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La transgènese sansl'aide des virus? |
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La transgènese sansl'aide des virus?
mensuel 315
daté décembre 1998 -
Les vecteurs synthétiques ont plusieurs atouts. Leur production est simple et sûre, ils sont stables et peuvent contenir des constructions génétiques de grande taille. Construits de toutes pièces, ces vecteurs s'inscrivent dans une perspective de gène-médicament. Mais si leur efficacité in vitro est satisfaisante, les résultats in vivo sont décevants, sans doute parce que la connaissance des mécanismes impliqués reste insuffisante. Quelques études cliniques ont été lancées pour une utilisation locale.
Les virus possèdent la capacité d'atteindre leur cellule cible, d'y pénétrer et d'y exprimer leur matériel génétique. S'en servir comme système de délivrance de gènes thérapeu- tiques oblige, pour des raisons de sécurité, à les modifier de telle sorte qu'ils deviennent incapables de se multiplier. D'objets vivants dont la finalité est le transfert de gènes à des fins de reproduction, dérivent des éléments tout aussi invasifs, mais stériles : des vecteurs viraux dits défectifs. Or, la biologie de ces derniers s'éloigne parfois considérablement de celle du virus d'origine : ils perdent certaines propriétés, et peuvent même en acquérir de néfastes. C'est donc logiquement qu'a surgi l'idée de créer des vecteurs purement chimiques, dans lesquels les éléments fondamentaux de la stratégie virale sont remplacés par des composants de synthèse. Pour l'industrie pharmaceutique, l'irruption de la synthèse chimique dans le champ de la vectorologie a le double avantage de valoriser son savoir-faire traditionnel, en chimie et dans les systèmes de délivrance de médicaments, et de lui permettre de s'affranchir des lourdes contraintes liées à la fabrication de vecteurs viraux.
Aujourd'hui, les chercheurs disposent d'une multitude de réactifs de transfection, à base de polymères ou de lipides, vendus par des sociétés privées Gibco, Promega, Boehringer-Mannheim.... Plutôt que de développer de nouveaux vecteurs, ils essaient de modifier le plus simplement possible les transporteurs du commerce : les particules renfermant l'ADN doivent s'associer aux cellules cibles, pénétrer dans leur cytoplasme, et enfin délivrer leur contenu dans le noyau cellulaire.
Déroulé, un petit gène, une molécule d'ADN de quelques dizaines de milliers de paires de bases, est d'une longueur comparable à celle d'une cellule. Difficile pour le premier de pénétrer la seconde. D'autre part, l'ADN est une molécule chargée négativement. Les virus compactent fortement l'ADN, grâce à des protéines riches en acides aminés chargés positivement, les histones. Voilà pourquoi la plupart des vecteurs de synthèse sont des lipides, des peptides ou des polymères chargés positivement, dits cationiques. Comme les histones, ils peuvent à la fois condenser l'ADN et donner une charge positive à l'ensemble. Cet excès de charges positives permet aux transporteurs cationiques d'interagir, par l'intermédiaire de liaisons électrostatiques, avec les charges négatives présentées par la membrane cellulaire.
Quelle que soit la nature du vecteur, les interactions de l'ADN avec celui-ci restent imprédictibles. La plupart des équipes mélangent de manière empirique vecteur et acide nucléique : il se forme un complexe qui contient, en général, plusieurs molécules d'ADN. De plus, ces complexes vecteur cationique/ADN ont tendance à s'agréger. Observés au microscope électronique, les complexes ont un diamètre de 50 à 150 nanomètres1. Seule une condensation contrôlée de l'ADN permettrait la formation de particules ne renfermant qu'une seule molécule d'ADN1. Cela réduirait leur diamètre à une vingtaine de nanomètres, facilitant considérablement le franchissement des compartiments vasculaires, ainsi que la pénétration dans les cellules et leur noyau. Notons par ailleurs que le fait que l'ADN soit compacté le protège des enzymes capables de le dégrader, les nucléases.
Comment faire entrer les complexes transfectants* dans les cellules ? Avant de pénétrer dans une cellule, certains virus interagissent avec des protéines sucrées anioniques, c'est-à-dire chargées négativement, qui sont présentes sur la membrane plasmique. De même, lorsque les complexes transfectants ont une charge nette positive, il semble qu'ils utilisent ces molécules de surface pour se fixer sur la cellule2. Ces interactions électrostatiques leur permettent ensuite d'y pénétrer. In vitro , l'étape de pénétration dans la cellule ne pose pas de problème. Les molécules du commerce sont extrêmement efficaces sur les cultures cellulaires : le taux de transfection des cellules approche parfois les 100 %. Cependant, in vivo , leur efficacité chute considérablement pour souvent tomber quasiment à zéro. Ainsi, après injection par voie intra- veineuse des complexes chargés positivement, on constate que le transfert de gènes s'effectue surtout vers les cellules des poumons et du foie. Cette biodis-tribution suggère que les complexes transfectants s'agrègent en particules de grande taille, car ils interagissent sans doute avec des protéines du sang. Ils ne peuvent donc pas quitter de manière efficace le système vasculaire : les particules sont mécaniquement retenues par les filtres naturels que constituent les poumons et le foie et pénè- trent dans les premières cellules qu'elles y rencontrent.
