'industrie coloniale, centrée sur les ports, ne contribue pas au développement du reste du pays.
Pour en savoir plus, voir l'article Inde : vie politique depuis 1947.

 

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CARTOGRAPHIE

 


 

 

 

 

 

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Cet article fait partie du dossier consacré au monde.
Ensemble des opérations ayant pour objet l'élaboration, la rédaction et l'édition de cartes.

1. LES ENJEUX DE LA CARTOGRAPHIE

La cartographie réunit l'ensemble des études et des techniques qui permettent à l'homme de se représenter l'espace sur lequel il exerce une activité politique, économique ou scientifique. Des fibres de cocotier et des coquillages, grâce auxquels les Polynésiens schématisent leur univers, aux tracés automatiques réalisés par les ordinateurs à partir des photographies des satellites, la cartographie établit l'« acte de propriété », de plus en plus précis et détaillé, qui légitime l'emprise de l'humanité sur le monde.

2. L’HISTOIRE DE LA CARTOGRAPHIE
Les cartes les plus anciennes témoignent tout autant de l'imaginaire des civilisations qui cherchent à définir leur inscription dans un univers indéterminé que de leurs conceptions scientifiques : ainsi les cartes médiévales, qui plaçaient Jérusalem au centre du monde, et qui rejetaient à sa périphérie des terres peuplées de monstres humains et animaux, sont des produits de l'inconscient collectif plus que des observations de quelques découvreurs. Plus tard, les cartes ont fait rêver moins par la précision de leurs contours que par leurs taches blanches, qui signalaient les terres inconnues et ont provoqué des vocations de poètes, d'écrivains ou d'explorateurs.

2.1. LES PREMIÈRES CARTES
Il semble que la plus ancienne carte authentifiée soit une fresque, découverte dans les années 1960 lors des fouilles archéologiques à Çatal Höyük (dans le centre de la Turquie). Datée de 6200 avant J.-C., elle représente un plan de ville stylisé et le volcan Hassan Dag tout proche en éruption. Cette carte est plutôt une image sacrée et n'avait aucune prétention utilitaire.
Une tablette sumérienne en terre cuite sur laquelle figure le parcours de l'Euphrate à travers le nord de la Mésopotamie remonte pour sa part à 3800 avant J.-C. Les Assyriens et les Égyptiens utilisaient des tablettes de terre cuite ou de métal et des papyrus indiquant des itinéraires ou des limites de propriétés afin d'en estimer les surfaces en vue de l'imposition. Ces limites étaient, en Égypte, effacées chaque année par la crue du Nil, et ces premières cartes permettaient d'en fixer les contours à partir de mesures directes sur le sol.

2.2. LES CARTES DE LA GRÈCE ANTIQUE
La Grèce antique jette les bases de la cartographie scientifique. Les savants grecs se fondent d'abord sur les observations ponctuelles rapportées par les navigateurs, commerçants ou guerriers qui ont sillonné la Méditerranée dès le IIe millénaire ; ils cherchent à préciser les contours du Bassin méditerranéen et à connaître la forme de la Terre.

Aristote (384-322 avant J.-C.) démontre la sphéricité de la Terre, et Ératosthène, un siècle plus tard, calcule sa circonférence avec une remarquable précision. À partir de ces données, l'astronome Hipparque (190-125 avant J.-C.) propose un canevas de la surface terrestre découpé par un réseau de parallèles et de méridiens : c'est le premier essai de projection cartographique.

Les principales cartes réalisées par les Grecs sont l'œuvre de Strabon (vers 58 avant J.-C.-entre 21 et 25 après J.-C.) et de Ptolémée (vers 100-vers 170 après J.-C.), qui réalise un ensemble de cartes régionales, dont une carte générale de la Méditerranée, redécouverte et utilisée au xvie s., mais il reprend, pour la mesure de la circonférence terrestre, les mesures fautives de Posidonios de Rhodes (135-50 avant J.-C.).

Les ingénieurs grecs dirigent la réalisation des cartes romaines, dans le cadre d'un inventaire général de l'Empire. L'objectif étant essentiellement militaire et administratif (cadastre), l'intérêt est porté sur la représentation des frontières, des villes et des grands itinéraires terrestres.

2.3. LE MOYEN ÂGE : UNE CARTOGRAPHIE IMAGINAIRE
Le haut Moyen Âge européen, période de déclin du commerce maritime, est marqué par une quasi-disparition de la cartographie. La Terre n'est plus qu'un objet de représentations symboliques et imagées (textes et diagrammes astrologiques, astronomiques et cosmographiques), bien éloignées du souci scientifique des cartographes grecs : les mappae mundi montrent une Terre plate centrée sur Jérusalem et divisée en trois continents (Europa, Asia, Africa) de forme géométrique.

L'héritage de la cartographie antique est en partie conservé par l'Empire byzantin et utilisé par les Arabes ; au xiie s., al-Idrisi réalise un planisphère géant, ainsi qu'un atlas comprenant 70 cartes du monde connu, de l'Europe à l'Afrique et à la Chine. Les cartes chinoises, établies selon un système de projection fort avancé, restent totalement inconnues en Occident.

2.4. LA RENAISSANCE : LA CARTOGRAPHIE DES MARINS ET DES DÉCOUVREURS

Avec la reprise du commerce maritime, les grandes découvertes permettent de renouveler, à partir du xive s., les cartes destinées à la navigation, et imposent une nouvelle vision géographique du monde. Les portulans, cartes d'usage maritime caractérisées par une représentation des aires de vent, ébauche des routes maritimes, apparaissent. De nouveaux appareils de mesure de la latitude (astrolabes) emportés à bord des navires permettent d'aboutir à la représentation cartographique approchée et sans échelle stricte des côtes du Bassin méditerranéen et de l'Atlantique voisin. L'apogée de cette cartographie médiévale est la mappemonde du Vénitien Fra Mauro (1458), qui donne la vision complète du monde alors connu.
Les progrès décisifs de la cartographie européenne à la Renaissance sont également liés à la redécouverte des travaux antiques. La traduction des écrits de Ptolémée permet la construction de nouvelles mappemondes, accompagnées d'un réseau de coordonnées en latitude et en longitude ; reprenant les erreurs de Ptolémée sur la longitude, elles indiquent, comme celle de Martin Behaim de Nuremberg, un océan aisément franchissable entre l'Europe et la Chine. Cet optimisme géographique est à la source des grandes expéditions maritimes de Christophe Colomb, de Vasco de Gama et de Fernand de Magellan. La découverte de l'Amérique élargit considérablement la connaissance cartographique du globe ; la plus ancienne carte figurant le Nouveau Monde est dessinée, en 1500, par l'explorateur espagnol Juan de la Cosa.

La nécessité d'une nouvelle cartographie universelle impose la mise au point de systèmes de projection adéquats, dont celui, en 1569, du géographe et mathématicien flamand Gerhard Mercator, dans lequel parallèles et méridiens se recoupent à angles droits. En outre, l'essor de l'imprimerie permet une représentation plus fine et une plus large diffusion des cartes.

Au xvie s., l'Europe occidentale compte plusieurs centres de production cartographique, principalement en Italie, en Allemagne et aux Pays-Bas ; à Anvers, Ortelius conçoit, en 1570, un atlas mondial (Theatrum orbis terrarum) de 70 cartes et dessine une carte du monde où Ancien Monde et Nouveau Monde figurent dans deux cercles distincts parcourus de méridiens courbes.

2.5. DU XVIIe AU XIXe S. : LA CARTOGRAPHIE TOPOGRAPHIQUE

Élément privilégié du pouvoir, la cartographie a été, très anciennement, un cadastre qui permettait, notamment, de fiscaliser le territoire. Dans ce cadre, incités à connaître leurs ressources foncières, forestières et fiscales, les États modernes donnent une impulsion décisive à la cartographie régionale et locale ; en France notamment, le géographe Nicolas de Nicolay reçoit du roi Henri II la mission de dresser la carte des provinces du royaume. Parallèlement, les marchands de Londres et d'Amsterdam sont demandeurs de cartes marines, qui font l'objet d'une large diffusion.

