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LA PEAU

 

LA   PEAU


 par Ursula Lenseele, Daniel Schmitt dans mensuel n°351 daté mars 2002 à la page 50 (2915 mots)
Une simple enveloppe ? Vision ô combien réductrice ! La peau est un organe à part entière. Barrière, mais aussi lieu d'échanges, elle assure des fonctions multiples. Ne va-t-on pas jusqu'à lui attribuer, chez l'homme, le qualificatif de « cerveau étalé » ? Sans compter l'importance sociale que lui confère son exposition aux regards.

Tous les animaux ont-ils une peau ?
Pas exactement : au sens strict, la peau est l'apanage des seuls vertébrés. Pour désigner l'ensemble des tissus qui recouvrent un animal quel qu'il soit, on parlera de téguments. Parmi ces derniers, quelle variété ! Chez les organismes unicellulaires, il s'agit de la membrane cellulaire et du revêtement qu'elle peut sécréter : la paroi de nombreuses bactéries, par exemple, leur confère une forme bien définie. Quant aux invertébrés, leur tégument est une couche de cellules épithéliales, faite de plusieurs types de cellules comme les cellules sensorielles ou les glandes. Elle peut porter des cils, voire des épines, et secréter des revêtements qui vont du manteau muqueux des anémones ou des méduses à la cuticule rigide et articulée des insectes. Cette dernière est en quelque sorte un squelette externe, dur et composé de plusieurs couches de chitine, auquel sont attachés les muscles. Les vertébrés, eux, ont un squelette interne, et c'est leur peau, faite de deux couches principales - épiderme et derme -, qui assure l'interface avec le milieu aquatique ou aérien. Certains vertébrés sont restés marins, d'autres ont conquis le milieu aérien, et leur peau s'est adaptée. Aussi ceux des amphibiens qui sont restés aquatiques ont-ils une peau fine, recouverte de mucus. Leurs congénères terrestres ont au contraire une peau plus épaisse, cornée. Quant aux reptiles, encore plus affranchis de l'eau, leur peau très épaisse va jusqu'à recevoir, parfois, des contributions osseuses du derme. Ils ont, au cours de l'évolution, donné naissance aux oiseaux recouverts de plumes, indispensables à la régulation de la température interne. Enfin, avec la peau élastique des mammifères, foin de plumes et place aux poils, là encore selon une échelle très variable : peau glabre chez les cétacés comme les dauphins, très poilue chez les ours polaires.

La peau : barrière ou lieu d'échanges ?
Contrairement à des idées reçues qui eurent longtemps la vie dure, la peau n'est pas qu'une simple enveloppe : c'est aussi un lieu d'échanges. Certes, elle joue le rôle de contenant en empêchant que les liquides vitaux comme la lymphe ne s'échappent du corps. Chez l'homme, les cellules cornées et le film hydrolipidique - mélange de sueur et de sébum sécrétés par des glandes distinctes - se révèlent, à cet égard, très efficaces. Elle joue également le rôle de barrière immunitaire via certaines de ses cellules, les cellules de Langerhans. Celles-ci, les premières à se trouver au contact d'un micro-organisme infectieux, migrent ensuite vers les ganglions les plus proches pour présenter les antigènes étrangers aux lymphocytes, et les activer. Mais la peau est aussi un lieu d'échanges considérables, absolument vitaux pour certaines espèces. C'est le cas des amphibiens. Même si l'adulte fait l'acquisition de poumons, il garde une capacité à respirer par la peau, héritée du temps où il était larve. Lisse, nue, très fine et recouverte d'un mucus gluant, cette peau laisse pénétrer l'oxygène qui va gagner les vaisseaux sanguins localisés en surface. Elle est aussi perméable à l'eau dans les deux sens. Mais le mucus, qui préserve son humidité, empêche l'évaporation et évite la déshydratation due au vent et au soleil. D'autres animaux utilisent la peau de façon annexe pour respirer. Le turbot, par exemple et plus généralement les poissons plats dépourvus d'écailles, pompe 30 % de l'oxygène dont il a besoin par cette voie ! Faculté qui lui permet de résister à l'appauvrissement du milieu en oxygène, voire à... sa mise hors de l'eau. La peau joue aussi un rôle dans les échanges de chaleur, notamment chez les animaux homéothermes comme les mammifères qui doivent garder leur température constante. Enfin, n'oublions pas la capacité qu'ont les substances lipidiques à franchir cette barrière, propriété qui intéresse au plus haut point l'industrie pharmaceutique : là réside l'intérêt des patchs, dont les molécules diffusent à travers la peau et sont absorbées plus lentement par l'organisme que des médicaments ingérés.

Qu'est-ce que la chair de poule ?
En amont, se trouve le frisson, réponse au froid de la plupart des espèces à sang chaud, dont la température est indépendante de celle du milieu ambiant. La contraction des muscles sous-cutanés provoque alors une augmentation de la température au niveau de la peau. Puis apparaît la chair de poule, résultat de la contraction des muscles horripilateurs situés au niveau du sac dans lequel se trouve le poil. Qui dit contraction, dit gonflement, d'où la petite bosse caractéristique à la surface de la peau. En même temps, le gonflement de ce sac fait que le poil se dresse. Un souvenir du temps où l'homme était beaucoup plus poilu et où, comme d'autres animaux à fourrure et à plumes, il pouvait contrôler l'épaisseur de la couche d'air emprisonnée dans ses phanères en tirant parti de l'érection de sa pilosité pour s'isoler du froid... Fourrure et plumes ne sont pas les seuls moyens mis en place par les homéothermes pour se protéger du froid. N'oublions pas la couche de graisse sous-cutanée ! Elle est primordiale chez les animaux aquatiques comme le phoque.

Pourquoi transpire-t-on ?
Lorsqu'il fait chaud, les animaux à sang chaud cherchent à abaisser la température de leur peau. Les grandes oreilles des éléphants leur sont bien utiles pour se rafraîchir ! Quatre mètres carrés recto verso, parcourus par un important réseau de vaisseaux sanguins : voilà qui représente une considérable surface d'échange avec l'air. C'est donc en battant des oreilles que l'éléphant abaisse sa température sanguine. Un système original, mais loin d'être le plus répandu : chez de nombreuses espèces, on observe un mécanisme de refroidissement par évaporation d'eau. A quel niveau ? Les poumons ou la peau. On parle alors de halètement ou de sudation. L'eau peut aussi provenir de la salive et être répartie sur le corps par léchage comme chez le rat, ou de l'urine, comme chez certains oiseaux tropicaux. L'éléphant encore lui utilise l'eau de son bain, et le nombre important de ses rides cutanées fait que l'humidité y perdure plus que sur une peau lisse. Et la sudation ? Elle n'est utilisée que par quelques mammifères seulement, dont l'homme, les équidés et les camélidés. Avec ses 500 à 1 000 glandes sudoripares/cm2, l'homme détient un record quantitatif et qualitatif. Car, lorsque les glandes sudoripares ne sont présentes qu'à certains endroits bien spécifiques, comme la pulpe digitale chez les chats, la sueur est bien peu efficace en matière de refroidissement... C'est qu'elle a aussi d'autres fonctions. Il y a en effet deux types de glandes sudoripares : les glandes eccrines et les glandes apocrines. Ce sont les premières qui, réparties sur tout le corps, sécrètent une sueur qui forme un film aqueux à la surface de la peau et la protège des agressions. Lorsque la température devient supérieure à 37 °C ou en cas d'effort musculaire intense, c'est cette sueur qui joue le rôle de régulateur thermique. Les glandes apocrines, elles, ne sont localisées qu'en certains points du corps aisselles, aine, anus chez l'homme. La production de sueur par ces glandes ne répond pas à une stimulation thermique mais à des stimuli émotionnels importants ou à des hormones sexuelles. Chez l'homme, leur rôle n'est pas bien connu, mais chez les autres mammifères, elles sont impliquées dans la reconnaissance olfactive entre individus et jouent parfois un rôle dans la sexualité - comme chez le célèbre putois.

