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LE SOLEIL |
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Le Soleil
Publié le 7 juin 2017
Le Soleil est l’une des cent milliards d’étoiles de notre galaxie. C’est l’étoile la plus proche de la Terre – située à quelque cent cinquante millions de kilomètres – et donc la mieux observée. Mais comment l’observe-t-on et de quoi est-elle constituée ?
NATURE ET SOURCE D’ÉNERGIE DU SOLEIL
Le Soleil est une grosse boule de gaz chaud tournant sur elle-même en 28 jours environ. Comme toutes les étoiles, le Soleil brille car il produit de l’énergie. C’est un gigantesque réacteur nucléaire. En son cœur, la température est de 15 millions de degrés. A cette température ont lieu des réactions de fusion au cours desquelles, l’hydrogène est transformé en hélium en libérant de l’énergie. Cette transformation se fait progressivement et lorsque le Soleil aura épuisé tout son hydrogène, la température en son centre augmentera encore jusqu’à déclencher la fusion de l’hélium en carbone. Mais la capacité de fusion nucléaire dont dispose le Soleil est limitée et n'excèdera pas dix milliards d’années environ au total.
AGE ET COMPOSITION DU SOLEIL
On suppose que le Soleil et tous les corps du système solaire sont nés quasiment en même temps. Or l’âge des plus vieilles roches terrestres, lunaires et météoriques a pu être estimé aux alentours de 4,6 milliards d’années. C’est donc aussi l’âge du Soleil qui est ainsi à la moitié de sa vie.
Les proportions relatives des divers éléments chimiques du Soleil et du système solaire sont connues grâce à deux sources principales :
* L’analyse de la lumière émise par la surface du Soleil, la photosphère. Cette lumière est la lumière visible, mais aussi les rayonnements non visibles à l’œil nu (les ondes radio, l’infrarouge, l’ultraviolet, les rayons X et gamma). Tous ces rayonnements forment le spectre du Soleil. Dans le spectre solaire, la trace des différents éléments chimiques est visible sous forme de bandes sombres, les raies d’absorption, qui permettent d’identifier chaque élément.
*
* L’analyse en laboratoire des météorites tombées sur Terre permet aussi de déterminer la composition chimique de la matière qui constitue le système solaire.
STRUCTURE DU SOLEIL
La surface du Soleil présente des taches sombres et des éruptions qui sont le signe d’une activité interne, turbulente et chaotique. On estime que les couches les plus externes du Soleil, soit les derniers 30% de son rayon, sont animées en permanence de mouvements convectifs qui transportent la matière vers la surface. On ne peut pas observer directement l’intérieur du Soleil. Pour comprendre la dynamique turbulente et l’activité magnétique du Soleil il est nécessaire de disposer d’un « modèle physique » complet, représentant sa composition interne, sa dynamique et son atmosphère.
HÉLIOSISMOLOGIE ET MODÉLISATION 3D : DES TECHNIQUES
POUR SONDER LE SOLEIL
Notre compréhension du Soleil a connu des progrès considérables au cours des trente dernières années. Il est à présent possible de sonder l’intérieur de l’astre grâce à l’héliosismologie, l’étude des vibrations solaires. Les mouvements internes du Soleil font « vibrer » le Soleil comme un tambour et créent des ondes acoustiques qui se propagent jusqu’à différentes profondeurs dans le Soleil. L’étude de ces ondes a permis de valider et d’améliorer les modèles de l’intérieur solaire en déterminant notamment la densité et la vitesse de rotation interne de l’étoile.
Le progrès des supercalculateurs a également permis le développement de codes de calculs les plus réalistes possibles, aptes à décrire la magnétohydrodynamique, c’est à dire les mouvements de la matière dans un champ magnétique à l’intérieur des étoiles, dont le Soleil. Ces simulations numériques sur ordinateurs permettent de reproduire actuellement l’amplitude des ondes qui parcourent le Soleil du cœur jusqu’à sa surface mais également de comprendre certains phénomènes, tels que la turbulence, la convection, les effets thermiques, radiatifs et visqueux ou encore la rotation différentielle (entre les pôles et l'équateur). Récemment, les chercheurs sont ainsi parvenus pour la première fois à réaliser une modélisation 3D de 97 % du volume du Soleil.