La cartographie participe à la révolution intellectuelle cartésienne : attachée à la représentation la plus exacte possible du monde, elle pose désormais un regard technique et neutre sur la planète, qui est arpentée, quantifiée et représentée. En France, le Théâtre françois de Bourguereau de Tours (1594) est le modèle de l'atlas des provinces, dont les 18 cartes seront révisées et complétées par la suite. Dans le cadre de la politique de grands travaux menée par Colbert, l'Académie des sciences lance en 1666 un projet de cartographie systématique du royaume. Les relevés s'appuient sur la méthode de triangulation mise au point par le Hollandais Snell Van Royen, dit Snellius, en 1617, et expérimentée en France, en 1640, par l'abbé Picard ; dès 1678 paraissent les premières feuilles des environs de Paris.

Le premier levé topographique national est établi en France, sur commande de l'État, par la famille Cassini qui, de génération en génération, va poursuivre cette tâche. En 1720, la grande méridienne (nord-sud) de la France est réalisée ; elle va permettre de référencer les points géodésiques. De 1733 à 1744 sont menées de nouvelles opérations géodésiques. En 1747, Cassini III est chargé de lever la carte du royaume. L'établissement des 154 feuilles complètes et 26 feuilles partielles couvrant toute la France à l'échelle du 1/86 400 est achevé, en 1789, par Cassini IV. Malgré des défauts (absence de cotes d'altitude, expression médiocre du relief par des hachures), cette première carte nationale constitue un jalon essentiel dans l'évolution de la cartographie. Destinée à remplacer la carte de Cassini, la carte « de l'état-major » est réalisée de 1818 à 1880 ; le relief y est indiqué avec une précision beaucoup plus grande, par des cotes d'altitude et des courbes d'égale altitude, ou courbes de niveau. Les 273 feuilles au 1/80 000 de cette carte topographique ont constitué un modèle pour la cartographie européenne.
L'essor des cartes topographiques s'accompagne de la réalisation de cartes spécialisées à vocation utilitaire bien définie : cartes des places fortes et des champs de bataille rassemblées par Vauban, cartes des forêts, carte des chasses du roi, au 1/28 800, achevée en 1773 et d'une précision remarquable. Sur la base d'une loi napoléonienne (1807), toutes les communes de France seront l'objet d'un travail de cadastre quasi achevé en 1850 ; chaque cadastre communal indique les limites des propriétés et l'utilisation du sol, afin de mieux asseoir l'imposition.

2.6. LE XXe S. : LES RÉVOLUTIONS TECHNOLOGIQUES
Les conditions de production des cartes sont bouleversées à la fois par les innovations technologiques et par les objectifs de la cartographie ; les considérations scientifiques et géopolitiques donnent une nouvelle dimension au cadastre du monde.
2.6.1. LA PHOTOGRAPHIE AÉRIENNE
Les méthodes de levé des cartes topographiques sont profondément transformées dès l'entre-deux-guerres par l'introduction de la photographie aérienne. L'utilisation d'un support vertical (avion) et d'un capteur (appareil de prises de vue) permet d'obtenir des couvertures photographiques complètes et sans déformations de certains territoires. Dès lors, les levés sur le terrain à la planchette topographique laissent la place à la photogrammétrie. Le relief peut être appréhendé par l'utilisation de stéréogrammes, après diverses opérations complexes qui permettent d'éliminer les défauts inhérents à la prise de vue (variations d'échelle en fonction de l'altitude de la région, déformations de perspectives). Le levé topographique bénéficie ainsi à la fois d'une plus grande rapidité et d'une parfaite homogénéité.
Dans un autre domaine, la détection sous-marine par ultrasons offre un relevé du relief caché des fonds océaniques.

2.6.2. LA CARTOGRAPHIE AUTOMATIQUE
Depuis les années 1960, l'utilisation de l’informatique a donné naissance à la cartographie automatique. Les ordinateurs peuvent enregistrer et traiter une masse considérable de données quantitatives ; des programmes appropriés permettent d'obtenir la représentation graphique des informations prises séparément ou corrélées en exécutant toutes les opérations cartographiques habituelles : construction des systèmes de projection, modification d'échelle, tracé des lignes et des courbes, mise en place de points, de hachures, de couleurs, etc. L'information peut être corrigée ou complétée, puis réintroduite dans la mémoire de la machine ; l'écran fournit une visualisation fugitive de la carte, qui peut être imprimée de nouveau.

2.6.3. LA TÉLÉDÉTECTION
En 1972, le satellite américain Landsat 1 est lancé afin d'observer la Terre de façon systématique. La télédétection par satellite révolutionne les méthodes de la cartographie, et multiplie les objets d'étude possibles. Les images prises de façon répétée à partir d'un point d'observation non terrestre fournissent une vision mondiale synthétique et évolutive à intervalles de temps très rapprochés ; il est ainsi possible de suivre jour après jour l'évolution du manteau neigeux recouvrant une chaîne de montagnes, ou la propagation d'une marée noire à travers un océan. Avec la télédétection, les objets au sol ne sont plus seulement appréhendés par leurs contours, mais aussi dans leur composition. Ainsi, la densité d'un massif forestier, son état phytosanitaire, les essences et la taille des arbres peuvent être connus sans qu'il soit nécessaire de procéder à une étude de terrain, forcément très longue.
Les techniques de numérisation rendent possible la régularisation de l'image en éliminant les détails de la structure des paysages pour ne retenir que les dominantes : les contours de la carte obtenue sont modifiés en fonction du degré de précision ou de généralisation souhaité.
Les possibilités d'exploitation cartographique d'informations nouvelles sont très abondantes dans de nombreux domaines : climatologie, environnement, aménagement, circulation, agriculture, etc.

2.6.4. LA DIFFUSION DE L'INFORMATION
La production de cartes intéressant des thèmes nouveaux et complexes prend toute son efficacité au xxe s. avec la mécanisation complète de l'imprimerie. La grande diffusion des cartes auprès des administrations, des entreprises privées et du public a été facilitée par le perfectionnement de la reproduction à grand tirage et en couleurs, en offset notamment. Une coopération internationale en cartographie a vu le jour, dont l'objectif est d'harmoniser les échelles de représentation et les modes de figuration de la surface terrestre ; l'International Map of the World (carte internationale du monde au 1/500 000), projet formulé en 1891, n'est cependant toujours pas achevée.

3. LA REPRÉSENTATION CARTOGRAPHIQUE
Le cartographe doit d'abord choisir l'échelle de la carte, le type de projection et la symbolique à utiliser.