La peau se renouvelle-t-elle ?
« Il était un pauvre serpent qui collectionnait toutes ses peaux : l'Homme. » En l'occurrence, Jean Giraudoux avait tort. Car même si l'on n'y pense pas de prime abord, l'homme, comme tous les mammifères, voit sa peau constamment renouvelée ! Ce sont les cellules basales de l'épiderme qui, en migrant, remplacent les cellules mortes en surface, perdues par desquamation. C'est qu'il y a, dans les follicules pileux des mammifères adultes, des cellules souches multipotentes capables d'engendrer toutes les lignées cellulaires épithéliales de la peau. Ce sont elles qui donnent naissance, tout au long de la vie de l'animal, aux cellules basales de l'épiderme, et assurent son renouvellement. Elles, également, qui interviennent dans le processus de cicatrisation. En cas de blessure, la peau est en effet capable de s'autoréparer, soit par la migration de cellules basales de l'épiderme sain, soit par la migration de cellules souches en provenance des follicules pileux. Voilà qui ouvre de nouvelles perspectives dans les cas de cicatrisation difficile. On peut imaginer déposer, sur la plaie, des molécules capables d'orienter ces cellules souches vers leur différenciation en épiderme. Et s'en servir aussi, peut-être, pour reconstruire une peau de qualité chez les grands brûlés.

Tous les animaux ne renouvellent pas leur peau de cette manière progressive. Pour grandir, les reptiles se défont de leur peau lors de la mue. Lors de ce phénomène, les cellules germinatives de l'épiderme se multiplient pour former une nouvelle couche de cellules kératinisées qui va se placer sous l'ancienne. Un liquide visqueux, la lymphe, diffuse alors sous cette dernière. Le passage de la lymphe et l'action d'enzymes créent un espace qui sépare l'ancienne couche cornée de la nouvelle, et l'animal peut alors quitter sa vieille peau. Les tortues et les crocodiliens muent par petits lambeaux, les lézards en plusieurs grands morceaux, les serpents en une seule fois.

Comment et pourquoi fabrique-t-on de la peau artificielle ?
La peau est le premier tissu à avoir été reconstruit en laboratoire. Au cours des années 1970, l'Américain Howard Green dépose des cellules épidermiques dans des boîtes en plastique contenant des milieux nutritifs. Il observe alors que non seulement les cellules ne meurent pas, mais qu'au contraire elles se multiplient pour donner un épiderme stratifié. Les scientifiques parviennent ensuite à mettre en culture d'autres cellules cutanées comme les mélanocytes et obtiennent un épiderme qui ressemble à de la peau d'embryon. Puis une équipe française découvre qu'en plaçant cette peau à l'interface air-liquide une couche cornée faite de plusieurs assises de cellules mortes se forme spontanément. C'est précisément ce type d'épiderme de culture qui est utilisé pour greffer les grands brûlés. Dans un premier temps, un pansement de collagène, qui sert d'équivalent dermique et va boucher les plaies, est placé sur la brûlure nettoyée. Parallèlement, des cellules épidermiques prélevées par biopsie sur des tissus non brûlés sont mises en culture. A partir de deux centimètres carrés de tissu, on obtient en quinze jours une surface totale d'un mètre carré. Les lambeaux d'épiderme sont alors agrafés sur le pansement de collagène. Le derme, lui, se reconstituera de lui-même après plusieurs années.

Mais il est aussi possible de reconstituer, en laboratoire, la peau dans son entier : l'épiderme avec ses différentes cellules kératinocytes, mélanocytes, cellules de Langerhans, le derme avec ses fibroblastes qui vont synthétiser le collagène et l'élastine, des vaisseaux sanguins, des cellules immunitaires et des éléments nerveux. On sait même y mettre des embryons de poils. Cette peau reconstruite avec plusieurs types cellulaires n'est pas utilisée dans les greffes de peau, où l'on ne greffe que de l'épiderme. Elle est mise à profit en cosmétologie et en pharmacologie. Débarrassée de sa couche cornée elle devient, du coup, une muqueuse, elle permet, par exemple, de tester la pénétration du virus du sida et l'efficacité des médicaments antiviraux. Dans le domaine des allergies, cette peau artificielle permet d'évaluer les réactions allergiques cutanées à divers produits et, dans le cas de l'eczéma, de tester différentes solutions pour éviter que les cellules de Langerhans ne migrent vers les ganglions et ne déclenchent la réaction allergique. Par ailleurs, tout ce que l'on apprend sur la reconstitution cutanée sert à élaborer des protocoles de reconstitution d'autres muqueuses ou d'autres épithéliums, comme celui des intestins.

Le contact est-il essentiel ?
La peau est l'organe du toucher, le deuxième sens après la vue en termes d'informations traitées par le cerveau. Ce sont les terminaisons des fibres nerveuses situées dans la peau, les récepteurs sensoriels, qui vont réagir à la pression, à la température ou à la douleur. Toutes les parties du corps n'ont pas la même sensibilité car elles ne possèdent pas le même nombre de récepteurs tactiles. Chez l'homme, ces récepteurs sont plus nombreux au niveau de la paume des mains, de la pulpe des doigts, et du visage, qu'au niveau du dos. Ces récepteurs vont traduire, en ce qui concerne le toucher, l'intensité, la force et la durée de la pression qu'ils subissent. L'information est ensuite transmise au cortex cérébral, au niveau de l'aire sensitive corticale qui est la projection précise de tous les points du corps. Le cerveau élabore alors une réponse au stimulus détecté par les récepteurs tactiles.

Le toucher est un sens vital, qu'il soit manuel ou autre. C'est, par exemple, grâce à un léchage intensif que certains animaux mettent en route les fonctions vitales de leur progéniture. Mais le toucher est essentiel dès avant la naissance : les contacts in utero sont indispensables aux petits des mammifères. Le psychologue américain Harry Harlow, spécialiste du développement et du comportement humain, avait démontré, dans les années 1960, l'importance du contact chez les bébés singes. Les contacts physiques permettent au prématuré de développer et de structurer les connexions nerveuses de l'encéphale et l'amènent ainsi au même niveau de développement que le bébé né à terme. Le contact cutané représente, de plus, une forme de développement de l'identité. Lors d'hospitalisations prolongées, la privation du contact physique avec la mère et le manque de stimulus peuvent plonger l'enfant dans un véritable état dépressif. Plus tard, le toucher continue à avoir une grande importance : il acquiert notamment une fonction sociale, qu'illustre par exemple la poignée de main. Cette fonction sociale n'est pas l'apanage des primates. On la retrouve, sous une forme ou une autre, chez nombre d'animaux, les orques, par exemple, à la peau très sensible. Lors de la parade nuptiale, ils se frottent contre les galets. Cela n'est pas signe de démangeaisons dues à de quelconques parasites dont ils essaieraient de se débarrasser, mais fait partie du rituel amoureux.

La peau reflète-t-elle nos états d'âme ?
Peau et système nerveux ont une origine embryonnaire commune, puisqu'ils proviennent tous deux de l'ectoderme. En quelque sorte, la peau est un peu comme un « cerveau étalé ». Sous l'angle neurobiologique, elle a gardé quelques propriétés du système nerveux. Et sous l'angle psychanalytique, elle pourrait révéler des troubles psychologiques plus ou moins enfouis dans l'inconscient.

