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Mémoire
Sous titre
Une affaire de plasticité synaptique
La mémoire permet d'enregistrer des informations venant d'expériences et d'événements divers, de les conserver et de les restituer. Différents réseaux neuronaux sont impliqués dans de multiples formes de mémorisation. La meilleure connaissance de ces processus améliore la compréhension de certains troubles mnésiques et ouvre la voie à des interventions auprès des patients et de leur famille.
Dossier réalisé en collaboration avec Francis Eustache, directeur de l'unité 1077 Inserm/EPHE/UNICAEN, Neuropsychologie et imagerie de la mémoire humaine
Comprendre le fonctionnement de la mémoire
La mémoire est la fonction qui nous permet d’intégrer, conserver et restituer des informations pour interagir avec notre environnement. Elle rassemble les savoir-faire, les connaissances, les souvenirs. Elle est indispensable à la réflexion et à la projection de chacun dans le futur. Elle fournit la base de notre identité.
Cinq systèmes interconnectés
La mémoire se compose de cinq systèmes interconnectés, impliquant des réseaux neuronaux distincts :
* La mémoire de travail (à court terme) est au cœur du réseau.
* La mémoire sémantique et la mémoire épisodique sont deux systèmes de représentation consciente à long terme.
* La mémoire procédurale permet des automatismes inconscients.
* La mémoire perceptive est liée aux différentes modalités sensorielles.
On rassemble parfois toutes les mémoires autres que celle de travail sous le nom générique de mémoire à long terme. Par ailleurs, on distingue souvent les mémoires explicites (épisodique et sémantique) des mémoires implicites (procédurale et perceptive).
La mémoire de travail
La mémoire de travail (ou mémoire à court terme) est la mémoire du présent. Elle permet de manipuler et de retenir des informations pendant la réalisation d’une tâche ou d’une acticité.
Cette mémoire est sollicitée en permanence : c’est elle qui permet par exemple de retenir un numéro de téléphone le temps de le noter, ou de retenir le début d’une phrase le temps de la terminer. Elle utilise une boucle phonologique (répétition mentale), qui retient les informations entendues, et/ou un calepin visuospatial, qui conserve les images mentales.
Elle fonctionne comme une mémoire tampon : les informations qu’elles véhiculent peuvent être rapidement effacées, ou stockées dans la mémoire à long terme par le biais d’interactions spécifiques entre le système de mémoire de travail et la mémoire à long terme.
7, le nombre magique
On estime que le nombre de chiffres, de lettres, ou de mots qu’une personne peut restituer immédiatement dans l’ordre proposé est égal à 7, plus ou moins deux (on parle de l'empan verbal). Il peut être augmenté en regroupant les données (une série de 8 chiffre est plus facile à retenir lorsqu’ils sont groupés par 2 que lorsqu’ils sont pris isolément). Par ailleurs, une série de mots est d’autant plus facile à retenir qu’ils sont courts ou qu’ils sont proches phonologiquement ou sémantiquement.
La mémoire sémantique
La mémoire sémantique est celle du langage et des connaissances sur le monde et sur soi, sans référence aux conditions d'acquisition de ces informations. Elle se construit et se réorganise tout au long de notre vie, avec l’apprentissage et la mémorisation de concepts génériques (sens des mots, savoir sur les objets), et de concepts individuels (savoir sur les lieux, les personnes…).
La mémoire épisodique
La mémoire épisodique est celle des moments personnellement vécus (événements autobiographiques), celle qui nous permet de nous situer dans le temps et l’espace et, ainsi, de se projeter dans le futur. En effet, raconter un souvenir de ses dernières vacances ou se projeter dans les prochaines font appel aux mêmes circuits cérébraux.
La mémoire épisodique se constitue entre les âges de 3 et 5 ans. Elle est étroitement imbriquée avec la mémoire sémantique. Progressivement, les détails précis de ces souvenirs se perdent tandis que les traits communs à différents événements vécus favorisent leur amalgame et deviennent progressivement des connaissances tirées de leur contexte. Ainsi, la plupart des souvenirs épisodiques se transforment, à terme, en connaissances générales.
La mémoire procédurale
La mémoire procédurale est la mémoire des automatismes. Elle permet de conduire, de marcher, de faire du vélo ou jouer de la musique sans avoir à réapprendre à chaque fois. Cette mémoire est particulièrement sollicitée chez les artistes ou les sportifs pour acquérir des procédures parfaites et atteindre l’excellence. Ces processus sont effectués de façon implicite, c’est-à-dire inconsciente : la personne ne peut pas vraiment expliquer comment elle procède, pourquoi elle tient en équilibre sur ses skis ou descend sans tomber. Les mouvements se font sans contrôle conscient et les circuits neuronaux sont automatisés.
La constitution de la mémoire procédurale est progressive et parfois complexe, selon le type d’apprentissage auquel la personne est exposée. Elle se consolide progressivement, tout en oubliant les traces relatives au contexte d’apprentissage (lieu, enseignant…).
La mémoire perceptive
La mémoire perceptive s’appuie sur nos sens et fonctionne la plupart du temps à l’insu de l’individu. Elle permet de retenir des images ou des bruits sans s’en rendre compte. C’est elle qui permet à une personne de rentrer chez elle par habitude, grâce à des repères visuels. Cette mémoire permet de se souvenir des visages, des voix, des lieux.
Avec la mémoire procédurale, la mémoire perceptive offre à l’humain une capacité d’économie cognitive, qui lui permet de se livrer à des pensées ou des activités spécifiques tout en réalisant des activités devenues routinières.
Mémorisation : De l’organisation cérébrale….
Il n’existe pas "un" centre de la mémoire dans le cerveau. Les différents systèmes de mémoire mettent en jeu des réseaux neuronaux distincts, répartis dans différentes zones du cerveau. L’imagerie fonctionnelle (tomographie
tomographie
Technique d’imagerie cérébrale permettant de reconstituer le volume en coupes d’un objet, tel que le cerveau.
par émission de positons, imagerie par résonance magnétique fonctionnelle) permet aujourd’hui d’observer le fonctionnement cérébral normal impliqué dans les processus cognitifs.
