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LES AZTÈQUES

 

LES  AZTÈQUES

Introduction

Dans leur langage, dialecte du nahuatl, leur nom (Azteca) signifie le peuple d'Aztlán, origine légendaire de la tribu. Ils s'appelaient aussi Mexica (prononcer « Méchica »). Leur capitale Mexico a donné son nom au pays tout entier.
Selon leur histoire traditionnelle, ils s'étaient établis à Aztlán vers le milieu du iie s. et y vécurent plus de mille ans. Dans la seconde moitié du xiie s. (1168 ?), ils quittèrent ce pays, qu'on peut situer au nord-ouest de l'actuel Mexique ou au sud-ouest des États-Unis actuels, pour se diriger vers le sud en une longue migration, conduits par les prêtres soldats dits « porteurs de dieux », conformément aux oracles de la divinité tribale, Huitzilopochtli. Environ un quart de siècle plus tard, on les retrouve dans la région de Tula, à 100 km au nord de Mexico ; ils y demeurèrent vingt ans. C'est là sans doute qu'ils commencèrent à s'imprégner des croyances et des mœurs de l'ancienne civilisation toltèque, dont Tula avait été la capitale. Ils célébraient alors pour la première fois, sur la montagne Coatepec, le rite du Feu nouveau.

Couronnement de l'empereur Acamapichtli
Tantôt guerroyant, tantôt s'alliant par des mariages aux populations en place, les Aztèques pénétrèrent au xiiie s. dans la vallée centrale du Mexique par la région nord-ouest (Zumpango, Xaltocán). Ils y trouvaient des cités-États fortement organisées et belliqueuses. Leur première tentative de création d'un État indépendant s'acheva en désastre : le chef aztèque élevé à la dignité de souverain, Huitzilihuitl Ier, fut fait prisonnier et sacrifié. Devenus les vassaux de cités puissantes, ne possédant en propre aucun territoire, les Aztèques finirent par se réfugier dans les îlots et sur les bas-fonds marécageux de la grande lagune. Ils y fondèrent en 1325 un village de cabanes en roseaux, Mexico, appelé aussi Tenochtitlán (« lieu où le cactus pousse sur le rocher ») : leur dieu leur avait donné l'ordre de s'établir là où ils verraient un aigle, perché sur un cactus, en train de dévorer un serpent. C'est seulement cinquante ans plus tard qu'ils purent enfin s'organiser en État. Leur premier souverain, Acamapichtli, se rattachait à une famille noble d'origine toltèque.
Des onze souverains aztèques, quatre ont péri de mort violente : Chimalpopoca, assassiné sur l'ordre du roi d'Atzcapotzalco ; Tizoc, probablement empoisonné ; Moctezuma II, tué par les Espagnols ou par un projectile lancé par un guerrier aztèque ; Cuauhtemoc, pendu par Cortés.
Empire et société aztèques

Le temps de la conquête

Nezahualcoyolt
Ce qu'on appelle couramment l'« Empire aztèque » prit naissance en 1428-1429 sous la forme d'une triple alliance. Les trois États de Tenochtitlán, Texcoco et Tlacopan s'associèrent après la défaite de la dynastie militariste d'Atzcapotzalco, qui exerçait son hégémonie sur la vallée centrale. En fait, le tlatoani aztèque étant investi des fonctions de généralissime des forces confédérées, c'est lui qui devint rapidement le chef suprême, l'empereur du Mexique conquis. Après avoir soumis d'abord l'ensemble de la vallée, les Aztèques et leurs alliés étendirent leur domination vers l'est (plateau de Cholula-Puebla, côte du Golfe), vers le sud (Morelos, côte du Pacifique), vers le nord et le nord-ouest (plateau de Toluca, région de Tula et de Xilotepec, cours inférieur du Pánuco), vers le sud-est (Oaxaca, isthme de Tehuantepec, province maya du Soconusco). C’est ainsi que, ayant succédé à Itzcoatl en 1440, Moctezuma Ier, fondateur de la grandeur mexica et alors âgé de quarante ans, entreprit très rapidement une guerre – qui dura jusqu'à l'arrivée des Espagnols – contre les peuples nahuas qui vivaient de « l'autre côté des volcans », à l'est, dans la vallée de Puebla, où se trouvaient les seigneuries indépendantes de Tlaxcala et Cholula. Ce combat perpétuel, surnommé la « guerre fleurie », n'avait pas pour but de vaincre ni de soumettre, mais de capturer le plus de prisonniers possible, afin de les offrir en sacrifice aux dieux. En effet, le sang humain, « eau précieuse » rituellement versée, permettait seul, dans la conception religieuse et la cosmogonie aztèques, la survie des dieux et la perpétuation du monde.
D'autres guerres entreprises par Moctezuma Ier et ses successeurs eurent pour objectif d'étendre la domination aztèque sur les riches contrées tropicales du Sud, de l'Ouest et de l'Est qui regorgeaient de plumes chatoyantes, de pierres précieuses, de coton, de cacao: autant de denrées fort appréciées de la noblesse aztèque et absentes de la vallée de Mexico. Moctezuma Ier soumit peu à peu des villes importantes et des régions entières jusqu'aux confins du Guatemala actuel. Sous les règnes d'Ahuitzotl (1486-1502) et de Moctezuma II (1502-1520), la suprématie aztèque se renforça encore.
Une économie florissante