3.1. L'ÉCHELLE
La carte représente une portion de l'espace de superficie extrêmement variable, de quelques hectares à la totalité du globe ; cela pose le problème de l'échelle de la carte. Celle-ci peut se définir comme le rapport entre les distances linéaires mesurées sur la carte et les distances linéaires correspondantes mesurées sur le terrain. L'échelle numérique exprimée par la fraction 1/50 000 signifie que l'unité 1, sur la carte, représente 50 000 unités équivalentes sur le sol : ainsi, 1 cm sur la carte équivaut à 50 000 cm sur le terrain ; ou encore, 500 m sur le terrain sont représentés par 1 cm sur la carte.
En complément de cette échelle numérique, toute carte comporte une échelle graphique, placée en légende ; il s'agit d'une ligne divisée, à la façon d'une règle, en intervalles égaux représentant des longueurs exprimées en mètres, en kilomètres ou en milles. La distance entre deux points sur le terrain peut être déterminée facilement par la mesure de la distance entre ces deux points sur la carte, qui sera comparée à celle inscrite sur l'échelle graphique.
Lors d'une réduction ou d'un agrandissement photographiques ou par photocopie, l'échelle graphique est réduite ou agrandie automatiquement, tout comme la carte qu'elle accompagne ; inversement, dans ce cas, l'échelle numérique se trouve modifiée.
La valeur de la fraction détermine l'échelle : le 1/1 000 000 est une échelle plus petite que le 1/10 000. Compte tenu de la relative uniformité des formats (de quelques décimètres carrés à quelques mètres carrés), des cartes établies à des échelles différentes représentent des portions inégales de la surface terrestre, et avec des degrés de précision fort variables. Ainsi, sur une carte au 1/25 000, 1 km est représenté par 4 cm ; il s'ensuit qu'une carte à cette échelle (grande) ne peut figurer qu'une étendue restreinte, l'agglomération lyonnaise par exemple. Inversement, sur une carte au 1/1 000 000, 1 km est représenté par 1 mm; une carte à cette échelle (petite) correspond à une étendue beaucoup plus vaste que la précédente, toute la France par exemple.
Dans les deux cas, les degrés de précision offerts par la carte sont très différents. Sur une carte à grande échelle, de multiples détails apparaissent (maisons, usines, ruisseaux, sentiers, etc.), qui ne peuvent pas figurer sur une carte à petite échelle, très simplifiée et pour laquelle un tri des éléments à représenter est réalisé. Le passage d'une grande à une petite échelle, obligeant à un abandon des détails et à une simplification des contours, s'appelle la « généralisation ». Par exemple, toutes les sinuosités d'un fleuve comme la Seine, bien visibles sur une carte à grande échelle, ne peuvent être indiquées sur la carte générale du monde.
La diversité d'échelles implique l'existence de plusieurs catégories de cartes, auxquelles correspondent des usages différents. Pour se rendre en automobile de Paris dans les Alpes, le vacancier utilisera une carte routière de la France à petite échelle (1/1 000 000), sur laquelle ne figurent que les axes autoroutiers et routiers principaux ; dans le massif du Mont-Blanc, un randonneur désireux de connaître tous les sentiers et les refuges devra consulter une carte du secteur à grande échelle (1/25 000 ou, mieux, 1/10 000).

3.2. LES PROJECTIONS
3.2.1. LES DIFFICULTÉS DE REPRÉSENTATION ET LES SOLUTIONS
Une carte étant la représentation plane (en deux dimensions) d'un objet sphérique (en trois dimensions), le dessin des contours impose l'utilisation de techniques géométriques particulières : les projections.
La surface de la Terre est celle d'une sphère irrégulière, légèrement aplatie vers les pôles ; la Terre est ainsi assimilée à un ellipsoïde de révolution dont les mesures sont désormais bien connues (6 378,16 km de demi-grand axe et 6 356,77 km de demi-petit axe). S'il est relativement facile de transformer cet ellipsoïde de référence en une construction sphérique réduite, le passage de ce volume à une représentation cartographique plane se heurte à des difficultés. En effet, sur un plan, une surface courbe ne peut pas être représentée sans déformations. Les solutions mathématiques à ce problème existent ; l'établissement d'une correspondance géométrique entre tous les points de l'ellipsoïde et tous ceux de la carte s'appelle une projection cartographique. Cette opération conduit, quelle que soit la représentation, à une altération de l'ellipsoïde initial. Ainsi, les projections dites « conformes », si elles respectent les rapports d'angles entre méridiens et parallèles, qui se recoupent perpendiculairement comme sur l'ellipsoïde, entraînent des déformations de surface qui augmentent considérablement avec la latitude et conduisent à une représentation exagérée des zones polaires. Inversement, les projections dites « équivalentes », si elles conservent les rapports de surface, altèrent les rapports d'angles : les méridiens dessinent des ellipses qui recoupent obliquement tous les parallèles en des points équidistants.
Il existe plusieurs types de projections, selon la configuration de la surface utilisée. Méridiens et parallèles sont projetés sur un cylindre enveloppant le globe. La projection de ces lignes peut s'effectuer depuis un point fixe situé au centre de la sphère (projection gnomonique), sur la circonférence de la sphère (projection stéréographique) ou à l'infini (projection orthographique). Chaque système de projection aboutit à des cartes différentes, entre lesquelles aucun assemblage n'est permis. De plus, à l'exception de la projection de Mercator, qui a d'autres défauts, ces constructions cartographiques ne permettent jamais de représenter la totalité de la Terre d'un seul tenant. Cependant, pour les cartes à grande échelle, les déformations de rapports de surfaces ou d'angles posées par les projections deviennent quasi négligeables.
3.2.2. LA PROJECTION CYLINDRIQUE DE MERCATOR

La projection cylindrique de Mercator, si elle respecte les angles, présente, en revanche, une échelle variable avec la latitude ; à 75° de latitude, les surfaces se trouvent exagérées de seize fois par rapport à celles situées à l'équateur, ce qui explique que cette projection soit surtout utilisée pour les régions intertropicales, où la déformation est minime. Les cartes maritimes sont établies selon cette projection ; en effet, les itinéraires loxodromiques empruntés par les navigateurs y sont figurés par des droites et peuvent être facilement suivis au compas.

3.2.3. LA PROJECTION CONIQUE
Dans cette projection, les parallèles et les méridiens sont transférés de la sphère terrestre sur un cône : les méridiens deviennent des rayons qui convergent vers le pôle, tandis que les parallèles forment des arcs concentriques. L'intersection entre le cône et le globe donne le parallèle standard unique (projection conique tangente) ou les deux parallèles standard (projection conique sécante) ; dans ce cas, l'erreur d'échelle est mieux distribuée. Cette projection, bien adaptée aux latitudes moyennes, s'est imposée depuis le xviiie s. ; mise au point par J. H. Lambert en 1772, elle est utilisée pour la réalisation des cartes topographiques françaises.

3.2.4. LA PROJECTION AZIMUTALE, OU POLAIRE
Dans la projection azimutale, les parallèles et les méridiens sont transférés sur un plan qui touche la sphère terrestre en un seul point, le plus souvent le pôle. La construction est établie à partir d'un centre de projection fréquemment situé au centre de la Terre (projection centrale ou gnomonique). Tous les grands arcs de la sphère se projettent sur la carte selon une droite ; cette représentation se révèle fort utile pour la navigation.

3.2.5. LA PROJECTION DE PETERS, OU CYLINDRIQUE ÉQUIVALENTE
Arno Peters a proposé en 1977 une projection qui respectait les surfaces et les positions nord-sud et ouest-est, cela afin de mieux faire comprendre l'étendue et l'importance de l’hémisphère Sud. En revanche, dans cette représentation où les continents apparaissent allongés, les distances ne sont plus respectées et les tracés (aux basses et hautes latitudes) sont déformés.

3.3. LE SYMBOLISME CARTOGRAPHIQUE
Le choix judicieux des symboles utilisés pour la réalisation d'une carte concourt à la qualité de celle-ci. Une bonne carte s'appuie sur une documentation exacte et exhaustive (il ne doit pas y avoir d'incertitude ou de vide sur la carte) ; elle suppose la réflexion du cartographe, qui doit sélectionner l'information et préférer tel symbole à tel autre. Tous les symboles, parfaitement placés sur le fond de carte et dessinés adroitement, doivent être définis dans une légende ordonnée.
Le choix des symboles cartographiques est effectué en fonction du message qui doit être délivré, tout en assurant le maximum de clarté et de rapidité de compréhension. Le cartographe peut jouer sur six variables visuelles :
– la forme du figuré, qui permet de reconnaître des objets ;
– la taille du figuré, qui permet de signaler une hiérarchie entre les objets représentés ;
– la disposition du figuré (verticale, horizontale, oblique), qui singularise cet objet par rapport à d'autres ;
– la couleur, très facilement perceptible par l'œil, qui souligne des ressemblances ou des différences ;
– l'intensité de la couleur (teinte pastel ou vive), qui permet d'opérer un classement ;
– le grain ou la structure du figuré, qui définit le nombre de taches élémentaires le composant (par effet de scintillement) ; c'est à la fois une variable d'identification et de hiérarchie (par la différence de densité des taches élémentaires).