C'est l'observation de l'évidence d'un lien entre certaines maladies cutanées et le stress psoriasis, acné... qui a relancé, ces dernières années, la recherche de liens entre peau et système nerveux. Comme la peau est innervée, on a réalisé qu'elle renfermait des neuromédiateurs dès la découverte de ceux-ci. Mais, jusqu'à une date récente, on leur avait conféré un rôle uniquement sensitif ou neurovégétatif. Ce n'est que depuis une vingtaine d'années qu'on a commencé à comprendre que les fibres nerveuses sécrètent des neuromédiateurs dans des circonstances variées, et qu'ils jouent un rôle dans l'inflammation, dans l'immunité et dans toutes les fonctions cutanées. Puis on a découvert, il y a moins de dix ans, que les cellules cutanées produisaient elles aussi des neuromédiateurs. Aujourd'hui, on sait que tous les types de cellules de la peau en sont capables. Prudence cependant, car pour l'instant, ces résultats n'ont été obtenus qu' in vitro. In vivo, l'incertitude demeure : quand et comment y a-t-il production ? Une relation difficile à étudier, en raison de l'instabilité des neuromédiateurs.

Aujourd'hui, les chercheurs savent que le système nerveux contrôle de nombreuses fonctions cutanées et que des anomalies de ce contrôle sont à l'origine de maladies cutanées ou vont aggraver ces maladies. Certaines maladies de peau peuvent donc avoir une composante psychosomatique, qui doit être recherchée. Si elle est diagnostiquée, la prescription de psychotropes ou une psychothérapie peuvent être un complément utile au traitement dermatologique. L'état de la peau serait donc le reflet de nos agitations. Ce type de recherche présente un grand intérêt pour l'industrie. Peut-on rêver qu'un jour l'application d'une pommade suffira à nous déstresser ?

La peau est-elle un objet symbolique ?
La peau humaine est un organe visible et, comme tel, un élément essentiel du paraître. Elle est le support de certaines formes de communication entre les hommes, et entre les hommes et leurs dieux, notamment par la réalisation des tatouages, pratique universelle vieille de 40 000 ans. Les tatouages sont associés à de multiples religions : c'est un moyen de dialogue avec le monde des divinités, une protection contre les mauvais esprits... Ce rituel se différencie de la scarification, incision qui aboutit à une cicatrice en creux ou en relief, et sculpte la peau foncée alors que le tatouage utilise les pâleurs de la peau claire. Les scarifications sont notamment réalisées dans les rites de passage à l'âge adulte. Le tatouage pratiqué aujourd'hui en Occident se dégage de toute symbolique religieuse, mais participe au langage social. Langage qui inclut aussi le maquillage, l'usage du parfum, la coiffure... ou le bronzage, qui a pris son essor au XXe siècle lorsqu'il a cessé d'être la preuve de l'obligation de participer aux travaux paysans pour devenir le témoin de la capacité du « bronzé » à se payer des vacances au soleil.

La peau joue un autre rôle extrêmement important du point de vue du paraître : il est le premier organe à montrer des signes de vieillissement. Car avec l'âge, les fibroblastes synthétisent moins de collagène, et les fibres élastiques cessent de se former après cinquante ans. La lutte contre le vieillissement cutané est presque aussi vieille que les rides elles-mêmes : elle est déjà mentionnée sur les papyrus égyptiens !

Par Ursula Lenseele, Daniel Schmitt

 

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LE SYSTÈME IMMUNITAIRE

 


Le système immunitaire

back to basic - par Laure Schalchli dans mensuel n°301 daté septembre 1997 à la page 90 (3001 mots)


Des millions d'anticorps et un grand principe : pour reconnaître l'étranger, encore faut-il se connaître soi-même

La masse du système immunitaire est comparable à celle du foie ou du cerveau. Mais il est éparpillé dans tout l'organisme. En font partie les globules blancs circulant dans le sang, dans la lymphe et imprégnant les tissus. Les principales cellules de l'immunité sont les lymphocytes, qui sont les globules blancs majoritaires dans le sang. Un homme adulte en contiendrait quelque deux mille milliards. Mais il existe beaucoup d'autres cellules impliquées dans l'immunité : globules blancs polynucléaires, monocytes ou macrophages, mastocytes, cellules dendritiques.

Le système immunitaire c'est aussi une série d'organes et de tissus dits lymphoïdes : les ganglions, la moelle des os, la rate, les amygdales, les végétations, l'appendice et des tissus associés au tube digestif et aux poumons en font partie. S'y ajoute le thymus, un organe situé dans le thorax derrière le sternum, qui grossit jusqu'à la puberté puis s'atrophie à l'âge adulte.

Toutes les cellules impliquées dans l'immunité prennent naissance dans la moelle des os. Certains lymphocytes se différencient dans le thymus. Puis ils migrent dans le sang et la lymphe et séjournent temporairement dans la rate, les ganglions, en se concentrant à proximité de la peau et des muqueuses, partout où le risque de pénétration d'intrus est grand. En permanence, le système immunitaire assure l'intégrité de l'organisme face aux substances étrangères, aux bactéries, aux virus, aux parasites.

Quand a-t-il été découvert ?
Le 14 mai 1796, un médecin de Berkeley, Edward Jenner, fait une expérience capitale. Il prend au mot une croyance populaire, selon laquelle une maladie de la vache cowpox , maintenant appelée vaccine peut rendre l'homme réfractaire à la variole. Il introduit du pus d'une femme atteinte de la maladie bovine dans le bras du jeune James Phipps, un enfant de 8 ans en parfaite santé. Six semaines plus tard, il injecte au garçon du pus d'un malade atteint de variole. James Phipps reste en bonne santé. La vaccination est née.

Un peu plus de quatre-vingts ans plus tard, Louis Pasteur fournit un début d'explication au succès de Jenner. En injectant à des poules de vieilles souches atténuées de bacilles du choléra, Pasteur et Emile Roux les protègent d'une infection ultérieure par le même microbe, mais pas par d'autres germes. Pasteur répète l'expérience, entre autres, avec des bacilles du charbon inactivés par la chaleur. On trouve ici les propriétés essentielles des réactions immunitaires : la vaccination ne protège que contre l'agent vaccinant spécificité, la protection est complète efficacité, le vaccin protège pendant des années, voire toute la vie mémoire.

Peu après, le zoologiste et microbiologiste russe Ilya Mechnikov propose sa théorie « cellulaire » de l'immunité, qui fait intervenir des cellules spécialisées. Pour la première fois, il suggère que l'inflammation n'est pas une composante nocive de la maladie, mais une réaction de l'organisme qui tend à protéger le malade. C'est au tournant du siècle que la réaction immunitaire est rattachée à l'apparition dans le sang de protéines spécifiques, les anticorps. En 1890, l'Allemand Emil von Berhing et le Japonais Shibasaburo Kitasato isolent les premiers d'entre eux, des substances solubles capables de neutraliser les toxines diphtérique et tétanique.

Qu'est-ce qu'un anticorps ? Comment est-il fabriqué ?
Le nom d'abord, anticorps, vient de ce que cette substance reconnaît le corps étranger et s'y fixe. On ne parle pas d'anticorps sans parler de son partenaire obligé, l'antigène, nommé ainsi parce que c'est justement... le « générateur » d'anticorps. L'antigène est le composé qui, quand on l'introduit dans l'organisme, provoque la formation d'anticorps spécifiques dirigés contre lui. La définition se mord la queue.

Les anticorps sont des protéines solubles présentes dans le sang. On les appelle également immunoglobulines. Elles sont fabriquées par un type particulier de globules blancs, les lymphocytes B. Le sang humain en contient une quantité énorme : un litre recèle environ soixante-dix grammes de protéines, dont dix à vingt grammes d'immunoglobulines.

