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CARTOGRAPHIE

 


 

 

 

 

 

cartographie

Consulter aussi dans le dictionnaire : cartographie
Cet article fait partie du dossier consacré au monde.
Ensemble des opérations ayant pour objet l'élaboration, la rédaction et l'édition de cartes.

1. LES ENJEUX DE LA CARTOGRAPHIE

La cartographie réunit l'ensemble des études et des techniques qui permettent à l'homme de se représenter l'espace sur lequel il exerce une activité politique, économique ou scientifique. Des fibres de cocotier et des coquillages, grâce auxquels les Polynésiens schématisent leur univers, aux tracés automatiques réalisés par les ordinateurs à partir des photographies des satellites, la cartographie établit l'« acte de propriété », de plus en plus précis et détaillé, qui légitime l'emprise de l'humanité sur le monde.

2. L’HISTOIRE DE LA CARTOGRAPHIE
Les cartes les plus anciennes témoignent tout autant de l'imaginaire des civilisations qui cherchent à définir leur inscription dans un univers indéterminé que de leurs conceptions scientifiques : ainsi les cartes médiévales, qui plaçaient Jérusalem au centre du monde, et qui rejetaient à sa périphérie des terres peuplées de monstres humains et animaux, sont des produits de l'inconscient collectif plus que des observations de quelques découvreurs. Plus tard, les cartes ont fait rêver moins par la précision de leurs contours que par leurs taches blanches, qui signalaient les terres inconnues et ont provoqué des vocations de poètes, d'écrivains ou d'explorateurs.

2.1. LES PREMIÈRES CARTES
Il semble que la plus ancienne carte authentifiée soit une fresque, découverte dans les années 1960 lors des fouilles archéologiques à Çatal Höyük (dans le centre de la Turquie). Datée de 6200 avant J.-C., elle représente un plan de ville stylisé et le volcan Hassan Dag tout proche en éruption. Cette carte est plutôt une image sacrée et n'avait aucune prétention utilitaire.
Une tablette sumérienne en terre cuite sur laquelle figure le parcours de l'Euphrate à travers le nord de la Mésopotamie remonte pour sa part à 3800 avant J.-C. Les Assyriens et les Égyptiens utilisaient des tablettes de terre cuite ou de métal et des papyrus indiquant des itinéraires ou des limites de propriétés afin d'en estimer les surfaces en vue de l'imposition. Ces limites étaient, en Égypte, effacées chaque année par la crue du Nil, et ces premières cartes permettaient d'en fixer les contours à partir de mesures directes sur le sol.

2.2. LES CARTES DE LA GRÈCE ANTIQUE
La Grèce antique jette les bases de la cartographie scientifique. Les savants grecs se fondent d'abord sur les observations ponctuelles rapportées par les navigateurs, commerçants ou guerriers qui ont sillonné la Méditerranée dès le IIe millénaire ; ils cherchent à préciser les contours du Bassin méditerranéen et à connaître la forme de la Terre.

Aristote (384-322 avant J.-C.) démontre la sphéricité de la Terre, et Ératosthène, un siècle plus tard, calcule sa circonférence avec une remarquable précision. À partir de ces données, l'astronome Hipparque (190-125 avant J.-C.) propose un canevas de la surface terrestre découpé par un réseau de parallèles et de méridiens : c'est le premier essai de projection cartographique.

Les principales cartes réalisées par les Grecs sont l'œuvre de Strabon (vers 58 avant J.-C.-entre 21 et 25 après J.-C.) et de Ptolémée (vers 100-vers 170 après J.-C.), qui réalise un ensemble de cartes régionales, dont une carte générale de la Méditerranée, redécouverte et utilisée au xvie s., mais il reprend, pour la mesure de la circonférence terrestre, les mesures fautives de Posidonios de Rhodes (135-50 avant J.-C.).

Les ingénieurs grecs dirigent la réalisation des cartes romaines, dans le cadre d'un inventaire général de l'Empire. L'objectif étant essentiellement militaire et administratif (cadastre), l'intérêt est porté sur la représentation des frontières, des villes et des grands itinéraires terrestres.

2.3. LE MOYEN ÂGE : UNE CARTOGRAPHIE IMAGINAIRE
Le haut Moyen Âge européen, période de déclin du commerce maritime, est marqué par une quasi-disparition de la cartographie. La Terre n'est plus qu'un objet de représentations symboliques et imagées (textes et diagrammes astrologiques, astronomiques et cosmographiques), bien éloignées du souci scientifique des cartographes grecs : les mappae mundi montrent une Terre plate centrée sur Jérusalem et divisée en trois continents (Europa, Asia, Africa) de forme géométrique.

L'héritage de la cartographie antique est en partie conservé par l'Empire byzantin et utilisé par les Arabes ; au xiie s., al-Idrisi réalise un planisphère géant, ainsi qu'un atlas comprenant 70 cartes du monde connu, de l'Europe à l'Afrique et à la Chine. Les cartes chinoises, établies selon un système de projection fort avancé, restent totalement inconnues en Occident.

2.4. LA RENAISSANCE : LA CARTOGRAPHIE DES MARINS ET DES DÉCOUVREURS

Avec la reprise du commerce maritime, les grandes découvertes permettent de renouveler, à partir du xive s., les cartes destinées à la navigation, et imposent une nouvelle vision géographique du monde. Les portulans, cartes d'usage maritime caractérisées par une représentation des aires de vent, ébauche des routes maritimes, apparaissent. De nouveaux appareils de mesure de la latitude (astrolabes) emportés à bord des navires permettent d'aboutir à la représentation cartographique approchée et sans échelle stricte des côtes du Bassin méditerranéen et de l'Atlantique voisin. L'apogée de cette cartographie médiévale est la mappemonde du Vénitien Fra Mauro (1458), qui donne la vision complète du monde alors connu.
Les progrès décisifs de la cartographie européenne à la Renaissance sont également liés à la redécouverte des travaux antiques. La traduction des écrits de Ptolémée permet la construction de nouvelles mappemondes, accompagnées d'un réseau de coordonnées en latitude et en longitude ; reprenant les erreurs de Ptolémée sur la longitude, elles indiquent, comme celle de Martin Behaim de Nuremberg, un océan aisément franchissable entre l'Europe et la Chine. Cet optimisme géographique est à la source des grandes expéditions maritimes de Christophe Colomb, de Vasco de Gama et de Fernand de Magellan. La découverte de l'Amérique élargit considérablement la connaissance cartographique du globe ; la plus ancienne carte figurant le Nouveau Monde est dessinée, en 1500, par l'explorateur espagnol Juan de la Cosa.

La nécessité d'une nouvelle cartographie universelle impose la mise au point de systèmes de projection adéquats, dont celui, en 1569, du géographe et mathématicien flamand Gerhard Mercator, dans lequel parallèles et méridiens se recoupent à angles droits. En outre, l'essor de l'imprimerie permet une représentation plus fine et une plus large diffusion des cartes.

Au xvie s., l'Europe occidentale compte plusieurs centres de production cartographique, principalement en Italie, en Allemagne et aux Pays-Bas ; à Anvers, Ortelius conçoit, en 1570, un atlas mondial (Theatrum orbis terrarum) de 70 cartes et dessine une carte du monde où Ancien Monde et Nouveau Monde figurent dans deux cercles distincts parcourus de méridiens courbes.

2.5. DU XVIIe AU XIXe S. : LA CARTOGRAPHIE TOPOGRAPHIQUE

Élément privilégié du pouvoir, la cartographie a été, très anciennement, un cadastre qui permettait, notamment, de fiscaliser le territoire. Dans ce cadre, incités à connaître leurs ressources foncières, forestières et fiscales, les États modernes donnent une impulsion décisive à la cartographie régionale et locale ; en France notamment, le géographe Nicolas de Nicolay reçoit du roi Henri II la mission de dresser la carte des provinces du royaume. Parallèlement, les marchands de Londres et d'Amsterdam sont demandeurs de cartes marines, qui font l'objet d'une large diffusion.

La cartographie participe à la révolution intellectuelle cartésienne : attachée à la représentation la plus exacte possible du monde, elle pose désormais un regard technique et neutre sur la planète, qui est arpentée, quantifiée et représentée. En France, le Théâtre françois de Bourguereau de Tours (1594) est le modèle de l'atlas des provinces, dont les 18 cartes seront révisées et complétées par la suite. Dans le cadre de la politique de grands travaux menée par Colbert, l'Académie des sciences lance en 1666 un projet de cartographie systématique du royaume. Les relevés s'appuient sur la méthode de triangulation mise au point par le Hollandais Snell Van Royen, dit Snellius, en 1617, et expérimentée en France, en 1640, par l'abbé Picard ; dès 1678 paraissent les premières feuilles des environs de Paris.

Le premier levé topographique national est établi en France, sur commande de l'État, par la famille Cassini qui, de génération en génération, va poursuivre cette tâche. En 1720, la grande méridienne (nord-sud) de la France est réalisée ; elle va permettre de référencer les points géodésiques. De 1733 à 1744 sont menées de nouvelles opérations géodésiques. En 1747, Cassini III est chargé de lever la carte du royaume. L'établissement des 154 feuilles complètes et 26 feuilles partielles couvrant toute la France à l'échelle du 1/86 400 est achevé, en 1789, par Cassini IV. Malgré des défauts (absence de cotes d'altitude, expression médiocre du relief par des hachures), cette première carte nationale constitue un jalon essentiel dans l'évolution de la cartographie. Destinée à remplacer la carte de Cassini, la carte « de l'état-major » est réalisée de 1818 à 1880 ; le relief y est indiqué avec une précision beaucoup plus grande, par des cotes d'altitude et des courbes d'égale altitude, ou courbes de niveau. Les 273 feuilles au 1/80 000 de cette carte topographique ont constitué un modèle pour la cartographie européenne.
L'essor des cartes topographiques s'accompagne de la réalisation de cartes spécialisées à vocation utilitaire bien définie : cartes des places fortes et des champs de bataille rassemblées par Vauban, cartes des forêts, carte des chasses du roi, au 1/28 800, achevée en 1773 et d'une précision remarquable. Sur la base d'une loi napoléonienne (1807), toutes les communes de France seront l'objet d'un travail de cadastre quasi achevé en 1850 ; chaque cadastre communal indique les limites des propriétés et l'utilisation du sol, afin de mieux asseoir l'imposition.

2.6. LE XXe S. : LES RÉVOLUTIONS TECHNOLOGIQUES
Les conditions de production des cartes sont bouleversées à la fois par les innovations technologiques et par les objectifs de la cartographie ; les considérations scientifiques et géopolitiques donnent une nouvelle dimension au cadastre du monde.
2.6.1. LA PHOTOGRAPHIE AÉRIENNE
Les méthodes de levé des cartes topographiques sont profondément transformées dès l'entre-deux-guerres par l'introduction de la photographie aérienne. L'utilisation d'un support vertical (avion) et d'un capteur (appareil de prises de vue) permet d'obtenir des couvertures photographiques complètes et sans déformations de certains territoires. Dès lors, les levés sur le terrain à la planchette topographique laissent la place à la photogrammétrie. Le relief peut être appréhendé par l'utilisation de stéréogrammes, après diverses opérations complexes qui permettent d'éliminer les défauts inhérents à la prise de vue (variations d'échelle en fonction de l'altitude de la région, déformations de perspectives). Le levé topographique bénéficie ainsi à la fois d'une plus grande rapidité et d'une parfaite homogénéité.
Dans un autre domaine, la détection sous-marine par ultrasons offre un relevé du relief caché des fonds océaniques.

2.6.2. LA CARTOGRAPHIE AUTOMATIQUE
Depuis les années 1960, l'utilisation de l’informatique a donné naissance à la cartographie automatique. Les ordinateurs peuvent enregistrer et traiter une masse considérable de données quantitatives ; des programmes appropriés permettent d'obtenir la représentation graphique des informations prises séparément ou corrélées en exécutant toutes les opérations cartographiques habituelles : construction des systèmes de projection, modification d'échelle, tracé des lignes et des courbes, mise en place de points, de hachures, de couleurs, etc. L'information peut être corrigée ou complétée, puis réintroduite dans la mémoire de la machine ; l'écran fournit une visualisation fugitive de la carte, qui peut être imprimée de nouveau.

2.6.3. LA TÉLÉDÉTECTION
En 1972, le satellite américain Landsat 1 est lancé afin d'observer la Terre de façon systématique. La télédétection par satellite révolutionne les méthodes de la cartographie, et multiplie les objets d'étude possibles. Les images prises de façon répétée à partir d'un point d'observation non terrestre fournissent une vision mondiale synthétique et évolutive à intervalles de temps très rapprochés ; il est ainsi possible de suivre jour après jour l'évolution du manteau neigeux recouvrant une chaîne de montagnes, ou la propagation d'une marée noire à travers un océan. Avec la télédétection, les objets au sol ne sont plus seulement appréhendés par leurs contours, mais aussi dans leur composition. Ainsi, la densité d'un massif forestier, son état phytosanitaire, les essences et la taille des arbres peuvent être connus sans qu'il soit nécessaire de procéder à une étude de terrain, forcément très longue.
Les techniques de numérisation rendent possible la régularisation de l'image en éliminant les détails de la structure des paysages pour ne retenir que les dominantes : les contours de la carte obtenue sont modifiés en fonction du degré de précision ou de généralisation souhaité.
Les possibilités d'exploitation cartographique d'informations nouvelles sont très abondantes dans de nombreux domaines : climatologie, environnement, aménagement, circulation, agriculture, etc.