3.3.1. LES FIGURÉS DE SURFACE
Les figurés de surface sont utilisés pour représenter tous les phénomènes qui occupent une certaine surface sur la carte (une forêt, tel pourcentage électoral par circonscription, etc.). On distingue les plages de couleur et les grisés.

3.3.2. LES PLAGES DE COULEUR
Les plages de couleur sont précieuses pour leur forte valeur expressive. Les trois couleurs primaires (bleu, jaune, rouge) et complémentaires (vert, violet, orangé) sont d'un usage fondamental et prioritaire. Le rouge, l'orangé et le jaune, couleurs chaudes que l'œil perçoit en premier, sont utilisées pour représenter les phénomènes les plus importants, au contraire des couleurs froides, le bleu, le vert et le violet.
Pour rendre compte d'une hiérarchie, le géographe choisit une gradation de couleurs : soit une gamme de nuances différentes (chaque moitié de l'arc-en-ciel ; par exemple, jaune, jaune orangé, orange, rouge orangé, rouge), soit un camaïeu présentant une même nuance de couleur avec des intensités différentes (par exemple, vert très pâle, pâle, vif, sombre, très sombre).
Il existe des utilisations conventionnelles pour les couleurs : bleu pour l'hydrographie, vert pour les forêts et l'élevage, jaune pour les céréales, etc. De façon générale, la nuance de la couleur renvoie à la nature du phénomène à représenter, et l'intensité de la couleur dépend de l'importance du phénomène à représenter.

3.3.3. LES GRISÉS OU FIGURÉS
Permettant d'étaler sur une surface une gamme de teintes allant du blanc au noir, les grisés sont faits de la répétition régulière de certains signes simples : les hachures, droites parallèles caractérisées par une orientation, et dont les variations de l'épaisseur ou de l'écartement expriment la hiérarchie ; les pointillés, dont la grosseur et l'espacement peuvent varier ; les poncifs, figures répétées régulièrement sur une surface, tels des croix pour des terrains granitiques ou un cimetière, des V pour la vigne, etc.

3.3.4. LES FIGURES ISOLÉES
Les figures isolées sont de deux types :
– les figurines, symboles qualitatifs qui évoquent fidèlement la réalité : un bateau, par exemple, pour signaler des chantiers de constructions navales ;
– les figures géométriques, cercles, carrés, rectangles ou triangles, soit des symboles quantitatifs dont la taille varie proportionnellement à la valeur du phénomène représenté. Ces figures ne valent qu'au sein de limites administratives définies.
3.3.5. LES TRAITS
Le cartographe peut jouer sur la forme, l’épaisseur et le rapprochement des traits :
– les signes linéaires (lignes ou flèches), qui évoquent des relations et des mouvements, indiquent des éléments concrets (voie ferrée) ou abstraits (trafic d'un port). L'épaisseur du trait peut varier avec l'importance quantitative du phénomène représenté ;
– les courbes, parfois simples contours de figurés de surface, exprimant les limites d'une aire de culture. D'autres courbes représentent des valeurs numériques, par exemple les isolignes, courbes numériques qui joignent les points d'égale valeur pour une même variable : les isobathes (même profondeur), isothermes (même température), isohyètes (même niveau de précipitations).

4. LA FABRICATION D'UNE CARTE
La fabrication d’une carte comporte un certain nombre de travaux préparatoires qui se développent selon trois grandes phases.
4.1. LES TRAVAUX DE TERRAIN
Sur le canevas de projection qui a été choisi doit être mis en place le réseau géodésique qui va servir de base à toute l'élaboration de la carte. Ce réseau est constitué de points dont les coordonnées géographiques (longitudes et latitudes) sont connues à quelques centimètres près. C'est l'opération de triangulation ; en France, les coordonnées exactes de 100 000 points du territoire disposés selon des réseaux de triangles accolés et emboîtés ont été calculées, par ordinateur, par référence au canevas de projection.
Pour la connaissance des altitudes, les géographes réalisent un nivellement : toujours en France, l'altitude précise de 400 000 points repères est calculée par rapport au niveau moyen de la mer à Marseille.
Les levés directs sur le terrain se limitent à recueillir des informations venant en complément de celles fournies par les photographies aériennes.
4.2. LES TRAVAUX DE LABORATOIRE
Des techniques photogrammétriques permettent d'éliminer les distorsions géométriques des photographies aériennes ; il s'agit de transformer une perspective conique en une représentation plane, en s'appuyant sur le canevas de projection et sur le repère de points géodésiques.
Après contrôle et complément d'informations sur le terrain, notamment pour la toponymie, il est possible de réaliser les différentes minutes cartographiques (une pour la planimétrie, une p
our l'orographie) qui seront ensuite superposées.
4.3. LES TRAVAUX D'ATELIER
Quatre planches-dessin définitives (une par couleur : noir, orangé, vert, bleu) sont réalisées sur support plastique stable afin de passer en photogravure et en impression.

5. LES DIFFÉRENTS TYPES DE CARTES
La répartition dans l'espace de n'importe quel objet ou phénomène peut être illustrée par une carte. Il existe de ce fait une variété importante de cartes. Cependant, on oppose les cartes de base, qui reflètent fidèlement l'aspect du « terrain », aux cartes thématiques ou spéciales.

5.1. LES CARTES DE BASE
Les cartes de base très élaborées et très précises, par l'information qui y est contenue, constituent ce que l'on appelle le fond de carte.