Ainsi, le rôle de l’hippocampe et du lobe frontal semble particulièrement déterminant dans la mémoire épisodique, avec un rôle prépondérant des cortex préfrontaux gauche et droit dans son encodage et sa récupération, respectivement. La mémoire perceptive recrute des réseaux dans différentes régions corticales, à proximité des aires sensorielles. La mémoire sémantique fait intervenir des régions très étendues, et particulièrement les lobes temporaux et pariétaux. Enfin, la mémoire procédurale recrute des réseaux neuronaux sous-corticaux et au niveau du cervelet.
La phase de stockage de l’information nécessite des étapes répétées de consolidation. L’hippocampe semble constituer un élément important dans le processus. Enfin, la restitution d’un souvenir, quelle que soit son ancienneté, reposerait également sur cette structure cérébrale, en interaction avec différentes régions néocorticales. Pour autant, il serait moins sollicité lorsque le rappel provient de la mémoire sémantique plutôt que de la mémoire épisodique.
...à la plasticité synaptique
La mémorisation résulte d’une modification des connexions entre les neurones d’un système de mémoire : on parle de "plasticité synaptique". Les différentes formes de mémoire fonctionnent en interaction, selon que la situation requiert des informations issues de la mémoire sémantique ou épisodique, implicite ou explicite. Ainsi, un souvenir se traduit par l’intervention de neurones issus de différentes zones cérébrales et assemblés en réseaux. Ces connections interneuronales évoluent constamment au gré des expériences et sont responsables de la persistance d’un souvenir à long terme ou non, selon les cas (importance de l’évènement, contexte environnemental et émotionnel…).
Pris isolément, le souvenir correspond à une variation de l’activité électrique au niveau d’un circuit spécifique formé de plusieurs neurones interagissant par le biais des connexions synaptiques (les synapses
synapses
Zone de communication entre deux neurones.
étant les points de contacts entre les neurones). Sa formation repose sur le renforcement ou la création d’une connexion synaptique temporaire, stimulée par le biais de protéines produites puis transportées au sein des neurones, comme le glutamate
glutamate
Neurotransmetteur excitateur le plus répandu dans le système nerveux central.
, le NMDA ou la syntaxine qui va elle-même moduler la libération du glutamate.
Le souvenir est ensuite consolidé ou non en fonction la présence de médiateurs cellulaires au niveau du réseau neuronal impliqué dans les heures suivantes. L’activation régulière et répétée de ce réseau permettrait de renforcer ou de réduire ces connexions et, par conséquent, de consolider ou oublier ce souvenir. Sur le plan morphologique, cette plasticité est associée à des changements de forme et de taille des synapses, des transformations de synapses silencieuses en synapses actives, la croissance de nouvelles synapses.
Le maintien à long terme d’un souvenir repose sur la modification de la cinétique d’élimination ou de renouvellement de certains médiateurs. La phosphokinase zêta (PKM zêta) joue un rôle prépondérant dans ce mécanisme en favorisant la persistance des mécanismes impliqués dans la stabilisation et la consolidation des souvenirs. Elle possède pour cela deux propriétés spécifiques : elle n’est soumise à aucun mécanisme d’inhibition et elle s'auto-réplique.
Au cours du vieillissement, la plasticité des synapses diminue et les modifications des connexions sont plus éphémères, ce qui pourrait expliquer des difficultés croissantes à retenir des informations.
La réserve cognitive, soutien de la mémoire
Les capacités de maintien de la mémoire et d’adaptation en cas de lésions semblent variables d’un individu à l’autre. En effet, il a été décrit qu’à lésions cérébrales équivalentes en imagerie, tous ne présenteraient pas les mêmes altérations cognitives. Ces capacités dépendraient de la réserve cérébrale, relative au tissu cérébral, et de la réserve cognitive, qui repose sur sa fonctionnalité.
Selon différentes études, un volume cérébral accru, ou un nombre élevé de neurones ou de synapses est associé à une survenue plus tardive de démence. À lésions équivalentes, ceux qui présentent une réserve cérébrale plus importantes présenteraient des troubles moins sévères. Cette réserve cérébrale serait sous l’influence de paramètres génétiques et probablement environnementaux.
La réserve cognitive correspond à l’efficacité des réseaux neuronaux impliqués dans la réalisation d’une tâche et celle du cerveau à mobiliser ou mettre en place des réseaux compensatoires en cas de lésions pathologiques ou de perturbations physiologiques liées à l’âge. Elle se traduit également par une variabilité, d’un sujet à l’autre, de la tolérance des lésions cérébrales identiques. En effet, les données disponibles suggèrent que la richesse des interactions et le niveau d’éducation sont associés à une survenue plus tardive des troubles cognitifs ou des démences Alzheimer ou apparentées. À l’inverse, l’évolution du déclin cognitif chez ces derniers serait plus rapide une fois installé : elle s’expliquerait par le fait que les symptômes sont identifiés à un stade où les lésions sont plus nombreuses et importantes.
La constitution de la réserve cognitive pourrait dépendre:
* de l’importance des apprentissages
* du niveau d’éducation
* d’une stimulation intellectuelle tout au long de la vie
* de la qualité des relations sociales
* de l’alimentation
* du sommeil
* des paramètres génétiques seraient également probablement impliqués
Hygiène de vie et mémoire
Des expériences ont montré que dormir améliore la mémorisation, et ce d’autant plus que la durée du sommeil est longue. A l’inverse, des privations de sommeil (moins de 4 ou 5 heures par nuit) sont associées à des troubles de la mémoire et des difficultés d’apprentissage. Par ailleurs, le fait de stimuler électriquement le cerveau (stimulations de 0,75 Hz) pendant la phase de sommeil lent (caractérisée par l’enregistrement d’ondes corticales lentes à l’encéphalogramme) améliore les capacités de mémorisation d’une liste de mots. Plusieurs hypothèses pourraient expliquer ce phénomène : pendant le sommeil, l’hippocampe est au repos, évitant les interférences avec d’autres informations au moment de l’encodage du souvenir. Il se pourrait aussi que le sommeil exerce un tri, débarrassant les souvenirs de leur composante émotionnelle pour ne retenir que l’informationnelle, facilitant ainsi l’encodage. Pour en savoir plus, consulter le dossier Sommeil.
Le sommeil n'est pas le seul paramètre d’hygiène de vie qui influence notre capacité de mémorisation : l’alimentation (bénéfice du régime méditerranéen), l’activité physique et les activités sociales jouent également un rôle important.
