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art de la Rome antique |
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art de la Rome antique
Origines
Rome, le Forum
Pendant la période héroïque des débuts et des conquêtes (viiie s.-201 avant J.-C.), le peuple romain se compose de soldats-paysans, à l'économie simple et à la culture fruste ; l'art leur apparaît comme un luxe superflu et dangereux, sauf s'il est mis au service de la piété, qui est très vive, ou s'il sert à glorifier la puissance politique et militaire de la cité. Mais, d'autre part, Rome est en contact étroit et constant avec des peuples de culture avancée : d'abord et surtout les Étrusques, qui dominent politiquement la ville pendant le vie s. avant J.-C. et y introduisent l'urbanisme, l'architecture monumentale (temples du Capitole et du Forum boarium), fabriquent des statues de terre cuite ou de bronze (Louve du Capitole, vers 500 avant J.-C.) ; ensuite les Grecs, installés en Campanie, dont l'influence est favorisée par l'expulsion des rois étrusques, en 509 avant J.-C. selon la tradition. Au ve s. avant J.-C., les dieux grecs (Dioscures, Héraclès, Déméter, Apollon) affluent à Rome, suivis d'artistes qui viennent décorer leurs temples. La première période des grandes conquêtes, du milieu du ive s. au milieu du iie s. avant J.-C., est marquée d'une part par l'apport massif d'œuvres enlevées comme butin aux cités vaincues (pillage de Syracuse en 212 avant J.-C.), d'autre part par la construction, dans un complet désordre du point de vue de l'urbanisme, de sanctuaires, d'édifices publics et de monuments triomphaux, dont certains réalisent des formules originales : la basilique, vaste salle couverte, au plafond porté par des colonnes, et le fornix, ancêtre de l'arc de triomphe, nés l'un et l'autre au début du iie s. avant J.-C. Les arts plastiques se développent aussi, mais nous n'en n'avons presque rien gardé : le Brutus du palais des Conservateurs au Capitole représente seul une statuaire iconographique, en pierre et en bronze, qui envahissait déjà les places publiques. Une fresque représentant des scènes guerrières, découverte dans un hypogée funéraire de l'Esquilin est l'unique témoin d'une peinture triomphale très abondante, dont le grand maître fut, autour de 300, un très noble personnage, Fabius, qui légua à ses descendants le surnom de Pictor.
À tout cela il faut ajouter les arts industriels : la fabrication à Rome même et surtout dans la ville voisine de Préneste (Palestrina) de miroirs et de boîtes de bronze gravé, imités des Étrusques, mais dont les sujets sont souvent originaux (la représentation d'une scène de triomphe sur une ciste offre un intérêt exceptionnel, et la ciste Ficoroni [villa Giulia, Rome], consacrée aux aventures des Argonautes, est une œuvre de grande classe) ; la céramique décorée (plats du type de « genucilla » ornés d'une tête de femme). Le Latium est devenu un foyer de production artistique. R. Bianchi Bandinelli rattache cette production à l'art « médio-italique », qui, tout en subissant l'influence grecque italiote et celle de l'Étrurie, présente cependant une originalité, due à l'austérité de populations mal préparées à accepter les complications et les raffinements nés dans les cours hellénistiques et accueillis par les centres les plus évolués de la Méditerranée occidentale.
L'art patricien (iie s. avant J.-C.)
À partir du milieu du iie s., une coupure se produit dans la société romaine entre la noblesse, à qui la conquête a procuré d'immenses richesses, le moyen d'acquérir une culture fondée sur l'hellénisme et une morale moins austère, et la masse du peuple romain, dont la situation économique s'est plutôt dégradée et qui demeure attachée aux valeurs traditionnelles ; des conflits s'ensuivent (crise des Gracques ; guerre sociale) ; l'armée, composée de professionnels à partir de la fin du iie s. avant J.-C., en deviendra dès lors l'élément déterminant.
La noblesse investit une part importante de ses ressources dans la création artistique ; dès le début du iie s. avant J.-C., elle fait appel à des artistes grecs venus soit d'Athènes, qui a favorisé la mainmise de Rome sur l'Hellade, soit d'Asie Mineure (en 133 avant J.-C., Attalos III lègue le royaume de Pergame à Rome). Les plus connus sont des sculpteurs qui réalisent pour leurs patrons soit des copies d'œuvres classiques, soit des adaptations. Les plus doués parviennent à combiner ces emprunts à la tradition avec des éléments italiques : l'exemple le plus parfait de cette synthèse est la « base de Domitius Ahenobarbus », qui décorait le temple de Neptune au champ de Mars et qui est aujourd'hui partagée entre le Louvre et la Glyptothèque de Munich ; une partie des reliefs qui la décorent représente le cortège de Neptune, selon une formule fréquente dans l'art hellénistique. Le reste montre une scène de la vie politique de Rome : le recensement des mobilisés, accompagné d'un sacrifice à Mars. La date a été fort discutée ; les dernières recherches tendent à la situer soit vers 110 avant J.-C., soit vers 80 avant J.-C. Au iie s. avant J.-C., la production de portraits est plus abondante que jamais ; la plupart ont péri, et l'identification de ceux qui subsistent est souvent incertaine : citons une grande statue en bronze du musée des Thermes, où certains ont voulu reconnaître Sulla. La plupart de ces statues décoraient des temples, dont le nombre se multipliait, à Rome d'abord. Le quartier le plus en vogue était alors le champ de Mars, où l'on peut voir encore un ensemble religieux des iiie-iie s. avant J.-C. : l'aire du Largo Argentina, identifiée au portique Minucia, et qui contient quatre temples. Les deux sanctuaires antiques les mieux conservés de Rome, le temple rond et le temple ionique rectangulaire situés sur le bord du Tibre, sont de la fin de cette période ; ils présentent deux formules caractéristiques de l'architecture religieuse romaine, la rotonde et le temple « pseudo-périptère », aux colonnes engagées dans le mur de la cella. Un effort pour ordonner l'urbanisme anarchique de Rome commence à se faire sentir. Il aboutira, pendant la dictature de Sulla, à la construction du Tabularium qui domine le Forum.
Mais les réalisations les plus spectaculaires de l'architecture monumentale romaine au iie s. avant J.-C. se trouvent dans les villes du Latium. Le sanctuaire de la Fortune à Préneste est un gigantesque complexe – partiellement dégagé depuis la Seconde Guerre mondiale – de terrasses étagées sur la pente abrupte de l'Apennin et dominées par une structure en hémicycle analogue à un théâtre. Après de longues discussions entre partisans d'une datation vers le milieu du iie s. avant J.-C. et partisans d'une datation sullanienne, l'épigraphie paraît avoir tranché en faveur des premiers. Dans cet ensemble sont déjà en œuvre les principes et les techniques que les architectes de l'époque impériale allaient appliquer en les perfectionnant pendant cinq siècles : l'emploi d'un matériau nouveau, le blocage de pierres liées au ciment, et la connaissance des lois de la mécanique permettent de remodeler complètement le paysage, en lui imposant un ordre rationnel fondé sur la symétrie ; l'élément fondamental de l'architecture grecque, l'entablement porté par les colonnes, n'est plus utilisé que pour masquer les structures dynamiques.
Tout en utilisant pour ces constructions publiques, qui servaient leur propagande, une large partie des ressources que leur procurait l'exploitation des vaincus, les nobles romains de la fin de la République en réservent une part importante pour se créer un cadre de vie personnelle confortable et raffiné ; les bourgeois des régions italiennes les plus favorisées les imitent. Nous voyons ainsi à Pompéi et à Herculanum, petites villes de la riche Campanie « fossilisées » par l'éruption du Vésuve en 79 après J.-C., la maison italique traditionnelle, constituée à l'origine essentiellement par l'atrium (cour de ferme entourée d'un préau pour certains archéologues, vaste salle commune couverte selon d'autres), devenir de plus en plus semblable aux palais des rois hellénistiques : on ajoute en arrière le péristyle, portique entourant un jardin, on pare les sols de mosaïques (celles de la maison du Faune à Pompéi, qui datent de 80 avant J.-C. environ, sont dignes des plus beaux palais orientaux) et surtout on orne les murs de peintures, qui, après avoir imité des marbres précieux, en viennent, à partir du deuxième quart du ier s. avant J.-C., à évoquer, derrière la paroi supposée transparente, un monde étrange et fantastique. Ainsi s'exprime le besoin d'évasion d'hommes à qui le monde où ils vivaient offrait certes des possibilités et des satisfactions infinies, mais aussi d'incessants périls ; l'angoisse constante s'exprime dans de nombreux portraits d'hommes de cette époque, inspirés de la tendance « physiognomique » hellénistique : parmi les plus émouvants, ceux de Cicéron et de Pompée, qui, comme beaucoup de leurs contemporains, périrent de mort violente.
L'art des généraux et des premiers empereurs (80 avant J.-C.- 68 après J.-C.)
Un pilier triomphal, découvert au pied du Capitole, où il fut probablement consacré par Sulla (actuellement au Museo Capitolino), est bien caractéristique de l'art de la période des guerres civiles, au cours desquelles des imperatores, appuyés sur des troupes de professionnels qu'ils fanatisaient en faisant croire qu'une chance surnaturelle les rendait invincibles, s'efforcèrent d'établir un pouvoir monarchique. Les armes qui composent la frise de ce monument et qui reproduisent les unes des dépouilles enlevées à Mithridate, les autres des boucliers sacrés symbolisant les principaux dieux de Rome, ont une valeur significative précise, déterminée d'une part par leur nature et d'autre part par leur place dans la syntaxe de la composition. Celle-ci est ordonnée dans une symétrie rigoureuse par rapport à l'axe de chaque face, où se trouve l'objet le plus important ; ce système de composition, que nous appelons héraldique, prévalait dans les arts de l'ancien Orient, en particulier dans celui de Sumer ; il avait été complètement éliminé par le classicisme grec. Sa réapparition dans l'art romain du ier s. avant J.-C., qu'il va complètement dominer, est un des traits qui différencient le plus nettement cet art des écoles hellénistiques, auxquelles il emprunte par ailleurs la plupart de ses thèmes.
Il subsiste bien peu de choses des grands monuments réalisés par les chefs militaires qui dominent la politique de la République agonisante. On a récemment identifié quelques éléments du décor du premier théâtre permanent de Rome, construit par Pompée en 55 avant J.-C. Le forum de César, qui prolongeait au nord-ouest le vieux Forum romain, devenu trop étroit, a été dégagé avec les ruines du temple de la déesse protectrice du dictateur, Venus Genitrix ; mais tout cet ensemble a été reconstruit complètement par Trajan.
Au contraire, un grand nombre des édifices construits sur l'ordre d'Auguste, à Rome, en Italie et dans les provinces, au cours du règne demi-séculaire qui rendit enfin la paix au monde méditerranéen épuisé (31 avant J.-C.-14 après J.-C.), ont traversé les âges, parfois presque intacts, comme l'admirable Maison carrée de Nîmes. Le plus important pour l'historien de l'art est justement un autel dédié à la « paix d'Auguste » qui se dressait à Rome, dans la partie nord du champ de Mars, et qui a été reconstitué aussi près que possible de son emplacement originel ; le décor essentiel est sculpté sur une enceinte de marbre qui entoure l'autel proprement dit. Les plaques qui la composent sont ornées au bas de rinceaux d'acanthes, ciselés avec une précision d'orfèvre et pourtant pleins de vie malgré la rigoureuse ordonnance de leur disposition ; ces sculptures sont inspirées par des modèles pergaméniens plus anciens de deux siècles. Au-dessus, le sculpteur a représenté la procession qui s'était déroulée le jour de la dédicace de l'autel, sous la conduite de l'empereur lui-même, suivi des prêtres, des magistrats, de sa famille et de tout le peuple romain. La noble gravité de la cérémonie est tempérée par quelques scènes familières mettant en valeur la tendresse des rapports entre les héritiers du prince et leurs jolies épouses ainsi que la gentillesse de leurs enfants. Ce maître de l'Ara Pacis, dont le nom et l'origine nous restent inconnus, peut être comparé à Virgile par l'aisance avec laquelle il a su assimiler l'héritage du classicisme grec et le revivifier par une sensibilité vivante qui fera hélas défaut à ses successeurs.
Auguste s'était assigné la tâche énorme de remettre en état tous les temples de Rome ; il en construisit bon nombre de nouveaux, dont les plus importants sont celui d'Apollon sur le Palatin et celui de Mars Vengeur, qui dominait un nouveau forum, orienté perpendiculairement à celui de César ; d'autre part, un grand nombre de villes d'Italie et des provinces, même dans des régions encore à demi barbares comme la Gaule, suivirent l'exemple de la capitale. Aux sanctuaires s'ajoutèrent partout toutes sortes d'édifices à fonctions politique, économique ou culturelle, comme les théâtres et les amphithéâtres. Ce gigantesque effort de construction donna l'occasion de fixer les règles de l'art de bâtir ; en particulier, c'est dans le dernier quart de siècle qui précède notre ère qu'on arrêta définitivement les caractères de l'ordre corinthien romain, dont la Maison carrée de Nîmes, qui date de ce temps, nous offre le plus remarquable exemple. Les éléments typiques sont le chapiteau à acanthes « en feuille d'olivier », la frise décorée de rinceaux proches de ceux de l'Ara Pacis, la corniche soutenue par de petites consoles, ou modillons, qui font alors leur apparition. C'est dans les premières années du règne d'Auguste qu'un ancien officier du génie de César rédigea un traité d'architecture qui fut considéré, de la Renaissance à la fin du xixe s., comme un véritable livre saint. En réalité, Vitruve, esprit assez borné et rétrograde, bien que fort cultivé, ne comprit pas les tendances novatrices de son temps ; à plus forte raison ne pouvait-il prévoir les développements de l'art de bâtir aux siècles suivants, qui, à tous égards, laissèrent loin derrière eux celui d'Auguste.
Le pouvoir impérial étant fondé sur la victoire, Auguste attachait une importance particulière aux monuments qui exaltaient sa gloire militaire ; en 29 avant J.-C. apparut au Forum romain un nouveau type d'édifice triomphal qui va être presque immédiatement imité d'un bout à l'autre de l'Empire : l'arc de triomphe, qui diffère du fornix républicain par ses dimensions plus fortes, son décor de colonnes et la richesse de son ornementation sculptée. Les principaux arcs augustéens se trouvent en Italie du Nord et en Gaule méridionale. La propagande impériale utilise encore les armes d'apparat (cuirasse de la statue d'Auguste trouvée à Prima Porta), les monnaies, les camées, dont la taille atteint alors sa perfection (Gemma augustea de Vienne, Grand Camée de France à la Bibliothèque nationale, qui date de Tibère).
