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COMMENT SE FORMENT NOS HABITUDES |
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SPÉCIAL MÉMOIRE
Comment se forment nos habitudes
spécial mémoire - par Hélène Beaunieux dans mensuel n°432 daté juillet 2009 à la page 50 (1881 mots) | Gratuit
Jongler fait appel à la mémoire procédurale. C’est la mémoire des savoir-faire, qui nous permet d’accomplir automatiquement certaines activités physiques, verbales ou cognitives routinières.
Selon quels processus acquérons-nous tous nos savoir-faire ? Leur identification permet le développement de nouvelles techniques d’apprentissage pour certaines personnes amnésiques.
EN DEUX MOTS : La mémoire procédurale permet d’accomplir automatiquement des activités physiques, verbales et cognitives routinières. Identifiée il y a déjà plusieurs siècles par les philosophes, elle fait actuellement l’objet de nombreux travaux de recherche. Ils ont permis de déterminer la façon dont elle interagit avec d’autres types de mémoire, telle la mémoire des évènements.
La journée a été longue, et le travail harassant. Le soir venu, fort heureusement, votre voiture emprunte le chemin du retour, et vous conduit jusque chez vous comme si elle était branchée sur pilote automatique. Vous ne vous souvenez plus des circonstances dans lesquelles vous avez appris à conduire. Ni de la première fois où vous avez parcouru cette route. Mais vous la sillonnez sans produire le moindre effort.
De tels automatismes sont actionnés par une mémoire qualifiée de « procédurale » par les neuropsychologues. Elle fait actuellement l’objet de nombreux travaux de recherche. Ces travaux ont conduit à une compréhension plus fine des mécanismes liés au fonctionnement de cette mémoire procédurale, mais aussi des autres types de mémoire avec lesquels celle-ci interagit, telle la mémoire des événements et de leur contexte.
Bergson précurseur
La mémoire procédurale a d’abord été un objet d’intérêt pour des philosophes, à l’instar d’Henri Bergson, en particulier dans son ouvrage Matière et Mémoire, publié en 1896. Bergson n’était pas le premier à s’intéresser à la mémoire sous une forme évoquant les théories cognitives modernes. René Descartes, Pierre Maine de Biran et Théodule Ribot l’avaient fait avant lui. Mais, pour tout neuropsychologue s’intéressant à cette fonction mentale, la lecture de Matière et Mémoire est toujours saisissante.
« Le passé se survit sous deux formes distinctes : dans les mécanismes moteurs et dans les souvenirs indépendants. » Le postulat bergsonien de deux mémoires de natures différentes est en accord avec les modèles actuels de l’architecture de la mémoire humaine. Cette distinction renvoie à celle formulée en 1980 par Neal Cohen et Larry Squire, de l’université de Californie. En montrant que des patients amnésiques pouvaient, malgré tout, apprendre une nouvelle habileté de lecture sans conserver de souvenirs des séances d’apprentissage, ils ont opéré une distinction entre la mémoire déclarative - mémoire du « savoir quoi » - et la mémoire procédurale - mémoire du « savoir comment ».
La mémoire déclarative permet la récupération consciente des événements - mémoire épisodique - et des faits - mémoire sémantique. La mémoire épisodique contient nos souvenirs de vie, comme un accident de trottinette, nos premiers rendez-vous amoureux, etc. Et la mémoire sémantique stocke tout ce que nous avons appris au cours de notre vie : une recette de cuisine ; 1515 : la bataille de Marignan, etc.
La mémoire procédurale correspond, quant à elle, à la mémoire de nos savoir-faire, expressions des procédures cognitives et motrices encodées en mémoire, non accessibles à la conscience et difficilement verbalisables. Elle nous permet d’accomplir, de manière automatique, des activités physiques, verbales ou cognitives routinières. C’est une mémoire qui s’exprime dans l’action.