Mémoire et émotions : de l’amélioration mnésique à la pathologie
Il est démontré que les émotions peuvent moduler la façon dont une information est enregistrée, l’émotion renforçant ponctuellement l’attention. Ainsi, une émotion positive peut se traduire par une amélioration ponctuelle des performances mnésiques. Il apparaît également que la consolidation, et donc la rétention d’une information est favorisée par l’émotion : le rappel d’un souvenir émotionnel après un long intervalle est souvent plus important que lorsque ce souvenir est neutre. L’imagerie fonctionnelle montre d’ailleurs que le rappel des souvenirs est proportionnel à leur intensité émotionnelle qui peut être observée par l’activation de l’amygdale, siège des émotions. Enfin, la récupération d’un souvenir est aussi améliorée par la présence d’une émotion positive. Chez les personnes présentant un trouble cognitif, les expériences montrent un effet protecteur des émotions positives sur les capacités résiduelles de mémoire. Ce mécanisme existe cependant uniquement dans les premiers stades de la maladie. Ensuite, l’incapacité de l’amygdale à remplir son rôle rend ce mécanisme compensatoire inefficace.
Il existe un pendant pathologique à ce processus : en effet, une émotion trop intense, notamment traumatique, entraîne une distorsion de l’encodage. L’état de stress post-traumatique (ESPT) des personnes victimes ou témoins d’un évènement dramatique en est l’illustration type. Le souvenir est mémorisé sur le long terme, avec à la fois une amnésie de certains aspects et une hypermnésie d’autres détails qui laissent la personne hantée durablement par cet événement. Il s’accompagne d’une décharge de glucocorticoïdes
glucocorticoïdes
Hormones stéroïdiennes ayant une action sur le métabolisme protéique et glucidique.
(hormone du stress), dans l’hippocampe au moment de l’événement. Cette distorsion profonde de l’encodage des événements, au contraire d’un souvenir normal, rend le souvenir persistant au cours du temps sans qu’il ne perdre de son intensité ou de sa spécificité. La victime a ainsi le sentiment de revivre continuellement la scène traumatisante, même des années après.
Dans d’autres situations ayant également trait à une émotion vive (stress, agression...), certains sujets développent plus volontiers une amnésie dissociative : véritable stratégie défensive adaptative, développée de façon inconsciente, elle repose sur l’oubli d’une partie des souvenirs autobiographiques ou sémantiques, ainsi que de l’évènement l’ayant déclenchée. Ces souvenirs peuvent être réactivés, progressivement ou brutalement, à l’issue d’une conscientisation de l’évènement déclencheur.
Sur le plan thérapeutique, la compréhension des mécanismes de stabilité des souvenirs et de l’influence émotionnelle offrent les moyens d’envisager la prise en charge thérapeutique de certaines pathologies : ainsi, le développement d’approches psychothérapeutiques fondées sur la dissociation entre les souvenirs et les émotions peut permettre de réduire le handicap lié à des maladies comme certaines formes d’anxiété ou l’état de stress post-traumatique.
Mémoire et oubli : du physiologique au pathologique
Depuis une vingtaine d’années, la prévalence
prévalence
Nombre de cas enregistrés à un temps T.
croissante des troubles de la mémoire tel que la maladie d’Alzheimer, a fait de l’oubli un symptôme. Pourtant, l’oubli est aussi un processus physiologique, indispensable au bon fonctionnement de la mémoire.
En effet, l’oubli est nécessaire pour l’équilibre du cerveau, permettant à ce dernier de sélectionner les informations secondaires qu’il est possible d’éliminer afin de ne pas saturer les circuits neuronaux. L’oubli est un corollaire de la qualité de la hiérarchisation et de l’organisation des informations stockées. Ainsi, certaines personnes souffrent d’hypermnésie idiopathique
idiopathique
Qui existe par soi-même, indépendamment d’une autre maladie.
, une pathologie de l’abstraction et de la généralisation du souvenir dans laquelle l’oubli des détails est aboli. Ces personnes rencontrent des difficultés de vie quotidienne liées à l’incapacité d’organiser leurs souvenirs en fonction de leur significativité et de leur importance.
Cependant, l’oubli peut aussi correspondre à la disparition involontaire de souvenirs acquis par apprentissage volontaire ou implicite, alors que son codage a été réalisé correctement. Ce phénomène reste physiologique tant qu’il est sporadique. Il concerne plus souvent la mémoire épisodique que la mémoire sémantique, procédurale ou sensorielle. Il devient pathologique, et prend plus volontiers le nom d’amnésie, lorsqu’il concerne des pans entiers de mémoire sémantique ou épisodique.
Les multiples troubles de la mémoire
Certaines situations entraînent des incapacités sévères et des amnésies durables. Les causes possibles sont :
* un traumatisme physique entraînant des lésions cérébrales
* un accident vasculaire cérébral hémorragique ou ischémique
* une tumeur du cerveau
* ou encore une dégénérescence neuronale comme la maladie d’Alzheimer
Dans d’autres cas, les troubles sont moins sévères et le plus souvent réversibles. Les causes possibles sont :
* des maladies mentales comme la dépression
* le stress et l’anxiété, ou la fatigue
* un événement traumatisant (deuil)
* des effets indésirables de médicaments comme des somnifères, des anxiolytiques (d’autant plus fréquent que la personne est âgée)
* l’usage de drogues
Les troubles de la mémoire ont différentes origines biologiques, comme un déficit en certains neuromédiateurs ou une faible connectivité entre les réseaux cérébraux.
Les manifestations de ces troubles sont extrêmement variables selon leur origine et les localisations cérébrales des processus pathologiques. Ainsi, des patients atteints d’une démence sémantique, dans laquelle des mots ou des informations sont oubliés, perdent également des souvenirs anciens alors qu’ils continuent à mémoriser de nouveaux souvenirs épisodiques (souvenirs "au jour le jour"). Ces troubles sont associés à une atrophie des lobes temporaux. Chez d’autres patients, notamment ceux souffrant de la maladie d’Alzheimer, les troubles concernent la mémoire épisodique : chez eux, les souvenirs les plus anciens sont épargnés plus longtemps que les plus récents. D’autres types de déficiences existent : celles affectant les neurones impliqués dans la mémoire procédurale peuvent engendrer la perte de certains automatismes, comme chez les personnes atteintes par la maladie de Parkinson ou de Huntington. Celles affectant les neurones impliqués dans la mémoire du travail, peuvent quant à elles donner des difficultés à se concentrer et à faire deux taches en même temps.