Au début du xvie s., l'Empire rassemblait des populations appartenant à des ethnies très variées (Nahuas, Otomis, Huaxtèques, Mixtèques, Matlaltzincas, Zapotèques, etc.), groupées pour les besoins de l'administration en 38 provinces tributaires. Chaque province devait verser aux fonctionnaires aztèques (calpixque) des quantités déterminées de denrées alimentaires, tissus, métaux précieux, plumes d'oiseaux tropicaux, matériaux de construction, caoutchouc, jade, armes, etc., selon des barèmes soigneusement tenus à jour par des scribes. En dehors de cette obligation, les cités et villages conservaient une large autonomie, s'administraient selon leurs coutumes et pratiquaient leurs cultes particuliers. Quelques villes, aux frontières, étaient placées sous l'autorité de gouverneurs aztèques appuyés par des troupes de garnison. Certains petits États, amis (Teotitlán) ou hostiles (Tlaxcala), enclavés dans l'Empire, avaient conservé leur indépendance.
Si l'organisation administrative du tribut avait pour résultat de faire affluer à Mexico d'énormes richesses, le commerce, rendu possible par l'effacement des frontières et la paix intérieure, était intense entre la capitale et les provinces. Des corporations de négociants (pochteca), influentes et prospères, détenaient le monopole de ces échanges, tandis que le petit commerce et les métiers les plus divers étaient exercés par des artisans, marchands et marchandes de légumes, poissons ou gibier, menuisiers, sauniers, fabricants de nattes et de paniers, porteurs d'eau, tisserandes, etc. Ceux qui pratiquaient l'artisanat de luxe (orfèvrerie et joaillerie, ciselure, art de la mosaïque de plumes) formaient des corporations respectées. Il en était de même des médecins, sages-femmes, guérisseurs et guérisseuses, tandis que l'opinion et la loi condamnaient sévèrement les sorciers et magiciens.
Mexico, capitale symbole de la puissance aztèque