Une fois franchi les premiers filtres physiologiques, on cherchera le plus souvent à éviter la dissémination de l'ADN thérapeutique dans l'ensemble de l'organisme : il faut le conduire vers des cibles spécifiques. Pour cela - tout comme dans le cas des vecteurs viraux - on peut greffer sur le transporteur des ligands*, molécules qui seront reconnues par les récepteurs présents sur le type cellulaire choisi3. Ces ligands peuvent être très variés sucres, peptides, hormones.... Ils ont pour intérêt de substituer une interaction transporteur/cellule très spécifique, à celle non spécifique due aux charges ioniques. Par exemple, des protéines sucrées complexes, les asialoglycoprotéines, permettent une entrée dirigée vers les cellules du foie4.
Les cellules absorbent les éléments du milieu extérieur par endocytose : leur membrane se replie jusqu'à former une vésicule, l'endosome. Les complexes de transfection profitent de ce mécanisme pour pénétrer leurs cibles cellulaires. L'intérieur de l'endosome s'acidifie progressivement, puis fusionne avec une autre sorte de vésicule, appelée lysosome.
Ce dernier contient des enzymes qui dégradent son contenu. Une fois dans l'endosome, les complexes doivent donc absolument s'en échapper avant d'être déversés dans les lysosomes et de subir leur attaque enzymatique. On associe donc aux vecteurs synthé- tiques des molécules, dites fusiogè- nes, qui déstabilisent les membranes de l'endosome, et leur permettent de s'évader. Afin que l'activité fusiogène ne se révèle qu'après l'entrée dans l'endosome, on choisit des molécules dont l'activité ne s'exerce que lorsque le milieu s'acidifie. Les vecteurs lipidiques sont ainsi associés à un lipide particulier surnommé DOPE pour di-oleoyl-phosphatidyl-éthanolamine. Les autres types de vecteurs - peptidiques, polymériques... - peuvent être associés à des peptides fusiogènes. L'un d'entre eux provient du virus de la grippe et permet d'augmenter d'environ cent fois l'efficacité de la transfection5.
On peut aussi utiliser des particules virales, telles que les adénovirus, qui ont élaboré des mécanismes efficaces pour échapper à la dégradation intracellulaire. En utilisant des adénovirus défectifs* associés avec des complexes de transfert, l'efficacité du transfert de gène peut être multipliée par un facteur 1 0006. Mais l'avantage du tout synthétique est alors perdu.
Une fois dans le cytoplasme, encore faut-il que l'ADN atteigne le noyau de la cellule. Introduit dans des cellules en croissance en particulier des cellules en culture, l'ADN pénètre dans le noyau au cours de la division cellulaire, lorsque l'enveloppe nucléaire est disloquée. Mais dans les cellules au repos - état dans lequel se trouve la majorité des cellules de l'organisme - l'enveloppe nucléaire constitue une barrière qui ne laisse passer, par diffusion, que les molécules de diamètre inférieur à 9 nm. Les molécules dont la taille est comprise entre 9 et 25 nm, peuvent pénétrer dans le noyau en empruntant les pores de la membrane nucléaire. Il s'agit alors d'un transport actif qui nécessite la reconnaissance de signaux particuliers appelés signaux de localisation nucléaire ou NLS7. Mais la greffe d'un tel signal sur un vecteur synthétique n'a pas amélioré l'efficacité de la transfection8. De plus, rappelons que la plupart des complexes de transfert mesurent plus de 25 nm. Cette étape du transport nucléaire est aujourd'hui la plus difficile à résoudre. Elle fait d'ailleurs l'objet de nombreux travaux.
Autre problème, si le vecteur devait rester associé à l'ADN jusque dans le noyau, il faut s'assurer que sa présence n'interfère pas avec la transcription du gène introduit. Ainsi, des complexes à base de polymères des polyéthylènimines, par exemple, inhibent peu ou pas la transcription du transgène9. En revanche, les transporteurs cationiques à base de lipides inhibent cette transcription, lorsqu'ils présentent un excès de charges positives.
Au-delà des problèmes de vectorisation de l'ADN dans les cellules cibles, d'autres éléments se révèlent cruciaux, comme le maintien durable du gène thérapeutique dans les cellules - nécessaire si l'on souhaite traiter une maladie génétique - et la régulation de son expression selon les besoins de l'organisme. Pour s'assurer du maintien du gène, une première solution, efficace, est l'intégration du transgène au génome de l'hôte. Dans l'idéal, cette intégration devrait être ciblée, ce qu'on est encore loin de savoir réaliser. En effet, une intégration au hasard dans le chromosome, peut se faire au milieu d'un autre gène, et l'inactiver. Une autre voie de recherche est de maintenir la construction génétique, le plasmide, sous forme dite épisomale : arrivée au noyau mais non intrégrée au génome de l'hôte, elle se répliquera au cours des divisions de la cellule. Pour y parvenir, les chercheurs emploient des systèmes développés par des virus tels que celui d'Epstein-Barr. Enfin, troisième possibilité, l'introduction dans la cellule cible de mini-chromosomes artificiels MAC en anglais, stables et se répliquant aussi de manière autonome10.
Dans ce dernier cas, le gène pourrait être transféré avec tous ses sites de régulation, qui peuvent parfois s'étendre sur plusieurs fois la longueur du gène. Son expression serait alors contrôlée par la cellule de façon naturelle. C'est là un atout potentiel majeur des vecteurs synthétiques : il n'y a quasiment pas de limite à la taille de l'ADN transfecté. Si les vecteurs viraux ne peuvent pas dépasser la trentaine de kilobases, leurs homologues synthétiques peuvent tout à fait transfecter plus de 400 kb in vitro et donc un gène, accompagné de toutes ses séquences de régulation11.