Dans le décor pictural des maisons (on connaît celle d'Auguste lui-même, sur le Palatin), une réaction se manifeste contre la fantaisie irrationnelle de l'époque précédente : le IIIe style, qui apparaît vers 15 avant J.-C., supprime les échappées derrière la paroi. L'art augustéen se prolonge sans se renouveler sous ses successeurs, Tibère, Caligula et Claude (14-54 après J.-C.). Le dernier prince de la dynastie, Néron, est un demi-dément, que nous comparerions volontiers à Louis II de Bavière ; persuadé d'être un grand artiste, et probablement moins dépourvu de talent qu'on ne l'a dit, il voulut faire du pouvoir suprême un des beaux arts et substituer l'esthétique à la morale. Un des grands incendies qui ravageaient périodiquement Rome lui donna l'occasion de rebâtir une partie du centre selon un urbanisme rationnel ; on lui reprocha surtout d'avoir profité de l'occasion pour insérer au milieu des quartiers reconstruits une résidence (Domus aurea) conçue plutôt comme une villa de campagne que comme les hôtels urbains où avaient vécu ses prédécesseurs. Le décor pictural de cette « Maison d'or » (ou « dorée »), œuvre du peintre Fabullus, fut aussitôt imité par les particuliers, surtout à Pompéi, qui vivait alors ses dernières années dans une activité fiévreuse ; le IVe style, comme on l'appelle, revient aux tendances fantastiques du IIe ; le monde imaginaire qu'il laisse entrevoir derrière la paroi, à travers une architecture baroque, est inspiré souvent du théâtre pour lequel Néron éprouvait une passion déraisonnable.
L'art de l'Empire (68-285 après J.-C.)
La mort de Néron, en 68, marque aussi la fin de la noblesse
qui avait gouverné Rome depuis le iie s. avant J.-C. et lui avait imposé son idéal culturel, partagé par César, Auguste et leurs héritiers. Vespasien, qui accède au trône en 69, est issu d'une famille de la bourgeoisie italienne que ses goûts portaient vers un « art plébéien » (selon l'expression de R. Bianchi Bandinelli) plus près de la vie familière, indifférent aux savantes spéculations de l'esthétique grecque, et en particulier à la reconstruction d'un univers mesuré sur l'homme et conforme à sa raison, soucieux, en revanche, d'efficacité psychologique, ce qui lui fait employer souvent des procédés comparables à ceux de la publicité moderne. Cet art, jusque-là maintenu au second plan, va maintenant prendre d'autant plus d'influence qu'il s'accorde aux tendances dominantes dans la bourgeoisie des provinces d'Occident, qui bénéficie à ce moment d'une grande prospérité économique. Cependant, la haute société romaine ne renoncera pas à défendre la tradition classique, de plus en plus identifiée avec l'art augustéen ; elle y sera encouragée par la pénétration dans son sein de nombreux éléments venus du monde grec, en particulier d'Asie Mineure, pour qui ce classicisme s'identifie avec l'hellénisme. Cependant, d'autres éléments d'origine hellénique préféreront un art pénétré de passion, inspiré des écoles hellénistiques pergaménienne et rhodienne, qui, d'ailleurs, avaient déjà autrefois influencé l'Italie et n'avaient pas perdu toute audience, même à l'époque augustéenne. En revanche, l'influence des civilisations orientales non hellénisées (Syrie, Égypte, Mésopotamie, Iran), si elle se manifeste assez tôt dans le domaine religieux, semble avoir été pratiquement négligeable dans celui de l'art.
On peut donc, dans un souci de simplification, dire que trois grandes tendances vont désormais s'affronter dans l'art romain, dont le domaine s'étend maintenant à l'ensemble des régions bornées par le limes, avec une production qu'il est pratiquement impossible de dénombrer : la tendance plébéienne, la tendance classique et la tendance pathétique ou baroque. C'est surtout dans le domaine de l'iconographie qu'il est relativement aisé de les discerner : à la tendance plébéienne se rattachent des portraits qualifiés souvent plus ou moins exactement de réalistes, qui confèrent au modèle une vie intense par la reproduction de ses particularités souvent disgracieuses et qui, en général, s'efforcent d'exprimer son énergie virile. Cette tendance prévaut au temps de César, de nouveau sous les Flaviens et reparaît au iiie s. à l'époque de l'« anarchie militaire ». Elle s'oppose absolument au classicisme, qui idéalise le modèle aux dépens de sa personnalité : triomphant sous Auguste, le classicisme reparaîtra sous Hadrien, sous les derniers Sévères et enfin sous Constantin. La tendance pathétique, enfin, atteint son apogée sous Antonin et Marc Aurèle.
Des faits analogues peuvent être constatés dans d'autres branches de l'art ; ainsi, à Rome, la grande frise de la colonne Trajane, réalisée entre 112 et 117, témoigne d'un esprit classique dans le traitement de la figure humaine, constamment idéalisée, et dans la composition équilibrée des scènes, bien que les exigences matérielles du genre (il s'agissait de présenter des milliers de personnages et d'objets sur un étroit ruban de pierre, dans un cadre évoquant d'immenses paysages) aient obligé à accepter, surtout dans la représentation de l'espace, des conventions analogues à celles de l'art primitiviste. Au contraire, la colonne de Marc Aurèle, plus récente d'une soixantaine d'années, présente une conception pathétique poussée jusqu'à la déformation systématique de la figure humaine, afin d'exprimer la passion et l'horreur de la guerre. Un troisième monument triomphal, l'arc de Septime Sévère, qui date des toutes premières années du iiie s., supprime pratiquement le décor, groupe les figures en masses compactes pour donner un effet de puissance, les présente systématiquement face au spectateur ; l'origine de ces procédés se trouve dans l'art plébéien. Le décor des sarcophages, qui apparaissent au début du iie s. et qui seront, avec les portraits, les seules œuvres sculptées importantes à partir du deuxième tiers du iiie s., suit la même évolution.
L'architecture demeure l'art roi ; l'ingéniosité créatrice des bâtisseurs ne sera affectée par aucune des crises externes ou internes qui, pendant plus d'un siècle – de 166 à 284 –, paraîtront annoncer la mort de l'Empire. Continuant les recherches de leurs devanciers, les architectes du iie s. et du iiie s., dont le plus illustre est Apollodore de Damas, maître d'œuvre de Trajan, rechercheront des formules sans cesse plus hardies pour couvrir en voûtes d'immenses surfaces. Le matériau est toujours le blocage de ciment, masqué à Rome par des parements en brique et dans les provinces par divers types de maçonnerie. Les programmes sont orientés vers l'efficacité et le confort : d'une part, les ports, les marchés (marchés de Trajan à Rome), les constructions hydrauliques, les grands immeubles de rapport et, d'autre part, les thermes, les édifices destinés aux spectacles ont la priorité. Les premiers servent le difficile équilibre économique de l'Empire, les seconds l'action psychologique qui en maintient la cohérence. L'utilisation systématique de la voûte conduit l'architecte à créer un espace artificiel clos dans lequel une lumière savamment canalisée joue sur un décor plaqué aux parois. Ces tendances se remarquent dans les grands thermes impériaux à plan symétrique, qui apparaissent sous Trajan, atteignent leur apogée à Rome avec les fondations de Caracalla (211-217) et de Dioclétien (284-305) et se multiplient par centaines dans les provinces. Notons, à ce propos, que l'impression d'uniformité qu'on éprouve en retrouvant des constructions de même type de l'Écosse à l'Euphrate est détruite par un examen plus poussé de ces monuments : par exemple, l'exploration des thermes de Mactar (Tunisie) nous révèle un type d'édifice balnéaire conforme dans ses grandes lignes au schéma « impérial », mais présentant, contrairement aux exemples déjà connus de cette famille (celui de Cluny à Paris est l'un des mieux conservés), une façade articulée et largement ouverte de baies. Il s'agit là, cependant, d'une tentative isolée et à contre-courant, la tendance générale étant en faveur de l'espace artificiel clos. En créant le Panthéon, Hadrien transpose même cette formule dans l'architecture religieuse.
Cette recherche de l'espace clos est certainement l'une des causes de la décadence des modes d'expression artistique auxquels les Grecs avaient donné la priorité, comme la sculpture en ronde bosse. Une autre cause de cette décadence, qui s'applique également à la peinture murale, est que la force de la tradition empêchait pratiquement toute création originale dans ces domaines. Au contraire, la mosaïque connaît depuis le début du iie s. un extraordinaire développement, précisément parce qu'elle convient à merveille à la décoration de l'espace clos. Des écoles indépendantes se développent en Italie et dans les principales provinces ; toutes reviennent au décor figuré, qui, au ier s. avant J.-C. et au ier s. après J.-C., avait été presque abandonné pour le décor géométrique ; mais, tandis que l'école italienne traite ce décor figuré en noir sur fond blanc, les écoles provinciales utilisent dès le début du iie s. une polychromie extrêmement riche. D'autres caractéristiques sont, au contraire, communes à toutes les écoles : l'abandon de l'illusionnisme pictural, les figures étant souvent traitées comme des motifs ornementaux ; la tendance à la surcharge, qui, à partir de la fin du iie s., fait multiplier et foisonner les éléments du décor, qui finissent par recouvrir entièrement le champ. On peut résumer sommairement cette évolution en disant que la mosaïque de sol, qui, au ier s., ressemblait soit à un dallage, soit à un tableau, prend de plus en plus l'aspect d'un tapis lourdement brodé.
La renaissance constantinienne et la fin de l'art romain
Les tendances que l'on vient d'analyser semblaient annoncer l'apparition d'un art fondé sur des principes entièrement différents de ceux qu'avaient formulés les Grecs. Or, on constate qu'au ive s. certaines œuvres sont caractérisées par un souci de la netteté et de l'équilibre des formes qu'il faut incontestablement qualifier de classique : il en est ainsi dans le domaine du portrait, mais aussi dans celui du relief, représenté principalement par les sarcophages, de la peinture (plafond peint du musée épiscopal de Trêves), dans celui de la mosaïque (mosaïque de chasse de Daphné-Antioche, au Louvre), ainsi que dans ceux de l'orfèvrerie et de l'illustration des manuscrits, qui connaissent alors un développement particulier. La même tendance apparaît aussi dans l'architecture, notamment celle des grandes villas seigneuriales, par exemple en Aquitaine (Montmaurin). Il s'agit d'une « Renaissance » ; le phénomène n'est pas nouveau, mais prend alors une importance spéciale, qu'explique la situation sociale : après les troubles du iiie s. se reconstitue une aristocratie riche et raffinée, qui réduit les paysans à une condition bien pire que celle qu'ils avaient connue au Haut-Empire. Le transfert, en 330, du principal centre politique de l'Empire à Constantinople accentuera ce phénomène, les milieux anatoliens étant toujours restés plus fidèles que ceux d'Occident à la tradition hellénistique. C'est dans cette atmosphère que se produit la naissance de l'art chrétien officiel, qui diffère profondément de l'art antérieur à la paix de l'Église, d'inspiration résolument plébéienne.
Cependant, l'art plébéien, devenu l'art provincial, ne devait pas mourir ; par des voies actuellement mystérieuses, il a engendré en Occident la sculpture que nous appelons romane : non seulement la reprise de thèmes, mais la similitude des modes d'expression est incontestable. Par ce biais, l'art romain propre apparaît donc comme une des composantes essentielles de la culture artistique de l'Occident. L'architecture impériale allait, d'autre part, servir de modèle pour le décor, mais non pour les structures, à tous les constructeurs européens du xvie au xixe s. Quant à la peinture, elle a exercé une influence plus discontinue, mais féconde, au xvie s. d'abord (Raphaël s'inspire de la Maison dorée de Néron), puis au xviiie s., après les premières fouilles d'Herculanum et de Pompéi.
DOCUMENT larousse.fr LIEN
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ATHÈNE |
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ATHÈNE
Capitale de la Grèce.
Nom des habitants : Athéniens
Population pour l'agglomération : 3 413 990 hab. (estimation pour 2011)
GÉOGRAPHIE
1. Le site d'Athènes
La ville déborde la plaine d'Attique, où des buttes calcaires fixèrent jadis un sanctuaire à l'intérieur (Acropole) et des ports sur le littoral (Le Pirée). La plaine d’Attique, bien ouverte au sud, est protégée des coups de froid par les massifs montagneux de l’Hymette (1 026 m) à l’est, du Pentélique (1 109 m) et du Parnis (1 413 m) au nord et au nord-ouest. À travers l’Aighaleo, qui prolonge le Parnis en direction du sud, le col de Dhafni permet d’atteindre aisément la plaine d’Éleusis, qui reste étroitement associée aux activités de l’Attique. Au nord-est, un seuil abaissé entre l’Hymette et le Pentélique ouvre sur la Mésogée, où les activités agricoles évoluent rapidement au contact de la ville, dont le voisinage transforme les villages les plus proches (mouvements quotidiens de la population, essaimage d’industries, multiplication des résidences secondaires). La plaine d’Attique, ensoleillée, bien égouttée, accidentée de quelques buttes rocheuses, parmi lesquelles l’Acropole a fixé un des premiers sites urbains, était, sur 30 km du sud au nord, propice aux bâtisseurs ; sa façade maritime, large de 20 km, est une côte basse ou un seul secteur rocheux correspondant à la colline du Pirée présente des anfractuosités qui ont fixé un port devenu trop étroit, et qui cherche de nouveaux sites dans la baie d’Éleusis, au-delà du détroit de Salamine.
2. L'extension de la ville
L'extension de la ville, sollicitée au nord (Béotie) et à l'est (Mésogée) par des axes routiers d'industrialisation et d'urbanisation, la porte au-delà du cadre montagneux défini par l'Hymette, le Pentélique et le Parnis-Aighaleo ; elle est rapide au nord-ouest (zone portuaire et industrielle d'Éleusis) et au sud-est (zone résidentielle et balnéaire de la côte d'Apollon). La ligne de rivage est repoussée au large par des remblais constructibles (Phalère). Les îles les plus proches, Salamine, Égine, sont intégrées à cet ensemble urbain devenu le plus vaste des Balkans (500 km2) en même temps qu'un carrefour majeur et un foyer d'attraction des trafics touristiques en Méditerranée.
La croissance de l'agglomération (200 000 habitants en 1900, 1 850 000 en 1961, plus de 3 200 000 en 2010, le port du Pirée inclus) tient à la multiplicité des rôles exercés par la capitale dans un État très centralisé (administration, finances, université, mais aussi commerces de gros et de détail et industries [métallurgie, chimie, textile, alimentation, tabac]). Athènes concentre une part importante des salariés de Grèce, rassemble et redistribue la plupart des capitaux, est le pivot du commerce extérieur (port du Pirée, aéroport d'Eleftherios Veniselos, à Spata) et le principal foyer du commerce intérieur ; le rayon d'action des services établis à Athènes s'étend à une partie du Proche-Orient et de l'Afrique, car la ville, ayant profité du déclin de Beyrouth, est un relais pour de nombreuses sociétés internationales.
