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Les promesses de l’immunologie
09.07.2015, par Louise Mussat
Système immunitaire Réponse du système immunitaire face à une infection : ce macrophage engloutit des bactéries qui attaquent l’organisme.
Dr. D PHILLIPS/VISUALS UNLIMITED/CORBIS
Auteur d’un récent ouvrage sur l’immunologie, Philippe Kourilsky, professeur émérite au Collège de France et ancien directeur de l’Institut Pasteur, évoque les succès, les échecs et les espoirs de cette discipline dont il est l’un des grands spécialistes mondiaux.
L’immunologie existe au moins depuis le XIXe siècle. Pourtant, dans votre livre Le Jeu du hasard et de la complexité, vous parlez de la « nouvelle science de l’immunologie ». Pourquoi ?
Philippe Kourilsky1 : J’y souligne que la biologie n’est pas que la science de la vie. C’est aussi la science de la survie. Il ne suffit pas de naître et de vivre. Il faut survivre face aux innombrables hasards qui peuvent nous détruire. Pour moi, il faut élargir l’immunologie à l’ensemble des défenses naturelles de l’homme. Il ne s’agit plus seulement d’étudier celles qui combattent les agents pathogènes (virus, bactéries, champignons…), mais également celles qui s’attaquent incessamment aux « ennemis de l’intérieur », à savoir, aux innombrables erreurs commises par nos cellules au sein de l’organisme. Les plus communes, mais ce ne sont pas les seules, se produisent dans les cellules lors de la réplication de leur ADN. Ces mutations peuvent conduire au développement de cancers.
La plupart du temps, cette surveillance fonctionne plutôt bien…
P. K. : Notre organisme est une machine particulièrement robuste et performante en effet. Il est très probable que nous développions régulièrement (tous les mois, peut-être ?) des mini-cancers et toutes sortes d’infections bénignes. Nous ne nous en rendons pas compte parce que notre système immunitaire parvient la plupart du temps à s’en débarrasser, grâce à toutes sortes de contrôles de qualité qui corrigent les défaillances. Ainsi, on n’observe la tumeur cancéreuse que lorsque le système a échoué. C’est un peu comme dans l’aviation : on remarque les failles de l’ingénierie lorsqu’il y a un crash, mais on a tendance à oublier à quel point les systèmes de contrôles des avions sont efficaces. L’avion est le plus sûr des moyens de transport.
Système immunitaire Réponse du système immunitaire face à la bactérie provoquant la tuberculose : les globules blancs (ici en rouge) entourent les bactéries.
Dr. V. BRINKMANN/VISUALS UNLIMITED/CORBIS
Alors pourquoi le système échoue-t-il de temps en temps, face à ces « ennemis de l’intérieur », notamment dans les cancers ?
P. K. : Parce que le système peut être débordé, ou contourné, et qu’il peut lui-même commettre des erreurs. Il faut en général une bonne demi-douzaine de mutations pour qu’une cellule parvienne à échapper à tout contrôle et se multiplie de façon anarchique. Une mini-tumeur se développe alors. L’organisme peut parvenir à s’en débarrasser. Mais si, par hasard encore une fois, de nouvelles mutations se produisent au sein de cette tumeur, cela facilite son échappement. Dans un jeu du chat et de la souris, elle va chercher à déjouer le système immunitaire, à produire des cellules plus agressives et à leurrer son environnement afin de grandir davantage. Si le cancer reste si difficile à soigner, c’est aussi parce qu’il ne s’agit pas d’une seule et même maladie. Parler « du » cancer est un abus de langage. Il y a quasiment autant de cancers que de types cellulaires. Pour chacun, il faut donc apporter une réponse spécifique. Cela implique de bien connaître le cancer auquel on a affaire. Ce qui est très loin d’être aisé…
Si le cancer reste si
difficile à soigner,
c’est aussi parce
qu’il ne s’agit pas
d’une seule et
même maladie.
La chimiothérapie et les rayons ne sont pas très spécifiques…
P. K. : C’est pour cela que l’on développe d’autres techniques. L’immunothérapie, par exemple, vise à stimuler les défenses immunitaires du patient. Cela consiste à lui administrer des anticorps spécifiques, dirigés contre telle ou telle catégorie de tumeur. On peut aussi procéder en prélevant, dans les tumeurs cancéreuses, des lymphocytes T porteurs du récepteur adéquat et capables d’éliminer les cellules cancéreuses. On fait ensuite proliférer ces cellules tueuses par milliards in vitro, dans des environnements hyperstériles. Cette technique est parfois couronnée de succès, mais elle est compliquée et très coûteuse. Une nouvelle approche est en train d’émerger, qui permet de faire proliférer les bonnes cellules tueuses au sein même du corps humain. Les travaux sont en cours.
On compte désormais plusieurs cas de rémission totale de cancers grâce à l’immunothérapie…
P. K. : Attention, ne donnons pas de faux espoirs aux gens. Cela fait depuis quinze à vingt que l’on parvient à guérir les souris du cancer avec ce type d’approche. Mais il est très compliqué de remporter le même succès chez l’homme, dont le corps est plus volumineux et plus complexe. Certes, des équipes (notamment celle de Carl June, à l’université de Pennsylvanie), ont récemment obtenu une proportion impressionnante de rémissions complètes dans le cadre d’essais cliniques portant sur assez petit nombre de patients atteints de certains cancers. Mais nous n’en sommes encore qu’à la phase expérimentale. Cette précaution prise, je dois avouer que cela fait des années que je n’ai pas vu de résultats aussi prometteurs…
Immunothérapie Échantillon de sang prélevé dans le cadre d’une immunothérapie pour traiter le cancer.
DPA PICTURE ALLIANCE/BSIP
Les avancées pour contrer certains agents infectieux, les ennemis de l’extérieur, sont moins spectaculaires. Pourquoi n’est-on toujours pas parvenu par exemple à élaborer un vaccin contre le VIH ?
P. K. : Les vaccins que l’on a mis au point jusqu’à maintenant étaient peut-être les plus faciles. Désormais, on s’attaque aux plus coriaces. Ceux contre les virus ou les parasites qui ont la faculté de muter très rapidement et pour lesquels il faut sans cesse adapter la réponse, comme le paludisme, la grippe (pour laquelle on ne sait pas encore proposer de vaccin universel) et le VIH… Ce dernier cumule deux casse-tête : non seulement il est en constante mutation, mais en plus il a la particularité de s’attaquer au système immunitaire. La vérité, c’est qu’avec le VIH une partie de la communauté scientifique est retournée au tableau noir afin de reprendre les fondamentaux du virus, car aucun des prototypes de vaccins préventifs n’a jusqu’à ce jour abouti. La perspective de vacciner massivement les populations, notamment en Afrique, est donc très lointaine. C’est pour cette raison qu’une autre partie de la communauté préfère se consacrer à la confection d’un vaccin non pas préventif, mais thérapeutique, qui complète, allège ou remplace le traitement par les médicaments antirétroviraux.
Vous parlez de l’immunologie comme d’une science fascinante. Pouvez-vous me dire ce qui vous surprend le plus dans le système immunitaire ?
P. K. : Beaucoup de mécanismes et de phénomènes liés à l’immunité et aux défenses naturelles me sidèrent. Ils proviennent de « découvertes évolutives » majeures. Par exemple, la faculté qu’ont nos lymphocytes B, ceux qui ont pour fonction de produire des anticorps, à combiner aléatoirement des morceaux de gènes pour dépasser la limite des 25 000 gènes que compte notre génome afin de produire des centaines de millions d’anticorps différents. L’organisme parvient ainsi à se doter d’une « couverture » anti-infectieuse quasi complète, puisqu’il est ainsi capable de répondre à l’immense variété des antigènes, qui évoluent sans cesse. Bien entendu, chaque catégorie de cellule B productrice d’un anticorps particulier n’est présente qu’en petit nombre dans l’organisme. Ce nombre est insuffisant pour pouvoir neutraliser les éléments pathogènes. Ce qui se passe, c’est que, lorsque l’anticorps reconnaît l’antigène, les lymphocytes porteurs de cet anticorps spécifique prolifèrent. Prodigieux ! Le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH), pour la découverte duquel le professeur Jean Dausset a reçu le prix Nobel de médecine, est également tout aussi fascinant.