2.6.4. LA DIFFUSION DE L'INFORMATION
La production de cartes intéressant des thèmes nouveaux et complexes prend toute son efficacité au xxe s. avec la mécanisation complète de l'imprimerie. La grande diffusion des cartes auprès des administrations, des entreprises privées et du public a été facilitée par le perfectionnement de la reproduction à grand tirage et en couleurs, en offset notamment. Une coopération internationale en cartographie a vu le jour, dont l'objectif est d'harmoniser les échelles de représentation et les modes de figuration de la surface terrestre ; l'International Map of the World (carte internationale du monde au 1/500 000), projet formulé en 1891, n'est cependant toujours pas achevée.

3. LA REPRÉSENTATION CARTOGRAPHIQUE
Le cartographe doit d'abord choisir l'échelle de la carte, le type de projection et la symbolique à utiliser.

3.1. L'ÉCHELLE
La carte représente une portion de l'espace de superficie extrêmement variable, de quelques hectares à la totalité du globe ; cela pose le problème de l'échelle de la carte. Celle-ci peut se définir comme le rapport entre les distances linéaires mesurées sur la carte et les distances linéaires correspondantes mesurées sur le terrain. L'échelle numérique exprimée par la fraction 1/50 000 signifie que l'unité 1, sur la carte, représente 50 000 unités équivalentes sur le sol : ainsi, 1 cm sur la carte équivaut à 50 000 cm sur le terrain ; ou encore, 500 m sur le terrain sont représentés par 1 cm sur la carte.
En complément de cette échelle numérique, toute carte comporte une échelle graphique, placée en légende ; il s'agit d'une ligne divisée, à la façon d'une règle, en intervalles égaux représentant des longueurs exprimées en mètres, en kilomètres ou en milles. La distance entre deux points sur le terrain peut être déterminée facilement par la mesure de la distance entre ces deux points sur la carte, qui sera comparée à celle inscrite sur l'échelle graphique.
Lors d'une réduction ou d'un agrandissement photographiques ou par photocopie, l'échelle graphique est réduite ou agrandie automatiquement, tout comme la carte qu'elle accompagne ; inversement, dans ce cas, l'échelle numérique se trouve modifiée.
La valeur de la fraction détermine l'échelle : le 1/1 000 000 est une échelle plus petite que le 1/10 000. Compte tenu de la relative uniformité des formats (de quelques décimètres carrés à quelques mètres carrés), des cartes établies à des échelles différentes représentent des portions inégales de la surface terrestre, et avec des degrés de précision fort variables. Ainsi, sur une carte au 1/25 000, 1 km est représenté par 4 cm ; il s'ensuit qu'une carte à cette échelle (grande) ne peut figurer qu'une étendue restreinte, l'agglomération lyonnaise par exemple. Inversement, sur une carte au 1/1 000 000, 1 km est représenté par 1 mm; une carte à cette échelle (petite) correspond à une étendue beaucoup plus vaste que la précédente, toute la France par exemple.
Dans les deux cas, les degrés de précision offerts par la carte sont très différents. Sur une carte à grande échelle, de multiples détails apparaissent (maisons, usines, ruisseaux, sentiers, etc.), qui ne peuvent pas figurer sur une carte à petite échelle, très simplifiée et pour laquelle un tri des éléments à représenter est réalisé. Le passage d'une grande à une petite échelle, obligeant à un abandon des détails et à une simplification des contours, s'appelle la « généralisation ». Par exemple, toutes les sinuosités d'un fleuve comme la Seine, bien visibles sur une carte à grande échelle, ne peuvent être indiquées sur la carte générale du monde.
La diversité d'échelles implique l'existence de plusieurs catégories de cartes, auxquelles correspondent des usages différents. Pour se rendre en automobile de Paris dans les Alpes, le vacancier utilisera une carte routière de la France à petite échelle (1/1 000 000), sur laquelle ne figurent que les axes autoroutiers et routiers principaux ; dans le massif du Mont-Blanc, un randonneur désireux de connaître tous les sentiers et les refuges devra consulter une carte du secteur à grande échelle (1/25 000 ou, mieux, 1/10 000).

3.2. LES PROJECTIONS
3.2.1. LES DIFFICULTÉS DE REPRÉSENTATION ET LES SOLUTIONS
Une carte étant la représentation plane (en deux dimensions) d'un objet sphérique (en trois dimensions), le dessin des contours impose l'utilisation de techniques géométriques particulières : les projections.
La surface de la Terre est celle d'une sphère irrégulière, légèrement aplatie vers les pôles ; la Terre est ainsi assimilée à un ellipsoïde de révolution dont les mesures sont désormais bien connues (6 378,16 km de demi-grand axe et 6 356,77 km de demi-petit axe). S'il est relativement facile de transformer cet ellipsoïde de référence en une construction sphérique réduite, le passage de ce volume à une représentation cartographique plane se heurte à des difficultés. En effet, sur un plan, une surface courbe ne peut pas être représentée sans déformations. Les solutions mathématiques à ce problème existent ; l'établissement d'une correspondance géométrique entre tous les points de l'ellipsoïde et tous ceux de la carte s'appelle une projection cartographique. Cette opération conduit, quelle que soit la représentation, à une altération de l'ellipsoïde initial. Ainsi, les projections dites « conformes », si elles respectent les rapports d'angles entre méridiens et parallèles, qui se recoupent perpendiculairement comme sur l'ellipsoïde, entraînent des déformations de surface qui augmentent considérablement avec la latitude et conduisent à une représentation exagérée des zones polaires. Inversement, les projections dites « équivalentes », si elles conservent les rapports de surface, altèrent les rapports d'angles : les méridiens dessinent des ellipses qui recoupent obliquement tous les parallèles en des points équidistants.
Il existe plusieurs types de projections, selon la configuration de la surface utilisée. Méridiens et parallèles sont projetés sur un cylindre enveloppant le globe. La projection de ces lignes peut s'effectuer depuis un point fixe situé au centre de la sphère (projection gnomonique), sur la circonférence de la sphère (projection stéréographique) ou à l'infini (projection orthographique). Chaque système de projection aboutit à des cartes différentes, entre lesquelles aucun assemblage n'est permis. De plus, à l'exception de la projection de Mercator, qui a d'autres défauts, ces constructions cartographiques ne permettent jamais de représenter la totalité de la Terre d'un seul tenant. Cependant, pour les cartes à grande échelle, les déformations de rapports de surfaces ou d'angles posées par les projections deviennent quasi négligeables.
3.2.2. LA PROJECTION CYLINDRIQUE DE MERCATOR

La projection cylindrique de Mercator, si elle respecte les angles, présente, en revanche, une échelle variable avec la latitude ; à 75° de latitude, les surfaces se trouvent exagérées de seize fois par rapport à celles situées à l'équateur, ce qui explique que cette projection soit surtout utilisée pour les régions intertropicales, où la déformation est minime. Les cartes maritimes sont établies selon cette projection ; en effet, les itinéraires loxodromiques empruntés par les navigateurs y sont figurés par des droites et peuvent être facilement suivis au compas.

3.2.3. LA PROJECTION CONIQUE
Dans cette projection, les parallèles et les méridiens sont transférés de la sphère terrestre sur un cône : les méridiens deviennent des rayons qui convergent vers le pôle, tandis que les parallèles forment des arcs concentriques. L'intersection entre le cône et le globe donne le parallèle standard unique (projection conique tangente) ou les deux parallèles standard (projection conique sécante) ; dans ce cas, l'erreur d'échelle est mieux distribuée. Cette projection, bien adaptée aux latitudes moyennes, s'est imposée depuis le xviiie s. ; mise au point par J. H. Lambert en 1772, elle est utilisée pour la réalisation des cartes topographiques françaises.

3.2.4. LA PROJECTION AZIMUTALE, OU POLAIRE
Dans la projection azimutale, les parallèles et les méridiens sont transférés sur un plan qui touche la sphère terrestre en un seul point, le plus souvent le pôle. La construction est établie à partir d'un centre de projection fréquemment situé au centre de la Terre (projection centrale ou gnomonique). Tous les grands arcs de la sphère se projettent sur la carte selon une droite ; cette représentation se révèle fort utile pour la navigation.

3.2.5. LA PROJECTION DE PETERS, OU CYLINDRIQUE ÉQUIVALENTE
Arno Peters a proposé en 1977 une projection qui respectait les surfaces et les positions nord-sud et ouest-est, cela afin de mieux faire comprendre l'étendue et l'importance de l’hémisphère Sud. En revanche, dans cette représentation où les continents apparaissent allongés, les distances ne sont plus respectées et les tracés (aux basses et hautes latitudes) sont déformés.

3.3. LE SYMBOLISME CARTOGRAPHIQUE
Le choix judicieux des symboles utilisés pour la réalisation d'une carte concourt à la qualité de celle-ci. Une bonne carte s'appuie sur une documentation exacte et exhaustive (il ne doit pas y avoir d'incertitude ou de vide sur la carte) ; elle suppose la réflexion du cartographe, qui doit sélectionner l'information et préférer tel symbole à tel autre. Tous les symboles, parfaitement placés sur le fond de carte et dessinés adroitement, doivent être définis dans une légende ordonnée.
Le choix des symboles cartographiques est effectué en fonction du message qui doit être délivré, tout en assurant le maximum de clarté et de rapidité de compréhension. Le cartographe peut jouer sur six variables visuelles :
– la forme du figuré, qui permet de reconnaître des objets ;
– la taille du figuré, qui permet de signaler une hiérarchie entre les objets représentés ;
– la disposition du figuré (verticale, horizontale, oblique), qui singularise cet objet par rapport à d'autres ;
– la couleur, très facilement perceptible par l'œil, qui souligne des ressemblances ou des différences ;
– l'intensité de la couleur (teinte pastel ou vive), qui permet d'opérer un classement ;
– le grain ou la structure du figuré, qui définit le nombre de taches élémentaires le composant (par effet de scintillement) ; c'est à la fois une variable d'identification et de hiérarchie (par la différence de densité des taches élémentaires).

3.3.1. LES FIGURÉS DE SURFACE
Les figurés de surface sont utilisés pour représenter tous les phénomènes qui occupent une certaine surface sur la carte (une forêt, tel pourcentage électoral par circonscription, etc.). On distingue les plages de couleur et les grisés.

3.3.2. LES PLAGES DE COULEUR
Les plages de couleur sont précieuses pour leur forte valeur expressive. Les trois couleurs primaires (bleu, jaune, rouge) et complémentaires (vert, violet, orangé) sont d'un usage fondamental et prioritaire. Le rouge, l'orangé et le jaune, couleurs chaudes que l'œil perçoit en premier, sont utilisées pour représenter les phénomènes les plus importants, au contraire des couleurs froides, le bleu, le vert et le violet.
Pour rendre compte d'une hiérarchie, le géographe choisit une gradation de couleurs : soit une gamme de nuances différentes (chaque moitié de l'arc-en-ciel ; par exemple, jaune, jaune orangé, orange, rouge orangé, rouge), soit un camaïeu présentant une même nuance de couleur avec des intensités différentes (par exemple, vert très pâle, pâle, vif, sombre, très sombre).
Il existe des utilisations conventionnelles pour les couleurs : bleu pour l'hydrographie, vert pour les forêts et l'élevage, jaune pour les céréales, etc. De façon générale, la nuance de la couleur renvoie à la nature du phénomène à représenter, et l'intensité de la couleur dépend de l'importance du phénomène à représenter.

3.3.3. LES GRISÉS OU FIGURÉS
Permettant d'étaler sur une surface une gamme de teintes allant du blanc au noir, les grisés sont faits de la répétition régulière de certains signes simples : les hachures, droites parallèles caractérisées par une orientation, et dont les variations de l'épaisseur ou de l'écartement expriment la hiérarchie ; les pointillés, dont la grosseur et l'espacement peuvent varier ; les poncifs, figures répétées régulièrement sur une surface, tels des croix pour des terrains granitiques ou un cimetière, des V pour la vigne, etc.

3.3.4. LES FIGURES ISOLÉES
Les figures isolées sont de deux types :
– les figurines, symboles qualitatifs qui évoquent fidèlement la réalité : un bateau, par exemple, pour signaler des chantiers de constructions navales ;
– les figures géométriques, cercles, carrés, rectangles ou triangles, soit des symboles quantitatifs dont la taille varie proportionnellement à la valeur du phénomène représenté. Ces figures ne valent qu'au sein de limites administratives définies.
3.3.5. LES TRAITS
Le cartographe peut jouer sur la forme, l’épaisseur et le rapprochement des traits :
– les signes linéaires (lignes ou flèches), qui évoquent des relations et des mouvements, indiquent des éléments concrets (voie ferrée) ou abstraits (trafic d'un port). L'épaisseur du trait peut varier avec l'importance quantitative du phénomène représenté ;
– les courbes, parfois simples contours de figurés de surface, exprimant les limites d'une aire de culture. D'autres courbes représentent des valeurs numériques, par exemple les isolignes, courbes numériques qui joignent les points d'égale valeur pour une même variable : les isobathes (même profondeur), isothermes (même température), isohyètes (même niveau de précipitations).

