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LE PALÉOZOïQUE

 

 

 

 

 

 

paléozoïque

Le paléozoïque, intermédiaire entre le précambrien et le mésozoïque, s'étend de – 542 à – 251 millions d'années. Cette ère géologique, autrefois appelée primaire, est formée de six systèmes (cambrien, ordovicien, silurien, dévonien, carbonifère et permien). Le paléozoïque est une ère capitale pour l'évolution de la vie, avec, en particulier, la conquête des continents par les organismes, continentaux ou aquatiques, nombreux et variés, qui ont un cachet encore archaïque. Certains disparaîtront à la fin ou avant la fin de l'ère (graptolites, chitinozoaires, trilobites, fusulinidés, archaureocyathidés, tétracoralliaires), d'autres survivront (agnathes, reptiles, poissons, gymnospermes, phanérogames).
Le paléozoïque est marqué par la formation de deux grandes chaînes de montagnes, d'abord la chaîne calédonienne, dont on retrouve les racines en Scandinavie et au Groenland, puis la chaîne hercynienne, qui structure toute l'Europe. Le Massif armoricain, le Massif central et les Vosges en sont le témoignage en France. À la fin du paléozoïque, toutes les terres continentales sont soudées en une masse unique, la Pangée. Ces terres vont être affectées par des glaciations.
Les espèces vivantes se diversifient. Toutes sortes d'invertébrés (coquillages, trilobites, coraux, éponges) peuplent les mers. De nouvelles espèces, les reptiles, commencent à envahir les continents. La fin de l'ère est marquée par un climat chaud et humide qui favorise le développement de forêts luxuriantes, notamment de fougères arborescentes.


1. Signification du nom « paléozoïque »
Le premier nom donné à cette ère, le primaire, exprimait le résultat des observations fondamentales des pionniers de la géologie à la fin du xviiie siècle. Très rapidement, le terme a désigné une étape importante dans l'organisation du monde vivant et on a admis que l'ère primaire débutait avec les premiers fossiles bien identifiables. On comprend ainsi l'expression de « faune primordiale » donnée par I. Barrande en 1846 aux fossiles de Bohême, qu'il croyait être les plus anciens, et le terme « paléozoïque » (de palaios, ancien, et zôon, être vivant) utilisé fréquemment comme synonyme de primaire pour les terrains recouvrant les cratons antécambriens, considérés comme azoïques (c'est-à-dire ne présentant aucune trace de vie).


2. Les limites du paléozoïque
Les terrains paléozoïques ne sont ni archœozoïques ni protérozoïques (vie primitive ou vie première). La vie existait à l'antécambrien. Des restes d'organismes y ont été identifiés; des roches d'origine organique ont été décelées. Ces tests permettent de situer l'apparition de la vie, mais ils sont encore très rares, dispersés, parfois énigmatiques. Le développement des principaux organismes est vraiment la caractéristique des temps primaires, qui restent encore, à l'objection précédente près, les premiers temps fossilifères.
Les divisions stratigraphiques du paléozoïque
Subdivisions du paléozoïque (291 millions d'années)
Systèmes
Séries
Date de début
Principaux événements
permien (– 299 à – 251 millions d'années)
thuringien
 
extinction massive d'espèces
saxonien
 
 
autunien
– 299 millions d'années
 
carbonifère (– 359 à – 299 millions d'années)
silésien
– 318 millions d'années
les continents sont couverts de forêts
dinantien (composé du tournaisien et du viséen)
– 359 millions d'années
premiers gymnospermes (groupes des conifères actuels)
dévonien (– 416 à – 359 millions d'années)
famennien
– 375 millions d'années
conquête de la terre ferme par les animaux
frasnien
– 385 millions d'années
 
givétien
– 392 millions d'années
 
couvinien
– 398 millions d'années
 
emsien
– 407 millions d'années
 
siegénien
– 411 millions d'années
 
gédinien
– 416 millions d'années
 
silurien (– 444 à – 416 millions d'années)
pridolien
– 419 millions d'années
conquête de la terre ferme par les plantes
ludlowien
– 423 millions d'années
premiers poissons : les acanthodiens
wenlockien
– 428 millions d'années
 
llandovérien
– 444 millions d'années
 
ordovicien (– 488 à – 444 millions d'années)
ashgillien
 
premiers vertébrés : les agnathes
caradocien
 
 
llandeilien
 
 
llanvirnien
 
 
arénigien
 
 
trémadocien
– 488 millions d'années
 
cambrien (– 542 à – 488 millions d'années)
postdamien
 
la vie se diversifie
acadien
 
 
géorgien
– 542 millions d'années
 
La limite inférieure du primaire n'est pas facile à établir. La limite est claire dans les régions où le cambrien (à premiers trilobites notamment) est transgressif et discordant sur les terrains antérieurs, profondément plissés puis arasés, et où donc les premières faunes semblent apparaître brusquement. Mais il existe des régions où les couches cambriennes datées reposent sur les séries dites de l'infracambrien, souvent azoïques, mais qui doivent correspondre à la période de différenciation des invertébrés. Cet infracambrien a en effet livré une faune.
La découverte de la faune d'Ediacara (Australie) est venue démontrer qu'après les organismes primitifs (cyanophycées, bactéries, sporomorphes) sont apparus les métazoaires. Cette faune, datée d'environ 600 millions d'années, comprend des empreintes d'une trentaine d'espèces : des coelentérés (six genres de méduses, des pannatulidés), des annélides et des formes rapportées à un échinoderme et à un mollusque primitifs.
Le paléozoïque commence avec les fossiles identifiables appartenant à la faune dite à Olenellus (cambrien inférieur). La limite supérieure du primaire, c'est-à-dire la limite primaire-secondaire, correspond à la fin de la construction de la chaîne hercynienne. Celle-ci s'est effectuée en Europe à la suite de plusieurs phases tectoniques se succédant pendant un temps assez long et d'importance variable suivant la localisation.
La division repose essentiellement sur la dernière manifestation orogénique : la chaîne de l'Oural achève son édification à la fin du permien, avant le dépôt des terrains du trias, premier système du mésozoïque. En Europe occidentale, il n'est pas toujours facile de séparer le permien du trias, car le démantèlement de la chaîne hercynienne n'est pas tout à fait achevé.
La géologie a connu son premier développement en Europe (surtout Europe occidentale). Les terrains primaires y ont donc été particulièrement bien étudiés, d'autant plus qu'ils recelaient de fort riches gisements de houille et qu'ils sont particulièrement représentatifs. Ainsi s'explique la terminologie utilisée pour les diverses dénominations, en particulier les subdivisions en systèmes : cambrien (de Cambria, pays de Galles), ordovicien (de la peuplade des Ordovices, dans le pays de Galles), silurien (de la peuplade des Silures, habitant le Shropshire), dévonien (de Devon), carbonifère (de charbon), permien (de Perm en Russie), ou bien encore les appellations de calédonien, hercynien (de Harz en Allemagne), etc.


3. Originalité du paléozoïque
Le précambrien recouvre l'histoire primitive de la Terre et a donc connu une extraordinaire évolution géochimique, marquée par le passage d'une atmosphère réductrice à une atmosphère oxydante et donc par la libération de l'oxygène. Au point de vue pétrographique, les preuves en sont l'apparition des premiers minerais à l'état oxydé, l'apparition des premiers calcaires dus à l'utilisation du CO2. A partir du cambrien, on est loin de l'atmosphère et de l'hydrosphère primitives : il y a plus de 2 milliards d'années que les dernières synthèses naturelles de composés organiques ont eu lieu. Il est désormais impossible d'en envisager dans des milieux qui sont proches chimiquement des milieux actuels : la composition atmosphérique et océanique est constante depuis le cambrien : stabilité de la teneur en oxygène de l'atmosphère, stabilité de la salinité du milieu marin (les rapports des isotopes de l'oxygène, 180 et 160, semblent bien identiques). D'autre part, les dimensions du globe n'ont pas varié depuis le cambrien.
Au début du paléozoïque, près de 2 milliards d'années se sont écoulés depuis l'apparition de la vie. Des organismes hautement organisés sont présents.
Le paléozoïque est le premier des temps fossilifères. Après l'ère des schizophytes, après l'apparition des métazoaires (faune d'Ediacara), on peut affirmer que le début du primaire est marqué par le développement des métazoaires. Le sentiment de brusques apparitions paraît résulter de ce que la fossilification est désormais devenue possible. Pour la plupart des embranchements animaux, l'événement est l'apparition d'un squelette minéralisé, intervenue pendant cette période.
Le paléozoïque est marqué :
– par l'occupation de l'ensemble du milieu marin par tous les groupes d'invertébrés, c'est-à-dire par la poursuite de l'utilisation par le monde vivant de l'oxygène dissous dans l'eau de mer ;
– par l'apparition des premiers vertébrés (à la fin de la première moitié du paléozoïque) ;
– par le passage de la vie aquatique à la vie terrestre, c'est-à-dire l'apparition des vertébrés tétrapodes, au paléozoïque supérieur (la conquête du milieu terrestre, que réalisent également certains invertébrés, est accompagnée par l'apparition et le développement des végétaux terrestres. C'est la réussite irréversible du processus d'utilisation de l'oxygène atmosphérique.
Cependant, le monde vivant du paléozoïque est incomplet par rapport au monde actuel. Certaines classes manquent encore (mammifères, oiseaux, végétaux angiospermes). D'autres classes ne sont représentées que par des formes primitives.
Sur le plan pétrographique, ce caractère ancien se retrouve dans les principaux terrains sédimentaires déposés à cette période : les schistes noirs, les calcaires foncés, les grès rouges forment un contraste souvent frappant avec les terrains mésozoïques et cénozoïques. Cette opposition est d'autant mieux marquée que ces terrains constituent actuellement le socle qui sert de soubassement aux formations plus jeunes. Les terrains primaires déposés avant l'époque hercynienne ont tous été plissés par la suite et souvent même pénétrés de granites, voire souvent transformés complètement, métamorphisés. On comprend que l'on n'en trouve plus la trace que dans les massifs anciens (en France, par exemple, Massif armoricain, Ardennes, Massif central) ou dans le socle de chaînes de montagnes plus récentes, où ils constituent comme autant de noyaux (Alpes, Pyrénées, etc.).