Beaucoup de
mécanismes et de
phénomènes liés à
l’immunité et aux
défenses naturelles
me sidèrent.
De quoi s’agit-il ?
P. K. : Les cellules du CMH ont pour fonction de présenter un morceau d’antigène (le plus souvent un bout de protéine, un peptide) que les cellules T vont, ou non, reconnaître grâce à leur récepteur. Mais, pour reconnaître les corps étrangers – virus, bactéries, etc. – rassemblés sous le terme de « non soi », et les attaquer, l’organisme doit d’abord apprendre à reconnaître ses propres constituants, pour les épargner. On dit que le système immunitaire doit apprendre à tolérer le soi. Cet apprentissage se fait notamment pendant la vie fœtale, par sélection : parmi les lymphocytes T, une bonne partie de ceux dont les récepteurs sont capables de se lier avec des molécules provenant de l’organisme lui-même sont éliminés. Ce qui permet d’écarter des cellules susceptibles de déclencher une réaction auto immune.
Mais ce système n’est pas infaillible…
P. K. : En effet, notamment parce que les agents infectieux ne cessent de développer des stratégies pour tromper le système immunitaire. Tel virus peut par exemple mimer telle protéine de l’organisme, de sorte que ce dernier ne se met pas en ordre de bataille, il ne se défend pas, car il n’a pas reconnu l’ennemi, il n’a pas reconnu le « non-soi ». Mais, quand il le reconnaît, les conséquences peuvent également être dramatiques. Certains virus peuvent en effet provoquer des désordres auto-immuns. Dans un premier temps, l’organisme s’attaque à un agent infectieux qui ressemble au soi. Ainsi dupé, il va ensuite prendre le soi pour du non-soi et ainsi déclencher une réponse auto-immune, c’est-à-dire s’attaquer à lui-même. C’est ainsi qu’apparaissent les maladies auto-immunes, comme la sclérose en plaques, le diabète, etc.
Une question plus personnelle pour terminer : pourquoi avez-vous choisi de vous tourner vers l’immunologie ?
P. K. : Je dois vous dire la vérité : c’est grâce à mon frère François. Au moment où j’ai commencé la recherche, en génie génétique, il était immunologiste avant de devenir directeur général du CNRS (entre 1988 et 1994, ndlr). Il m’a conseillé d’isoler par clonage et d’étudier les gènes du système HLA. De fil en aiguille, je suis ainsi devenu immunologiste… Je tiens à souligner que, même si j’ai fini par quitter le CNRS pour devenir professeur au Collège de France, je suis très reconnaissant envers l’organisme, qui m’a soutenu durant de très nombreuses années.
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MALADIES CARDIO-VASCULAIRES |
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DOSSIER
Maladies cardio-vasculaires NOUVEAUX TRAITEMENTS, NOUVEAUX ESPOIRS
DOSSIER RÉALISÉ PAR Sylvie Riou-Milliot
Thérapie génique, patch régénérant, pacemaker biologique, coeur artificiel... Les innovations se multiplient pour combattre ces pathologies, première cause de mortalité en France.
A CHAQUE INSTANT, IL BAT. ENVIRON 70 fois par minute, 100 000 fois par jour, chaque jour de notre vie. Mais ce muscle, qui se contracte pour propulser le sang dans tout notre organisme, n’est pas infaillible. Que le coeur s’emballe ou se dérègle, et ce peut être l’arrêt fatal. Résultat : 150 000 morts en France chaque année, 18 millions dans le monde. Les maladies cardio-vasculaires (infarctus, AVC, troubles du rythme, artérite, malformations cardiaques…) sont l’une des premières causes de mortalité avec les cancers. Pour les scientifiques, réparer cet organe est devenu un enjeu… vital. De multiples pistes sont à
l’étude. Celle du coeur artificiel (p. 34), déjà abondamment médiatisée, mais aussi, et c’est moins connu, la régénération des cellules cardiaques endommagées ou la correction d’anomalies génétiques. Des travaux très prometteurs qui ne doivent pas occulter la prévention : alimentation saine, limitation du tabac et de l’alcool, pratique régulière d’une activité physique (p. 44). Ainsi, trente minutes de sport par jour réduisent de 30 % le risque d’infarctus. Connaître les ennemis du coeur (tabac, cholestérol, hypertension artérielle, diabète, surpoids…) est indispensable pour rester en bonne santé. Tout en sachant que la recherche en cardiologie ne désarme pas
INSUFFISANCE CARDIAQUE Quand le coeur est à bout de souffle p. 34
AVC Un micro-filet pour piéger les caillots p. 37
MORT SUBITE Stopper les orages électriques p. 38
THÉRAPIES Quatre innovations contre les maladies cardio-vasculaires p. 41
REPORTAGE Le Canada, pionnier de la prévention p. 44
Insuffisance cardiaque : 4 pistes exploitées par la recherche
Sylvie Riou-MilliotPar Sylvie Riou-Milliot
Voir tous ses articles
Publié le 26-10-2015 à 12h55
Infarctus, hypertension, maladies coronaires... Les causes majeures de l'insuffisance cardiaque sont combattues par la recherche à travers 4 pistes innovantes.
Le patch de cellules souches réparatrices est posé directement sur la zone du cœur où s'est produit l'infarctus. ©Betty Lafon/Sciences et AvenirLe patch de cellules souches réparatrices est posé directement sur la zone du cœur où s'est produit l'infarctus. ©Betty Lafon/Sciences et Avenir
À LIRE AUSSI
L'angine de poitrine : définition, symptômes, traitement
Crise cardiaque : peut-on vraiment mourir de peur ?
REPORTAGE. Le Canada, pionnier de la prévention cardio-vasculaire
NUMÉRIQUE. Article extrait du numéro spécial cardiologie (n°824) de Sciences et Avenir. Pour en savoir plus, se référer à l'encadré de bas de page.
INSUFFISANCE CARDIAQUE - Cela commence en général par un essoufflement, à l’effort puis au repos. C’est le symptôme majeur de l’insuffisance cardiaque (IC), une fatigue progressive du cœur qui s’installe à la suite d’un infarctus, ou dans le sillage d’une hypertension artérielle. Un million de personnes sont concernées en France ; 15 millions en Europe. Avec le temps, cette insuffisance évolue en dents de scie et oblige le plus souvent à une hospitalisation, surtout après 70 ans, sa fréquence augmentant avec l’âge. D’où l’accroissement rapide de la fréquence de l’IC dans nos pays vieillissants. Redynamiser ces cœurs devenus trop faibles, tel est l’enjeu des quatre principaux axes de recherches du moment. Au programme, biologie de pointe, génétique, chimie et high-tech...
1 Bioprothèse : un cœur artificiel implantable
C’est un "vrai faux" coeur 100 % made in France qui bat en silence. Ce coeur artificiel total baptisé Carmat (lire S. et A. n° 778, décembre 2011) qui reproduit le fonctionnement de l’organe naturel, a été conçu à l’initiative du Pr Alain Carpentier, chirurgien cardiaque réputé et président de l’Académie des sciences. C’est la consécration de près de trente ans de travail. Véritable concentré de technologies sophistiquées dans une enveloppe biologique réduisant les risques de caillots, cette prothèse a la particularité de s’adapter automatiquement aux efforts du patient et pourrait offrir une alternative à la transplantation.
Entrepris chez un premier patient fin 2013, les essais se poursuivent. De leurs résultats, dépendra la commercialisation. La première phase de tests sur quatre patients s’achève. Elle avait pour critère de succès une survie supérieure à 30 jours pour les malades, tous en phase terminale d’insuffisance cardiaque. Mission presque remplie (à l’heure où nous publions) : la survie des deux premiers patients a été respectivement de 74 jours et de 9 mois. Le troisième patient a été opéré début avril et une quatrième intervention doit venir clore cette première phase. Suivra ensuite la seconde, qui devra démontrer son efficacité, c’est-àdire une augmentation de survie grâce à la prothèse. Les tests seront alors élargis à une vingtaine de malades d’ici à deux ans et le nombre des centres d’implantation en France et à l’étranger sera augmenté (environ une dizaine).