4. LA FABRICATION D'UNE CARTE
La fabrication d’une carte comporte un certain nombre de travaux préparatoires qui se développent selon trois grandes phases.
4.1. LES TRAVAUX DE TERRAIN
Sur le canevas de projection qui a été choisi doit être mis en place le réseau géodésique qui va servir de base à toute l'élaboration de la carte. Ce réseau est constitué de points dont les coordonnées géographiques (longitudes et latitudes) sont connues à quelques centimètres près. C'est l'opération de triangulation ; en France, les coordonnées exactes de 100 000 points du territoire disposés selon des réseaux de triangles accolés et emboîtés ont été calculées, par ordinateur, par référence au canevas de projection.
Pour la connaissance des altitudes, les géographes réalisent un nivellement : toujours en France, l'altitude précise de 400 000 points repères est calculée par rapport au niveau moyen de la mer à Marseille.
Les levés directs sur le terrain se limitent à recueillir des informations venant en complément de celles fournies par les photographies aériennes.
4.2. LES TRAVAUX DE LABORATOIRE
Des techniques photogrammétriques permettent d'éliminer les distorsions géométriques des photographies aériennes ; il s'agit de transformer une perspective conique en une représentation plane, en s'appuyant sur le canevas de projection et sur le repère de points géodésiques.
Après contrôle et complément d'informations sur le terrain, notamment pour la toponymie, il est possible de réaliser les différentes minutes cartographiques (une pour la planimétrie, une p
our l'orographie) qui seront ensuite superposées.
4.3. LES TRAVAUX D'ATELIER
Quatre planches-dessin définitives (une par couleur : noir, orangé, vert, bleu) sont réalisées sur support plastique stable afin de passer en photogravure et en impression.

5. LES DIFFÉRENTS TYPES DE CARTES
La répartition dans l'espace de n'importe quel objet ou phénomène peut être illustrée par une carte. Il existe de ce fait une variété importante de cartes. Cependant, on oppose les cartes de base, qui reflètent fidèlement l'aspect du « terrain », aux cartes thématiques ou spéciales.

5.1. LES CARTES DE BASE
Les cartes de base très élaborées et très précises, par l'information qui y est contenue, constituent ce que l'on appelle le fond de carte.

5.1.1. LES CARTES TOPOGRAPHIQUES
Selon le Comité français de cartographie, elles ont pour objet la « représentation exacte et détaillée de la surface terrestre concernant la position, la forme, les dimensions et l'identification des accidents du terrain, ainsi que des objets concrets qui s'y trouvent en permanence ». Il s'agit donc de cartes offrant une représentation des éléments visibles des paysages continentaux. La précision de ces cartes, issues de levés à grande échelle, permet de les utiliser pour effectuer des mesures exactes de distances, de dénivellations, de pentes, de surfaces, d'angles et de directions.
La France dispose d'une couverture complète de son territoire par des séries cartographiques à des échelles variées (1/25 000, 1/50 000 et 1/100 000, 1/250 000). Chaque carte topographique au 1/25 000 ou au 1/50 000 comporte un titre, composé d'un nom (en général celui de la commune la plus importante qui y est représentée) et d'un numéro d'ordre à quatre chiffres permettant de la placer dans le tableau d'assemblage général des cartes topographiques françaises. Une carte topographique couvre une étendue restreinte : 520 km2 pour une feuille au 1/50 000 (20 × 26 km, format 40 × 52 cm), 260 km2 pour une feuille au 1/25 000 (20 × 13 km, format 80 × 52 cm). Il faut 1 100 cartes au 1/50 000 et 2 000 cartes au 1/25 000 pour représenter toute la France métropolitaine.
Ces cartes sont encadrées par un double réseau de coordonnées : géographiques (longitude et latitude) et cartographiques (celles du quadrillage kilométrique Lambert, qui fait un léger angle avec les méridiens et les parallèles, permettant d'établir les coordonnées géographiques de n'importe quel point situé sur la carte). Des lignes, portées sur certaines éditions, découpent des carrés de 1 km2.
Les cartes peuvent s'orienter de deux façons : suivant le nord géographique, dont la direction est située dans le plan du méridien du lieu, et par la boussole en direction du nord magnétique, selon un angle variable par rapport au nord géographique.
Les conventions de représentation font l'objet d'une légende. Le relief est indiqué par des courbes de niveau, ou isohypses, qui joignent les points d'égale altitude. La dénivellation entre deux courbes de niveau consécutives s'appelle l'équidistance ; elle est constante pour une carte donnée. Dans une région montagneuse, cette équidistance est souvent de 20 m, contre 10 m en plaine. Pour faciliter la perception du relief, la carte présente un certain estompage, assombrissant les versants tournés vers le sud-est. Des repères géodésiques et des points cotés précisent certaines valeurs locales d'altitude, pour les sommets notamment.
La planimétrie concerne les détails de la surface du sol. Il s'agit de l'hydrographie (en bleu), des étendues forestières ou broussailleuses (en vert), de certaines cultures spécialisées comme la vigne, les vergers ou le riz, des voies de communication, des bâtiments. Immeubles, maisons et usines sont indiqués en noir avec une généralisation croissante au fur et à mesure que l'échelle diminue.
La carte topographique renseigne également sur la toponymie (noms des communes, des hameaux, des cours d'eau, etc.).
L'élaboration d'une carte topographique exige des travaux longs et complexes. Une mise à jour à intervalles rapprochés est rendue nécessaire par les transformations de plus en plus fréquentes des paysages. Le coût élevé de la réalisation et du renouvellement de ces cartes explique que cette tâche soit confiée à de puissants organismes nationaux. En France, ces travaux sont la mission de l'Institut géographique national (IGN). À l'échelle du monde, seuls les pays les plus développés disposent de couvertures topographiques récentes et complètes, au moins pour les régions habitées. Dans bien des pays du tiers-monde, les levés topographiques sont partiels, hérités de la colonisation, voire inexistants.
5.1.2. LES CARTES MARINES
Les cartes marines traduisent le relief sous-marin à l'aide d'isobathes et indiquent la signalisation utile à la navigation. Elles existent à des échelles variables, de plus en plus grandes à l'approche des côtes. Les chenaux d'accès aux ports font l'objet de plans à très grande échelle (de 1/1 000 à 1/10 000).

5.2. LES CARTES THÉMATIQUES
Les cartes thématiques s'attachent à figurer l'extension et la répartition d'une donnée d'intérêt particulier.

5.2.1. LES CARTES DES SCIENCES DE LA TERRE
Les cartes des sciences de la Terre représentent des phénomènes naturels.
Les cartes géologiques indiquent les affleurements des terrains du sous-sol dans leurs limites, leur nature ou leur âge, ainsi que les déformations qui les affectent (plis, failles, etc.). Les couleurs utilisées pour exprimer l'âge des terrains sédimentaires font l'objet d'une rationalisation poussée. Ces cartes sont nécessaires à la construction et à la prospection minière.
Les cartes des formations superficielles montrent les dépôts d'une certaine épaisseur qui recouvrent les roches en place (limons, alluvions, éboulis, moraines).
Les cartes géomorphologiques définissent les formes de relief dans leurs relations avec la structure géologique et les systèmes d'érosion.
Les cartes pédologiques présentent la répartition des types de sols selon divers systèmes de classification.
Les cartes de végétation indiquent les zones et étages de végétation « naturels » en fonction des conditions écologiques optimales pour différentes espèces.
Les cartes zoologiques et botaniques rendent compte de la distribution spatiale des animaux et des plantes ; elles servent aux entreprises chargées du déboisement et aux responsables de l'environnement.
Les cartes météorologiques indiquent les éléments du temps (pression, température, etc.) à un certain moment pour une zone donnée. Ces cartes ont aujourd'hui pour sources d'informations les images prises par les satellites géostationnaires. Par l'observation de la progression des perturbations, des prévisions fiables du temps pour plusieurs jours sont rendues possibles.

5.2.2. LES CARTES DES IMPLANTATIONS HUMAINES
Les cartes routières figurant les voies de circulation, les villes et les lieux touristiques connaissent une très large diffusion.
Les cartes de navigation aérienne sont plus spécialisées, avec une mention détaillée des aéroports, des voies aériennes, des aires des fréquences radio qui se rattachent à chaque aéroport.
Les plans cadastraux sont établis à très grande échelle par des géomètres. Ils identifient les parcelles de terrain pour garantir les limites des propriétés et permettre plus de rigueur dans les critères d'imposition.
Les cartes d'occupation du sol montrent la répartition des types d'utilisation de l'espace (habitat, agriculture, industrie, etc.) pour un secteur précis. Les collectivités locales utilisent ces cartes pour définir une politique d'aménagement urbain ou rural.
Les cartes politiques mentionnent les frontières, les villes principales, les divisions administratives.
Les cartes historiques précisent l'évolution des territoires, les mouvements des armées et des populations dans le passé.
Les cartes économiques indiquent la répartition des différentes activités.

 

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Cet article fait partie du dossier consacré aux droits de l'homme et du dossier consacré à la Révolution française.



Les droits de l'homme, et les libertés dont ils s'accompagnent, sont ceux dont tout individu doit jouir du fait même de sa nature humaine. C'est la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui marque l'avènement théorique d'un État de droit dotant l'individu du pouvoir de résistance à l'arbitraire et lui reconnaissant des droits naturels, dits fondamentaux. La notion de « déclaration des droits » découle de deux idées : celle de l'existence de droits individuels et celle de la nécessaire affirmation de ces droits par une autorité légitime, en l'occurrence le pouvoir constituant en 1789, c'est-à-dire l'État. Matrice de la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par les Nations unies en 1948, le texte de 1789 est l'aboutissement d'une réflexion qui a commencé avec la Grande Charte d'Angleterre de 1215 et qui passe par l'institution de l'habeas corpus en 1679.
→ charte.
Il appartient à l'État de droit de respecter les libertés fondamentales de l'individu, que le concept de « libertés publiques » traduit en termes constitutionnels. La persistance de nombreux cas de violations des droits de l'homme dans l'histoire contemporaine impose de garantir leur protection à l'échelon international. Non seulement celle-ci suppose l'existence de mécanismes juridiques autorisant des organes internationaux à exercer un contrôle sur l'application des normes relatives aux droits de l'homme, mais encore l'action d'organisations indépendantes des États, qui se révèlent aussi de la première importance.


Trois siècles d'histoire des droits de l'homme
Ce sont les philosophes du xviiie s., parmi lesquels Jean-Jacques Rousseau, qui élaborent le concept de « droits naturels », droits propres aux êtres humains et inaliénables, quels que soient leur pays, leur race, leur religion ou leur moralité. La révolution américaine de 1776, puis la révolution française de 1789 marquent la reconnaissance et la formulation explicite de ces droits.
Dès 1689, en Angleterre, a été proclamé le Bill of Rights. Les colons établis en Amérique en retournent les principes contre leur roi. La Déclaration d'indépendance américaine, le 4 juillet 1776, affirme la primauté des droits et libertés. Au cours de la décennie suivante, par l'entremise du marquis de La Fayette et de Thomas Jefferson, elle éclaire les révolutionnaires français, notamment sur la notion de souveraineté du peuple.
Les dix-sept articles de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen sont discutés et votés entre le 20 et le 26 août 1789, alors que l'Assemblée constituante est en conflit avec le roi. Destinée à préparer la rédaction de la première Constitution écrite française, en la fondant sur l'énonciation des principes philosophiques qui doivent former la base de la société, elle proclame les droits « naturels et imprescriptibles » de l'homme, c'est-à-dire ceux que chacun doit exercer par le fait qu'il est homme et sans distinction de naissance, de nation ou de couleur. Après une définition générale de la notion de liberté, la Déclaration précise un certain nombre de libertés particulières : liberté de conscience et d'opinion, liberté de pensée et d'expression, droit à la propriété. L'égalité est la deuxième grande notion de la Déclaration : égalité des droits, égalité devant la loi et la justice, égalité devant l'impôt, égale admissibilité aux emplois publics. L'État nouveau, édifié sur le principe de la séparation des pouvoirs et sur la notion de souveraineté du peuple, devient le garant des droits.

Au xixe s., la Déclaration de 1789 inspire le mouvement politique et social en Europe et en Amérique latine. Avec l'industrialisation grandissante, l'essor du pouvoir capitaliste et financier, la revendication des droits s'enrichit en effet de la notion de droits sociaux, et particulièrement de droit au travail, sous l'influence du socialisme à la française, puis du socialisme marxiste. Mais les génocides, l'esclavage, qui ne sera aboli que lentement et inégalement, le colonialisme, le travail des enfants, la sujétion des femmes, dont l'émancipation – quand elle aura lieu – sera tardive, sont autant d'obstacles historiques sur la voie d'une reconnaissance pleine et entière des droits de l'homme. La France et les États-Unis eux-mêmes rechigneront souvent à montrer l'exemple, malgré la création d'associations philanthropiques et la lutte pour la prise en compte des droits sociaux (droit de grève, amélioration des conditions de travail, réduction du temps de travail).