4. Aspect général du globe terrestre
À la fin du précambrien, la croûte terrestre est arrivée à un point important de son évolution. Une série d'orogenèses complexes a abouti à une cratonisation notable. Le globe comprend d'importants boucliers continentaux autour desquels l'histoire ultérieure du globe (stratigraphie, tectonique) s'ordonnera.
Mais, s'il est vrai que ces boucliers précambriens forment l'ossature des continents actuels et constituent le noyau des chaînes de montagnes qui se sont succédé depuis la dernière orogenèse précambrienne (l'orogenèse cadomienne), il convient de souligner que leur disposition relative n'était pas celle que nous connaissons aujourd'hui.

Dérive des continents
La notion d'expansion océanique et la théorie de la tectonique des plaques permettent de comprendre la naissance des océans et la une dérive des continents depuis le paléozoïque. Le paléozoïque est une ère où il ne saurait être question d'océans Atlantique, Pacifique et Indien, mais de continents rassemblés en une masse plus ou moins unique, ce qui explique les analogies entre l'Amérique du Sud et l'Afrique, l'identité des évolutions structurales de l'Amérique du Nord et de l'Europe nord-occidentale, etc.
La répartition des climats, alors déjà bien différenciés, dépend évidemment de cette disposition originale des masses continentales, mais elle oblige également à admettre une position de l'axe des pôles tout à fait différente de l'actuelle. Les études paléoclimatologiques, les mesures paléomagnétiques indiquent au cambrien un pôle situé sur l'actuel tropique vers 150° de longitude O. La répartition des climats chauds (et par là, des séries récifales), désertiques (formations évaporitiques) en est évidemment affectée. Il est curieux de noter que les régions arctiques actuelles étaient alors des déserts chauds. Plusieurs glaciations interviendront : tout au début du cambrien, à l'ordovicien (sensible surtout au Sahara), au permien (sur tout le continent de Gondwana, Afrique du Sud, Inde, Australie, etc.).
5. La vie au paléozoïque


5.1. Le peuplement des mers par les invertébrés
image: http://www.larousse.fr/encyclopedie/data/images/1200016-Lhistoire_de_la_vie.jpg
L'histoire de la vie
L'histoire de la vie
Le paléozoïque voit d'abord le peuplement des aires marines par les invertébrés. Au début du primaire, il n'y a ni végétal ni vertébrés, mais une faune très variée témoignant d'une occupation totale du domaine marin et d'une adaptation aux divers milieux de vie de ce domaine. L'intérêt de l'étude de ces faunes est actuellement une compensation à l'insuffisance de nos connaissances quant à l'origine et à la diversification des principaux embranchements.
Au début de cette longue ère, la vie existe seulement dans les mers : celles-ci sont extraordinairement riches pour ce qui nous semble être un début (soit 1 500 espèces d'invertébrés). Bientôt vont se multiplier les embranchements, les classes, les genres. On trouve ainsi des groupes exclusifs ayant vécu seulement au primaire, ou même dans une partie du primaire.

Les archœocyathidés sont proches des spongiaires, ils édifient des calcaires, ils ne sont connus qu'au cambrien. Dès le cambrien inférieur, les trilobites, arthropodes bien différenciés et hautement organisés, sont nombreux. Ils évoluent, avec des relais au niveau des familles, à travers tout le paléozoïque et ils s'éteignent au permien après un long déclin de 200 millions d'années. Bons exemples d'adaptation aux conditions extérieures, certains nagent, d'autres rampent sur le fond ou fouissent. Les graptolites marquent l'ordovicien et le silurien. Voisins du groupe des stomocordés, ils ont peut-être une origine à rapprocher de celle des cordés (et par là des futurs vertébrés). Fixés à des algues flottantes ou pélagiques, ils ont eu une vaste répartition géographique. Les espèces nombreuses se sont succédé dans le temps. Elles permettent une bonne zonation biostratigraphique.
Parmi les foraminifères, les fusalinidés caractériseront certaines zones du carbonifère et du permien. D'autres groupes énigmatiques ont pullulé (chitinozoaires, acritarches, conodontes, etc.). Bien que leur position dans l'échelle zoologique ou dans le monde végétal soit encore mal élucidée et qu'ils aient été sans descendance, ils n'en présentent pas moins un intérêt dans la recherche du passionnant problème des relations entre les principaux embranchements primitifs.
Dans certains embranchements, certains groupes, certaines familles connaissent leur apogée au primaire. Ils déclineront par la suite, donnant des formes reliques, ou pourront disparaître.

Ainsi, l'embranchement des échinodermes compte alors plus d'une douzaine de classes, dont beaucoup sont actuellement disparues (cystoïdes, blastoïdes, carpoïdes). Certains carpoïdes sont aujourd'hui considérés comme un groupe archaïque de cordés. Les céphalopodes vont connaître un épanouissement précoce à partir de l'ordovicien. Les orthocératidés auront une survivance de 200 millions d'années (les nautiles se développeront durant tout le paléozoïque supérieur). Les ammonoïdés seront représentés par les goniatites (grande importance au dévonien, apogée au carbonifère). Les représentants des brachiopodes sont également particulièrement abondants au primaire supérieur. Les cœlentérés sont représentés par des formes spéciales de madréporaires (dès l'ordovicien), soit des polypiers solitaires, soit des tabulés coloniaux, contribuant avec des stromatoporidés à l'élaboration d'importantes séries récifales.
Dans d'autres groupes, les représentants sont nombreux, mais ils sont encore relativement primitifs. Ils connaîtront l'épanouissement dans des temps plus récents : par exemple gastropodes, lamellibranches.


5.2. Le développement des vertébrés
image: http://www.larousse.fr/encyclopedie/data/images/1004822-Formes_actuelle_et_fossile_de_crossopt%c3%a9rygien.jpg
Formes actuelle et fossile de crossoptérygien
Formes actuelle et fossile de crossoptérygien
Le paléozoïque connaît par la suite une autre étape importante dans l'histoire de la vie : le développement des vertébrés. Les premiers vertébrés connus apparaissent au silurien. Ce sont des agnathes (vertébrés sans mâchoires) comme le jamoytius, ou comme les ostracodermes, formes cuirassées. Au dévonien se développent les gnathostomes : poissons cuirassés (placodermes), sélaciens, poissons à double système respiratoire (dipneustes) et crossoptérygiens.


5.3. Le passage de la vie aquatique à la vie terrestre
C'est alors la colonisation du milieu continental, le passage de la vie aquatique à la vie terrestre. La conquête des terres émergées se fait peu à peu, d'abord par le développement des plantes supérieures : les lagunes dévoniennes se peuplent de petits cryptogames vasculaires, les psilophytes (telles les rhyniales du dévonien d'Écosse vivant dans des sortes de tourbières). Au carbonifère, les cryptogames se sont diversifiés : on est passé des plantes herbacées aux fougères arborescentes (filicales, lycopodiales, equisétales), dont l'accumulation va donner la houille. Ces végétaux sont accompagnés des célèbres fougères à graine (ptéridospermées). La naissance de ces préphanérogames, véritable transition avec les plantes supérieures, est une des plus remarquables de la paléobotanique : la réalisation de la graine. C'est enfin l'explosion des gymnospermes (cordates et déjà les cdniférales). Le développement des premiers insectes est sensiblement parallèle (blattes, libellules, etc.).
Mais le témoignage le plus remarquable du passage à la vie terrestre est la sortie des eaux des vertébrés, l'apparition des premiers vertébrés terrestres. La réussite en a été assurée par l'acquisition du membre de type tétrapode à partir des nageoires, dans le groupe des crossoptérygiens.
A partir des crossoptérygiens se différencie un groupe conduisant aux actuels batraciens urodèles, un autre conduisant à l'ensemble des autres tétrapodes. Les plus anciens de ceux-ci, les stégocéphales (par exemple Ichtyostega), ont encore de nombreux caractères de poissons, mais ont acquis la disposition particulière des membres. Un buissonnement évolutif a lieu, conduisant au développement des autres batraciens et des reptiles. Chez les reptiles, on décèle dès cette époque (fin du carbonifère, permien) une différenciation en deux groupes : sauropsidés (à l'origine de la lignée reptilienne) et théropsidés, à l'origine d'une lignée dite « mammalienne », car ils mèneront aux mammifères.


5.4. Les extinctions massives
Plusieurs extinctions massives d'espèces végétales et animales ont eu lieu au cours du paléozoïque. À la fin de l'ordovicien, il y a 425 millions d'années, 85 % des espèces ont disparu. À la fin du dévonien, il y a 360 millions d'années, de 50 % à 70 % des espèces ont disparu.
La grande extinction de la fin du permien (– 245 millions d'années)
À la fin du permien, dernière période du paléozoïque, il y a 245 millions d'années, s'est produite la plus importante des cinq extinctions de masse qui ont marqué l'histoire de la vie sur la Terre : on estime que plus de 90 % des espèces marines et 70 % des espèces terrestres ont alors disparu. Ses causes sont encore hypothétiques (chute d'astéroïde, grandes variations du niveau des mers, refroidissement du climat, volcanisme). Des groupes d'animaux marins, jusqu'alors très répandus et diversifiés, se sont entièrement éteints. Ce fut notamment le cas des trilobites, arthropodes caractéristiques du paléozoïque.


6. Principaux événements géologiques


6.1. Le paléozoïque inférieur
Au paléozoïque inférieur, des mouvements orogéniques importants affectent les bordures des plates-formes continentales. Entre les continents Canada-Groenland et Scandinavie s'édifie la chaîne calédonienne, chaîne de montagnes dont les plis aujourd'hui arasés se retrouvent en Norvège, en Écosse, au Groenland. Les conséquences sont essentielles, car l'orogenèse calédonienne a pour résultat de souder des blocs relativement disjoints en un continent nord-atlantique unique, séparé d'un continent méridional (Amérique du Sud, Afrique, Inde, Australie) par une vaste mer, la Mésogée.
L'Europe est alors un domaine marin, sous climat chaud, peuplé d'une abondante faune.
L'absence de toute vie animale et végétale sur les continents oblige à considérer la surface de ceux-ci comme absolument nue et désertique, sans sols, sans protection contre les agents de l'érosion, et donc permet de comprendre la formation d'abondantes séries détritiques terrigènes.
On peut observer en France les terrains du paléozoïque inférieur dans le Massif armoricain (grès armoricains de l'Ordovicien, minerais de fer de la vallée de l'Orne, schistes ardoisiers d'Angers), dans les Ardennes (ardoises de Fumay), dans la Montagne Noire (calcaires à Archaecyathidés), etc.