À lire : VIDEO. Au fait, comment fonctionne précisément le cœur Carmat ?
2 Thérapie génique : des gènes qui agissent sur le cycle du calcium
Un essai français de thérapie génique, baptisé Agent, est en cours dans cinq centres de référence à Paris, Créteil (Val-de-Marne) et Pontoise (Val-d’Oise). Son objet : l’administration par perfusion intracoronaire d’un médicament de thérapie génique, le Mydicar (produit par la société de biotechnologie américaine Celladon). Il agit sur le cycle du calcium, essentiel pour la contraction des cellules cardiaques. Si les premiers résultats annoncés en avril d’un essai américain, Cupid-2, ont déçu, les Français ont bon espoir : "Nous prévoyons d’inclure environ 40 patients d’ici à 2016", précise le principal investigateur, le Pr Jean-Sébastien Hulot, cardiopharmacologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris).
3 Médicament : une nouvelle classe de molécule hybride
LCZ 696. Tel est le nom de code d’un médicament (Entresto, laboratoires Novartis) qui semble très prometteur : l’espoir étant que cette molécule réduise de 20 % la mortalité cardio-vasculaire par rapport au traitement de référence. De quoi exciter la communauté des cardiologues et provoquer une vraie effervescence lors de sa présentation à de récents congrès internationaux spécialisés. Ce médicament est le premier d’une nouvelle classe. Il s’agit d’une molécule dite hybride, associant l’inhibiteur d’une enzyme, la néprilysine (AHU377) à du valsartan, un antihypertenseur. Au final, un nouveau type de médicament appelé inhibiteur de récepteurs de l’angiotensine, sous forme de comprimé à prendre deux fois par jour. Selon les essais cliniques menés sur plusieurs milliers de patients depuis cinq ans, la molécule a permis de réduire la mortalité d’origine cardiaque et diminuer le symptôme majeur, l’essoufflement, tout en étant mieux tolérée que le traitement de référence*.
Une efficacité qui a un coût
Si ces avantages sont confirmés, des modifications des recommandations internationales sur la prise en charge de l’IC sont à prévoir. Problème, cette efficacité aura un coût ! Entre 4 et 7 dollars par jour, selon différentes analyses financières… Soit plus de 1500 € par an et par patient… "Il faudra voir ses résultats en conditions réelles et bien sélectionner les patients", précise le Pr Albert Hagège, cardiologue à l’Hôpital européen Georges-Pompidou (Paris) et principal investigateur pour la France des essais cliniques. La commercialisation est annoncée pour 2016.
* Le traitement de référence, l'énalapril, ne doit en aucun cas être arrêté sans consultation d'un médecin.
4 Thérapie cellulaire : un patch régénérant implanté
Ce fut une première mondiale, réalisée dans le secret le plus absolu en France, le 21 octobre 2014. Elle a été révélée en janvier 2015 au cours des journées de la Société française de cardiologie, qui se sont tenues à Paris : dans le cœur d’une femme de 68 ans, a été implanté un patch comportant des cellules cardiaques dérivées de cellules souches embryonnaires humaines. Objectif : la régénération de ce cœur atteint d’insuffisance sévère. Un an plus tard, la patiente va bien.
Aux manettes de cette opération hors du commun, deux équipes de cardiologues et de biologistes qui ont collaboré pendant près de vingt ans : celle du Pr Philippe Ménasché, de l’Hôpital européen Georges-Pompidou (Paris) et celle du Pr Jérôme Langhero, responsable de l’unité de thérapie cellulaire à l’hôpital Saint-Louis (Paris). Après toutes ces années de recherches, le principe retenu pour cette thérapie a été le suivant : rendre à nouveau fonctionnelles, c’est-à-dire capables de contraction, des cellules cardiaques lésées en raison d’un infarctus. Rappelons que lors du déclenchement de cette crise cardiaque, une artère coronaire est obstruée, certaines zones du muscle initialement saines ne sont plus irriguées et le tissu meurt. Dans les semaines qui suivent, il est remplacé par un tissu cicatriciel, inactif, qui n’assure plus la fonction de contraction. Résultat, le cœur, moins puissant, doit forcer. Avec le temps, l’insuffisance cardiaque se développe. Il y a près de quinze ans, les médecins avaient déjà eu l’idée d’injecter directement dans la zone de l’infarctus des cellules musculaires prélevées dans la cuisse du patient. Mais les résultats s’étaient révélés décevants. En 2014, les équipes ont choisi une nouvelle voie : celle de "jeunes" cellules cardiaques.
Un patch de cellules souches posé sur la zone de l’infarctus
Encore immobiles, elles sont issues de cellules souches embryonnaires, provenant d’embryons congelés suite à une fécondation in vitro (FIV) et ne faisant plus l’objet d’un projet parental. Restait à trouver une astuce pour les administrer. "Nous avons eu l’idée de les placer dans une colle naturelle déjà existante et utilisée en chirurgie, la fibrine", détaille Valérie Vanneaux, bras droit du Pr Ménasché et membre de l’équipe du Pr Langhero. C’est donc un patch d’environ 20 cm2 qui, lors de l’intervention, a été directement posé sur la zone de l’infarctus. "Une manipulation très simple et rapide qui n’a demandé que quelques minutes supplémentaires au chirurgien", poursuit la spécialiste. Le protocole qui prévoit d’inclure d’autres malades (six au total au moment où nous écrivons ces lignes) est en cours. Pour des raisons éthiques, dans cet essai encore préliminaire, un pontage coronarien par chirurgie a été associé. Il est donc difficile aujourd’hui de savoir si l’amélioration de l’état de santé de la patiente lui est due ou dépend bien des cellules du patch.
Remodeler le tissu cardiaque
Mais les chercheurs savent déjà, que plus qu’aux cellules elles-mêmes, "il faut surtout s’intéresser aux protéines qu’elles produisent, car ce sont sans doute elles qui agissent, explique Valérie Vanneaux. Leur identification précise est en cours", précise la chercheuse. En attendant, la première patiente se porte donc bien : "Les échographies réalisées pour son suivi attestent d’un remodelage de son tissu cardiaque", poursuit la biologiste. Et l’équipe travaille déjà sur un autre type de patch, destiné à remodeler le coeur d’enfants atteints, cette fois, de malformations cardiaques.
En savoir plus :
Infarctus, AVC, arythmie : quels sont les signes avant-coureurs ?
L'insuffisance cardiaque : définition, symptômes, traitement
4 innovations contre les maladies cardio-vasculaires
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FLORE INTESTINALE - LES DOUZE PREMIERS MOIS |
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Les douze premiers mois de notre flore intestinale
Publié le 26-06-2007 à 16h02
Né avec un système intestinal stérile, exempt de tout microbe, l’être humain adulte possède un microbiote –ou flore intestinale- riche de plusieurs milliers d’espèces bactériennes différentes indispensables à la digestion. Pour mieux comprendre comment ce microbiote se développe au tout début de la vie, des chercheurs américains ont étudié l’évolution de la population microbienne de 14 bébés, de la naissance à un an.
Au cours de cette première année, la composition du microbiote varie grandement chez un même enfant et d’un enfant à un autre, expliquent Patrick Brown (Stanford University School of Medicine) et ses collègues, qui publient leurs travaux dans la revue PLoS Biology. Malgré leurs différences, ces microbiotes évoluent vers une composition à peu près similaire au bout de 12 mois, proche de ce que sera la flore à l’âge adulte.
L’équipe de Brown a analysé les selles de 14 enfants, dont deux faux jumeaux, tous nourris au sein. Ils ont aussi effectué des prélèvements vaginaux au moment de la naissance, analysé les selles des parents ou le lait de la mère pour vérifier l’impact de l’environnement sur les intestins des bébés. De fait, chaque contact participe à la constitution du microbiote.