Selon l'article 55 de la Charte des Nations unies de 1945, l'O.N.U. doit favoriser le respect universel et effectif des droits de l'homme avec le concours des États membres. Mais la politique des blocs, l'un sous influence américaine, l'autre sous influence soviétique, perturbe pendant plusieurs décennies les débats. Tandis que les Américains insistent sur la notion de droits politiques, les démocraties libérales d'Europe défendent celle de droits sociaux. Compte tenu des deux options, les Nations unies tentent de réaliser leur mission à travers l'action de la Commission des droits de l'homme, créée en 1946. Ceux-ci deviennent une valeur internationalisée en 1948. Il est reconnu que l'homme détient un ensemble de droits opposables aux autres individus, aux groupes sociaux et aux États souverains. Les droits de l’homme sont par la suite étendus à l’enfant : le 20 novembre 1989, les Nations unies adoptent la Convention des droits de l'enfant, afin de protéger l'enfance de la famine, de la maladie, du travail, de la prostitution et de la guerre.
→ droits de l'enfant.
Les droits de l'homme face au principe de souveraineté
Le principe des droits humains, tout comme la notion de paix, fait partie de ces thèmes a priori consensuels et irréfutables sous peine de placer le réfractaire en marge de la communauté internationale. L'humanité entière est révulsée par la barbarie, et un régime criminel ne peut, moralement, asseoir sa légitimité sur la seule souveraineté de l'État.
Les tribunaux militaires internationaux de Nuremberg (1945) et de Tokyo (1946) ont manifesté la valeur de ce raisonnement. Dès 1950, l'Assemblée générale des Nations unies a créé un comité chargé de rédiger le projet de statut d'une juridiction pénale internationale permanente. Mais la guerre froide a eu raison de ces vœux pieux. Le fait que ce projet n'ait pris forme qu'en 1998 témoigne – de même que ses limites – de la résistance opiniâtre des États : aucun d'eux ne cherche spontanément à promouvoir une justice supranationale à laquelle il serait soumis et devant laquelle des citoyens, nationaux ou étrangers, pourraient le traduire. C'est la même attitude qui a freiné les progrès de l'arbitrage international depuis les conférences de la Paix de 1899 et 1907, et limité, malgré deux guerres mondiales, les prérogatives de la Société des Nations puis de l'O.N.U. En réalité, l'opinion publique, alertée par les médias et les organisations non gouvernementales, est un acteur extrêmement important de ces évolutions. C'est à elle qu'il revient de dénoncer les abus de pouvoir, en l'occurrence les crimes commis par les dictateurs, l'altération du principe d'égalité, la négation des droits sociaux, ou encore la corruption des élites dirigeantes. Mais la seule sanction morale ne suffit pas à faire reculer les États coupables. La Déclaration universelle des droits de l'homme exige, par conséquent, pour ne pas être qu'un leurre, que la communauté internationale soit dotée de juridictions qui permettent de se saisir des cas de violation de ces droits.
Voir les articles justice internationale : TPIR, TPIY.

Les institutions au service des droits de l'homme
La Commission des droits de l'homme de l'O.N.U.
Créée en 1946, la Commission se réunit pour la première fois en 1947 pour élaborer la Déclaration universelle des droits de l'homme. Rédigée en un an, celle-ci est adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948. Depuis lors, la date du 10 décembre est célébrée tous les ans en qualité de « Journée des droits de l'homme ».
Jusqu'en 1966, les efforts de la Commission sont essentiellement de nature normative, attendu que, dans une déclaration de 1947, elle estime « n'être habilitée à prendre aucune mesure au sujet de réclamations relatives aux droits de l'homme ». Ses travaux aboutissent, en 1966, à l'adoption par l'Assemblée générale des Nations unies du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ; ces deux pactes forment, avec la Déclaration universelle, la Charte internationale des droits de l'homme.
En 1967, le Conseil économique et social autorise la Commission à traiter des violations des droits de l'homme. Aussi met-elle au point des mécanismes et procédures afin de vérifier le respect par les États du droit international relatif aux droits de l'homme et de constater les violations présumées de ces droits par l'envoi de missions d'enquête. En outre, la Commission met de plus en plus l'accent sur la promotion des droits économiques, sociaux et culturels, en particulier le droit au développement et le droit à un niveau de vie convenable. Elle s'intéresse de près, comme le démontre la Déclaration de la Conférence mondiale sur les droits de l'homme tenue à Vienne en 1993, à la protection des droits des groupes sociaux vulnérables, des minorités et des peuples autochtones, ainsi qu'à la promotion des droits de l'enfant et des femmes. La démocratie et le développement sont considérés comme deux facteurs nécessaires à l'épanouissement des droits de l'homme.
Décrédibilisée par la présence en son sein de pays critiqués pour leurs propres atteintes aux droits de l’homme, elle est dissoute en 2006, et remplacée par le Conseil des droits de l’homme. Cet organe subsidiaire de l’Assemblée générale des Nations unies est notamment chargé d’effectuer un examen périodique de tous les pays au regard des droits de l'homme, et de formuler aux États concernés des recommandations.

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
Établie par le Conseil de l'Europe en 1950 et entrée en vigueur en 1953, la Convention européenne se situe dans la continuité de la Déclaration universelle de 1948. Chaque État qui adhère au Conseil de l'Europe est tenu de la signer et de la ratifier dans un délai d'un an. Les États signataires s'engagent alors à reconnaître à toute personne relevant de leur juridiction certains droits civils et politiques et certaines libertés définis dans la Convention. Après avoir épuisé toutes les voies de recours internes, un individu qui s'estime lésé dans ses droits peut entamer des procédures à l'encontre de l'État contractant qu'il tient pour responsable. Un État contractant peut également intenter une procédure contre un autre État contractant : c'est ce que l'on appelle une requête interétatique.
Le fait que des États souverains acceptent qu'une juridiction supranationale remette en cause les décisions de juridictions internes et qu'ils s'engagent à exécuter ses jugements a représenté une étape historique dans le développement du droit international. La théorie selon laquelle les droits de l'homme ont un caractère fondamental les plaçant au-dessus des législations et des pratiques nationales a été appliquée. Cela revient à reconnaître qu'il ne faut pas laisser un État décider lui-même de l'application des droits de l'homme et des libertés fondamentales en fonction de considérations politiques nationales.
La Convention a instauré une Cour européenne des droits de l'homme, chargée d'examiner les requêtes individuelles et interétatiques. Les juges de la Cour, totalement indépendants, sont élus par le Parlement européen. Le Conseil des ministres surveille l'exécution des arrêts de la Cour. Le droit de recours individuel est automatique, ainsi que la saisine de la Cour dans le cadre des requêtes individuelles et interétatiques.

LES GRANDES ÉTAPES INSTITUTIONNELLES DE LA DÉFENSE DES DROITS DE L'HOMME


1215 : la Grande Charte d'Angleterre (Magna Carta) énumère, après les excès de Jean sans Terre, un certain nombre de dispositions tendant à protéger l'individu contre l'arbitraire royal en matière de taxes ou de spoliation de biens, et assure à chaque sujet un procès équitable dans le cadre de l'égalité de traitement devant la loi.
1679 : l'habeas corpus, en Angleterre, garantit le respect de la personne humaine et la protège d'arrestations et de sanctions arbitraires. Le roi est ainsi privé du pouvoir de faire emprisonner qui il veut selon son bon plaisir.
1689 : la Déclaration des droits (Bill of Rights), adoptée par la Chambre des lords et la Chambre des communes, réduit le pouvoir royal en Angleterre, en proclamant notamment la liberté de parole au sein du Parlement et le droit pour les sujets d'adresser des pétitions au monarque.
4 juillet 1776 : la Déclaration d'indépendance américaine, rédigée par Thomas Jefferson, Benjamin Franklin et John Adams, et inspirée de la philosophie des Lumières, est signée à Philadelphie par les délégués des treize colonies et promulgue un contrat social fondé sur l'indépendance, l'égalité, la liberté et la recherche du bonheur (« We hold these truths to be self-evident; that all men are created equal, that they are endowed by their creator with certain unalienable rights, that among these are life, liberty and the pursuit of happiness »).
26 août 1789 : la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, destinée à devenir l'archétype des déclarations ultérieures, est adoptée par l'Assemblée constituante.
3 septembre 1791 : la première Constitution écrite française garantit pour chacun « des droits naturels et civils ».
26 juin 1945 : la Charte des Nations unies, signée à San Francisco, internationalise le concept de droits de l'homme.
10 décembre 1948 : la Déclaration universelle des droits de l'homme adoptée par l'O.N.U. est la première référence aux libertés fondamentales communes à tous les peuples de la Terre. Aux obligations morales liées à l'universalité du message s'ajoutent, pour les pays signataires, de réelles obligations juridiques qui sont censées instituer autant de garanties pour les peuples concernés.
4 novembre 1950 : la Convention européenne des droits de l'homme est signée à Rome sous l'égide du Conseil de l'Europe ; elle entre en vigueur en 1953.
1er août 1975 : l'Acte final de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (C.S.C.E.), signé à Helsinki, fait figurer le « respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales » parmi les principes de base qui régissent les relations mutuelles des 35 États participants.

Les organismes de défense des droits de l'homme
La Ligue des droits de l'homme
La Ligue est le plus ancien organisme de défense des droits et des libertés. Elle est fondée, en février 1898, par l'ancien ministre de la Justice Ludovic Trarieux et quelques amis, à l'occasion du procès intenté à Émile Zola qui venait de faire paraître dans le journal l'Aurore son célèbre réquisitoire « J'accuse ». Après l'affaire Dreyfus, la Ligue poursuit son engagement en prenant position sur les grands débats contemporains. Ainsi, en 1905, elle se déclare en faveur de la séparation des Églises et de l'État ; en 1909, son président réclame le droit de vote pour les femmes et leur éligibilité à la Chambre et au Sénat. La Ligue suit de près l'évolution de la vie politique et, en 1935, c'est à son siège qu'est signé le programme du Front populaire par les socialistes, les radicaux et les communistes.
En 1948, la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies, reprend largement le projet du représentant français René Cassin, membre de la Ligue des droits de l'homme. Par la suite, celle-ci joue un rôle dans les protestations contre l'utilisation de la torture lors de la guerre d'Algérie, dans les revendications étudiantes de mai 1968, dans les actions qui amènent, en 1973, la modification de la loi sur l'interruption volontaire de grossesse, ou encore en faveur de l.’abolition de la peine de mort. Plus récemment, elle s’est engagée dans les années 1990 contre la montée du racisme, et pour l’extension des droits des étrangers, ainsi que pour la régularisation des sans-papiers.

La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (F.I.D.H.)
Fondée en 1922, la Fédération est la plus ancienne organisation de défense des droits de l'homme au plan international. Elle a son siège en France. Organisation non gouvernementale reconnue d'utilité publique, elle se déclare également apolitique, non confessionnelle et non lucrative. Elle se voue à la promotion de la Déclaration universelle des droits de l'homme en informant l'opinion publique et les organisations internationales par le biais de lettres, de communiqués et de conférences de presse. Comme Amnesty International, la F.I.D.H. bénéficie du statut d'observateur auprès des instances internationales (Nations unies, Unesco, Conseil de l'Europe, Commission africaine des droits de l'homme).

Amnesty International
C'est en 1961, à l'initiative de Peter Benenson (1921-2005), avocat britannique, qu'un groupe d'avocats, de journalistes, d'écrivains, choqués par la condamnation de deux étudiants portugais à vingt ans de prison pour avoir porté un toast à la liberté dans un bar, lance un appel pour l'amnistie (Appeal for Amnesty). L'acte de naissance officiel du mouvement Amnesty International peut être daté du 28 mai 1961, lorsque le supplément dominical du London Observer relate l'histoire de six personnes incarcérées pour « raisons de conscience » – parce qu'elles ont exprimé leurs croyances religieuses ou politiques – et exhorte les gouvernements à relâcher de tels prisonniers. Amnesty International, organisation indépendante à caractère non gouvernemental, mène depuis lors une action vigoureuse de défense des droits de l'homme, à l'adresse des gouvernements qu'elle fustige dans son rapport annuel et de l'opinion publique internationale. Au cours des années 1970, Amnesty International s'est vu confier le statut d'observateur pour le compte des Nations unies. En 1977, son action a été récompensée par le prix Nobel de la paix, titre qui n'impressionne pas forcément tous les gouvernements.

 

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cathédrale Notre-Dame

 

 

 

 

 

 

 

cathédrale Notre-Dame

À Paris, église métropolitaine, située dans l'île de la Cité.