6.2. Le paléozoïque supérieur : la chaîne hercynienne

Arizona, canyon du Colorado
Le paléozoïque supérieur correspond à la chaîne hercynienne, responsable d'une grande part de la structure de l'Europe et de l'Amérique du Nord.
Les conditions de sédimentation ont changé. La chaîne calédonienne est arasée. Sur les continents désertiques s'accumulent d'épaisses séries détritiques, mais des lagunes se forment où vivent les vertébrés primitifs et d'où sortiront les premiers tétrapodes. Un manteau végétal se développe qui donnera d'exubérantes forêts houillères.

Dans la Mésogée s'effectue le bouleversement essentiel. En Europe, des îles émergent, formant des guirlandes allongées le long des rides, séparées par des fosses étroites et allongées où s'accumulent d'épais matériaux. D'importantes phases de plissement se succèdent. L'ensemble émerge. On observe aujourd'hui des roches qui occupaient au moment du plissement une position relativement profonde et qui ont conservé la trace de tout ce qu'elles ont subi pendant cette longue période de transformation : métamorphisme, granitisation. L'orogenèse s'échelonne sur un temps considérable. La chaîne naît progressivement (phases bretonne, sudète, asturienne du carbonifère inférieur et moyen en Europe occidentale, phase saalienne du permien dans l'Oural, qui, en se soulevant, unit définitivement l'Asie à l'Europe).


La formation des dépôts houillers

Les bouleversement se poursuivaient pendant que l'érosion attaquait la chaîne déjà formée : formation et plissements des dépôts houillers accumulés en bordure de chaîne (bassin houiller franco-belge) ou à l'intérieur de Ia chaîne (bassin houiller de Saint-Étienne), volcanisme intense (Esterel, Corse). Cette chaîne, grâce à laquelle les différents continents été pour la deuxième fois réunis, constitue encore en particulier l'ossature de l'Europe.


Les traces actuelles du paléozoïque supérieur
Les traces actuelles du paléozoïque supérieur sont considérables et spectaculaires : ce sont les massifs anciens (Cornouailles, Massif armoricain, Massif central, Massif schisteux rhénan, Bohême, Meseta espagnol). C'est le soubassement de bassins sédimentaires peu épais (bassin de Paris, Allemagne du Nord). Ce sont les noyaux des massifs alpins, ou pyrénéens, repris plus récemment dans de nouveaux mouvements tectoniques. Partout les terrains mésozoïques y sont discordants sur ce qui est devenu un socle, plissé et arasé, métamorphisé et granitisé. C'est pourquoi la discordance hercynienne constitue la grande coupure entre paléozoïque et mésozoïque.

 

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LE CARBONIFÈRE

 

 

 

 

 

 

carbonifère


Système du paléozoïque supérieur, le carbonifère est la période de l'ère primaire, de – 359 à – 299 millions d'années (durée 65 millions d'années), entre le dévonien et le permien. À la base, les sédiments marins sont pauvres en trilobites, mais riches en foraminifères (fusulines), brachiopodes, goniatites, etc., et localement en amphibiens. Les premières plantes du groupe des gymnospermes (conifères actuels) apparaissent. Les sédiments continentaux de la partie supérieure sont riches en végétaux (houilles), en insectes, arthropodes et en premiers restes de reptiles.
Au carbonifère, les masses continentales sont en contact (constituant un amalgame mouvant appelé la Pangée), mais elles continuent à se déplacer les unes par rapport aux autres, provoquant de grandes déformations (chaîne hercynienne) accompagnées de rotations de blocs, révélées par le paléomagnétisme, de l'Espagne à l'Europe centrale. Une glaciation encadrée par deux périodes chaudes affecte l'hémisphère Sud (Gondwana). Le carbonifère fait partie du cycle hercynien ou varisque.


La paléogéographie du carbonifère
Avec le carbonifère, après qu'en certaines régions une phase bretonne eut inauguré l'orogenèse hercynienne, une transgression générale, l'une des plus importantes des temps géologiques (comparable par son ampleur à celle du crétacé supérieur), s'avance sur toutes les masses continentales. Sur le continent nord-atlantique en Europe, c'est la transgression dinantienne. En Amérique du Nord, cette transgression est dite mississippienne. Le carbonifère saharien est également transgressif sur le continent nigritien.
Cette transgression marine dépose des calcaires. Les premières ébauches de chaîne hercynienne commencent à émerger, alimentant la sédimentation d'un flysch dans les fosses marines (faciès kulm ou culm en Europe).
Au carbonifère moyen et supérieur, la chaîne hercynienne commence à se structurer avec les phases sudète et asturienne, essentielles dans le domaine prototéthysien occidental (Amérique du Nord, Europe de l'Ouest).
Au carbonifère moyen, par suite du basculement de l'équateur, une zone d'évaporites se développe sous les latitudes subtropicales (régions septentrionales de l'Amérique du Nord, du Groenland et de l'Europe du Nord). Par ailleurs, l'équateur, qui passe alors par le sud des États-Unis et le sud de l'Europe, est le siège d'une exubérante végétation (forêt houillère) qui colonise les zones exondées par la surrection de la chaîne hercynienne. C'est en bordure de la chaîne hercynienne que se formeront les bassins houillers paraliques marins. Au carbonifère supérieur s'individualisent, à l'intérieur de la chaîne, des bassins houillers limniques continentaux.
La Pangée un moment réunie se dissocie, à la fin du carbonifère, en trois blocs qui connaîtront des évolutions paléogéographiques et bioclimatiques ultérieures différentes : au sud, le continent du Gondwana (boucliers brésilien, africain, arabe, australien) et, au nord, celui de l'Angara (plate-forme sibérienne) et le continent nord-atlantique.


La biostratigraphie et la chronostratigraphie du carbonifère
Le carbonifère constitue un système unique et se subdivise en deux parties ayant chacune rang de sous-système : dinantien et silésien en Europe, mississippien et pennsylvanien en Amérique du Nord.
Ces sous-systèmes se subdivisent eux-mêmes en séries : tournaisien et viséen pour le dinantien ; namurien, westphalien et stéphanien pour le silésien. Les autres dénominations correspondantes sont au nombre de douze et sont principalement définies à partir de stratotypes situés en Russie.


La paléontologie du carbonifère
Les animaux

À la suite des poissons, les batraciens se développent – avec l'apparition d'un groupe de grande taille, les stégocéphales – ainsi que les reptiles, dont le dimétrodon. Les premiers insectes sont connus au carbonifère. Parmi les microfossiles, les fusulines apparaissent. Elles constituent le fondement de la stratigraphie du permo-carbonifère mésogéen. Les trilobites et les goniatites restent très présentes.


Les végétaux

Les végétaux continuent leur explosion : les cryptogames vasculaires, se reproduisant par des spores, constituent de véritables forêts. Les groupes de ptéridophytes se diversifient, et certains atteignent des tailles d'arbres : filicales, lycopodiales (Lepidodendron, Sigillaria), équisétales (Calamites). Les gymnospermes (conifères actuels) sous forme de cordaïtes apparaissent.
Le volcanisme, la granitisation et les gisements métallifères au carbonifère
Au carbonifère inférieur, la mise en place de ceintures volcaniques sous-marines s'accompagne vers – 360 millions d'années d'une importante phase métallogénique en ce qui concerne le cuivre, l'or et les métaux de base, avec la formation en Europe des amas sulfurés de Neves Corvo (Portugal), de la ceinture sud-ibérique (Rio Tinto), de Mavan et Galmoy en Irlande, de la Toscane et de Chessy et Sain-Bel, en France.

Au carbonifère supérieur, un important volcanisme orogénique profond accompagne également la sédimentation du stéphanien. Avec les granitoïdes et l'hydrothermalisme connexes, il détermine la mise en place dans le socle ancien des hercynides d'Europe et d'Ouzbékistan, vers – 300 millions d'années, de minéralisations filoniennes économiques à or, antimoine, plomb, argent, zinc, et plus tardivement (vers – 280 à – 260 millions d'années) à zinc, plomb, fluorine et localement, uranium.

 

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ALEXANDRIE

 

