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Réflexe ostéotendineux

 

   

 

 

 

 

 

Réflexe ostéotendineux

Le réflexe ostéotendineux (ou réflexe d'extension) est la contraction réflexe d'un muscle étiré brusquement, composé de deux éléments : une voie monosynaptique excitatrice ou « réflexe myotatique » (entraînant la contraction du muscle qui a été étiré) et une voie polysynaptique entraînant le relâchement du muscle antagoniste du muscle étiré. Il est recherché systématiquement par le médecin au cours de l'examen neurologique, en particulier sur les muscles extenseurs des membres inférieurs. C’est un examen diagnostique simple, rapide à effectuer et non invasif.
Le réflexe myotatique est un exemple de réflexe spinal ou médullaire, c'est-à-dire géré uniquement au niveau de la moelle spinale. Cela permet une réponse plus rapide que s'il devait y avoir conscientisation du mouvement du muscle et ordre conscient de se contracter. Ce réflexe est une réponse involontaire et stéréotypée.
La liste suivante décrit les différents types de réflexes ostéotendineux.
Pour le membre supérieur :
* bicipital : il est recherché en plaçant son pouce sur la face interne du coude, au niveau du tendon du biceps et en percutant le pouce. Ce réflexe met en jeu la racine C5 de la moelle spinale et provoque la flexion de l'avant-bras sur le bras ;
* stylo-radial : percuter la styloïde radiale, en laissant l'avant-bras fléchi et détendu. Ce réflexe passe par la racine C6 ;
* ulno-pronateur : percuter la styloïde ulnaire, en position avant-bras demi-fléchi et en légère supination, entraîne la pronation de la main : racine C8 ;
* tricipital : il est recherché en laissant pendre l'avant-bras et en percutant le tendon du triceps situé au-dessus du coude, au niveau de l'olécrane. Ce réflexe met en jeu la racine C7 ;
* palmaire : l'examinateur percute la face antérieure du poignet (tendon du fléchisseur long des doigts) et obtient normalement une flexion des doigts. Explore la racine C8.
Pour le membre inférieur :
* rotulien (ou patellaire) : le genou doit être fléchi et les muscles de la cuisse relâchés. La percussion du ligament rotulien (ou patellaire) entraîne l'extension de la jambe par contraction du quadriceps. Ce réflexe spinal est provoqué par les racines L3-L4. Ce réflexe peut être utilisé par un médecin pour tester l'état de la moelle spinale et des structures cérébrales supérieures : si elles sont endommagées, le réflexe est exacerbé ;
* achilléen (ou calcanéen) : il faut percuter le tendon d'Achille (ou calcanéen), le patient étant positionné à genoux. La racine S1 provoque la contraction du muscle triceps sural (flexion plantaire du pied).
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Nature[modifier | modifier le code]
Le réflexe myotatique est un réflexe de nature excitatrice :
* ses fibres afférentes entrent dans la moelle spinale : ce sont les axones ramifiés sur dans le fuseau neuromusculaire du muscle ;
* les fibres efférentes sortent de la moelle épinière : ce sont les axones des motoneurone alpha du muscle homonyme et synergique ;
* aptitude d'avoir une contraction réflexe d'un muscle provoquée par son propre étirement (des aptitudes reliées aux activités motrices).
Ce réflexe assure en partie le tonus musculaire nécessaire au maintien de la posture. Il repose sur différentes populations de neurones :
* les neurones sensoriels, en liaison avec les récepteurs sensibles à l'étirement : les fuseaux neuromusculaires ;
* les motoneurones des muscles extenseurs (qui sont étirés) et les motoneurones des muscles fléchisseurs antagonistes dont les axones aboutissent aux fibres musculaires (plaques motrices) ;
* les interneurones inhibiteurs faisant connexion entre les neurones sensoriels et les motoneurones des muscles antagonistes.
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Mécanisme[modifier | modifier le code]