1. Avant Notre-Dame

Dans l’Antiquité, au ier siècle de notre ère, il existe déjà à la pointe orientale de l’île de la Cité une sorte de temple élevé à Jupiter par les bateliers (les « nautes ») parisiens. La pierre votive (Pilier des nautes, conservé aujourd’hui au musée de Cluny-musée national du Moyen Âge, à Paris) en fut retrouvée en 1711, sous le chœur de Notre-Dame.

Sur cet emplacement, les chrétiens à leur tour construisent une basilique. Elle est indiquée comme déjà existante au ive siècle, et Childebert Ier, roi des Francs, la réédifie deux cents ans plus tard (son plan mérovingien apparaît lors de fouilles en 1965). On élève ensuite une autre église, plus petite, toute proche de la première, et ce sont ces deux édifices, dédiés l’un à saint Étienne, l’autre à sainte Marie (ou Notre-Dame), ainsi qu’un baptistère, qui constituent le premier groupe épiscopal de Paris. On suppose qu’après les invasions normandes et la destruction de Sainte-Marie par un incendie, l’église Saint-Étienne sert pendant longtemps seule de cathédrale.

2. Histoire du bâtiment

2.1. Deux siècles de construction

Au cours du xiie siècle, en France, les évêchés très liés au pouvoir royal se dotent de cathédrales modernes c’est-à-dire obéissant aux nouvelles règles de l’architecture « ogivale » (ou gothique). Ainsi, vers 1160, l’évêque de Paris Maurice de Sully décide d’édifier une nouvelle église pour son diocèse parisien. La première pierre est posée en 1163 par le pape Alexandre III et le roi Louis VII. Le chœur est achevé en 1177, le transept et la nef vers 1196. À la fin du xiie siècle, le culte est déjà sans doute célébré dans l’édifice inachevé.
Le chantier de Notre-Dame de Paris est poursuivi sous le règne de Saint Louis (entre 1226 et 1270). La façade et les tours sont terminées dans le deuxième quart du xiiie siècle. Des chapelles, non prévues sur le plan initial, sont ajoutées entre les contreforts de la nef vers 1235-1250. Les maîtres d’œuvre Jean de Chelles et Jean Ravy élèvent les chapelles du tour du chœur (fin du xiiie siècle-début du xive siècle), achevant ainsi la construction de l’édifice médiéval.
La cathédrale appartient donc aux deux premières périodes du style gothique : celui « lancéolé » de Philippe Auguste et celui « rayonnant » de Saint Louis ; elle en est un des plus remarquables spécimens. Si la cathédrale subsiste aujourd’hui, il n’en est pas de même des bâtiments qui la jouxtaient au Moyen Âge : au Nord, le cloître et le baptistère (Saint-Jean-le-Rond) et, au Sud, le palais archiépiscopal ont aujourd’hui disparu.

2.1. Dégradation et restauration

       
Notre-Dame devient église métropolitaine au cours du xviie siècle, avec la transformation du diocèse de Paris en archidiocèse. Pendant la période révolutionnaire, le monument est dédié au culte de la Raison (1793), puis à celui de l’Être suprême (1794), et, enfin, transformé en magasin de vivres. Une grande partie du mobilier et de la sculpture monumentale est détruite. C’est le cas, en particulier, des statues de la galerie des Rois, qui représentent les souverains de Juda et d’Israël, mais dont on pense à l’époque qu’il s’agit des portraits de rois de France. Les statues sont à ce titre mises à bas en 1793 et destinées à servir de pierres de carrière. On en retrouve de nombreux fragments (dont 21 têtes), par hasard, en 1977, lors de travaux dans la cour d’un hôtel particulier de la rive droite ; elles y avaient été ensevelies en 1796, après leur rachat. Ces fragments sont aujourd’hui conservés au musée de Cluny.

À partir de 1845, de vastes travaux de réhabilitation sont exécutés, sous la direction de Jean-Baptiste Lassus et Eugène Viollet-le-Duc. Ils vont durer jusqu’en 1879 : les façades extérieures de la cathédrale sont très restaurées, la statuaire reconstruite, voire entièrement revue (c’est le cas des célèbres chimères de la balustrade) et la flèche reconstruite sur un modèle différent de la première (démontée entre 1786 et 1792).

3. La cathédrale aujourd’hui

3.1 L’extérieur
La cathédrale a 130 m de longueur, 48 m de largeur, 35 m de hauteur sous la voûte (69 m au sommet des tours).

       
La façade principale, donnant vers l’ouest sur la place du Parvis Notre-Dame, de 40 mètres de long, offre une remarquable unité de composition. Trois portes s’y ouvrent : celle de la Vierge (à gauche), celle du Jugement dernier (au centre), et celle de Sainte-Anne (à droite). Des figurines d’anges et de saints remplissent les voussures, tandis qu’aux soubassements s’épanouissent des bas-reliefs consacrés aux Occupations du mois, représentant les Vertus et les Vices.

Les portes sont surmontées des deux galeries – des Rois et de la Vierge. Cette dernière galerie, d’une extrême légèreté, relie les deux tours carrées entre lesquelles s’épanouit une grande rose centrale, flanquée de deux baies géminées. Sur cette façade, toutes les grandes statues datent de la restauration effectuée au xixe siècle. Toutefois, la majeure partie du tympan de la porte Sainte-Anne date du xiie siècle et les deux autres portes conservent des reliefs du xiiie siècle sur les tympans, aux voussures et aux soubassements.

Les deux façades du transept comportent des portails du milieu du xiiie siècle : elles sont l’œuvre de Jean de Chelles (façade nord, vers 1250) et de Pierre de Montreuil (façade sud, face à la montagne Sainte-Geneviève, vers 1260). On peut voir, au trumeau du portail nord, la seule grande statue préservée depuis cette date, une élégante Vierge à l'Enfant. Au portail sud, de curieux bas-reliefs illustrent la vie des étudiants. Contrairement aux fenêtres hautes, les grandes roses de ces deux façades du transept (comme celle de la façade ouest) ont conservé une partie de leurs vitraux anciens, datant du xiiie siècle.

Au-dessus du chœur s’élève la flèche construite au xixe siècle. L’abside, que l’on voit bien surtout de la rive gauche, est un chef-d’œuvre d’élégance et de proportions, grâce à la légèreté des arcs-boutants qu’elle supporte : la vision du chevet de Notre-Dame évoque un navire avec ses cordages, ses mats et ses voiles, ce qui explique la comparaison souvent faite avec un « vaisseau de pierre ».
Le jardin qui entoure le chevet, anciennement dit « de l’Archevêché », occupe l’emplacement de l’ancien palais archiépiscopal, saccagé en 1831. On peut y voir une petite porte rouge entourée de sculptures délicates (c’était celle qui reliait le cloître et le chœur de la cathédrale) et, au centre du jardin, la fontaine Notre-Dame : conçue dans le style gothique des xiiie et xive siècles, elle date toutefois des travaux de restauration exécutés au xixe siècle.

3.2. L’intérieur

    La cathédrale comporte des doubles bas-côtés, des tribunes, des voûtes sexpartites et des fenêtres hautes qui furent agrandies au cours du xiiie siècle. L’intérieur se compose, d’une part, d’une nef très large, accompagnée de collatéraux et de trente-sept chapelles latérales, d’autre part du chœur, séparé par une large galerie des chapelles de l’abside. Le chœur est en grande partie fermé par une clôture, dont la face extérieure offre toute une série de bas-reliefs polychrome en pierre, réalisés par Jean Ravy et Jean le Bouteiller (1351). Cette clôture faisait suite au jubé, aujourd’hui disparu, et se continuait sur la partie tournante du chœur.
Il subsiste, en plus de ces parois latérales de la clôture du chœur, des stalles et des grilles datant du xviie siècle, les statues du vœu de Louis XIII dans l'abside et des tombeaux (monument du comte d'Harcourt par Jean-Baptiste Pigalle). On a replacé dans les chapelles une partie des « mays » de Notre-Dame : ces grandes peintures furent commandées chaque année entre 1630 et 1707 (à l'exception des années 1683 et 1684) par la corporation des orfèvres pour être offertes, dans les premiers jours de mai, à la cathédrale de Paris.

3.3 Trésor et cloches

Le trésor de la cathédrale renferme aujourd’hui une relique de première importance pour les chrétiens : il s’agit de la supposée Couronne d’épine achetée par Saint Louis à l’empereur Constantin et pour laquelle le roi de France ordonna la construction d’un monument reliquaire aussi travaillé qu’une châsse : la Sainte Chapelle.
La sonnerie de Notre-Dame de Paris est renouvelée en février-mars 2013, pour l’anniversaire des 850 ans de la cathédrale : huit nouvelles cloches sont installées dans la tour Nord, un nouveau bourdon (nommé Marie) dans la tour sud, aux côtés du bourdon Emmanuel, qui date du xviie siècle.

4. Le cadre d’un chef-d’œuvre

    Le roman de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, publié en 1831, est un hymne à la gloire de la cathédrale parisienne. En plus d’avoir inspiré l’œuvre, elle en est perçue comme le véritable centre. Les aventures mélodramatiques d’Esméralda, de Quasimodo et de Claude Frollo ont pour cadre le Paris du xve siècle. Victor Hugo offre avec ce grand roman historique une reconstitution vivante, au centre de laquelle trône la cathédrale et qui exalte les beautés de l’art gothique.

 

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RÉVOLUTION FRANÇAISE

 

 

 

 

 

 

 

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PLAN
        *         RÉVOLUTION FRANÇAISE
        *         Introduction
        *         1. Origines et causes de la Révolution
        *         1.1. Introduction
        *         1.2. « Ce peuple couché par terre, pauvre Job » (Michelet)
        *         1.3. La crise économique
        *         1.4. Révoltes urbaines et rurales
        *         1.5. La bourgeoisie : « une position d'autant plus insupportable qu'elle devenait meilleure […] » (Tocqueville)
            *         Des petits bourgeois plus riches et plus industrieux que les nobles…
            *         …mais écartés des meilleures places
            *         La crise morale
            *         La monarchie incapable de se réformer
            *         1.6. L'aristocratie : l'impossible compromis
            *         Des nobles encore riches…
            *         … quoique menacés d'appauvrissement
            *         … La noblesse de robe : opposée au roi mais conservatrice
            *         1.7. La « féodalité d'Ancien Régime »
            *         La servitude de la terre
            *         2. 1789 : de Versailles à Paris
            *         2.1. Spécificité de la Révolution française
            *         2.2. Les états généraux
            *         Pourquoi les états généraux ?
            *         Ouverture des états généraux : des aspirations divergentes
            *         2.3. L’Assemblée nationale
            *         Le tiers état seul représentant de la nation
            *         Le serment du Jeu de paume
            *         Le renvoi de Necker
            *         La prise de la Bastille
            *         2.4. La Grande Peur et ses conséquences
            *         La nuit du 4 août 1789
            *         La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
            *         Louis XVI prisonnier du peuple de Paris
            *         3. L'Assemblée nationale constituante
            *         3.1. Nouveaux principes
            *         Le mode électoral
            *         Nouvelle organisation territoriale
            *         3.2. La question religieuse
            *         3.3. Premiers troubles
            *         La fête de la Fédération (14 juillet 1790)
            *         La question financière
            *         Une multitude de mécontentements
            *         3.4. Le déshonneur du roi
            *         La fuite de la famille royale
            *         Le mouvement républicain : Jacobins et Feuillants
            *         3.5. La montée des périls et la guerre
            *         La déclaration de Pillnitz (août 1791)
            *         Les débuts de l'Assemblée législative
            *         Le recours à la guerre
            *         L'alliance du peuple en armes et de la Révolution
            *         4. Vers la République
            *         4.1. La nuit du 10 août 1792 : le renversement de la monarchie
            *         4.2. La Commune de Paris
            *         Les massacres de Septembre
            *         L'abolition de la royauté
            *         4.3. L'exécution du roi
            *         Rivalités politiques et Contre-révolution
            *         Le procès du roi
            *         5. « La patrie en danger »
            *         5.1. Le choc de la « levée en masse »
            *         L'insurrection vendéenne
            *         5.2. Au bord de la guerre civile
            *         5.3. La Terreur
            *         Sus aux suspects de crimes contre-révolutionnaires
            *         Les excès des sans-culottes
            *         5.4. Le Comité de salut public
            *         L'élimination des hébertistes par Robespierre (mars 1794)
            *         L'élimination des Indulgents (avril 1794)
            *         La Révolution morale et le culte de l'Être suprême
            *         La Grande Terreur
            *         5.5. La réaction thermidorienne
            *         Manœuvres politiciennes contre Robespierre
            *         La chute de « l'Incorruptible »
            *         6. La Révolution à la recherche d’un second souffle
            *         6.1. Règlements de comptes : la « Terreur blanche »
            *         6.2. Renouveau royaliste
            *         6.3. Le Directoire
            *         6.4. Un pays épuisé
            *         Crise financière
            *         Crise économique et sociale
            *         6.5. Complots et coups d’État
            *         Babeuf et la conspiration des Égaux (mars 1796-mai 1797)
            *         6.6. Sectarisme antireligieux
            *         6.7. Expansionnisme militaire
            *         6.8. Le 18 brumaire

Révolution française (1789-1799)

Cet article fait partie du dossier consacré à la Révolution française.
Ensemble des mouvements révolutionnaires qui mirent fin en France à l'Ancien Régime.