Alexandrie

Principal port et deuxième ville d'Égypte.
Population pour l'agglomération : 4 400 104 hab. (estimation pour 2010)
Carrefour routier et ferroviaire, centre commercial et financier, industriel (textile, mécanique, chimie) et culturel (université ; bibliothèque [Bibliotheca Alexandrina, 2002, héritière symbolique de la bibliothèque antique]).
L'histoire d'Alexandrie
La création de la ville antique
Plusieurs villes, fondées par Alexandre le Grand au cours de ses campagnes militaires en Asie et en Égypte, portaient le nom d'Alexandrie. Mais la plus célèbre et la plus importante est Alexandrie la Grande, ou l'Égyptienne. L'emplacement de ce petit port méditerranéen, qui était fréquenté par les Phéniciens et qui avait été un lieu de garnison à l'époque pharaonique, séduisit Alexandre, car ses deux entrées naturelles formées par la proximité de l'île de Pharos, étaient idéales pour les manœuvres des embarcations grecques. Bâtie en 332 avant J.-C. ou, d'après certaines sources, à son retour de l'oasis d'Amon en 331 avant J.-C, elle était destinée à abriter les autochtones, la garde macédonienne, quelques immigrés grecs, ainsi qu'une minorité juive.
Il n'y avait à l’origine sur le site choisi qu'une pauvre bourgade, Rhakotis. À proximité, les marais du delta étaient habités par les Boukoloï, population de bergers farouches, auxquels se mêlaient tous les brigands de l'Égypte. Sur place, un sol pierreux, salin, ingrat, dépourvu d'eaux potables. Il fallait donc compter sur des citernes (il s'en construisit beaucoup) et accessoirement sur l'eau du lac Mariout. Entre la mer et ce lac, Alexandrie pouvait être la porte et le bastion de défense de l'Égypte, mais en demeurant à l'écart de la vallée du Nil ; il était entendu qu'elle se juxtaposait à l'Égypte, sans s'y intégrer : Alexandrea ad Ægyptum, Alexandrie près de l'Égypte. Favorisée par sa situation géographique et par la construction astucieuse de son port, Alexandrie devint rapidement un centre économique et une ville maritime des plus renommées de l'Antiquité. Mais aussi éclatante fut sa grandeur, aussi perturbée et aventureuse fut sa longue existence.
Alexandrie capitale de l'Égypte ptolémaïque : l’âge d’or
De 331 à 31 avant J.-C., Alexandrie fut la capitale d'un royaume gréco-égyptien. Durant son premier siècle d'existence et sous le règne des trois premiers Ptolémées, elle connut la gloire la plus resplendissante. Les maîtres de l'Égypte se plurent à orner la ville de la splendeur de l'art hellénistique, expression d'un monde en évolution. Ptolémée Ier, lieutenant d'Alexandre le Grand, dont il suivit fidèlement les principes de tolérance, sut se concilier la sympathie de ses sujets. Respectueux des institutions civiles et politiques, et des croyances et religions locales, il administra l'Égypte dans un climat de paix interne. Grâce à lui Alexandrie devint une capitale exemplaire; il fit construire des temples, des palais majestueux et le fameux phare d'Alexandrie, (Pharos) connu comme l'une des Sept Merveilles du monde et dont des vestiges significatifs ont été mis au jour lors de fouilles sous-marines en 1995. La ville devint également un centre culturel important où se rencontraient de nombreux savants et artistes, protégés et subventionnés par le souverain. La bibliothèque d'Alexandrie, qui réunissait plus de 700 000 manuscrits, fut célèbre de tous temps. Elle fut incendiée lors de la révolte de la ville contre César (guerre d'Alexandrie, 48-47 avant J.-C.). À la mort de Ptolémée Ier, surnommé le Sauveur, son fils lui succéda. Se gardant d'entraîner l'Égypte dans les conflits qui mettaient alors à feu et à sang les royaumes voisins, il se contenta de suivre avec ardeur la politique entreprise par son père. Ami des arts et des sciences, il s'entoura de nombreux poètes et savants, parmi lesquels s'illustrèrent Théocrite et Callimaque. Avec la mort de Ptolémée III Évergète, fidèle à la politique de ses prédécesseurs, prend fin l'âge d'or d'Alexandrie.
Alexandrie sous les rois lagides
Alexandrie était le lieu de résidence du roi lagide, dont le palais se trouvait à proximité du Grand Port. La Cour gravitait autour du souverain. L'administration propre de la ville pouvait être définie comme un ensemble de corporations (politeumata) correspondant aux différentes nationalités d'origine, celle des Grecs, appelés aussi citoyens ou tout simplement Alexandrins, étant de beaucoup la plus forte. Au sommet, des représentants du roi : gouverneur, préfet de police, exégète et ethnarque, veillaient à la police, à l'approvisionnement et à l'administration en général.
Cette coexistence des puissants et de la population explique la plupart des troubles qui perturbèrent la vie urbaine. Ces troubles étaient dus d'abord aux autochtones égyptiens, difficiles à gouverner, ensuite aux mercenaires, nombreux et indisciplinés (Alexandrie était la principale ville de garnison), enfin aux Alexandrins eux-mêmes. Il n'y eut pas de révolutions organisées, mais des soulèvements de caractère spontané, provoqués par la politique royale ou les problèmes dynastiques (en 203, 170, 165, 136-135, 80 avant J.-C.). De leur côté, les maîtres ne s'étaient pas privés de provoquer le peuple, surtout Ptolémée VII, qui connaissait l'hostilité de beaucoup d'Alexandrins à son égard.
Les Juifs d’Alexandrie
Flavius Josèphe estimait le nombre des Juifs d'Alexandrie à 100 000. Ils habitaient surtout le quartier dit du « Delta », à l'est des ports et du palais, mais ne s'y confinaient pas. Ils étaient établis de longue date en Égypte, où ils étaient venus en qualité de mercenaires ou de rescapés de l'exil de Babylone. Alexandre leur aurait donné toute licence de profiter de sa fondation nouvelle. Ptolémée Ier avait ramené beaucoup de prisonniers juifs, qui vécurent là comme soldats ou comme esclaves. Ces derniers s'affranchirent vite et tous prospérèrent dans le cadre de leur communauté, dirigée par un ethnarque assisté d'un conseil.
À la jalousie des Grecs s'ajoutèrent les effets d'une tradition d'antisémitisme déjà ancienne dans les milieux égyptiens cultivés. Enfin, ce qui ne détendit pas l'atmosphère, les Juifs furent mêlés aux affaires dynastiques, quand, mal vu des Alexandrins, Ptolémée VI fit appel à un contingent juif pour lutter contre Ptolémée VII, lequel se vengea par la suite.
Il existe des traces de l'activité intellectuelle des Juifs alexandrins. Un certain Aristée, repris par Flavius Josèphe, avait décrit le studieux travail des Juifs hellénisés. C'est dans leur milieu que fut rédigée la traduction grecque de l'Ancien Testament connue sous le nom de version des Septante, et qui mettait les livres sacrés des Hébreux à la portée de ceux qui ne lisaient plus que le grec. Dans les synagogues alexandrines, on priait en grec. Hellénisés à ce point, les Juifs avaient été en mesure de fournir à la monarchie de hauts fonctionnaires, issus de familles parfois très riches, comme celle du philosophe Philon.
Alexandrie romaine
César et la guerre d'Alexandrie

César débarqua à Alexandrie en octobre 48 avant J.-C., juste avant l'assassinat de Pompée. La foule et les soldats de Ptolémée manifestèrent vivement contre lui, et des soldats romains furent assassinés les jours suivants. César dut se retrancher dans le quartier du palais ; il réussit à brûler la flotte égyptienne et les arsenaux ; le feu se communiqua à la bibliothèque. Il vainquit la flotte des Alexandrins, mais il dut un peu plus tard s'enfuir à la nage de son vaisseau qui chavirait. Deux mois plus tard, il sortait d'Alexandrie pour rejoindre son allié Mithridate, débarqué à Péluse, et rentrait victorieusement dans la ville, en mars 47 avant J.-C. Il regagna Rome à une date controversée, mais vraisemblablement en septembre 47 avant J.-C. Cette guerre a été racontée dans un Bellum Alexandrinum, d'un auteur contemporain.
La ville sous l’Empire romain

Sous l'Empire romain, l'essentiel de la machine gouvernementale demeura dans la ville, devenue résidence du préfet d'Égypte, de l'idiologue (intendant du domaine impérial), de l'alabarque (directeur des impôts indirects) et de quelques procurateurs impériaux. On peut essayer d'estimer la population à l'époque impériale à partir de l'affirmation de Diodore de Sicile, qui donnait à Alexandrie 300 000 habitants libres. C'était la seconde ville de l'Empire. Les empereurs s'attachèrent à l'embellir et à y laisser les marques de leur gloire ou de leur vénération envers les dieux. Auguste bâtit la ville satellite de Nikopolis, ou Juliopolis, avec les bâtiments nécessaires aux jeux quinquennaux institués en souvenir de sa victoire sur Antoine. En l'honneur de l’empereur Dioclétien, un préfet d'Égypte érigea une colonne, longtemps appelée colonne de Pompée, et qui se trouvait dans l'enceinte du Serapeum. À l'époque impériale furent encore érigés quelques nouveaux sanctuaires, dont celui de Mithra, des bains publics, dont les noms ont été conservés par les textes, et des lieux consacrés aux spectacles. Les spectacles, effectivement, ne manquaient pas. Les larges boulevards se prêtaient aux parades à l'occasion de la venue de l'empereur comme aux processions religieuses. Les athlètes alexandrins étaient nombreux et réputés. Alexandrie aurait même été la première ville gréco-orientale à avoir un cirque.
Une vaste boutique
« Alexandrie tout entière n'est qu'une vaste boutique », disait Grégoire de Nazianze. On imagine quelque chose d'analogue aux souks de l'époque arabe : des rues entières d'artisans boutiquiers se consacrant à diverses spécialités. Le travail du verre produisait des vases ornés, souvent dorés, qui avaient un grand succès dans le monde. La poterie de fabrication locale est plus modeste : ce sont surtout des vases à dessin sur fond clair, blanc ou crème, à usage funéraire, les hydries dites de Hadra, du nom d'une nécropole. La toreutique et la bijouterie ont également produit des œuvres remarquables. Autre spécialité alexandrine, les tissus de qualité, brochés, damassés ou brodés, y compris ceux qui étaient à décor de style barbare destinés à l'exportation lointaine. On tissait aussi un lin de très fine qualité, le byssos. Les produits de parfumerie et de pharmacie constituaient l'objet d'une industrie importante, très organisée, qui traitait les plantes du Delta aussi bien que les produits d'Arabie. La valeur des produits manipulés entraînait un exceptionnel luxe de précautions contre les vols dans les officines. Une partie était exportée, mais la pratique égyptienne de l'embaumement et les goûts des Alexandrins en absorbaient la plus grande part.
L'activité n'était pas moins grande du côté des ports. De grands chantiers navals construisaient ou réparaient les bateaux, en utilisant le bois importé de Phénicie ou d'Asie Mineure. Ptolémée IV y avait fait construire un navire royal très somptueux et un gigantesque vaisseau à quarante rangs de rames. Dans le même secteur, en bordure des ports, se trouvaient les magasins, et surtout les silos, où s'entassait le blé d'Égypte, véritable monnaie d'échange à l'époque lagide et produit essentiel d'exportation vers Rome à l'époque impériale. Les exportations comportaient en outre le papyrus et les produits du désert et de l'Orient, marbres, pierres précieuses, épices. Les importations consistaient en huile et vin, d'ailleurs lourdement taxés sous les Ptolémées.
Une foule turbulente

Sous la tutelle étroite de Rome, Alexandrie paraissait devoir retrouver un certain calme. Les empereurs, qui connaissaient les foules, se méfiaient : la ville fut relativement isolée, n'ayant plus de gouvernement direct sur l'Égypte et étant devenue grenier privé de l'Empire. Il y eut cependant quelques épisodes d'une rare violence.
Sous Néron, en 66, une bataille éclata à l'amphithéâtre, et, à titre répressif, les soldats firent un vrai carnage dans le quartier juif. Sous Trajan, de 115 à 117, les Juifs manifestèrent par leur révolte leur participation à l'agitation qui ébranlait leurs rangs dans tout l'Orient : ce fut l'origine d'une guerre sans merci qui nécessita l'appel à des troupes extérieures à l'Égypte, et entraîna destructions, confiscations de biens, exécutions. Les Juifs furent alors parqués dans leur ghetto du Delta.
En 215, Caracalla vint à Alexandrie, où il fut accueilli avec beaucoup d'honneur, mais aussi avec des plaisanteries qu'il n'apprécia pas, et en tira une vengeance froidement calculée : il prit un prétexte pour réunir la jeunesse et la fit massacrer.
En 273, l'empereur Aurélien vint mettre fin à la révolte du Grec Firmus, qui s'était donné les droits d'un souverain. Le quartier du Brouchion, où ses fidèles s'étaient repliés, fut dévasté.
En 296, après huit mois de siège, Dioclétien entra dans Alexandrie, où un nommé Achilleus s'était proclamé empereur. La ville souffrit, tant pendant le siège que lors de la répression qui suivit. Mais une page était tournée : les chrétiens se haussaient désormais au premier plan de l'actualité.
Alexandrie dans l'Empire byzantin
De 326 à 641, Alexandrie passe sous le contrôle de l'Empire byzantin. L'installation d'un empire chrétien à Byzance, héritier de l'Empire romain d'Orient consacra Alexandrie comme capitale de la chrétienté, aux côtés de Constantinople et d'Antioche.
Alexandrie chrétienne