L'étude expérimentale du réflexe achilléen ou du réflexe rotulien (en) montre qu'interviennent successivement :
* des récepteurs sensoriels (les fibres Ia) capables de détecter un étirement du muscle et de convertir ce stimulus en un message nerveux afférent sensitif : les fuseaux neuromusculaires ;
* des fibres nerveuses sensitives, conduisant des fuseaux neuromusculaires à la moelle spinale le message afférent sensitif ;
* un centre nerveux, ici la moelle spinale qui va intégrer, analyser ce message et élaborer une réponse, un message efférent ;
* des fibres nerveuses motrices, qui transmettent au muscle qui s'étire le message efférent, qui lui donne l'ordre de se contracter, ainsi qu'au muscle antagoniste correspond un message inhibiteur (par l'intermédiaire d'un interneurone) qui lui donne l'ordre de se relâcher pour ne pas faire obstacle à la contraction.
Dans le cas du réflexe rotulien, un léger coup sur le ligament au-dessous de la patella provoque l'étirement du muscle extenseur de la jambe qui est mesuré par un mécanorécepteur, le fuseau neuromusculaire. Quand l'étirement est supérieur à un seuil, il y a formation d'un potentiel d'action qui se propage le long des fibres nerveuses innervant le fuseau neuromusculaire. On dénomme communément ces fibres Ia et II en fonction de leur diamètre (les fibres Ia étant les plus grosses). En fait, on observe une salve de potentiels d'action dont la fréquence augmente avec l'intensité de l'étirement du muscle. C'est le message nerveux afférent qui se propage jusqu'à la moelle spinale. Les fibres Ia sont connectées aux motoneurones innervant le muscle activé. Lorsque le potentiel d'action arrive au niveau des terminaisons de la fibre Ia, il se produit une libération de glutamate au voisinage des motoneurones. Le glutamate va activer différents récepteurs situés sur la membrane des motoneurones, et ainsi générer une dépolarisation de ceux-ci. Si la dépolarisation est suffisante, un potentiel d'action sera généré dans le motoneurone et se propagera le long de son axone, jusqu'au muscle étiré. Ce dernier est excité, il se contracte, ce qui entraîne l'extension de la jambe. Entre la stimulation (coup sur le ligament rotulien) et la réaction (extension de la jambe), il s'est écoulé moins de 40 millisecondes.

Organisation de l'arc réflexe[modifier | modifier le code]
L'ensemble des acteurs intervenant dans ce mécanisme (récepteur-voie afférente-centre nerveux-voie efférente-effecteur) constitue un arc réflexe. Dans ce cas, le centre étant la moelle spinale, le réflexe est qualifié de médullaire. Il est monosynaptique : une seule synapse (entre le neurone sensitif et le motoneurone) existe dans l'arc réflexe. En fait, le message nerveux est un potentiel global du nerf, somme algébrique de tous les potentiels d'action se propageant le long des différentes fibres nerveuses (dendrites et axones) constituant le nerf. Le nerf fémoral qui intervient lors du réflexe rotulien est un nerf mixte : il possède à la fois des fibres sensitives (dendrites issues des fuseaux neuromusculaires) et des fibres motrices (axones des motoneurones). L'excitation des motoneurones innervant un muscle donné (ici, le muscle extenseur de la jambe) s'accompagne toujours de l'inhibition des motoneurones (synapse inhibitrice) innervant les muscles antagonistes (ici, les muscles fléchisseurs de la jambe). Les motoneurones sont reliés à l'encéphale par des voies descendantes (contrôle du réflexe, par un acte volontaire). Ces mécanismes sont différents du réflexe.
Le réflexe myotatique met en jeu un arc réflexe qui comporte cinq éléments : un récepteur, une voie afférente, un centre d'intégration, une voie efférente et un effecteur.

Récepteur[modifier | modifier le code]
Ce sont les fuseaux neuromusculaires. Ils sont des récepteurs capables de détecter l'étirement du muscle et le convertir en stimulus. On distingue deux types : les récepteurs primaires (ou fibre intrafusale à sac nucléaire) et les récepteurs secondaires (ou fibre intrafusale à chaîne nucléaire). La différence de ces fibres est dans leur fonctionnement : les récepteurs primaires sont sensibles à la fois à l’allongement du muscle et à la vitesse de cet allongement, alors que les récepteurs secondaires n'interviennent que dans l'encodage du degré d'allongement.