A l'heure actuelle, l'intérêt des systèmes non viraux réside essentiellement dans la simplicité de leur préparation, leur stabilité et leur pureté. Leur nature chimique implique que les chercheurs contrôlent bien la structure des transporteurs, du moins avant qu'ils soient associés à l'ADN. A terme, ils seront peut-être intéressants pour une utilisation locale, par exemple par instillation dans les poumons pour soigner la mucoviscidose. En effet, dans ce cas, on estime qu'il suffit de transfecter 5 % des cellules du poumon pour améliorer l'état des malades. Des essais en phase I sont d'ailleurs en cours. La faible efficacité du transfert et son aspect transitoire sont aussi moins gênants en cancérologie : de nombreuses injections intratumorales ont également été tentées. Cependant, le fossé qui sépare les résultats in vitro et in vivo montre les limites du modèle expérimental de cellules en culture dans le cadre de la thérapie génique.
1 F. Labat-Moleur et al ., Gene Ther ., 3 , 1010, 1996.
2 K.A. Mislick et al ., Proc. Natl. Acad. Sci. USA , 93 , 12349, 1996.
3 J.C. Perales et al ., Eur. J. Biochem. , 226 , 255, 1994.
4G.Y. Wu et al., J. Biol. Chem., 262 , 4429, 1987.
5 C. Plank et al ., J. Biol. Chem. , 269 , 12918, 1994.
6 D.T. Curiel et al ., Proc. Natl. Acad. Sci. USA , 88 , 8850, 1991.
7 C. Dingwall et al ., Trends Biochem. Sci. , 16 , 478, 1991.
8 J.S. Remy et al ., Proc. Natl. Acad. Sci. USA , 92 , 1744, 1995.
9 H. Pollard et al. , J. Biol. Chem. , 273 , 7507, 1998.
10 J.M. Vos, Curr. Opin. Genet. Dev ., 8 , 351, 1998.
11 B.T. Lamb et al ., Nature Genetics , 5 , 312, 1993.
NOTES
*TRANSFECTANT
De transfection, une opération de génie génétique consistant à introduire dans des cellules cultivées in vitro des molécules d'ADN étranger, ici grâce à des transporteurs synthétiques.
*LIGAND
Molécule qui se lie à une protéine jouant le rôle de récepteur. C'est par exemple le cas des hormones et des facteurs de croissance.
*ADÉNOVIRUS DÉFECTIF
Les adénovirus sont des virus à ADN. Ils sont dits défectifs, lorsqu'on leur a enlevé certains gènes responsables de leur infectiosité. Ils sont alors incapables d'effectuer leur cycle complet chez l'hôte.
L'ADN NU, MÉTHODE ALTERNATIVE
Face aux difficultés de la technique de transfection par vecteur synthétique, des méthodes alternatives, regroupées sous l'appellation de techniques physiques, sont en développement. C'est le cas de l'injection d'ADN nu, sans vecteur. L'équipe de Jon Wolff de l'université du Wisconsin a été la première à injecter de l'ADN nu directement dans un muscle, en 1990. Et elle a eu des surprises. Là encore, l'efficacité de la transfection est faible : un taux d'expression de protéine, atteignant tout au plus 1 %, ne permet pas de restaurer une fonction défaillante et de traiter, par exemple, la myopathie de Duchenne. Mais, bien que faible, la quantité de protéine produite a déclenché une réaction immunitaire. Cette technique pourrait donc déboucher de manière imprévue sur un nouveau mode de vaccination. Des essais ont été menés chez la souris contre l'herpès, la grippe, l'hépatite B, la malaria. Des entreprises de biotechnologies se sont d'ores et déjà emparées de cette technologie voir l'article de Catherine Ducruet dans ce numéro.
Deux autres techniques permettent d'introduire de l'ADN dans les cellules. Le canon à gènes, méthode appelée biolistique, projette dans les cellules des microbilles sur lesquelles est fixé de l'ADN. Elle est employée pour modifier les cellules végétales, protégées par une paroi rigide que les microbilles perforent. Certains l'envisagent aussi pour la vaccination. Quant à l'électroporation, elle déstabilise les membranes cellulaires au moyen d'une dé-charge électrique. Elle est très efficace in vitro , mais son application in vivo est difficile.
SAVOIR
J.P. Behr, Médecine/Sciences , 12 , 56, 1996.
J.Y. Legendre et al ., Médecine/Sciences , 12 , 1334, 1996.
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MÉMOIRE |
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Mémoire
Sous titre
Une affaire de plasticité synaptique
La mémoire permet d'enregistrer des informations venant d'expériences et d'événements divers, de les conserver et de les restituer. Différents réseaux neuronaux sont impliqués dans différents types de mémorisation. La meilleure connaissance de ces processus améliorent la compréhension de certains troubles mnésiques et ouvrent la voie à des interventions possibles dans l’avenir.
Comprendre le fonctionnement de la mémoire
Cinq systèmes interconnectés
La mémoire se compose de cinq systèmes de mémoire impliquant des réseaux neuronaux distincts bien qu’interconnectés :
* La mémoire de travail (à court terme) est au cœur du réseau.
* La mémoire sémantique et la mémoire épisodique sont deux systèmes de représentation consciente à long terme.