Un casse-tête a dès le départ préoccupé les immunologistes. Un anticorps reconnaît de façon extrêmement fine et spécifique un antigène. Or il existe, dans la nature, un nombre indéfini d'antigènes. Le système immunitaire peut donc produire des anticorps contre n'importe quoi, y compris des substances créées par l'industrie chimique du XXe siècle.

Pour l'expliquer, on a d'abord pensé que les anticorps s'adaptent à l'antigène injecté, qu'ils « apprennent » sa forme en s'y modelant. Ce modèle, dit instructionniste, a été défendu jusqu'à la fin des années 1950. Il a été détrôné par celui de la « sélection » des anticorps : une diversité énorme d'anticorps existe bel et bien dans l'organisme. L'arrivée d'un antigène sélectionne ceux qui le reconnaissent et s'y fixent. Un processus somme toute très darwinien. Le modèle de la sélection supposait cependant de résoudre un problème de taille : la fabrication de millions d'anticorps différents, bien plus que le nombre total de gènes disponibles dans les chromosomes.

Deux phénomènes génétiques exceptionnels, qui ont lieu dans les lymphocytes, assurent une telle diversité. Ils ont été découverts pendant les années 1970. Le premier est un « remaniement » du génome. Chaque anticorps est codé par un gène unique, construit à partir de plusieurs pièces détachées : au moins trois tronçons génétiques différents, choisis parmi plus d'une centaine, sont coupés et placés bout à bout. De plus, l'assemblage des tronçons est assez imprécis. Ce jeu de combinaisons permet de produire une diversité considérable d'anticorps, libérés par autant de lymphocytes différents. Des chiffres ont été avancés, très divers eux aussi : un million, dix milliards...

Le second processus laisse encore les généticiens perplexes. Certaines portions des gènes codant les anticorps mutent à une vitesse impensable dans le reste du génome. Le taux de mutation peut y être jusqu'à dix millions de fois plus élevé. Ce mécanisme, qui entraîne une augmentation extrême de la diversité, touche les anticorps déjà sélectionnés par l'antigène. Il a lieu dans les lymphocytes activés, en réponse à l'antigène, et se solde par la production et la sélection d'anticorps encore plus « performants ».

Notons enfin que contrairement à une simplification abusive, chaque antigène est reconnu par de nombreux anticorps différents. Et vice versa : un même anticorps reconnaît plusieurs antigènes. Les immunologistes parlent de dégénerescence de la reconnaissance.

Pourquoi rejette-t-on les greffes ?
Parce que l'organe greffé contient des composants, plus exactement des protéines, qui n'existent pas dans le corps du receveur. Le système immunitaire détecte ces protéines étrangères et détruit les tissus qui les portent.

Ces protéines spéciales sont appelées « molécules d'histocompatibilité » du grec histos , tissu. Elles ont des propriétés étonnantes. Normalement, à l'intérieur d'une espèce, donc chez l'homme, les protéines varient peu d'une personne à l'autre, sauf anomalie génétique. Dans le cas des molécules d'histocompatibilité, pour une seule protéine - c'est-à-dire pour un seul gène - on peut trouver plus de cent versions différentes dans la population. Comme ces protéines sont de surcroît assez nombreuses quelques dizaines, deux individus pris au hasard ont très peu de chances de porter les mêmes. Les protéines d'histocompatibilité sont ainsi de très bons marqueurs du « soi » biologique. Dernière particularité, toutes les cellules de l'organisme exhibent ces protéines à leur surface. A quelques exceptions près : les spermatozoïdes en sont dépourvus ; les globules rouges aussi, ce qui facilite les transfusions...

Ces protéines sont codées par un groupe de gènes, le « complexe majeur d'histocompatibilité » CMH. Qui est effectivement fort complexe et très étudié par les immunologistes et les généticiens. Il contient au moins une cinquantaine de gènes différents, mais seulement certains dits de classe I et II interviennent dans la reconnaissance du soi. Chez l'homme, on appelle souvent ces protéines HLA human-leucocyte-associated antigens , parce qu'elles ont été découvertes par hasard sur les globules blancs les leucocytes. On les distingue par des lettres : HLA A, B, C, E, F, G, DP, DQ, DR... Deux vrais jumeaux ont exactement les mêmes HLA. Deux frères et soeurs ont moins d'une chance sur seize d'hériter d'un lot identique. Connaissant la répartition des différentes formes de HLA dans la population, on estime que cette probabilité tombe à un sur 40 000 pour deux personnes prises au hasard.

D'autres protéines jouent un rôle mineur dans le rejet des greffes. Elles sont très variées et la liste est loin d'être close. L'une d'entre elles, « HY », est présente uniquement chez les hommes, car elle est codée par un gène situé sur le chromosome Y. Résultat : une femme rejette le rein ou le coeur d'un homme, même s'ils ont les mêmes HLA.

Comment le système immunitaire détecte-t-il les intrus ?
Dans les années 1970 a été faite une découverte étonnante : le système immunitaire n'est pas capable d'identifier les composés étrangers tels quels. Il ne reconnaît le « non-soi » que s'il est associé aux marqueurs du « soi » : les antigènes ne sont vus que s'ils sont portés, présentés par les protéines d'histocompatibilité. Tout est affaire de coopération entre cellules.

Très schématiquement, la reconnaissance de la plupart des bactéries qui pénètrent dans l'organisme se déroule de la façon suivante. En permanence, des sentinelles abondantes dans la peau, les muqueuses et les ganglions, les cellules dendritiques et les macrophages, captent les intrus et les ingèrent. Les antigènes bactériens sont digérés, fragmentés, puis exhibés à la surface de ces cellules. Ils n'y sont jamais exposés seuls, mais nichés au sein des protéines d'histocompatibilité. C'est sous cette forme que le système immunitaire les reconnaît. La reconnaissance est assurée par les lymphocytes : tous portent à leur surface des molécules semblables aux anticorps, mais ancrées sur la cellule. Ceux qui fixent spécifiquement l'antigène intrus sont sélectionnés et se multiplient. Entrent d'abord en jeu les lymphocytes T, baptisés ainsi parce que leur maturation se fait dans le thymus, puis les lymphocytes B, qui produisent les anticorps.

Autre cas possible : l'organisme est envahi par des virus. C'est la cellule infectée qui présente directement aux lymphocytes des fragments du virus, lovés dans les protéines du soi.

Lorsqu'un antigène a été reconnu une première fois, le système immunitaire s'en souvient. La mémoire repose sur des cellules à durée de vie extrêmement longue : elles - ou leurs descendantes - restent dans la rate, dans les ganglions, pendant des mois ou des années, prêtes à se réveiller si l'antigène réapparaît. En revanche, la très grande majorité des lymphocytes ne vivent que quelques jours : après avoir été activés et s'être multipliés à très grande allure pendant la réponse immunitaire, ils meurent en masse, se suicidant en réponse à des signaux externes. On ignore complètement ce qui permet à certains d'échapper à l'hécatombe.

Comment les détruit-il ?
L'organismerépond généralement à l'invasion de bactéries ou de virus par de la fièvre, puis par une réaction inflammatoire : le lieu de l'infection devient rouge, douloureux, gonflé. Les tissus infectés libèrent des substances chimiques qui dilatent les vaisseaux, provoquent un afflux de sang, attirent les globules blancs. Ces derniers affluent et détruisent les bactéries ou les cellules infectées. Si l'on entre dans les détails de la réponse immunitaire, l'affaire se complique très vite. Entrent en jeu une panoplie de cellules qui communiquent soit par contact physique, soit en libérant dans leur voisinage des signaux chimiques.