Voie afférente[modifier | modifier le code]
Ce sont des fibres sensitives qui partent à partir du fuseau. On distingue deux types, selon l'origine où ces fibres prennent naissance. En effet, les fibres Ia prennent naissance à partir des récepteurs primaires et secondaires alors que les fibres II prennent naissance à partir des récepteurs secondaires seulement. Le type de la fibre (myélinisée et de gros calibre) reste cependant le même.
(le « a » de l'appellation « fibres Ia » permet de ne pas confondre les deux types de fibre I, le type Ib étant la voie afférente d'un autre réflexe médullaire : le réflexe tendineux)

Centre d'intégration[modifier | modifier le code]
C'est le motoneurone alpha qui se trouve dans la corne antérieur du segment médullaire correspondant au muscle étiré.
Voie efférente[modifier | modifier le code]
Ce sont des fibres myélinisées et de grand diamètre qui correspondent aux axones des motoneurone alpha.
Effecteur[modifier | modifier le code]
C'est le même muscle qui a été étiré au départ.

Technique de recherche[modifier | modifier le code]
Pour mettre en évidence les réflexes ostéotendineux, le sujet doit être en complet relâchement musculaire. Parfois ce relâchement est difficile à obtenir chez certains patients et le médecin peut alors :
* utiliser la manœuvre de Jendrassik qui consiste à demander au patient d’effectuer une contraction musculaire active dans un territoire à distance (augmentation du tonus gamma qui permet de pré-dépolariser les fibres nerveuses). Par exemple d’effectuer une forte traction sur ses mains lors de la recherche du réflexe du ligament rotulien ;
* détourner l’attention du patient.
Une fois le relâchement musculaire obtenu, une percussion brusque sur le tendon musculaire par un marteau à réflexe entraîne, chez le sujet sain une contraction unique du muscle correspondant.

Signification clinique[modifier | modifier le code]
Tout d’abord, il faut garder à l’idée que même chez les sujets normaux, les réponses aux réflexes recherchés peuvent être variables.
Par l’étude des différents réflexes on cherche à diagnostiquer l’intégrité des fibres nerveuses correspondantes.
On peut détecter trois types de réponses anormales dans la recherche d’un réflexe :
* l’absence de réponse ;
* réflexe pendulaire : la réponse à la percussion est normale mais à la suite de la contraction lorsque le membre reprend sa position de repos, le muscle se contracte de nouveau plusieurs fois créant de petites oscillations autour de cette position de repos ;
* une réponse exagérée (trop grande intensité de la réponse = réflexe vif, contraction diffusée aux autres muscles = réflexe diffusé, un élargissement de la zone réflexe).
L’examen des réflexes se fait de manière bilatérale et comparative, toute asymétrie est pathologique.
Ces réponses anormales peuvent correspondre dans certains cas à des signes de maladie :
* sciatique : réduction du réflexe rotulien, abolition ou réduction du réflexe achilléen ;
* maladie de Kugelberg-Welander : réflexes perturbés, voire abolis ;
* réflexes présents en paralysie tonique, mais absent en paralysie flasque ;
* tabès : abolition du réflexe rotulien ;
* chorée : réflexes pendulaires ;
* etc.

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Selon le sexe et l’âge, les cellules immunitaires du cerveau réagissent différemment à des perturbations du microbiote

 

 

 

 

 

 

 

Selon le sexe et l’âge, les cellules immunitaires du cerveau réagissent différemment à des perturbations du microbiote


21 DÉC 2017 | PAR INSERM (SALLE DE PRESSE) | BIOLOGIE CELLULAIRE, DÉVELOPPEMENT ET ÉVOLUTION


©AdobeStock

Une étude conjointe entre des chercheurs Inserm de l’IBENS (Institut de biologie de l’Ecole Normale Supérieure – Inserm/CNRS/ENS Paris) à Paris et des chercheurs du SIgN (Singapore Immunology Network, A*STAR) de Singapour montre un rôle inédit du microbiote sur des cellules immunitaires du cerveau dès le stade fœtal. Ces cellules immunitaires, les microglies, jouent un rôle clé dans le développement et le fonctionnement cérébral et sont différemment perturbées par des modifications du microbiote chez les souris mâles et femelles à différents stades de la vie. Les résultats de ces travaux sont publiés dans la revue Cell.