Au cours de la première semaine, les microbes s’apparentent à ceux qui sont présents dans le vagin de la mère au moment de la naissance et dans son lait. Le fait de naître par césarienne (avant la rupture de la poche amniotique) ne retarde pas la colonisation du tractus digestif, même si au bout d’une semaine il semble que ces bébés aient moins de bactéries que les autres (il n’y avait que deux césariennes sur les 14 bébés suivis). Chaque enfant possède un microbiote particulier, seuls les jumeaux avaient un microbiote similaire, soulignent les chercheurs.
Ils n’expliquent pas pourquoi, au cours de ces douze mois, les populations de bactéries évoluent autant, un type de bactérie prenant un temps l’ascendant, avant d’être supplanté par un autre.. Tout cela pour que finalement la composition globale évolue vers un schéma similaire chez tous. «Certaines bactéries sont vraiment taillées pour nos intestins et elles gagnent, quoi qu’il arrive» commente dans un communiqué Chana Palmer, l’un des co-auteurs de l’étude.
A l’âge adulte, ce microbiote est tellement développé que dans notre organisme les cellules bactériennes sont au moins 10 fois plus nombreuses que nos propres cellules. Le ‘’métagénome’’, un vaste projet de séquençage de cette indispensable population bactérienne, nous permettra d’en savoir plus sur cette autre partie de nous-même.
Cécile Dumas
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LE VENTRE, NOTRE DEUXIÈME CERVEAU |
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LE VENTRE, NOTRE DEUXIÈME CERVEAU
1 Le ventre, notre deuxième cerveau
2 L’interaction cerveau-intestin
3 Greffe de matière fécale ou médicament ?
4 Des probiotiques pour traiter l'autisme ?
5 Microbiote et médecine personnalisée
6 Interview avec Giulia Enders
7 Science Slam : ma thèse en 10 minutes chrono
8 L'intelligence du ventre
9 Le ventre en quelques chiffres
10 Guérir des maladies mentales en soignant l'intestin ?
11 Le microbiote, un trésor intestinal
12 Le microbiote intestinal : c'est quoi?
LE VENTRE, NOTRE DEUXIÈME CERVEAU
Dernière mise à jour: 23 Septembre 2015
Que savons-nous de notre ventre, cet organe bourré de neurones que les chercheurs commencent à peine à explorer ? Il semblerait que notre cerveau ne soit pas le seul maître à bord.
LE VENTRE, NOTRE DEUXIÈME CERVEAU
Ventre, Notre Deuxieme Cerveau (Le)
Le ventre, notre deuxième cerveau
Vendredi 4 septembre à 22h45 (55 min)
Documentaire de Cécile Denjean (France 2013, 55 min)
Le documentaire est disponible en VOD/DVD dans la boutique d'ARTE.
Il y a quelques années, les scientifiques ont découvert en nous l’existence d’un deuxième cerveau. Notre ventre contient en effet deux cents millions de neurones qui veillent à notre digestion et échangent des informations avec notre "tête". Les chercheurs commencent à peine à décrypter cette conversation secrète. Ils se sont aperçus par exemple que notre cerveau entérique, celui du ventre, produisait 95 % de la sérotonine, un neurotransmetteur qui participe à la gestion de nos émotions. On savait que ce que l'on ressentait pouvait agir sur notre système digestif. On découvre que l'inverse est vrai aussi : notre deuxième cerveau joue avec nos émotions.
Espoirs thérapeutiques
En outre, certaines découvertes ouvrent aujourd’hui d’immenses espoirs thérapeutiques. Des maladies neurodégénératives, comme Parkinson, pourraient trouver leur origine dans notre ventre. Elles commenceraient par s’attaquer aux neurones de notre intestin, hypothèse qui, si elle est vérifiée, débouchera peut-être sur un dépistage plus précoce. Plus étonnant encore, notre deuxième cerveau abrite une colonie spectaculaire de cent mille milliards de bactéries dont l’activité influence notre personnalité et nos choix, nous rend timides ou, au contraire, téméraires. Des États-Unis à la Chine en passant par la France, ce documentaire, nourri d'interviews et d'infographies éclairantes, passe en revue les recherches les plus récentes menées sur notre deuxième et intrigant cerveau.
cerveau ventre neurone
L’INTERACTION CERVEAU-INTESTIN
Michel Neunlist, Directeur de recherche à l’Institut des Maladies de l’Appareil Digestif (CHU de Nantes) nous parle des dernières avancées scientifiques concernant les relations entre intestin et cerveau, microbiote (flore intestinale) et maladies neurodégénératives. Il évoque aussi les perspectives thérapeutiques révolutionnaires liées à une meilleure connaissance des bactéries nichées au creux de notre ventre.
Interview de Michel Neunlist sur le ventre
Michel Neunlist - l'interaction cerveau-intestin
Vendredi 28 août à 16h00 (1 min)
Michel Neunlist ventre cerveau
GREFFE DE MATIÈRE FÉCALE OU MÉDICAMENT ?
Interview de Michel Neunlist sur le ventre 3
Michel Neunlist - Les bactéries intestinales comme médicaments ?
Vendredi 28 août à 16h00 (2 min)
bactérie médicament ventre Michel Neunlist
DES PROBIOTIQUES POUR TRAITER L'AUTISME ?
Interview de Michel Neunlist sur le ventre 2
Michel Neunlist - Des probiotiques pour traiter l'autisme ?
Vendredi 28 août à 16h00 (1 min)
ventre autisme probiotique
MICROBIOTE ET MÉDECINE PERSONNALISÉE
Interview de Michel Neunlist sur le ventre 4
Michel Neunlist - La science du ventre va-t-elle "personnaliser" la médecine ?
Vendredi 28 août à 16h00 (1 min)
microbiote bactérie intestin Michel Neunlist
INTERVIEW AVEC GIULIA ENDERS
"le ventre est le principal conseiller de notre cerveau"
A l’âge de 16 ans, Giulia Enders développe une maladie de peau. Surprise d’apprendre que c’est du à un dérèglement de ses intestins, elle s’y intéresse. Au début, le sujet lui paraît peu ragoûtant, mais très vite, elle le trouve passionnant et décide de s’y consacrer pleinement dans le cadre de ses études de médecine. Elle en fait même le sujet de sa thèse qu'elle présente lors d'un "Sciences-slam" et remporte le premier prix .Un éditeur propose alors à Giulia Enders de publier ses observations scientifiques. Sorti en 2014, « Le charme discret de l’intestin » devient rapidement un bestseller en Allemagne. Avec le concours de sa sœur Jill qui signe les illustrations de l’ouvrage, Giulia entraîne le lecteur dans un périple au fil de l’intestin. Traduit en trente langues, l’ouvrage rencontre un franc succès en France, car l’engouement de Giulia Enders pour notre intestin est contagieux.
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Pourquoi sommes-nous fascinés par nos intestins ?
Je crois que les intestins sont une partie de notre corps dont nous avons peu conscience. Ils évoquent le passage aux toilettes, et c’est à peu près tout. Mais quand on sait qu’ils hébergent le deuxième système nerveux de notre organisme, après le cerveau, qu’ils produisent eux-mêmes une vingtaine d’hormones et qu’ils activent deux tiers de notre système immunitaire, on les voit subitement d’un autre œil.
Comment se fait-il qu’un nombre croissant de personnes s’intéressent à ce sujet, autrefois jugé répugnant ?
Je crois que les gens ont soif de connaissance. Ils ne veulent pas seulement qu’on leur dise ce qu’ils doivent manger ou non. Je pense qu’ils veulent aussi mieux comprendre le fonctionnement de leur corps, à une époque où l’on évolue dans des sphères virtuelles, assis devant un ordinateur. Nous voulons avoir une perception plus globale de ce qui se trame dans notre ventre et mieux comprendre certains aspects comme la digestion ou le rôle des colonies de bactéries qui peuplent nos intestins. Plus on en sait et moins on risque de « surréagir » quand on nous annonce un nouveau scénario catastrophe ou le dernier régime alimentaire à la mode.