* La mémoire procédurale permet des automatismes inconscients.
* La mémoire perceptive est liée aux sens.
Cet ensemble complexe est indispensable à l’identité, à l’expression, au savoir, aux connaissances, à la réflexion et même à la projection de chacun dans le futur.
La mémoire de travail
La mémoire de travail (ou mémoire à court terme) est en fait la mémoire du présent. Elle permet de retenir des informations pendant quelques secondes, voire quelques dizaines de secondes. Nous la sollicitons en permanence à chaque instant, par exemple pour retenir un numéro de téléphone le temps de le noter. Dans la plupart des cas, les mécanismes neurobiologiques associés à la mémoire de travail ne permettent pas le stockage à long terme de ce type d’informations : leur souvenir est vite oublié. Néanmoins, il existe des interactions entre le système de mémoire de travail et ceux de la mémoire à long terme. Elles permettent la mémorisation de certains événements et, ainsi, de se remémorer des souvenirs anciens face à certaines situations présentes, afin de mieux s’adapter.
7, le nombre magique
Le chiffre 7 serait le "nombre magique" de la mémoire de travail. Il s’agit du nombre d’éléments pouvant être mémorisés simultanément à court terme, avec une marge de plus ou moins deux événements. En moyenne, nous sommes donc tous capables de retenir pendant quelques secondes entre 5 et 9 items. Par exemple, la suite [7, 9, 6, 4, 0, 9, 2] représente 7 chiffres. Elle peut aussi se lire [796, 409, 2] ce qui n’en représente plus que trois (et laisse la possibilité de retenir quatre autres items). De même, une suite de mots longs et compliqués comme [perroquet, colibri, araignée, diplodocus, chimpanzé, kangourou, ornithorynque] représente 7 mots que l’on peut retenir, bien qu’elle soit composée d’un bien plus grand nombre de lettres.
Divers procédés mnémotechniques utilisent cette propriété de notre cerveau pour élargir les capacités de la mémoire de travail.
La mémoire sémantique
La mémoire sémantique permet l’acquisition de connaissances générales sur soi (son histoire, sa personnalité) et le monde (géographie, politique, actualité, nature, relations sociales ou encore expérience professionnelle). C’est la mémoire du savoir et de la connaissance. Elle concerne des données personnelles accessibles à notre conscience et que l’on peut exprimer.
La mémoire épisodique
La mémoire épisodique est une forme de mémoire explicite. Elle permet de se souvenir de moments passés (événements autobiographiques) et de prévoir le lendemain. En effet, lorsqu’on demande à une personne d’évoquer un souvenir qui s’est déroulé au cours des derniers mois ou de penser aux prochaines vacances afin d’imaginer ce qui va s’y passer, ce sont les mêmes circuits cérébraux qui sont activés. Les détails des souvenirs épisodiques se perdent avec le temps (où, quand et comment l’événement s’est-il passé ?). Les traits communs aux différents événements vécus s’amalgament les uns aux autres pour devenir des connaissances qui ne sont plus liées à un événement particulier. La plupart des souvenirs épisodiques se transforment donc, à terme, en connaissances générales.
La mémoire procédurale
La mémoire procédurale est la mémoire des automatismes. Elle permet de conduire, de marcher, de faire du vélo ou du ski sans avoir à réapprendre à chaque fois. Cette mémoire est particulièrement sollicitée chez les artistes ou encore les sportifs pour acquérir des procédures parfaites et atteindre l’excellence. Ces processus sont effectués de façon implicite, c’est à dire inconsciente. La personne ne peut pas vraiment expliquer comment elle procède, pourquoi elle tient en équilibre sur ses skis ou descend sans tomber. Les mouvements se font sans contrôle conscient et les circuits neuronaux sont automatisés.
La mémoire perceptive
La mémoire perceptive dépend des modalités sensorielles, notamment de la vue pour l’espèce humaine. Cette mémoire fonctionne beaucoup à l’insu de l’individu. Elle permet de retenir des images ou des bruits sans s’en rendre compte. C’est elle qui permet à une personne de rentrer chez elle par habitude, grâce à des repères visuels. Cette mémoire permet de se souvenir des visages, des voix, des lieux.
La mémoire fonctionne en réseaux
Du point de vue neurologique, il n’existe pas "un" centre de la mémoire dans le cerveau. Les différents systèmes de mémoire mettent en jeu des réseaux neuronaux distincts, observables par imagerie médicale au cours de tâches de mémorisation ou de récupération d’informations diverses. Ces réseaux sont néanmoins interconnectés et fonctionnent en étroite collaboration : un même événement peut avoir des contenus sémantique et épisodique et une même information peut être représentée sous forme explicite et implicite.
La mémoire procédurale recrute des réseaux neuronaux sous-corticaux et dans le cervelet.
La mémoire sémantique implique des réseaux neuronaux disséminés dans des régions très étendues ainsi que dans les lobes temporaux, notamment dans leurs parties les plus antérieures.
La mémoire épisodique fait appel à des réseaux neuronaux dans l’hippocampe
hippocampe
Structure du cerveau impliquée dans les processus de mémorisation et de navigation spatiale.
et plus largement dans la face interne des lobes temporaux.
Enfin, la mémoire perceptive recrute des réseaux neuronaux dans différentes régions corticales, à proximité des aires sensorielles.