3. Un des grands centres touristiques du monde
Athènes est un des grands centres touristiques du monde, grâce à la beauté des monuments antiques (Parthénon, Érechthéion, Propylées, etc.) de l'Acropole et à la richesse de ses musées. L'agglomération concentre près du tiers de la population du pays. Athènes a accueilli les premiers jeux Olympiques modernes en 1896 et les Jeux d'été en 2004. La différenciation de l'espace urbain, densément bâti, s'accentue et aggrave les conditions de déplacement de la population active : quartiers centraux (gestion, affaires) dépeuplés, communes périphériques plus bourgeoises au nord et au sud-est, plus prolétariennes à l'ouest. Les embarras de la circulation et la pollution atmosphérique pèsent lourdement sur la vie quotidienne.
4. Les différents quartiers de la ville
Le centre d’Athènes, entièrement redessiné au xixe siècle par des architectes originaires d’Europe occidentale, correspond à un triangle dont la base, dominée au sud par l’Acropole, est jalonnée par la rue Ermoú, du Céramique à la place Sýndaghma (place de la Constitution), et dont le sommet est marqué par la place Omónia. Les diverses fonctions urbaines s’y trouvent rassemblées et y entretiennent une animation constante : banques, poste centrale, administrations et services ministériels, commerces (hôtellerie et grands magasins) se groupent près d’Omónia ; les halles centrales, les officines et les entrepôts consacrés au commerce de demi-gros, les ateliers de réparation se tiennent au voisinage des deux gares de chemin de fer et de la rue Athinás ; les boutiques de luxe sont particulièrement denses dans le quartier Kolonáki, à l’est, que surplombe la colline du Lycabette.
Le quartier Omónia, desservi par la principale station du métro qui relie le Pirée à Kifissiá, et où aboutissent presque toutes les lignes d’autobus interurbaines du pays, est le point de convergence et de transit des banlieusards et des provinciaux : tavernes, hôtels, boutiques de toutes sortes y attendent leurs habitués. À l’opposé, plusieurs grands hôtels de classe internationale ont contribué à faire du quartier Sýndaghma le carrefour principal des relations avec l’extérieur. De l’un à l’autre, la foule des touristes étrangers croise celle des provinciaux attirés par leurs affaires ou leurs loisirs.
Sous l’Acropole, le vieux quartier de Pláka occupe l’emplacement de la ville antique et conserve la trace de la bourgade méditerranéenne d’avant 1830 ; transformant son rôle sans en réduire le pittoresque, les emprises touristiques (restaurants, boîtes de nuit) s’y sont multipliées.
À l’opposé, les quartiers de voies en damier de Patíssia et de la place Amerikís, proches du Musée national et du Polytekhníon, sont habités par les professions libérales et les négociants. Le mouvement désordonné de densification des surfaces bâties, qui intéresse toute l’agglomération, fait que la hauteur des immeubles s’y élève régulièrement, mais la proportion des surfaces des bureaux et des commerces y est plus faible que dans le centre.
À proximité du Palais royal et de la petite place Kolonáki, des résidences plus coûteuses regroupent dans le voisinage des ambassades la grande bourgeoisie, le personnel politique et l’intelligentsia athénienne.
À partir de Sýndaghma, le long de l’avenue Vassilíssis Sofías, qui mène aux banlieues résidentielles de Psikhikó et de Kifissiá, et suivant l’avenue Amalías, amorce des axes qui conduisent au littoral résidentiel et touristique (Vieux et Nouveau Phalère [Néo et Palaió Fáliro], Ghlyfádha et, au-delà, tout le long de la route en corniche du cap Sounion), se multiplient les grands hôtels modernes (Hilton), les agences de compagnies aériennes, les bureaux d’affaires et les sièges d’entreprises parfois internationales.
6. Le climat d'Athènes
Le climat d'Athènes est méditerranéen, avec des précipitations assez faibles (402 mm par an), qui tombent surtout en automne et en hiver, et des températures qui oscillent entre 28 °C en juillet et 9 °C en janvier, pour une moyenne annuelle de 17 °C.
L'HISTOIRE D'ATHÈNES
1. Une petite bourgade qui devient cité
Athènes n'était à l'époque achéenne (IIe millénaire avant J.-C.) qu'une bourgade. Son isolement la sauva quand les envahisseurs doriens (vers le xiie s. avant J.-C.) firent décliner les cités de Mycènes et Tirynthe.
Si Athènes connaît du xie au ixe s. avant J.-C. un développement sans exemple, marqué par l'abondance et la qualité de sa céramique, elle demeure dans une pénombre relative lorsque, à l'aube du viiie s., les cités grecques sortent de ces « âges obscurs ».
Une nouvelle forme d'État se développe alors : la polis (ou cité). La polis archaïque naît d'un ensemble de villages suffisamment proches les uns des autres pour tirer parti d'une citadelle commune : à Athènes, la forteresse royale de l'époque mycénienne, sur le rocher de l'Acropole, va jouer ce rôle. Des regroupements locaux précédèrent certainement l'unification.
1.1. Thésée, roi légendaire d'Athènes
Dans la structuration de la communauté, le phénomène religieux occupe une place importante : à Athènes, il se constitue autour de la déesse Athéna. Les sources écrites, lorsqu'elles décrivent le processus de formation de la cité, renvoient au modèle classique du synœcisme (réunion de plusieurs villages en une cité) et attribuent à Thésée – dixième roi d'Athènes, selon la tradition mythique – cette unification de l'Attique (chaque année, les fêtes des panathénées célébraient ce souvenir).
1.2. Un territoire pauvre
Le territoire groupé autour de la métropole est, à l'échelle de la cité grecque, exceptionnellement vaste (2 600 km2 environ), mais il est pauvre. En effet, les montagnes occupent plus d'un tiers de la superficie de la région qu'elle commande, le littoral est pratiquement impropre à la culture.
Aussi, tout au long de son histoire, Athènes dut-elle importer des céréales qu'elle échangeait contre de l'huile, du vin, des produits manufacturés. Fort heureusement, le sous-sol était plus exploitable, de nombreuses carrières produisaient du marbre, on trouvait au Laurion du plomb argentifère. Par ailleurs, la côte découpée favorisait la navigation et la pêche.
2. La naissance d’une démocratie puissante
2.1. La société athénienne
La continuité historique entre époque mycénienne et époque archaïque se manifeste dans les institutions. La monarchie achéenne semble avoir été affaiblie progressivement plutôt que balayée ; son autorité est peu à peu réduite par le contrôle d'un conseil aristocratique siégeant sur l'Aréopage (colline d'Arès), et morcelée entre trois magistrats élus – les archontes – qui, vers 683, voient leur pouvoir limité à un an.
L'histoire athénienne des viiie et viie s. est mal connue. La cité est dominée par une aristocratie guerrière remuante et les chefs des principaux clans ou familles, les nobles (eupatrides), sont maîtres de la terre et du pouvoir politique. La masse de la population constitue une sorte de clientèle, associée au sein des phratries (groupes de familles) au culte de l'ancêtre commun.
Entre l'aristocratie et cette paysannerie plus ou moins dépendante, un groupe de citoyens, suffisamment aisés pour se procurer la panoplie de l'hoplite (fantassin lourdement armé), participe, depuis le viie s., à la défense de la cité.
Les artisans sont encore peu nombreux et Athènes ne prend aucune part au grand mouvement de colonisation qui, depuis le viiie s., étend les limites du monde grec aux rivages les plus lointains de la Méditerranée (→ histoire de la Grèce antique).
2.2. Les premières réformes
C'est sur un fond de fortes tensions sociales qu'Athènes paraît dans l'histoire. Lorsque, vers 630, un jeune noble, Cylon, s'empare de l'Acropole et cherche à établir un nouveau type de pouvoir, la tyrannie. Mégaclès, de la famille des Alcméonides, aidé par « la foule des champs », l'en déloge et le tue.
On pourrait voir dans cette tentative avortée un simple épisode de la lutte de factions entre aristocrates si Athènes n'entrait ensuite dans la voie des réformes.
Dracon
Dracon est mandaté, en 621-620, pour mettre par écrit des lois ne s'appliquant qu'aux affaires de meurtre et dont la dureté devait rester légendaire – d'où l'adjectif « draconien ». Mesure limitée qui, cependant, affirme pour la première fois l'autorité de l'État au-dessus des solidarités familiales dans le domaine de la justice, instaure un droit commun pour tous et, par là même, porte atteinte à l'arbitraire des aristocrates. Six thesmothètes (gardiens de la loi écrite) viennent alors renforcer le collège des archontes.
Le monopole économique et politique des nobles n'est cependant en rien entamé, malgré une évolution économique et militaire qui le rend moins justifié et manifestement moins bien supporté.
Comme les autres cités grecques, Athènes connaît une crise rurale qui déchire la société. Les mêmes solutions s'offrent à elle : soit l'arbitrage d'un législateur, chargé, dans une sorte de consensus, de mettre fin à des troubles qui risquent de dégénérer en guerre civile, soit la tyrannie, qui, dans l'évolution de la Grèce archaïque, apparaît bien souvent comme une solution transitoire aux problèmes de la cité. Avec Solon, le législateur, puis avec les fils du tyran Pisistrate, Hippias et Hipparque, Athènes fera successivement l'expérience de l'une et de l'autre.
2.3. Sous l'impulsion de Solon
Solon est chargé, en 594-593, de refaire l'unité de la cité. Son œuvre est essentiellement celle d'un libérateur. Par la remise du fardeau (seisachthéia), il annule toutes les créances et interdit à l'avenir la caution personnelle, donc l'esclavage pour dettes, restaurant ainsi une petite paysannerie menacée de perdre sa liberté. Solon, dans ses élégies – il est aussi le grand poète lyrique d'Athènes –, se glorifie d'avoir libéré la terre et aussi les hommes, « ceux qui, en Attique même, connaissaient la servitude dégradante et que faisait trembler l'humeur des maîtres », ceux qui avaient fui, ceux qui avaient été emmenés pour être vendus à l'étranger.
Modérée puisqu'elle ne réalise pas le nouveau partage des terres très largement réclamé, la réforme de Solon ampute cependant la richesse des eupatrides qui sans doute y ont consenti par crainte d'un soulèvement populaire et de la tyrannie.
La place du peuple (dêmos)
Avec cette solution apportée à la crise qui affecte le monde rural, l'originalité d'Athènes paraît bien résider dans les mesures politiques qui donnent au peuple un droit de regard sur l'évolution future. Un dêmos élargi est intégré dans le corps civique par des mesures politiques inscrivant la seisachthéia dans un ensemble cohérent. Les limites du dêmos sont clairement établies au sein d'une hiérarchie sociale fondée sur les revenus fonciers.
Institutions populaires et évolutions économiques
Le rôle de l'ecclésia – une assemblée du peuple jusque-là peu consultée – se renforce. Solon met en place un tribunal populaire de justice (l'héliée) qui ne fonctionne encore que comme instance d'appel, mais qui, selon le philosophe Aristote, devait être une pièce maîtresse de l'évolution démocratique d'Athènes.
La paysannerie se développera encore au cours du vie s. et, jouissant de la sollicitude du tyran Pisistrate (des prêts d'État, en particulier, la soustraient à l'influence des riches propriétaires), elle donnera une solide assise sociale à la démocratie athénienne.
Le développement de l'artisanat est, de même, étroitement lié par la tradition au souvenir de Solon, et l'archéologie révèle un essor étonnant de la production de céramiques et des échanges à partir des années 580. Des ruraux trouvent ainsi du travail à la ville et la classe des thêtes (citoyens non propriétaires, la classe la plus basse) se développe.
Des intérêts contraires
Vers 575, Athènes se donne une monnaie et, peu après, s'instaure l'équivalence entre la drachme et les mesures de capacité, ce qui témoigne d'un développement nouveau de la fortune mobilière.
L'extraordinaire ouverture d'Athènes vers l'extérieur a ainsi été préparée par Solon et par le compromis modéré recherché entre les intérêts contraires des eupatrides et du dêmos.
Solon n'a guère réussi, en revanche, dans sa volonté de restaurer la communauté de la polis en crise puisque, très rapidement, des troubles reprennent. Élus terriens conservateurs et « nouveaux riches », loin d'opposer les intérêts des eupatrides à ceux des pêcheurs et des commerçants, représentent des factions aristocratiques locales ; les paysans, sur lesquels s'appuie Pisistrate, regroupent les mécontents contre les nantis et s'identifient avec le dêmos.
2.4. Sous la tyrannie des Pisistratides
Pisistrate s'appuie sur le peuple pour conquérir le pouvoir. Maître d'Athènes une première fois en 561, il en est par deux fois chassé, mais il revient, toujours par la ruse ou par la force, et à sa mort, en 528, ses fils lui succèdent. C'est ainsi que, tardivement, Athènes connaît la tyrannie, une tyrannie modérée qui laissera à la postérité le souvenir d'un gouvernement raisonnable.
Pisistrate ne modifie guère les institutions, se dotant simplement d'une garde personnelle et confiant les magistratures à des hommes à sa dévotion. Il laisse Athènes bénéficier de l'impulsion donnée par Solon, poursuivant une politique d'équilibre social et d'affirmation de l'État, inaugurant une politique extérieure active et, à l'intérieur, un programme de grands travaux vivifiant pour l'économie.
Pisistrate et ses fils entretiennent une cour brillante et marquent leur volonté d'assumer le passé religieux et mythique d'Athènes (rédaction des poèmes homériques, des hymnes orphiques). Pour exalter la déesse Athéna, un grand temple, l'Hécatompédon, est construit sur l'Acropole, et un éclat remarquable est donné aux panathénées. Mais le pouvoir s'efforce aussi de favoriser les cultes populaires, comme celui de Dionysos.
Avec les Pisistratides, Athènes connaît donc sa première période de grandeur. Cependant, après l'assassinat d'un des fils de Pisistrate, Hipparque, en 514, la tyrannie d'Hippias le fils aîné se durcit et, en 510, ce dernier doit quitter Athènes devant l'opposition conjuguée des aristocrates et des Spartiates, et devant celle du dêmos, fortifié par le dynamisme économique d'Athènes.
2.5. La réorganisation politique sous Clisthène
Après une lutte acharnée au cours de laquelle la cité de Sparte appuie les plus durs des oligarques athéniens, Clisthène, soutenu par le dêmos, fait voter en 508 une réforme radicale de la Constitution qui établit la démocratie athénienne dans ses institutions.
L'espace civique athénien est remodelé, la ville incluse dans une nouvelle division de l'Attique. Les citoyens sont regroupés en dix tribus. Chaque tribu offre une image réduite des intérêts multiples de la cité et ses membres.
Il apparaît dès lors une réorganisation politique générale fondée sur ce cadre des dix tribus ; un secrétaire s'ajoute aux neuf archontes ; à la boulê, ou conseil des Cinq-Cents, les 50 représentants de chaque tribu gèrent la cité pendant un dixième de l'année (une prytanie). Dix stratèges assurent la direction des troupes de chacune des tribus, et ce commandement militaire, à l'épreuve des guerres médiques, donnera à ces nouveaux magistrats un pouvoir décisif dans l'Athènes du ve siècle.
Enfin, la loi sur l'ostracisme (exil dans les dix jours et pour dix ans, sur vote de l'ecclésia, d'un citoyen jugé dangereux pour la démocratie) tente de prémunir la cité contre un éventuel retour de la tyrannie.
