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LE DÉVELOPPEMENT DU LANGAGE

 

Le développement du langage
Catherine Loisy


I) LES CONDITIONS DE LA REUSSITE :
1 - La maturation neurologique.
2 - Entendre et parler.
3 - Avoir envie de communiquer.
4 - Etre capable d'effectuer des traitements cognitifs.
II) LE DEVELOPPEMENT DU LANGAGE :
1 - Le lexique.
2 - La syntaxe.
3 - Les conduites langagières.
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I) LES CONDITIONS DE LA REUSSITE :

Le développement du langage est un processus très lent qui prend sa source dans les premières communications et s’élabore progressivement : vers 2 ans l’enfant peut exprimer ses désirs à l’aide de la parole mais il devra attendre la fin de l’adolescence pour pouvoir construire un texte argumentatif.
1 - La maturation neurologique.
L’apparition du langage vers 2 ans suit une période de développement important du cerveau, néanmoins, on n’est pas encore en mesure de certifier que ce développement important conditionne l’apparition du langage.
En revanche, nous savons avec certitude :
    •    Qu’il existe une période critique après laquelle le langage ne peut plus être acquis : à partir de 5 ans, d’après Gaonac’h et Golder, 1995 ; dans des ouvrages anciens, vous pouvez trouver l'âge de 12 ans selon Lenneberg, 1967, mais il semble que c'est très tard.
Une expérience a été réalisée par … Frédéric II de Prusse. Il a confié des nourrissons à des nourrices muettes pour voir quelle serait la langue de ces bébés. Les résultats de l’expérience n’ont rien montré car tous les bébés étaient morts dans les premières années.
On peut prendre comme témoins les enfants sauvages abandonnés dans les montagnes qui ont été élevés par les loups. Lorsqu’on les a retrouvés alors qu’ils avaient déjà un âge avancé, ils n’ont jamais appris à parler, l’accès au plus rudimentaire des langages leur a été très difficile (Film de F. Truffaut).
    •    Que pendant la période critique les régions du cerveau concernées par le langage se localisent progressivement dans l’hémisphère gauche chez la plupart des individus. On parle de l’asymétrie du cerveau pour dire que les 2 hémisphères sont spécialisés dans certaines fonctions. Des recherches récentes tendent à montrer que l’asymétrie du cerveau existerait déjà sur les fœtus, ce qui laisse penser que la zone du langage préexiste mais qu’elle ne se spécialise qu’avec la maturation.
    •    Qu’une lésion ou une ablation dans une des régions cérébrales concernées par le langage (aire de Broca, aire de Wernicke) après la période critique a des conséquences sévères sur le langage alors qu’avant, il existe une capacité de réorganisation qui permet aux zones du langage de se fixer ailleurs.
Les aires dont la lésion suscite des perturbations du langage (Broca et Wernicke) achèvent leur myélinisation (apparition des gaines de myéline autour des axones des neurones) pendant la période critique.
2 - Entendre et parler.
A) Le bain de langage.
C'est la condition sine qua non pour que les connexions s'établissent dans le cerveau dans les premières années de vie.
Mais c’est aussi toute la richesse de ce que l’enfant entendra autour de lui ensuite. Il existe à ce niveau là de grandes inégalités. Dans certains milieux on parle peu à l’enfant. Or l’école attend souvent un niveau élaboré de langage. Il faut être conscient des différences entre les milieux car c’est en les niant que l’école accentue les difficultés scolaires.
B) L'entraînement de l'appareil phonatoire (d'après Monique Viau)
L'enfant doit entraîner son appareil phonatoire, c’est à dire les organes avec lesquels il va parler ensuite :
· Cris, pleurs, sons végétatifs (le premier cri est émis dès la naissance)
· A partir de 2 mois, apparition de sons vocaliques (vocalises avec les phonèmes universels que les enfants soient sourds ou qu'ils entendent).
· Utilisation du larynx vers 4-5 mois et de la respiration --> modulation (chuchotements, hurlements, gazouillis, grognements…) La production de cette période comporte tous les sons existants, même ceux qui ne font pas partie de la langue maternelle. Les enfants sourds et non muets produisent également des sons à cet âge-là mais ils s'arrêteront là faute d'entendre parler une langue.
· Vers 6 mois, le bébé produit un babillage (ou babil) fait d'un ensemble, une suite de sons sans liens avec des signifiés (objets) mais qui comprennent déjà des consonnes et des voyelles. Ce babil se rapproche de la langue maternelle. De plus, le rythme et la mélodie deviennent caractéristiques de ceux de la langue maternelle vers 8 mois. Quand l'enfant est seul ses productions sont variées sur le plan mélodique mais quand il y a interaction avec un adulte, la durée des syllabes se rapproche de celles de l'adulte.
· Entre 8 mois (les + précoces) et 20 mois (les - avancés), il y a émergence de la référence (certains sons désignent quelque chose) puis apparition des premiers mots.
3 - Avoir envie de communiquer.
L'enfant peut communiquer dès sa naissance. Il faut qu'il ait vécu des situations de communication favorables pour qu'il ait envie de parler.
A) LE BEBE VOIT ET ENTEND, IL EST CAPABLE DE COMMUNIQUER.
    •    La vision.
    •    Il voit surtout les contours, les éléments mobiles et les choses contrastées même s'il ne voit pas les couleurs comme nous.
    •    La recherche de contacts visuels. A 20 minutes, il a une prédisposition à regarder le visage humain : quand on lui présente une série d'images parmi lesquelles se trouve un visage, il fixe préférentiellement le visage. Dès sa naissance, le bébé établit donc des contacts avec son entourage. Dès 3 jours, il reconnaît la voix de sa mère. A quelques jours de vie, il est capable de distinguer l'odeur de sa mère de celle d'une autre personne.
Sa dépendance implique qu'il est obligé de nouer une relation pour survivre.