Il existe également des troubles de la mémoire sévères mais transitoires, comme l’ictus amnésique idiopathique : survenant le plus souvent entre 50 et 70 ans, il s’agit d’une amnésie soudaine et massive pendant laquelle le patient est incapable de se souvenir de ce qu’il vient de faire, sa mémoire épisodique est annihilée. Mais sa mémoire sémantique est intacte : il peut répondre à des questions de vocabulaire et évoquer des connaissances générales. Cette amnésie disparaît souvent après six à huit heures.
Les enjeux de la recherche
La mémoire et ses troubles donnent lieu à de nombreuses recherches qui font appel à des expertises variées dans un cadre pluridisciplinaire : génétique, neurobiologie, neuropsychologie, électrophysiologie, imagerie fonctionnelle, épidémiologie, différentes disciplines médicales (neurologie, psychiatrie…), mais aussi sciences humaines et sociales.
Ma mémoire et celle des autres
La mémoire a longtemps été considérée comme individuelle et étudiée comme telle. Cette approche est aujourd’hui caduque, ou du moins incomplète. Le souvenir se situe en effet à l’interface entre l’identité personnelle et les représentations collectives : il se constitue à partir des interactions entre la personne, les autres et l’environnement. Il ne peut être détaché du contexte social dans lequel il prend place. Les interactions, mais aussi les représentations sociales et les stéréotypes influencent le fonctionnement de notre mémoire.
On parle de cognition sociale : elle permet, par exemple, d’adapter son comportement selon le contexte dans lequel on se trouve, et cela grâce à la mémorisation et l’analyse des expériences passées. L’empathie découle également de cette notion interindividuelle de la mémoire : elle utilise notamment les informations de la mémoire épisodique afin de permettre un "voyage de l’esprit" se traduisant en capacité à partager la détresse de l’autre. Aussi appelée "théorie de l’esprit", cette capacité à se mettre à la place de quelqu’un et à imaginer et interpréter ses pensées fait appel à nos mémoires dont nous décentrons l’objet. Sur le plan médical, la dégénérescence des neurones au niveau frontotemporal, retrouvée dans certaines démences (Alzheimer et apparentées), se caractérise par une diminution de la cognition sociale : le malade peut présenter des troubles du comportement ou des dysfonctionnements sociaux.
Par ailleurs, sur un plan plus large, il existe aussi une mémoire collective ou culturelle, celle qui prend place autour des évènements historiques (autour de leur évocation ou de leur commémoration) et des évènements contemporains médiatisés. Il s’agit d’une mémoire partagée constituée des différentes représentations de l’évènement par l’ensemble des personnes.
Ce domaine de recherche est particulièrement novateur et rapproche les expertises en neurosciences et en psychologie de celles en sociologie, en histoire, en philosophie ou en éthique. En termes thérapeutiques, cette transdisciplinarité peut également apporter un intérêt : l’état de stress post-traumatique correspond par exemple à une hypermnésie des perceptions et émotions liées à l’évènement, à une amnésie des aspects contextuels, ainsi qu’à une perturbation de la mémoire autobiographique. À la suite d’un évènement traumatisant, une prise en charge appropriée de la charge émotionnelle associée pourrait être d’autant plus efficace que l’évènement en question est inscrit dans le cadre social, à la fois familial et professionnel. Il en serait d’autant plus question dans le cadre d’un évènement inscrit dans la mémoire collective.
Sonder la mémoire individuelle et collective des attentats
Le programme 13-Novembre, mené par des chercheurs de l’Inserm et du CNRS, associe différents volets de recherche transdisciplinaire autour du témoignages recueillis sur les attentats du 13 novembre 2015. Il cherche à évaluer comment le souvenir traumatique des attentats évolue dans les mémoires individuelles et collectives, comment les deux fonctionnent en interaction et quels sont les facteurs de vulnérabilité face à l’ESPT. À quatre reprises durant dix ans, les témoignages et les éventuels troubles (ESPT, images envahissantes, dépression…) de 1 000 personnes volontaires seront analysés selon leur proximité avec les attentats : cette cohorte rassemble des personnes exposées directement (survivants, témoins, familles), indirectement (habitants des quartiers des attentats) ainsi que des habitants franciliens ou non franciliens. Ces données seront recueillies parallèlement à une analyse de l’opinion des français sur le sujet, ainsi qu’une analyse du discours et de la textométrie des informations télévisuelles ou radiophoniques liés à ces évènements, afin d’en identifier les interactions.
La mémoire au futur
Selon le contexte, nos propres aspirations, nos projets, nous avons une capacité à élaborer des scénarios plausibles pour le futur, constitués de pensées, d’images et d’actions. Ceux-ci ne peuvent prendre forme que sur la base des représentations du passé. La mémoire du futur fait donc appel à notre mémoire épisodique et sémantique, contrairement aux idées reçues ou aux conceptions habituelles de la mémoire, traditionnellement associées au passé. Ainsi, l’imagerie permet de vérifier que l’évocation d’un souvenir autobiographique ou l’imagination d’un scénario futur font intervenir des régions cérébrales très proches les unes des autres. Par ailleurs, les études montrent que les amnésiques ne peuvent se projeter dans le futur.
La capacité à remplir une tâche à une date ou un jour précis entre aussi dans le cadre de la mémoire du futur : on l’appelle alors plus volontiers mémoire prospective, articulée autour de différents volets selon la nature des tâches à effectuer : "mémoire prospective propre" pour les actions ponctuelles (poster une lettre, aller à un rendez-vous…), "mémoire prospective habituelle" pour toutes les tâches routinières, "monitoring" pour l’attention portée à la fin d’une tâche tandis qu’une autre est en cours (penser à arrêter le four à la fin d’une cuisson, par exemple).
Cette notion de mémoire du futur peut avoir des applications thérapeutiques. Ainsi, des "thérapies orientées vers le futur" ont été développées et testées auprès de patients souffrant de dépression majeure ou de schizophrénie : menées à travers plusieurs séances réparties sur quelques semaines, elles consistent à sensibiliser les sujets sur l’importance des projections mentales dans le futur, la façon dont celles-ci peuvent être améliorées en luttant contre des mécanismes personnels de résistance, puis, progressivement à leur proposer des activités de pleine conscience et, enfin, à travailler sur l’évocation de leurs propres valeurs, leurs objectifs, et les moyens d’y arriver. Les premières études montrent que cette approche peut être plus efficace que les thérapies cognitivo-comportementales
thérapies cognitivo-comportementales
Traitement des difficultés du patient dans « l’ici et maintenant » par des exercices pratiques centrés sur les symptômes observables au travers du comportement.
conventionnelles.