Les microglies sont des cellules immunitaires qui répondent à des traumatismes ou des signaux inflammatoires pour protéger le cerveau, agissant comme des senseurs capables de détecter de nombreux signaux environnementaux. Ces cellules immunitaires sont également impliquées dans différentes étapes du développement et du fonctionnement cérébral. Ainsi, des dysfonctionnements de ces cellules sont associés à un large spectre de pathologies humaines, allant des troubles neuro-développementaux jusqu’aux maladies neurodégénératives. Les microglies jouent donc un rôle crucial dans le fonctionnement normal et pathologique du cerveau, ce qui laisse suggérer qu’elles constituent une interface régulatrice entre les circuits cérébraux et l’environnement.

Pour tester cette hypothèse, Morgane Thion et Sonia Garel, chercheuses Inserm, et leurs collaborateurs, ont utilisé une approche multidisciplinaire sur des modèles de souris axéniques, qui n’ont pas de microbiote (ensemble des bactéries présentes dans l’organisme) et des modèles de souris adultes traitées avec un cocktail d’antibiotiques (qui détruisent de façon aigue le microbiote). En combinant analyses génomiques globales et études histologiques, les chercheurs ont montré que les microglies sont profondément affectées par un dysfonctionnement du microbiote, dès les stades prénataux et ce, en fonction du sexe de l’animal : les microglies appartenant à des mâles semblent affectées au stade prénatal alors que les microglies issues de femelles le sont à l’âge adulte. Ce surprenant dimorphisme sexuel fait écho au fait que l’occurrence de nombreuses pathologies neurodéveloppementales est plus élevée chez les hommes alors que les maladies auto-immunes sont plutôt prévalentes chez les femmes.

Si les mécanismes impliqués et les conséquences fonctionnelles restent à découvrir, cette étude révèle un rôle clé des microglies à l’interface entre environnement et cerveau et montre que les mâles et femelles auraient des susceptibilités différentes à des altérations du microbiote. Pour les auteurs, ces éléments mériteraient maintenant d’être pris en considération au niveau clinique et ce, dès les stades fœtaux.

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Neuroéthique : l’humain n’est pas réductible à son cerveau

 

 

 

 

 

 

 

Neuroéthique : l’humain n’est pas réductible à son cerveau

PUBLIÉ LE : 03/07/2018
TEMPS DE LECTURE : 8 MIN

*         ACTUALITÉ SCIENCE
Les neurosciences correspondent à l’étude du fonctionnement du système nerveux, depuis les aspects les plus fondamentaux, biologiques et chimiques, jusqu’aux plus fonctionnels : la personnalité, les comportements, les pensées. Les avancées en neurosciences permettent désormais de corréler ces deux aspects, avec des conséquences importantes pour l’individu et la société. Les questions de neuroéthique qui en découlent ont fait l’objet de discussions dans le cadre des États généraux de la bioéthique. Catherine Vidal, neurobiologiste et membre du Comité d’éthique de l’Inserm, et Hervé Chneiweiss, neurobiologiste et président du Comité d’éthique de l’Inserm, nous en parlent.
Quelles sont les avancées récentes qui bouleversent les neurosciences ?

Catherine Vidal : Les progrès des neurosciences ont en grande partie été portés par le développement des techniques d’exploration du cerveau qui permettent de « voir » à la fois l’anatomie et le fonctionnement du cerveau. Elles ont révolutionné la pratique clinique et permis une acquisition exponentielle de connaissances. L’IRM fonctionnelle (IRMf) permet notamment d’observer le cerveau en train de fonctionner lors de tâches diverses (motrices, sensorielles, cognitives, etc.) ou même d’états psychologiques (peur, angoisse, plaisir, satisfaction, etc.).
A côté des méthodes d’exploration, des techniques de modification du fonctionnement cérébral se sont développées. Certaines sont assez anciennes, telle l’utilisation de médicaments qui agissent sur le cerveau (psychostimulants, anxiolytiques, etc.). D’autres sont plus récentes, comme les stimulations électriques et magnétiques transcrâniennes, la stimulation cérébrale profonde, ou encore les thérapies cellulaires notamment développées pour lutter contre des maladies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson.