L'Église d'Alexandrie est, à n'en pas douter, des plus anciennes, bien que soit légendaire la tradition qui attribue sa fondation à l'apôtre saint Marc. Les chrétiens ne font parler d'eux qu'à dater de la persécution de Septime Sévère, en 202. La persécution de Decius fut terrible, celle de Dioclétien incita les Alexandrins à faire partir de son avènement l'ère dite des martyrs, expression qui fut utilisée aux ve et vie s. Les derniers martyrs datent du temps de Maximin Daïa. Ensuite, le nombre des chrétiens se multiplia, tandis que le paganisme conservait des défenseurs acharnés dans les milieux intellectuels et des alliés chez les Juifs. La fermeture des temples païens et la destruction du Serapeum en 391, les combats avec les Juifs et la lapidation de la philosophe Hypatie en 415 marquèrent les luttes entre païens et chrétiens.
L'Église avait depuis longtemps des structures bien établies. Un patriarcat avait été fondé. Dès 362, un concile alexandrin avait promulgué des décisions qui complétaient celles de Nicée. La cathédrale fut construite sur ce qui restait du Cesareum.
La ville avait conservé sa qualité de foyer intellectuel : jusque sous Justinien subsistèrent des écoles païennes (en particulier l'école philosophique néo-platonicienne), et l'aptitude aux discussions théologiques créait un climat favorable à la naissance des hérésies. L'hérésie d'Arius y fut brillamment et ardemment combattue par l'éminent patriarche que fut saint Athanase (328-373). Aux ve et vie s., le monophysisme, qui avait la faveur des coptes, fut à l'origine de désordres sérieux. Lieu d'élection de cette hérésie, Alexandrie fut privée de son patriarche Théodose, exilé et remplacé par Paul, moine orthodoxe et autoritaire (538). Ce qui n'empêcha pas les monophysites de revenir en force. En 633, l'empereur Héraclius avait cru rétablir la paix religieuse : en réalité, les monophysites, persécutés, croyaient voir l'Antéchrist en la personne du patriarche Cyrus.
Pour en savoir plus, voir l'article Empire byzantin : histoire.
Alexandrie, ville arabe, vénitienne, puis ottomane
Occupée par les Perses (616), elle fut ensuite conquise par les Arabes (641-642), installés à Péluse dès 639, ils entrèrent dans Alexandrie en 642.
La réduction radicale de l'activité commerciale suivit celle de la population. Vers 875, Ahmad Ibn Tulun faisait abattre les trop vastes remparts antiques pour édifier une enceinte plus restreinte.
En 1202, les Vénitiens prirent momentanément Alexandrie. Comme les Génois et les Pisans, et même plus qu'eux, ils obtinrent des privilèges commerciaux et firent du port un centre de commerce des épices de l'Orient, aux xive et xve s. Ils y importaient en contrepartie des armes et des esclaves originaires des Balkans. Le Sultan percevait des droits de port élevés.
La découverte de l'itinéraire du cap de Bonne-Espérance réduisit l'activité transitaire avec l'Orient. La venue des Turcs Ottomans, en 1517, porta le coup de grâce à Alexandrie, qui fut saccagée.
L'Époque moderne
Quand Napoléon Bonaparte débarqua à Alexandrie en 1798, il n'y avait plus que 7 000 habitants. Méhémet-Ali redonna quelque rôle à la ville, dont la population remonta : 25 000 habitants en 1825, 100 000 en 1850. De son temps datent diverses constructions : un nouveau phare, à l'ouest de la presqu'île, l'arsenal du port de l'ouest, le palais de Ras al-Tin, enfin le canal Mahmudiyya, qui contourne l'agglomération par le sud, remplace l'ancien canal canopique et relie Alexandrie au Nil.
Ce fut le signal de la renaissance de la ville, qui, point de départ de la route terrestre des Indes, s'européanisa progressivement et attira non seulement des Français et des Anglais, mais aussi des Grecs, des Juifs et des Syriens. Elle fut la capitale de fait de l'Égypte, depuis Méhémet-Ali jusqu'à l'avènement d'Ismaïl, qui favorisa Le Caire.
La géographie de la ville antique
La ville s'étendait le long de la mer et s'accrochait à quelques collines. À l'ouest le vieux quartier indigène de Rhakotis, à l'est le quartier royal (Brouchion), puis le quartier juif et les faubourgs. En face, l'îlot rocheux de Pharos, qui fut bientôt relié au continent par un pont, l'Heptastadion. Ce pont, qui séparait les deux ports, le Grand Port à l'est et l'Eunostos à l'ouest, est remplacé aujourd'hui par un large tombolo.
Alexandre le Grand avait confié à l'architecte Dinocratès, de Rhodes, le soin de tracer le plan de la ville : ce fut un damier de larges avenues selon la manière des urbanistes de ce temps.
L'ensemble était ceinturé de remparts, qui jouèrent efficacement leur rôle jusqu'à leur démolition, au ixe s. Selon l’historien Tacite, ils avaient été l'œuvre de Ptolémée Ier, mais les fouilles n'ont pas confirmé cette ancienneté de façon absolue et n'ont reconstitué qu’approximativement leur tracé.
Culture et patrimoine d’Alexandrie
Le patrimoine de la ville antique
Les recherches ultérieures, menées par les conservateurs successifs du Musée gréco-romain, ont permis de découvrir des vestiges du Serapeum [expliquer], mais elles ont surtout porté sur les nécropoles, nombreuses dans les alentours : la plus spectaculaire est, au sud, celle de Kum al-Chaqafa, la « colline des tessons ».
Si l'on veut se faire une idée des principaux monuments d'Alexandrie, il faut se tourner vers les auteurs anciens. Le géographe Strabon énumère une partie des édifices : le fameux phare qui tient son nom de l'île de Pharos, les palais royaux, de l'autre côté du port, sur le cap Lochias, et, au-delà de ceux-ci, le théâtre, le Timonium bâti par Antoine, le Cesareum construit par Cléopâtre en mémoire de César ; beaucoup plus à l'intérieur, le Serapeum, qui semble dominer la ville, l'amphithéâtre et le stade du quartier de Nikopolis, le gymnase, le Paneum, colline artificielle dans laquelle on monte par un escalier intérieur. Deux édifices ont bénéficié d'un prestige tout particulier et ont marqué la vie alexandrine : le Serapeum et le Musée.
Le culte de Sérapis
L'origine du culte, typiquement alexandrin, de Sérapis, est obscurcie par la légende. Son temple, le Serapeum, était de beaucoup le plus grand d'Alexandrie. Il était situé sur une colline, aux abords de Rhakotis, là où l'on voit la colonne de Dioclétien [empereur]. C'était une enceinte carrée, close de murs, et dans laquelle se trouvaient divers sanctuaires de Sérapis et des divinités qui lui étaient associés, Isis et Harpocrate. Les fouilles ont permis de découvrir des plaques de fondation, en une collection de matériaux différents, allant de l'or à la faïence et attestant les constructions successives. Outre les sanctuaires, l'enceinte contenait des habitations de prêtres, des portiques, une bibliothèque.
Alexandrie renfermait au minimum deux ou trois autres temples de Sérapis. L'île de Pharos possédait un temple d'Isis Pharia, et il y avait des lieux de culte consacrés aux souverains : culte d'Alexandre au Sêma (son tombeau), culte d'Arsinoé II à l'Arsinoeion, temple de Ptolémée Ier et de ses successeurs, qui s'identifiaient volontiers à des divinités classiques. Le temple que Cléopâtre avait érigé en l'honneur de César (le Cesareum) fut consacré par Auguste au culte impérial (le Sebasteion).
Le Musée, la bibliothèque
Le célèbre Musée d'Alexandrie, placé sous l'invocation des Muses, donnait asile aux intellectuels les plus éminents de l'époque, venus de tout le monde grec. Installé en plein centre de la ville, il comportait des promenades, des portiques, des salles de conférences, une salle à manger, un parc zoologique, des installations spécialisées telles que celles qu'utilisaient les astronomes, et enfin la bibliothèque. La vie intellectuelle bénéficiait ainsi d'un climat favorable et de la protection royale. Certains pensionnaires (le poète Callimaque, le critique Zénodote, le poète Apollonios de Rhodes) détinrent les fonctions de bibliothécaire. La bibliothèque fournissait des instruments de travail abondants. La production du papyrus favorisa le développement de la paperasserie égyptienne, mais aussi la multiplication des écrits. Alexandrie était donc l'endroit d'élection pour la plus grande bibliothèque du monde antique. Fondée sous Ptolémée Ier, elle était, à la fin de la période hellénistique, riche de 700 000 volumes ! Chiffre étonnant, auprès du petit nombre d'œuvres classiques qui ont survécu. Chiffre qu'il faut réduire pour comprendre l'importance réelle de la bibliothèque : ces volumina, rouleaux de papyrus, ne comprenaient pas le dixième du texte d'une brochure moderne, et, d'autre part, on avait catalogué généralement plusieurs exemplaires d'un même écrit. Le Serapeum contenait une autre bibliothèque, plus petite.
La grande bibliothèque avait brûlé accidentellement en 47 avant J.-C., durant la guerre d'Alexandrie : reconstituée avec des livres venus de Pergame, elle eut encore à pâtir des désordres des iiie et ive s. après J.-C.
L’un des principaux foyers intellectuels de l’Antiquité
Ces événements n'empêchèrent pas la vie intellectuelle de prospérer ; après le temps des poètes de cour (Apollonios, Aratos de Soles, Callimaque, Théocrite, Timon) et des grammairiens (Zénodote, Aristarque de Samothrace), après le temps des érudits juifs (Philon et les auteurs des Septante, de la Lettre d’Aristée) vinrent les philosophes néo-platoniciens (Ammonios et son disciple Plotin, Jamblique) et leurs rivaux chrétiens (Clément d’Alexandrie, Origène, saint Denys le Grand). Alexandrie demeura ainsi une des capitales de la discussion philosophique jusqu'à la fin de l'Antiquité.
LE PHARE D'ALEXANDRIE
Introduction
À la fin de l'année 333 avant J.-C., Alexandre, ayant réduit les ports de la côte syrienne et les estimant trop à la portée d'un retour perse, prit la décision de créer de toutes pièces une grande cité portuaire sur la côte d'Égypte. Le choix du conquérant se porta sur un site naturellement abrité, situé à l'ouest de l'embouchure du Nil, mais non pas sur le fleuve lui-même, dont les atterrissements modifient le rivage et le rendent peu propice à l'aménagement d'un port. Il confia alors à son architecte Dinocratès le soin de dessiner la nouvelle ville et d'en aménager le port. On est en droit de penser que le Phare figurait déjà dans le projet de Dinocrate, peut-être à l'instigation d'Alexandre, mais il est certain que sa construction ne fut entreprise qu'à la génération suivante. Considéré dans l'Antiquité comme la septième merveille du monde, il n'est plus connu aujourd'hui que par de rares témoignages littéraires et iconographiques. Les recherches menées sur place depuis 1994 par l'Institut français d'archéologie orientale et par le Centre d'études alexandrines, notamment les fouilles sous-marines, ont permis de dégager des vestiges immergés par 8 m de fond, sous lesquels pourraient se trouver des blocs appartenant au célèbre monument. À la faveur de ces fouilles, on a retrouvé la statue de Ptolémée XII Aulète, le père de la reine Cléopâtre VII.
Un monument antique
C'est Ptolémée Sôtêr qui commanda l'ouvrage à l'architecte Sostratos de Cnide, lequel dut commencer les travaux aux alentours de 290 avant J.-C. Architecte et ingénieur de talent, Sostratos poursuivit ses travaux alexandrins durant le règne suivant. La construction du Phare demanda, on s'en doute, plusieurs années, et l'inauguration eut lieu sous le règne de Ptolémée Philadelphe vers 280 avant J.-C.