    •    Les formes que prend le contact avec l'entourage. La communication prend des formes variées : activités communicatives posturales et gestuelles, échanges de sourire, dialogues vocaux. L'enfant communique avec son corps : il y a ajustement postural quand on le prend dans ses bras. Les caresses le calment et font cesser ses pleurs. Il communique aussi par le regard : le contact œil à œil se fait très rapidement (dès la naissance). Les sourires correspondent à des états de bien-être, de contact social. Il sont un stimulus social très puissant pour les parents. Les nourrissons souriants incitent les adultes à des interactions sociales. Vers 8-10 mois, les bébés cherchent les interactions avec d'autres bébés du même âge quand l'occasion se présente (crèche, nourrisse) Il ne faut pas négliger le rôle que ces interactions peuvent jouer dans les apprentissages sociaux.
B) COMMUNIQUER, C'EST AGIR SUR AUTRUI : LE BEBE EN EST CAPABLE TRES VITE.
    •    Ce qu'il exprime.
    •    Au cours des premières semaines, le bébé apprend que ses cris et ses pleurs ont une influence sur son environnement familial. En général, ils font venir quelqu'un. A quelques jours, le bébé sait montrer qu'il a faim, qu'il a froid, qu'il a besoin d'être déplacé, par ses pleurs, ses cris, ses décharges motrices. Les expériences de Wolff (1969) tendent à montrer que toutes les manifestations vocales ne sont pas indifférenciées. L'analyse acoustique révèle que des cris différents peuvent correspondre à des besoins différents. Les cris déclenchés par la faim sont stoppés par le remplissage de l'estomac, pas par la succion sans nourrissage (étude réalisée sur des bébés qui ne peuvent pas s'alimenter). Le fait d'être mouillé ou sale ne provoque pas de manifestation, contrairement à ce qui est couramment admis, en revanche, le fait d'avoir froid en provoque. Néanmoins, l'étude montre que les réponses des mères dépendent plus de leurs interprétations, de leur expérience ou de leur conception de l'éducation que d'une analyse acoustique des cris.
    •    Le rôle de l'entourage.
    •    L'entourage de l'enfant joue un rôle majeur dans les processus de la communication : l'entourage interprète ce que l'enfant essaie d'exprimer, et, en général, l'entourage trouve la réponse adaptée. Les parents qui répondent vite ont des enfants plus calmes. Mais attention ! Il ne faut pas non plus anticiper les besoins : il faut laisser les enfants s'exprimer. L'enfant intègre le lien entre son comportement et la réponse de la mère. Dès la 3° semaine, il est capable de cris feints (de comédie) dont le but est uniquement de faire venir quelqu'un. Ces cris feints sont en général interprétés comme il faut par la mère, c'est à dire comme des cris non motivés par un besoin.
On peut interpréter ce comportement comme la preuve qu'il sait déjà bien utiliser la fonction de communication.
    •    Les dialogues mère - enfant : un tremplin pour la communication ultérieure.
    •    Par ailleurs, les études sur les échanges mère - enfant montrent que vers 2-3 mois il existe déjà des dialogues ; lorsque la mère a fini de parler, le bébé émet des sons. Il s'établit entre la mère et l'enfant une communication intentionnelle et réciproque selon un code commun : la communication est faite de moments où l'un s'exprime et de silences pour laisser son tour. Il y aurait alors mise en place du "tour de parole". On qualifie ceci de "communication pré- linguistique" car elle n'est pas encore du langage. Néanmoins, cette phase est capitale selon Bruner (1983 ) car c'est là que se développeraient entre autres le niveau pragmatique. Tout se passe comme si le bébé interprétait l'arrêt du débit vocal de sa mère comme le signe du moment où sa propre vocalise peut s'insérer. Il comprend l'organisation des échanges vocaux.
Il faut dialoguer avec le bébé, il ne faut pas avoir peur du ridicule.
Si la mère éprouve des difficultés pour communiquer, l'enfant aura un retard de langage. Il faut des situations nombreuses et variées. Le geste de pointage qui apparaît avant que l'enfant ne soit capable de désigner l'objet par son nom (vers 8 mois) est un bon précurseur du langage. Selon Wallon, il s'agit d'un geste préparatoire au futur langage articulé.
4 - Etre capable d'effectuer des traitements cognitifs.
L'autre dimension sous-jacente essentielle du langage est la capacité à traiter le langage oral. Le bébé serait doté d'un dispositif de traitement des sons de la parole (qu'on appelle des phonèmes). Ce dispositif lui permettait entre autres de discriminer, catégoriser, segmenter les sons.
A) LA DISCRIMINATION.
Comment l'adulte distingue-t-il les sons ?
Un exemple : en français, les phonèmes (ou sons) /l/ et du /r/ ont une fonction distinctive puisque si l'on remplace l'un par l'autre dans un contexte (par ex. avec oi) on passe à un autre mot de la langue : loi, roi. En revanche, en japonais les sons /l/ et du /r/ n'ont pas de fonction distinctive, un japonais ne distinguera pas les 2 mots loi, roi. Ça veut dire qu'il n'entendra la différence entre les 2 mots. De même, les différentes prononciations du /r/ ne sont pas distinctives en français. Un français aura donc des difficultés à percevoir la différence entre 2 mots étrangers qui ne diffèrent que par la prononciation du /r/. Chaque langue fonctionne donc d'une manière qui lui est propre, il est donc nécessaire que le bébé soit doté d'un système universel à la naissance, mais il va se familiariser très vite avec la langue maternelle. On peut établir la liste des phonèmes (36 en français), le mot bateau comporte 4 phonèmes /b/ /a/ /t/ /o/. Un phonème est un faisceau particulier de traits distinctifs. Ces traits sont déterminés par le voisement ou mise en vibration des cordes vocales (sourde ou sonore), le mode d'articulation (oral, nasal, occlusif), le point d'articulation (bilabiale…). Voir Jakobson (1976 ). Un mot est une suite définie de phonèmes.