Quelles questions ou problèmes éthiques soulèvent ces avancées ?
Hervé Chneiweiss : Le champ de la neuroéthique est très vaste. Il englobe par exemple la médecine prédictive appliquées aux maladies neurodégénératives. Nos connaissances progressent si rapidement qu’elles permettent désormais de prédire l’apparition de maladies comme celle d’Alzheimer plusieurs années avant l’apparition des symptômes. Cela peut permettre d’instaurer des mesures préventives pour retarder le processus neurodégénératif. Mais, en l’absence de traitement efficace, cette médecine prédictive place le patient dans une situation très anxiogène et peut-être même discriminante. La question se pose de savoir s’il faut utiliser cette médecine prédictive à ce stade, dans l’intérêt des personnes concernées.

C.V. : Nous assistons également à une « invasion » des neurosciences dans de très nombreux domaines autres que médicaux : la justice, le marketing, l’éducation, les ressources humaines, la politique. Cet essor est étroitement lié à l’émergence des techniques comme l’IRM, que certains utilisent déjà pour décrire la pensée, les émotions, les motivations, avec au-delà la perspective de maîtriser les processus de prise de décision qui guident nos choix et nos actions. Ils vont parfois jusqu’à attribuer aux neurosciences le pouvoir de décrire l’être humain dans son individualité, sa subjectivité, ses actions, sa vie privée et sociale. Or dans la réalité, les connaissances actuelles ne permettent pas de caractériser un individu ou son comportement par la simple observation de son cerveau, loin de là. Une personne humaine n’est pas réductible à son cerveau.
H. C. : Sans oublier tout ce qui touche à la neuro-amélioration. Différents procédés permettent aujourd’hui de contrôler ou de modifier l’activité cérébrale, pour améliorer le comportement et les performances cognitives en dehors de tout contexte médical. Or non seulement le bénéfice-risque de ces techniques n’est absolument pas évalué en population générale, mais le risque de dérive est grand !

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l’utilisation des neurosciences en dehors du cadre médical ?
C. V. : Depuis 2011, la loi française inclut la possibilité de recourir à l’imagerie cérébrale dans le cadre d’expertises judiciaires. Et ce, alors que beaucoup d’experts s’y étaient opposés à l’époque. Dans les faits, les juges ne l’utilisent pas en France. En revanche, des images obtenues par IRM ont été utilisées comme « preuves » pénales dans plus de 600 affaires aux Etats-Unis. En Inde, un procès au cours duquel un électroencéphalogramme avait été utilisé comme détecteur de mensonge a fait grand bruit : une femme soupçonnée d’avoir empoisonné son fiancé avait été condamnée à la prison à vie car son cerveau ne réagissait pas au mot « arsenic », comme s’il lui était familier. La sentence a finalement été abandonnée face au scandale international suscité par cette affaire.
H. C. : Aucune étude n’est en mesure de valider l’utilisation de l’électroencéphalogramme ou de l’IRM pour prédire ou révéler un comportement et ils ne peuvent donc en aucun cas servir de preuve. Néanmoins, le nombre des publications sur la neuro-justice explose, principalement aux États-Unis : de 70 articles publiés entre 1990 et 2000, on est passé à plus de 2 000 entre 2000 et 2015.
C. V. : Il y a aussi la neuro-politique, une « nouvelle discipline » qui tente de corréler les opinions et le fonctionnement cérébral. Une étude a suggéré que le cortex cingulaire antérieur, qui joue un rôle dans la détection des contradictions, est plus volumineux chez les gens de gauche alors que la région de l’amygdale, impliquée dans la peur, est plus développée chez les gens de droite. Ainsi la peur des situations conflictuelles et des risques expliquerait les différences d’opinions politiques ! Dans le domaine du marketing, l’utilisation de l’imagerie cérébrale peut être utilisée pour savoir quelle étiquette stimule davantage l’attention de l’acheteur potentiel, le but étant bien sûr d’influencer sa décision d’achat ! Et dans le champ de l’éducation, les neurosciences influencent déjà certains programmes pédagogiques.
Aux Etats-Unis, des sociétés privées propose des examens d’imagerie cérébrale dans ces différents contextes non médicaux. En France, ces pratiques ne sont pas possibles : les appareils d’IRM sont réservés aux établissements de soins et de recherche biomédicale.