Par une bonne fortune, nous connaissons la dédicace du monument, rapportée par Strabon (Géographie XVII, 1,6) et mentionnée par Pline l'Ancien et Lucien. Voici le texte de Pline :« L'on vante aussi une tour, ouvrage royal, élevée dans l'île de Pharos qui commande le port d'Alexandrie. Elle coûta, dit-on, huit cents talents, et, pour ne rien passer sous silence, rappelons la magnanimité du roi Ptolémée qui permit à l'architecte Sostratos de Cnide d'y inscrire son nom sur le corps même de la construction. Son utilité est de montrer aux navires, au cours de leurs navigations nocturnes, des feux semblables à ceux qui brûlent à présent en bien des endroits, ainsi à Ostie et à Ravenne. » (Histoire naturelle, livre XXXVI, 18, traduction R. Bloch).
Il n'est pas sans intérêt de noter que l'auteur, qui écrit à l'époque de Néron, croit devoir expliquer l'utilité et le rôle du Phare, ce qui inciterait à croire que ce type d'édifice était encore une nouveauté pour les Romains. Ainsi Suétone y fait référence lorsqu'il décrit la construction du premier phare d'Ostie par l'empereur Claude, vers l'an 50 de notre ère :« Il [Claude] créa le port d'Ostie en faisant construire deux jetées en arc de cercle à droite et à gauche, et dans des eaux déjà profondes, un môle pour barrer l'entrée ; pour asseoir ce môle plus solidement, on commença par couler le navire qui avait amené d'Égypte le grand obélisque […] là-dessus, on construisit une foule de piliers supportant une tour très haute, destinée, comme celle du Pharos d'Alexandrie, à éclairer de ses feux pendant la nuit la route des navires. » (Vie des douze césars, Claude, XX, traduction H. Ailloud).
Strabon, après nous avoir décrit minutieusement le découpage de la côte et« l'île de Pharos […] simple îlot de forme oblongue et tellement rapproché du rivage qu'il forme avec lui un port à double ouverture », nous explique que la passe d'accès au port oriental, le Portus Magnus des Romains, le mieux abrité, eût été pratiquement inaccessible sans un signal pour en indiquer l'entrée. Ainsi naquit l'idée, non seulement d'un amer diurne mais, mieux encore, d'un fanal autorisant les approches nocturnes depuis une grande distance. Enfin, l'auteur de la Géographie précise que« Sostratos de Cnide l'a érigé et dédié […] ainsi que l'atteste l'inscription apposée sur le monument. ».
Les témoignages littéraires
À l'époque pharaonique, l'île de Pharos était occupée par un village de pêcheurs, qui, à l'époque ptolémaïque fut transformé en place forte destinée à protéger l'accès maritime d'Alexandrie (Histius, De bello Alexandrino, XIV, 1 ; XVII, 19-21) ; le Phare lui-même et son enceinte propre devaient, grâce à leur situation de commandement immédiat de l'entrée du port, jouer un rôle dans ce système d'alerte et de défense.
Ce n'est donc pas sans raison si, en 1477, comme le rapportent les chroniques arabes, le sultan mamelouk Qaitbay, au cours d'une visite d'inspection à Alexandrie, donna l'ordre de construire une forteresse sur l'extrémité nord-est de l'île de Pharos, là où se trouvaient, selon toute probabilité, les restes du Phare. Le chroniqueur Ibn Iyas, à qui nous devons l'information relative à l'édification du fort, déclare en effet que celui-ci devait s'élever « sur des fondations antiques », sans préciser toutefois la nature perceptible de ces vestiges.
Deux ans après que Qaitbay eut commandé la construction de la forteresse, un voyageur allemand du nom de Tucher visite Alexandrie et décrit le nouvel ouvrage, confirmant l'initiative du sultan et la date des travaux. Son témoignage et ceux d'autres chroniqueurs ont été rassemblés en 1909 par l'archéologue allemand Hermann Thiersch dans son importante monographie : Pharos, Antike, Islam und Occident ; cet auteur, à partir de la réunion des différents récits anciens et en utilisant des représentations monétaires a proposé une restitution du Phare qui demeure aujourd'hui l'une des plus vraisemblables.
Que nous disent les textes antiques et les récits de voyageurs de l'aspect du monument tant durant sa phase de fonctionnement que durant sa lente destruction ? César, dans sa Guerre civile (De bello civil) entre deux récits de combats pour la maîtrise d'Alexandrie, prend le temps de noter :« Le Phare est une tour très élevée, d'une architecture merveilleuse, bâtie dans une île dont elle porte le nom. » C'est tout et c'est peu ; on y trouve néanmoins une évocation de dimension et un jugement qualitatif. Pline l'Ancien, cité à propos de la dédicace de Sostratos, s'il est plus disert, puisqu'il révèle même le prix de la construction, néglige malheureusement de décrire l'aspect du Phare, qui est seulement qualifié de « tour ». C'est en fait grâce à Strabon que l'on entrevoit la silhouette du monument, qui devient sous sa plume une « tour à plusieurs étages, en marbre blanc ».
Cette information, toutefois, peut sembler anodine, puisqu'une tour- construction élevée - possède généralement plusieurs étages ; il fallait donc interpréter différemment cette formule et comprendre « plusieurs étages visibles donc en retrait les uns sur les autres ». C'est alors que l'on retrouve la silhouette « en ziggourat » des phares figurant sur les mosaïques d'Ostie.
Un autre auteur antique, rapportant une chronique sans rapport direct avec Alexandrie, nous parle de la forme du Phare : il s'agit de Flavius Josèphe, lequel dans sa description du siège de Jérusalem établit un état des défenses de la ville (la Guerre des Juifs, livre V, 2). Parmi les constructions énumérées figure une tour dite « de Phazaël » dont Josèphe nous dit que « sa forme ressemblait à celle du phare d'Alexandrie où un feu toujours allumé sert de fanal aux mariniers pour les empêcher de donner à travers les rochers qui pourraient leur faire faire naufrage ; mais celle-ci était plus spacieuse que l'autre ». Ailleurs, il précise : « La clarté du feu du Phare s'étend jusqu'à trois cents stades. »
Beaucoup plus tard, à un moment où le Phare en tant que signal lumineux était abandonné à la suite de destructions, l'écrivain arabe Ali al-Masudi, nous décrit dans ses Prairies d'or le monument tel qu'on pouvait encore le voir et l'estimer :« La hauteur du Phare, actuellement, est à peu près de 230 coudées. Anciennement, elle était d'environ 400 coudées ; le temps, les tremblements de terre et les pluies l'ont détérioré ; […] sa construction a trois formes : il [le phare] est carré jusqu'à un peu moins que la moitié et un peu plus que le tiers ; là, la construction est en pierre blanche ; ce qui fait 110 coudées à peu près. Ensuite, la figure en devient octogone et il est alors construit de pierres et de plâtre dans l'étendue de soixante et quelques coudées. Un balcon l'entoure pour pouvoir se promener autour. Enfin, la partie supérieure en est ronde. ».
Un musulman de Málaga, Ibn al-Sayg, ayant séjourné à Alexandrie en 1165 et 1166, eut la curiosité de mesurer, à l'aide d'une corde, dit-il, la tour du Phare et nous livre les dimensions suivantes : pour le premier étage, carré, une hauteur que l'on peut traduire par 60 m et pour le deuxième étage, octogonal, une hauteur de 26 m ; avec le dernier niveau la hauteur totale avoisinait 105 m. Ce dernier niveau, cylindrique, Ibn al-Sayg, en fait une petite mosquée en forme de coupole. Plus tard, l'historien arabe Ahmad al-Maqrizi (1364-1442), grand compilateur de chroniques anciennes, écrit à propos de deux témoignages anciens :« Un écrivain dit l'avoir mesuré et avoir trouvé 233 coudées [pour la hauteur du Phare] ; il est de trois étages : le premier étage est un carré haut de 121,5 coudées ; le deuxième est octogone, de 81,55 [de haut] ; le troisième étage est rond, il a 31,5 coudées. ».
Ibn Djubayr note, dans son mémoire de voyage, que le Phare d'Alexandrie paraît à plus de 70 milles ; qu'il a mesuré lui-même un des quatre côtés de l'édifice, en l'année 548 de l'hégire (1183), et qu'il l'a trouvé de plus de 50 coudées, que, enfin, la hauteur dépassait 150 brasses. Reprenons ces mesures et traduisons-les : pour al-Masudi, la hauteur restante est de 102 m, elle était à l'origine de 177,40 m (« à peu près ») ; le premier étage, de plan carré, est haut de 48,78 m, le deuxième, octogonal, est haut de plus de 26,61 m, enfin la partie terminale, ronde, n'est pas évaluée. Chez l'auteur du xiie s. cité par al-Maqrizi, les dimensions se précisent et deviennent : pour la hauteur totale, de 103,33 m ; pour le premier étage, carré, de 53,88 m ; pour le deuxième étage, octogonal, de 36,14 m ; enfin, pour le troisième étage, circulaire, de 13,97 m. Enfin, le second auteur cité par al-Maqrizi ajoute une troisième série de dimensions : une hauteur de plus de 225 m ( !) et un côté à la base de 22,17 m, un véritable stylet ayant, telle une colonne, une hauteur égale à dix fois la base !
Autre chroniqueur et voyageur arabe apportant des précisions sur le Phare, Ibn Battuta, le « Voyageur », originaire de Tanger, nous a laissé une description de l'état du Phare en 1326 : à cette date, l'un des quatre côtés de l'édifice, dont la base mesurait 100 pieds, s'était effondré. Retourné sur place vingt-trois ans plus tard, l'auteur constate que la dégradation s'est accrue considérablement au point qu'il est même devenu impossible d'accéder à la porte.
De ces dimensions, parfois fort variables, nous retiendrons que le Phare avait une hauteur voisine et légèrement supérieure à une centaine de mètres et qu'il était constitué de trois étages, de hauteur et de largeur dégressives, et respectivement de plan carré, octogonal et circulaire.
Les témoignages iconographiques
L'iconographie du Phare est certainement celle qui est la plus abondante de celle des Sept Merveilles. La meilleure source nous est donnée par des monnaies alexandrines, frappées entre le règne de Domitien (81 à 96) et celui de Commode (180 à 192), sur lesquelles le Phare apparaît avec ses trois étages. On y distingue même, au sommet du premier étage, les silhouettes de tritons sonnant de la trompe, tandis qu'une statue, Poséidon ou Ptolémée divinisé, somme le dernier étage. Dans une telle structure, le foyer devait être abrité dans le pavillon sommital ajouré par une colonnade.
D'autres supports présentent le Phare avec une précision variable ; deux sont des mosaïques d'époques tardives, un autre, beaucoup moins conventionnel est un verre gravé, souvenir anecdotique d'un voyageur ayant séjourné à Alexandrie, retrouvé sur le site de Begram, en Afghanistan ; enfin, trois lampes de terre cuite en forme de phare sont conservées au musée d'Alexandrie.
Les deux mosaïques apparaissent comme plus explicites : la première, malheureusement mutilée, provenant de la basilique Saint-Jean de Gerasa, identifie Alexandrie par une inscription et montre le Phare, isolé de la ville. La seconde mosaïque, datée des environs de 1200, se trouve dans la basilique Saint-Marc de Venise et représente l'arrivée du saint à Alexandrie. À cette époque, le Phare avait cessé de fonctionner en tant que tel et ne servait plus que d'amer diurne, tandis que sur son sommet une petite mosquée avait été aménagée.
BEAUX-ARTS
Plusieurs musées témoignent du passé de la ville ; la nécropole d'Anfouchi (iiie-iie s. avant J.-C.), les catacombes de Kom el-Chougafa (ier-iie s.) et le musée national d'Alexandrie (2003).