Pour mieux comprendre l’activité magnétique cyclique du Soleil (dont la période est d’environ 11 ans) et tenter de se protéger de ses effets sur la Terre, les astrophysiciens font aussi appel à la simulation par ordinateur. Ces simulations permettent de mieux comprendre le déclenchement des éruptions solaires qui affectent tout le système solaire. Celles-ci sont la source du vent solaire, un flot de particules qui s’échappe du Soleil et vient balayer la Terre, créant d’importantes perturbations électromagnétiques affectant les réseaux électriques, les communications et les satellites d’observation.
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LE SOLEIL
Le Soleil est l’une des cent milliards d’étoiles de notre galaxie. C’est l’étoile la plus proche de la Terre – située à quelque cent cinquante millions de kilomètres – et donc la mieux observée. Mais comment l’observe-t-on et de quoi est-elle constituée ?
NATURE ET SOURCE D’ÉNERGIE DU SOLEIL
Le Soleil est une grosse boule de gaz chaud tournant sur elle-même en 28 jours environ. Comme toutes les étoiles, le Soleil brille car il produit de l’énergie. C’est un gigantesque réacteur nucléaire. En son cœur, la température est de 15 millions de degrés. A cette température ont lieu des réactions de fusion au cours desquelles, l’hydrogène est transformé en hélium en libérant de l’énergie. Cette transformation se fait progressivement et lorsque le Soleil aura épuisé tout son hydrogène, la température en son centre augmentera encore jusqu’à déclencher la fusion de l’hélium en carbone. Mais la capacité de fusion nucléaire dont dispose le Soleil est limitée et n'excèdera pas dix milliards d’années environ au total.
AGE ET COMPOSITION DU SOLEIL
On suppose que le Soleil et tous les corps du système solaire sont nés quasiment en même temps. Or l’âge des plus vieilles roches terrestres, lunaires et météoriques a pu être estimé aux alentours de 4,6 milliards d’années. C’est donc aussi l’âge du Soleil qui est ainsi à la moitié de sa vie.
Les proportions relatives des divers éléments chimiques du Soleil et du système solaire sont connues grâce à deux sources principales :
* L’analyse de la lumière émise par la surface du Soleil, la photosphère. Cette lumière est la lumière visible, mais aussi les rayonnements non visibles à l’œil nu (les ondes radio, l’infrarouge, l’ultraviolet, les rayons X et gamma). Tous ces rayonnements forment le spectre du Soleil. Dans le spectre solaire, la trace des différents éléments chimiques est visible sous forme de bandes sombres, les raies d’absorption, qui permettent d’identifier chaque élément.
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* L’analyse en laboratoire des météorites tombées sur Terre permet aussi de déterminer la composition chimique de la matière qui constitue le système solaire.
STRUCTURE DU SOLEIL
La surface du Soleil présente des taches sombres et des éruptions qui sont le signe d’une activité interne, turbulente et chaotique. On estime que les couches les plus externes du Soleil, soit les derniers 30% de son rayon, sont animées en permanence de mouvements convectifs qui transportent la matière vers la surface. On ne peut pas observer directement l’intérieur du Soleil. Pour comprendre la dynamique turbulente et l’activité magnétique du Soleil il est nécessaire de disposer d’un « modèle physique » complet, représentant sa composition interne, sa dynamique et son atmosphère.
HÉLIOSISMOLOGIE ET MODÉLISATION 3D : DES TECHNIQUES
POUR SONDER LE SOLEIL
Notre compréhension du Soleil a connu des progrès considérables au cours des trente dernières années. Il est à présent possible de sonder l’intérieur de l’astre grâce à l’héliosismologie, l’étude des vibrations solaires. Les mouvements internes du Soleil font « vibrer » le Soleil comme un tambour et créent des ondes acoustiques qui se propagent jusqu’à différentes profondeurs dans le Soleil. L’étude de ces ondes a permis de valider et d’améliorer les modèles de l’intérieur solaire en déterminant notamment la densité et la vitesse de rotation interne de l’étoile.
Le progrès des supercalculateurs a également permis le développement de codes de calculs les plus réalistes possibles, aptes à décrire la magnétohydrodynamique, c’est à dire les mouvements de la matière dans un champ magnétique à l’intérieur des étoiles, dont le Soleil. Ces simulations numériques sur ordinateurs permettent de reproduire actuellement l’amplitude des ondes qui parcourent le Soleil du cœur jusqu’à sa surface mais également de comprendre certains phénomènes, tels que la turbulence, la convection, les effets thermiques, radiatifs et visqueux ou encore la rotation différentielle (entre les pôles et l'équateur). Récemment, les chercheurs sont ainsi parvenus pour la première fois à réaliser une modélisation 3D de 97 % du volume du Soleil.