3. Fin de la période archaïque : l'apogée d'Athènes
La cité, alors fermement unie, va cependant connaître l'épreuve des guerres médiques.
3.1. Les guerres médiques
Athènes est la seule cité, avec Érétrie, à porter secours aux Grecs d'Asie Mineure, révoltés contre Darius, grand Roi des Perses. Une petite expédition brûle l'une de ses capitales, Sardes, et la vengeance de Darius s'exerce essentiellement contre les deux cités.
À Marathon, Athènes fait face et, sous la direction du stratège Miltiade, ses hoplites appuyés seulement par quelques Platéens obligent les Perses à reprendre la mer en 490. Athènes a gagné seule la première guerre médique.
C'est elle encore qui, grâce à l'orientation maritime donnée par Thémistocle à la cité (création du port du Pirée), joue un rôle décisif dans la seconde guerre médique. Thémistocle convainc les Athéniens d'abandonner l'Attique et de combattre sur mer l'invasion conduite par le Perse Xerxès. À Salamine, où ils fournissent près de la moitié des contingents alliés, ils contraignent les Perses à la retraite en 480, tandis que leur flotte remporte encore des victoires capitales près des côtes d'Asie Mineure.
Plus qu'aucune autre cité, Athènes a souffert de l'invasion : l'Attique est dévastée, la ville détruite, mais, alors que la Grèce semblait perdue, la cité reconstruite par Clisthène a montré son attachement à la liberté et c'est vers elle que se tournent – craignant un retour offensif des Perses – les petites cités des îles et de la côte ionienne.
La Confédération athénienne, ou ligue de Délos (du nom de l'île où est déposé le trésor des cités alliées), simple alliance militaire constituée autour d'Athènes (478), devient la base de la puissance de la cité au ve siècle.
Pour en savoir plus, voir l'article guerres médiques.
3.2. L'Athènes de Périclès
Périclès fut le maître incontesté de la cité pendant près de trente ans. De la lignée Bouzyge par son père, et des celle des Alcméonides par sa mère, il est est l'un de ces aristocrates qui continuent de monopoliser les charges principales. Associé au chef du parti démocratique Éphialtès dans la lutte qui, après les guerres médiques, oppose toujours eupatrides et dêmos, les aristocrates et le peuple, il est avec lui responsable des derniers élargissements de la démocratie athénienne.
Périclès domine bientôt la vie politique et, de 443 à 431, est constamment réélu stratège. Cette autorité incontestée dans une cité où le peuple a pris en main son destin a de quoi surprendre.
La démocratie athénienne
L'ecclésia, l'assemblée du peuple, décide de tout ; elle est aidée dans sa tâche par la boulê, qui doit débattre des questions soumises à l'assemblée et émettre un avis préalable. Les magistratures, collégiales et annuelles, sont étroitement surveillées par le dêmos. La stratégie – du grec stratos, armée et agein, conduire – constitue désormais le véritable exécutif de la cité, dépossédant l'archontat, réduit, comme l'ancien conseil aristocratique de l'Aréopage, à des attributions juridiques et religieuses.
Le tribunal populaire, l'héliée (6 000 héliastes tirés au sort), juge de presque toutes les causes. Tout citoyen athénien peut donc décider du destin de sa cité à l'assemblée, siéger au tribunal, être bouleute (membre de la boulê) et exercer une magistrature au moins une fois dans sa vie. Pour que cette égalité de droit ne soit pas un vain mot, Périclès accorde une indemnité de participation à la vie civique, le misthos.
La démocratie s'efforce aussi d'atténuer les inégalités économiques et sociales par la pratique des liturgies (charges normalement assumées par l'État confiées aux plus riches des citoyens), par un système d'entraide pour les plus déshérités, par du travail pour tous.
Les contradictions de la société athénienne
Bien sûr, cette démocratie directe n'est pas parfaite. Aristophane s'est fait l'écho des critiques qui lui sont adressées par ceux qu'inquiètent ses excès. On peut remarquer que, jusqu'en 400 avant J.-C., aucun misthos n'est donné pour la participation à l'assemblée, ou encore pour l'exercice de la plus importante des magistratures – la stratégie –, que seuls les plus riches des citoyens peuvent exercer.
Enfin et surtout, cette démocratie est à l'usage d'un petit nombre de privilégiés. Au moment même où s'achève la conquête de la démocratie, en 451, il faut, pour être citoyen de plein droit, être né non seulement d'un père citoyen mais – et c'est nouveau – de mère athénienne. De surcroît, ni les femmes, ni les métèques (les étrangers domiciliés à Athènes), ni les esclaves – de plus en plus nombreux – ne participent à la vie politique.
Cela constitue l'une des contradictions majeures d'Athènes : plus la cité s'éloigne de ses origines agraires et voit son économie s'orienter vers des activités tournées vers l'échange et le profit, plus elle fait appel aux esclaves, et plus cette contradiction va croissant.
Périclès disait encore que l'exercice d'un métier ne peut empêcher le citoyen de donner un avis utile à son pays. Au ive s., déjà, Xénophon et Platon estimaient que la seule activité compatible avec la citoyenneté est l'agriculture ; Aristote, pour sa part, jugeait qu'être citoyen est un métier à part entière et proposait d'exclure tous ceux qui travaillent de la vie politique.
3.3. L'impérialisme athénien
En outre, cette démocratie qui veut ses citoyens les plus libres des Grecs admet l'impérialisme à l'extérieur.
L'historien Thucydide ne se fait pas d'illusions : la ligue de Délos, d'alliance qu'elle était, s'est transformée en empire. Les aristocrates qui conduisent la ligue à ses débuts, non seulement lui font faire des progrès décisifs, mais répriment durement les révoltes à Naxos en 470, à Thasos en 465. Les démocrates, lorsqu'ils leur succèdent, n'agissent pas autrement : la répression à Samos en 441, conduite par Périclès, n'est pas moins sanglante, et l'établissement de colons athéniens sur les terres enlevées aux cités alliées se poursuit. Au moment même où la signature de la paix de Callias avec les Perses en 449 aurait pu rendre l'alliance caduque, Athènes impose à toutes les cités de la ligue la circulation de sa monnaie et organise plus rationnellement la perception d'un tribut qui, depuis 454, n'est plus déposé à Délos mais à Athènes. Et cette dernière s'autorise à puiser dans ce trésor, destiné à la défense commune, à des fins qui lui sont propres.
Athènes, en effet, n'est pas seulement impérialiste par accident (si la ligue est née de l'initiative des alliés, leur négligence à s'acquitter du tribut explique sa transformation en empire), elle l'est par nécessité. Sa démocratie vit de l'empire. Elle a besoin non seulement de la richesse que, grâce à la maîtrise de la mer, il lui procure, mais aussi des terres prises aux anciennes cités alliées et enfin, du tribut. Tribut qui permet de distribuer des misthoi (indemnités pour ceux qui vont aux assemblées), d'aider les plus démunis et de pratiquer une politique de prestige utile à l'économie et décisive pour cimenter la communauté tout entière.
3.4. La guerre du Péloponnèse
C'est de cette dernière contradiction que naît la guerre du Péloponnèse (431-404). La politique intransigeante d'Athènes incite les alliés à la révolte et ses prétentions à l'hégémonie dressent contre elle ses vieilles rivales : Sparte et Corinthe.
Le conflit, acharné, dure près de trente ans. La stratégie voulue par Périclès paraît être l'aboutissement logique d'une évolution longue de deux siècles ; la cité s'était, en effet, tournée vers la mer. La création du port du Pirée par Thémistocle puis son développement, la réalisation des Longs Murs avaient fait de la ville et de son port une sorte d'île dont le salut dépendait de la mer et de la flotte. L'Attique abandonnée aux incursions périodiques des Lacédémoniens (autre nom des Spartiates), la population athénienne se retranche à l'intérieur des murs reliant le port à Athènes, et résiste, tandis que les contre-attaques sont menées sur mer.
La peste et la mort de Périclès, en 429, laissent Athènes affaiblie. La guerre se traîne avec des fortunes diverses et si la paix de Nicias, en 421, met fin pour un temps aux hostilités, celles-ci se rallument avec la désastreuse expédition de Sicile (415-413), voulue par le stratège Alcibiade.
Après la perte de 12 000 citoyens, Athènes remporte encore quelques succès en mer Égée, mais elle est définitivement défaite à la bataille d'Aigos-Potamos en 405. L'année suivante, les Spartiates entrent dans la cité qui doit livrer sa flotte, détruire ses murailles, abandonner son empire, dont toutes les cités sauf une ont d'ailleurs fait défection.
Pour en savoir plus, voir l'article guerre du Péloponnèse.
4. Le déclin d'Athènes
La guerre a sérieusement altéré le fonctionnement de la démocratie. En 411, les oligarques sont même parvenus à renverser le régime, mais leur tentative a échoué. Les Trente tyrans, dont la dictature est imposée par Sparte à la fin de la guerre, ne réussissent pas plus à se maintenir.
Les Athéniens tiennent à leur démocratie et la restaurent en 403. Ils jouent alors un jeu habile entre les cités qui prétendent à l'hégémonie et reconstituent même, en 377, une seconde Confédération maritime. Celle-ci leur redonne, pour un temps, la maîtrise des mers, mais, affaiblie par la révolte des alliés (357-355), elle sera disloquée par Philippe de Macédoine.
4.1. Athènes face à la conquête macédonienne
Athènes doit alors affronter un danger nouveau, celui que le roi de Macédoine fait courir à toute la Grèce. Philippe II triomphe des cités coalisées à Chéronée en 338. Il se montre généreux envers Athènes : la cité conserve son autonomie, mais doit entrer dans la ligue de Corinthe, qui regroupe toutes les cités grecques sous hégémonie macédonienne.
Après la mort du fils de Philippe, Alexandre, et une tentative malheureuse de révolte (→ guerre lamiaque), les Athéniens doivent, en 322 avant J.-C., accepter d'Antipatros une garnison macédonienne et une Constitution oligarchique qui contraint les plus pauvres d'entre eux à l'exil.
Dès lors, tiraillée entre les successeurs du conquérant macédonien et caressant toujours le vain rêve d'une vengeance, Athènes n'est plus que l'ombre de ce qu'elle avait été. Même la création littéraire s'affaiblit, et seule la comédie de mœurs reste vivante, avec Ménandre. En revanche, Athènes, où se développent les écoles épicurienne et stoïcienne, demeure le centre le plus actif de la pensée philosophique.
4.2. Sous la domination romaine
Lorsque, après la défaite du dernier roi de Macédoine, Persée à Pydna en 168 avant J.-C., l'hégémonie de Rome se substitue à celle de la Macédoine, Athènes retrouve quelque vitalité ; les Romains, en particulier, lui donnent Délos, et le Pirée tire encore profit de la destruction de Corinthe, en 146.
Elle périclite, cependant, dès le ier siècle de notre ère (pillage par les troupes de Sylla en 86). Et si elle bénéficie de la paix romaine et reste une cité libre et fédérée, les honneurs dont la comblent les empereurs sont inversement proportionnels à sa faiblesse réelle. Ils témoignent cependant de l'immense prestige que conserve la cité qui domina la Grèce.
4.3. Les derniers feux d'Athènes
Le triomphe définitif du christianisme dans l'Empire romain contribue à la décadence de la cité des dieux. En 393, les jeux Olympiques sont interdits par Théodose Ier ; mais, en partie sous l'influence de Julien l'Apostat et des néoplatoniciens, Athènes reste longtemps encore un pôle de résistance du paganisme.
Cependant, en 529, ses écoles sont fermées par Justinien et peu à peu ses temples transformés en églises. Athènes était alors complètement éclipsée par Constantinople, qu'on embellit en la dépouillant.
Pour en savoir plus, voir les articles histoire de la Grèce antique, Macédoine, Rome.
4.4. Dans l'Empire byzantin
En 857, Athènes devient le siège d'un archevêché, dont la cathédrale – dédiée à la Vierge – est installée dans le Parthénon. À partir du xie siècle, de nombreux monastères s'y fondent : Athènes allait être, face à Rome, l'un des bastions de l'orthodoxie.
Après la prise de Constantinople par les Francs, en 1204, la ville devient la capitale du duché latin d'Athènes, qui se maintient jusqu'en 1456 après être passé des mains des Français à celles des Catalans, d'ailleurs plus ou moins vassaux de Venise.
4.5. Athènes dans l'Empire ottoman
Prise par Mehmet II en 1456, Athènes reçoit des Turcs quelques privilèges, ce qui n'empêche pas que le Parthénon soit transformé en mosquée et l'Érechthéion en harem pour le gouverneur turc.
Aux xvie et xviie s., Athènes n'est plus qu'une bourgade de 8 000 à 10 000 habitants. En 1678, la ville se réveille avec Michaïl Linbonos, dont la révolte fut durement réprimée par les Turcs. Afin de mieux résister aux Vénitiens de Morosini, ces derniers ravagent l'Acropole et transforment le Parthénon en poudrière : une bombe vénitienne, en y éclatant, endommage gravement le monument (1687).
Au xixe s., Athènes se trouve naturellement au cœur de la guerre d'indépendance grecque. Tombée aux mains des Turcs, qui se maintiennent dans l'Acropole jusqu'en 1833, elle est désignée l'année suivante comme capitale du royaume indépendant de Grèce : son histoire se confond désormais avec l'histoire souvent tragique du jeune État.
Pour en savoir plus, voir l'article histoire de la Grèce moderne.
L'ART ET L'ARCHÉOLOGIE
De Pisistrate à Périclès
image: http://www.larousse.fr/encyclopedie/data/images/1009162-Ath%c3%a8nes_lagora.jpg
Athènes, l'agora
Athènes, l'agora
C'est avec Pisistrate que commence la « grande » histoire artistique d'Athènes. Les vestiges des civilisations antérieures furent alors attribués à des héros mythologiques et à des peuples légendaires : Pélasges, Cécrops, Érechthée, Thésée. L'archéologie va plus loin que la fable, et nous savons que, plusieurs millénaires avant qu'on y ait adoré Héphaïstos, les arts du feu étaient pratiqués dans le secteur du Céramique.
Pisistrate, quand il entreprit de restaurer et d'embellir l'Acropole, où il avait établi sa résidence, y trouvait des temples en tuf polychrome, dédiés à des cultes primitifs. On en a conservé quelques débris, notamment la pièce dite « fronton de l'Olivier », maquette d'un temple double d'Athéna et d'Érechthée. L'édifice principal était le temple de cent pieds consacré à Athéna, l'Hécatompédon, datant de Solon. Il fut pourvu d'une colonnade dorique et orné de métopes et de frontons racontant les exploits d'Héraclès. Autour du sanctuaire furent répartis des serviteurs et des servantes de la déesse, des sacrificateurs, des porteurs et porteuses d'offrandes. Après les destructions de l'armée perse, ce qui subsistait de cette statuaire fut pieusement enseveli. Retrouvées il y a un siècle encore revêtues de leurs vives couleurs, ces pièces (Kouroi athlétiques, korês aux drapés ioniens, au sourire hiératique, monstres mystérieux) ont été une révélation éblouissante. Parmi les autres travaux de Pisistrate et de ses fils, il faut mentionner les portiques de l'Agora – au centre de laquelle un autel de la Pitié marquait le point de départ des chemins de l'Attique – et la construction d'un temple colossal à Zeus. Les tambours en tuf de cet édifice resté inachevé furent incorporés au mur de Thémistocle, où ils sont encore. De l’époque des Pisistratides date aussi le premier état du théâtre de Dionysos, à l'origine simple enclos où dansaient les chœurs.