Des souvenirs multiples naissent les raisonnements
Les mémoires s’appuient les unes sur les autres ! Si vous savez qu'un 4x4 est une voiture, vous pouvez dire qu'un 4X4 a des freins, même si personne ne vous l’a dit et que vous ne les avez jamais vus. Vous déduisez cela du fait que toutes les voitures ont des freins. Ce type de raisonnement utile dans la vie quotidienne se fait essentiellement à partir des connaissances stockées en mémoire. Ainsi, plus les connaissances mémorisées sont importantes, plus il est facile de faire des analogies.
Encodage et stockage de l’information, une affaire de plasticité synaptique
Les processus de stockage sont difficiles à observer par imagerie cérébrale car ils relèvent de mécanismes de consolidation qui s’inscrivent dans la durée. Néanmoins, l’hippocampe semble jouer un rôle central dans le stockage temporaire et plus durable des informations explicites, en lien avec différentes structures corticales.
La mémorisation résulte d’une modification des connexions entre les neurones d’un système de mémoire : on parle de " plasticité synaptique " (les synapses
synapses
Zone de communication entre deux neurones.
étant les points de contacts entre les neurones).
Lorsqu’une information parvient à un neurone, des protéines sont produites et acheminées vers les synapses afin de les renforcer ou d’en créer de nouvelles. Cela produit un réseau spécifique de neurones associé au souvenir qui se grave dans le cortex. Chaque souvenir correspond donc à une configuration unique d’activité spatio-temporelle de neurones interconnectés. Les représentations finissent par être réparties au sein de vastes réseaux de neurones d’une extrême complexité.
L’activation régulière et répétée de ces réseaux permettrait dans un second temps de renforcer ou de réduire ces connexions, avec pour conséquence de consolider le souvenir ou au contraire de l’oublier. Il est important de préciser que l’oubli est associé au bon fonctionnement de la mémoire en dehors de cas pathologiques.
Des travaux suggèrent le rôle d’une molécule appelée PKM zêta dans le maintien de la mémoire à long terme. Chez l’animal, elle permet d’entretenir les molécules modifiées pendant l’encodage et d’empêcher qu’elles ne se dégradent avec le temps, consolidant ainsi les réseaux associés aux souvenirs.
La libération de neurotransmetteurs
neurotransmetteurs
Petite molécule qui assure la transmission des messages d'un neurone à l'autre, au niveau des synapses.
, notamment celle de glutamate
glutamate
Neurotransmetteur excitateur le plus répandu dans le système nerveux central.
et de NMDA, ainsi que l’expression d’une protéine qui augmente la libération de glutamate, la syntaxine, sont associées à la plasticité synaptique. Sur le plan morphologique, cette plasticité est associée à des remaniements des réseaux neuronaux : changement de forme et de taille des synapses, transformation de synapses silencieuses en synapses actives, croissance de nouvelles synapses.
Au cours du vieillissement, la plasticité des synapses diminue et les changements de connexions sont plus éphémères, pouvant expliquer des difficultés croissantes à retenir des informations. Par ailleurs, dans les rares formes familiales de la maladie d’Alzheimer, des mutations sont associées à des défauts de plasticité des synapses qui pourraient expliquer, dans ce cas, les troubles majeurs de mémoire.
Le sommeil consolide la mémoire
Une leçon s’apprend mieux le soir avant de dormir, c’est un fait ! Des expériences de rappel d’informations montrent que le fait de dormir améliore la mémorisation, et ce d’autant plus que la durée du sommeil est longue. A l’inverse, des privations de sommeil (moins de quatre ou cinq heures par nuit) sont associées à des troubles de la mémoire et des difficultés d’apprentissage. Par ailleurs, le fait de stimuler électriquement le cerveau (stimulations de 0,75 Hz) pendant la phase de sommeil lent (caractérisée par l’enregistrement d’ondes corticales lentes à l’encéphalogramme) améliore les capacités de mémorisation d’une liste de mots.
Plusieurs hypothèses pourraient expliquer ce phénomène : Pendant le sommeil, l’hippocampe est au repos et cela éviterait des interférences avec d’autres informations au moment de l’encodage du souvenir. Il se pourrait aussi que le sommeil exerce un tri, débarrassant les souvenirs de leur composante émotionnelle pour ne retenir que l’informationnelle, facilitant ainsi l’encodage.
Consulter le dossier Sommeil
La réserve cognitive, soutien de la mémoire
Les chercheurs découvrent progressivement des facteurs qui accroissent les capacités de mémorisation et semblent stabiliser les souvenirs dans le temps. C’est le cas de la réserve cognitive : un phénomène associé à des connections fonctionnelles entre les neurones extrêmement nombreuses, résultant des apprentissages, d’une stimulation intellectuelle tout au long de la vie ou encore des relations sociales épanouies.
A ce jour les chercheurs ne savent pas précisément quels ingrédients éducationnels et sociaux participent précisément à la constitution de cette réserve cognitive. Des études menées chez les rongeurs montrent cependant que le séjour d'animaux dans des environnements complexes (dits " enrichis ") améliore leur capacité d'apprentissage et de mémoire. D’autres travaux, conduits chez l’Homme, indiquent que les personnes qui ont un haut degré d’éducation, développent les symptômes de la maladie d’Alzheimer plus tardivement que les personnes qui n’ont pas fait d’études. Ces résultats, issus de recherches en épidémiologie portant sur de très grands nombres de sujets, s’expliqueraient par la capacité du cerveau à compenser les dégénérescences neuronales liées à la maladie grâce à la mobilisation de circuits alternatifs, du fait d’un meilleur réseau de connexions entre les neurones chez les personnes qui ont un niveau d’éducation élevé.