Les anticorps neutralisent les bactéries ou leurs toxines en les agglutinant et en activant contre elles des enzymes sanguines, regroupées sous le nom de système du complément. Mais ce n'est que l'une des armes du système immunitaire. L'entrée de bactéries provoque un recrutement en cascade. Les lymphocytes T « auxiliaires » ou CD4 activent les lymphocytes B, qui se multiplient et sécrètent les anticorps. Un seul lymphocyte peut en produire plus de dix millions par heure. D'autres cellules, les polynucléaires et les macrophages, ingèrent et tuent les microbes. La lutte contre les virus ou contre certaines bactéries se développant à l'intérieur des cellules fait intervenir d'autres acteurs, les lymphocytes T tueurs ou CD8. Ces derniers reconnaissent directement les cellules infectées et les tuent en y déclenchant un programme interne de suicide.

D'où viennent les maladies auto-immunes ?
La question est loin d'être vraiment résolue. Dans ces maladies, le système immunitaire s'attaque aux propres éléments de l'organisme : les cellules du pancréas dans certains diabètes, la gaine des neurones dans la sclérose en plaques, les globules rouges dans certaines anémies... L'élément déclenchant reste assez mystérieux. Un point est sûr : nous produisons tous des anticorps et des lymphocytes dirigés vers les constituants du corps humain. Certains pensent même que c'est indispensable à l'équilibre du système immunitaire. Mais en temps normal, ces lymphocytes sont inactifs.

Très tôt, durant la vie embryonnaire, le système immunitaire apprend à devenir tolérant vis-à-vis de ses propres constituants. Dans le thymus de l'embryon, beaucoup de lymphocytes dirigés contre les constituants du corps sont éliminés. D'autres sont simplement « muselés », empêchés d'agir on parle d'anergie des lymphocytes. L'hypothèse actuelle est que pour entrer en jeu un lymphocyte a besoin de recevoir au moins deux signaux. D'une part, il lui faut reconnaître l'antigène, présenté par une cellule adéquate. D'autre part, il doit recevoir en même temps un signal délivré par la cellule présentatrice, par contact direct ou sous forme d'une substance soluble. Dans l'embryon, ce second signal ferait défaut, ce qui entraînerait la mort ou l'anergie de tous les lymphocytes reconnaissant les constituants du corps.

Cette « éducation » du système immunitaire se poursuit à l'âge adulte. L'organisme fabrique en permanence des lymphocytes dirigés contre ses propres constituants. C'est la présence ou l'absence du second signal - qui reflète peut-être le danger associé à l'antigène - qui aiguillerait le système vers la tolérance ou vers la réaction immunitaire. Certaines maladies auto-immunes ont été associées à des HLA particuliers. La présentation de l'antigène par telle ou telle molécule d'histocompatibilité pourrait favoriser l'activation des lymphocytes dirigés contre les constituants du corps. Une autre piste est qu'une infection virale peut modifier la présentation des antigènes du soi et induire certains lymphocytes à y réagir.

Pourquoi un corps étranger comme le foetus est-il toléré par la mère ?
C'est ce qu'on appelle le « privilège immunitaire », qui profite d'ailleurs aussi aux cellules cancéreuses. Il n'existe pas d'explication unique à ce phénomène.

Pour le foetus, le scénario suivant est avancé. Lorsque l'oeuf se niche dans l'utérus, ses enveloppes ne portent pas les protéines d'histocompatibilité HLA classiques ; il échappe ainsi au rejet de greffe. Cependant, les cellules sans HLA sont normalement détruites par une catégorie spéciale de cellules immunitaires, les cellules tueuses naturelles, qui reconnaissent l'absence du soi. Et l'utérus en regorge. L'embryon échapperait à la destruction car ses enveloppes portent un autre type de protéines HLA, appelées HLA-G, qui agissent comme des immunosuppresseurs.

Quant aux cellules cancéreuses, elles produisent des antigènes anormaux qui devraient également entraîner leur destruction par le système immunitaire. Peut-être y échappent-elles par le mécanisme décrit ci-dessus. Leur furtivité pourrait aussi être liée au fait que ce ne sont pas de bonnes « présentatrices » d'antigènes : elles ne délivreraient pas le second signal adéquat. Autre hypothèse : les cellules cancéreuses libèrent des signaux captés par les cellules immunitaires, les poussant à un suicide anticipé ou rendant leur réponse inefficace. Ces hypothèses ne sont pas exclusives : l'homme évolue avec ses tumeurs depuis des millions d'années, aux cours desquelles a dû s'instaurer un dialogue complexe entre ces dernières et le système immunitaire.

D'où viennent les allergies ?
Ce sont des réactions immunitaires exacerbées - et surtout mal aiguillées. Leur nom fait référence à cette réponse particulière du grec allos , autre, et ergon , travail. La rougeur, l'oedème, les démangeaisons sont dus à la libération dans la peau, dans les muqueuses du nez, dans les bronches, de grandes quantités de substances chimiques responsables de l'inflammation, en particulier de l'histamine. Ces substances font partie intégrante d'une réponse immunitaire normale, mais la machine s'est emballée.

Même si seulement 10 à 20 % des personnes s'en plaignent, tout le monde est plus ou moins allergique. C'est une question d'équilibre dans la réponse immunitaire. Un antigène peut, une fois qu'il a été reconnu par les lymphocytes T auxiliaires, donner lieu à deux réponses différentes. Schématiquement, la première voie recrute les lymphocytes tueurs et permet le rejet des greffes ou la lutte antivirale. La seconde, mise en jeu dans la lutte contre les parasites et beaucoup de bactéries, favorise la formation d'anticorps. Ces voies ont été baptisées TH1 et TH2 pour T helper 1 et 2, parce qu'elles sont mises en route par deux types de lymphocytes auxiliaires, qui émettent des signaux différents. Dans l'allergie, la balance penche vers TH2, et en particulier vers la production d'un type d'anticorps appelé IgE pour immuno- globuline E. Ces anticorps stimulent la libération explosive de l'histamine et d'autres signaux par des cellules spécialisées, les mastocytes.

Certains antigènes - comme ceux des pollens des graminées, qui donnent le rhume des foins - sont plus propices à la production d'IgE. Mais l'allergie est aussi une question de prédisposition génétique : certaines personnes sont plus disposées à répondre par l'une ou l'autre des deux voies immunitaires.

Les éponges, les oiseaux, les végétaux ont-ils un système immunitaire ?
Tout dépend de ce qu'on appelle immunité. Les éponges ou les colonies de coraux sont capables de rejeter un élément étranger. Il s'agit d'un système de reconnaissance du non-soi, mais qui n'a rien à voir avec l'immunité assurée par les lymphocytes. De même, les plantes, les insectes peuvent réagir à un agresseur en relarguant des substances toxiques antibiotiques, protéines. Mais il n'y a pas de reconnaissance précise de l'antigène.

Ce type d'immunité non spécifique, sans mémoire, a bizarrement été qualifiée de « naturelle » ou d'« innée ». Elle correspond, chez l'homme, à l'action des cellules tueuses naturelles, des macrophages ou du complément.

Des molécules, dont la structure est proche de celle des anticorps, ont été retrouvées chez les vers nématodes ou les insectes. Mais cela n'implique pas une parenté de fonction. L'immunité spécifique ou « adaptative » apparaît chez les vertébrés. Presque tous ont un système immunitaire avec des anticorps. A une exception près : on n'en a pas retrouvé chez les vertébrés les plus primitifs, les poissons sans mâchoires ou agnathes, comme la lamproie. Les poissons, les batraciens, les reptiles, les oiseaux ont un thymus. La coopération entre lymphocytes, qui permet la maturation de la réponse immunitaire, atteint son efficacité maximale chez les mammifères.