Après la chute des tyrans, un groupe de bronze représentant les tyrannicides fut dressé près de l'Acropole : il devait être emporté à Suze par Xerxès. On prépara la construction d'un grand temple à Athéna, pour lequel il fallut élargir par des soutènements la plate-forme rocheuse de l'Acropole. Par ailleurs, la cité dut se consacrer surtout à l'architecture militaire : mur de Thémistocle, Longs Murs, forteresses d'Éleuthères et de Phylè. Tout fut emporté, ruiné ou détruit par l'armée de Xerxès.
Trente ans après Salamine, la paix enfin assurée, Périclès conçut un vaste programme pour renouveler les lieux consacrés de toute l'Attique. (« La Grèce, disait-il, doit être le modèle du monde, et Athènes celui de la Grèce. »). Il en confia la réalisation à Phidias, dont les récentes créations d'Olympie provoquaient l'admiration universelle. Ce programme ne put être exécuté qu'en partie, et, après le Théséion, seul le Parthénon – qui en était à vrai dire la pièce maîtresse – fut achevé du vivant de Périclès. Le Théséion est, de tous les temples doriques d'époque classique, celui qui nous est parvenu dans le meilleur état. Situé dans la ville basse, au-dessus de l'agora, il était consacré à Héphaïstos, mais sa décoration illustrait les exploits du héros local Thésée.
Les monuments de l'Acropole
Le Parthénon
image: http://www.larousse.fr/encyclopedie/data/images/1014365-Acropole_dAth%c3%a8nes.jpg
Acropole d'Athènes
Acropole d'Athènes
Le Parthénon est un temple dorique, dédié à Athéna, dont il abritait la statue chryséléphantine. Il fut construit par les architectes Ictinos et Callicratès sous la direction de Phidias. De dimensions moyennes (70 sur 31 m), entouré de 46 colonnes, il diffère un peu du canon dorique traditionnel par une largeur relative plus grande, un moindre écrasement des chapiteaux, un galbage des fûts, une certaine courbure du stylobate qui donnent une impression de parfait équilibre. Il réalise l'harmonie des deux grands styles dorique et ionien. À l'intérieur, un mur divisait l'édifice en deux salles inégales qui ouvraient, l'une à l'est et l'autre à l'ouest, par une porte monumentale. Dans celle de l'ouest et la plus grande, la cella, où une colonnade ménageait un déambulatoire, se dressait l'effigie d'Athéna, œuvre de Phidias (l'autel de la déesse était à l'extérieur, au bas des degrés). Devant la statue – faite de revêtements d'or et d'ivoire sur un bâti de bois –, un plan d'eau entretenant l'humidité qu'exige l'ivoire reflétait l'image divine ; haute d'environ 15 m, celle-ci atteignait par le sommet du casque le toit de l'édifice. L'autre salle contenait des trésors et des trophées, sur lesquels veillaient des jeunes filles – réelles ou en effigies ; de là son nom de chambre des vierges (parthenôn), qui devint celui de l'édifice tout entier.
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Phidias, frise du Parthénon
Phidias, frise du Parthénon
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Phidias, frise du Parthénon
Phidias, frise du Parthénon
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Phidias, frise du Parthénon
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Phidias, frise du Parthénon
Les métopes, les frontons et la frise intérieure du temple étaient ornés de sculptures peintes en ocre, en rouge et en bleu, protégées par un enduit à la cire et complétées par des accessoires de bronze. Les métopes étaient en haut relief. Elles montraient des scènes guerrières : combats de Thésée contre les Centaures et les Amazones, chute de Troie, lutte des Dieux et des Géants. Sur les frontons, de grandes figures en ronde bosse représentaient la naissance et le triomphe d'Athéna. À l'est, Héphaïstos fendait d'un coup de hache la tête de Zeus, d'où la Vierge divine sortait tout armée. Répartis de part et d'autre, couchés, assis, debout, épousant l'espace triangulaire, les dieux regardaient naître la Raison. Dans un angle disparaissait le char de la Nuit. Dans l'autre surgissaient les chevaux du Soleil. Sur le fronton opposé, on voyait s'affronter Athéna et Poséidon, la lance contre le trident. Ce duel, dont devait dépendre le sort d'Athènes, avait pour témoins des personnages symbolisant les forces et les beautés de la nature attique : collines, sources, rivières, arcs-en-ciel.
Les bas-reliefs de la frise, derrière la colonnade, déroulaient le cortège des Panathénées, par lequel tous les quatre ans la cité entière, gravissant la Voie sacrée, allait remettre à la déesse un voile neuf. La procession s'ordonnait sous le fronton ouest et se divisait, comme les demi-chœurs des tragédies, sur chacun des longs côtés. Elle se reformait sous le fronton est, où l'attendaient le grand prêtre et la prêtresse entourés d'Athéna et des dieux protecteurs des arts. Ce cortège, long de 160 m, comptait plus de 350 figures : ouvrières, magistrats, sacrificateurs, cavaliers, musiciens, porteurs et porteuses d'offrandes.
Athènes a été relativement épargnée par les séismes qui ont dévasté presque toute la Grèce : c'est par les hommes que le Parthénon, au cours des âges, a été ruiné. Au ve s., quand le christianisme fut imposé par Théodose, la statue d'Athéna disparut, emportée à Constantinople, et le temple fut transformé en église, non sans de graves mutilations. Sous les Turcs, le Parthénon devint mosquée, puis magasin à poudre, ce qui causa sa destruction quand l'armée du doge Francesco Morosini vint mettre le siège devant l'Acropole : le toit, la moitié du mur extérieur, près de la moitié des colonnes et tout un fronton sautèrent. Un siècle plus tard, lord Elgin, l'ambassadeur britannique, ayant fait déposer certaines pièces des frontons, de la frise et des métopes, cette opération, mal conduite, entraîna la chute de nombreux éléments.
Sur les 92 métopes, il en subsiste 18 à peu près lisibles, dont 16 au British Museum, 1 au Louvre et 1 en place. Du fronton ouest, il reste en place des têtes de chevaux dans les deux angles. Quelques personnages mutilés sont au British Museum. Sur le fronton est encore visible un groupe ruiné.
De la frise, il reste en place les plaques de l'ouest, malheureusement menacées par la pollution de l'air ; parmi les autres, 3 sont au musée de l'Acropole, 1 au Louvre et le reste au British Museum. Ce sont ces sculptures de la frise, d'une incomparable beauté, qui sont le mieux conservées.
Le Parthénon, temple des Victoires, célébrait certes la gloire militaire d'Athènes et son triomphe sur l'Asie, mais il prétendait aussi symboliser la victoire de l'humain sur le bestial, de l'ordre sur le chaos, de l'intelligence sur la démesure, de la liberté sur la contrainte. Il signifie l'aboutissement de l'évolution politique et religieuse d'Athènes, où bientôt devaient s'ouvrir l'Académie et le Lycée.
La sensibilité moderne est sans doute déconcertée par l'esclavage et par l'anthropomorphisme qui déparent la démocratie et la philosophie religieuse dans l'Athènes de Périclès. Cependant, l'art du Parthénon – art engagé s'il en fut – exprime une idéologie qui est l'une des sources fondamentales dont prétend s'inspirer la civilisation occidentale.
Les Propylées, portes monumentales conçues par l'architecte Mnésiclès, commandent l'entrée de l'Acropole par sa pente accessible du versant ouest. Ce sont des parvis majestueux de 60 m de façade sur 30 m de profondeur, où les processions pouvaient se recueillir et s'ordonner. L'édifice, qui ne fut jamais complètement achevé, comportait au centre un vaste bâtiment amphiprostyle soutenu à l'intérieur par une colonnade ionique entre deux portiques de six colonnes doriques. Sur le flanc nord, une aile en retour, la Pinacothèque, dominait le rocher. L'aile opposée, pour ne pas empiéter sur des emplacements consacrés à d'autres cultes, se réduisait à une façade. Métopes et frontons étaient sans ornements. Entre les Propylées et le Parthénon se dressait une grande statue de bronze d'Athéna combattante (Promachos).
Le temple d’Athéna Nikê
Le temple d'Athéna Nikê, dit de la Victoire aptère, est un petit édifice situé sur un saillant du rocher, à côté des Propylées, où, dès le vie s., un sanctuaire avait été dédié à Athéna Nikê (l'Athéna des Victoires), dont la statue, simple xoanon, fut appelée aptère par différence avec les Victoires ailées traditionnelles. Le temple construit par Callicratès, de pur style ionique, consiste en une cella unique de 4 m de côté, cantonnée sur ses deux façades d'un portique de quatre colonnes. Plus qu'à sa frise, consacrée aux guerres médiques, la célébrité de son décor sculpté tenait à la balustrade qui l'entourait du côté du rocher à pic. Longue de 32 m et haute de 1 m, elle représentait des Victoires se rendant au sacrifice : la procession se déroulait en relief vigoureux au-dessus de la Voie sacrée menant aux Propylées. Plusieurs de ces plaques de marbre ont été retrouvées ; bien que très mutilées, elles révèlent un art attique d'une élégance toute particulière : art à la fois hardi et chaste, qui sous des tissus presque transparents voile et montre la nudité.
L'Érechthéion
C'est plusieurs années après la mort de Périclès que Nicias fit relever les ruines de l'ancien sanctuaire d'Érechthée. On n'opérait pas en table rase : il fallait respecter la place rituelle de cultes hétéroclites et obscurs. C'est là que Poséidon et Athéna s'étaient affrontés, qu'avait surgi l'olivier sacré, que le trident du dieu avait fait jaillir une source. Des cellae à des niveaux différents devaient être englobées dans une unité architecturale réunissant l'idole antique d'Athéna, le Serpent sacré, le tombeau de Cécrops. L'architecte Philoclès réalisa pour l'Érechthéion un monument complexe dont la disposition n'a pu être déchiffrée avec certitude. Il comporte deux portiques ioniques, souvent copiés, et celui, plus célèbre encore, des Caryatides, porteuses de corbeilles dont la tête charmante et robuste soutient l'architrave.
Monuments divers
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Théâtre de Dionysos, Athènes
Théâtre de Dionysos, Athènes
La liste serait longue des monuments notables de l'Athènes du ve s. avant J.-C. : les textes signalent des sanctuaires dédiés à presque tous les dieux, mais ils ont laissé peu de vestiges. Les collines célèbres qui font face à l'Acropole, la Pnyx, le Mouseion, l'Aréopage, n'ont pas été couronnées de monuments civils ou religieux de quelque importance. Quant à l'habitat privé, il était sans luxe.
C'est à la sortie de la ville qu'étaient les cimetières, dont le plus célèbre sur la voie d'Éleusis, qui traversait le faubourg du Céramique. La plupart des Athéniens importants eurent là leur tombeau. Les fouilles qui s'y poursuivent depuis un siècle ont mis au jour d'infinies richesses (vases de l'époque géométrique, stèles funéraires, etc.). Quelques monuments ont été remontés in situ, tels les spectaculaires Géants d'époque romaine.
De Périclès à Byzance
Après Périclès, la cité, appauvrie par les guerres, n'eut pas les moyens d'achever son œuvre. De riches protecteurs des arts (chorèges) se firent élever des monuments votifs, tels celui de Thrasyllos contre le mur de l'Acropole et celui de Lysicrate (dit « Lanterne de Démosthène ») dans l'antique rue des Trépieds. Athènes, dont le rayonnement persista pendant plusieurs siècles, ne cessa de « s'embellir », mais aucun de ses monuments postérieurs au ive s. avant J.-C. n'a d'importance majeure pour l'histoire de l'art. La domination macédonienne fut pour Athènes la grande époque des « évergètes » (bienfaiteurs), au premier rang desquels il faut citer deux rois de Pergame, Eumenês et Attalos. On doit au premier le portique qui porte son nom, vaste déambulatoire qui conduit au théâtre de Dionysos. Attalos, un peu plus tard, rénova l'Agora et l'entoura d'autres portiques somptueux.
Le respect que lui vouèrent les Romains n'alla pas pour Athènes sans inconvénient. Elle fut l'objet d'un vaste pillage, tandis que s'y élevaient des bâtisses bien peu conformes au programme de Périclès, tels la statue équestre géante d'Agrippa devant les Propylées, la « tour des vents », l'escalier colossal de l'Acropole, le Temple de Rome à côté du Parthénon, les ornements du théâtre de Dionysos, etc. Hadrien, qu'on nommait plaisamment « Graeculus », créa toute une ville nouvelle, la « Ville d'Hadrien » à côté de la « Ville de Thésée », construisit un forum à la romaine et acheva en marbre et en style corinthien le temple colossal de Zeus (Olympieion) commencé sous Pisistrate. Un évergète, Hérode Atticus, construisit l'Odéon qui porte encore son nom. Un autre, C. Julius Antiochos Philopappos, se fit élever un gigantesque mausolée sur le Mouseion. Le voyageur Pausanias a laissé une description de la ville telle qu'elle était sous les Antonins. C'était un dédale où, à chaque pas, autels, ex-voto, effigies, tombeaux, stèles, inscriptions célébraient les dieux, les héros, les hommes de la légende, de la grande et de la petite histoire, depuis Cécrops jusqu'à l'empereur régnant.
Athènes byzantine, franque et turque
Avec le transfert de la capitale de l'Empire à Constantinople commença le déclin d'Athènes, qui perdit son rang de métropole de l'hellénisme. Dans l'Empire byzantin, elle ne fut plus qu'une bourgade. Les invasions barbares des iiie et ive s. ruinèrent entièrement la ville basse. Le christianisme ferma les écoles philosophiques et interdit les cultes. Dans les temples brutalement modifiés, Athéna et Thésée furent remplacés par la Panagia Theotokos et par saint Georges. Aucune grande basilique ne fut construite ; on n'édifia que des chapelles et de modestes monastères, parmi lesquels il faut citer les églises des Saints-Théodores, de la Kapnikaréa, de la Petite-Métropole, qui sont aujourd'hui la parure charmante du centre de la ville. Au pied de l'Hymette, le monastère de Kaisariani est un bon exemplaire du style byzantin du xe s. Quant à l’église de Dháfni, sur le chemin d'Éleusis, elle montre des mosaïques qui sont parmi les plus belles de l'art byzantin.