Pour mieux comprendre l’activité magnétique cyclique du Soleil (dont la période est d’environ 11 ans) et tenter de se protéger de ses effets sur la Terre, les astrophysiciens font aussi appel à la simulation par ordinateur. Ces simulations permettent de mieux comprendre le déclenchement des éruptions solaires qui affectent tout le système solaire. Celles-ci sont la source du vent solaire, un flot de particules qui s’échappe du Soleil et vient balayer la Terre, créant d’importantes perturbations électromagnétiques affectant les réseaux électriques, les communications et les satellites d’observation.
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Communiqué de presse Élucidation du mystère de l’origine
des disques de gaz massifs autour des étoiles |
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Paris, le 22 novembre 2018
Communiqué de presse
Élucidation du mystère de l’origine
des disques de gaz massifs autour des étoiles
Pourquoi des disques de gaz massifs subsistent-ils dans les systèmes planétaires pendant plusieurs dizaines de millions d’années, bien après que les planètes se soit formées ? Et ce, alors même que les modèles de formation planétaire prédisent le contraire. Une nouvelle étude menée par un astronome de l’Observatoire de Paris - PSL au Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (Observatoire de Paris – PSL / CNRS / Sorbonne Université / Université Paris Diderot) vient de faire la lumière sur ce mystère. Elle parait dans la revue Monthly notices of the Royal Astronomical Society, le 22 novembre 2018.
Près de 4 000 exoplanètes ont déjà été découvertes. Pour répondre aux problématiques de quête de vie extraterrestre dans l’Univers, caractériser précisément les systèmes planétaires dans notre Galaxie représente un enjeu crucial, avant même d’imaginer pouvoir les observer directement. Une des voies pour y parvenir est l’étude des très jeunes systèmes planétaires en formation (la phase protoplanétaire), à travers l’analyse de leur teneur en gaz et en poussière, un milieu dans lequel orbitent les protoplanètes naissantes.
Avec l’avènement de la nouvelle génération d'observatoires dans le domaine du millimétrique (comme le radiotélescope ALMA), l’étude de systèmes planétaires plus matures et de leur composante gazeuse devient possible. Si ce stade d’évolution, qui suit la phase protoplanétaire, retient l’attention des astronomes, c’est que les planètes ont fini de se former. Là, les observations sont formelles : ces systèmes planétaires plus évolués, dont l’âge oscille entre 10 et 100 millions d'années, ont eux aussi des disques de gaz, alors même que les modèles de formation planétaire prédisaient le contraire.
Cette présence de gaz a intrigué les astronomes. Deux hypothèses ont longtemps été mises en avant :
- Soit, ces disques de gaz sont les restes de la phase protoplanétaire jeune ;
- Soit, ils ont une origine secondaire : ils sont créés plus tard et le gaz serait évaporé de planétésimaux, corps rocheux issus de la coalescence de grains de poussière en corps compacts, qui orbitent dans ces systèmes à l’instar de notre Système solaire, dans les ceintures d'astéroïdes ou de Kuiper.
La recherche de monoxyde de carbone (CO) est l’un des moyens pour les astronomes d’accéder à la composition des planétésimaux dans les systèmes planétaires évolués. La découverte de disques de CO massif est
en nombre croissant, avec une dizaine connue pour l’heure. La quantité de gaz présente et sa distribution suggèrent que ces disques ne sont pas les restes de la phase protoplanétaire jeune, mais sont dus à un dégazage plus tardif (origine secondaire).
Cependant, la molécule de CO étant fragile, même tardive, elle devrait être détruite sous l’effet du rayonnement UV continu qui provient de l'espace. Comment expliquer ce paradoxe ?
Un nouveau modèle : le bouclier
La nouvelle étude fournit une explication : le monoxyde de carbone peut se protéger lui-même. Le CO qui s'évapore des planétésimaux est initialement détruit par les photons UV (comme attendu). Après la destruction des molécules de CO, les fragments qui subsistent -- des atomes de carbone et d'oxygène -- créent leur propre bouclier de protection. Une fois le CO détruit en quantité, le bouclier devient assez puissant pour protéger le CO ; le disque de CO se met ainsi à grossir et à s’étaler.