Les capacités d’apprentissage de nouveaux automatismes par une variété de patients amnésiques ont ainsi été testées au moyen de tâches essentiellement motrices. Outre l’apprentissage de nouveaux automatismes, ces patients amnésiques conservent aussi tous leurs anciens automatismes : conduite automobile, gestes sportifs ou techniques, automatismes de calcul ou stratégie de jeu.
Il semble néanmoins que l’apprentissage de nouveaux automatismes cognitifs soit plus difficile à acquérir pour les patients présentant des troubles de la mémoire épisodique, ce qui est le cas des amnésiques. Ce constat a été réalisé en 1994 par Alan Baddeley et Barbara Wilson, de l’université de Cambridge [1] .
Ils avaient proposé à deux patients amnésiques d’apprendre à utiliser un agenda électronique afin de pallier leurs difficultés à s’orienter dans le temps et de mieux gérer leurs rendez-vous. Pour cela, ils avaient tenté de leur apprendre la procédure de programmation d’un rendez-vous dans un agenda électronique. Contre toute attente, ces deux patients avaient été incapables d’apprendre ce nouvel automatisme : ils commettaient des erreurs lors des premières étapes de cette procédure, et ils étaient incapables, lors de l’essai suivant, de ne pas les commettre à nouveau. Le fait est que les deux patients avaient déjà oublié leurs erreurs, ainsi que les solutions qui leur avaient été proposées sur le moment. Cette observation a conduit à reconsidérer le rôle de la mémoire épisodique dans l’apprentissage de nouvelles habiletés cognitives.
Phase transitoire
Des travaux menés en 2006 par notre laboratoire auprès de sujets jeunes non amnésiques ont, par ailleurs, montré que l’apprentissage d’une nouvelle habileté cognitive était de nature séquentielle, et qu’elle impliquait la mémoire épisodique [2] .
Notre objectif était d’étudier le rôle de certaines fonctions cognitives dans l’encodage d’une action en mémoire procédurale, grâce à une série d’expériences sur des sujets sains à qui nous avons demandé d’automatiser la résolution du problème de la « tour de Toronto ».
Trois tiges sont disposées sur une base rectangulaire. Sur la tige la plus à gauche, quatre disques de couleurs différentes sont enfilés : un noir, un rouge, un jaune et un blanc. Le disque le plus foncé se situe en bas, et le plus clair, sur le dessus. L’exercice consiste à reproduire la même configuration sur la tige la plus à droite, en obéissant à deux règles : ne bouger qu’un seul disque à la fois ; et ne jamais placer un disque foncé au-dessus d’un disque plus clair. L’objectif, pour le sujet, est de découvrir et d’automatiser la procédure de résolution du jeu à force de pratique. Nous avons ainsi démontré que l’apprentissage d’une procédure se déroule en trois étapes distinctes : une étape cognitive, une étape associative et une étape qualifiée d’autonome.
Lors de la première étape, le sujet découvre ce qu’il doit apprendre : il tâtonne et commet de nombreuses erreurs. Puis il passe à l’étape associative, phase transitoire au cours de laquelle il commence à contrôler la tâche à effectuer, sans pour autant l’avoir automatisée. Enfin, pendant la troisième étape, les gestes sont automatisés et atteignent un niveau d’efficacité maximale.
En plus de cet apprentissage, nous avons évalué l’intelligence non verbale des sujets, ainsi que leurs capacités de raisonnement, leurs capacités psychomotrices, leur mémoire de travail et leur mémoire épisodique, à l’aide de différents tests cognitifs.
Erreurs passées
L’examen des corrélations entre le niveau de performance des sujets lors des différentes étapes de la résolution de la tour de Toronto et leurs résultats à ces divers tests a permis de déterminer la contribution de chacune de ces fonctions à l’apprentissage procédural. Ces analyses indiquent que les sujets qui automatisent le plus vite la solution sont également ceux qui possèdent également la meilleure mémoire épisodique.