Mémoires externes
Il semble clair aujourd’hui que notre mémoire interne et nos capacités de projection sont influencées par la mémoire externe : les supports de mémoire collective (livres, films…) sont un élément utile pour modeler notre mémoire du futur. La multiplication des dispositifs électroniques de stockage d’information dans notre quotidien est cependant décrite comme modifiant l’organisation et la puissance de notre mémoire, que nous sollicitons par conséquent moins. Cet équilibre entre mémoire interne et externe constitue un enjeu majeur pour l’avenir.
Sur le plan thérapeutique, les supports externes de stockage sont aujourd’hui testés sous forme d’implants cérébraux dans la prise en charge de patients amnésiques. De façon plus futuriste, l’idée de greffe de mémoire artificielle fait également l’objet de développements actuels.
Modifier la mémoire grâce à l'optogénétique
Outre l’imagerie fonctionnelle, qui fait aujourd’hui partie des modes d’exploration incontournables de l’organisation mnésique, d’autres approches sont plus récentes et en pleine évolution. C’est notamment le cas de l’optogénétique, qui est une technique alliant génétique et optique : elle consiste à modifier génétiquement des cellules afin de les rendre sensibles à la lumière et, grâce à cette dernière, d’en moduler le fonctionnement. Ainsi, l’optogénétique permet d’activer ou d’inhiber expérimentalement des groupes spécifiques de neurones dans le tissu cérébral et d’en évaluer l’impact.
Elle permet aussi de développer des méthodes de manipulation de la mémoire (implantations de faux souvenirs, oubli expérimental…). Ces travaux permettent d’envisager des approches thérapeutiques intéressantes dans la prise en charge de certains troubles psychiatriques.
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Paludisme |
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Paludisme
Sous titre
Une maladie parasitaire essentiellement transmise par le moustique
Le paludisme est une maladie parasitaire transmise par un moustique, se manifestant par de la fièvre et des troubles digestifs mais pouvant entraîner des complications importantes, voire le décès du malade. Au niveau mondial, la mortalité associée à cette maladie ne se compare qu’à celle associée à la tuberculose ou au sida. L’enjeu immédiat est d’élargir l’accès des populations vivant dans les zones endémiques à des traitements efficaces et aux moyens de prévention existants. La recherche travaille à la mise au point de nouveaux traitements préventifs, curatifs et/ou de vaccins, qui permettront peut-être un jour d’éradiquer la maladie.
Dossier réalisé en collaboration avec Dominique Mazier (unité de recherche 1135 Inserm/UPMC, Centre d'immunologie et des maladies infectieuses, Paris)
Comprendre le paludisme
Il existe cinq espèces de Plasmodium différentes infectant l’homme : Plasmodium falciparum, Plasmodium vivax, Plasmodium ovale, Plasmodium malariae et Plasmodium knowlesi. Elles se différencient par la zone géographique où elles sévissent et par le profil de symptômes auxquelles ils exposent.
* P. falciparum est le parasite qui provoque le plus de cas graves et la majorité des décès liés au paludisme. On le trouve dans les zones tropicales et subtropicales du monde entier.
* P. vivax sévit surtout en Asie et en Amérique latine, ainsi que dans certaines régions d’Afrique. Il est nettement moins virulent que P. falciparum, mais le nombre de décès liés à P. vivax semble augmenter ces dernières années.
* P. ovale sévit surtout en Afrique de l’Ouest. Les symptômes qu’il provoque sont généralement modérés.
P. vivax et P. ovale, contrairement à P. falciparum, peuvent persister dans le foie sous forme dormante. La maladie peut dont ré-émerger régulièrement au cours de la vie d’un individu infecté, provoquant chaque fois l’apparition des symptômes typiques du paludisme.
* P. malariae, moins fréquemment rencontré, est répandu dans le monde entier.
* P. knowlesi touchait initialement le singe, mais il est reconnu responsable de nombreux cas humains recensés en Asie du Sud Est depuis quelques années.
Les pays du Sud, premières victimes
Le paludisme sévit depuis des milliers d’années dans les zones marécageuses de l’ensemble du globe. A partir du 20e siècle, les pays occidentaux ont asséché ces territoires humides, ce qui a permis de diminuer fortement les populations de moustiques vecteur du parasite dans ces pays au climat peu favorable à la transmission.
Dans les pays du Sud, en revanche, la lutte contre le paludisme est une gageure. Pour autant, l’action des organisations internationales, le financement des moyens de lutte par le Fonds mondial et l’implication d’ONG et d’acteurs locaux ont permis un certain nombre de succès ces dernières années : même si les chiffres liés à la maladie restent impressionnants, ils sont en régression régulière. Ainsi, entre 2000 et 2013, le nombre d’infections au niveau mondial est passé de 227 à 198 millions et le nombre de décès en découlant de 882 000 à 584 000. Près de 80 % des cas et 90 % de la mortalité concernent l’Afrique. Les autres cas se concentrent dans les régions d’Asie du Sud-Est et d’Asie Centrale (Inde), et plus faiblement en Amérique du Sud amazonienne.
Des symptômes pseudo-grippaux au risque vital
Les premiers symptômes du paludisme se manifestent 9 à 30 jours après l’infection, selon l’espèce de Plasmodium impliquée. Pour P. falciparum (le plus fréquent), cette période d’incubation dure 9 à 14 jours. Lorsque la maladie est dite "simple", le patient souffre essentiellement de fièvre, de frissons, de céphalées et de douleurs musculaires, à l’image d’un syndrome grippal. Souvent, des troubles digestifs (anorexie, nausées, vomissements, diarrhée) et une asthénie (fatigue) apparaissent simultanément.
Le paludisme due à P. falciparum (et dans une moindre mesure à P. vivax) peut être compliqué par l’atteinte d’un organe vital : on parle alors de paludisme grave. Il apparaît d’emblée ou par absence/retard de traitement. Le patient peut alors souffrir de prostration, de détresse respiratoire, de perte de conscience, d’insuffisance rénale… Il peut aussi présenter des complications neurologiques (troubles du comportement, convulsions, coma), qui peuvent entraîner la mort ou laisser des séquelles durables, notamment chez les enfants.