D’autres facteurs contribuent à la consolidation de la mémoire sans que l’on en connaisse parfaitement les mécanismes : le sommeil (voir plus haut), l’activité physique ou encore une bonne santé cardiovasculaire. De façon générale une bonne hygiène de vie (sommeil, alimentation, activité physique) contribue à de bonnes capacités de mémorisation.
Les multiples troubles de la mémoire
Les troubles de la mémoire altèrent principalement la capacité à mémoriser un fait nouveau, à retrouver une information, ou les deux.
Les causes possibles
Certaines situations entrainent des incapacités sévères et des amnésies durables. Les causes possibles sont :
* un traumatisme physique entrainant des lésions cérébrales,
* un accident vasculaire cérébral hémorragique ou ischémique,
* une tumeur du cerveau
* ou encore une dégénérescence neuronale comme la maladie d’Alzheimer.
Dans d’autres cas, les troubles sont moins sévères et le plus souvent réversibles. Les causes possibles sont :
* des maladies mentales comme la dépression,
* le stress et l’anxiété ou la fatigue,
* un événement traumatisant (deuil),
* des effets indésirables de médicaments comme des somnifères, des anxiolytiques (d’autant plus fréquent que la personne est âgée),
* l’usage de drogues.
Il existe aussi probablement des origines biologiques comme un déficit en certains neuromédiateurs ou une faible connectivité entre les réseaux cérébraux.
Une multitude de troubles
Les manifestations des troubles de la mémoire sont extrêmement variables selon l’origine du trouble et la localisation de la zone touchée. Les mécanismes sont éminemment complexes.
Les travaux montrent par exemple que des patients atteints d’une démence sémantique, qui oublient des mots ou des informations, perdent également des souvenirs anciens alors qu’ils continuent à mémoriser de nouveaux souvenirs épisodiques (souvenirs " au jour le jour "). Ces troubles sont associés à une atrophie des lobes temporaux.
Chez d’autres patients présentant des troubles de la mémoire épisodique, les souvenirs anciens qui datent de l’adolescence sont épargnés plus longtemps que les souvenirs récents. C’est le cas chez les personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer.
Les dégénérescences neuronales qui surviennent dans les maladies de Parkinson ou de Huntington provoquent d’autres types de déficiences, affectant notamment la mémoire procédurale avec la perte de certains automatismes.
Certaines personnes peuvent aussi présenter des troubles de la mémoire du travail, liées à des lésions du lobe frontal. L’individu a alors du mal à se concentrer et à faire deux taches en même temps.
Il existe aussi des troubles de la mémoire sévères mais transitoires, comme dans l’ictus amnésique
idiopathique
idiopathique
qui survient le plus souvent entre 50 et 70 ans. Il s’agit d’une amnésie soudaine et massive, qui dure environ six à huit heures, puis le patient recouvre sa mémoire. Pendant la phase aigue, le patient est incapable de se souvenir de ce qu’il vient de faire, sa mémoire épisodique est annihilée alors que sa mémoire sémantique est intacte : il peut répondre à des questions de vocabulaire et évoquer des connaissances générales.
A l’inverse, certaines personnes peuvent être atteintes d’hypermnésie autobiographique. Il s’agit d’une pathologie très rare qui se caractérise par des capacités de mémorisation exceptionnelles des détails d’événements personnels ou de l’actualité, survenus parfois plusieurs années avant. Il s’agit d’une pathologie de l’abstraction et de la généralisation du souvenir avec absence de tri, de synthèse et d’oubli de détails.
L’état de stress post-traumatique : une distorsion de la mémoire
L’état de stress post-traumatique survient chez une personne victime ou témoin impuissant d’un événement traumatique. Elle est ensuite hantée durablement par cet événement. Ce phénomène est lié à une distorsion profonde de l’encodage des événements. Le souvenir est mémorisé à long terme mais de façon biaisée, avec une amnésie de certains aspects et une hypermnésie d’autres détails qui harcèlent le sujet. Contrairement à un souvenir normal, il persiste au cours du temps sans s’édulcorer ni perdre de sa spécificité. Il s’impose à la victime face à des événements déclencheurs qui lui rappellent la scène. Cette distorsion de l’encodage est associée à une décharge de glucocorticoïdes, hormone du stress, dans l’hippocampe au moment de l’événement.
Les enjeux de la recherche
La mémoire et ses troubles donnent lieu à de nombreuses recherches qui font appel à des expertises variées dans un cadre pluridisciplinaire : génétique, neurobiologie, neuropsychologie, électrophysiologie, imagerie fonctionnelle, épidémiologie, différentes disciplines médicales (neurologie, psychiatrie…), mais aussi sciences humaines et sociales.
L’imagerie fonctionnelle est très informative puisqu’elle permet de savoir quelles zones du cerveau s’activent pendant différentes taches de mémorisation et de restitution simples ou complexes (réciter une liste de mots, évoquer un souvenir précis dans le détail…). En parallèle les chercheurs étudient le cerveau " au repos " afin d’observer les réseaux cérébraux impliqués dans les pensées internes et leurs interconnexions en dehors d’un effort de mémorisation. Des travaux ont montré qu’il est altéré notamment chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer.