Le documentaire diffusé sur ARTE s’intitule Le ventre, notre deuxième cerveau. L’intestin assume-t-il effectivement ce rôle ? Ou le ventre est-il même plus important que notre matière grise ?
Je dirais qu’il est le principal conseiller de notre cerveau. Notre cerveau centralise toutes les informations puis les structure. Mais il faut bien que ces informations proviennent de quelque part. L’intestin est notre organe sensoriel le plus important. Il compte plus de cellules nerveuses que nos yeux, nos oreilles ou notre peau. Si vous stimulez le nerf qui relie l’intestin au cerveau avec différentes fréquences, vous provoquez des réactions qui peuvent aller de la peur au bien-être. On dit souvent que l’on ressent les choses avec ses tripes : cette expression prend une toute nouvelle dimension avec les avancées scientifiques.
Pourquoi cette thématique intéresse-t-elle autant les gens de part et d’autre du Rhin ?
Etonnamment, lors de mes visites dans les pays où mon livre est paru, j’assiste à des réactions identiques. A mon arrivée à l’aéroport, on me prévient qu’ici, la thématique est particulièrement taboue. Et quelques heures plus tard, nous nous entretenons gaiement de sujets comme la constipation. En Allemagne, des personnes se sont inspirées de mon livre pour développer quelques inventions comme un tabouret anti-constipation ou des mélanges à base de yaourt. La presse m’a souvent dit que l’axe intestin-cerveau était un concept trop complexe pour le grand public. En France, j’ai apprécié l’aisance avec laquelle le sujet est évoqué. On m’a posé de nombreuses questions autour de cette thématique. Je m’en réjouis !
Qu’est-ce qui vous a le plus étonné lors de vos recherches ?
Tous ces petits détails qu’on ignore et qui, pourtant, sont utiles. Par exemple qu’il est plus facile de roter quand on est allongé sur le flanc gauche en raison de l’inclinaison de l’estomac. Mais la recherche fondamentale est également intéressante : le lien entre la flore intestinale et le diabète ou le fait que certaines bactéries permettent à des souris de rester minces même quand elles ingèrent des quantités de graisse plus importantes. Toutes ces informations sont autant de pièces d’un grand puzzle. Et plus on en possède, plus on y voit clair.
Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
J’étudie la manière dont les bactéries colonisent notre organisme et comment éviter ce phénomène. Si les microbes ne parviennent pas à s’accrocher à nos cellules, ils n’ont aucune prise sur notre corps. Espérons qu’à l’avenir, nous pourrons développer des mécanismes capables de bloquer les bactéries indésirables plutôt que de les éradiquer avec des antibiotiques qui ruinent notre flore intestinale.
Giulia Enders : le charme de nos intestins
Comment présenter en quelques minutes un sujet de thèse sur les charmes de l’intestin? Voici la présentation réussie de Giulia Enders, 25 ans, doctorante en médecine, qui lui a permis de gagner le premier prix d’un Sciences Slam à Berlin en 2012.
ventre Giulia Enders
L'INTELLIGENCE DU VENTRE
Info Sciences 22 / Wissenschaft aktuell
L'intelligence du ventre
Mardi 20 mai à 14h15 (2 min)
Info Sciences : notre cerveau serait sous l'influence des bactéries qui peuplent notre tube digestif.
ventre
LE VENTRE EN QUELQUES CHIFFRES
ventre cerveau neurone
GUÉRIR DES MALADIES MENTALES EN SOIGNANT L'INTESTIN ?
Interview avec le docteur Guillaume Fond
Notre intestin responsable de maladies mentales ? Autisme, trouble bipolaire, schizophrénie, dépression… Depuis 15 ans, des études s’accumulent pour montrer que des perturbations de la flore intestinale sont un facteur de déclenchement. Le docteur Guillaume Fond, psychiatre à l’hôpital Henri-Mondor et chercheur en psychiatrie à l’INSERM, a fait le bilan. Il parle désormais de psychomicrobiotique, un domaine de recherche en plein essor. Pour ARTE Future, il est revenu sur cette lente prise de conscience qui promet une révolution dans notre façon d'appréhender les maladies mentales.
Propos recueillis par Adrian Bonte.
Comment est née la psychomicrobiotique ?
Guillaume Fond : Suite au décryptage du génome humain, on a eu de grands espoirs pour expliquer toutes les maladies par la génétique. Mais, pourquoi, avec une même prédisposition génétique, les maladies ne se déclenchent que chez certaines personnes ? On se rend compte que c’est vraiment une interaction entre les gènes et l’environnement ; l’influence du microbiote est l’une des grandes hypothèses pour expliquer ces inégalités. La psychomicrobiotique, c’est l’étude des interactions entre le cerveau et le microbiote intestinal et c’est vraiment bidirectionnel. Par exemple, quand le cerveau dysfonctionne, il peut provoquer des diarrhées ou de la constipation.
Quand a-t-on commencé à prendre conscience de l’influence de ce microbiote ?
G.F. : C’est une montée en puissance depuis les années 2000. Il y a d’abord eu une étude importante sur des souris nées par césariennes en conditions stériles. En l’absence de colonisation bactérienne, elles développaient des troubles anxieux très sévères. Mais lorsqu’on leur administrait des probiotiques - des « bonnes bactéries » - pour coloniser leurs tubes digestifs, ces troubles disparaissaient. Par contre, si l’on tardait trop à administrer les bactéries, les troubles anxieux étaient irréversibles. Il y a donc une fenêtre temporelle où la colonisation du tube digestif est capitale pour le développement cérébral, et notamment du système du stress.
Et chez l’être humain ?
G.F. : En 1910 déjà, un médecin indiquait qu’il traitait des mélancolies avec des extraits de yaourt. Mais ce n’est qu’à partir de 2009 que l’on a commencé à faire des études et observer les premiers résultats sur l’humain. Une publication témoignait que les êtres humains pouvaient se répartir en trois groupes selon leur microbiote : on a alors parlé d’entéroype selon les espèces majoritaires dans l’intestin – Bacteroides, Prevotella ou Ruminococcus. Mais ce résultat reste encore controversé.
En ce moment, nous travaillons sur une comparaison entre des gens nés par césariennes et par voie naturelle chez les schizophrènes. Pour l’instant, nos résultats préliminaires sont complétement contre-intuitif : les personnes nées par césariennes sont plus minces. La flore vaginale de la mère joue un grand rôle dans la composition du microbiote, or chez ces personnes ce sont d’autres bactéries qui colonisent l’intestin. On sait que le microbiote se constitue principalement dans les trois premières années de la vie à partir de la naissance et dépend de l’allaitement.
Est-ce justement cette fenêtre temporelle de la colonisation qui explique qu’on ne devienne pas autiste à 30 ans ?
G.F. : Exactement, c’est une différence nette entre l’autisme et la schizophrénie : l’autisme est diagnostiqué avant l’âge de trois ans. On fait l’hypothèse d’un traumatisme immunologique ou infectieux qui impacterait le développement cérébral selon le terrain génétique de la personne. On retrouve en effet des gènes de vulnérabilité chez les personnes schizophrènes ou autistes. Comme les anomalies sont retrouvées dans la fratrie d'enfants autistes, cela suggère aussi des facteurs environnementaux communs. On recherche donc tout ce qui est alimentaire : produits industriels, colorants. Par ailleurs, il y a plus de dix ans, des chercheurs ont montré que l’on pouvait faire disparaître les troubles autistiques grâce aux antibiotiques. Le résultat est assez extraordinaire, mais utiliser un antibiotique, c’est décapiter la flore intestinale. C’est trop dangereux, il y a des résistances, des effets secondaires et ça coute cher.
Comment a-t-on fait le lien entre les anomalies du microbiote et la santé mentale ?