 

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PYRAMIDE

 

pyramide


Les pyramides sont des structures à base carrée, rectangulaire ou triangulaire et à faces triangulaires qui s'élèvent en forme de pointe. Le nom provient sans doute d'un ancien mot égyptien mais c'est à travers le grec (langue dans laquelle il désignait peut-être une sorte de gâteau de forme pyramidale) qu'il nous est parvenu.
Les pyramides artificielles les plus importantes et les plus célèbres sont des structures de pierre élevées servant de sépultures aux pharaons égyptiens de l'Ancien Empire. Ce type de sépulture fut repris périodiquement dans l'Égypte du Sud et en Nubie pendant deux mille cinq cents ans, mais à une échelle beaucoup plus modeste. Parmi les autres structures monumentales de forme principalement pyramidale, l'on trouve en Mésopotamie ancienne les ziggourats en briques de terre crue, des tours bâties pour soutenir des chapelles, ainsi que de nombreux vestiges précolombiens au Mexique, en Amérique centrale et au Pérou, construits principalement comme soubassements de temples.
Les pyramides égyptiennes

Imhotep, pyramide de Djoser, SaqqarahImhotep, pyramide de Djoser, Saqqarah
Les pyramides égyptiennes étaient des monuments funéraires, à l'origine, exclusivement réservés au pharaon, dont ils abritaient les dépouilles ; par sa forme, la pyramide symbolisait l'escalier menant le pharaon vers Rê, le dieu Soleil.
Environ quatre-vingts pyramides de l'Égypte antique ont été conservées. La plupart d'entre elles sont situées sur la rive occidentale du Nil, au bord du désert et au-delà de la zone cultivable de la vallée. La plupart des grandes pyramides égyptiennes furent élevées pendant l'Ancien Empire, entre les IIIe et VIe dynasties à Gizeh, Saqqarah, Dahchour, Meïdoum et Abousir. Tous ces sites se trouvent au nord du pays, à environ 30 kilomètres de l'ancienne capitale, Memphis, juste au sud du Caire actuel. Quelques pyramides plus modestes furent aussi érigées dans le Nord pendant la première période intermédiaire, et ultérieurement, pendant le Moyen Empire, il y eut un renouveau de construction de pyramides dans la province du Fayoum. Il existe même quelques très petites pyramides qui n'ont toujours pas été identifiées en Égypte, par exemple à Seila, Zaouiêt-el-Amouat et El Kola, et celles-ci remontent probablement aussi à l'Égypte primitive.
La forme pyramidale persista pendant le Nouvel Empire, visible dans les petites superstructures en terre crue que sont les chapelles mortuaires de roturiers à Abydos et à Thèbes. Le dernier renouveau majeur de cette forme au bord du Nil est situé beaucoup plus bas au sud, en Nubie – à Kuru, Nuri, Napata et Méroé – où les structures en briques de terre crue étaient élevées à partir de bases carrées très exiguës. Ces pyramides exceptionnelles appartiennent à une période d'hégémonie locale dans le Sud alors que l'Égypte elle-même était sous le joug de pays étrangers. Datant de 720 avant J.-C. à 350 après J.-C., ces pyramides offrent un exemple d'une adaptation tardive et très intéressante de la forme caractéristique de l'ancienne sépulture royale de l'Égypte.
Bien qu'aucune des sépultures dans les pyramides n'ait résisté aux déprédations des pilleurs de tombes, il est néanmoins manifeste que les pyramides étaient destinées à servir de sépultures ou de cénotaphes. Il est probable que ce type de sépulture ait finalement été abandonné car, en dépit de sa taille et de sa complexité, chaque pyramide était pillée peu après sa fermeture hermétique. Non seulement ces pyramides contiennent des sarcophages brisés, des vestiges d'objets façonnés retrouvés à l'intérieur et à l'extérieur et suffisamment de preuves inscrites pour pouvoir identifier les défunts, mais elles sont aussi entourées d'autres sépultures dans d'évidents cimetières, ce qui porterait à croire que les pyramides étaient bien des sépultures. En outre, pendant les Ve et VIe dynasties, les pyramides contenaient des textes dans la salle intérieure qui faisaient référence à l'existence de tombes dans les pyramides et, de même, les écrits ultérieurs mentionnent l'incapacité des pyramides de conserver les défunts et leurs biens. → Textes des pyramides.
Un complexe mortuaire

La pyramide elle-même est un tumulus élevé en pierre à l'intérieur duquel ou sous lequel se trouvait une sépulture, mais cette structure n'est qu'un élément d'un complexe plus vaste d'édifices qui composent le monument intégral. À côté de la pyramide, en général à l'est, il y avait un temple mortuaire où la dépouille momifiée du souverain recevait les derniers sacrements. Celui-ci laissait une dotation qui garantissait un approvisionnement d'offrandes au temple longtemps après son inhumation. Tandis que les renfoncements à l'intérieur des pyramides étaient censés rester scellés et inaccessibles, les prêtres, les membres de la famille et les sujets loyaux pouvaient continuer de présenter leurs hommages dans ces temples relativement petits.
Un lien semblable entre le temple mortuaire et le tombeau existait à travers toutes les périodes et parmi la plupart des échelons sociaux dans l'Égypte antique. Mais même les entrées de tombeaux assez inaccessibles se révélaient être malencontreusement proches à cause des temples mortuaires fort visibles. Dans le Nouvel Empire, l'on tenta de séparer les temples mortuaires des inhumations royales (que l'on cachait dans des tombes-tunnels creusées dans la Vallée des rois, qui était secrète et dissimulée à l'ouest du Nil, à Thèbes). Cela entraîna la nécessité d'inverser les tailles proportionnelles de ces deux structures mais, en fin de compte, cela ne protégea pas davantage les sépultures.
En plus de ces deux éléments essentiels à chaque complexe pyramidal, il y avait aussi un mur d'enceinte pour délimiter l'emplacement de chaque sépulture. D'autres monuments en l'honneur du souverain défunt étaient élevés à l'intérieur de ce mur, dont une pyramide subsidiaire, qui contenait probablement le faux sarcophage du double du roi. Puisque les pyramides étaient construites dans le désert stérile et éloigné des limites cultivables, on estimait souvent qu'il était nécessaire de construire un temple dans la vallée du Nil afin que l'entourage funéraire puisse y accéder en bateau. Après avoir débarqué au temple avec la dépouille royale, les offrandes et le trésor destiné à la vie future du roi, le cortège funèbre pouvait avancer le long d'une chaussée couverte qui débouchait sur le temple mortuaire.
Tous les complexes mortuaires des pyramides achevées entre les IVe et XIIe dynasties partageaient ces caractéristiques principales.
Caractéristiques des pyramides égyptiennes