Quand l'enfant parvient-il à distinguer les sons ?
Les expériences montrent que le bébé serait capable de distinguer les phonèmes dès le plus jeune âge. Le paradigme expérimental utilisé est celui de la succion non nutritive. On relève le taux de succion pendant que l'enfant reçoit des stimuli de parole. La présentation d'un stimulus nouveau fait augmenter le taux de succion. Lorsque l'enfant s'habitue à ce stimulus, on observe une diminution du taux de succion (on est devant le phénomène de l'habituation).
On prépare donc une expérience dans laquelle on habitue l'enfant à écouter un phonème, son taux de succion baisse jusqu'à un critère fixé par l'expérimentateur. Ensuite, on lui en propose un autre phonème et on observe si le taux de succion reste peu élevé (dans ce cas là, le phonème n'est pas distingué du précédent) ou s'il augmente (dans ce cas là, le phonème est distingué du précédent).
Ces expériences mettent en évidence le fait que l'enfant de quelques jours de vie est capable de discriminer les phonèmes. De plus, il distingue les phonèmes de toutes les langues, ce que l'adulte ne sait plus faire. De plus il sait déjà distinguer les phonèmes qui ne diffèrent que par un seul trait distinctif (par ex. /ba/ et /pa/ ou encore /ta/ et /ka/.
L'enfant peut donc dès la naissance détecter des différences acoustiques très subtiles. Le système perceptif des phonèmes est donc fonctionnel dès la naissance et ouvert à toutes les possibilités. A un an, il ne distinguera pratiquement plus que les sons de sa langue maternelle : il y a donc sélection des "sons utiles" et spécialisation des capacités perceptives.
B) LA CATEGORISATION.
Quand l'enfant est-il capable de catégoriser, c'est à dire de ranger des éléments du langage selon selon leur similarité ?
Catégorisation de la langue maternelle.
En utilisant le paradigme de la succion non nutritive, des chercheurs (Mehler, Jusczyk, Lambertz, Halsted, Bertoncini et Amiel-Tison, 1988 ) ont mis en évidence le fait qu'il existe une catégorisation des langues dès le plus jeune âge.
On fait entendre à l'enfant (4 jours) la voix de sa mère mais celle-ci parle dans une autre langue que la langue habituelle (par exemple, on demande à la mère française non bilingue de parler anglais au cours de l'expérience), on constate que le taux de succion augmente.
Ça signifie que l'enfant reconnaît la langue maternelle des autres langues, il sait déjà catégoriser c'est à dire "trier" la langue qui lui est familière d'autres langues.
En revanche, il ne distingue pas 2 langues étrangères.
On habitue l'enfant à écouter une séquence parlée dans une langue étrangère, le taux de succion baisse jusqu'à un critère fixé par l'expérimentateur. Ensuite, la voix émet une séquence dans une autre langue également étrangère, on constate que le taux de succion reste peu élevé, l'enfant n'a pas perçu de différences, les 2 langues étrangères ne sont pas distinguées.
En conséquence, nous pouvons dire qu'il existe très tôt deux catégories : une catégorie pour la "langue maternelle" et une catégorie pour les "langues étrangères" distincte.
Catégorisation des phonèmes.
L'expérience est d'abord menée sur des adultes. Entre 2 phonèmes qui diffèrent au niveau d'un seul trait, le délai de voisement (c'est à dire le temps de mise en vibration des cordes vocales), par exemple le /b/ et le /p/., il existe tout un continuum de sons intermédiaires selon la qualité du voisement : ceux qui sont proches du /b/ seront catégorisés comme tel par un sujet adulte, ceux qui sont proches du /p/ seront catégorisés comme tel par un sujet adulte. Quand on arrive au milieu, la catégorisation est plus difficile. Des chercheurs ont testé comment l'adulte catégorise les phonèmes à l'aide de stimuli synthétiques qu'on fait varier sur une seule dimension. Au cours de l'expérience, on présente les stimuli de manière aléatoire et les sujets doivent dire s'ils entendent /b/ ou /p/. On peut ainsi déterminer avec précision la frontière à partir de laquelle l'adulte fait appartenir le phonème à la catégorie des /b/ ou à la catégorie des /p/. (Voir les travaux de Liberman, Laboratoires Haskins). L'expérience est ensuite reconduite sur des bébés. Partant des résultats obtenus avec les adultes, des chercheurs (Eimas, Siquelard, Jusczyk et Vigorito, 1971 ) ont fait passer le même test à des bébés en utilisant le paradigme de la succion non nutritive et ils ont trouvé que dès 4 mois, le bébé peut faire des catégories semblables à celles des adultes. Aujourd'hui, on ne sait pas encore si la catégorisation des phonèmes est innée ou si elle est acquise très rapidement.
C) LA SEGMENTATION
Si l'on entend : "1987", on distingue parfaitement … · qu'il y a 6 mots différents · qu'il y a 18 phonèmes A priori, la segmentation semble facile. En fait, ce n'est pas si simple, même si la parole humaine est faite d'unités discrètes, les phonèmes, si on observe un spectrographe, on peut voir que le signal de la parole a une forme essentiellement continue. La parole humaine ressemble à un flot continu de paroles, avec très peu de silences, pas des segments bien définis, les frontières entre les mots sont peu marquées (imaginez un instant quelqu'un qui parle une langue totalement inconnue). Dans une langue que nous connaissons bien nous projetons un découpage lié à notre connaissance de la langue. C'est la connaissance que nous avons de la langue qui nous permet d'emblée de segmenter le flot continu en unités. Si le jeune enfant est capable de faire des distinctions (ou discriminations) et des catégorisations des sons, il est nécessaire de supposer qu'il existe aussi une capacité de segmentation. La fonction de segmentation serait donc elle aussi présente très tôt chez le bébé.
II) LE DEVELOPPEMENT DU LANGAGE :