Nous avons ainsi établi que la mémoire procédurale ne fonctionne de manière autonome que lorsqu’une procédure est totalement automatisée. Les deux premières phases de l’apprentissage nécessitent, en revanche, l’intervention d’autres formes de mémoire : la mémoire épisodique et la mémoire de travail. Le recours à la première permet de se souvenir de ses erreurs passées, et ce faisant, de ne pas les reproduire. Quant à la mémoire de travail, il s’agit d’un registre à court terme, qui permet de visualiser dans son intégralité la séquence à effectuer.
Devant un distributeur automatique de billets, par exemple, l’étape cognitive correspond aux premiers retraits d’argent avec un nouveau code. Nous sommes alors très concentrés. Nous faisons appel à notre mémoire épisodique pour nous souvenir consciemment du code, et éviter les erreurs qui auraient pour conséquence de voir notre carte avalée par le distributeur ! À force d’utilisation, nous avons de plus en plus de facilités à taper ce nouveau code - même s’il nous arrive encore d’avoir une hésitation, ce qui correspond à la phase associative. Puis peut-être au terme de la période des soldes, nous entrons dans la phase autonome, au cours de laquelle la composition du code est devenue un automatisme. Nous n’avons plus à nous concentrer pour nous rappeler du code. Nos doigts le composent tout seuls.
Lobes frontaux
Cette dynamique est liée à une réalité cérébrale. En 2007, notre équipe a en effet démontré qu’à chacune de ces trois étapes correspondait l’implication d’aires cérébrales spécifiques [3] . La première étape est caractérisée par une activation du lobe frontal, qui est impliqué dans le fonctionnement de la mémoire épisodique et de nos capacités de résolution de problèmes. On observe ensuite un basculement progressif de cette activation vers les régions postérieures : le cervelet, les ganglions de la base * et le thalamus.
Ce basculement expliquerait pourquoi nos automatismes sont si difficiles à verbaliser. Reprenons l’exemple du distributeur de billets. Au départ, nous enregistrons notre code en mémoire épisodique afin de pouvoir le composer correctement. Mais, à force de pratique, ces informations sont transformées en un programme moteur, stocké cette fois en mémoire procédurale. Autrement dit, les régions antérieures de notre cerveau travaillent de moins en moins, tandis que les régions postérieures prennent le relais.
Il devient difficile, dès lors, de chercher à nous souvenir de notre code : une fois l’information transformée et stockée dans ces structures cérébrales, la trace conservée par les régions antérieures du cerveau est moins accessible, car moins utile. Nous connaissons notre code, mais il devient très difficile de le verbaliser... Tout simplement parce que l’information la plus accessible ne se trouve plus là où nous la cherchons : elle est stockée dans une zone du cerveau qui ne permet pas cette verbalisation. Heureusement, avec un effort de concentration faisant appel à nos lobes frontaux, nous pourrons tout de même mettre des mots sur les gestes que nous maîtrisons parfaitement et avoir accès à notre code caché dans un recoin de notre mémoire épisodique.
Apprentissage sans erreur
Le rôle joué par la mémoire épisodique et les régions antérieures du cerveau lors de la première étape explique pourquoi certains patients amnésiques, ainsi que tous les sujets présentant des troubles de la mémoire épisodique éprouvent des difficultés lors de ce type d’apprentissage. Ces difficultés peuvent aller d’un ralentissement de l’apprentissage procédural, comme cela a été récemment démontré chez des sujets âgés [4] et des alcooliques chroniques [5] , à l’impossibilité de mise en place d’un nouvel automatisme cognitif chez certains patients amnésiques [6] .
Face aux difficultés d’apprentissage des patients, et parce que la mémoire procédurale serait préservée chez ces derniers, plusieurs techniques d’acquisition adaptées à leurs difficultés ont été imaginées et testées. Parmi celles-ci, la technique de l’apprentissage sans erreur semble particulièrement efficace [7] . Son principe est simple : si les patients, du fait de leur déficit de mémoire épisodique, ne sont pas capables de corriger leurs erreurs d’apprentissage, mettons-les dans des situations où ils ne sont pas susceptibles d’en commettre.