5.1.1. LES CARTES TOPOGRAPHIQUES
Selon le Comité français de cartographie, elles ont pour objet la « représentation exacte et détaillée de la surface terrestre concernant la position, la forme, les dimensions et l'identification des accidents du terrain, ainsi que des objets concrets qui s'y trouvent en permanence ». Il s'agit donc de cartes offrant une représentation des éléments visibles des paysages continentaux. La précision de ces cartes, issues de levés à grande échelle, permet de les utiliser pour effectuer des mesures exactes de distances, de dénivellations, de pentes, de surfaces, d'angles et de directions.
La France dispose d'une couverture complète de son territoire par des séries cartographiques à des échelles variées (1/25 000, 1/50 000 et 1/100 000, 1/250 000). Chaque carte topographique au 1/25 000 ou au 1/50 000 comporte un titre, composé d'un nom (en général celui de la commune la plus importante qui y est représentée) et d'un numéro d'ordre à quatre chiffres permettant de la placer dans le tableau d'assemblage général des cartes topographiques françaises. Une carte topographique couvre une étendue restreinte : 520 km2 pour une feuille au 1/50 000 (20 × 26 km, format 40 × 52 cm), 260 km2 pour une feuille au 1/25 000 (20 × 13 km, format 80 × 52 cm). Il faut 1 100 cartes au 1/50 000 et 2 000 cartes au 1/25 000 pour représenter toute la France métropolitaine.
Ces cartes sont encadrées par un double réseau de coordonnées : géographiques (longitude et latitude) et cartographiques (celles du quadrillage kilométrique Lambert, qui fait un léger angle avec les méridiens et les parallèles, permettant d'établir les coordonnées géographiques de n'importe quel point situé sur la carte). Des lignes, portées sur certaines éditions, découpent des carrés de 1 km2.
Les cartes peuvent s'orienter de deux façons : suivant le nord géographique, dont la direction est située dans le plan du méridien du lieu, et par la boussole en direction du nord magnétique, selon un angle variable par rapport au nord géographique.
Les conventions de représentation font l'objet d'une légende. Le relief est indiqué par des courbes de niveau, ou isohypses, qui joignent les points d'égale altitude. La dénivellation entre deux courbes de niveau consécutives s'appelle l'équidistance ; elle est constante pour une carte donnée. Dans une région montagneuse, cette équidistance est souvent de 20 m, contre 10 m en plaine. Pour faciliter la perception du relief, la carte présente un certain estompage, assombrissant les versants tournés vers le sud-est. Des repères géodésiques et des points cotés précisent certaines valeurs locales d'altitude, pour les sommets notamment.
La planimétrie concerne les détails de la surface du sol. Il s'agit de l'hydrographie (en bleu), des étendues forestières ou broussailleuses (en vert), de certaines cultures spécialisées comme la vigne, les vergers ou le riz, des voies de communication, des bâtiments. Immeubles, maisons et usines sont indiqués en noir avec une généralisation croissante au fur et à mesure que l'échelle diminue.
La carte topographique renseigne également sur la toponymie (noms des communes, des hameaux, des cours d'eau, etc.).
L'élaboration d'une carte topographique exige des travaux longs et complexes. Une mise à jour à intervalles rapprochés est rendue nécessaire par les transformations de plus en plus fréquentes des paysages. Le coût élevé de la réalisation et du renouvellement de ces cartes explique que cette tâche soit confiée à de puissants organismes nationaux. En France, ces travaux sont la mission de l'Institut géographique national (IGN). À l'échelle du monde, seuls les pays les plus développés disposent de couvertures topographiques récentes et complètes, au moins pour les régions habitées. Dans bien des pays du tiers-monde, les levés topographiques sont partiels, hérités de la colonisation, voire inexistants.
5.1.2. LES CARTES MARINES
Les cartes marines traduisent le relief sous-marin à l'aide d'isobathes et indiquent la signalisation utile à la navigation. Elles existent à des échelles variables, de plus en plus grandes à l'approche des côtes. Les chenaux d'accès aux ports font l'objet de plans à très grande échelle (de 1/1 000 à 1/10 000).

5.2. LES CARTES THÉMATIQUES
Les cartes thématiques s'attachent à figurer l'extension et la répartition d'une donnée d'intérêt particulier.

5.2.1. LES CARTES DES SCIENCES DE LA TERRE
Les cartes des sciences de la Terre représentent des phénomènes naturels.
Les cartes géologiques indiquent les affleurements des terrains du sous-sol dans leurs limites, leur nature ou leur âge, ainsi que les déformations qui les affectent (plis, failles, etc.). Les couleurs utilisées pour exprimer l'âge des terrains sédimentaires font l'objet d'une rationalisation poussée. Ces cartes sont nécessaires à la construction et à la prospection minière.
Les cartes des formations superficielles montrent les dépôts d'une certaine épaisseur qui recouvrent les roches en place (limons, alluvions, éboulis, moraines).
Les cartes géomorphologiques définissent les formes de relief dans leurs relations avec la structure géologique et les systèmes d'érosion.
Les cartes pédologiques présentent la répartition des types de sols selon divers systèmes de classification.
Les cartes de végétation indiquent les zones et étages de végétation « naturels » en fonction des conditions écologiques optimales pour différentes espèces.
Les cartes zoologiques et botaniques rendent compte de la distribution spatiale des animaux et des plantes ; elles servent aux entreprises chargées du déboisement et aux responsables de l'environnement.
Les cartes météorologiques indiquent les éléments du temps (pression, température, etc.) à un certain moment pour une zone donnée. Ces cartes ont aujourd'hui pour sources d'informations les images prises par les satellites géostationnaires. Par l'observation de la progression des perturbations, des prévisions fiables du temps pour plusieurs jours sont rendues possibles.

5.2.2. LES CARTES DES IMPLANTATIONS HUMAINES
Les cartes routières figurant les voies de circulation, les villes et les lieux touristiques connaissent une très large diffusion.
Les cartes de navigation aérienne sont plus spécialisées, avec une mention détaillée des aéroports, des voies aériennes, des aires des fréquences radio qui se rattachent à chaque aéroport.
Les plans cadastraux sont établis à très grande échelle par des géomètres. Ils identifient les parcelles de terrain pour garantir les limites des propriétés et permettre plus de rigueur dans les critères d'imposition.
Les cartes d'occupation du sol montrent la répartition des types d'utilisation de l'espace (habitat, agriculture, industrie, etc.) pour un secteur précis. Les collectivités locales utilisent ces cartes pour définir une politique d'aménagement urbain ou rural.
Les cartes politiques mentionnent les frontières, les villes principales, les divisions administratives.
Les cartes historiques précisent l'évolution des territoires, les mouvements des armées et des populations dans le passé.
Les cartes économiques indiquent la répartition des différentes activités.

 

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Cet article fait partie du dossier consacré aux droits de l'homme et du dossier consacré à la Révolution française.



Les droits de l'homme, et les libertés dont ils s'accompagnent, sont ceux dont tout individu doit jouir du fait même de sa nature humaine. C'est la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui marque l'avènement théorique d'un État de droit dotant l'individu du pouvoir de résistance à l'arbitraire et lui reconnaissant des droits naturels, dits fondamentaux. La notion de « déclaration des droits » découle de deux idées : celle de l'existence de droits individuels et celle de la nécessaire affirmation de ces droits par une autorité légitime, en l'occurrence le pouvoir constituant en 1789, c'est-à-dire l'État. Matrice de la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par les Nations unies en 1948, le texte de 1789 est l'aboutissement d'une réflexion qui a commencé avec la Grande Charte d'Angleterre de 1215 et qui passe par l'institution de l'habeas corpus en 1679.
→ charte.
Il appartient à l'État de droit de respecter les libertés fondamentales de l'individu, que le concept de « libertés publiques » traduit en termes constitutionnels. La persistance de nombreux cas de violations des droits de l'homme dans l'histoire contemporaine impose de garantir leur protection à l'échelon international. Non seulement celle-ci suppose l'existence de mécanismes juridiques autorisant des organes internationaux à exercer un contrôle sur l'application des normes relatives aux droits de l'homme, mais encore l'action d'organisations indépendantes des États, qui se révèlent aussi de la première importance.


Trois siècles d'histoire des droits de l'homme
Ce sont les philosophes du xviiie s., parmi lesquels Jean-Jacques Rousseau, qui élaborent le concept de « droits naturels », droits propres aux êtres humains et inaliénables, quels que soient leur pays, leur race, leur religion ou leur moralité. La révolution américaine de 1776, puis la révolution française de 1789 marquent la reconnaissance et la formulation explicite de ces droits.
Dès 1689, en Angleterre, a été proclamé le Bill of Rights. Les colons établis en Amérique en retournent les principes contre leur roi. La Déclaration d'indépendance américaine, le 4 juillet 1776, affirme la primauté des droits et libertés. Au cours de la décennie suivante, par l'entremise du marquis de La Fayette et de Thomas Jefferson, elle éclaire les révolutionnaires français, notamment sur la notion de souveraineté du peuple.
Les dix-sept articles de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen sont discutés et votés entre le 20 et le 26 août 1789, alors que l'Assemblée constituante est en conflit avec le roi. Destinée à préparer la rédaction de la première Constitution écrite française, en la fondant sur l'énonciation des principes philosophiques qui doivent former la base de la société, elle proclame les droits « naturels et imprescriptibles » de l'homme, c'est-à-dire ceux que chacun doit exercer par le fait qu'il est homme et sans distinction de naissance, de nation ou de couleur. Après une définition générale de la notion de liberté, la Déclaration précise un certain nombre de libertés particulières : liberté de conscience et d'opinion, liberté de pensée et d'expression, droit à la propriété. L'égalité est la deuxième grande notion de la Déclaration : égalité des droits, égalité devant la loi et la justice, égalité devant l'impôt, égale admissibilité aux emplois publics. L'État nouveau, édifié sur le principe de la séparation des pouvoirs et sur la notion de souveraineté du peuple, devient le garant des droits.