G.F. : Il y a plusieurs voies qui connectent le tube digestif au cerveau : la synthèse de vitamines et de nutriments en général et celle du système sanguin avec la perméabilité du système intestinal… On a beaucoup d’argument pour dire que les pathologies mentales sont liées à des anomalies de la perméabilité intestinale. Une des fonctions du « bon » microbiote est justement de protéger la muqueuse intestinale. Donc dès que le microbiote commence à être perturbé, des molécules du tube digestif passeraient dans le sang et feraient dysfonctionner le cerveau et le reste des organes, y compris le cœur et le foie…
Par exemple, on traite certaines dépressions résistantes par des stimulations vagales, on met des pacemakers dans la cage thoracique pour aller stimuler le nerf vague. On pourrait faire l’hypothèse qu’un microbiote dysfonctionnel entraînerait un défaut de stimulation du nerf vague. Plutôt que d’aller stimuler le nerf vague, il faudrait remettre du microbiote fonctionnel. C’est la question des greffes fécales. Mais pour les maladies psychiatriques, on n’y est pas encore. Ça va demander beaucoup d’efforts et d’investigation…
Que faut-il attendre de ce nouveau pan de la médecine ?
G.F. : Pour l’instant les gens sont sceptiques et considèrent que c’est une mode. Un peu comme l’ulcère gastroduodénal. Jusque dans les années 80, on pensait que c’était à cause du stress et que seule la psychothérapie pouvait le soigner. Puis en 1982, deux chercheurs ont publié des résultats en disant que c’était dû à une bactérie. On pensait qu’aucune bactérie ne pouvait résister à l’acidité de l’estomac. Ils ont mis en évidence Helicobacter pylori, une bactérie responsable de 90% des ulcères. Depuis on sait les soigner.
De manière semblable, pourquoi avons-nous tant tardé à nous intéresser au microbiote ? Parce qu’on n’avait pas les techniques pour l’étudier. On commence à les avoir, mais ça reste compliqué car il y a différents types de microbiote selon l’endroit du tube digestif.
Je suis pourtant persuadé qu’on va trouver des choses. Il ne faut pas s’imaginer que tout est microbiote ; l’idée serait de dire que toutes les maladies mentales peuvent avoir une origine dans le microbiote, mais elles peuvent aussi avoir une origine ailleurs. Il ne faut pas s’imaginer que toutes les maladies se soigneront à partir de l’alimentation et des transplantations fécales, mais il est indispensable de regarder ce qu’il se passe dans notre tube digestif. C’est le potentiel énorme d’une terra incognita.
En savoir plus
Le Dr Guillaume travaille notamment pour les Centres Experts. En recueillant un maximum de données de patients souffrant de pathologies psychologiques, il prévoit de comparer leurs microbiotes.
Pour davantage de précisions sur le lien entre l'autisme et le microbiote, retrouvez l'interview vidéo du prix Nobel de médecine Luc Montagnier dans le dossier ARTE Future L'énigme de l'autisme. Il y propose notamment le traitement de l'autisme par les antibiotiques.
ventre cerveau autisme
LE MICROBIOTE, UN TRÉSOR INTESTINAL
Les enjeux médicaux liés au microbiote, les 100 000 milliards de bactéries de nos intestins, sont immenses. Diabète et obésité, cancers, maladies infectieuses ou auto-immunes… sont ainsi concernés. Nos bactéries intestinales, médicaments de demain?
Atteinte de mucoviscidose, cette jeune femme souffrait depuis décembre 2012 de diarrhées récurrentes liées à une infection par une redoutable bactérie, Clostridium difficile. En mai 2014, après l’échec de plusieurs traitements antibiotiques, elle a reçu une transplantation de microbiote fécal à l’hôpital Cochin (Paris). Singulier traitement : il consiste à introduire dans l’intestin du malade les selles d’un donneur sain. En l’occurrence, le père de cette jeune femme. Cette greffe a éradiqué l’infection.
« La première fois que nous avons entendu parler de greffe de matière fécale, c’était en mars 2013, lors d’une réunion de service à l’hôpital Cochin. Nous avons cru à un canular », avoue le docteur Rui Batista, membre de l’Académie de pharmacie. Mais ce traitement fait désormais l’objet de recommandations internationales : plus de huit fois sur dix, il vient à bout de cette infection à C. difficile.
Comment agit cette transplantation ? Elle reconstitue une « flore digestive » équilibrée. Sous ce nom fleuri se cachent un menu peuple bactérien, mais aussi des virus et des champignons pullulant dans le secret de nos entrailles. Soit quelque 100 000 milliards de bestioles, dix fois plus nombreuses que nos propres cellules ! Depuis la nuit des temps, nous abritons cette armée de l’ombre. Véritable organe, pesant quelque 1,5 kilogramme chez l’adulte, ce microbiote est un allié vital. Il fourmille de qualités nutritives, immunitaires et métaboliques, mais aussi cognitives, si l’on en croit de récentes études.
Mais qu’il se dérègle, et ce bon docteur Jekyll se transforme en Mister Hyde, favorisant de nombreuses maladies. « Voilà des lustres que le microbiote vit en symbiose avec notre organisme. Mais depuis une cinquantaine d’années, quelque chose a changé qui a rompu cette harmonie. Cette rupture est en lien avec l’essor récent d’une multitude de maladies liées à une inflammation chronique : diabète et obésité, mais aussi maladie de Crohn, maladies auto-immunes, cancers… et peut-être même certaines affections psychiatriques », relève Pierre Belichard, PDG d’Enterome. Créée en 2012, cette start-up française développe des médicaments dérivés du microbiote intestinal, ainsi que des biomarqueurs pour diagnostiquer certaines maladies associées à ses déséquilibres, ou « dysbioses ».
« Cela fait longtemps que je n’avais vu un sujet scientifique ouvrant de telles perspectives, pour le développement d’une nouvelle industrie du diagnostic et du médicament », assure Pierre Belichard. Les enjeux sont considérables, vu le nombre de patients concernés.
Mais ces promesses tiendront-elles ? Cette mode du microbiote n’est-elle qu’une vague éphémère ? Ou s’agit-il d’une lame de fond, vraie révolution scientifique et médicale ? Selon le site spécialisé PubMed, le nombre d’études sur le microbiote reste plat jusqu’à la fin des années 1990 – moins d’une dizaine de publications par an. Il décolle dans les années 2000, franchissant le seuil de 500 publications en 2008. Ensuite, l’essor est fulgurant : plus de 2 200 études publiées en 2012 ; 3 100 en 2103 ; 4 400 en 2014… Un emballement exponentiel, à l’aune du foisonnement de nos bactéries intestinales.
DIFFICILE DE TROUVER DES DONNEURS
Pour l’heure, les infections à C. difficile récidivantes restent la seule indication dans laquelle une greffe fécale est recommandée. C’est la transposition moderne d’un remède ancestral chinois : au IVe siècle, l’alchimiste Ge Hong administrait déjà des suspensions fécales humaines pour traiter des diarrhées sévères. Et la « soupe dorée » figure toujours dans l’arsenal thérapeutique traditionnel chinois.
Le procédé actuel est un rien plus sophistiqué. Issu des selles d’un donneur sain, le cocktail bactérien est mélangé à du sérum physiologique, mixé, puis filtré. Le patient absorbe une solution pour nettoyer le colon, puis reçoit le transfert de microbiote fécal par coloscopie, par lavement ou par voie haute, à l’aide d’une sonde naso-duodénale. « A Cochin, nous disposons d’une banque de suspensions fécales congelées, avec une dizaine de préparations d’avance », détaille le docteur Batista.
« Il y a trois ans, à l’hôpital Saint-Antoine, nous réalisions un transfert de flore tous les six ou sept mois. Aujourd’hui, nous en effectuons un par semaine », relève le docteur Harry Sokol, gastro-entérologue dans cet établissement parisien. En France, quelques centaines de patients auraient été traités. Pour sécuriser les pratiques sur ce qu’elle considère comme un médicament, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a émis des recommandations (avec une préférence pour le don anonyme). Un « groupe français de transplantation fécale » a été créé en octobre 2014 qui a aussi publié ses recommandations début 2015. « Auparavant, les médecins endossaient la responsabilité de cette procédure “hors cadre”, mais c’était inconfortable », indique le professeur Philippe Seksik, gastro-entérologue à Saint-Antoine.