Les auteurs de l’étude ont testé leur nouveau modèle en observant avec ALMA le système situé autour de l'étoile HD 131835. Le CO avait déjà été observé dans ce système. Ainsi pour tester leur théorie, ils ont analysé les atomes de carbone censés servir de bouclier au CO.
La théorie corroborée par des observations
Les observations corroborent la théorie: Premièrement, la masse d'atomes de carbone dans le système est effectivement assez grande pour servir de bouclier au CO. Et enfin, la quantité de CO observée est compatible avec l'hypothèse que le gaz a bien une 'origine secondaire' et que le gaz observé est donc bien relâché par les planétésimaux du système.
La publication fait aussi des prédictions quant à la quantité de carbone présente dans les autres systèmes où des disques massifs sont observés, ce qui pourra être testé dans le futur proche.
"C'est une découverte très importante qui résout un des grands mystères de la théorie de la formation planétaire. Grâce à notre travail, on comprend maintenant l'origine de ces disques de gaz massifs observés autour de systèmes planétaires matures. Ceci donne accès, pour la première fois, à la composition des exoplanétésimaux qui relâchent le gaz dans ces systèmes, que l'on comparera très bientôt avec la composition des planétésimaux de notre Système solaire », indique Quentin Kral, astronome de l'Observatoire de Paris et premier auteur de l'étude.
Référence :
Ce travail de recherche a fait l'objet d'un article intitulé « Imaging [CI] around HD 131835: reinterpreting young debris discs with protoplanetary disc levels of CO gas as shielded secondary discs » par Q. Kral, et.al. paraissant le 22 novembre 2018 dans la revue Monthly notices of the Royal Astronomical Society.
Observatoire de Paris - PSL • 61 avenue de l’Observatoire • 75014 Paris • France www.observatoiredeparis.psl.eu
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ASTRES À la recherche du temps zéro |
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ASTRES À la recherche du temps zéro
Jean-Pierre Luminet dans mensuel 390
daté octobre 2005 -
Les modèles de Big Bang prévoient que plus on remonte dans le passé, plus l'Univers est chaud et dense, et ce, jusqu'à un moment singulier, très proche de l'origine, où la physique actuelle ne peut plus rien décrire. Mais l'origine elle-même a-t-elle une quelconque réalité ?
L'Univers est en expansion, nous suggèrent fortement les observations des galaxies et de leurs amas. Qu'elle soit accélérée ou non, il semble que cette expansion ne connaisse pas de fin. L'Univers serait donc éternel. Et si nous remontions le film de l'Univers à l'envers ? Le temps cosmique se prolonge-t-il, dans le passé, jusqu'à une valeur infinie, ou bien est-il borné à une valeur finie ? C'est l'une des plus grandes énigmes de l'astrophysique.
Selon la théorie de la relativité générale, la réponse dépend du contenu de l'Univers. Si ses propriétés sont celles de la matière ou du rayonnement que nous connaissons, alors les distances cosmiques diminuent inexorablement avec le temps passé. Il existe nécessairement un instant, un « temps zéro », où toutes les longueurs cosmiques ont une valeur nulle. Cet événement singulier aurait présidé à l'apparition de l'espace, du temps et de la matière. C'est ce qu'énoncent les modèles de Big Bang, définis comme ceux où l'expansion cosmique ne s'écoule que depuis une durée finie.
Ce « temps zéro » se situe à 13,7 milliards d'années dans le passé selon les calculs et les observations actuels, fondés sur l'analyse du rayonnement cosmologique fossile ou des supernovae lointaines. Cela exclut évidemment de considérer tout instant antérieur. Cela implique aussi qu'il ne peut exister aucun objet dont l'âge puisse dépasser 13,7 milliards d'années, et qu'aucune horloge n'a jamais pu mesurer une durée plus longue. Or les âges des étoiles, mesurés grâce aux isotopes radioactifs à longue durée de vie, véritables chronomètres naturels, se distribuent précisément entre 0 et 14 milliards d'années. À elle seule, cette observation constitue un argument remarquable en faveur des modèles de Big Bang. Ceux-ci sont en outre confirmés par beaucoup d'autres résultats : l'abondance observée des éléments légers, la découverte du rayonnement de fond cosmologique et de ses propriétés, l'évolution des galaxies... Aussi ces modèles sont-ils aujourd'hui quasi unanimement adoptés par les astrophysiciens. Conjugués aux observations accumulées tant par les grands télescopes que dans les accélérateurs de particules, ils permettent de retracer les principales étapes de l'histoire de l'Univers voir l'encadré « Petite chronologie de l'Univers », page 32.