Quand les ducs francs s'installèrent sur l'Acropole, ils la défigurèrent sans pitié et mirent ses monuments à tous les usages. Les Turcs à leur tour la couvrirent de minarets, de fortifications, de baraquements. Lorsque Chateaubriand la visita en 1806, Athènes était un pauvre village peuplé surtout d'Albanais. Dans le Parthénon éventré était installée une petite mosquée ; le temple de la Victoire aptère avait été démoli par les Turcs, et ses éléments incorporés dans un bastion ; une tour de guet construite par les Francs dominait la Voie sacrée. Parmi les marbres épars, des bâtisses de toute nature couvraient l'Acropole, dont l'accès était barré par des ouvrages militaires.
Depuis l'indépendance
Lorsque la capitale du petit État qu'était le nouveau royaume fut transférée de Nauplie à Athènes, celle-ci, ravagée par la guerre d'Indépendance, ne comptait qu'une centaine d'habitants. Le tracé en damier de la nouvelle ville suivit un plan axé sur une voie centrale nord-sud partant du Céramique. Il ne s'y construisit rien de très notable (monuments de style néo-grec ou « munichois ») : son histoire artistique est celle de la découverte, de la préservation, de la restauration et de la mise en valeur de ses gloires. Dès 1837 fut fondée la Société grecque d'archéologie, bientôt suivie des écoles archéologiques étrangères et de l'Éphorie des antiquités. Dans le champ de décombres et l'amas confus de bâtisses qu'était devenue l'Athènes antique, les travaux archéologiques étaient difficiles. Que faire disparaître ? Jusqu'où restituer ? Les travaux ont été effectués avec un goût, une modération, une honnêteté dont on connaît peu d'exemples.
Depuis une quinzaine d'années, de nouveaux aménagements ont facilité la compréhension et la vision des monuments. Le Mouseion, naguère encore inaccessible et désolé, a été reboisé et aménagé en belvédère, d'où la vue embrasse tout le groupe de l'Acropole. Le Théséion a été dégagé et entouré de jardins ; l'Agora a été déblayée, et l'un des vastes portiques (ou « stoa ») d'Attalos reconstruit dans son état primitif. Le tracé de la Voie sacrée a été rétabli. Le Lycabette, qui domine toute la ville et dont le panorama s'étend jusqu'à Salamine, est sillonné de sentiers faciles. Quant aux site
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LOUIS PASTEUR |
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Louis Pasteur
Chimiste et biologiste français (Dole 1822-Villeneuve-l'Étang, Marnes-la-Coquette, 1895).
1. La vie et la carrière de Louis Pasteur
1.1. Les lettres, le dessin, les mathématiques
Élève de l'école primaire, puis externe au collège d'Arbois (Jura), Louis Pasteur est fils de tanneur. C'est un élève moyen, mais il dénote un penchant très vif pour le dessin. Le principal du collège d'Arbois l'incite à s'orienter vers l'École normale supérieure. En octobre 1838, Louis Pasteur et son camarade Jules Vercel partent pour Paris afin de suivre les cours du lycée Saint-Louis. Très rapidement, Pasteur, qui ne supporte pas la séparation du milieu familial, retourne à Arbois, puis part pour le collège de Besançon, plus proche de ses parents que la capitale.
En 1840, Louis Pasteur est bachelier ès lettres. Il continue de peindre et de graver, et il se lie avec Charles Chappuis. En 1842, il est bachelier ès mathématiques ; admissible à l'École normale supérieure (14e sur 22), il décide de se représenter pour obtenir un meilleur rang et part pour Paris. Il est reçu à l'École normale quatrième en 1843.
1.2. Pasteur et les sciences physiques
Normalien, Louis Pasteur suit les cours de Jean-Baptiste Dumas et étudie le problème de la polarisation de la lumière à propos des acides tartriques et paratartriques. En 1846, il est reçu à l'agrégation des sciences physiques.
Sur l'insistance de son maître Antoine Jérôme Balard, il n'est pas nommé en province et reste à Paris pour préparer sa thèse de doctorat. Le 23 août 1847, il soutient une thèse de physique sur l'« étude des phénomènes relatifs à la polarisation rotatoire des liquides ». Le 20 mars 1848, il présente à l'Académie des sciences son mémoire Recherches sur le dimorphisme, concernant l'aptitude de certains corps à cristalliser de manière dissemblable. Après la révolution de 1848, il étudie de nouveau le problème des tartrates et paratartrates, et il démontre que l'acide paratartrique se compose d'isomères d'acide tartrique droit (naturel) et d'acide paratartrique gauche. Ces deux acides ont des pouvoirs rotatoires égaux et contraires, qui se neutralisent lorsqu'ils sont mélangés en solution aqueuse. Jean-Baptiste Biot, spécialiste de la polarisation rotatoire, après avoir vérifié ce travail de Pasteur, publie un rapport sur les « recherches sur les relations qui peuvent exister entre la forme cristalline, la composition chimique et le sens du pouvoir rotatoire ».
→ stéréochimie.
1.3. Reconnaissance de Pasteur par l’Académie des sciences
Louis Pasteur est nommé professeur de physique au lycée de Dijon. En janvier 1849, il devient suppléant de chimie à la faculté de Strasbourg. Il épouse la fille du recteur Laurent, Marie, et continue ses travaux de cristallographie. Sa réputation s'étend parmi les physiciens et les chimistes français et étrangers. En 1852, il va à Leipzig, puis en Autriche et à Prague pour étudier les tartrates. En juin 1853, il réussit la transformation de l'acide tartrique en acide racémique. Ses travaux sont consacrés en janvier 1853 par l'Académie des sciences. Le jeune savant souligne l'importance de la dissymétrie moléculaire, qui peut intervenir dans des phénomènes physiologiques comme celui de la fermentation.
1.4. Le « phénomène vital » des fermentations
En septembre 1854, Louis Pasteur est nommé professeur et doyen de la nouvelle faculté des sciences de Lille. Des accidents industriels dans la fabrication d'alcool de betterave (1856) sont à l'origine de ses travaux sur la fermentation, et en particulier sur la fermentation alcoolique.
Tandis que les travaux antérieurs des chimistes s'accordaient à nier le rôle de la « vie » dans le mécanisme de la fermentation, Louis Pasteur, isolant la levure lactique, reconnaît là un phénomène corrélatif de la vie. En août 1857, il fait une communication sur la fermentation lactique à la Société des sciences de Lille.
Il revient alors à l'École normale supérieure pour y être administrateur et directeur des études scientifiques. C'est dans un laboratoire misérable qu'il élabore son mémoire sur la fermentation alcoolique (décembre 1857), où il conclut que « le dédoublement du sucre en alcool et en acide carbonique est un acte corrélatif d'un phénomène vital ». En janvier 1860, quelques mois après la mort de sa fille aînée, il obtient le prix de physiologie expérimentale pour ses travaux sur la fermentation.
1.5. Pasteur et la critique de la génération spontanée
Louis Pasteur veut alors s'attaquer aux phénomènes des générations spontanées. Il tient, en effet, à contrôler les expérimentations de Félix Archimède Pouchet, qui démontraient la possibilité de faire naître des animalcules dans des récipients privés d'air.
Il commence par l'étude microscopique de l'air. Grâce à des filtres de coton, il isole des « germes » qui troublent une suspension stérile. Puis il démontre, en ouvrant ses ballons à Paris, en province, en montagne, sur la mer de Glace, que « les poussières en suspension dans l'air sont l'origine exclusive de la vie dans les infusions » (novembre 1860). Malgré ses détracteurs, il persévère, affirmant, en 1861, que la fermentation butyrique est liée à des infusoires, vivant d'ailleurs sans air (anaérobies).
→ microbiologie.
1.6. La théorie des germes : un long cheminement
En décembre 1862, il est nommé membre de l'Académie des sciences. Jean-Baptiste Biot, son maître et ami, est mort quelques mois plus tôt. Pasteur va reprendre ses travaux sur la fermentation, mais déjà il affirme que son but est d'arriver à la connaissance des maladies putrides et contagieuses. Il vient de mettre au point la pasteurisation.
→ maladies infectieuses, → conservation [agroalimentaire].
1.6.1. Les maladies des vins et la pasteurisation
En 1864, il envisage le problème du développement des ferments, cause des maladies des vins, et découvre qu'une élévation brève de leur température, sans les altérer, les protège.
1.6.2. Les maladies des vers à soie et la transformation du vin en vinaigre
Jean-Baptiste Dumas lui demande d'étudier l'épidémie de « pébrine » (les taches des vers à soie malades ressemblent au poivre) qui ruine la sériciculture, alors en plein renouveau. Pasteur est envoyé à Alès en juin 1865. Malgré la mort brutale de son père, il étudie cette mystérieuse maladie. Il démontre qu'il est nécessaire, pour avoir des vers sains, de ne retenir que des graines provenant de papillons sains. Il met en évidence la contagiosité de la pébrine et pose les principes de la sélection des œufs provenant de papillons sains.
En 1867, malgré les difficultés internes de l'École normale, Pasteur, grâce à des crédits spéciaux, améliore son laboratoire.
À Orléans, il démontre devant des industriels l'importance du rôle de Mycoderma aceti dans la fabrication du vinaigre, expose clairement le mécanisme vivant de l'acétification, les risques d'erreurs, les causes d'échecs de l'industrie du vinaigre.
En janvier 1868, il écrit un plaidoyer pour le développement de la recherche, que le Moniteur refuse. Il est soutenu par Victor Duruy, et l'article est publié dans la Revue des cours scientifiques, puis en brochure. Napoléon III, réunissant le 16 mars plusieurs savants, décide de donner aux chercheurs français de quoi rivaliser avec les Allemands.
Pasteur, durant cette année 1868, s'occupe des vers à soie à Alès, et du chauffage des vins à Toulon. Grâce à ses expériences, il assure la possibilité de conservation des vins et l'augmentation de leurs débouchés.
Le 19 octobre, il fait une hémiplégie gauche. Il récupère peu à peu et, en janvier 1869, marche seul. Dans les mois qui suivent, de nouvelles expériences démontrent la valeur du système de grainage pour le renouvellement de la sériciculture, mais les sceptiques restent nombreux. Pourtant, en Autriche et en Italie, la méthode préconisée par Pasteur donne de remarquables résultats.
Durant la guerre de 1870, Pasteur séjourne à Arbois. Très affecté par la défaite, il publie, après l'armistice, dans le Salut public (Lyon) plusieurs articles sur les carences de la France dans le domaine universitaire, sur la discordance entre l'effort scientifique de l'Allemagne et l'absence d'attention du gouvernement français aux problèmes du développement de l'instruction supérieure.
Durant la guerre civile (→ la Commune), toute activité scientifique est arrêtée. Pasteur refuse des propositions du gouvernement italien, qui lui offre une chaire de chimie appliquée à l'agriculture à Pise. En avril 1871, il apprend avec joie le succès de son élève Jules Raulin, qui a mis au point un liquide de culture pour un Aspergillus, (→ aspergillose) et détermine les substances capables d'inhiber la culture. Il perfectionne son système de grainage du ver à soie et commence à se passionner pour la fabrication de la bière.
1.6.3. Les maladies de la bière
Il imagine des appareils destinés à protéger le moût contre les poussières, se rend en Angleterre, visite des brasseries, y dépiste des « maladies de la bière », conseille et est écouté. Revenu à Paris il met au point le système de chauffage de la bière à 50-55 °C pour assurer sa conservation (bière pasteurisée).
1.6.4. La stérilisation des liquides
Il doit, à cette époque, répondre aux attaques de nombreux partisans de la génération spontanée. Balard, en janvier 1872, lui écrit : « Ne perdez pas votre temps à répondre à vos ennemis. Laissez-les expérimenter. » Lui rappelant ses découvertes, il lui dit : « Ne peut-on pas espérer qu'en persévérant dans cette voie vous préserverez l'espèce humaine à son tour de quelques-unes de ces maladies mystérieuses dont les germes contenus dans l'air pourraient être la cause ? ».
La question posée à Pasteur est alors l'origine des levures, leur aspect, leur physiologie en aérobiose ou en anaérobiose (→ métabolisme). Surtout, le savant pense aborder l'étude des maladies contagieuses, à l'origine desquelles il évoque le rôle d'infiniment petits. En 1873, il obtient une place d'associé libre de la faculté de médecine. C'est l'époque où Jean-Antoine Villemin démontre la transmissibilité de la tuberculose et se heurte aux sceptiques et où Casimir Joseph Davaine – qui connaît les travaux de Pasteur – rapproche le rôle des ferments de celui d'« animalcules » observés dans le sang charbonneux (→ charbon). Armand Trousseau lui-même avait évoqué le rôle de ferments dans la variole, la morve, mais ces hypothèses étaient oubliées.
À cette époque, l'infection triomphe : l'abandon des règles empiriques de l'hygiène et la promiscuité sont responsables de cette situation. Cependant, Alphonse Guérin, évoquant le rôle des germes de l'air dans l'infection, invente l'« emballage » des plaies opératoires, après lavage : l'infection régresse. L'application des principes de Lister, soutenue en France par Just Lucas-Championnière, fait diminuer le pourcentage des infections postopératoires. Pasteur prouve expérimentalement l'importance de ces méthodes.
À propos d'un conflit avec Henry-Charlton Bastian sur le développement de germes dans les urines, Pasteur démontre l'importance du chauffage à 120 °C, qui bloque le développement des germes (stérilisation des liquides). Il chauffe à 150 ou 200 °C des objets à stériliser, placés dans des tubes ou des flacons de verre. À cette date, ses travaux sur les fermentations et son succès dans la maladie du ver à soie lui apportent une renommée mondiale.
1.6.5. Le germe du charbon
En 1877, Pasteur étudie le charbon. Il démontre que la bactéridie de Davaine est vivante, qu'elle peut se reproduire en dehors de l'organisme, dans des milieux appropriés, et prendre une forme sporulée. Il sépare nettement le germe du charbon des germes de la putréfaction et clarifie certaines données contradictoires liées à la confusion entre ces germes (pour lesquels, en 1878, Charles Sédillot crée le terme de microbe). Il montre le rôle du milieu dans le développement de la maladie.
→ bactérie.
1.6.6. Communication sur la « théorie des germes »
Le 30 avril 1878, il fait sa communication sur la théorie des germes et leur rôle en pathologie. Il démontre les mécanismes de l'épidémiologie du charbon. À la même époque, il étudie le pus des furoncles, et soupçonne l'origine bactérienne de la fièvre puerpérale.
1.7. Les travaux de Pasteur sur les vaccinations
1.7.1. Vers les bactéries atténuées
S'intéressant au choléra des poules, il constate qu'une culture vieillie n'est plus virulente. Inoculée, celle-ci ne transmet pas la maladie. Et mieux, la poule ainsi inoculée n'est plus sensible à une culture fraîche. Pasteur approche du concept de vaccination (mise au point en 1796 par le médecin anglais Edward Jenner) par bactéries atténuées.