Une personne vivant dans une zone d’endémie stable peut souffrir de plusieurs crises de paludisme à la suite de piqûres répétées. Cependant, la maladie étant partiellement immunisante, les symptômes sont de moins en moins sévères après 3 à 4 ans d’accès. Le risque de paludisme grave concerne donc d’abord les enfants (qui n’ont pas encore été infectés) et les voyageurs qui se rendent pour la première fois dans ces régions. Par ailleurs, les personnes originaires d’une zone endémique qui quittent leur pays durant plusieurs années perdent leur immunisation naturelle et peuvent à nouveau souffrir d’une crise grave de paludisme.
Les femmes enceintes peuvent souffrir de complications spécifiques (anémie aggravée). Elles ont en outre un risque important d’avortement spontané ou de mettre au monde un enfant de faible poids.
Etablir le diagnostic
Pour les voyageurs revenant d’une zone d’endémie, le diagnostic est orienté face à la présence des symptômes typiques du paludisme, puis confirmé par l’observation d’un échantillon de sang au microscope.
Dans les zones d’endémie, des tests d’orientation diagnostique rapide sont disponibles et proposés dès que l’on suspecte un cas de paludisme : une goutte de sang prélevée au bout du doigt est déposée sur une bandelette réactive qui change de couleur en cas d’infection par un Plasmodium.
Un parasite aux multiples visages
Dans l'insecterie, on élève et surveille les moustiques anophèles, dans le cadre des études sur le paludisme. Institut de Biologie Moléculaire et Cellulaire, laboratoire UPR 9022 : lutte contre le paludisme et développement du plasmodium chez l'anophèle. © Inserm, P. Latron
Le cycle de vie du Plasmodium est extrêmement complexe et sa forme extrêmement variée selon son stade de développement. C’est la raison pour laquelle il reste encore difficile de développer un vaccin approprié.
Schématiquement, après son introduction dans l’organisme via une piqûre de moustique porteur, le Plasmodium migre en quelques minutes dans les cellules du foie, en empruntant la circulation sanguine. Là, il se multiplie intensément pendant plusieurs jours sans provoquer de symptômes. C’est la phase dite "pré-érythrocytaire". Dans certains cas (P. vivax ou P. ovale), le parasite peut persister dans le foie sous une forme latente, et provoquer des récidives de paludisme des mois ou des années après le premier accès palustre.
Arrive ensuite la phase érythrocytaire, au cours de laquelle apparaissent les symptômes : les milliers de parasites formés sortent des cellules du foie puis pénètrent les globules rouges. Les Plasmodium s’y multiplient à nouveau et détruisent chaque fois les cellules dans lesquelles ils se trouvent avant d’en infecter de nouvelles.
Une partie du cycle de reproduction du parasite se déroule chez le moustique : lorsqu’un anophèle pique une personne malade, il ingère des formes mâles et femelles du Plasmodium présentes dans le sang. Les parasites se reproduisent dans le tube digestif de l’insecte, et passent ensuite dans ses glandes salivaires, via lesquelles ils pourront infecter d’autres personnes à l’occasion d’une prochaine piqûre.
La prévention, outil indispensable de maîtrise de la transmission du paludisme
La prévention est très importante pour lutter contre le paludisme. Elle consiste en premier lieu en des mesures environnementales : assainissement des zones humides, lutte anti-moustique par épandage d’insecticides, protection des habitations par des moustiquaires, notamment les lits dans la chambre à coucher avec des moustiquaires imprégnées d’insecticide (le moustique piquant surtout durant la nuit). A titre individuel, l’utilisation de produits répulsifs anti-moustiques et de vêtements couvrants est nécessaire pour limiter le risque de piqûre.
La prophylaxie médicamenteuse est le second volet important de la prévention. Elle consiste à prendre des médicaments antipaludiques, dont la quinine et la chloroquine sont les plus anciennement connus. Si leur large utilisation pendant de nombreuses années a favorisé l’émergence de résistances, il existe aujourd’hui de nouveaux traitements pour pallier ce problème : artémisinine, artéméther, artésunate, méfloquine, halofantrine, luméfantrine, pipéraquine… Comme pour les antibiotiques, le bon usage de ces molécules doit être favorisé : on doit systématiquement associer une artémisinine à un autre traitement pour éviter l’apparition de nouvelles résistances.
Dans les pays endémiques, la prévention médicamenteuse large à faible dose hebdomadaire a été préconisée il y a quelques années pour les femmes enceintes et les enfants en bas âge. Elle n’est plus recommandée car elle a favorisé l’apparition de résistances. Seuls des traitements préventifs intermittents à dose curative sont encore prescrits aux femmes enceintes des zones épidémiques et aux enfants de moins de 5 ans dans les zones de paludisme saisonnier.
L’ensemble de ces précautions ne suffit pas toujours à prévenir le paludisme. En cas de symptômes, le traitement consiste à utiliser ces mêmes molécules durant plusieurs jours, la durée totale dépendant du médicament utilisé. L’enjeu est principalement de les prescrire suffisamment tôt pour éviter toute évolution vers une forme grave de la maladie. Cet enjeu est particulièrement important chez les enfants qui paient le plus lourd tribu à la maladie en termes de nombre de décès. De gros efforts ont été réalisés dans le monde entier, et plus particulièrement en Afrique, pour progresser en ce sens : la mortalité des moins de cinq ans a ainsi diminué de près de 53% depuis 2000.
Les enjeux de la recherche
Les progrès réalisés à travers le monde dans la lutte contre le paludisme sont significatifs. Le maintien de ces efforts, conduisant à l’élargissement de la mise à disposition des moyens préventifs, devrait encore réduire significativement les chiffres liés à la maladie.
Par ailleurs, du côté de la recherche, de nouveaux médicaments antiparasitaires sont en développement pour contrer les résistances qui pourraient apparaître. Les chercheurs étudient en outre l’intérêt d’autres molécules qui, en association au traitement antipaludique proprement dit, pourraient aussi réduire la transmission du parasite à d’autres personnes par le biais des piqûres de moustique.
Une autre approche consiste à s’attaquer au moustique vecteur du parasite : des chercheurs ont ainsi réalisé une modification génétique de l’anophèle qui la rend résistante au Plasmodium en bloquant son cycle de réplication. Il reste à évaluer comment un tel moustique OGM pourrait se comporter dans l’environnement naturel.