Introduction

1789 a ébranlé l'Europe et le monde. Des Allemands, comme le philosophe Kant ou l'étudiant Hegel, ont aussitôt perçu l'ampleur de la rupture entraînée par la prise de la Bastille et la Déclaration des droits de l'homme. Leurs œuvres ont témoigné de leur attente d'un monde rénové par l'action politique. Les Anglais et les Américains se sont déchirés sur les enseignements à tirer de ce qui se passait en France : pour le Britannique Edmund Burke, député whig aux Communes (Reflections on the Revolution in France, 1790), l'insurrection populaire a ruiné les fondations historiques de la nation française ; le démocrate anglo-américain Thomas Paine répond à ce violent réquisitoire par The Right of Man (1791-1792), où la Révolution est présentée comme l'annonce d'un monde meilleur bâti par les hommes.

La Révolution de 1789 n'apparaît pas par hasard. La France, comme les nations voisines, est alors traversée par des interrogations politiques sur son devenir. Certains penseurs, dans le sillage du duc de Saint-Simon, souhaitent revenir à un État fondé sur la prééminence des aristocrates, garants des libertés provinciales et porteurs d'une tradition; d'autres, les « philosophes », parmi lesquels Diderot et Voltaire, imaginent de nouveaux rapports entre les hommes, remettant en cause les hiérarchies sociales et même, dans certains cas, les autorités religieuses. Certains ont échafaudé de véritables utopies, modèles possibles de rénovation.
C'est en fonction de ces opinions préétablies que les observateurs ont jugé les événements de 1789. Les partisans des réformes ont accepté et défendu tout ce qui pouvait corroborer leurs espoirs, et dénigré leurs adversaires, qu'ils ont qualifiés d'« aristocrates », d'« esclaves » ou d'« ennemis de la liberté ». Ils ont justifié les répressions les plus terribles par la nécessité de juguler une « contre-révolution » toujours renaissante et toujours plus dangereuse, voire féroce.


Le rejet de la Révolution n'a pas été moins fort de la part de nombreux Français « émigrés » de l'intérieur ou de l'étranger : nobles et membres du clergé, mais aussi toute une partie de la population qui a pris peur ou s'est sentie persécutée. Certains ont lutté ouvertement contre la Révolution, dans les « armées des princes » et dans les journaux ; d'autres plus discrètement, dans les réseaux d'espionnage ou dans une résistance quotidienne.
La réalité de la Révolution n'est ni toute blanche, ni toute noire : la fin de l'année 1794, par exemple, voit des révolutionnaires disqualifiés depuis quelques mois reprendre le pouvoir, envoyer les plus radicaux à la guillotine et nouer des contacts avec certains extrémistes comme avec des modérés, voire des royalistes. Il n'est pas facile de rendre compte, au fil du temps, de ces évolutions complexes et parfois contradictoires.
À propos de ces temps d'extrême tension, tous les arguments, toutes les condamnations ne sauraient être adoptés sans précaution par l'historien. Cependant, précisément parce qu'il y a eu ces conflits d'idées qui nous concernent encore, il n'est pas possible de réduire la Révolution à une suite d'actions aveugles menées par des acteurs inconséquents. C'est en rendant compte du bruit, de la fureur et de leurs conséquences imprévisibles, mais aussi de la confrontation d'idéaux élevés, d'analyses rigoureuses et de projets chimériques, que l'on pourra tenter de faire l'histoire de cet événement majeur.

1. Origines et causes de la Révolution
1.1. Introduction

À remuer les documents d'archives qui disent le pain cher et la révolte des pauvres, les premiers historiens, tel Michelet, virent dans la misère la cause essentielle de la Révolution. « Hommes sensibles, s'écrie Michelet, qui pleurez sur les maux de la Révolution (avec trop de raison sans doute), versez donc aussi quelques larmes sur les maux qui l'ont amenée. Venez voir, je vous prie, ce peuple couché par terre, pauvre Job, entre ses faux amis, ses patrons, ses fameux sauveurs, le clergé, la royauté. Voyez le douloureux regard qu'il lance au roi sans parler. »



Les recherches entreprises par certains historiens spécialistes de la période (→ Albert Mathiez, Georges Lefebvre, Ernest Labrousse, Albert Soboul) confirment le fait, mais ne lui accordent plus la même place dans le déclenchement de 1789. La misère se développe à la fin d'un siècle, qui, dans son ensemble, est marqué par la prospérité. Les bourgeois en profitent. Ils réclament une meilleure place dans la patrie aux aristocrates, qui la leur refusent. Ils la conquièrent.

1.2. « Ce peuple couché par terre, pauvre Job » (Michelet)
À la veille de 1789, le vin, dont la vente permet à chaque paysan d'avoir les quelques sous nécessaires à la vie, est trop abondant pour se bien vendre. À cette abondance néfaste succède le malheur des terres ensemencées. Le climat se détériore et les racines des plantes gèlent à près d'un pied sous terre. Les arbres fruitiers ne portent plus que de maigres et insuffisantes récoltes. En 1785, une formidable épizootie tue peut-être la moitié du bétail du royaume, d'où un enchérissement de la laine, alors que le coton a été consacré aux uniformes des soldats partant en Amérique. De plus, le tout début de la révolution industrielle, et notamment l'introduction de nouvelles machines, rend plus aléatoire le recours au travail dans les manufactures pour les paysans les plus pauvres qui y recherchent un appoint. Enfin, l'année 1788 est marquée par un mauvais été, avec une récolte médiocre, que suivit un « grand hyver » ; le prix du blé monte alors de 50 à 100 % selon les régions entre octobre 1788 et mars 1789. Or, c'est à ce moment-là que sont rédigés les cahiers de doléances.

1.3. La crise économique
Le pouvoir d'achat des paysans s'est érodé durant le demi-siècle qui précède la prise de la Bastille. Les paysans consacrent un peu plus de la moitié de leur pouvoir d'achat à leur alimentation, à base de céréales. Or, les prix augmentent plus vite que les salaires : 50 % pour les premiers entre 1735 et 1789, contre 20 % pour les seconds. Le prix des céréales a même une tendance nette à croître nettement plus vite que celui des autres marchandises. Un pain de quatre livres vaut, au début du règne de Louis XVI, environ huit sous, mais ce prix double, et augmente même davantage lors de la guerre des Farines (1775). Or, le salaire d'un ouvrier ou d'un journalier agricole est compris entre dix et vingt sous par jour, pour 250 jours travaillés par an. Il apparaît donc que, pour les familles les plus modestes, la question du pain était d'une acuité réelle.
La crise agricole se répercute sur l'industrie et le commerce. Le paysan restreint ses achats au moment même où les riches clients s'adressent aux fournisseurs étrangers, tels les Anglais, qui vendent à meilleur prix dans une France ouverte par un traité de commerce à leurs marchandises.

1.4. Révoltes urbaines et rurales
Les foules rurales et citadines, plus nombreuses qu'au début du siècle, se mettent en branle. Le mouvement se continue à la veille et pendant la réunion des États généraux. Ainsi, à Cambrai, des pauvres assaillent et pillent les marchés ; parmi eux, la justice royale frappe. C'est le cas de Thérèse Leprêtre, « duement atteinte et convaincue d'avoir, le 7 mai, partagé sur le marché de ladite ville un sac de blé qui avait été pillé et d'avoir participé aux excès commis à l'abbaye de Premy, en avançant des pierres aux hommes qui cassaient les vitres ». Elle sera, avec d'autres, condamnée à être frappée de verges, marquée au fer rouge d'une fleur de lis et envoyée dans une maison de force.
La faim est donc le moteur du mouvement de révolte populaire, mais celui-ci aide et pénètre une révolution bourgeoise.

1.5. La bourgeoisie : « une position d'autant plus insupportable qu'elle devenait meilleure […] » (Tocqueville)
Des petits bourgeois plus riches et plus industrieux que les nobles…
La crise intervient dans un pays qui, depuis plus d'un demi-siècle, s'est enrichi. Cette richesse se voit aussi bien dans l'animation des ports de la façade atlantique, qui commercent avec les Indes orientales, qu'à l'intérieur des terres, où les entreprises textiles se multiplient. Ces affaires ont beaucoup rapporté à la bourgeoisie. Un contemporain, le marquis François Claude Amour de Bouillé (1739-1800), note ce que la recherche confirme : « Toutes les petites villes de province devenues plus ou moins commerçantes étaient peuplées de petits bourgeois plus riches et plus industrieux que les nobles. » La hausse de longue durée qui a stimulé la manufacture et le négoce a, certes, d'abord touché les prix agricoles et donné un bénéfice aux possesseurs de rente foncière, parmi lesquels les nobles. Mais le profit industriel a monté beaucoup plus vite que le profit agricole et la rente, le profit colonial plus encore que le profit industriel, à l'exception, toutefois, souligne Ernest Labrousse, du profit minier.
…mais écartés des meilleures places
Majeure économiquement, « la bourgeoisie, remarque un historien, Jean Sentou, est plus que jamais mineure sur le plan politique ». La noblesse accepte de la fréquenter dans les salons, mais elle la rejette de la direction de la cité et entend se réserver les meilleures places. « La bourgeoisie, remarque encore le marquis de Bouillé, avait dans les villes de province la même supériorité que la noblesse ; cependant elle était partout humiliée ; elle se voyait exclue, par les règlements militaires, des emplois de l'armée ; elle l'était en quelque manière du haut clergé par le choix des évêques parmi la haute noblesse et des grands vicaires en général parmi les nobles ; elle l'était de plusieurs chapitres de cathédrale.
La haute magistrature la rejetait également, et la plupart des cours souveraines n'admettaient que des nobles dans leur compagnie. Même pour être reçu maître des requêtes, le premier degré dans le Conseil d'État qui menait aux places éminentes d'intendant, et qui avait conduit les Colbert et les Louvois et tant d'hommes célèbres aux places de ministres d'État, on exigeait dans les derniers temps des preuves de noblesse. » Alors que la bourgeoisie recherche avidement des offices anoblissant, que les rois ont d'ailleurs créés à foison pour soulager leurs finances, les titres de noblesse acquis depuis peu sont annulés à deux reprises – sous Louis XIV et sous Louis XV – renforçant encore, si cela était possible, le caractère de caste du second ordre.
Le roi lui-même est à l'origine d'un mouvement de délégation de son pouvoir, par le biais des nombreux offices – « Pour un peu d'argent, on s'ôta le droit de diriger, de contrôler et de contraindre ses propres agents » (Tocqueville, l'Ancien Régime et la Révolution). De nombreux bourgeois se trouvent ainsi investis d'offices peu utiles voire inutiles au fonctionnement de l'État, qu'ils ont achetés et au nom desquels ils revendiquent une part du pouvoir qui leur échappait pourtant tout à fait.

La crise morale

       


« Une nouvelle distribution de la richesse prépare, comme le soulignera le révolutionnaire Antoine Barnave, une nouvelle distribution du pouvoir. » Les philosophes se sont faits les porte-parole des ambitions bourgeoises ; ils ont réclamé avec la liberté l'égalité des propriétaires. Ils ont aidé à la prise de conscience de la bourgeoisie. Les écrivains sont devenus les principaux hommes politiques du royaume. Leurs œuvres, leurs systèmes, leurs critiques, leurs réfutations sont discutés et participent à l'entretien de l'effervescence réformatrice. Les idées des Lumières pénètrent toutes les parties du royaume et de la société monarchique.

Ainsi, l'abbé de Véri constate que l'idée d'égalité s'insinue jusque dans l'armée, et représente une menace grave pour la monarchie : « Malheur à la nation lorsque les partis opposés voudront s'étayer des troupes. […] Le soldat raisonne et n'obéit plus en machine. Les idées d'égalité et de république fermentent sourdement dans les têtes. » Les loges maçonniques, si elles n'ont pas été un lieu de complot, ont favorisé la diffusion de l'idéal nouveau. Chez l'ensemble des acteurs de la Révolution domine un souhait, qui constitue en quelque sorte l'origine « philosophique » de la Révolution française : donner aux Français un contrat social, redonner ainsi vie à la société française.

La monarchie incapable de se réformer
Une réforme profonde du corps politique est nécessaire ; la monarchie s'y essaie. Elle n'y parvient pas. Son pouvoir s'affaiblit encore par la crise financière : les dépenses publiques sont passées de 200 à 630 millions de 1728 à 1788. Les rentrées d'argent sont faibles ; c'est non seulement le fait d'un mauvais système, mais aussi le résultat d'un état social qui dispense de tout impôt les aristocrates, possesseurs parfois de gros revenus.
L'Administration, complexe et inadaptée, est devenue inefficace ; l'intendant sans appui s'est souvent laissé gagner par la noblesse de la région qu'il contrôlait. L'armée, instrument de répression entre les mains du roi, joue difficilement ce rôle depuis que les mêmes problèmes qui hantent la société civile la préoccupent : les petits nobles rejoignent les bourgeois dans l'opposition à un système qui leur refuse avec l'avancement toutes possibilités d'amélioration sociale ; tandis que, dans la troupe, les citadins, un peu plus nombreux que jadis, contestent la discipline « à la prussienne ».
La monarchie est d'essence aristocratique ; or, les réformes nécessaires passent par la destruction des privilèges aristocratiques. La monarchie ne pourra sortir de cette contradiction.