Ces applications ont elles un fondement scientifique validé ?

C. V. : Aux Etats-Unis, certains scientifiques recherchent les bases neuronales des comportements de type antisocial, agressif et criminel, pour mettre au point de nouveaux traitements et des programmes de prévention de la délinquance. Des études par IRM ont pu montrer une légère réduction de l’épaisseur du cortex cérébral dans les régions préfrontale et temporale de criminels. Mais l’interprétation de ces images est problématique : jusqu’à présent, rien ne permet d’établir une relation de causalité entre une réduction d’épaisseur du cortex et un comportement déviant. L’origine des variations d’épaisseur du cortex ne peut être déterminée. Le cerveau est plastique et l’IRM donne seulement un cliché de l’état du cerveau d’une personne à un moment donné. Elle n’apporte pas d’information sur son passé et n’a pas non plus de valeur prédictive. Enfin, le fonctionnement du cerveau est extrêmement complexe, avec de nombreuses régions impliquées dans une même fonction. La zone du crime n’existe pas.
Les dérives dans l’interprétation de l’imagerie cérébrale ne sont pas rares. D’autant plus que pour un public non averti, les images colorées du cerveau sont fascinantes et peuvent apparaître comme une preuve scientifique « objective ».

Vous avez également parlé de neuro-amélioration : où en est la science et jusqu’où pourrait-elle aller ?
H. C. : La modification du fonctionnement cérébral n’est pas une idée nouvelle. Les antidépresseurs par exemple, peuvent en quelques sortes transformer la personnalité de l’individu. C’est aussi le cas du méthylphénidate donné à des millions d’enfants pour qu’ils soient plus calmes ou encore du modafinil pris comme stimulant par autant d’adultes. Mais dans le domaine psycho-cognitif, la ligne de démarcation entre le normal et le pathologique est impossible à tracer… la question se pose alors de savoir qui traiter : une grande timidité ou une hyperactivité doivent-ils être considérés comme un handicap à prendre en charge ?

C.V. : Et pour certains, dans une société marquée par le culte de la performance, l’objectif n’est plus seulement de palier un déficit mais d’aller au-delà. Des études ont montré que, dans certains cas, la stimulation électrique transcrânienne peut améliorer les performances cognitives et l’état émotionnel de personnes en bonne santé. Le neurofeedback permet quant à lui de contrôler sa propre activité cérébrale, pour augmenter certaines fonctions comme les capacités visuo-spatiales ou la mémoire.

Des sociétés privées, en Asie notamment, proposent déjà des casques de stimulation par courant continu qu’il est possible d’acheter pour des sommes modiques sur internet. On laisse croire au grand public que la stimulation transcrânienne aidera par exemple à préparer ses concours, alors même que l’innocuité de l’administration de courant continu n’a pas été évaluée à moyen et long terme. Il n’est pas exclu que la pratique « sauvage » de la neurostimulation interfère avec certains circuits neuronaux, altère la plasticité cérébrale et entraine des crises d’épilepsie. En France, la commercialisation de ces casques n’est pas autorisée.
A terme, le risque est d’assister à l’émergence d’une catégorie d’individus augmentés. Cette vision transhumaniste entrainerait inévitablement une fracture sociale entre ceux qui auront recours à ces techniques et ceux qui ne pourront pas y avoir accès. Sans compter que la personnalité de l’individu, son autonomie et son libre arbitre pourraient être altérées par ces neurotechnologies.
H. C. : Certains systèmes de stimulation cérébrale fonctionnent déjà de façon autonome et pourraient bientôt être proposés aux patients parkinsoniens pour contrôler leurs tremblements : une intelligence artificielle déclenche les stimulations quand elle l’estime nécessaire, alors que jusque-là le patient contrôlait lui-même son appareil. Avec ce système, le patient deviendrait donc un « homme augmenté ».