Que le temps ait connu un début préoccupe le physicien. Car, dans le cadre de la relativité générale, cette limite temporelle se présente sous la forme d'une « singularité », un point vers lequel on tend sans jamais l'atteindre : l'Univers aurait été concentré dans un volume infiniment petit, infiniment dense, et de courbure infiniment grande. Cette singularité initiale marque une réelle interruption vers le passé des lignes d'Univers des galaxies, c'est-à-dire de leurs trajectoires d'espace-temps [fig. 1] . La singularité n'est pas réellement un événement : elle n'a pas pris place et n'a pas eu lieu. Par là même, elle échappe nécessairement au champ de nos théories !
Pour le mathématicien, la singularité constitue un bord temporel, situé à une durée passée finie. Difficile à admettre ! Pourtant, le problème est identique à celui de la finitude de l'espace, quiavait longtemps buté contre une telle question de limite, jusqu'à l'introduction des géométries non euclidiennes et de la topologie. Celles-ci ont permis de considérer un espace fini mais sans limites. Ce qui n'est pas contradictoire. Mais le bord temporel pose un problème d'une autre nature, tenant à la fois à son caractère fini - la finitude du temps correspond à l'arrêt brutal des lignes d'Univers - et à son caractère infini au vu des valeurs inconcevablement grandes de la densité et de la courbure.
Inévitable singularité cosmique
C'est la raison pour laquelle les cosmologistes ont cherché à se débarrasser de cette monstruosité et tenté de démontrer que le temps zéro n'a pas pu réellement se produire. Ainsi, en 1963, les Russes Isaac Markovich Khalatnikov et Evgenii Mikhailovich Lifshitz ont vainement suggéré que l'utilisation d'hypothèses simplificatrices injustifiées avait peut-être faussé les calculs [1] ; elle aurait fait apparaître, dans les solutions des équations de la relativité générale, une singularité qui n'existerait pas réellement.
Ce n'est pas le cas. Les singularités cosmologiques sont une conséquence inéluctable de la relativité générale, moyennant une hypothèse raisonnable portant sur la nature de la matière et de l'énergie qui emplit l'Univers. C'est ce qu'avait déjà esquissé, dès 1933, le Belge Georges Lemaître. Il anticipait ainsi les « théorèmes sur les singularités », redémontrés de façon plus générale en 1965 et qui rendront célèbres leurs auteurs, les astrophysiciens britanniques Stephen Hawking et Roger Penrose [2] : une singularité cosmique est inévitablement présente dans le passé de n'importe quel modèle d'Univers, pour peu qu'il satisfasse à la relativité générale et contienne autant de matière que ce qui est observé.
La seule solution pour se débarrasser des infinis gravitationnels est de sortir du cadre de la relativité générale classique. Cette voie semble raisonnable, car les physiciens considèrent que l'apparition d'une singularité, caractérisée par des grandeurs infinies, marque la limite de validité d'une théorie. Or la relativité générale n'est pas une théorie complète, faute d'incorporer les préceptes de la physique quantique qui décrit le monde microscopique. Il semble donc absolument téméraire, et quasi injustifié, d'extrapoler les résultats de la relativité générale jusqu'à des distances extrêmement petites, en particulier celles correspondant à une singularité. C'est le cas des distances inférieures à la longueur de Planck, soit 10-35 mètre. Cette échelle joue le rôle d'une sorte d'horizon microscopique. Sans savoir ce qui se passe exactement à ces dimensions, les physiciens estiment que la géométrie pourrait devenir elle-même sujette à des fluctuations quantiques, que la relativité ne permet pas de prendre en considération.