Par exemple, il est possible d’aider un patient amnésique à automatiser le code PIN de son téléphone portable, à condition de rester à ses côtés avec lui lors des 50 premières utilisations afin de lui donner le code. À force de pratique, le patient va automatiser la série motrice sur le clavier de son téléphone. Il restera néanmoins incapable de s’en rappeler explicitement sans l’usage de son téléphone. Cette technique devra encore être développée et élargie, mais elle a déjà fait ses preuves, tant pour l’apprentissage des procédures cognitives de programmation d’agenda électronique chez des patients traumatisés crâniens [8] que la réactivation d’anciennes habiletés liées au jardinage chez une patiente atteinte de la maladie d’Alzheimer [9] .
Hélène Beaunieux 2009
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LE VENTRE, NOTRE DEUXIÈME CERVEAU |
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LE VENTRE, NOTRE DEUXIÈME CERVEAU
Les probiotiques sont-ils bénéfiques pour l'organisme ?
Ces compléments alimentaires contribuent à rééquilibrer la flore intestinale. Avec des effets dans la prévention ou le traitement de pathologies gastro-intestinales.
Les probiotiques sont naturellement présents dans les yaourts ou le lait fermenté. © SUDRES Jean-Daniel / hemis.fr / AFPLes probiotiques sont naturellement présents dans les yaourts ou le lait fermenté. © SUDRES Jean-Daniel / hemis.fr / AFP
NUMÉRIQUE. Cet article est extrait de Sciences et Avenir 816, en vente en janvier/février 2015. Le magazine est également disponible à l'achat en version numérique via l'encadré ci-dessous.
PROBIOTIQUES. Dis-moi qui tu héberges, je te dirai qui tu es ! Depuis quelques années, au travers d’ouvrages et documentaires à succès (1), les recherches concernant le système digestif ont trouvé un large écho auprès du public. Cet organe complexe a, en effet, bien d’autres fonctions que celle d’assimiler les aliments. Le système nerveux entérique abrite en effet le microbiote — 100.000 milliards de bactéries non pathogènes dont l’ensemble des génomes additionnés compte 150 fois plus de gènes que le génome humain. Un grand nombre d’études montre qu’un déséquilibre de la composition de la flore intestinale peut participer à l’apparition ou à la diffusion de maladies digestives (Mici) mais aussi systémiques — cancer, Parkinson, diabète de type II— et jouer un rôle dans l’anorexie et l’obésité (lire Sciences et Avenir n° 815, janvier 2015). Découvrir des moyens de maintenir ou réparer cet équilibre est donc devenu un objectif majeur. Une quête dans laquelle les probiotiques, ces compléments alimentaires à base de micro-organismes vivants supposés bénéfiques à l’organisme, font figure de candidats idéaux. Avec un emballement parfois regrettable. "Les probiotiques pâtissent des erreurs commises par l’industrie alimentaire qui, à la fin des années 2000, a noyé le consommateur de publicités sur des produits laitiers avec des “allégations santé” [...] qui, ne s’appuyant pas sur des études scientifiques de bon niveau, ont depuis disparu de nos publicités", écrit ainsi la professeure en nutrition Francisca Joly Gomez (2). Ces derniers n’en restent pas moins prometteurs.
Il faut distinguer pro- et prébiotiques
Selon l’Organisation mondiale de la santé, un aliment dit probiotique "contient des micro-organismes vivants qui, ingérés en quantité suffisante, exercent des effets bénéfiques sur la santé de l’hôte" (3). Il existe de nombreuses souches de ces micro-organismes vivants dont les plus connues appartiennent aux genres Lactobacillus, Bifidobacterium et Saccharomyces. Les probiotiques sont naturellement présents dans les yaourts ou le lait fermenté, mais également dans le kéfir (boisson issue de la fermentation du lait ou de jus de fruits sucrés), la choucroute ou les olives. Ils peuvent être rajoutés à d’autres aliments (pain au levain, certains dérivés du soja) ou encore vendus sous forme de compléments alimentaires (levure de bière).