Au xixe s., la Déclaration de 1789 inspire le mouvement politique et social en Europe et en Amérique latine. Avec l'industrialisation grandissante, l'essor du pouvoir capitaliste et financier, la revendication des droits s'enrichit en effet de la notion de droits sociaux, et particulièrement de droit au travail, sous l'influence du socialisme à la française, puis du socialisme marxiste. Mais les génocides, l'esclavage, qui ne sera aboli que lentement et inégalement, le colonialisme, le travail des enfants, la sujétion des femmes, dont l'émancipation – quand elle aura lieu – sera tardive, sont autant d'obstacles historiques sur la voie d'une reconnaissance pleine et entière des droits de l'homme. La France et les États-Unis eux-mêmes rechigneront souvent à montrer l'exemple, malgré la création d'associations philanthropiques et la lutte pour la prise en compte des droits sociaux (droit de grève, amélioration des conditions de travail, réduction du temps de travail).


Selon l'article 55 de la Charte des Nations unies de 1945, l'O.N.U. doit favoriser le respect universel et effectif des droits de l'homme avec le concours des États membres. Mais la politique des blocs, l'un sous influence américaine, l'autre sous influence soviétique, perturbe pendant plusieurs décennies les débats. Tandis que les Américains insistent sur la notion de droits politiques, les démocraties libérales d'Europe défendent celle de droits sociaux. Compte tenu des deux options, les Nations unies tentent de réaliser leur mission à travers l'action de la Commission des droits de l'homme, créée en 1946. Ceux-ci deviennent une valeur internationalisée en 1948. Il est reconnu que l'homme détient un ensemble de droits opposables aux autres individus, aux groupes sociaux et aux États souverains. Les droits de l’homme sont par la suite étendus à l’enfant : le 20 novembre 1989, les Nations unies adoptent la Convention des droits de l'enfant, afin de protéger l'enfance de la famine, de la maladie, du travail, de la prostitution et de la guerre.
→ droits de l'enfant.
Les droits de l'homme face au principe de souveraineté
Le principe des droits humains, tout comme la notion de paix, fait partie de ces thèmes a priori consensuels et irréfutables sous peine de placer le réfractaire en marge de la communauté internationale. L'humanité entière est révulsée par la barbarie, et un régime criminel ne peut, moralement, asseoir sa légitimité sur la seule souveraineté de l'État.
Les tribunaux militaires internationaux de Nuremberg (1945) et de Tokyo (1946) ont manifesté la valeur de ce raisonnement. Dès 1950, l'Assemblée générale des Nations unies a créé un comité chargé de rédiger le projet de statut d'une juridiction pénale internationale permanente. Mais la guerre froide a eu raison de ces vœux pieux. Le fait que ce projet n'ait pris forme qu'en 1998 témoigne – de même que ses limites – de la résistance opiniâtre des États : aucun d'eux ne cherche spontanément à promouvoir une justice supranationale à laquelle il serait soumis et devant laquelle des citoyens, nationaux ou étrangers, pourraient le traduire. C'est la même attitude qui a freiné les progrès de l'arbitrage international depuis les conférences de la Paix de 1899 et 1907, et limité, malgré deux guerres mondiales, les prérogatives de la Société des Nations puis de l'O.N.U. En réalité, l'opinion publique, alertée par les médias et les organisations non gouvernementales, est un acteur extrêmement important de ces évolutions. C'est à elle qu'il revient de dénoncer les abus de pouvoir, en l'occurrence les crimes commis par les dictateurs, l'altération du principe d'égalité, la négation des droits sociaux, ou encore la corruption des élites dirigeantes. Mais la seule sanction morale ne suffit pas à faire reculer les États coupables. La Déclaration universelle des droits de l'homme exige, par conséquent, pour ne pas être qu'un leurre, que la communauté internationale soit dotée de juridictions qui permettent de se saisir des cas de violation de ces droits.
Voir les articles justice internationale : TPIR, TPIY.

Les institutions au service des droits de l'homme
La Commission des droits de l'homme de l'O.N.U.
Créée en 1946, la Commission se réunit pour la première fois en 1947 pour élaborer la Déclaration universelle des droits de l'homme. Rédigée en un an, celle-ci est adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948. Depuis lors, la date du 10 décembre est célébrée tous les ans en qualité de « Journée des droits de l'homme ».
Jusqu'en 1966, les efforts de la Commission sont essentiellement de nature normative, attendu que, dans une déclaration de 1947, elle estime « n'être habilitée à prendre aucune mesure au sujet de réclamations relatives aux droits de l'homme ». Ses travaux aboutissent, en 1966, à l'adoption par l'Assemblée générale des Nations unies du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ; ces deux pactes forment, avec la Déclaration universelle, la Charte internationale des droits de l'homme.
En 1967, le Conseil économique et social autorise la Commission à traiter des violations des droits de l'homme. Aussi met-elle au point des mécanismes et procédures afin de vérifier le respect par les États du droit international relatif aux droits de l'homme et de constater les violations présumées de ces droits par l'envoi de missions d'enquête. En outre, la Commission met de plus en plus l'accent sur la promotion des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier le droit au développement et le droit à un niveau de vie convenable. Elle s'intéresse de près, comme le démontre la Déclaration de la Conférence mondiale sur les droits de l'homme tenue à Vienne en 1993, à la protection des droits des groupes sociaux vulnérables, des minorités et des peuples autochtones, ainsi qu'à la promotion des droits de l'enfant et des femmes. La démocratie et le développement sont considérés comme deux facteurs nécessaires à l'épanouissement des droits de l'homme.
Décrédibilisée par la présence en son sein de pays critiqués pour leurs propres atteintes aux droits de l’homme, elle est dissoute en 2006, et remplacée par le Conseil des droits de l’homme. Cet organe subsidiaire de l’Assemblée générale des Nations unies est notamment chargé d’effectuer un examen périodique de tous les pays au regard des droits de l'homme, et de formuler aux États concernés des recommandations.

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
Établie par le Conseil de l'Europe en 1950 et entrée en vigueur en 1953, la Convention européenne se situe dans la continuité de la Déclaration universelle de 1948. Chaque État qui adhère au Conseil de l'Europe est tenu de la signer et de la ratifier dans un délai d'un an. Les États signataires s'engagent alors à reconnaître à toute personne relevant de leur juridiction certains droits civils et politiques et certaines libertés définis dans la Convention. Après avoir épuisé toutes les voies de recours internes, un individu qui s'estime lésé dans ses droits peut entamer des procédures à l'encontre de l'État contractant qu'il tient pour responsable. Un État contractant peut également intenter une procédure contre un autre État contractant : c'est ce que l'on appelle une requête interétatique.
Le fait que des États souverains acceptent qu'une juridiction supranationale remette en cause les décisions de juridictions internes et qu'ils s'engagent à exécuter ses jugements a représenté une étape historique dans le développement du droit international. La théorie selon laquelle les droits de l'homme ont un caractère fondamental les plaçant au-dessus des législations et des pratiques nationales a été appliquée. Cela revient à reconnaître qu'il ne faut pas laisser un État décider lui-même de l'application des droits de l'homme et des libertés fondamentales en fonction de considérations politiques nationales.
La Convention a instauré une Cour européenne des droits de l'homme, chargée d'examiner les requêtes individuelles et interétatiques. Les juges de la Cour, totalement indépendants, sont élus par le Parlement européen. Le Conseil des ministres surveille l'exécution des arrêts de la Cour. Le droit de recours individuel est automatique, ainsi que la saisine de la Cour dans le cadre des requêtes individuelles et interétatiques.