L’optogénétique
optogénétique
Technique alliant génie génétique et optique pour contrôler des cellules par la lumière.
permet par ailleurs de mieux comprendre l’implication de certains neurones dans ces réseaux sur des modèles animaux. Cette technique qui associe génie génétique et optique permet " d’allumer " et " d’éteindre " des neurones sur commande et d’en observer l’effet sur la mémorisation, le stockage et la restitution des informations. Il devient donc possible de manipuler la mémoire et l’oubli expérimentalement pendant des tâches de mémorisation, pendant le sommeil, au repos, en réactivant ou en effaçant des souvenirs, ou encore en agissant sur la molécule PKM zêta qui serait responsable du maintien de la mémoire à long terme. Menés aux niveaux cellulaire et moléculaire, ces travaux ouvrent la voie à des perspectives thérapeutiques, notamment pour les victimes de stress post-traumatique.
Les sciences humaines et sociales, comme l’histoire et la sociologie, s’intéressent à la mémoire collective, à comment celle-ci se construit progressivement pour conférer une identité à une communauté. Ces études sont rapprochées de celles menées en psychologie et en neurosciences, cette fois-ci au plan individuel, pour mettre en lumière les mécanismes à l’origine du maintien ou de l’oubli de certains événements.
Programme « 13-Novembre »
Comment le souvenir traumatique des attentats du 13 novembre 2015 évolue-t-il dans les mémoires individuelles et la mémoire collective ? Comment ces mémoires individuelles se nourrissent-elles de la mémoire collective, et inversement ? Peut-on prédire, par l'étude des marqueurs cérébraux, quelles victimes développeront un état de stress post-traumatique, et lesquelles se remettront plus facilement ? Ce sont quelques-unes des questions auxquelles tentera de répondre l'ambitieux programme « 13-Novembre », porté par le CNRS et l'Inserm, avec la collaboration de nombreux partenaires. Codirigé par l'historien Denis Peschanski et le neuropsychologue Francis Eustache, ce programme de recherche transdisciplinaire est fondé sur le recueil et l'analyse de témoignages de 1 000 personnes volontaires interrogées à quatre reprises en dix ans.
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Symbioses entre plantes, champignons et bactéries : un éclairage original sur ces alliances ancestrales |
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Symbioses entre plantes, champignons et bactéries : un éclairage original sur ces alliances ancestrales
Des chercheurs de l’Inra, associant les universités de Lorraine et de Toulouse, et le CNRS, ont reconstitué l’histoire évolutive des symbioses mycorhiziennes et fixatrices d’azote. Leur travail de synthèse apporte un éclairage original sur les symbioses à bénéfice mutuel et sur les mécanismes moléculaires et cellulaires impliqués dans la colonisation des racines des plantes par les microorganismes. Une meilleure compréhension de ces mécanismes et de leur modulation par différents facteurs, tels que le génotype de la plante ou le type de sol, devrait faciliter l’utilisation du microbiote des plantes dans le cadre d’une agriculture durable. L’article est publié dans Science le 26 mai 2017.
Des chercheurs des centres Inra de Grand-Est-Nancy et Occitanie-Toulouse associés aux universités de Lorraine et de Toulouse en collaboration avec le Laboratoire des interactions plantes-microorganismes (Inra/CNRS), publient le 26 mai 2017 un article de synthèse sur les symbioses mutualistes entre plantes et microorganismes, mettant en perspective leur évolution et les mécanismes moléculaires et cellulaires qui contrôlent leur développement. L’intérêt de cette analyse réside dans la comparaison de plusieurs symbioses emblématiques : la symbiose mycorhizienne à arbuscules, l’ectomycorhize et les symbioses fixatrices d’azote à rhizobiacées et à Frankia.
Depuis leur colonisation des continents à l’Ordovicien il y a plus de 450 millions d’années, les plantes sont en interaction constante avec un cortège complexe de microorganismes (le microbiote) que ce soit dans leurs tissus (endosphère) ou à leur surface (rhizosphère, phyllosphère). Une partie de ces microorganismes se singularise par leur capacité à établir une relation mutualiste avec les plantes. Ils stimulent ainsi la nutrition de leur plante-hôte. C’est notamment le cas des champignons mutualistes mycorhiziens et des bactéries symbiotiques fixatrices d’azote. L’analyse des fossiles de plantes n’a pas encore permis de visualiser les structures développées lors de la symbiose fixatrice d’azote par les bactéries. Au contraire, de nombreux fossiles de plantes primitives ont confirmé que les premières plantes terrestres étaient déjà associées aux champignons mycorhiziens, les Gloméromycètes. Nul doute que ces microorganismes symbiotiques ont contribué au succès de la colonisation des continents par les plantes en augmentant considérablement la capacité d’absorption des racines explorant les sols primitifs très pauvres en éléments nutritifs.
Les chercheurs discutent les grandes étapes de l’évolution des symbioses mutualistes et comparent les mécanismes impliqués dans la colonisation des plantes-hôtes. Bien qu’impliquant des bactéries ou des champignons, les mécanismes moléculaires et cellulaires déployés lors des premières étapes de colonisation de la plante-hôte sont très voisins. De façon surprenante, les signaux diffusibles à base de chitine et la cascade de signalisation de la symbiose mycorhizienne contractée entre les premières plantes terrestres et les champignons Gloméromycètes, il y a plus de 400 millions d’années, ont été recrutés par les bactéries formant des nodosités fixatrices d’azote avec les légumineuses. Sont également impliqués des modifications de la balance hormonale de la racine et divers mécanismes pour éviter le déclenchement de la défense immunitaire de la plante-hôte.