L'enfant acquiert le lexique (les mots) et la syntaxe (la fonction et la disposition des mots dans la phrase) dans les échanges avec son environnement familial et social. Les psychologues admettent aujourd'hui que les 2 fonctions du langage (communication et représentation) sont étroitement liées au cours du développement
1 - Le lexique.
A) LE DEVELOPPEMENT QUANTITATIF.
Le nombre de mots compris est nettement supérieur au nombre de mots utilisés, et ceci reste vrai tout au long de la vie. Le développement quantitatif du lexique utilisé est très rapide.
18 mois-2 ans : 20 mots
6 ans : 2500 mots --> soit, en moyenne, de 1 à 2 mots par jour pendant 4 ans.
Adulte cultivé : 20 000 à 40 000
Comment se passe cette progression ?
Dans un 1° temps, l'enfant affecte une étiquette verbale à chaque objet ou événement discret de son environnement. Néanmoins, il peut se tromper de mot au début. Chaque objet ou événement qui peut être identifié à part se voit un nom attribué Ex. : chat, fête…
Mais attention ! Un mot ne peut être considéré comme acquis que s'il existe un ensemble de connaissances qui y sont associées. Ex. de Marine (4 ans) qui chante quelque chose qu'elle a inventé : "Les pommes c'est beaucoup bon et ça a des vitamines et des protéines" (Deleau, page 249)
A 6 ans, l'accroissement spectaculaire du vocabulaire amène l'enfant à un niveau suffisant pour l'apprentissage de la lecture, qui nécessite comme pré- requis une bonne pratique du langage car la lecture est elle-même une forme plus élaborée du langage. En revanche, nous verrons que la lecture ne s'apprend pas dans le cadre naturel de la famille mais qu'elle nécessite un apprentissage spécifique.
B) LES ASPECTS QUALITATIFS DU LEXIQUE :
L'affinement du vocabulaire est beaucoup plus progressif.
Les domaines dans lesquels on observe des progrès (les âges sont variables) :
· L'enfant devient capable de ne plus faire d'erreur dans la correspondance entre les mots et les objets.
· Il devient capable de prononcer les mots longs en entier : il cesse par ex. de dire "Ta" pour "Table".
· Il apprend les termes génériques (ou classes super-ordonnées) : il applique le mot chien à toute l'espèce canine. Il cesse d'appliquer un mot particulier comme terme général : si son chien s'appelle "Bobi", il ne dit plus "Bobi" pour tous les chiens qu'il voit.Ces classes s'apprennent grâce aux interventions des adultes (3-4 ans = âge des questions).
· L'enfant crée des mots pour compléter son lexique. Au départ, il peut créer les noms qui lui manquent (Marine à 18 mois, dit "Xaxa" en désignant la barbe pour la première fois qu'elle voit un monsieur barbu). Quand l'enfant grandit et que les noms sont maîtrisés, il continue à créer des verbes (Hermine, 4 ans dit "Cet été j'ai campigné". Ces enfants ont compris le fonctionnement de la langue : leurs erreurs sont le signe d'un processus en construction : Marine à 18 mois comprend que chaque chose à un nom différent, Hermine à 4 ans est en train d'intégrer la construction des verbes.
L'assouplissement des correspondances nom - objet :
· L'enfant est capable assez tôt d'accepter qu'un même mot puisse avoir plusieurs sens (polysémie). Il apprend à s'appuyer sur le contexte pour savoir à quel sens il a affaire.
· Les synonymes, ne semblent pas poser de problèmes particuliers si l'on considère l'aisance avec laquelle les enfants bilingues passent d'une langue à l'autre sans difficulté. En revanche, une étude entre diverses langues (Kail, 1985 ) montre que lorsqu'il existe plusieurs termes pour désigner la même notion, il y a un retard dans l'acquisition de la notion (la proximité est désignée par un seul terme en turc : yanida, alors qu'en anglais, elle est désignée par beside, by, next, near, close to. Les études de Kail montrent que la notion de proximité est acquise plus rapidement en turc).
· Ensuite, l'enfant commence à comprendre les mots abstraits ou les mots qui expriment des relations (causalité, rapports logiques).
· Les définitions demandent un plus grand développement cognitif car elles nécessitent une prise de distance à l'égard du mot (ce qui ne veut pas dire que l'enfant ne sait pas expliquer une chose). Définir (Piaget, 1924 ), c'est avoir recours au genre, c'est à dire trouver la catégorie qui englobe l'élément (l'oiseau appartient au genre animal) et aux différences spécifiques, c'est à dire trouver à l'intérieur de cette catégorie ce qui différencie l'élément qui nous intéresse des autres éléments (les caractéristiques qui le différencient des autres animaux sont le fait qu'il ait 2 pattes, un bec…).
2 - La syntaxe.
A) L'EVOLUTION DE LA LONGUEUR DES PHRASES (Oléron, 1976 ).
Vers 18 mois l'enfant possède 20 mots mais au niveau de l'organisation de la syntaxe ces mots sont utilisés seuls (holophrases : "voiture" signifie aussi bien "c'est la voiture" que "je veux me promener en voiture").
Entre 21 mois et 2 ans les premières phrases à 2 mots apparaissent ("papa buiau" pour "papa est au bureau").
Vers 3 ans, on observe un développement brusque du langage. On voit apparaître les adverbes (ex. : dedans) puis les prépositions (ex. : dans) de lieu, des conjonctions qui marquent l'opposition (mais, pourtant…). L'enfant connaît son nom, celui de ses parents, il sait s'il est garçon ou fille. Les phrases sont mieux organisées et l'enfant devient capable de dire des phrases qu'il n'a jamais entendues. Il aime poser des questions, il verbalise ses actions. On remarque l'apparition du "je" qui arrive parallèlement au dessin du rond fermé : c'est une entité indépendante, pas quelque chose d'ouvert mais de fermé. L'enfant dessine une entité et il est lui-même une entité puisqu'il dit "je". Parler du passé est encore très difficile : ils ne se souviennent pas des événements, ils ne savent pas se situer dans le temps, ils n'ont pas les mots pour le dire. Soit ils ne répondent pas quand on les interroge, soit ils affabulent.
Vers 5 ans, il fait des phrases à 5 mots.
B) L'ORDRE DES MOTS DANS LA PHRASE.
Chez l'enfant, la construction des phrases est créative mais porteuse de sens. Pour l'adulte, la manière de structurer les phrases a un caractère canonique, l'ordre des groupes est régulier : dans une phrase simple en français, on a en général : groupe nominal, groupe verbal.