LES GRANDES ÉTAPES INSTITUTIONNELLES DE LA DÉFENSE DES DROITS DE L'HOMME


1215 : la Grande Charte d'Angleterre (Magna Carta) énumère, après les excès de Jean sans Terre, un certain nombre de dispositions tendant à protéger l'individu contre l'arbitraire royal en matière de taxes ou de spoliation de biens, et assure à chaque sujet un procès équitable dans le cadre de l'égalité de traitement devant la loi.
1679 : l'habeas corpus, en Angleterre, garantit le respect de la personne humaine et la protège d'arrestations et de sanctions arbitraires. Le roi est ainsi privé du pouvoir de faire emprisonner qui il veut selon son bon plaisir.
1689 : la Déclaration des droits (Bill of Rights), adoptée par la Chambre des lords et la Chambre des communes, réduit le pouvoir royal en Angleterre, en proclamant notamment la liberté de parole au sein du Parlement et le droit pour les sujets d'adresser des pétitions au monarque.
4 juillet 1776 : la Déclaration d'indépendance américaine, rédigée par Thomas Jefferson, Benjamin Franklin et John Adams, et inspirée de la philosophie des Lumières, est signée à Philadelphie par les délégués des treize colonies et promulgue un contrat social fondé sur l'indépendance, l'égalité, la liberté et la recherche du bonheur (« We hold these truths to be self-evident; that all men are created equal, that they are endowed by their creator with certain unalienable rights, that among these are life, liberty and the pursuit of happiness »).
26 août 1789 : la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, destinée à devenir l'archétype des déclarations ultérieures, est adoptée par l'Assemblée constituante.
3 septembre 1791 : la première Constitution écrite française garantit pour chacun « des droits naturels et civils ».
26 juin 1945 : la Charte des Nations unies, signée à San Francisco, internationalise le concept de droits de l'homme.
10 décembre 1948 : la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par l'O.N.U. est la première référence aux libertés fondamentales communes à tous les peuples de la Terre. Aux obligations morales liées à l'universalité du message s'ajoutent, pour les pays signataires, de réelles obligations juridiques qui sont censées instituer autant de garanties pour les peuples concernés.
4 novembre 1950 : la Convention européenne des droits de l'homme est signée à Rome sous l'égide du Conseil de l'Europe ; elle entre en vigueur en 1953.
1er août 1975 : l'Acte final de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (C.S.C.E.), signé à Helsinki, fait figurer le « respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales » parmi les principes de base qui régissent les relations mutuelles des 35 États participants.

Les organismes de défense des droits de l'homme
La Ligue des droits de l'homme
La Ligue est le plus ancien organisme de défense des droits et des libertés. Elle est fondée, en février 1898, par l'ancien ministre de la Justice Ludovic Trarieux et quelques amis, à l'occasion du procès intenté à Émile Zola qui venait de faire paraître dans le journal l'Aurore son célèbre réquisitoire « J'accuse ». Après l'affaire Dreyfus, la Ligue poursuit son engagement en prenant position sur les grands débats contemporains. Ainsi, en 1905, elle se déclare en faveur de la séparation des Églises et de l'État ; en 1909, son président réclame le droit de vote pour les femmes et leur éligibilité à la Chambre et au Sénat. La Ligue suit de près l'évolution de la vie politique et, en 1935, c'est à son siège qu'est signé le programme du Front populaire par les socialistes, les radicaux et les communistes.
En 1948, la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies, reprend largement le projet du représentant français René Cassin, membre de la Ligue des droits de l'homme. Par la suite, celle-ci joue un rôle dans les protestations contre l'utilisation de la torture lors de la guerre d'Algérie, dans les revendications étudiantes de mai 1968, dans les actions qui amènent, en 1973, la modification de la loi sur l'interruption volontaire de grossesse, ou encore en faveur de l.’abolition de la peine de mort. Plus récemment, elle s’est engagée dans les années 1990 contre la montée du racisme, et pour l’extension des droits des étrangers, ainsi que pour la régularisation des sans-papiers.

La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (F.I.D.H.)
Fondée en 1922, la Fédération est la plus ancienne organisation de défense des droits de l'homme au plan international. Elle a son siège en France. Organisation non gouvernementale reconnue d'utilité publique, elle se déclare également apolitique, non confessionnelle et non lucrative. Elle se voue à la promotion de la Déclaration universelle des droits de l'homme en informant l'opinion publique et les organisations internationales par le biais de lettres, de communiqués et de conférences de presse. Comme Amnesty International, la F.I.D.H. bénéficie du statut d'observateur auprès des instances internationales (Nations unies, Unesco, Conseil de l'Europe, Commission africaine des droits de l'homme).

Amnesty International
C'est en 1961, à l'initiative de Peter Benenson (1921-2005), avocat britannique, qu'un groupe d'avocats, de journalistes, d'écrivains, choqués par la condamnation de deux étudiants portugais à vingt ans de prison pour avoir porté un toast à la liberté dans un bar, lance un appel pour l'amnistie (Appeal for Amnesty). L'acte de naissance officiel du mouvement Amnesty International peut être daté du 28 mai 1961, lorsque le supplément dominical du London Observer relate l'histoire de six personnes incarcérées pour « raisons de conscience » – parce qu'elles ont exprimé leurs croyances religieuses ou politiques – et exhorte les gouvernements à relâcher de tels prisonniers. Amnesty International, organisation indépendante à caractère non gouvernemental, mène depuis lors une action vigoureuse de défense des droits de l'homme, à l'adresse des gouvernements qu'elle fustige dans son rapport annuel et de l'opinion publique internationale. Au cours des années 1970, Amnesty International s'est vu confier le statut d'observateur pour le compte des Nations unies. En 1977, son action a été récompensée par le prix Nobel de la paix, titre qui n'impressionne pas forcément tous les gouvernements.

 

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cathédrale Notre-Dame

 

 

 

 

 

 

 

cathédrale Notre-Dame

À Paris, église métropolitaine, située dans l'île de la Cité.

1. Avant Notre-Dame

Dans l’Antiquité, au ier siècle de notre ère, il existe déjà à la pointe orientale de l’île de la Cité une sorte de temple élevé à Jupiter par les bateliers (les « nautes ») parisiens. La pierre votive (Pilier des nautes, conservé aujourd’hui au musée de Cluny-musée national du Moyen Âge, à Paris) en fut retrouvée en 1711, sous le chœur de Notre-Dame.

Sur cet emplacement, les chrétiens à leur tour construisent une basilique. Elle est indiquée comme déjà existante au ive siècle, et Childebert Ier, roi des Francs, la réédifie deux cents ans plus tard (son plan mérovingien apparaît lors de fouilles en 1965). On élève ensuite une autre église, plus petite, toute proche de la première, et ce sont ces deux édifices, dédiés l’un à saint Étienne, l’autre à sainte Marie (ou Notre-Dame), ainsi qu’un baptistère, qui constituent le premier groupe épiscopal de Paris. On suppose qu’après les invasions normandes et la destruction de Sainte-Marie par un incendie, l’église Saint-Étienne sert pendant longtemps seule de cathédrale.