Les auteurs suggèrent que l’étude de ces symbioses mutualistes complexes pourrait permettre de mieux comprendre les interactions des plantes avec la multitude de microbes qu’elles hébergent. Cette meilleure compréhension des signaux et des mécanismes impliqués dans le développement symbiotique et leur modulation par différents facteurs (génotype de la plante, type de sol) devrait faciliter l’utilisation du microbiote des plantes dans le cadre d’une agriculture durable, par exemple en optimisant la croissance des plantes tout en diminuant l’apport d’engrais azotés et phosphatés dans les agrosystèmes et en favorisant la séquestration du carbone en forêt.
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La mélatonine maternelle est un horoscope endocrinien |
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La mélatonine maternelle est un horoscope endocrinien
La mélatonine, une hormone dont la production nocturne varie pendant l’année, synchronise les fonctions biologiques avec les saisons chez l’adulte. L’équipe de Valérie Simonneaux à l’Institut des neurosciences cellulaires et intégratives, montre comment les changements saisonniers de la mélatonine maternelle, connue pour traverser la barrière placentaire, agit sur la production d’hormones thyroïdiennes dans l’hypothalamus des fœtus de rongeurs pour programmer leur développement futur. Cette étude a été publiée le 17 juillet 2017 dans la revue PNAS.
La mélatonine est une hormone des saisons car sa production nocturne est d’autant plus importante que les nuits sont longues (en hiver). Son rôle dans la synchronisation saisonnière des fonctions biologiques comme la reproduction, la prise alimentaire ou le sommeil est bien établi chez les adultes. L’équipe de Valérie Simonneaux, en collaboration avec David Hazlerigg à l’Université de Tromso (Norvège), a étudié les mécanismes par lesquels la mélatonine maternelle affecte également le développement fœtal et ceci différemment selon les saisons.
Avant la naissance, les fœtus ne produisent pas de mélatonine mais ont déjà des récepteurs fonctionnels qui peuvent être activés par la mélatonine maternelle capable de traverser la barrière placentaire. La mélatonine maternelle régule différemment le développement métabolique et reproducteur de petits hamsters sibériens selon que la période de gestation et de lactation de leurs mères s’est déroulée en photopériode courte (hivernale) ou en photopériode longue (estivale). Les chercheurs ont montré que la mélatonine maternelle agit sur l’hypophyse du fœtus en développement pour contrôler, via la production de thyréostimuline (TSH), l’expression d’enzymes impliquées dans le métabolisme des hormones thyroïdiennes et localisées dans des cellules gliales spécialisées, les tanycytes de l’hypothalamus. Ainsi à la naissance, les petits issus de mères gestantes en photopériode courte ont une production d’hormones thyroïdiennes hypothalamiques inférieure à celle des petits issus de mères gestantes en photopériode longue.
Cette régulation différentielle par la mélatonine maternelle programme la sensibilité des tanycytes à la TSH après la naissance. En effet, lorsque les hamsters sont ensuite élevés en conditions environnementales similaires, les jeunes issus de mères gestantes en photopériode courte ont une sensibilité des tanycytes à la TSH augmentée qui se traduit par une production accrue d’hormones thyroïdiennes localement dans l’hypothalamus. Cette hyperthyroïdie locale est associée à une accélération du développement des systèmes métabolique et reproducteur des petits nés en photopériode courte.
Les résultats de cette étude décrivent une nouvelle voie transplacentaire codant un calendrier interne qui programme le développement des fonctions cérébrales.
Cette étude a bénéficié d'un co-financement du CNRS et de l'Université de Strasbourg.
Figure : La production de mélatonine par la glande pinéale est plus importante en hiver (photopériode courte) qu’en été (photopériode longue). La mélatonine maternelle qui traverse la barrière placentaire aura par conséquent des effets différentiels sur le développement fœtal selon que la gestation ait lieu en hiver ou en été. Ainsi, le développement métabolique et reproducteur de hamsters sibériens issus de mères gestantes en photopériode courte est plus rapide que celui de hamsters issus de mères gestantes en photopériode longue, même si les deux groupes de hamsters sont élevés en conditions environnementales similaires après le sevrage. Cet effet programmateur de la mélatonine maternelle s’exerce via une plus grande sensibilité à la thyréostimuline (TSH) des tanycytes de l’hypothalamus pour activer la déiodinase 2 (DIO2) et donc la production d’hormone thyroïdienne (T3) chez les hamsters nés de mères gestantes en photopériode courte.

En savoir plus
* Maternal photoperiod programs hypothalamic thyroid status via the fetal pituitary gland.
Cristina Sáenz de Miera, Béatrice Bothorel, Catherine Jaeger, Valérie Simonneaux, and David Hazlerigg
PNAS 2017 ; published ahead of print July 17, 2017, doi:10.1073/pnas.1702943114

Contacts chercheurs
* Valérie Simonneaux
Neurobiologie des Rythmes
Equipe Mélatonine et Rythmes Saisonniers
Institut des Neurosciences Cellulaires et Intégratives
CNRS UPR-3212 – Université de Strasbourg
5, rue Blaise Pascal
67084 Strasbourg
03 88 45 66 71 / 06 60 64 23 78
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