Par Laure Schalchli

 

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TUBERCULOSE

 

Paris, 27 janvier 2016
Tuberculose : découverte d'une étape critique de l'évolution du bacille vers la pathogénicité

C'est la disparition d'un glycolipide de l'enveloppe bactérienne, au cours de l'évolution, qui aurait considérablement augmenté la virulence des bacilles de la tuberculose chez l'Homme. Des chercheurs du CNRS, de l'Institut Pasteur et de l'université Toulouse III – Paul Sabatier1 ont montré que cette disparition a entrainé une modification des propriétés de surface de Mycobacterium tuberculosis, favorisant son agrégation en « corde », et augmentant sa pathogénicité. Ces résultats, qui permettent de mieux connaitre les mécanismes liés à l'évolution et à l'émergence des bacilles de la tuberculose, sont une avancée majeure dans la compréhension de cette maladie. Ils sont publiés dans la revue Nature Microbiology le 27 janvier 2016
La tuberculose est une maladie bactérienne chronique causée par l'agent infectieux Mycobacterium tuberculosis. En 2014, 9,6 millions de cas de tuberculose et 1,5 million de décès ont été recensés dans le monde, classant cette maladie au second rang des causes de décès dus à un agent infectieux unique (OMS, 2015). Pour combattre cette maladie, il est nécessaire de mieux comprendre les facteurs et mécanismes favorisant sa propagation.

Les étapes évolutives, et adaptations génétiques associées, qui ont permis aux bacilles de la tuberculose de coloniser l'Homme restent peu connues à l'inverse d'autres maladies infectieuses comme la peste ou le typhus. Pour aborder cette question, les chercheurs se sont intéressés à un autre type de bacille, Mycobacterium canettii, connu pour causer de rares cas de tuberculose et pour être génétiquement proche de l'ancêtre de M. tuberculosis. Les chercheurs ont observé que les colonies2 de ces bactéries sont très différentes de celles des bacilles de la tuberculose. Alors que sur milieu solide les colonies de M. tuberculosis sont sèches, rugueuses et fripées, celles de M. canettii sont muqueuses et collantes. Dans un milieu de culture liquide, les premières sont fortement agrégées en forme de corde alors que les secondes se désolidarisent complétement.

En étudiant des mutants spontanés de M. canettii formant des colonies fripées, les chercheurs ont montré que le changement d'aspect des colonies a été provoqué par une recombinaison entre deux gènes impliqués dans la production d'un glycolipide de l'enveloppe bactérienne. En étudiant précisément l'organisation génétique de cette région chez les bacilles de la tuberculose, les scientifiques ont pu démontrer qu'une recombinaison similaire s'était produite chez l'ancêtre de M. tuberculosis. Cette recombinaison conduit à l'inactivation de la voie de biosynthèse du glycolipide et donc à sa disparition à la surface des bacilles. Les chercheurs ont montré que cette disparition induit chez M. canettii une modification des propriétés de surface et favorise ainsi son agrégation en « corde », de la même manière que chez M. tuberculosis. Enfin, en utilisant différents modèles animaux et cellulaires de l'infection, les chercheurs ont établi que cette modification de l'enveloppe bactérienne provoque un changement des interactions avec les cellules de défense de l'hôte et une augmentation de la virulence de M. canettii.

Cette découverte constitue une étape essentielle dans la compréhension de l'origine et de l'émergence du bacille de la tuberculose. Les chercheurs vont continuer à étudier M. canettii et M. tuberculosis afin de déterminer les facteurs bactériens et les réponses immunitaires induites par ces facteurs qui ont contribué au succès de M. tuberculosis en tant que pathogène majeur de l'homme.

Notes :
1 De l'Institut de pharmacologie et de biologie structurale (CNRS/Université Toulouse III - Paul Sabatier), de l'Unité Pathogénomique mycobactérienne intégrée de l'Institut Pasteur et du Centre d'infection et d'immunité de Lille (CNRS/Inserm/Université de Lille/Institut Pasteur de Lille) ainsi qu'un chercheur de l'université de Melbourne.
2 Une colonie est une masse de cellules ou de micro-organismes, qui se développe dans un milieu de culture. Ce milieu peut être solide ou liquide.

 

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ALZHEIMER

 

LA MÉMOIRE ET L'OUBLI


L'Alzheimer : l'oeil du neuropsychologue


la mémoire et l'oubli - par Jocelyne de Rotrou et Annie Gosselin dans mensuel n°344 daté juillet 2001 à la page 50 (2767 mots) | Gratuit
Votre mémoire vous joue des tours. Oh, pas grand-chose, mais... Ces quelques oublis de ces dernières semaines vous inquiètent. Et si c'était l'Alzheimer ? Le réseau d'évaluation qui conduit du généraliste au neuropsychologue hospitalier s'attache à faire la part des choses entre déficits mnésiques dus à l'âge, et troubles potentiellement graves.

Al'échelon mondial , toutesles études consacrées au vieillissement démographique attestent du même phénomène : dans la population globale, le nombre de personnes âgées plus de 60 ans et très âgées plus de 75 ans augmente de façon continue. D'un peu moins de 600 millions à la fin des années 1990, la population âgée dépassera le milliard en 2025. Dans les pays développés, à 60 ans, on a en moyenne devant soi quinze à vingt-cinq ans d'existence. Vivre vieux n'est pas inquiétant en soi, mais le devient lorsqu'on perd son autonomie. Or, la survenue de démences* liées à l'âge est un facteur de dépendance.

Parmitoutes les démences, la maladie d'AlzheimerI est la plus fréquente de 50 % à 70 %. Il s'agit d'une affection du système nerveux central caractérisée par l'installation progressive de lésions neuropathologiques spécifiques : les dégénérescences neuro-fibrillaires et les plaques séniles. Ces lésions sont associées à la détérioration progressive des fonctions cognitives : facultés d'attention-concentration, perception, mémoire, langage et intelligence. Cette maladie est actuellement diagnostiquée trop tard. Méconnue à ses débuts, elle est trop souvent confondue avec d'autres affections en particulier les états anxio-dépressifs, voire ignorée, les dysfonctionnements cognitifs étant considérés « normaux pour l'âge ». Pour un expert, le problème actuellement n'est pas tant de porter un diagnostic clinique de maladie d'Alzheimer au stade démentiel que d'identifier cette maladie au stade prédémentiel ou préclinique. Avant l'expression avérée de la démence, le patient expérimente une série de difficultés cognitives dont les troubles de la mémoire se révèlent les plus précoces et les plus constants. Mais tout trouble de mémoire n'est pas annonciateur de maladie d'Alzheimer. Ces dernières années, différents travaux ont évoqué le concept de MCI mild cognitive impairment 1 pour désigner une population particulière de personnes qui présentent une diminution mineure du fonctionnement cognitif sans retentissement sur les activités de la vie quotidienne. Sans préjuger d'une étiologie, ce concept a le mérite de renforcer les notions, mieux documentées aujourd'hui, de « stades prédémentiel et démentiel », de « risque » de développement de la maladie ou de « conversion », à plus ou moins longue échéance.