Y a-t-il un lien entre la construction de cette phrase et l'action qu'elle décrit ? Non. L'ordre de l'énoncé a un caractère arbitraire, il n'y a pas de lien, pas de correspondance entre la structure des phrases et les actions auxquelles elles se rapportent, même s'il s'agit d'actions concrètes, observables. On pourrait très bien avoir une autre structure, il ne s'agit que de conventions (Par exemple, en turc, les lieux ne sont pas marqués par des prépositions, comme en français où on dit "sur la table", mais par des postpositions, ils disent en quelque sorte " la table sur") : s'il n'y a pas de logique interne ce sera plus difficile à comprendre pour l'enfant. C'est la raison pour laquelle les premier énoncés verbaux que l'enfant produit ne reflètent pas la construction canonique car l'enfant cherche toujours du sens dans ses constructions, comme dans tout ce qu'il fait.
Une construction fréquente chez l'enfant :
Le p'tit garçon ballon rouge pousse.
Une interprétation (Oléron, 1979 ).
Les phrases de l'enfant portent au départ sur des personnes et des actions concrètes. Il s'intéresse à des choses qu'il observe. Il est logique qu'il décrive en premier l'agent, cad celui qui agit, qui se déplace… Pourquoi c'est logique ? Parce qu'au niveau perceptif, c'est le plus prégnant, celui qui a le plus d'importance, celui qui saute aux yeux. Ensuite, il décrit le patient, parce qu'il a aussi un caractère important aux yeux de l'enfant. Dans l'ex., c'est le ballon, mais ce serait pareil s'il s'agissait d'un autre personnage. Enfin, dans un exemple comme celui-ci, l'action a certainement au niveau perceptif un caractère moins prégnant que les personnes ou les objets visibles dans le champ perceptif. Le verbe est en dernier.
En revanche, dans un autre cas de figure l'action pourra être primordiale si c'est elle qui a le plus marqué l'enfant :
A tombé le bébé.
C'est la raison pour laquelle, si l'on s'en tient aux hypothèses d'Oléron, on peut dire que le sens des actions que l'enfant veut décrire et la prégnance du contexte influencent la construction des phrases.
Quand l'enfant assimile-t-il les régularités de la syntaxe ?
Une expérience tend à montrer que la structure canonique de la phrase simple serait intégrée vers 6 ans (Sinclair et Bronckart, 1972) .
Le protocole : les enfants doivent construire avec des poupées le mime d'une action à partir de 3 mots. Les triplets sont constitués de 2 noms et d'un verbe avec les 6 combinaisons possibles : "la fille, le garçon, pousse" ; " la fille, pousse, le garçon" ; "pousse, la fille, le garçon"…
L'expérience montre :
- Avant 3 ans 6 mois : les enfants sont indifférents à l'ordre des mots, ils répondent toujours de la même manière.
- A partir de 3 ans 6 mois : ils respectent l'ordre nom --> verbe --> nom, seulement s'il est canonique : s'ils ont "la fille, pousse, le garçon" ils montrent que la fille pousse le garçon, s'ils ont "le garçon, pousse, la fille" ils montrent que le garçon pousse la fille. En revanche, s'ils ont une phrase comme "pousse, la fille, le garçon"… ils répondent au hasard, ils n'arrivent pas à trouver un sens.
- A 6 ans, ils considèrent que le premier nom donné est toujours l'agent de l'action et le second celui qui la subit quelle que soit la phrase. A 6 ans, l'enfant a donc intégré la structure canonique de la phrase simple: dans une phrase le premier nom entendu est celui qui fait l'action, le deuxième nom est celui qui la subit. A force de manipuler la langue, l'enfant accroît sa connaissance des règles qui régissent la structure de la phrase, et il apprend l'ordre canonique des mots.
C) L'INTEGRATION DES PETITS MOTS ET DE LA CONJUGAISON
L'usage des petits mots autour du groupe nominal se développe. Les articles, pronoms, prépositions, adverbes apparaissent progressivement et parallèlement mais selon un même ordre chronologique. Les âges sont très approximatifs.
- Les articles indéfinis précèdent les articles définis.
- L'accord en genre des articles précède l'accord en nombre.
- L'usage des articles définis et indéfinis est souvent inversé jusqu'à 6 ans. Puisque ces formes linguistiques sont employées c'est qu'elles sont acquises, mais c'est l'acquisition correcte de leur fonctionnement qui est plus tardive.
- Les pronoms personnels de la 1° et de la 2° personne précédent ceux de la 3°, sauf si l'enfant commence à dire "il" en parlant de lui-même.
- Les pronoms possessifs sont accolés à l'adjectif correspondant jusqu'à 5 ans (mon mien).
· En ce qui concerne les adjectifs possessifs, un phénomène est fréquemment constaté. L'enfant accorde l'adjectif possessif avec sa personne et non avec le substantif : par exemple, un garçon dit "mon chambre" et une fille dit "ma chien". Il existe une sorte de conflit entre le sexe de l'enfant et l'accord avec le nom.
· Les prépositions et adverbes apparaissent tôt dans le langage dans des expressions toutes faites comme "dans l'eau", "par terre", sans qu'ils ne soient acquis isolément. Ils ne peuvent pas être employés dans une autre expression propre à l'enfant. L'enfant ne dira pas "le sucre est dans le bol".
La conjugaison.
- Dès 3 ans et demi, l'enfant commence à conjuguer, la première forme verbale est l'impératif (Donne !), l'infinitif arrive rapidement (Moi, pas dormir !).
- Vers 4 ans apparaît l'indicatif présent.
- Le futur apparaît d'abord dans une forme particulière construite avec les verbes aller et venir : "je va manger" et vers 5 ans apparaît le véritable futur simple : "je mangerai".