La lutte contre P. vivax ou P. ovale demande en outre la mise au point de traitements ciblant les formes dormantes du parasite présentes dans le foie des personnes infectées. Le concept Wake and Kill dans ce but : il associe une molécule capable de réveiller la forme dormante et un traitement habituel du parasite qui permet de l’éliminer dans le même temps.
Le paludisme est provoqué par quatre parasites du genre Plasmodium. Il se développe d'abord chez le moustique (anophèle), qui infecte ensuite l'être humain par piqûre. Un gène appelé TEP1 est à l'origine de la résistance au paludisme chez certains moustiques. © Inserm, Marina Lamacchia
Malgré tout cela, seule la mise à disposition d’un vaccin protecteur à plus de 80% permettra d’envisager la complète éradication du paludisme. En pratique, un tel développement est rendu difficile par la complexité du cycle de vie du parasite et les multiples visages qu’il adopte au cours de celui-ci. Par ailleurs, les essais conduits jusqu’à présent montrent l’extrême adaptabilité du parasite et sa capacité à développer des mécanismes d’échappement aux défenses immunitaires induites par les vaccins expérimentaux. Enfin, l’existence de formes dormantes pour certaines espèces de Plasmodium complique encore la mise au point d’un vaccin : difficile de dire s’il sera possible de l’atteindre au cœur des cellules du foie. Malgré toutes ces difficultés, les recherches ne faiblissent pas. Une centaine de pistes sont aujourd’hui suivies, qui diffèrent selon la phase du cycle parasitaire ciblée : certaines cherchent à empêcher le parasite de pénétrer dans les cellules du foie, d’autres dans les globules rouges, d’autres encore cherchent à limiter la transmission du parasite au moustique. Bien qu’incomplètement efficace, un premier vaccin - le RTS,S - devrait prochainement être disponible : il réduit pour l’heure le risque de paludisme de 30%.
Les chiffres cités dans ce dossier sont issus du Rapport 2014 sur le paludisme dans le monde (OMS)
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Identification de marqueurs précoces de maladies neurodégénératives chez des personnes à risque |
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Identification de marqueurs précoces de maladies neurodégénératives chez des personnes à risque
COMMUNIQUÉ | 12 DÉC. 2017 - 15H32 | PAR INSERM (SALLE DE PRESSE)
NEUROSCIENCES, SCIENCES COGNITIVES, NEUROLOGIE, PSYCHIATRIE
Une étude promue par l’AP-HP a montré pour la première fois que des individus asymptomatiques risquant de développer une dégénérescence fronto-temporale (DFT) ou une sclérose latérale amyotrophique (SLA), car porteurs de la mutation c9orf72, présentent des altérations cognitives, anatomiques et structurelles très précoces, avant l’âge de 40 ans.
L’identification de ces marqueurs avant l’apparition des symptômes de la maladie est une découverte majeure car de tels marqueurs sont essentiels pour la mise au point d’essais thérapeutiques et le suivi de leur efficacité.
Cette étude menée à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière – Inserm / CNRS / UPMC – à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP, par le Dr Isabelle Le Ber, Anne Bertrand et Olivier Colliot (chercheur CNRS), a bénéficié d’un financement dans le cadre du programme de recherche translationnelle en santé (PRT-S).
Ses résultats ont été publiés le 02 décembre 2017 dans JAMA Neurology.
Les dégénérescences fronto-temporales (DFT) et la sclérose latérale amyotrophique (SLA) sont des maladies neurodégénératives pouvant avoir une cause génétique commune, dont la plus fréquente est une mutation du gène c9orf72. Certains développements précliniques ciblant ce gène offrent des perspectives thérapeutiques encourageantes. Afin de pouvoir tester l’efficacité de ces thérapeutiques potentielles, l’identification de marqueurs pour détecter l’apparition des lésions au stade précoce et suivre l’évolution de la maladie est indispensable.
En effet, il est maintenant établi que les maladies neurodégénératives causent des modifications biologiques et morphologiques plusieurs années avant l’apparition des premiers symptômes de la maladie. Ces stades pré-symptomatiques représentent probablement la meilleure fenêtre d’intervention thérapeutique pour stopper le processus neurodégénératif avant qu’il ne cause des dommages irréversibles au niveau du cerveau. L’objectif de ce travail est donc d’identifier des marqueurs du début du processus lésionnel, de la conversion clinique, c’est-à-dire de l’apparition des premiers symptômes cliniques et de la progression de la maladie.
Cette étude multimodale a été réalisée à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP, sur une large cohorte de 80 personnes asymptomatiques porteuses de la mutation c9orf72, donc à risque de développer une DFT ou une SLA dans quelques années. Ces personnes ont été suivies pendant 36 mois (analyses neuropsychologiques, structurelles et micro-structurelles de la substance blanche du cerveau, du métabolisme cérébral, examens biologiques et cliniques) afin d’identifier des marqueurs cliniques, biologiques, de neuroimagerie, de métabolisme cérébral…
Les résultats de cette étude ont montré pour la première fois des altérations cognitives et structurelles très précoces chez des sujets de moins de 40 ans, qui sont détectables en moyenne 25 ans avant le début des symptômes. Des troubles praxiques (difficultés dans la réalisation de certains gestes) apparaissent de façon précoce. Ce ne sont pas des symptômes classiques des DFT, et l’une des hypothèses est qu’ils pourraient être dus à une modification précoce du développement de certaines régions cérébrales, peut-être liée à la mutation. De façon intéressante, des altérations de la substance blanche du cerveau, détectées précocement par l’IRM, prédominent dans les régions frontales et temporales, les régions cibles de la maladie, et pourraient donc constituer l’un des meilleurs biomarqueurs de la maladie. Dans son ensemble, cette étude apporte une meilleure compréhension du spectre de la maladie causée par des altérations de c9orf72.
La mise en évidence de biomarqueurs à des stades très précoces est un premier pas vers le développement d’outils nécessaires à l’évaluation de nouveaux traitements. En effet, afin de prévenir l’apparition de la maladie il est nécessaire d’administrer des médicaments aux stades présymptomatiques et donc de développer des outils qui permettent de savoir quand commencer le traitement et de mesurer son efficacité.