GizehGizeh
Parfaite dans sa rigueur géométrique à Gizeh (pyramides de Kheops, Khephren et Mykerinus), la pyramide évoque avec gigantisme la pétrification des rayons bénéfiques du soleil. Lorsque ses dimensions deviennent plus modestes (à partir de la Ve dynastie) au profit du développement du temple funéraire (tombeau de Montouhotep à Deir el-Bahari) et qu'elle se réduit à un pyramidion dans certaines tombes de Deir el-Medineh, elle symbolise toujours l'aspiration suprême : celle de la renaissance dans l'au-delà. C'est le cadre naturel de la montagne thébaine qui est à l'origine de sa destination funéraire.
Parfaitement orientée (au moyen de repères astronomiques) et édifiée pendant l'Ancien Empire en matériaux nobles (calcaire appareillé, revêtement de granite, etc.), la pyramide était toujours le point culminant d'un complexe funéraire monumental comprenant un temple haut (celui du culte funéraire) et un temple bas (destiné à la réception des cortèges), plusieurs barques solaires réparties le long de la chaussée reliant les deux temples ou étant placées le long de l'enceinte. Sous la pyramide même, un réseau de galeries et de chambres profondément creusées abrite les sépultures du pharaon et de sa famille ainsi que de nombreuses offrandes. Saqqarah marque, avec les impressionnants degrés recouvrant le mastaba originel, le départ d'une constante évolution qui, avant d'aboutir à la perfection de Gizeh, est jalonnée par Meidoum et Dahchour. C’est dans la pyramide de Saqqarah celle du dernier pharaon de la Ve dynastie, Ounas, qu'apparurent pour la première fois les textes en hiéroglyphes gravés sur les parois des chambres intérieures, textes indiquant le but religieux de ces monuments. Inauguré par Djoser et son génial architecte, le divin Imhotep, ce mode de sépulture fut utilisé en Égypte jusqu'à la XVIIe dynastie ; il connut un nouvel éclat au Moyen Empire avec les constructions de Memphis, Licht, Dahchour et du Fayoum pour Sésostris II et Amenemhat III, et témoigna de la persistance des traditions religieuses égyptiennes à Napata et Méroé en Nubie.
La pyramide de Kheops
Gizeh, la pyramide de KheopsGizeh, la pyramide de Kheops
La pyramide du pharaon Kheops est la plus grande pyramide véritable et elle compte parmi les merveilles artificielles du monde. À sa base, elle mesure environ 230 mètres de côté et sa hauteur, qui faisait environ neuf mètres de plus qu'aujourd'hui, était de 147 mètres. Cette structure presque entièrement solide contiendrait environ 2,3 millions de blocs de grès pesant entre deux à trois tonnes chacun. Ces blocs étaient extraits de carrières avoisinantes et le tout était probablement revêtu de calcaire finement travaillé provenant de la carrière de Tura, de l'autre côté du Nil, au sud du Caire actuel.

La Grande Pyramide, KheopsLa Grande Pyramide, Kheops
La pyramide de Kheops comportait des galeries reliant le côté septentrional à trois salles principales placées les unes au-dessus des autres. La salle supérieure, qui se trouve approximativement au milieu de la pyramide, mais qui n'est pas centrée, était reliée à une grande galerie avec une voûte en encorbellement. La salle en granit contient toujours le sarcophage brisé du souverain. Sur le côté oriental de la pyramide, des fouilles ont révélé le temple mortuaire ainsi qu'une partie de la chaussée et plusieurs cavités contenant les grandes barques en bois datant de plusieurs siècles et qui étaient probablement utilisées pour transporter la dépouille du souverain, son attirail funéraire et le cortège funéraire vers la pyramide.
La pyramide de Khephren
Sphinx et pyramide de KhephrenSphinx et pyramide de Khephren
La pyramide de Khephren, le fils de Kheops, se trouve au milieu du groupe de Gizeh. Bien qu'elle soit un peu plus modeste que la pyramide de Kheops, elle est plus impressionnante que cette dernière à cause du revêtement de calcaire qui recouvre encore le sommet, et aussi de l'excellent état de la plupart des éléments du complexe pyramidal. Le temple de la vallée qui se trouve à côté du grand Sphinx en roc est remarquablement intact et sa chaussée, son mur d'enceinte, son temple mortuaire et sa pyramide subsidiaire sont tous reconnaissables.
La pyramide de Mykerinus
La pyramide de Mykerinus, au sud de celle de Khephren, est beaucoup plus petite : sa base ne mesure que le quart de celle de Kheops mais, à une exception près, la pyramide de Mykerinus est plus grande que les dernières pyramides.
Mode de construction des pyramides de Gizeh

L'un des principaux mystères qui entourent les pyramides de Gizeh est leur mode de construction. Les chercheurs ne s'accordent toujours pas sur un modèle unique, et les hypothèses continuent d'être proposées – on ne tiendra pas compte ici des théories qui attribuent la construction des pyramides à des interventions surnaturelles.
Diodore de Sicile rapporte un mode de construction fondé sur une rampe frontale s'élevant en même temps que la pyramide, sur laquelle les énormes pierres mises en œuvre pouvaient être roulées. Cette théorie, avec de nombreuses variantes, a été développée par des auteurs contemporains (Jean-Philippe Lauer, le Mystère des pyramides, 1988). Certains ont proposé l'hypothèse d'une rampe enveloppante, tournant autour de la pyramide au fur et à mesure de son élévation. Ce premier groupe de théories présente cependant un inconvénient lorsqu'on l'applique aux énormes masses des monuments de Gizeh : la construction de la rampe, qui doit être démontée par la suite, nécessite la mise en œuvre d'un volume de matériaux supérieur à celui de la pyramide elle-même.
Hérodote rapporte un système de construction au moyen d'engins de levage qui permettent de soulever des blocs de pierre de 2 à 3 tonnes, comme ceux qui constituent la plus grande part de la pyramide. Cette théorie a été notamment développée par l'Allemand Karl Richard Lepsius (Über den Bau der Pyramiden, 1843). Elle ne peut cependant expliquer comment des blocs de plusieurs dizaines de tonnes ont pu être amenés au sommet de la chambre du roi dans la pyramide de Kheops.
Une dernière théorie, reprenant le système décrit par Hérodote puis par Lepsius pour l'élévation des blocs de 2,5 tonnes, propose d'expliquer l'insertion de blocs de granit de 40 tonnes au-dessus de la chambre de Kheops par l'utilisation d'un ascenseur oblique, dont la grande galerie située à l'intérieur de la pyramide constituerait la glissière et dont le contrepoids serait formé de cinq blocs indépendants, permettant de diminuer ainsi, en le divisant, le poids des énormes blocs de granit mis en œuvre ; plusieurs indices sembleraient étayer cette thèse (Pierre Crozat, Système constructif des pyramides, 1997).
Inde et contrées indianisées

La montagne, axe du monde (le mont Meru) ou séjour des dieux, est figurée dans la cosmologie par une pyramide à gradins. Partout, cette notion inspire la composition des toitures des sanctuaires, assimilés à la montagne demeure du dieu : toitures curvilignes (shikhara), dans l'architecture du Nord, ou à terrasses étagées des vimana dravidiens. L'ensemble du soubassement du temple évoque la même idée, quoique de manière moins élaborée, sauf hors de l'Inde propre et spécialement dans l'art khmer (Bakong, 881 ; Angkor Vat). Une formule proche a été développée en Thaïlande, dès la fin du xiiie s., pour les prang, tours-reliquaires (Thonburi). Dans le bouddhisme, le stupa participe de la même symbolique : stupa aux terrasses étagées de l'Asie du Sud-Est (Java, Barabudur ; Birmanie, Pagan).
Les pyramides précolombiennes

Tikal, GuatemalaTikal, Guatemala
Dans l'aire méso-américaine, les pyramides apparaissent dès le préclassique moyen (La Venta, Cholula, etc.). Pour l'époque classique, citons : Teotihuacán, El Tajín, Tikal, Palenque, Uxmal, etc. Ce type de construction est encore en usage durant le postclassique (Tula, Chichén Itzá, Tenochtitlán, etc.). Plus rare en Amérique du Sud, on le rencontre cependant dans la culture Mochica.
Palenque, le temple des InscriptionsPalenque, le temple des Inscriptions
Les pyramides de l'Amérique précolombienne présentent plusieurs différences fondamentales avec celles de l’Égypte. Elles étaient rarement de véritables pyramides du point de vue géométrique car elles étaient le plus souvent à degrés, et elles n'avaient pas pour fonction essentielle d'abriter des tombes. Ces pyramides monumentales semblent avoir été construites principalement pour servir de soubassements à des temples et ont ainsi davantage en commun avec les ziggourats de Mésopotamie qu'avec les pyramides d'Égypte. Une exception notoire est le « temple des Inscriptions » maya à Palenque, au Mexique, qui recouvre une tombe ouvragée qui dut être construite avant la pyramide qu'elle soutient.
Les plates-formes à degrés sont répandues et les plus imposantes sont situées dans les provinces mexicaines et mayas et sur la côte septentrionale du Pérou. Leur forme principale est celle du tertre ou du tumulus rectangulaire ou carré, élevé en étages avec des faces en pente. Plus rarement, on trouve aussi des bases rondes surmontées de couches coniques dont il existe deux exemples primitifs au Mexique, datant du Ier millénaire avant J.-C. Au site olmèque de La Venta se trouve un tertre rectangulaire en argile mesurant environ 70 x 90 mètres à la base et 32 mètres de hauteur. À Cuicuilco près de Mexico, un tertre rond de terre et de gravats fait 135 mètres de diamètre et 20 mètres de hauteur. Au Pérou, deux grands tumuli furent érigés dans la vallée de Moche au début du Ier millénaire après J.-C. Le plus grand des deux, le Huaca de Sol, est une énorme structure en adobe mesurant environ 136 x 228 mètres de base et s'élevant à une hauteur de 41 mètres.
L'adobe, brique de terre et paille, était sans doute le matériau de construction le plus courant des pyramides, mais la terre et les gravats étaient aussi assez répandus. Il semblerait que toutes les pyramides fussent revêtues de plâtre et de peinture. Même les façades extérieures finement travaillées semblent avoir été à l'origine recouvertes de plâtre. La peinture et la sculpture en relief étaient utilisées en décoration.
À Teotihuacán, dans le Mexique central, la pyramide du Soleil mesure environ 225 mètres de côté, se rapprochant ainsi des dimensions de la pyramide de Kheops, et 64 mètres de hauteur. La masse de la pyramide en ruine de Cholula est même supérieure à celle de Kheops.
Dans la région maya, l'utilisation d'un mortier de chaux de bonne qualité et de voûtes à encorbellements rendit possibles des pyramides spectaculaires qui conservaient mieux les édifices des temples que celles dépourvues de voûtes à encorbellements. À Tikal, au Guatemala, il existe plusieurs groupes de pyramides-temples bien conservés qui s'élèvent jusqu'à 60 mètres. L'accès au sommet des pyramides se faisait par des escaliers extrêmement abrupts, qui devaient jouer un rôle dans la mise en scène des cortèges religieux.
De nombreuses pyramides furent régulièrement agrandies en bâtissant par-dessus la structure originale, y compris le temple au sommet. Par bonheur, cette pratique conserva les formes des anciens édifices que des fouilles ont pu révéler dans de nombreux sites.

 

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