Conformément à ces directives, « un registre de donneurs doit être constitué pour suivre le couple donneur-receveur », explique Rui Batista. Pour éviter la transmission d’agents pathogènes, les donneurs de selles doivent aussi subir de nombreux examens. Trouver de tels donneurs n’est toutefois pas évident en France, où subsistent des freins psychologiques. Autre inquiétude : « Des pratiques non contrôlées s’effectuent à domicile », admet Philippe Seksik. Sur Internet, une vidéo en anglais détaille même la « recette » à suivre pour pratiquer ces greffes chez soi !
Lire aussi : La psychomicrobiotique, à la croisée du cerveau et de l’intestin
Outre les infections récidivantes à Clostridium difficile, la greffe fécale pourrait concerner d’autres affections. Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, d’abord : en France, un essai pilote a débuté en 2014 auprès d’une vingtaine de patients touchés par la maladie de Crohn. Les chercheurs mesureront l’effet de la greffe sur l’évolution du microbiote et sur l’inflammation intestinale. Cet essai randomisé est coordonné par le docteur Harry Sokol.
D’après les chercheurs, « notre microbiote joue un rôle central dans le développement de notre système immunitaire, au niveau du tube digestif mais aussi du corps entier », résume Guy Gorochov, professeur d’immunologie à la Pitié-Salpêtrière. Découvrir l’impact de ce petit peuple intestinal à distance du tube digestif a été une surprise. « Dans notre circulation sanguine, on trouve des signes de réponse immunitaire contre nos bactéries intestinales. »
Chez la souris, la composition du microbiote oriente le système immunitaire tantôt vers une réponse pro-inflammatoire, tantôt, au contraire, vers une réponse inhibant l’immunité (dite « régulatrice »). Mieux : les souris qui abritent, dans leur tube digestif, de nombreuses bactéries favorisant ces réponses « régulatrices » font aussi moins de maladies auto-immunes.
Le 9 juillet, une élégante étude a été publiée dans Science par l’équipe de Gérard Eberl, de l’Institut Pasteur (Paris). Elle montre comment, chez la souris, les bactéries intestinales bloquent spécifiquement des cellules responsables des réactions allergiques. A l’inverse, notre système immunitaire influe sur notre microbiote. Nous produisons des anticorps (des « IgA ») qui passent dans notre tube digestif. « Ces anticorps jouent un rôle important dans l’équilibre de notre flore intestinale, dit Guy Gorochov. On sait notamment qu’ils empêchent ces bactéries de franchir la barrière qui sépare le contenu de notre intestin du reste du corps. » Les interactions entre le microbiote et le système immunitaire joueraient un rôle crucial dans le développement de certaines maladies auto-immunes, comme la sclérose en plaques.
Plus inattendu encore : le microbiote intervient dans le déclenchement de certains cancers et dans leur entretien. « La plupart des personnes atteintes de cancers présenteraient des “trous” dans le répertoire de leurs bactéries intestinales », résume la professeure Laurence Zitvogel, cancérologue à l’Institut Gustave-Roussy (Inserm, Villejuif). En outre, la réponse à certains traitements dépend de la composition de ce microbiote. « C’est le cas notamment pour certaines chimiothérapies et nouvelles immunothérapies du cancer. » Heureusement, une alimentation riche en polyphénols, présents dans certains fruits et légumes, pourrait aider à restaurer un microbiote bénéfique.
ESPÈCE BACTÉRIENNE PROTECTRICE
L’alimentation, justement : elle modifie notre microbiote. Chez le rat, une nourriture riche en graisses change la composition de la flore digestive. C’est ce que montre une étude présentée le 7 juillet au congrès de la Société d’étude du comportement alimentaire, à Denver (Colorado). Pis, ce régime très gras crée une inflammation qui perturbe la transmission au cerveau du signal de satiété, entraînant une hyperphagie.
De nombreuses études soulignent l’importance du microbiote dans le champ des « maladies métaboliques » comme le diabète. Dans toutes les populations du globe, « les personnes qui ont une flore intestinale appauvrie présentent plus de risques face au diabète, aux maladies cardiovasculaires et troubles hépatiques », résume le professeur Dusko Ehrlich, de l’Institut national de recherche agronomique, à Jouy-en-Josas (Yvelines). Coauteur de cette découverte, publiée dans Nature en août 2013, Dusko Ehrlich est un des pionniers français du domaine. « Un quart des individus ont perdu la richesse de leur microbiote », précise-t-il.
Ces personnes montrent plus d’anomalies des lipides dans le sang, une résistance accrue à l’insuline et des signes d’inflammation chronique. « Nous avons fait cette découverte sur quelques centaines d’individus. Aujourd’hui, ces résultats se confirment sur plusieurs milliers de personnes », souligne Dusko Ehrlich. Point positif, on peut enrichir une flore déficitaire par un régime riche en fibres et pauvre en graisses.
Le 22 juin, une étude publiée dans Gut a révélé l’effet protecteur d’une espèce bactérienne chez l’homme. Ce travail a été réalisé par l’équipe de la professeure Karine Clément (ICAN, Inserm, hôpital de la Pitié-Salpêtrière). Lorsque leur microbiote est très divers et très riche en bactéries Akkermansia muciniphila, des personnes obèses ont un meilleur « profil métabolique » (elles ont moins de risques de diabète, par exemple)
ECOSYSTÈME COMPLEXE
Plus étonnant encore : chez les patients souffrant de cirrhose du foie, le microbiote intestinal s’est appauvri et a subi une altération massive. Une anomalie due à l’invasion de l’intestin par des bactéries de la bouche : la barrière intestinale s’est rompue. Dans l’intestin, ces bactéries buccales produisent des substances toxiques – notamment pour le cerveau. Cette découverte a été publiée dans Nature en juillet 2014 par l’équipe de Dusko Ehrlich.
Pour autant, le microbiote reste un organe élusif : c’est un écosystème si complexe ! Dans cette jungle tropicale, les bactéries coopèrent entre elles ou sont en concurrence. En 2010, une étude, publiée dans Nature, suggérait l’existence de 1 000 à 1 150 espèces de bactéries différentes dans le microbiote fécal. Chaque individu en hébergerait environ 160.
« La plupart de nos bactéries intestinales sont anaérobies strictes : il est impossible de reproduire in vitro les conditions de leur croissance digestive », souligne Philippe Seksik. Mais, espère-t-il, « quand on connaîtra mieux cet écosystème, on pourra développer des alternatives à la transplantation fécale ». Par exemple, en apportant dans l’intestin les métabolites produits par certaines bactéries bénéfiques…
Publiée le 9 juillet dans Cell Systems, une étude du MIT montre comment reprogammer facilement le génome d’une des bactéries majeures de notre intestin. Mieux : une fois cette bactérie modifiée introduite dans l’intestin de souris, il est possible de contrôler l’activité de ses gènes en jouant sur l’alimentation du rongeur. « C’est une voie très prometteuse. On pourrait envisager de faire produire des médicaments à nos bactéries intestinales, à condition d’apprendre à contrôler ce système. Reste ce défi : que faire sécréter à ces bactéries pour qu’elles contrôlent l’inflammation du tube digestif, par exemple ? », s’interroge Guy Gorochov.