1.6. L'aristocratie : l'impossible compromis
Des nobles encore riches…
La noblesse qui, avec le haut clergé, se livre à cette réaction aristocratique, à un exclusivisme nobiliaire qui réserve les places dans l'État, est un ordre encore riche. Elle détient une part importante du sol : 22 % dans le Nord, 31 % dans le Pas-de-Calais, 40 % en Brie. Elle possède des seigneuries qui sont un ensemble de droits assurant un prélèvement sur la récolte du paysan. Elle exerce encore parfois un pouvoir de commandement et intervient dans les échanges.
Disposant d'un surplus appréciable de denrées, des nobles réalisent, au cours du siècle, sur un marché à la hausse, où ils vendent les premiers, des profits non négligeables. Certains, comme ceux qui sont établis autour de Toulouse ou dans quelques parties de Bretagne, gèrent bien leurs terres et participent aux affaires de la bourgeoisie. Le comte de Tessé, qui est le plus grand seigneur et le plus grand propriétaire en valeur du futur département de la Sarthe, a aussi des mines, et le revenu de tous ses biens s'élèvent à 202 017 livres ! Le minimum vital d'une famille ouvrière est estimé alors à 500 livres.
Les témoignages ne concourent pas tous pour nous montrer une noblesse effrayée, en son entier, par la perte du privilège fiscal. Certains nobles se rassurent de la prise de position d'une partie de la bourgeoisie, qui reconnaît les droits féodaux comme une propriété ; en tant que telle, ceux-ci ne pourront pas être supprimés, comme des paysans le réclament, sans qu'il y ait rachat.

… quoique menacés d'appauvrissement
Mais cette noblesse connaît aussi, dans son ensemble, un appauvrissement « relatif ». Ses sources de richesses fournissent moins et moins vite que celles de la bourgeoisie. Les dépenses nombreuses, pour qui doit tenir son rang, sont plus élevées. Il y a ainsi dans la noblesse, à côté des riches, des pauvres. Toute « une plèbe nobiliaire » (Mathiez) attachée à des privilèges qui lui permettent seuls de subsister. Les riches, quant à eux, ne songent qu'à utiliser le tiers état pour mieux brider la monarchie. Il ne peut y avoir de compromis à long terme entre les ordres. L'entente ne durera que le temps de la révolte de l'aristocratie.
Après Tocqueville, Albert Mathiez et Georges Lefebvre ont souligné l'importance de cette révolte. Celle-ci bloque toute réforme véritable, résiste victorieusement au roi, mais finit, en ouvrant la voie au tiers état, qui s'en dissocie, par se retourner contre ses promoteurs.
… La noblesse de robe : opposée au roi mais conservatrice
Quant à la noblesse de robe, elle n'obéit plus au roi depuis l'époque de Louis XV, mis à part un intermède de quelques années, lorsque Maupeou a renvoyé le parlement. Or, cette noblesse de robe, qui n'hésite pas à faire grève ou à démissionner en bloc pour protester contre l'autorité royale, monopolise des charges que la machine monarchique se devait d'assumer pour faire respecter le pouvoir du roi dans l'ensemble du royaume.
La fermentation liée au jansénisme et la prétention des cours de représenter le peuple ont amené les parlements à constituer une opposition conservatrice au pouvoir royal. Opposition réelle car les magistrats affirment représenter les sujets pour contrebalancer le pouvoir d'un roi qu'ils jugent trop indépendant, et ils font appel à de très vieux souvenirs, comme ceux des champs de Mars carolingiens, pour démontrer que le roi ne peut se passer d'eux. Opposition conservatrice pourtant, car si les parlements font souvent bloc contre le roi, ils s'élèvent tout autant contre l'idée des états généraux, en tout cas jusqu'à la veille de leur convocation, quand celle-ci devient évidente : ils estiment être les seuls qualifiés pour parler au nom du peuple. Leur opposition devient subversion : par leur capacité à propager leurs propres thèses dans le public, par exemple en publiant sous forme de brochures les remontrances qu'ils adressent au roi lors des enregistrements de textes législatifs, ils répandent de façon efficace l'irrespect du pouvoir monarchique.

1.7. La « féodalité d'Ancien Régime »
Il y a donc coïncidence entre une crise conjoncturelle de l'économie et une crise plus profonde des structures sociales et politiques d'un royaume gouverné par un roi faible.
La « féodalité d'Ancien Régime », selon l'expression de l'historien Albert Soboul, qui veut ainsi marquer la différence avec la féodalité médiévale, opprime l'énergie et les capacités d'invention du tiers état. La bourgeoisie se plaint du système des « métiers », qui entrave les initiatives, interdit la création et empêche le patron de discuter librement avec le compagnon de la rémunération de son travail. Déjà Turgot, en 1775, remarquait que, « dans presque toutes les villes de notre royaume, l'exercice des différents arts et métiers est concentré dans les mains d'un petit nombre de maîtres réunis en communauté qui peuvent, seuls, à l'exclusion de tous les autres citoyens, fabriquer ou vendre les objets du commerce particuliers dont ils ont le privilège exclusif ; en sorte que les sujets qui, par goût ou par nécessité, se destinent à l'exercice des arts et métiers ne peuvent y parvenir qu'en acquérant la maîtrise à laquelle ils ne sont reçus qu'après des épreuves aussi longues et aussi pénibles que superflues, et après avoir satisfait à des droits ou à des exactions multipliées par lesquelles une partie des fonds dont ils auraient eu besoin pour monter leur commerce ou leur atelier ou même pour subsister se trouve consommée en pure perte ».
Quant au travail, l'intendant Trudaine reconnaissait, en 1768, que « le juste milieu à prendre ne peut se trouver que dans la libre concurrence entre les maîtres qui achètent le travail et les ouvriers qui le vendent ». Les commerçants dénoncent aussi les barrières douanières qui parsèment le royaume et la gêne apportée par certains seigneurs à la constitution d'un vaste marché.

La servitude de la terre
Mais la « féodalité d'Ancien Régime », c'est surtout la servitude de la terre, sur laquelle pèsent les rentes foncières inaliénables, les redevances perpétuelles, « les lods et ventes » et les dîmes. Or, la France, à l'encontre de l'Angleterre, par exemple, ou des pays de l'Europe de l'Est, est caractérisée par l'existence d'une catégorie nombreuse de paysans qui sont propriétaires de terres et qui ont à payer ces droits. Sont-ils lourds à la veille de la Révolution ?
Appauvris, certains nobles entreprennent une réaction seigneuriale qui, par la révision des « terriers », tend à une mise à jour des droits tombés en désuétude. Pour juger du poids réel de cette « féodalité » sur le paysan, on recourt, de nos jours, à des sources qui ne sont pas toujours les mêmes et qui parfois présentent mieux le poids soutenu par la terre que la dimension sociale du phénomène. Ce qui compte, c'est l'évaluation de la charge par rapport au revenu du paysan. Les réponses ne sont donc pas toujours toutes utilisables. Quand elles le sont, elles donnent l'impression d'une très grande variabilité de région à région et à l'intérieur de chaque région, dans un même terroir. La charge, souvent lourde, est d'autant plus insoutenable en années de disette. C'est pour s'en débarrasser que les paysans vont pénétrer, au côté des populations urbaines, dans une révolution bourgeoise qui, comparée à celle que connurent d'autres pays comme l'Angleterre et l'Amérique, acquiert ainsi sa spécificité.

2. 1789 : de Versailles à Paris
2.1. Spécificité de la Révolution française

En 1955, un Américain, Robert R. Palmer, et un Français, Jacques Godechot, étudiant la Révolution française, ont conclu que, pour mieux la comprendre dans ses origines comme dans son déroulement, il fallait la replacer dans le cadre d'une « Révolution atlantique ». La Révolution française s'inscrit en effet dans une chaîne de révolutions animées à des degrés divers par la bourgeoisie et qui se déroulent presque toutes en Europe occidentale et en Amérique : révolution américaine (1770-1783) ; troubles révolutionnaires en Irlande et en Angleterre (1780-1783) ; révolution aux Provinces-Unies (1783-1787) ; révolution aux Pays-Bas autrichiens (1787-1790) ; révolutions démocratiques à Genève (1766-1768 et 1782) ; révolution en France (1787-1815) ; révolution polonaise (1788-1794) ; reprise de la révolution belge avec l'aide de la France (1792-1795) ; révolution en Allemagne rhénane avec l'aide de l'armée française (1792-1801) ; reprise de la révolution à Genève (1792-1798) ; révolution dans divers États italiens (1796-1799).
Mais la thèse estompe les caractères spécifiques de la Révolution française. Si cette dernière ne peut s'isoler du reste de l'histoire européenne, elle est le produit d'une société particulière. Dans les autres pays, les conditions existent pour que la bourgeoisie parvienne à un compromis avec ses ennemis d'hier, pour que soit ainsi sauvée une partie de l'ancien mode de production et pour que se construise une démocratie favorable aux possédants. En France, au contraire, si « la bourgeoisie se serait contentée d'un compromis qui l'eût associée au pouvoir, l'aristocratie s'y refusa. Tout compromis achoppait à la féodalité » (A. Soboul).
En face de la résistance de la noblesse, il y a aussi la volonté des paysans d'en finir avec les survivances de la féodalité. L'alliance nécessaire de la bourgeoisie avec les populations urbaines et rurales conduit à l'élaboration d'une démocratie plus large et plus ouverte que dans les autres pays où s'était établi ce régime. C'est notamment cette poussée populaire qui fait de la Révolution française la Révolution de la liberté et de l'égalité.

2.2. Les états généraux
Pourquoi les états généraux ?

Lorsque le roi réunit les états généraux à Versailles, à partir du 5 mai 1789, il renoue moins avec une institution tombée en désuétude depuis 1614 qu'il n'ouvre des voies inédites à la vie politique française, tant les habitudes d'organiser une telle assemblée sont oubliées et tant cette réunion entraîne un débat inhabituel dans le pays.
Les représentants des trois corps, ou « états », ont été élus au printemps (mars-avril) – in extremis, le tiers état (les roturiers) a obtenu un nombre de députés double de celui de la noblesse ou du clergé –, mais rien n'a été prévu pour organiser les votes par la suite, et aucune question précise n'a été inscrite à l'ordre du jour. En outre, chaque communauté paroissiale et chaque corps de métier ont été appelés à rédiger des cahiers de doléances, dont les synthèses doivent être apportées à Versailles par les députés, élus au terme d'élections en cascade (suffrage à deux ou trois niveaux). Cependant, toute la société française est alors traversée par l'espoir de changements importants dans la marche du royaume.
La convocation des états généraux a été décidée le 8 août 1788 ; elle consacre en fait l'échec du gouvernement, qui n'a pas pu faire face au déficit croissant du Trésor royal, ni trouver les appuis politiques nécessaires au lancement d'une nouvelle collecte des impôts. L'échec est d'autant plus grave que la crise économique frappe de plus en plus les Français, et que la police ne réussit pas à maintenir le calme dans les rues de Paris. En avril 1789, une émeute subite contre un manufacturier, Réveillon, a causé la mort de plusieurs centaines de personnes, avant que l'ordre ne soit difficilement rétabli (→ affaire Réveillon).
Ouverture des états généraux : des aspirations divergentes
Les quelque 1 150 députés arrivent à Versailles, non sans une certaine angoisse – beaucoup de provinciaux sont ignorants de la cour et de Paris, et ont du mal à trouver où se loger. Ils attendent en général beaucoup de ces états généraux, pour lesquels ils ont été élus au terme de réunions nombreuses, et parfois de luttes vives, qui leur ont donné le sens de leurs responsabilités. Chacun se sent investi d'une mission nouvelle, mais tous ne partagent pas, évidemment, les mêmes objectifs. En Bretagne, les députés du tiers se sont affrontés aux nobles, qui ne voulaient ni modifier l'autonomie de la province ni perdre leur prééminence politique, et qui, après une rixe ayant entraîné mort d'homme (janvier 1789), ont fini par boycotter les élections aux états. Dans le Dauphiné, des mouvements de protestation avaient posé dès 1788 les revendications d'une Constitution écrite et d'une égalité devant l'impôt ; la population des villes avait appuyé ces demandes, manifestant violemment contre les troupes du roi (→ Journée des tuiles, à Grenoble, le 7 juin 1788).