1.7.2. Le vaccin contre le charbon
Alors que J.-J. H. Toussaint échoue dans sa tentative de vaccination contre le charbon, Pasteur tente d'appliquer à cette maladie les principes découverts à propos du choléra des poules. Il y parvient en atténuant la virulence des bactéridies par vieillissement à 42 °C, température à laquelle le germe ne sporule pas. Le succès de la vaccination contre le charbon est assuré par l'expérience de Pouilly-le-Fort en juin 1882. C'est la gloire. Émile Roux (1853-1933) et Charles Édouard Chamberland (1851-1908) partagent les honneurs. Malgré des oppositions de dernière heure, Pasteur sera désormais écouté.
Au congrès de Londres en août, il est célébré et il séduit par sa logique, son enthousiasme et son honnêteté. Le 8 décembre 1881, il est élu à l' Académie française ; il est reçu par Renan le 27 avril 1882. Au congrès d'hygiène de Genève, il est honoré, malgré de vives critiques des Allemands à propos des « virus atténués » (→ vaccin) et de la pathogénie du charbon.
Sa pension est augmentée après le rapport de Paul Bert, qui résume l'œuvre de Pasteur en trois points : « Chaque fermentation est le produit du développement d'un microbe spécial. Chaque maladie infectieuse est produite par le développement dans l'organisme d'un microbe. Le microbe d'une maladie infectieuse cultivée dans certaines conditions est atténué : de virus, il devient vaccin. »
1.7.3. Le vaccin contre la rage
En 1884, Pasteur se tourne vers la rage. Il tente d'inoculer la maladie au lapin en injectant salive et sang de chiens enragés. Puis il injecte des fragments cérébraux au lapin. Enfin, il découvre l'inoculation intracérébrale qui donne constamment une rage typique. Il parvient à atténuer la virulence par vieillissement et séchage des moelles épinières des lapins inoculés. À Villeneuve-l'Étang, il entreprend deux expériences : la première consiste à rendre des chiens réfractaires par des inoculations préventives, et la seconde à empêcher la rage d'éclater chez des chiens inoculés.
Le 6 juillet 1885, Joseph Meister, un enfant de neuf ans mordu deux jours plus tôt, est amené à Pasteur. Après de nombreuses hésitations, on commence le traitement par des moelles de plus en plus virulentes. En août, l'enfant est considéré comme sauvé. Quelques mois plus tard, Jean-Baptiste Jupille, gravement mordu, traité au sixième jour, est également sauvé par le traitement. Bientôt des blessés affluent à Paris. La prophylaxie de la rage est efficace après morsure.
1.8. La fondation de l’Institut Pasteur
L'Académie des sciences adopte le projet de la fondation d'un « Institut Pasteur ». Une souscription nationale et internationale est ouverte en 1886. Jacques Joseph Grancher, Émile Roux, André Chantemesse poursuivent le traitement des maladies, mais Pasteur, souffrant, doit partir pour le Midi se reposer avec sa famille. À son retour à Paris, un nouvel accident neurologique le contraint à diminuer ses activités. L'Institut Pasteur est inauguré le 14 novembre 1888, et le 27 décembre 1892, à la Sorbonne, les soixante-dix ans de Pasteur sont célébrés avec éclat.
Grâce aux travaux des élèves de Pasteur, les germes de la diphtérie et de la peste sont découverts, et le rôle des toxines est mis en évidence ; Roux met au point la sérothérapie antidiphtérique, qu'il applique le 1er février 1894.
Le 1er novembre 1894, L. Pasteur tombe malade. Il participe encore aux activités de ses collaborateurs, mais il meurt le 28 septembre 1895.
2. L’importance des travaux de Pasteur
Pasteur, chimiste et biologiste, a accompli une œuvre immense. Toutes ses découvertes ont eu des incidences pratiques.
– Par ses travaux sur les cristaux, il a créé la stéréochimie.
– Étudiant les fermentations, il a appliqué ses découvertes à la protection des vins et de la bière par la pasteurisation.
– Il a sauvé la sériciculture en démontrant le caractère héréditaire de la pébrine et en inventant le « grainage ».
– Il a démontré l'importance des micro-organismes comme éléments d'équilibre dans la nature et leur rôle dans l'infection. Recherchant des moyens thérapeutiques, il a mis au point la vaccination contre le charbon et celle contre la rage.
Son œuvre a bouleversé les conceptions de la pathologie infectieuse, influencé la chimie biologique et créé de nouvelles méthodes industrielles.
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JORDANIE |
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Jordanie
en arabe al-Urdunn
Nom officiel : royaume hachémite de Jordanie
État d'Asie occidentale situé au Moyen-Orient, la Jordanie est limitée à l'ouest par Israël, au sud-est par l'Arabie saoudite, à l'est par l'Iraq et au nord par la Syrie.
Superficie : 92 000 km2
Nombre d'habitants : 7 274 000 (estimation pour 2013)
Nom des habitants : Jordaniens
Capitale : Amman
Langue : arabe
Monnaie : dinar jordanien
Chef de l'État : Abd Allah II
Chef du gouvernement : Hani al-Mulki
Nature de l'État : monarchie constitutionnelle à régime parlementaire
Constitution :
Adoption : 1er janvier 1952
Révisions : novembre 1974, février 1976, janvier 1984
Pour en savoir plus : institutions de la Jordanie
GÉOGRAPHIE
1. Le milieu naturel
La Jordanie tire son nom du Jourdain, dont le cours, qui lui sert de frontière occidentale, occupe la partie nord d'un vaste fossé tectonique (vallée ou dépression du Ghor), où il rejoint la mer Morte. Au sud de celle-ci, la dépression du Wadi Araba se dirige vers le golfe d'Aqaba (mer Rouge) tandis que, vers l'est, s'élève une chaîne montagneuse qui atteint 1 000 m d'altitude aux environs d'Amman et 1 727 m au djebel Labrak, au-delà de Pétra. Le point culminant de la Jordanie se trouve cependant ailleurs, aux confins jordano-saoudiens, dans le massif désertique du Tubayq (1 865 m).
L'essentiel du pays est en fait constitué par un vaste plateau calcaire désertique (plateau transjordanien), de quelque 70 000 km2, s'inclinant en pente douce vers le bassin mésopotamien, entre la Syrie et l'Arabie saoudite (désert de Syrie).
La Jordanie appartient à une zone climatique de transition entre le domaine méditerranéen et le désert arabo-syrien. La flore et la faune y sont caractéristiques des régions semi-arides aux ressources hydrauliques rares. Les fleuves les plus importants sont le Yarmouk et le Jourdain, mitoyens de la Syrie et des territoires palestiniens occupés, mais sur lesquels Israël exerce des prélèvements prioritaires. D'autres rivières (Zerqa, Wadi Mudjib, Wadi Hasa), tributaires du Jourdain et de la mer Morte, ont des débits irréguliers.
2. La population
Une population sédentaire, vivant autrefois de l'agriculture, est concentrée dans les vallées depuis l'Antiquité. Sa composition ethnique résulte de nombreuses migrations et occupations. La population jordanienne est aujourd'hui complètement arabophone et en grande partie musulmane. Il existe une minorité chrétienne – héritage du séjour des Byzantins et du passage des croisés – ainsi que quelques milliers de Caucasiens (Circassiens, Tchétchènes) qui sont les descendants de réfugiés installés dans la région par les Ottomans à la fin du xixe s. Quoique bien assimilés, ces derniers ont conservé l'usage privé de leur langue. Plus nombreuse et plus récente, la masse des Palestiniens chassés d'Israël (1948) et de Cisjordanie (1967) risque d'être plus irréductible. Avec leurs descendants, ils constituent aujourd'hui plus de la moitié de la population. Celle-ci s'est concentrée dans l'importante conurbation d'Amman-Zarqa, ainsi qu'à Irbid. Les villes traditionnelles d'al-Salt et d'al-Karak se sont également fortement développées. En milieu urbain, les activités tertiaires prédominent aux côtés du secteur artisanal et industriel.
Pendant des siècles, les zones arides, à l'est du tracé de l'ancien chemin de fer du Hedjaz, furent l'apanage des Bédouins, qui imposaient au monde de l'agriculture une « protection » abusive. La modernisation de l'État et le développement économique ont entraîné la sédentarisation de ces derniers, donc leur quasi-disparition. Les Bédouins ont cependant marqué de leur empreinte la culture sociale (tribalisme) et politique (clientélisme monarchique) jordanienne, les « grandes familles » fournissant en effet à l'État son plus haut personnel administratif.
3. Aspects économiques
3.1. Les ressources
L'économie jordanienne tire un grand bénéfice de la situation géographique du pays, au croisement de deux grands axes de communications intercontinentales : le premier relie, du nord au sud, la Turquie et l'Europe orientale à la péninsule arabique et à l'Afrique ; le second relie, d'est en ouest, l'Asie à la Méditerranée. Les itinéraires traditionnels du pèlerinage de La Mecque ou, jadis, de la route des épices ont fait place à une infrastructure de transports moderne comprenant un réseau autoroutier dense, le port d'Aqaba et l'aéroport international d'Amman. Ces équipements génèrent des activités de transit, dont le chiffre d'affaires représente 15 % du produit national brut et se place juste derrière le secteur financier.
La production industrielle, de son côté, assure plus de 32 % du produit intérieur brut. L'exploitation des phosphates et de la potasse extraite de la mer Morte ainsi que les productions chimiques et agroalimentaires (Amman, Zarqa), le raffinage pétrolier (Zarqa), la cimenterie (Fuheis) et la petite métallurgie y occupent une place importante.
Les cultures et l'élevage, qui furent longtemps les seules ressources de l'économie jordanienne, n'ont pas connu une expansion comparable. Si le cheptel camelin est demeuré constant, le nombre des bovins, des ovins et des poulets ainsi que la production des fruits (notamment des agrumes) et de légumes frais ont augmenté grâce à l'irrigation de la vallée du Jourdain (30 000 hectares). La Jordanie produit aussi du blé, de l'orge et de l'huile d'olive.
Près du tiers des actifs jordaniens travaillent dans le secteur commercial ou touristique. Le tourisme bénéficie de sites archéologiques (Pétra, Gerasa) ou naturels (Wadi Ram) renommés dans un pays qui attire de plus en plus de touristes (près de 4 millions en 2011).
3.2. Finances publiques et emploi
Le produit national brut jordanien connaît une croissance ininterrompue. Un important déficit de la balance commerciale entraîne cependant un endettement extérieur considérable. L'inflation reste toutefois modérée. La moitié du budget de l'État est affectée à l'investissement, un quart, aux dépenses militaires, et le dernier quart, aux dépenses civiles. Parmi ces dernières, l'enseignement est le plus richement doté. Il concerne plus de 1,2 million d'élèves et 80 000 étudiants universitaires, ce qui fait de la Jordanie le pays le plus éduqué du Moyen-Orient arabophone. Mi-public, mi-privé, le secteur de la santé constitue la seconde priorité civile du gouvernement. La densité du réseau et la qualité des soins sont également un atout. Un sous-emploi important obère cependant la situation sociale. Le taux de chômage s'élèverait entre 20 et 30 % de la population active, ce qui contraint de nombreux Jordaniens à s'expatrier.
HISTOIRE
L'État jordanien, de création relativement récente, a été imposé à l'origine par les grandes puissances. Sa gestation a été laborieuse, et son histoire, mouvementée. L'extension de l'influence américaine sur toute la région lui assure aujourd'hui une relative tranquillité.
1. L'émirat de Transjordanie (1923-1949)
Le futur royaume de Jordanie est issu du démembrement de l'Empire ottoman. Prolongement naturel et historique de la Syrie, il est d'abord soumis au mandat britannique sur la Palestine, mais fait l'objet d'une administration distincte, dès 1921, sous l'autorité de l'émir Abdullah, descendant par le prophète Mahomet de l'ancienne tribu hedjazienne Banu Hachim (d'où la qualification « hachémite » de la dynastie et du royaume).
Le territoire est érigé en émirat en 1923 par le Royaume-Uni, qui lui reconnaît une indépendance toute formelle sous le contrôle d'un haut-commissaire. Grâce aux forces britanniques, l'agitation tribale est matée et les incursions des Wahhabites saoudiens sont repoussées.
Pour en savoir plus, voir l'article Transjordanie.
À l'issue de la Seconde Guerre mondiale, un nouvel accord anglo-transjordanien est signé (1946). Abdullah se fait couronner roi et, le 24 janvier 1949, l'émirat prend le nom officiel de royaume hachémite de Jordanie.
2. La Cisjordanie annexée
2.1. Début du règne de Husayn
La guerre israélo-arabe, qui éclate après la création d'Israël (14 mai 1948), fournit au roi Abdullah l'occasion d'annexer la Cisjordanie, mais il est assassiné par des Palestiniens à Jérusalem en juillet 1951 alors qu'un traité israélo-jordanien est sur le point d'être conclu. Son fils, Talal, de santé déficiente, abdique au bout d'un an (août 1952) en faveur de son propre fils, Husayn.
Après une brève régence, celui-ci monte sur le trône le 2 mai 1953. Il n'a pas tout à fait 18 ans. Il se trouve bientôt en butte à l'opposition des nationalistes palestiniens et nassériens. Pour apaiser ceux-ci, il met fin en mars 1956 à la présence des Britanniques qui encadrent encore l'armée, mais, en avril 1957, il doit faire face à une tentative de putsch militaire.
Malgré les méthodes autoritaires du gouvernement, l'agitation populaire ne cesse pas. Les représailles israéliennes consécutives aux tentatives d'infiltration des Palestiniens expropriés et les surenchères interarabes entraînent une escalade qui conduit le roi Husayn à rallier le camp nassérien le 30 mai 1967, puis à prendre part à la guerre des Six-Jours, le 5 juin. En deux jours, l'armée jordanienne est refoulée à l'est du Jourdain, ainsi qu'une nouvelle vague de réfugiés palestiniens. Amman perd le contrôle effectif de Jérusalem, annexée, et de la Cisjordanie, occupée.
Pour en savoir plus, voir les articles Cisjordanie, guerres israélo-arabes.
3. Le poids des Palestiniens
Grossie de 250 000 réfugiés supplémentaires, la colonie palestinienne abrite à partir de 1967 de forts mouvements de résistance regroupés au sein de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) de Yaser Arafat. Avec le renfort de l'armée jordanienne, les fedayin remportent la demi-victoire de Karameh (21 mars 1968), mais, faute d'ébranler la puissance israélienne, ils mettent en péril le régime jordanien. Une sévère répression, connue sous le nom de Septembre noir (1970), conduit l'année suivante au désarmement complet des commandos palestiniens.
Les revers de la résistance palestinienne au Liban entraînent le rapprochement d'Arafat et du roi. Après plusieurs tentatives de négociation sur l'avenir de la Cisjordanie, celui-ci décide, en juillet 1988, de rompre les liens administratifs subsistant encore entre Amman et ce territoire. En Jordanie cependant, les Palestiniens continuent de jouir de la citoyenneté jordanienne et figurent en nombre non négligeable dans les institutions du royaume.
4. Une démocratie autoritaire
4.1. La Constitution de 1952
Le système politique jordanien se réfère formellement à des institutions démocratiques, dont la pratique s'éloigne cependant sensiblement de leur modèle. Ces institutions répondent aux exigences de la Constitution du royaume.