Qu’en est-il de la protection des données personnelles ?
H.C. : C’est un autre problème important. Des sociétés privées commencent à collecter les données cérébrales à tour de bras pour différentes recherches, sans consentement clair ou sans la protection des données nécessaires. Et qui sait ce qu’elles pourraient en faire un jour ? Je lisais récemment un article sur l’équipement de salariés de douze entreprises d’Etat chinoises, dépendantes de l’armée, par des casques permettant de surveiller leur activité cérébrale. Le motif officiel est de prévenir les baisses de vigilances et les accidents. Mais ces dispositifs permettent de collecter d’autres données... Il y a là un vrai problème éthique. L’activité cérébrale n’est pas neutre, elle correspond à des données personnelles.

Considérez-vous la situation actuelle comme préoccupante ?
C.V. : Nous ne sommes pas dans l’urgence, mais il faut aborder de front ces sujets qui posent des questions de société. La France est encore préservée des dérives qui gagnent d’autres pays, avec un accès à l’IRM réservé aux professionnels de santé ou encore l’interdiction de la stimulation cérébrale en dehors d’un protocole de soins. La loi de bioéthique de 2011 inclut en outre une mission de veille sur les recherches et les applications des techniques d’imagerie cérébrale, destinée à défendre une éthique dans ce domaine.

Aujourd’hui en France, pour évaluer la responsabilité pénale d’un accusé, le juge nomme des psychiatres et des psychologues qui appuient leurs expertises avant tout sur des entretiens et non sur l’IRM. Mais pour combien de temps encore ? Le risque est de voir le modèle américain gagner du terrain pour l’évaluation de la responsabilité et de la dangerosité d’un prévenu. Or les Français ne sont pas assez informés sur les dérives possibles de l’utilisation de l’IRM. En témoigne la faible participation aux discussions sur la neuroéthique dans le cadre des états généraux de bioéthique qui viennent de s’achever. Il est de notre responsabilité de chercheurs d’anticiper ces questions et de sensibiliser le grand public.

 

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Préférence manuelle et langage : existe-t-il vraiment un hémisphère dominant ?

 

 

 

 

 

 

 

Préférence manuelle et langage : existe-t-il vraiment un hémisphère dominant ?

lundi 30 juin 2014

Les chercheurs du Groupe d'imagerie neurofonctionnelle (CNRS/CEA/Université de Bordeaux) ont démontré, avec une approche novatrice basée sur l'exploitation d'une grande base de données psychométriques et d'imagerie cérébrale, que la localisation des aires du langage dans le cerveau est indépendante du fait d'être droitier ou gaucher, sauf pour une très faible fraction de gauchers dont l'hémisphère droit est dominant à la fois pour les activités manuelles et pour le langage. Leur étude est publiée dans Plos One le 30 juin 2014.