Questions clés. Comment différencier les troubles cognitifs normalement associés à l'âge des signes précoces de la maladie d'Alzheimer ? Comment détecter, parmi les sujets MCI, ceux qui développeront une maladie d'Alzheimer ? Quelles sont les modalités de prise en charge des troubles cognitifs - du trouble cognitif normal pour l'âge à la détérioration cognitive globale ? Peut-on prévenir la maladie d'Alzheimer ? Telles sont les principales interrogations en ce domaine. Elles sont au centre des préoccupations des cliniciens de l'hôpital Broca. Dès 1986, le Pr Françoise Forette a ouvert au public la première consultation- mémoire implantée dans un service hospitalier. En 1994, sous la responsabilité du Dr Anne-Sophie Rigaud, cette consultation s'est doublée d'un hôpital de jour d'évaluation gérontologique, qui répond aux critères d'un centre expert en gériatrie. C'est en référence à notre expérience de terrain et à une réflexion théorique plus générale que nous apportons quelques éléments de réponse aux questions évoquées.

Réserve cognitive. De multiples travaux scientifiques consacrés au vieillissement des fonctions cognitives confirment les difficultés observées et rapportées par les personnes âgées elles-mêmes. Un consensus se dégage pour admettre que, schématiquement, ce sont les « ressources de traitement » qui sont généralement affectées par l'âge : ressources attentionnelles, mémoire de travail, vitesse de traitement2. A partir de 50 ans, en moyenne, certains types de mémoire deviennent moins efficaces que d'autres. Comparativement aux populations plus jeunes, la mémoire explicite et la mémoire de travail diminuent de façon significative alors que la mémoire implicite ne s'altère pas ou peu. Ce sont ces deux types de mémoire qui impliquent le plus de ressources attentionnelles, qui sollicitent le plus les processus dits contrôlés, par opposition aux processus automatiques. Par mémoire explicite, on entend le rappel consciemment exprimé d'informations sémantiques « Londres est la capitale de l'Angleterre » ou épisodiques « J'ai passé des vacances à Londres, l'année dernière ». La mémoire de travail, elle, se réfère au stockage temporaire d'informations et à leur manipulation mentale simultanément à l'exécution de tâches cognitives. Dans la vie quotidienne, son bon fonctionnement se traduit par la capacité, par exemple, à faire plusieurs choses en même temps sans erreur. Cela signifie résister à la distraction, c'est-à-dire contrôler les interférences, éliminer les éléments non pertinents et intégrer de nouveaux éléments pertinents par rapport au but poursuivi. Si la manipulation des informations en mémoire de travail s'effectue moins rapidement chez les personnes âgées, elles ne vont toutefois pas commettre d'erreurs, ou en commettre peu. Ce ralentissement ne retentit donc pas sur leur autonomie fonctionnelle.

Le niveau d'expertise atteint dans un domaine donné et la consolidation de cette expertise par une sollicitation adaptée permettent aux adultes âgés dont le cerveau est sain soit de préserver leurs fonctions, soit de développer des capacités de compensation, dans le domaine considéré. Par exemple, un comptable de 80 ans, s'il compte moins vite qu'un comptable jeune, compte mieux qu'un autre adulte du même âge ou plus jeune qui n'a pas l'habitude de compter. Ces capacités de compensation - ou « réserve cognitive » - ont pour effet, dans un domaine donné, de masquer les difficultés, de retarder leur apparition, d'atténuer leur intensité. En pratique clinique courante, ce sont elles qui permettront de faire la différence entre sujets normaux et patients porteurs de lésions dégénératives. Les personnes âgées normales, qui, dans la vie quotidienne, compensent spontanément, savent, dans une situation de tests, tirer parti des aides fournies par l'expérimentateur. Chez un patient atteint de la maladie d'Alzheimer, le déclin sera de moins en moins compensé, la maladie affectant non seulement la mémoire explicite et la mémoire de travail, mais également la réserve cognitive. Le patient ne bénéficie pas ou peu des aides auto-activées chez les sujets normaux dans la vie quotidienne, ou utilisées avec efficacité en situation de tests. Chez ce patient, les tests dits « de double tâche » qui consistent à faire deux choses en même temps, par exemple barrer des signes tout en répétant des séries de chiffres montrent non seulement un temps d'exécution anormalement long mais aussi la présence d'erreurs tout à fait caractéristiques : le patient va omettre des éléments, en ajouter ou privilégier l'une des tâches au détriment de l'autre.

Comment évalue-t-on le fonctionnement cognitif ? L'examen s'effectue en deux temps : d'abord, de façon assez schématique auprès du médecin traitant, au moyen d'échelles dites globales ; puis, si le médecin traitant le juge nécessaire, au moyen de tests neuropsychologiques plus élaborés, au sein d'une structure hospitalière.

Evaluation schématique. Le médecin traitant dispose de deux outils. L'instrument de référence s'appelle le MMS mini mental state 3 . Il s'agit d'un questionnaire évaluant, entre autres, la capacité du patient à se rappeler trois mots immédiatement après les avoir entendus, à soustraire par séries de 7 et à effectuer un rappel différé des trois mots précédemment entendus, sa maîtrise du langage et ses capacités visuo-constructives. Le score varie de 0 à 30. Un score global inférieur à la valeur - seuil pour l'âge et le niveau socio-éducatif est un élément péjoratif. De tous les items du MMS, le plus sensible à la maladie d'Alzheimer est le rappel différé des trois mots, ainsi que nous l'avons confirmé lors d'une étude réalisée a posteriori sur 62 patients venus consulter à l'hôpital Broca. 91 % des 22 patients normaux répètent deux ou trois mots, tandis que 71,43 % des 21 patients atteints de maladie d'Alzheimer ne répètent aucun mot ou un seul. Les chevauchements sont naturellement importants pour les MCI.

Un deuxième instrument utile au médecin traitant est le MIS memory impairment screen 4 . Il s'agit de se rappeler 4 mots après les avoir encodés à partir de leur catégorie sémantique. Le rappel est demandé après que le sujet a effectué une tâche différente par exemple, compter et, en cas d'échec, l'indice sémantique est fourni. Le score varie de 0 à 8 voir l'enca- dré : « Un test classique ». Nous avons comparé les scores des mêmes sujets, au MMS et au MIS, en considérant cet item du rappel différé. L'ensemble des résultats confirme que la sensibilité à une tâche interférente est un paramètre crucial pour différencier les sujets normaux - dont les troubles de mémoire sont dus au vieillissement - des patients atteints de maladie d'Alzheimer. Une étude portant sur un plus grand nombre de sujets est en cours, sous la direction de Gian Franco Dalla Barba Inserm U324.

Examen poussé. Aucun de ces deux tests ne permet à lui seul de différencier les populations, et leur usage ne peut être qu'une première étape, permettant notamment d'étayer la décision du médecin traitant d'orienter ou non son patient vers une structure spécialisée. L'examen neuropsychologique plus élaboré qui y est pratiqué permet d'évaluer l'ensemble des fonctions cognitives, de même que l'humeur, le comportement, l'autonomie fonctionnelle dans la vie quotidienne. Alors seulement, on peut émettre des hypothèses fiables quant à l'existence sous-jacente d'une maladie d'Alzheimer. Le suivi des patients âgés montre, en effet, que certains troubles cognitifs peuvent être réversibles. Il s'agit généralement de troubles isolés, souvent dans des contextes d'états anxieux ou dépressifs. Ils s'amendent avec la normalisation de l'état psychologique ou thymique. Lorsque les troubles cognitifs persistent, la probabilité pour qu'ils soient dus à une affection autre que l'anxiété ou la dépression est plus forte figure ci-dessus. Il faut souligner que des perturbations autres que mnésiques, par exemple des troubles de l'attention, des troubles des fonctions exécutives ou des troubles psychologiques, sont présentes chez certains patients dès le stade initial de la maladie d'Alzheimer. Si, en pratique clinique courante, un examen neuropsychologique doit évaluer l'ensemble des fonctions cognitives, l'examen de la mémoire demeure primordial. L'un des tests de référence à cet égard, utilisé à l'échelon international, est le test de Grober et Buschke5 le MIS en est la version abrégée. Le test consiste en trois rappels libres et indicés, puis un rappel différé, d'une liste de 16 mots appartenant à 16 catégories sémantiques différentes. Lors d'une étude menée à l'hôpital Broca6, nous avons mis en évidence sa forte puissance de discrimination entre patients normaux et patients atteints de la maladie d'Alzheimer, mais son moindre pouvoir de discrimination entre patients normaux et patients MCI, ou patients MCI et patients atteints de la maladie d'Alzheimer. Il est certain que l'évaluation neuropsychologique contribue de façon substantielle au diagnostic clinique de maladie d'Alzheimer. Toutefois, cette évaluation ne permet pas, à elle seule, de porter ce diagnostic. On y adjoint un examen neuroradiologique, fonctionnel et clinique.