DANONE ET NESTLÉ MISENT SUR LE MICROBIOTE
Quid des perspectives industrielles ? Elles n’ont pas échappé aux start-up ni aux géants de l’agroalimentaire ou de la pharmacie. « Avec les Etats-Unis et les Pays-Bas, la France figure dans le trio des leaders du domaine, en termes de science mais aussi d’entreprises », indique Isabelle de Crémoux, présidente du directoire de Seventure Partners. En décembre 2013, cette société de capital innovation a levé un fonds d’investissement de 120 millions d’euros, Health for Life Capital, centré sur le microbiome dans les domaines de la santé et de la nutrition. Parmi les grands groupes qui misent sur le microbiote, figurent Danone et Nestlé pour l’agroalimentaire, Johnson & Johnson, Pfizer, Novartis et Abbvie pour le volet pharmaceutique. « Depuis le début de l’année, nous avons analysé 70 sociétés qui cherchent des fonds dans le domaine du microbiome », souligne Isabelle de Crémoux. Les quatre start-up les plus avancées du domaine ont toutes été créées entre 2010 et 2012. « Parmi elles, on trouve trois américains (Seres Health, Vedanta Biosciences et Second Genome), et un français, Enterome Biosciences. »
Par ailleurs, deux banques de selles (AdvancingBio et OpenBiome) se sont constituées aux Etats-Unis ; toutes deux sont des organisations à but non lucratif qui fournissent la matière première aux médecins. Chez OpenBiome, le coût d’un traitement est de l’ordre de 400 dollars (358 euros). Les donneurs, eux sont défrayés 40 dollars par don, avec des bonus s’ils le font régulièrement ; leur rémunération annuelle peut atteindre 13 000 dollars, selon la presse américaine.
A l’évidence, nous utilisons aujourd’hui trop d’antibiotiques et autres traitements lourds et coûteux pour lutter contre des maladies infectieuses ou chroniques. « Il est dans l’air du temps d’avoir des approches plus écologiques, relève Philippe Seksik. Le phénomène de mode autour du microbiote est réel. Certaines de nos attentes vont retomber. Mais nous obtiendrons des avancées majeures contre les maladies chroniques liées à des déséquilibres du microbiote. »
Greffe ou médicament ?
Le transfert de microbiote fécal (TMF) doit-il être considéré comme un médicament ou comme une greffe de tissus ou de cellules ? « Le statut de cette thérapeutique et l’autorité régulatrice sont très hétérogènes, indique le docteur Caroline Semaille, chargée de ce dossier à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). En Grande-Bretagne, par exemple, le TMF dépend de la Human Tissue Authority, on est donc plutôt proche de la transplantation. Aux Etats-Unis, la Food and Drug Administration a opté pour un statut de médicament. C’est aussi le choix qu’a fait l’ANSM. »
Une option qui s’explique par le fait que la fraction thérapeutique du microbiote réside dans sa composante microbienne, et non dans les cellules transférées en même temps. Ce médicament est particulier, puisque sa composition n’est pas fixe, mais fonction du donneur. Le statut du TMF pourrait toutefois évoluer selon ce que décidera l’Agence européenne du médicament.
Dans un document publié en mars 2014, l’ANSM définit les conditions d’encadrement des essais cliniques avec transfert de microbiote fécal, dont deux sont actuellement en cours en France. « Une pharmacie hospitalière peut par ailleurs organiser un TMF sous sa responsabilité pour un patient, en dehors d’un essai clinique », ajoute Caroline Semaille. Elle doute cependant que beaucoup de pharmacies hospitalières se lancent, vu les contraintes logistiques et techniques.
Article de Florence Rosier et Pascale Santi paru dans le "Le Monde Science et Technique" le 15.07.2015 . Article « reproduit avec l’aimable autorisation du Monde ».
ventre microbiote système digestif
LE MICROBIOTE INTESTINAL : C'EST QUOI?
Notre ventre, abri du système nerveux entérique, contient 200 millions de neurones, qui, selon des recherches récentes, joueraient un rôle sur l'ensemble de notre corps, en interaction avec le cerveau. Mais nos intestins abritent une autre richesse souvent sous-estimée : le microbiote intestinal, soit environ 100.000 milliards de bactéries. Ces dernières auraient un impact sur notre santé et pourraient devenir vecteur de soins.
Il pèse entre 1,5 et 2kg. Le microbiote intestinal – auparavant appelé flore intestinale - regroupe 100.000 milliards de bactéries, au cœur de notre organisme. Concrètement, cela correspond de dix à cent fois plus de bactéries que l'ensemble des cellules que contient notre organisme. Des centaines d'espèces de bactéries, influençant notre quotidien.
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Joël Doré, directeur de recherches à l'INRA explique : « On distingue différents grands groupes de bactéries avec des fonctions différentes. Leurs rôles s'exercent au niveau des interfaces avec l'aliment, les bactéries de l'environnement ou les cellules humaines, notamment en terme de contribution à la dégradation des composés alimentaires. Certaines bactéries vont par exemple dégrader les fibres ou participer à la fermentation, contribuant ainsi aux sources d'énergie pour l'hôte. D'autres jouent un rôle de protection contre les bactéries pathogènes, d'autres encore stimulent le renouvellement de la paroi intestinale et du mucus ou nos systèmes de défenses naturelles. Elles ont donc un effet bénéfique sur la flore, l'intestin et l'organisme tout entier. »
Grâce à l'étude des selles, on peut désormais déterminer la composition de l'intestin. Chez l'être humain, le microbiote se classe en trois entéro-types différents, qui se dessinent dans les premières années de la vie. « Le rôle de la mère dans la constitution du microbiote intestinal est important. On retrouve des souches d'origine maternelle chez le nouveau-né, qui proviennent du microbiote intestinal et vaginal de la mère. Même si c'est simplifié, c'est un bagage, avec des éléments déterminants de ce que sera le microbiote de l'adulte », détaille Joël Doré. Il se stabilise vers trois ans et se régénère rapidement, même en cas de stress majeur, comme un traitement antibiotique par exemple. « Ensuite, si le microbiote est stable pendant la plus grande partie de la vie, on a l'impression qu'il y a une dérive chez la personne âgée ou très âgée. Avec néanmoins un impact des dérives des pratiques alimentaires. »
Une source de diagnostique ?
Une étude du microbiote intestinal des individus permet par ailleurs de relever certaines anomalies ou maladies. Dans le cas, notamment, de certaines maladies immunes, métaboliques ou auto-immunes, « On a suspecté un lien avec le microbiote », rapporte Joël Doré. « Depuis les années 1990, à l'INRA, on étudie les maladies inflammatoires de l'intestin. Dans le cas de la maladie de Crohn, on a constaté une déviance du microbiote, avec des bactéries absentes ou sous-représentées. Dans le cas de plusieurs maladies immunes, on a noté un lien entre la détérioration de la composition du microbiote et l'installation des maladies chroniques. »
Dans le même ordre d'idée, des liens ont été mis en évidence entre les bactéries intestinales et le système nerveux central. Notamment sur la régulation du taux de sérotonine, elle-même, jouant sur notre humeur. « On a constaté, par exemple, chez les souris, que le niveau d'anxiété pouvait être impacté par le microbiote. », explique Joël Doré. En les privant de certaines bactéries, ces souris avaient de gros troubles de la production de sérotonine, et étaient plus anxieuses que leurs congénères. A l'inverse, l'injection de microbiote améliorait la situation.
Ainsi, « les conséquences vont donc au-delà du système digestif », note Joël Doré. « Il y a presque dix ans, les équipes de Jeff Gordon avaient mis en évidence un lien avec l'obésité. Mais des études s'intéressent également aux conséquences du microbiote sur des maladies inflammatoires, le diabète ou encore les allergies. Donc des pathologies pas forcément centrées sur l'intestin. On explore aujourd'hui des maladies psychiatriques. »
De nouvelles pistes de traitement ?
Ces découvertes ouvrent donc de nouvelles pistes thérapeutiques, où les bactéries pourraient venir en complément des traitements actuels. Une des pistes les plus simples réside dans l'apport de bactéries vivantes, via les probiotiques, par exemple. Cependant, tous les produits laitiers enrichis en probiotiques n'ont pas fait – pour le moment en tout cas – leurs preuves, et ne peuvent être considérés comme des médicaments.
Dans le cas de pathologies plus lourdes, avec un microbiote fortement déséquilibré, des chercheurs australiens ont testé le transfert d'extraits fécaux de personnes saines dans l'intestin de patients malades. Cela s'applique notamment dans le cas de la lutte contre le Clostridium difficile. En inoculant le microbiote d'un donneur, on procède ainsi à une transplantation de microbiote. Une piste explorée également en Europe, et qui pourrait s'étendre à d'autres pathologies.
Oriane Raffin
ventre microbiote
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