- L'imparfait et le conditionnel viennent à partir de 5 ans-5 ans et demi. Au cours de cette période (fin de MS, début de GS), on remarque des généralisations incorrectes : buver pour boire, ouvri pour ouvert, voulerais pour voudrais… L'enfant a intégré les caractéristiques des verbes les plus courants et il les applique à des verbes nouveaux qu'il ne connaît pas encore car ils sont irréguliers. Encore une fois, ses erreurs montrent qu'il a compris comment fonctionne la langue mais qu'il lui manque encore des connaissances.
- Après 6 ans, on trouve une utilisation adéquate des temps des verbes : le présent est employé pour une action actuelle, le passé-composé et l'imparfait pour une action ancienne.
D) UN TRAVAIL DE LONGUE HALEINE.
Même si les progrès effectués sur cette première période sont spectaculaires, en particulier l'accroissement du lexique entre 2 et 5 ans, l'élaboration qualitative du langage est très lente. A 5-6 ans, on peut dire qu'il possède déjà un instrument élaboré de représentation et de communication, mais il reste des éléments difficiles à acquérir. Vers 6 ans, si la phrase simple est alors construite à peu près comme celle de l'adulte, il reste encore beaucoup de choses à apprendre tant sur le plan de la compréhension que de la production des structures complexes. Par ex. : "la souris que le chat poursuit mange le fromage". La phrase passive est difficile car elle suppose une réorganisation des connaissances. A 6 ans, l'enfant vient de comprendre l'ordre canonique de la phrase simple, or la phrase passive entre en conflit avec cette connaissance : le sujet apparent de la phrase n'est pas l'agent de l'action. A 6 ans, la phrase passive peut apparaître, mais elle ne sera complètement intégrée que vers 9-10 ans. Les propositions relatives ne sont parfaitement maîtrisées que vers l'âge de 10 ans.
3 - Les conduites lanagagières.
Pour maîtriser le langage, il ne suffit pas de connaître des mots et de savoir les organiser en phrases, il faut aussi adopter des conduites langagières : raconter une histoire n'est pas la même chose que de défendre un point de vue.
A) LE RECIT.
En ce qui concerne la construction du récit, on observe entre 4 et 9 ans, un passage par différentes stratégies. On demande à des enfant de produire un discours à partir d'une série d'images sans texte qui raconte une histoire.
On observe que les enfants passent successivement par 3 stratégies.
· 4-5 ans : phase procédurale Le discours est géré directement à partir de ce que les images montrent, rien n'est planifié : il y a une énumération mais pas d'organisation globale du discours. Le discours produit manque de cohérence.
· 6-7 ans : phase méta-procédurale L'organisation prend le dessus mais c'est au détriment de l'image. L'enfant a intégré la structure canonique des récits :
- exposition (situation initiale stable : il était une fois une petite fille…)
- complication (élément déclencheur : mais le loup…)
- résolution (retour à une situation finale stable : le chasseur tue le loup)
- évaluation (moralité : les petites filles ne doivent pas s'habiller en rouge) L'enfant se construit un scénario à partir du héros. Le discours est très organisé mais l'enfant oublie de faire référence à ce qu'il voit sur les images. Il y a une unité narrative mais l'histoire est pauvre car il ne fait pas référence aux images : il ne faut pas considérer cette pauvreté comme une régression mais comme un changement de stratégie qui est difficile, c'est le signe que la pensée commence à s'organiser. L'enfant ne peut pas encore prendre en compte 2 choses à la fois : une organisation d'ensemble et la prise en compte de détails.
· 8-9 ans : phase interactive. Il existe maintenant un va-et-vient entre l'image et l'interprétation générale. Les connaissances sont utilisées pour l'interprétation de ce qu'il voit : s'il fait référence à des faits qui ne sont pas sur les images, il prendra soin de relier ce qu'il dit à des détails de l'image. Le discours est donc à la fois bien construit et enrichi de détails.
B) L'ARGUMENTATION.
Pour argumenter, il faut être capable de prendre en compte l'autre et son point de vue différent du mien. Il est difficile pour l'enfant d'imaginer que quelqu'un peut penser différemment (égocentrisme et décentration, Piaget). Vers 3-4 ans : l'enfant essaie d'expliquer les choses. Mais l'argumentation se mettra en place vers 13 ans, et le texte argumentatif atteindra un niveau élaboré vers l'âge de 17 ans.
Deleau, M. (1999). Psychologie du développement. Rosny, Bréal Editions. 
Bruner, J. (1983). Le développement de l'enfant. Savoir faire, savoir dire, Paris, PUF.
Jakobson, R. (1976). Six leçons sur le son et le sens, Paris, Les Editions de Minuit
Mehler, J., Jusczyk, P.N., Lambertz, G., Halsted, N., Bertoncini, J. et Amiel-Tison, C. (1988). A precursor of language acquisition in young infants, Cognition, 29, 143-178.
Eimas, P.D., Siquelard, E.R., Jusczyk, P.W. et Vigorito, J. (1971). Speech perception in infants, Science, 171.
Kail, M. (1985). Les universaux et les particularités du langage, Le courrier du CNRS, 60, 21-25.
Piaget, J. (1924). Le jugement et le raisonnement chez l'enfant, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé.
Oléron, P. (1976). L’acquisition du langage, in H. Gratiot-Alphandéry et R. Zazzo,Traité de psychologie de l’enfant, Paris, PUF.
Oléron, P. (1979). L’enfant et l’acquisition du langage, Paris, PUF.
Sinclair, H. et Bronckart, J.-P. (1972). A linguistical universal ? A study in developmental psycholinguistics, Journal of Experimental Psychology, 14, 219-227.