Promulguée en 1952, cette Constitution définit le caractère monarchique, parlementaire et arabe du régime, dans lequel l'islam est religion d'État. Elle garantit l'égalité des citoyens et les principales libertés publiques. Le roi nomme le gouvernement, responsable devant une Chambre des députés élue au suffrage universel. Avec le Sénat, nommé par le roi, celle-ci vote la loi. Le pouvoir judiciaire est en principe indépendant. Il est prévu qu'en cas d'urgence la Constitution puisse être suspendue.
Dans les faits, le roi exerce un pouvoir personnel incontesté, malgré une « démocratisation » qui s'est traduite en 1989 par les premières élections législatives générales depuis 1967, par l'abolition de la loi martiale (1991) et par la légalisation des partis politiques (1992). Les bases de ce régime sont la loyauté de l'armée, l'efficacité de la police – respectivement fortes de 98 000 et 10 000 hommes et femmes – et, surtout, le soutien de la classe politique traditionnelle des notables.
4.2. Un climat général de morosité
Depuis la grande crise palestinienne de 1970, l'ordre public n'est troublé qu'épisodiquement pour des raisons surtout économiques liées au chômage et à l'augmentation du coût de la vie consécutifs à l'application des mesures d'ajustement prescrites par le Fonds monétaire international (FMI). Ces troubles apparemment spontanés affectent les provinces du Sud (Maan en 1989, al-Karak en 1994) dans un climat général de morosité. La presse, quoique relativement libre, pratique une prudente autocensure ; les syndicats, sous surveillance, se cantonnent dans une sphère strictement professionnelle ; les partis politiques eux-mêmes, de tradition conservatrice ou d'opposition nationaliste arabe (nassériens, baassistes), ne sont actifs qu'en période pré-électorale.
Un Front d'action islamique (FAI), émanation de la confrérie des Frères musulmans, fait toutefois exception en prenant, sans rompre avec le diwan royal (le cabinet du roi), des positions populistes tant en matière de société que de politique étrangère. Fort de 22 sièges (sur 80) à l'issue des élections législatives de 1989 puis de 16 sièges aux premières élections multipartites de 1993, le FAI devient la formation la plus importante du Parlement.
5. La politique extérieure
5.1. Entre Israël et les Palestiniens
Au service d'une stratégie favorable à des intérêts étrangers, la marge de manœuvre jordanienne s'est révélée étroite face aux exigences de l'opinion locale et régionale dominante. Le jeu de bascule des alliances régionales entre Le Caire, Damas, Bagdad et Riyad ayant vite montré ses limites, Amman a dû donner à plusieurs reprises des gages au nationalisme, notamment à celui de ses nombreux résidents palestiniens.
L'OLP et les Palestiniens de Jordanie, tout en doutant de sa sincérité, apprécient que le roi Husayn n'ait pas pris position contre l'Intifada palestinienne des territoires occupés (1987) et qu'il ait applaudi l'année suivante à la proclamation de l'État de Palestine. On a surtout su gré au roi de s'être désolidarisé de la coalition anti-irakienne lors de la crise du Golfe (1990-1991). Ce contexte favorable permet de constituer en octobre 1991, selon le vœu américain, une délégation commune jordano-palestinienne à la conférence de Madrid pour la paix au Moyen-Orient et aux négociations subséquentes de Washington.
L'accord israélo-palestinien de Washington (ou d'Oslo) du 13 octobre 1993, qui permet l'institution à Gaza d'une Autorité nationale palestinienne présidée par Arafat, semble avoir pris le roi Husayn au dépourvu. Celui-ci s'abstient désormais d'intervenir ouvertement dans les affaires des Palestiniens d'outre-Jourdain, tandis que ceux de l'intérieur, faute d'espérer rentrer chez eux, envisagent de s'intégrer un jour au système politique jordanien.
Pourtant, après les élections législatives de 1993, la diplomatie jordanienne s'aligne de plus en plus sur les positions américaines. Elle soutient l'opposition irakienne et accentue un rapprochement militaire avec la Turquie. Surtout, forte des précédents égyptien et palestinien, la Jordanie signe avec Israël un traité de paix en bonne et due forme, incluant la normalisation des relations politiques et la coopération économique. Cet accord est en réalité l'aboutissement de quarante années de contacts secrets entre le roi et les dirigeants israéliens. Signé en grande pompe le 26 octobre 1994 à un poste frontière de la vallée de l'Araba par le roi Husayn et le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin, il ne rapporte pas aux Jordaniens les profits escomptés. Après l'assassinat du Premier ministre israélien, l'élection à la tête du gouvernement de l'ultranationaliste Benyamin Netanyahou et sa politique arabe contribuent à faire du rejet de ce traité l'un des principaux thèmes de l'opposition.
Mais, qu'ils soient sensibles ou non aux revendications de celle-ci, les Jordaniens, comme leurs voisins, ont une liberté de manœuvre limitée. En échange des faveurs financières occidentales, ils doivent accepter un ordre régional qui, mettant hors-jeu le contestataire irakien, garantit le statu quo pétrolier, et qui, sous couvert de processus de paix, permet en fait à Israël de consolider impunément sa mainmise sur les territoires palestiniens.
5.2. Une fonction stratégique assignée
La liberté d'action de la Jordanie est limitée par les contraintes financières et sécuritaires qui pèsent sur elle. Dès l'origine, pour alimenter son budget et tenir ses adversaires en respect, le régime a compté sur l'aide étrangère qui fut d'abord britannique puis américaine. En échange, Amman était dans la nécessité de remplir le rôle régional qui lui était assigné et qu'elle assume encore aujourd'hui.
Dans l'organisation de l'ordre mondial garanti par les États-Unis, tout spécialement dans cette région, la fonction de la Jordanie est l'occupation d'un espace stratégique sensible dont la neutralisation est nécessaire au maintien du statu quo pétrolier et à la sécurité d'Israël. En jouant ce rôle, Amman s'est attiré l'hostilité unanime des voisins arabes, sans parler de la vieille animosité dynastique des Saoudiens.
Dans son rôle d'État tampon, la Jordanie s'est trouvée d'emblée dans une position défensive ; le danger venait moins d'Israël – dont l'expansion à l'est du Jourdain n'est ouvertement envisagée que par les sionistes extrémistes –, que des voisins arabes, notamment à l'époque du nationalisme arabe triomphant. En ayant su résister à la dynamique unitaire qui faillit balayer son royaume à l'époque de la République arabe unie égypto-syrienne (1958-1961) et à celle de l'activisme baassiste syrien (1961-1970), le roi Husayn a maintenu l'intégrité de son royaume.
Depuis 1970, aucun contingent armé irakien ou syrien n'a stationné en Jordanie. À cette époque, la « révolution palestinienne », qui aurait pu changer l'orientation de la politique étrangère, a été anéantie, et un corps blindé syrien, dépêché pour la secourir, a été refoulé par les chars jordaniens et les menaces israéliennes. La discontinuité territoriale égypto-syrienne est assurée et un vaste glacis sépare Israël de l'Iraq et, au-delà, de l'Iran réputé hostile. En 1991, lors de la guerre du Golfe, la volée de scuds irakiens qui s'abat sur Israël démontre l'utilité de cette distance stratégique.
L'autre fonction assignée à la Jordanie par ses parrains est l'accueil et le contrôle politique de la majorité des Palestiniens expulsés d'Israël. Amman remplit ce rôle efficacement jusqu'à aujourd'hui, ayant même hébergé en 1991 les Palestino-Jordaniens fuyant le Koweït. Elle craint pour l'avenir de nouveaux exodes venus de l'ouest.
6. Le règne d'Abd Allah II (1999-)
Quelques jours avant sa mort survenue le 7 février 1999, le roi Husayn destitue son frère Hasan, l'héritier du trône depuis le 1er avril 1965, et confie les rênes du pouvoir à son fils aîné Abd Allah. Ce brusque revirement, dans le respect néanmoins de la Constitution jordanienne qui prévoit que le fils aîné du roi est naturellement appelé à lui succéder, ne provoque nul remous dans le royaume. Dans les mois qui suivent son intronisation, Abd Allah II, affichant une image résolument moderne, promet de répondre au désir de changement d'un pays miné par le chômage, la corruption et une bureaucratie pléthorique. Il s'engage à élargir les libertés publiques et fixe au gouvernement le redressement économique du royaume comme priorité.
6.1. La continuité de la politique extérieure
Poursuivant la politique étrangère initiée par son père, Abd Allah II s'aligne sur les États-Unis et s'évertue à contribuer à un accord de paix israélo-palestinien. Jouissant d'un état de grâce, le jeune monarque se rend dès son intronisation en Arabie saoudite, à Oman, dans les Émirats arabes unis, en Libye puis en Syrie, pays avec lequel s'amorce un véritable rapprochement. L'un des parrains de l'accord de Charm el-Cheikh du 4 septembre 1999, il réaffirme à maintes reprises – après l'échec du sommet israélo-palestinien de Camp David (juillet 2000) – son rejet de la souveraineté israélienne sur Jérusalem-Est et réclame l'arrêt immédiat des « agressions israéliennes » à la suite du déclenchement de la seconde Intifada (septembre 2000).
Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, les nouvelles menaces que les États-Unis font peser sur l'Iraq, au nom de la bataille planétaire contre le terrorisme, provoquent un courant d'antiaméricanisme virulent dans l'Orient arabe. La Jordanie et l'Égypte, soucieuses de ne pas mécontenter Washington demeurent « discrètes » sur ces questions et se retrouvent isolées au sein de la Ligue arabe. Le royaume hachémite prête ses bases aériennes à la coalition sans rejoindre l'offensive américano-britannique lancée contre l'Iraq. L'exode de 750 000 réfugiés iraquiens fuyant l'instabilité politique de leur pays, fragilise le royaume hachémite. Ce dernier est en outre la cible de plusieurs attaques terroristes : attaque à la roquette contre un bâtiment de guerre américain à Aqaba ainsi que le triple attentat dans des hôtels d’Amman (2005) revendiquées par al-Qaida.
Dans ce contexte, le roi Abd Allah II s'efforce de jouer un rôle modérateur et de promouvoir un islam de tolérance et de dialogue. Invité à la Maison-Blanche par Barack Obama (avril 2009) et lors d'un entretien avec le nouveau Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou (mai 2009), le monarque réitère la nécessaire et urgente mise en œuvre d'une solution prévoyant la création d’un État palestinien.
6.2. Les tensions internes
Les relations du diwan avec les islamistes du FAI, principale force d'opposition au Parlement depuis depuis la libéralisation de 1993, se détériorent après la décision d'Abd Allah II de fermer définitivement les bureaux du Hamas à Amman, soupçonné d'activités illégales, et d'expulser une vingtaine de ses cadres. De même, les autorités jordaniennes prennent le contrôle des activités caritatives et sociales de la confrérie des Frères musulmans, souvent perçue comme un État dans l'État.
En outre, le souverain persiste à ne pas vouloir réformer la loi électorale en profondeur, principale exigence du FAI, qui réclame l'instauration de la représentation proportionnelle et un rééquilibrage du découpage électoral qui favorise toujours le vote des zones rurales, fief des tribus bédouines, au détriment du vote des villes où résident majoritairement les Jordaniens d'origine palestinienne. Alors qu’ils avaient boycotté les élections de 1997, les islamistes acceptent cependant de participer à celles de 2003 et obtiennent 17 sièges sur les 30 qu’ils briguaient. Les candidats indépendants, représentant principalement les grandes tribus et familles fidèles au régime, remportent une large majorité des 110 sièges de la Chambre des députés. Ce scénario se répète au scrutin de 2007, entaché de fraudes massives et marqué par une très forte abstention dans les circonscriptions urbaines. Seuls 6 candidats du FAI sont élus.
Face à la multiplication d'affaires de corruption dans lesquelles sont impliqués nombre de députés, Abd Allah II dissout le Parlement en novembre 2009, deux ans avant la fin de la législature. Dans l'espoir d'effacer le fiasco de 2007, il convoque un an plus tard ses concitoyens à des élections « libres, honnêtes et transparentes » tout en réitérant son refus de bouleverser le système électoral qu’il remanie partiellement. Le FAI ayant appelé au boycott du scrutin, aucune force d'opposition n'est élue à la Chambre basse, désormais réduite à une chambre d'enregistrement même si 78 parlementaires sont élus pour la première fois. Marginalisée, l'opposition islamiste menace de surcroît, dans un contexte de fortes tensions sociales exacerbées par l'absence de solution juste et pacifique en Cisjordanie, de se radicaliser.
Au mécontentement de l'opposition islamiste s'ajoute la fronde larvée qui émane depuis 2009 des grandes familles transjordaniennes, inquiètes de la volonté du souverain de secouer leur conservatisme et de l'influence qu'elles jugent grandissante des Jordaniens d'origine palestinienne. Défendant farouchement leur pouvoir et leurs privilèges, les tribus bédouines fustigent la corruption croissante et vont même – une première dans le royaume – jusqu'à mettre en cause de façon détournée la personne du roi, en accusant la reine Rania – son épouse d'origine palestinienne – d'affaiblir l'identité nationale pour avoir favorisé l'obtention de la nationalité jordanienne à quelque 78 000 Palestiniens.
En février 2011, inquiet du vent de révolte qui soulève la Tunisie et l'Égypte, et préoccupé par l'ampleur des revendications d'ordre économique (contre la hausse des prix et le chômage), politique (de la part du FAI) et identitaire, Abd Allah II prend les devants. Il limoge son Premier ministre Samir Rifaïr, devenu le bouc émissaire de la population jordanienne, et nomme à sa place Maraouf al-Bakhit, ancien Premier ministre de 2005 à 2007, avec pour mission de « mener de réelles réformes politiques ».
Ce changement gouvernemental (le huitième depuis l’intronisation du roi) n’apaise cependant pas les tensions. Les manifestations se poursuivent et le mécontentement – attisé par l’augmentation du prix des carburants et la suppression des subventions à l’achat d’essence (novembre 2012) – persiste, provoquant trois remaniements à la tête du gouvernement puis de nouvelles élections parlementaires anticipées en janvier 2013. Le scrutin, toujours boycotté par les Frères musulmans insatisfaits des aménagements dans le système électoral, donne comme à l’accoutumée une majorité de sièges aux candidats indépendants progouvernementaux, outre l’élection de 27 députés représentant les partis politiques. Ayant mobilisé 70 % des électeurs dans les zones rurales mais seulement 40 % dans les grandes villes, il intervient dans un contexte socio-économique aggravé par la présence sur le sol jordanien de quelque 400 000 réfugiés syriens, un nombre qui pourrait dépasser le million au cours de l’année, selon le HCR.
Alors que la nomination du Premier ministre aurait dû, pour la première fois, émaner d’une collaboration plus étroite avec le Parlement, c’est finalement Abd Allah Ensour, nommé par le roi en octobre 2012, qui reprend la direction du gouvernement en mars.
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