De leur côté, les prébiotiques sont des fibres alimentaires, principalement les fructanes (orge, asperges et artichauts en sont riches) et les amidons résistants (banane, légumineuses, riz ou pommes de terre). Ces sucres fermentescibles non dégradés lors de la digestion se retrouvent dans le côlon où ils font office d’"engrais" et stimulent sélectivement la croissance de populations bactériennes.
Ils ont un effet sur certaines pathologies intestinales
Certains probiotiques sont efficaces dans la prévention ou le traitement de pathologies gastro-intestinales (4). Plusieurs essais thérapeutiques ont montré que l’administration de lactobacilles, de bifidobactéries et de certains streptocoques abaisse la durée des gastro-entérites aigües de l’enfant qui guérissent en général spontanément au bout de trois jours. Dans les diarrhées induites par des antibiotiques, dont l’un des effets secondaires est d’appauvrir le microbiote, l’administration conjointe de Lactobacillus diminue également le risque de diarrhée. Enfin, leur rôle de protecteur des barrières épithéliales de l’intestin semble aussi avoir un intérêt dans la prise en charge de la colopathie fonctionnelle (syndrome du côlon irritable). En revanche, il n’existe pas de preuves tangibles de l’efficacité des probiotiques dans les Mici, des pathologies graves qui regroupent la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique.
Ils ne favorisent pas l’obésité
En 2012, une étude du Pr Didier Raoult (Marseille) sur l’utilisation de probiotiques de la classe des firmicutes comme agent de croissance pour le bétail (5) avait provoqué une controverse quant à l’implication possible d’aliments probiotiques dans l’obésité infantile. En effet, les lactobacilles et les bifidobactéries, qui appartiennent à la grande famille des firmicutes, figurent sur la liste des ingrédients des produits Actimel et Activa. Mais si des liens entre la modification du microbiote et l’obésité ont bien été établis, aucun chercheur n’a jusqu’à présent montré d’augmentation notable des lactobacilles et bifidobactéries dans la flore des obèses.
Leur effet est transitoire
Les probiotiques transitent par le tube digestif sans le coloniser. Les bactéries fermolactiques les plus tenaces n’y persistent que quelques semaines. Comme toutes les bactéries exogènes ingérées, elles entrent en compétition avec la flore commensale du tube digestif qui maintient l’équilibre bactérien nécessaire aux fonctions intestinales. L’effet des pro- biotiques cesse donc dès qu’on arrête d’en consommer.
Leur rôle dans la stimulation de l’immunité est à préciser
Environ 60 % de notre système immunitaire est localisé au niveau intestinal où il agit sur la physiologie des cellules locales en renforçant leur rôle de barrière vis-à-vis de certains pathogènes, mais aussi plus largement sur la physiologie de l’ensemble de l’organisme. De nombreux axes de recherche étudient donc l’impact possible du microbiote sur l’immunité, notamment dans l’allergie mais aussi l’asthme, le diabète, l’obésité, le cancer ou encore la maladie de Parkinson. Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), "ingérer des microorganismes à activité probiotique n’est pas sans effet pour le système immunitaire : chez l’homme sain et pour de nombreuses souches, la plupart des études [...] montrent un effet immunomodulateur". Mais pour l’heure, toujours selon l’Anses, "la relation entre un effet biologique sur l’immunité et un effet santé reste à démontrer aussi bien chez le sujet sain que dans les conditions pathologiques" (6).
Par Marie-Noëlle Delaby
(1) Le Ventre notre deuxième cerveau, Cécile Denjean et Héloise Rambert, Éditions Arte vidéo, 2013.
(2) L’Intestin notre deuxième cerveau, Francisca Joly Gomez, éditions Marabout, 2014.
(3) Définition : FAO/ WHO working group report on drafting guidelines for the evaluation of probiotics in food, mai 2002.