Une partie de la noblesse est venue aux états généraux pour réaffirmer le rôle politique éminent dont elle estime avoir été dépossédée par l'entourage du roi. Elle veut bien accepter des réformes si ses privilèges politiques ne sont pas remis en cause. À l'occasion des élections, elle a déjà rejeté dans le tiers état nombre d'anoblis récents. Certains nobles ont lutté tant qu'ils ont pu contre le doublement des députés du tiers, finalement décidé par le roi et son ministre Necker. Les pamphlets hostiles aux aristocrates ont donc fleuri, comme celui publié par l'abbé Sieyès, Qu'est-ce que le tiers état ? qui réclame que les roturiers soient reconnus comme seuls représentants de la nation.
Les querelles commencent aussitôt entre représentants des divers ordres, qui sont différenciés par leurs habits et par leur place dans la salle des Menus-Plaisirs : les aristocrates sont proches du roi, tandis que les roturiers ne peuvent pas l'entendre. Le mécontentement s'accroît lorsque Louis XVI et ses ministres, négligeant les prétentions réformatrices de nombreux députés, assignent comme objectif essentiel aux états généraux un accroissement des impôts. Les jours suivant la séance d'ouverture, tandis que le roi pleure la mort de son fils, le dauphin Louis (1781-1789), et qu'aucune directive ne vient encadrer les travaux des députés, les antagonismes se fixent sur la vérification des mandats – le tiers voulant une vérification commune qui permette de valider le vote par tête (et non par ordre entier).

2.3. L’Assemblée nationale
Le tiers état seul représentant de la nation

Le blocage est dénoué le 17 juin, lorsque le tiers état se proclame seul représentant de la nation et prend le nom d'« Assemblée nationale », qu'il déclare ouverte aux députés des autres corps. L'Assemblée s'arroge aussitôt le pouvoir de consentir à tous les impôts, déniant au roi le droit d'exercer son veto sur les décisions qu'elle avait prises et qu'elle prendrait par la suite. Devant ce coup de force, qui rallie une majorité des membres du clergé et quelques nobles libéraux, les nobles intransigeants se liguent avec le roi.

Le serment du Jeu de paume

Le 20 juin, les députés du tiers trouvent la porte de leur salle fermée ; ils se réunissent alors dans la salle du Jeu de paume, où ils prêtent serment de ne pas se séparer avant d'avoir donné une Constitution au royaume. L'épreuve de force est commencée. Quelques jours plus tard, à la séance du 23 juin, le roi somme les députés de délibérer par ordre, séparément; à l'ordre de dispersion donné par le maître de cérémonies, le comte de Mirabeau répond, selon la légende, par la formule célèbre : « Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n'en sortirons que par la force de baïonnettes ! »

Le renvoi de Necker

       


Le 27 juin, Louis XVI fait mine de céder en invitant les ordres privilégiés à se joindre à l'Assemblée nationale. Mais, le 26 juin, il fait venir des troupes (20 000 hommes de régiments étrangers) sur la capitale, puis renvoie ses ministres jugés trop libéraux, parmi lesquels Necker, contrôleur des Finances, congédié le 11 juillet. La peur d'une répression militaire gagne les députés et les Parisiens, qui se heurtent dans les jardins des Tuileries aux soldats du régiment Royal allemand commandé par le prince de Lambesc, accusés d'avoir tué des manifestants.

La prise de la Bastille

L'effervescence grandit, les Parisiens vont chercher des armes, en trouvent au Châtelet et viennent, le 14 juillet, se masser aux portes de la prison royale de la Bastille. Après de longues heures d'échanges de coups de feu et de négociations confuses, la foule s'empare de la forteresse redoutée et en tue le gouverneur. Le roi avalise cette violence en se rendant à l'Assemblée, le lendemain 15 juillet, pour annoncer le retrait des régiments étrangers de la capitale ; le 17, il se rend à Paris et accepte la cocarde tricolore des mains du député Bailly, président de l'Assemblée nationale, qui vient d'être élu maire de la Commune de Paris. Pendant ce temps, la renommée des « vainqueurs de la Bastille » gagne la France entière. La force l'a emporté, venant au secours des réformateurs.

2.4. La Grande Peur et ses conséquences
Dans tout le pays, ce choc ébranle les autorités. Les partisans des réformes (qui s'appellent entre eux les « patriotes ») prennent le pouvoir dans les municipalités urbaines et, parfois, chassent les troupes stationnées dans les châteaux royaux. Dans les campagnes, des rumeurs incontrôlées poussent les ruraux à s'armer contre de mystérieux « brigands », accusés de brûler les récoltes. Ils forment des attroupements qui s'en prennent aux propriétaires, détruisent des titres de propriétés, dévastent des logis seigneuriaux, molestent des personnes jusqu’à parfois les tuer.
Les événements parisiens, aussi inquiétants que prometteurs, trouvent manifestement un écho qui témoigne des attentes et des craintes des ruraux français, lesquels espèrent souvent la fin des impôts, celle de la police des blés, et des terres à acheter ! Cette manifestation de psychose collective, que l'on a appelée la « Grande Peur », se répand du 20 juillet au début d'août dans presque toute la France – n'y échappent guère que la Bretagne, l'ouest de l'Aquitaine, la Lorraine et l'Alsace.
Pour en savoir plus, voir l'article la Grande Peur.

La nuit du 4 août 1789

Elle provoque en retour, à Versailles, au sein des ordres privilégiés, le sentiment qu'il faut abandonner d'urgence des principes devenus caducs. Le 4 août, sous la poussée d'une poignée de nobles libéraux (dont le vicomte de Noailles et le duc d'Aiguillon), et dans l'effusion générale, l'Assemblée décrète la fin des privilèges et la destruction complète du régime féodal.
D'un seul coup, sans aucune préparation, toutes les habitudes sociales sont jetées à bas dans la confusion. Le clergé perd ses ressources (en l'occurrence son impôt, la dîme), et les seigneurs lâchent leurs droits honorifiques, obtenant toutefois que leurs droits de propriété soient rachetables. Évidemment, l'abolition des privilèges mécontente toute une partie de la noblesse, dont certains représentants éminents (comme les frères du roi) émigrent ; mais elle déçoit également les paysans, qui comprennent que leurs charges ne sont qu'allégées.
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen

Cette liquidation du passé débouche logiquement sur la recherche de nouvelles bases sociales. Une discussion complexe s'engage sur une Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (dans le sillage des déclarations adoptées par les États américains quelques années plus tôt) ; elle est votée le 26 août. Placée sous les auspices de l'« Être suprême » (principe supérieur de raison et de vertu), la France admet dorénavant que tous ses habitants sont « libres et égaux en droits » et qu'ils détiennent la souveraineté du pays. Louis XVI devient « roi des Français », la religion catholique perd son statut de religion d'État : l'Assemblée nationale a ainsi réalisé une véritable révolution politique.

Louis XVI prisonnier du peuple de Paris

Pourtant, rien n'est réglé. La cour résiste, la reine Marie-Antoinette jouant un rôle manifeste dans ce refus. Des troupes sont rappelées autour de Paris ; certains officiers sont accusés d'avoir foulé aux pieds la cocarde tricolore – mêlant les couleurs bleue et rouge de la capitale à la couleur blanche de la royauté –, qui est devenue l'emblème des patriotes après le 14 juillet. Dans le camp opposé, les députés de l'Assemblée nationale ont réussi, difficilement, à faire accepter l'idée que le pouvoir législatif soit exercé par une Chambre unique et n'ont accordé au roi qu'un droit de veto « suspensif » par rapport aux décisions de la Chambre (septembre 1789). Le roi repousse la signature des décrets qui promulguent ces changements, alors que la crise économique frappe toujours le petit peuple, qui ne mange pas à sa faim.
Une foule de Parisiens et de Parisiennes se rend au château de Versailles et l'envahit, le 5 octobre, tuant quelques soldats. Au soir du 6, après avoir avalisé les mutations politiques, le roi est contraint de revenir à Paris avec le cortège des émeutiers. Désormais, Louis XVI peut se considérer – c'est le point de vue qu'il adoptera – comme prisonnier du peuple de Paris.
Ainsi, en quelques mois, la violence a fait basculer la France dans une aventure politique dont les enjeux sont énormes et les règles inconnues. À partir d'octobre 1789, les Français vont prendre conscience d'être entrés dans une ère nouvelle, qui dépasse les débats sur la monarchie constitutionnelle : la Révolution.

3. L'Assemblée nationale constituante
3.1. Nouveaux principes
L'Assemblée nationale a été proclamée constituante le 9 juillet 1789 (elle siégera jusqu'au 30 septembre 1791). Ses membres, qui ne se considèrent plus comme les députés de l'« Ancien Régime » – la formule commence à être employée à la fin de 1789 –, appliquent immédiatement leur volonté de modifier l'organisation politique et sociale du royaume : c'est dans cette perspective qu'ils entament la rédaction de la Constitution.

Le principe de la « souveraineté du peuple » étant admis, la question de la division des pouvoirs vient au centre du débat. Les éléments les plus radicaux l'emportent : le projet de la Chambre unique est adopté, contre l'avis des modérés, qui souhaitaient une Chambre haute, à l'image de la Chambre des lords britannique, pour tempérer les changements – proposition rejetée car elle risquait de réintroduire une hiérarchie sociale jugée inacceptable. Par la suite, les députés affirment la supériorité de la Chambre sur le roi. Louis XVI, dorénavant « roi des Français », régnera « par la grâce de Dieu et la loi constitutionnelle de l'État ». Le corps législatif, composé de 745  députés, élus pour deux ans, établira et votera le budget et les lois, et décidera avec le roi de la paix et de la guerre ; le monarque ne disposera que d'un droit de veto suspensif, renouvelable deux fois sur une même loi.

Le mode électoral
Les élections seront régies par un système censitaire, ouvert aux hommes de plus de 25 ans payant en impôt l'équivalent de trois journées de salaire ; sont exclues du suffrage les femmes, et toute une population flottante de travailleurs urbains occasionnels et de pauvres journaliers – qui deviennent des citoyens « passifs », par opposition avec les électeurs, citoyens « actifs ». Surtout, ne peuvent être éligibles que les personnes qui paient un minimum de 50 F d'impôts, ou qui possèdent un bien évalué à 150 journées de travail. Ces distinctions, qui mettent en cause le sens même de la Révolution, soulèvent immédiatement un débat national.

Nouvelle organisation territoriale
À partir de 1790, l'organisation administrative, judiciaire et militaire de la nation est remise en chantier. Quatre-vingt-trois départements, de superficie sensiblement équivalente et dénués de tout privilège, remplacent les anciens découpages provinciaux.
Cette mutation touche toutes les dimensions de la vie collective, et bouleverse toutes les organisations préexistantes. Les responsabilités administratives sont attribuées par élection entre candidats compétents, choisis par les citoyens éligibles constitués en « assemblées primaires ».
Une nouvelle hiérarchie judiciaire est mise en place dans les départements, qui déconstruit le réseau complexe et disparate des anciens tribunaux royaux et seigneuriaux au profit d'une organisation uniforme sur l'ensemble du territoire. La réforme judiciaire s'accompagne d'une révision importante de la marche de la justice. Les peines sont mises en relation avec la gravité des délits, et l'usage de la torture et les punitions corporelles sont abolies.
L'organisation religieuse est également profondément touchée : les biens de l'Église sont confisqués (2 novembre 1789) pour être mis à la disposition de la nation. Une telle décision marque la volonté de mettre à contribution l'ordre le plus riche du pays et d'affaiblir les ordres monastiques décriés.

3.2. La question religieuse
Alors que cette attaque contre les ordres monastiques ne provoque pas de véritable réaction, la réorganisation de l'Église – mise en œuvre par la Constitution civile du clergé, votée le 12 juillet 1790 – met le feu aux poudres. Privé de ses ressources propres, le clergé est pris en charge par la nation, qui alloue des salaires à ses membres, mais exige en contrepartie la prestation d'un serment de fidélité. La Constituante procède à un redécoupage des paroisses et des évêchés (dont certains disparaissent), pour les mettre en harmonie avec les communes et les départements. Ce sont les citoyens des assemblées primaires qui élisent désormais les clercs ; et les évêques reçoivent l'investiture spirituelle non plus du pape – qui est seulement informé de leur élection –, mais de leur archevêque.
Cette organisation remet en cause unilatéralement le concordat de 1516, au moment où les propriétés du Saint-Siège, en Avignon, sont agitées par une campagne populaire violente en faveur de leur rattachement à la France. Elle installe le régime dans des difficultés internationales graves, même si le pape ne réagit pas dans l'immédiat. Les membres du clergé français ne peuvent trouver de moyen terme : ils doivent tout accepter ou tout refuser. Après des hésitations et de nombreux débats, un peu plus de la moitié des clercs acceptent de prêter serment à la Constitution civile (nombre d'entre eux reviendront sur cette acceptation par la suite), les autres s'y refusant. Pratiquement tous les évêques sont dans ce dernier cas, ainsi que la majorité des prêtres des régions de l'Ouest, du Nord-Ouest, de l'Est et de la bordure méridionale du Massif central.
La rupture ne se fait pas seulement au gré des opinions individuelles, mais aussi, dans de nombreux cas, en fonction de courants collectifs. Dans l'Ouest notamment, les ruraux sont violemment hostiles à la Constitution civile du clergé, qu'ils accusent de provoquer un schisme éloignant d'eux leurs « bons prêtres ». Dans le Midi, où protestants et catholiques cohabitent difficilement,

 
 
 
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