Géométrie floue
Or, selon les modèles de Big Bang, la reconstitution passée de l'évolution des longueurs dans l'Univers mène à une valeur aussi petite que 10-35 mètre. Cela se passe à un moment de l'histoire cosmique appelé « ère de Planck », qui correspond à 10-43 seconde après le temps zéro. Les valeurs de la température et de la densité étaient alors énormes, respectivement 1032 kelvins et 1094 grammes par centimètre cube. Dans des conditions si terribles, la relativité générale ne peut être appliquée, ne serait-ce que parce qu'elle est impuissante à prendre en compte les effets quantiques, alors prépondérants. Aborder cette période nécessite impérativement le soutien d'une théorie de la gravitation quantique, ou du moins d'une théorie qui unifie les quatre interactions fondamentales.
La physique actuelle ne permet donc de remonter l'histoire passée de l'Univers que jusqu'à l'ère de Planck, car les tentatives d'imaginer les états antérieurs débouchent sur un flou quantique. Et pourtant on voudrait en dire davantage sur l'ère de Planck. Cette limite sur laquelle bute la physique, frontière de nos connaissances, implique que le cadre habituel de la variété espace-temps, continue, à quatre dimensions, éclate complètement.
L'idée de la gravité quantique, émise par John Wheeler au début des années 1960 [3] , et de la nouvelle cosmologie qui en découlerait, est qu'au niveau microscopique la géométrie de l'Univers pourrait être floue, comparable à une sorte d'écume constamment agitée de petites fluctuations [fig. 2] . On pourrait la comparer à la surface d'un océan : vu d'avion, l'océan paraît lisse. D'une plus basse altitude, sa surface apparaît toujours continue, mais on commence à percevoir quelques mouvements qui l'agitent. Plongé dans l'océan, le nageur le voit tumultueux, discontinu même, puisque des vagues se brisent, projetant des gouttes d'eau qui s'élèvent et retombent. De la même façon, l'espace-temps paraît continu à l'échelle humaine, et aussi à celle des noyaux atomiques, mais son « écume » pourrait devenir perceptible à l'échelle de Planck. Certaines de ses gouttes pourraient se manifester à nous sous forme de particules élémentaires.
Jusqu'à présent, aucune théorie complètement cohérente et calculable de gravité ou de cosmologie quantique n'a été établie. Diverses descriptions préliminaires ont été tentées, comme la géométrodynamique quantique des Américains John Wheeler et Bryce de Witt en 1967 [4] . Cette théorie voudrait traiter la géométrie de l'espace-temps de la même manière que la physique quantique ordinaire traite la matière et l'énergie, c'est-à-dire en termes de grains ou « quanta » d'espace et de temps.
Une équation inutilisable
La première version de la géométrodynamique quantique, dite « canonique », est régie par une équation proposée en 1967 par Wheeler et de Witt. Cette équation est l'équivalent pour la gravitation de l'équation de Schrödinger pour la mécanique quantique, qui décrit la probabilité de présence d'une particule en termes d'une « fonction d'onde ». La différence est que, dans l'équation de Wheeler-de Witt, les variables ne sont plus la position et la vitesse d'une particule, mais la géométrie de l'espace et son contenu matériel ! Cette équation très complexe est inutilisable, en pratique, sous sa forme générale. La seule chance d'en trouver des solutions est de simplifier considérablement le problème. Par exemple, on peut se limiter à considérer, pour l'espace, une famille restreinte de géométries possibles, très simples, comme celles à courbure constante. Il faut encore, pour cela, spécifier des conditions aux limites pour l'Univers, en particulier ce que devient l'espace-temps à l'approche de la singularité. Ces conditions façonnent le comportement spatio-temporel de la fonction d'onde de l'Univers, à peu près de la même façon que la trajectoire d'une particule en mécanique classique est spécifiée par sa position et sa vitesse initiales. Dans le cas de la cosmologie, cela soulève des questions fondamentales qui sont loin d'être résolues.
Diverses suggestions ont été proposées, notamment par « l'école russe » dirigée par Andreï Linde et Alex Vilenkin au début des années 1980 [5] , [6] et par « l'école anglo-saxonne », notamment par Jim Hartle et Stephen Hawking. En termes simples, le modèle quantique de Hartle et Hawking [7] n'envisage que des géométries spatio-temporelles sans frontière ni bord, comme l'est la surface d'une sphère, mais avec deux dimensions supplémentaires. Selon ces modèles, l'Univers serait fini non seulement dans l'espace son volume total est fini mais aussi dans le temps. La problématique singularité initiale disparaît alors. Plus exactement, elle se transforme en une simple singularité des coordonnées, comme le pôle Nord d'une sphère. Aucune violation des lois de la physique n'y apparaît. L'Univers n'aurait plus aucune frontière, ni spatiale ni temporelle. Il n'aurait pas eu de commencement et n'aura jamais de fin. Cette nouvelle « éternité du temps » n'est toutefois retrouvée qu'au prix de l'abandon du temps cosmique réel mesuré par les horloges ou par l'expansion des galaxies au profit d'un temps imaginaire au sens mathématique du terme. Il resterait à proposer une interprétation satisfaisante de tout ceci, ce qui est loin d'être le cas.