(4) Indications for the use of probiotics in gastrointestinal diseases, Girardin M et Seidman EG, Digestive Disease 2011.
(5) The relationship between gut microbiota and weight gain in humans, Raoult D. et al, Future Microbiol. 2012
(6) Effets des probiotiques et prébiotiques sur la flore et l’immunité de l’homme adulte, Jean-Christophe Boclé, rapport de l’Anses, février 2005.
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CELLULES SOUCHES CANCÉREUSES |
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Eradication des cellules souches cancéreuses : une étude française suscite l'espoir
Marc GozlanPar Marc Gozlan
Des chercheurs français viennent de montrer qu’un médicament utilisé dans le diabète peut éliminer les cellules souches tumorales d'une forme particulière de leucémie.
Cancer du sang, la leucémie myéloïde chronique se caractérise par une production excessive et persistante au sein de la moelle osseuse de globules anormaux. ©InsermCancer du sang, la leucémie myéloïde chronique se caractérise par une production excessive et persistante au sein de la moelle osseuse de globules anormaux. ©Inserm
7 questions sur la leucémie myéloïde chronique
ONCOLOGIE. Une équipe de chercheurs et médecins français publie dans la revue Nature une étude montrant qu’il est possible de détruire les cellules souches tumorales, résistantes aux traitements anti-cancéreux, de la leucémie myéloïde chronique (LMC) du sujet âgé. C’est ce contingent de cellules quiescentes, autrement dit tapies et endormies, mais capables de se réveiller et de provoquer une rechute du cancer, que ces scientifiques ont réussi à éliminer. Un résultat d’autant plus spectaculaire que, pour y parvenir, les chercheurs ont associé au traitement standard de cette leucémie un médicament habituellement utilisé dans le diabète de type 2.
La leucémie myéloïde chronique (LMC) représente 15 à 20 % des leucémies de l’adulte. Ce cancer du sang affecte près de 8.000 personnes en France. On compte environ 600 à 700 nouveaux cas par an dans notre pays. La LMC touche principalement les adultes âgés de plus de 50 ans, avec une légère prédominance masculine. La LMC fait partie des cancers du sang (hémopathies malignes) regroupés sous le nom de "syndromes myéloprolifératifs". Elle se caractérise par une production excessive et persistante au sein de la moelle osseuse des globules anormaux, car immatures. Leur développement n’est pas achevé lorsqu’ils passent de la moelle osseuse dans le sang.
Eradiquer les cellules souches leucémiques
Le traitement de la LMC repose sur l’administration de médicaments appelés "inhibiteurs de la tyrosine kinase" (ITK). Celui-ci, qui se prend par voie orale, a radicalement transformé le pronostic de la LMC en une affection chronique, au prix de la prise de comprimés à vie. Ces médicaments ne parviennent cependant pas à éradiquer les cellules souches leucémiques (moins de 10 % des patients traités parviennent au stade auquel où il n’est plus possible de détecter dans le sang la signature génétique de la LMC). Ces cellules dormantes ne se divisent pas mais restent une menace constante. Chimio-résistantes, elles peuvent en effet entraîner une rechute ou faire en sorte que la leucémie évolue vers une forme plus agressive ou résistante au traitement par ITK.
C’est leur éradication que sont parvenus à obtenir des chercheurs du CEA (Fontenay-aux-Roses), des hématologues et chercheurs de l’hôpital Mignot (Le Chesnay, Yvelines), de l’université de Versailles, et leurs collègues de l’hôpital Saint-Louis (Paris). Ils ont associé à un inhibiteur de tyrosine kinase (imatinib, Glivec) la pioglitazone, médicament qui a été utilisé en France dans le traitement de diabète de type 2. Il ne l’est plus depuis juin 2011 (suite aux résultats d’une étude montrant une augmentation du risque de cancer de la vessie sous traitement) mais l’est toujours aux États-Unis, où l’on considère que ce risque n’est pas avéré.