2. Histoire du bâtiment

2.1. Deux siècles de construction

Au cours du xiie siècle, en France, les évêchés très liés au pouvoir royal se dotent de cathédrales modernes c’est-à-dire obéissant aux nouvelles règles de l’architecture « ogivale » (ou gothique). Ainsi, vers 1160, l’évêque de Paris Maurice de Sully décide d’édifier une nouvelle église pour son diocèse parisien. La première pierre est posée en 1163 par le pape Alexandre III et le roi Louis VII. Le chœur est achevé en 1177, le transept et la nef vers 1196. À la fin du xiie siècle, le culte est déjà sans doute célébré dans l’édifice inachevé.
Le chantier de Notre-Dame de Paris est poursuivi sous le règne de Saint Louis (entre 1226 et 1270). La façade et les tours sont terminées dans le deuxième quart du xiiie siècle. Des chapelles, non prévues sur le plan initial, sont ajoutées entre les contreforts de la nef vers 1235-1250. Les maîtres d’œuvre Jean de Chelles et Jean Ravy élèvent les chapelles du tour du chœur (fin du xiiie siècle-début du xive siècle), achevant ainsi la construction de l’édifice médiéval.
La cathédrale appartient donc aux deux premières périodes du style gothique : celui « lancéolé » de Philippe Auguste et celui « rayonnant » de Saint Louis ; elle en est un des plus remarquables spécimens. Si la cathédrale subsiste aujourd’hui, il n’en est pas de même des bâtiments qui la jouxtaient au Moyen Âge : au Nord, le cloître et le baptistère (Saint-Jean-le-Rond) et, au Sud, le palais archiépiscopal ont aujourd’hui disparu.

2.1. Dégradation et restauration

       
Notre-Dame devient église métropolitaine au cours du xviie siècle, avec la transformation du diocèse de Paris en archidiocèse. Pendant la période révolutionnaire, le monument est dédié au culte de la Raison (1793), puis à celui de l’Être suprême (1794), et, enfin, transformé en magasin de vivres. Une grande partie du mobilier et de la sculpture monumentale est détruite. C’est le cas, en particulier, des statues de la galerie des Rois, qui représentent les souverains de Juda et d’Israël, mais dont on pense à l’époque qu’il s’agit des portraits de rois de France. Les statues sont à ce titre mises à bas en 1793 et destinées à servir de pierres de carrière. On en retrouve de nombreux fragments (dont 21 têtes), par hasard, en 1977, lors de travaux dans la cour d’un hôtel particulier de la rive droite ; elles y avaient été ensevelies en 1796, après leur rachat. Ces fragments sont aujourd’hui conservés au musée de Cluny.

À partir de 1845, de vastes travaux de réhabilitation sont exécutés, sous la direction de Jean-Baptiste Lassus et Eugène Viollet-le-Duc. Ils vont durer jusqu’en 1879 : les façades extérieures de la cathédrale sont très restaurées, la statuaire reconstruite, voire entièrement revue (c’est le cas des célèbres chimères de la balustrade) et la flèche reconstruite sur un modèle différent de la première (démontée entre 1786 et 1792).

3. La cathédrale aujourd’hui

3.1 L’extérieur
La cathédrale a 130 m de longueur, 48 m de largeur, 35 m de hauteur sous la voûte (69 m au sommet des tours).

       
La façade principale, donnant vers l’ouest sur la place du Parvis Notre-Dame, de 40 mètres de long, offre une remarquable unité de composition. Trois portes s’y ouvrent : celle de la Vierge (à gauche), celle du Jugement dernier (au centre), et celle de Sainte-Anne (à droite). Des figurines d’anges et de saints remplissent les voussures, tandis qu’aux soubassements s’épanouissent des bas-reliefs consacrés aux Occupations du mois, représentant les Vertus et les Vices.

Les portes sont surmontées des deux galeries – des Rois et de la Vierge. Cette dernière galerie, d’une extrême légèreté, relie les deux tours carrées entre lesquelles s’épanouit une grande rose centrale, flanquée de deux baies géminées. Sur cette façade, toutes les grandes statues datent de la restauration effectuée au xixe siècle. Toutefois, la majeure partie du tympan de la porte Sainte-Anne date du xiie siècle et les deux autres portes conservent des reliefs du xiiie siècle sur les tympans, aux voussures et aux soubassements.

Les deux façades du transept comportent des portails du milieu du xiiie siècle : elles sont l’œuvre de Jean de Chelles (façade nord, vers 1250) et de Pierre de Montreuil (façade sud, face à la montagne Sainte-Geneviève, vers 1260). On peut voir, au trumeau du portail nord, la seule grande statue préservée depuis cette date, une élégante Vierge à l'Enfant. Au portail sud, de curieux bas-reliefs illustrent la vie des étudiants. Contrairement aux fenêtres hautes, les grandes roses de ces deux façades du transept (comme celle de la façade ouest) ont conservé une partie de leurs vitraux anciens, datant du xiiie siècle.

Au-dessus du chœur s’élève la flèche construite au xixe siècle. L’abside, que l’on voit bien surtout de la rive gauche, est un chef-d’œuvre d’élégance et de proportions, grâce à la légèreté des arcs-boutants qu’elle supporte : la vision du chevet de Notre-Dame évoque un navire avec ses cordages, ses mats et ses voiles, ce qui explique la comparaison souvent faite avec un « vaisseau de pierre ».
Le jardin qui entoure le chevet, anciennement dit « de l’Archevêché », occupe l’emplacement de l’ancien palais archiépiscopal, saccagé en 1831. On peut y voir une petite porte rouge entourée de sculptures délicates (c’était celle qui reliait le cloître et le chœur de la cathédrale) et, au centre du jardin, la fontaine Notre-Dame : conçue dans le style gothique des xiiie et xive siècles, elle date toutefois des travaux de restauration exécutés au xixe siècle.

3.2. L’intérieur

    La cathédrale comporte des doubles bas-côtés, des tribunes, des voûtes sexpartites et des fenêtres hautes qui furent agrandies au cours du xiiie siècle. L’intérieur se compose, d’une part, d’une nef très large, accompagnée de collatéraux et de trente-sept chapelles latérales, d’autre part du chœur, séparé par une large galerie des chapelles de l’abside. Le chœur est en grande partie fermé par une clôture, dont la face extérieure offre toute une série de bas-reliefs polychrome en pierre, réalisés par Jean Ravy et Jean le Bouteiller (1351). Cette clôture faisait suite au jubé, aujourd’hui disparu, et se continuait sur la partie tournante du chœur.
Il subsiste, en plus de ces parois latérales de la clôture du chœur, des stalles et des grilles datant du xviie siècle, les statues du vœu de Louis XIII dans l'abside et des tombeaux (monument du comte d'Harcourt par Jean-Baptiste Pigalle). On a replacé dans les chapelles une partie des « mays » de Notre-Dame : ces grandes peintures furent commandées chaque année entre 1630 et 1707 (à l'exception des années 1683 et 1684) par la corporation des orfèvres pour être offertes, dans les premiers jours de mai, à la cathédrale de Paris.

3.3 Trésor et cloches

Le trésor de la cathédrale renferme aujourd’hui une relique de première importance pour les chrétiens : il s’agit de la supposée Couronne d’épine achetée par Saint Louis à l’empereur Constantin et pour laquelle le roi de France ordonna la construction d’un monument reliquaire aussi travaillé qu’une châsse : la Sainte Chapelle.
La sonnerie de Notre-Dame de Paris est renouvelée en février-mars 2013, pour l’anniversaire des 850 ans de la cathédrale : huit nouvelles cloches sont installées dans la tour Nord, un nouveau bourdon (nommé Marie) dans la tour sud, aux côtés du bourdon Emmanuel, qui date du xviie siècle.

4. Le cadre d’un chef-d’œuvre

    Le roman de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, publié en 1831, est un hymne à la gloire de la cathédrale parisienne. En plus d’avoir inspiré l’œuvre, elle en est perçue comme le véritable centre. Les aventures mélodramatiques d’Esméralda, de Quasimodo et de Claude Frollo ont pour cadre le Paris du xve siècle. Victor Hugo offre avec ce grand roman historique une reconstitution vivante, au centre de laquelle trône la cathédrale et qui exalte les beautés de l’art gothique.

 

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