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SCIENCES ET CULTURES DU VISUEL

 

Paris, 7 novembre 2013


Inauguration du premier programme de recherche français consacré aux sciences et cultures du visuel


Le CNRS, les universités de Lille 1 et Lille 3 inaugurent le 7 novembre 2013 le programme Sciences et Cultures du Visuel « SCV », premier programme de recherche français dédié aux Études visuelles. Il s'agit d'un champ de recherches consacré à tous les types d'images (matérielles et mentales), d'artefacts visuels (objets fabriqués par l'homme) ainsi qu'à l'ensemble des dispositifs de vision et de visualisation. Comment et par qui les images et les artefacts visuels sont-ils produits ? Comment sont-ils perçus ? Comment circulent-ils et se transforment-ils dans l'espace social ? Telles sont quelques-unes des questions qui nourriront la réflexion des chercheurs, qu'ils soient issus des sciences humaines et sociales ou des sciences dures. Le programme « SCV » est constitué d'un cluster de recherches nommé iCAVS (1) et d'une plateforme technologique regroupant des équipements de pointe appelée IrDIVE (2), labellisée EquipEx. Il ambitionne de créer des synergies nouvelles entre la recherche fondamentale, les entreprises, les industries culturelles et la création artistique sur le site de l'Imaginarium à Tourcoing, dans le nouveau quartier de la Plaine Images.
Les Études visuelles, domaine de recherches encore émergent en France, interrogent la production, la perception, la réception, la circulation et la transformation des images et des artefacts visuels dans l'espace social. Le programme « SCV » qui vient d'être officiellement lancé vise à favoriser l'émergence d'une communauté de chercheurs d'horizons divers  (histoire de l'art, anthropologie, psychologie, sociologie, sciences du langage, philosophie, informatique, neurosciences…).
 
Accueilli à l'Imaginarium, une ancienne usine réhabilitée, le programme « SCV » est situé à proximité du Fresnoy (Studio national des arts contemporains) et du siège de nombreuses entreprises spécialisées dans le domaine des industries créatives et culturelles (du jeu vidéo notamment). Il se déploie sur un plateau de près de 1600 m2 comprenant un espace de recherche et la plateforme technologique de très haut niveau IrDIVE labellisée EquipEx en 2011. Celle-ci permettra aux chercheurs d'accéder à des équipements de pointe issus des innovations les plus récentes : écran à double courbure unique au monde pour la réalité virtuelle, caméra thermique pour l'étude des interactions gestuelles, capteurs émotionnels, oculomètres et un Lab Test (laboratoire des usages) visant à contribuer à l'innovation technologique et au développement des industries créatives.