Prédire la maladie ? Dans une approche non plus de diagnostic, mais de prédictibilité de la maladie d'Alzheimer dans une population MCI, seule une approche multidisciplinaire incluant des facteurs médicaux, cognitifs, fonctionnels, neuroradiologiques, génétiques et biologiques, permet d'identifier un risque fort ou faible de conversion dans la maladie d'Alzheimer. Aucun de ces facteurs pris isolément ne peut être utilisé dans ce but, même pas les facteurs cognitifs, quand bien même ils se révèlent les plus fiables de tous les facteurs prédictifs de la maladie7. Ces approches multidisciplinaires demeurent aujourd'hui du domaine de la recherche et ne peuvent être pratiquées que dans des centres experts. Sous la responsabilité du professeur Bruno Dubois, vingt centres français participent actuellement à une étude dont l'objet est la validation d'un outil prédictif pour le diagnostic de la maladie d'Alzheimer. Cette étude porte sur 300 patients qui seront suivis pendant trois ans.

Porter un diagnostic n'est pas une fin en soi. S'il est important de porter un diagnostic précoce, c'est en vue d'une prise en charge précoce. La maladie d'Alzheimer étant multifactorielle, il ne peut donc encore exister de traitements étiologiques. Mais les traitements pharmacologiques symptomatiques constituent néanmoins de réels progrès. L'inhibition de l'acétylcholinestérase* est aujourd'hui la stratégie médicamenteuse privilégiée. Trois inhibiteurs tacrine, rivastigmine et donepezil sont aujourd'hui communément prescrits par les gériatres, neurologues, et psychiatres. Un quatrième la galantamine sera bientôt disponible. De façon complémentaire aux traitements médicamenteux, la prise en charge de la maladie d'Alzheimer doit aussi comporter une approche psychologique et psychopédagogique, qui ne peut qu'optimiser le résultat thérapeutique global. Deux grandes orientations d'intervention sont aujourd'hui bien tracées, avec les approches de type rééducation et celles de type stimulation cognitive, psychologique et sociale.

Modèle théorique. Le principe de la rééducation cognitive se réfère aux modèles de la neuropsychologie cognitive. En référence à un modèle théorique, le neuropsychologue effectue un bilan aussi exhaustif que possible du fonctionnement cognitif du patient. Ce bilan permet d'objectiver non seulement les déficits mais également les capacités préservées, dans le but d'appliquer des stratégies rééducatives appropriées à la spécificité de chaque trouble. Certaines de ces approches sont inspirées par les modalités de prise en charge des syndromes amnésiques liés à des lésions circonscrites après un traumatisme crânien ou un accident vasculaire cérébral, par exemple. Les techniques utilisées s'apparentent à certains égards à celles d'un entraînement de laboratoire, du fait des aspects spécifiques et répétitifs inhérents d'ailleurs à toute rééducation. Ce type de prise en charge présente un intérêt théorique certain, dans la mesure où il procure des informations sur les capacités du patient dément dans un domaine spécifique. Mais il est limité du fait de sa dépendance à un modèle théorique forcément réducteur, qui ne prend pas en compte les capacités de réorganisation fonctionnelle des patients dans toutes les activités de la vie quotidienne.

Approche globale. Dans une perspective plus globale et pragmatique, nous avons développé, à l'hôpital Broca, une méthode différente, conçue comme un plan d'intervention cognitive, psychologique et sociale, de soutien au patient et à son entourage. Il s'agit d'approches multidimensionnelles, adaptées au degré d'intensité des troubles, que nous intitulons « programmes de stimulation cognitive ». La stimulation cognitive8,9 est un concept global qui intègre trois sortes de facteurs, des facteurs cognitifs, psychologiques et sociaux. En ce qui concerne les patients, il s'agit d'un ensemble de méthodes psychopédagogiques sous forme d'applications pratiques, en correspondance avec les situations pragmatiques de la vie quotidienne, et regroupées dans des séances. Ces séances sont collectives, bihebdomadaires dans notre expérience et permettent de créer une dynamique de groupe favorable aux échanges sociaux et au renforcement de liens relationnels. Les patients se retrouvent à intervalles réguliers au même endroit et avec les mêmes personnes. Ces réunions évitent l'isolement, facilitent la socialisation, le sentiment d'appartenance à un groupe. Une séance réunit 8 à 10 patients encadrés par plusieurs thérapeutes qui modulent la difficulté des applications pratiques en fonction du degré de l'altération cognitive. De ce fait le patient bénéficie d'une approche personnalisée à la fois individuelle et collective. Il s'agit d'une application pédagogique, aux antipodes d'un entraînement mécaniciste. Mais parce que, plus que dans toute autre maladie, le tandem patient-famille ou patient-soignant est à considérer au quotidien dans le cas d'une maladie d'Alzheimer, l'accompagnement psychopédagogique des aidants revêt une importance primordiale. C'est pourquoi, outre l'intervention auprès du patient, un programme de stimulation cognitive comporte trois autres volets : une formation des familles et des soignants qui vont apprendre comment prolonger au quotidien l'action entreprise par les thérapeutes, comment prévoir les situations de crise ou comment y faire face ; un soutien psychothérapique des patients, des familles et des soignants ; une intégration dans un projet thérapeutique plus global. Lorsque les moyens ne sont pas réunis pour assurer une prise en charge multidimensionnelle patient-famille ou patient-soignant, la formation des aidants et leur soutien psychologique sont prioritaires10.

Education cognitive. Aborder le problème de la prise en charge des troubles cognitifs conduit de façon naturelle à aborder le problème de la prévention de tels troubles. Si nul ne sait aujourd'hui prévenir des lésions, on peut essayer de prévenir les symptômes : l'influence du niveau socio-éducatif et des acquis prélésionnels dans les performances aux tests, ou plus globalement dans les comportements cognitifs de la vie quotidienne est indéniable. Cette argumentation justifie l'intérêt croissant pour l'éducation cognitive, c'est-à-dire l'acquisition des stratégies cognitives susceptibles d'optimiser le fonctionnement cognitif, et cela à tout âge. Les chercheurs et les cliniciens sont, aujourd'hui, en mesure de proposer des méthodes pédagogiques d'optimisation des facultés d'attention, de concentration, de langage, de mémoire, adaptées à l'âge. Ces méthodes sont appliquées dans des programmes d'éducation et de stimulation cognitives, intitulés PAC programmes d'activités cognitives ou encore « ateliers cognitifs ». Si le vieillissement démographique suscite des inquiétudes du fait de l'accroissement avec l'âge des pathologies démentielles, les avancées majeures réalisées ces dix dernières années laissent émerger l'espoir de réponses efficaces, tant dans le domaine de l'évaluation des troubles cognitifs que dans le domaine de leur prise en charge.

Par Jocelyne de Rotrou et Annie Gosselin

 

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