Une « mousse de mini-Univers »
La suggestion d'Andreï Linde est très différente. Elle suppose des conditions initiales chaotiques. Qualitativement, la solution se présente sous la forme d'un gigantesque Univers éternel et autoreproducteur, que l'on compare parfois à une « mousse de mini-Univers ». Chacune des « bulles » de cette mousse aurait ses propres caractéristiques : constantes physiques, nombre de dimensions spatiales, dynamique..., ce qui permet de la considérer, de manière abusive, comme un « autre Univers ». La totalité de notre Univers observable à distinguer de l'Univers dans sa totalité serait constituée d'une infime partie de l'une de ces bulles, partie qui aurait été démesurément gonflée par un processus ultra-efficace d'expansion, baptisé « inflation ». Chaque bulle individuelle - en particulier celle qui constituerait « notre Univers » - pourrait naître et mourir. Mais l'Univers « global » n'aurait ni commencement ni fin.
Bien évidemment, une telle idée ne sera sans doute jamais vérifiable, ni observable. On se situe ici aux frontières de l'approche scientifique... et sans doute déjà de l'autre côté.
D'autres approches de la gravité quantique existent, telles la théorie des supercordes, la théorie des boucles ou les géométries non commutatives. Certains modèles cosmologiques qui en découlent permettent d'éliminer la singularité initiale et d'envisager une ère « pré Big Bang » pour l'histoire de l'Univers [fig. 3] . Malgré tout, les diverses théories de cosmologie quantique soulèvent autant, sinon plus, de problèmes qu'elles n'en éclairent sur les débuts de l'Univers. Mais c'est ce qui fait leur richesse et leur intérêt. Résolvent-elles l'énigme du temps zéro ? La réponse est ambiguë : oui, selon certains modèles, non selon d'autres. L'incertitude résulte peut-être de la simplification exagérée imposée pour pouvoir résoudre les équations. Quoi qu'il en soit, les singularités devront disparaître dans le cadre de la nouvelle vision unifiée que cherchent à construire les physiciens.
EN DEUX MOTS Depuis l'avènement et les succès de la théorie du Big Bang, la question de l'origine du temps, ignorée tant qu'on pensait l'Univers éternel, est devenue incontournable. Les deux théories décrivant le monde physique, la relativité générale pour l'infiniment grand et la mécanique quantique pour l'univers microscopique, sont incapables de décrire cet instant où les caractéristiques de l'Univers prennent des valeurs soit nulles, soit infinies.
[1] E. M. Lifshitz et I. M. Khalatnikov, Advances in Physics, 12, 185, 1963.
[2] S. W. Hawking et R. Penrose, Physical Letters, 17, 246, 1965 ; Proceedings of the Royal Society of London, A 314, 529, 1970.
[3] J. A. Wheeler, Geometrodynamics, Academic Press, 1962.
[4] B. S. de Witt, Phys Rev. 160, 1113, 1968 ; J. A. Wheeler, in Battelle Rencontres, dir. C. M. de Witt et J. A. Wheeler Benjamin, New York, 1968.
[5] A. D. Linde, Physics Letters, 1298, 177, 1983.
[6] A. Borde et A. Vilenkin, Phys. Rev. Lett., 72, 3305, 1994.
[7] J. B. Hartle et S. W. Hawking, Phys. Rev., D28, 2960, 1983.
SAVOIR
POUR EN SAVOIR PLUS
J.-P. Luminet et M. Lachièze-Rey, De l'infini..., Dunod, 2005.
L. Z. Fang et R. Ruffini dir., Quantum Cosmology, World Scientific, 1987.
A. Linde, Inflation and Quantum Cosmology, Academic Press, 1990.
S.Hawking, Une brève histoire du temps, Flammarion, Coll. « Champs », 1999.
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