Le projet scientifique s'appuie sur une thématique transversale consacrée aux enjeux théoriques, conceptuels et méthodologiques des Études visuelles, qui sera nourrie par les travaux et les expérimentations menés dans trois axes de recherches annexes (voir encadré ci-dessous).   

Le programme « SCV » constitue désormais le premier cluster de recherches en France dédié aux Études visuelles, à l'interface de la recherche, du monde économique et de la création artistique. Il va permettre de  développer un espace de recherche et de transfert innovation-valorisation unique en France dans le domaine de l'image et du visuel. Implanté à Tourcoing, sur le site de la Plaine Images, un nouveau quartier de 5 hectares, dédié à l'image et aux industries créatives et culturelles, le programme « SCV » participe à la dynamique du Pôle Images (Pictanovo) de la Région Nord-Pas de Calais qui ambitionne de faire de l'image une de ses filières d'excellence.

Ce projet a pu voir le jour grâce au soutien du CNRS, de l'Université Lille 3, de l'Université Lille 1, de l'ANR, de la Région Nord-Pas de Calais, des fonds FEDER et de Lille Métropole Communauté Urbaine et la collaboration de nombreux partenaires scientifiques (3).

 

DOCUMENT           CNRS            LIEN

 
 
 
 

APPRENTISSAGE DE LA LECTURE

 

Paris, 27 août 2014


Apprentissage de la lecture : les bricolages du cerveau


Lors de la lecture, enfants comme adultes doivent éviter de confondre les lettres en miroir (b/d ou p/q). D'où nous vient cette difficulté à différencier ces lettres ? Lorsque l'on commence à lire, notre cerveau doit apprendre à inhiber la généralisation en miroir : un mécanisme qui permet de reconnaître rapidement des objets identiques quelle que soit leur orientation et qui empêche le cerveau de différencier les lettres en miroir qui, bien que symétriques, sont différentes. L'étude, menée par les chercheurs du Laboratoire de psychologie du développement et de l'éducation de l'enfant (CNRS/Université Paris Descartes/Université de Caen Basse-Normandie), est disponible en ligne sur le site du Psychonomic Bulletin & Review (Online First Articles).
Ces dernières années, de nombreuses études se sont basées sur la théorie du recyclage neuronal à propos de l'apprentissage de la lecture : des mécanismes anciens de notre cerveau sont réutilisés dans un rôle adaptatif nouveau, par une sorte de "bricolage biologique". Ainsi, des neurones initialement dédiés à l'identification rapide d'objets de notre environnement, grâce à la généralisation en miroir, seraient réutilisés au cours de l'enfance pour se spécialiser dans la reconnaissance visuelle des lettres et des mots.
Les chercheurs ont donc montré à 80 jeunes adultes des paires d'images, d'abord deux lettres et ensuite deux animaux. Sont-elles à chaque fois identiques ? Les résultats ont indiqué que les lecteurs mettaient systématiquement plus de temps à déterminer que deux images d'animaux étaient bien identiques quand elles étaient précédées par des lettres en miroir. Cette augmentation du temps de réponse s'appelle "l'amorçage négatif" : les lecteurs ont dû bloquer la stratégie de généralisation en miroir pour réussir à discriminer des lettres de type b/d ou p/q. Ils mettent ensuite un peu plus de temps à déclencher cette stratégie quand elle est à nouveau utile pour reconnaître rapidement des animaux.
Ces résultats montrent que, même à l'âge adulte, l'inhibition de la généralisation en miroir est toujours nécessaire pour éviter les erreurs de lecture. Les enfants doivent donc s'entraîner à inhiber cette stratégie dès le début de l'apprentissage de la lecture. Un défaut d'inhibition cognitive lors du recyclage des neurones visuels du cerveau pourrait alors être un facteur explicatif de la dyslexie. Une piste à explorer, suite à cette découverte.

 

DOCUMENT             CNRS              LIEN

 
 
 
 

THÉÂTRE AFRICAIN

 

HIRAGASY THÉÂTRE AFRICAIN


Le patrimoine musical malgache est immense. Chacune des 18 ethnies de l'île a développé un univers singulier, un genre spécifique. L'Hiragasy est celui des Merina qui peuplent la région d'Antananarivo et des hauts plateaux. 
A la fin du 18ème siècle, Andrianampoinimerina commença à unifier le pays et entreprit d'étendre les rizières. Pour adoucir la besogne, il invita les artistes à venir encourager les bâtisseurs de digues. C'est alors que danseurs, musiciens, acrobates et maîtres de l'art oratoire accoururent sur les chantiers. De ces rencontres, les réunissant tous, un nouvel art vit le jour, on l'appela Hiragasy : le chant malgache.
Pendant la période coloniale, l'Hiragasy a emprunté aux européens galons, épaulettes, tambours, violons et trompettes ; il représente un exemple parfait de métissage culturel en musique. 
Toujours pratiqué durant les rites tel que le retournement des morts, cet art populaire, écrit et conçu par les moins lettrés, est un vecteur de démocratie et de culture. Rigoureusement mis en scène, il offre un spectacle total avec des costumes, une symbolique et une dramaturgie qui justifient qu'on le considère aujourd'hui comme un théâtre à part entière. 
Infirmant des analyses qui privaient l'Afrique d'un théâtre, l'Hiragasy nous apparaît bien comme un authentique théâtre rural et africain.

 

VIDEO           CANAL  U            LIEN

 

(si la video n'est pas accéssible,tapez le titre dans le moteur de recherche de CANAL U.)

 
 
 
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