Du sida à la leucémie en passant par le diabète
Comment les chercheurs français ont-ils été amenés à penser que cet antidiabétique pouvait avoir un intérêt thérapeutique dans la leucémie myéloïde chronique ? Pour comprendre, il faut remonter à 2008. Cette année-là, Stéphane Prost et ses collègues du CEA (Institut des maladies émergentes et des thérapies innovantes, iMETI) observent que des protéines produites par le virus du sida (VIH) et son homologue chez le singe (SIV), les protéines Nef, perturbent le processus de fabrication des cellules sanguines par la moelle osseuse en activant des protéines situées dans le noyau, appelées "récepteurs PPAR gamma". Ils sont également intrigués par le fait que des cellules leucémiques en culture sont particulièrement sensibles à l’action des protéines virales Nef, de même qu’à une classe de médicaments connues pour activer les récepteurs PPAR gamma. D’où l’idée d’utiliser des molécules déjà sur le marché, qui agissent en renforçant ces récepteurs. Ils se tournent alors vers l’une d’elles, un antidiabétique, la pioglitazone, qui agit en activant les récepteurs PPAR gamma.
Stéphane Prost, Philippe Rousselot, Philippe Lebloulch et leurs collègues ont montré que l'imatinib et la pioglitazone agissent de façon synergique sur les cellules souches leucémiques, en les forçant d’abord à sortir de leur état de quiescence puis à les tuer directement, ce qui entraîne leur éradication. L’association de ces deux médicaments agit donc contre les cellules leucémiques, qu’elles soient en division ou non proliférantes. Bien que leur action soit différente, ils agissent sur la même cible, une enzyme jouant un rôle clé dans le maintien de l’état de quiescence des cellules souches leucémiques, appelée STAT-5.
Sur la base de ces données encourageantes, et parce que l’on ne dispose pas de modèle de souris satisfaisant pour cette maladie, les chercheurs décident de traiter trois patients souffrant de LMC, dont deux sont également diabétiques. Chez ces malades respectivement traités depuis 5, 6 et 4 ans par imatinib, des cellules leucémiques étaient toujours détectables dans le sang. Chez le premier d'entre eux, les analyses moléculaires n'ont pas détecté de cellules leucémiques 10 mois après la mise en route du traitement combiné par pioglitazone. Ce premier patient est toujours totalement débarrassé de sa leucémie 56 mois plus tard, alors même qu’il ne prend plus l’antidiabétique depuis 4 ans et demi. De même, chez le deuxième patient, la disparition de toute trace de cellule leucémique a été observée après une thérapie d’un an. Quant au troisième patient, ce résultat (que les spécialistes appellent une "réponse moléculaire complète") a été obtenu après 6 mois de traitement seulement. Aucune trace de leucémie n'est détectée 38 mois plus tard (28 mois après l’arrêt du médicament).
LIRE7 questions sur la leucémie myéloïde chronique
Il est alors décidé de conduire un essai clinique (dit de phase II) sur un plus grand nombre de patients qui, selon les cas, seront traités pendant une période variant de 3 à 12 mois. A l’issu de cet essai, 57 % des 24 patients évaluables n’avaient plus de cellules leucémiques détectables dans le sang contre 27 % dans un groupe de patients traités par imatinib seul. Une différence statistiquement significative, précisent les auteurs. Même si cet essai devra évidemment être poursuivi par d’autres à plus grande échelle, il reste néanmoins très encourageant dans la mesure où, là encore, l’effet du traitement s’est maintenu dans le temps.
Au total, ces résultats renforcent l’idée selon laquelle il serait finalement possible dans la LMC de détruire les cellules souches tumorales qui résistent aux traitements anti-cancéreux. Surtout, ils ouvrent la voie à une possible stratégie thérapeutique dans d’autres formes de leucémies et de cancers. Et laissent espérer le développement d'une approche médicamenteuse qui permettrait d’obtenir de façon sélective une guérison
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