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Environnement de travail de faible luminosité : remettre à l’heure son horloge biologique, c’est possible ! |
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Environnement de travail de faible luminosité : remettre à l’heure son horloge biologique, c’est possible !
COMMUNIQUÉ | 30 JUIL. 2014 - 10H05 | PAR INSERM (SALLE DE PRESSE)
PHYSIOPATHOLOGIE, MÉTABOLISME, NUTRITION
Des chercheurs de l’Inserm dirigés par Claude Gronfier (Unité Inserm 846 “Institut cellule souche et cerveau”) ont mené pour la première fois une étude, dans des conditions réelles, sur l’horloge biologique des membres de la station scientifique polaire internationale Concordia. Les chercheurs ont montré qu’une lumière artificielle particulière est capable d’assurer la bonne synchronisation de leurs rythmes biologiques malgré l’absence de lumière solaire. Un résultat qui prend tout son sens quand on sait que le dérèglement de cette horloge biologique entraîne des troubles du sommeil, de la vigilance, des problèmes cardiovasculaires et même la dépression.
Ces résultats publiés dans Plos-One, pourraient être transformés rapidement en applications pratiques dans des environnements de travail de luminosité faible à modérée (stations scientifiques polaires, centrales thermiques et nucléaires, centres spatiaux, bureaux aveugles, etc.). Ils pourraient favoriser l’élaboration de stratégies lumineuses destinées à maintenir la santé, la productivité, et la sécurité des personnels.
On appelle “horloge biologique” (ou “rythme circadien”), le système qui permet à notre organisme de réguler un certain nombre de fonctions vitales sur une période d’environ 24 heures. Située au cœur du cerveau, elle est composée de 20 000 neurones dont l’activité pulsatile contrôle le cycle éveil/sommeil, température corporelle, le rythme cardiaque, la délivrance d’hormones etc. Le cycle imposé par l’horloge interne dure spontanément entre 23h30 et 24h30, selon les individus. Pour fonctionner correctement, elle se base donc sur des signaux qu’elle reçoit de l’extérieur et qu’elle interprète comme autant d’indicateurs pour se resynchroniser en permanence sur 24 heures.
C’est ainsi que l’ingestion de nourriture, l’exercice physique et la température extérieure par exemple sont qualifiés de ” donneurs de temps”. Mais le plus important des “donneurs de temps” est la lumière. Une exposition inappropriée à la lumière et toute votre horloge biologique se détraque avec des conséquences sur les fonctions cognitives, le sommeil, la vigilance, la mémoire, les fonctions cardiovasculaires etc.
Pour la première fois, des scientifiques ont pu étudier dans des conditions réelles l’influence de divers types de lumières artificielles sur la manière dont l’horloge biologique se comporte dans des situations où la lumière naturelle est insuffisante. Pendant 9 semaines d’hiver polaire (pas de lumière du soleil pendant la journée), les personnels de la station polaire internationale Concordia ont été exposés alternativement à une lumière blanche standard ou à une lumière blanche enrichie en longueurs d’ondes bleue (lumière fluorescente particulière, mais perçue comme étant blanche par le système visuel). En pratique les chercheurs ont demandé aux personnels de ne pas changer leurs habitudes quotidiennes notamment leurs heures de coucher et de lever.
Une fois par semaine, des prélèvements salivaires ont été effectués pour mesurer les taux de mélatonine (hormone centrale) secrétée par chacun des individus.
Dans le détail, une augmentation du temps de sommeil, une meilleure réactivité et une plus grande motivation ont été observées pendant les semaines “bleues”. Par ailleurs alors que le rythme circadien avait tendance à se décaler les semaines “blanches”, aucune perturbation de rythme n’a été observée pendant les semaines “bleues”. De plus, les effets ne disparaissent pas dans le temps.
D’une manière générale, l’étude montre qu’un spectre lumineux optimisé, enrichi en longueurs d’ondes courtes (bleu), peut permettre la bonne synchronisation du système circadien et l’activation de fonctions non-visuelles, dans des situations extrêmes où la lumière solaire n’est pas disponible pendant de longues durées.
L’efficacité d’un tel éclairage repose sur l’activation des cellules ganglionnaires à mélanopsine découvertes en 2002 dans la rétine. Ces cellules photoréceptrices sont effectivement essentielles à la transmission de l’information lumineuse vers de nombreux centres du cerveau dits « non-visuels ».
“Si les bienfaits de « la lumière bleue » sur l’horloge biologique ont déjà été montrés par le passé, toutes les études ont été réalisées dans des situations difficilement reproductibles dans des conditions réelles.” Explique Claude Gronfier principal auteur de ce travail.
Ces résultats pourraient déboucher sur des applications pratiques rapidement. Dans des environnements de travail dans lesquels l’intensité lumineuse est insuffisante (stations scientifiques polaires, centrales thermiques et nucléaires, centre spatiaux, bureaux aveugles, etc.), cela pourraient permettre le design de stratégies lumineuses destinées à maintenir la santé, la productivité, et la sécurité des personnels.
“Au-delà d’un contexte professionnel, nous envisageons plus largement cette stratégie comme une approche pratique du traitement des troubles des rythmes circadiens du sommeil et des fonctions non visuelles dans des conditions où l’éclairage n’est pas optimal.” (Claude Gronfier)
Ce qu’il faut retenir de ce travail :
* La lumière blanche enrichie en bleu est plus efficace qu’une lumière blanche standard qu’on trouve dans les bureaux ou les habitations pour synchroniser l’horloge biologique et activer les fonctions non-visuelles essentielles au bon fonctionnement de l’organisme. Il n’est donc pas nécessaire d’utiliser des lumières bleues, ou bien des LED (diodes électroluminescentes), pour obtenir des effets positifs.
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* L’efficacité de cette lumière ne nécessite pas des niveaux élevés d’illuminance comme c’est le cas dans les approches actuelles du traitement des troubles des rythmes circadiens du sommeil ou de la dépression saisonnière (on conseille 5000 à 10000 lux dans ces approches.)
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* L’efficacité de cette lumière ne nécessite pas des sessions d’exposition à la lumière (on conseille 30 min-2h dans les approches photiques citées précédemment). Dans cette étude, la lumière provient de l’éclairage des pièces à vivre.
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* Les effets de cette approche lumineuse ne disparaissent pas dans le temps. Cette étude montre que les effets sont les mêmes, de la 1ere à la 9 semaine d’observation.
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