L'espèce humaine est la seule chez laquelle on observe une asymétrie du comportement moteur fortement majoritaire : 90% de la population utilise préférentiellement la main droite et 10% la main gauche. Ce comportement moteur est dit « croisé » : si on utilise la main droite, c'est l'hémisphère cérébral gauche, alors considéré comme dominant, qui est activé. Le langage, avec le comportement moteur, est une des fonctions les plus latéralisées du corps humain : en fonction des personnes, les réseaux d'aires cérébrales contrôlant la parole sont situés préférentiellement dans l'hémisphère gauche ou dans l'hémisphère droit du cerveau. De nombreuses études ont montré que l'hémisphère gauche, comme pour le comportement moteur, est dominant pour le langage dans 90% des cas.
Les 10% de gauchers de la population correspondent-ils au 10% des individus dont le langage est situé dans l'hémisphère droit du cerveau ? La localisation des aires du langage dans le cerveau est-elle alors corrélée au fait d'être droitier ou gaucher ? Pour répondre à cette question, les chercheurs du Groupe d'imagerie neurofonctionnelle ont tout d'abord recruté un large échantillon de participants (297) très fortement enrichi en gauchers (153). Alors que la plupart des autres études ne concernent que des droitiers (majoritaires dans la population) les chercheurs ont analysé, pour la première fois, la latéralisation du langage chez un grand nombre de droitiers et de gauchers. Les sujets de cet échantillon ont ensuite subi une IRM fonctionnelle alors qu'ils effectuaient des tests de langage. Trois types de latéralisation pour le langage ont ainsi été révélés à partir des images obtenues (voir figure 1) : « typique » avec un hémisphère gauche dominant (présent chez 88% des droitiers et 78% des gauchers), « ambilatéral » sans hémisphère clairement dominant (présent chez 12% des droitiers et 15% des gauchers), « très atypique » avec un hémisphère droit dominant (présent uniquement chez 7% des gauchers). L'analyse statistique de cette distribution montre que la concordance entre l'hémisphère dominant pour les activités manuelles et celui pour le langage se fait au hasard, sauf pour une petite fraction de la population (moins de 1%) pour laquelle l'hémisphère droit est dominant à la fois pour le langage et pour la main.
Ces résultats montrent donc qu'il n'est pas possible de déterminer l'hémisphère dominant pour le langage en connaissant seulement la préférence manuelle d'un individu. Les chercheurs vont maintenant tenter de comprendre pourquoi seul un petit groupe de gauchers possède un hémisphère droit dominant pour le langage, en déterminant en particulier s'il existe des variants géniques qui expliqueraient ce phénomène. Ces résultats démontrent également qu'un échantillon enrichi en gauchers, composé à partir d'une grande base de données, permet, à la différence d'un échantillon essentiellement constitué de droitiers, de mettre en évidence des facteurs de variabilité des bases structurales et fonctionnelles du cerveau humain : la détermination de ces sources de variabilité dans la latéralisation du langage ouvre la voie vers une meilleure compréhension des pathologies du langage.


© Groupe d'imagerie neurofonctionnelle (CNRS/CEA/Université de Bordeaux)
Distribution de l'index de latéralisation hémisphérique pour le langage chez les droitiers (en vert) et les gauchers (en rouge) de l'échantillon de 397 sujets de la base de données. Les valeurs positives de l'index indiquent un hémisphère gauche dominant pour le langage. La ligne noire montre l'ajustement de chaque distribution par un modèle multi-Gaussien. À noter : la similitude des distributions et de l'ajustement, à l'exception d'un groupe de sujets gauchers dont l'index de latéralisation est fortement négatif, révélant un hémisphère droit dominant pour le langage.

© Groupe d'imagerie neurofonctionnelle (CNRS/CEA/Université de Bordeaux)
Carte de probabilité des régions cérébrales activées en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle par une tâche de production silencieuse de phrases dans un groupe de 144 individus droitiers. L'échelle de couleur indique le pourcentage de sujets ayant une activation significative en ce point pendant la tâche (vert : 50%, bleu : 65%, rouge : 80% et plus). À noter : la très forte asymétrie de la carte en faveur de l'hémisphère gauche.

Références :
Gaussian mixture modeling of hemispheric lateralization for language in a large sample of healthy individuals balanced for handedness . Bernard Mazoyer, Laure Zago, Gaël Jobard, Fabrice Crivello, Marc Joliot, Guy Perchey, Emmanuel Mellet, Laurent Petit, Nathalie Tzourio-Mazoyer. PLOS One, 30 juin 2014.
Contacts :
Chercheur l Bernard Mazoyer l T 05 47 30 43 95 l bernard.mazoyer@univ-bordeaux.fr
Presse CNRS l Alexiane Agullo l T 01 44 96 43 90 l alexiane.agullo@cnrs-dir.fr

 

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