Nezahualpilli
À mesure qu'augmentaient les ressources de la tribu dominante, la capitale, simple village lacustre à l'origine, s'était transformée en une cité de plusieurs centaines de milliers d'âmes. Au centre, sur l'île rocheuse désignée par l'oracle divin, se dressaient les pyramides, les temples, les palais impériaux. Les quatre quartiers, subdivisés en nombreuses fractions (calpulli), s'étendaient sur un millier d'hectares le long de canaux et sur l'île voisine de Tlatelolco. La cité était reliée à la côte du lac par trois chaussées surélevées. Une digue longue de 16 kilomètres, construite sous le règne de Moctezuma Ier, la protégeait à l'est contre l'irruption des eaux de la grande lagune. Deux aqueducs amenaient l'eau potable à la ville depuis Chapultepec et Coyoacán. En raison de la prospérité générale (freinée de 1451 à 1456 par de mauvaises récoltes), la population de la capitale et des villes voisines, Tlacopan, Coyoacán, Culhuacán, Xochimilco, Texcoco, etc., ne cessait de croître. En 1519, le bassin de Mexico abritait entre 1 million et 1,5 million d'habitants, soit une densité de 200 habitants par km2, pour une superficie de terres cultivées qui ne dépassait guère les 3 000 km2. L'espace propice à la culture était en effet très réduit, à cause notamment de la faible épaisseur des sols, de l'érosion, de la présence de nombreux lacs et marécages. Le génie aztèque a su pourtant en tirer un profit maximal grâce à des techniques agricoles originales : fumage des sols avec des excréments humains et animaux, irrigation, dry-farming, élévation de terrasses. Mais le plus remarquable est sans doute la manière dont les Mexicas ont asséché une grande partie des lacs de la vallée et mis en valeur les marais au moyen des chinampas, radeaux de roseaux fixés par des pieux et couverts d'une couche de terre boueuse où sont plantés maïs, haricots, courges et piments.
L'agriculture du bassin de Mexico et celle des régions tropicales sous domination aztèque ont donné au Vieux Monde les ingrédients d'une révolution alimentaire : le maïs, une cinquantaine d'espèces de haricots, dont les haricots verts, les citrouilles, les oignons, les tomates (tomatl), les pommes de terre, les cacahuètes (tlacacahuatl), la vanille… À cette liste non exhaustive, il faut adjoindre une boisson faite avec la graine de l'amaxocoatl, connue sous le nom de « cacao » ou « chocolat ».
Une société hiérarchisée, une administration efficace

La société aztèque à son origine avait été égalitaire et frugale. Mais, avec le temps et l'expansion de l'Empire, le luxe et la hiérarchie politico-sociale l'avaient profondément modifiée. Le « simple citoyen » (maceualli) menait encore une vie assez semblable à celle des Aztèques de la migration ; il cultivait le lopin de terre auquel il avait droit, chassait ou pêchait, devait prendre part aux travaux collectifs (entretien des canaux et des ponts, terrassements, etc.). Mais les négociants disposaient de grandes richesses sous forme de denrées, métaux précieux, plumes, tissus. L'aristocratie militaire, qui se renouvelait d'ailleurs par la promotion de guerriers sortis du peuple, possédait des domaines ruraux et des palais, et recherchait de plus en plus le luxe. Autour d'elle gravitaient serviteurs, métayers, esclaves, et aussi des artistes, sculpteurs, ciseleurs, orfèvres, peintres, poètes et musiciens.
Tous les enfants, quelle que fût leur origine, recevaient une éducation relevant d'un des deux systèmes en vigueur : pour les enfants du peuple, les telpochcalli, collèges de préparation à la vie pratique et à la guerre ; pour ceux de l'aristocratie, mais aussi pour ceux des négociants et pour les enfants « plébéiens » que l'on destinait à la prêtrise, les calmecac, monastères-collèges qui dépendaient des temples. Dans ces derniers, on enseignait l'histoire traditionnelle, la religion et les rites, l'écriture pictographique, la lecture des livres sacrés, la musique et le chant. Il existait d'ailleurs des écoles de chant ouvertes aux jeunes gens de la classe populaire.
L'administration de l'Empire et la justice étaient assurées par un grand nombre de fonctionnaires et de magistrats, assistés de scribes, gendarmes, huissiers, messagers. Organisés selon une hiérarchie complexe, ils percevaient en rémunération le produit de terres qui leur étaient affectées. Les conquérants espagnols et Cortés lui-même ne tarissent pas d'éloges quant à l'ordre et à l'efficacité de l'administration, à l'intégrité des juges, à la splendeur et à la propreté de la capitale. La justice est un modèle d'organisation. Grâce à une remarquable hiérarchie des juridictions, qui comprend des tribunaux d'instance (teccali) et une cour suprême ou cour d'appel (tlacxitlan), la justice est rendue avec rapidité et efficacité. Aucun procès ne dure plus de quatre-vingts jours, y compris le jugement et l'arrêt. Les juges sont nommés par le souverain et par le chef du quartier où se tient le tribunal.
Prédominance de l’empereur

L'État aztèque, né de la démocratie tribale, était devenu une monarchie aristocratique. Au sommet, le tlatoani (« celui qui parle, qui commande »), élu à vie au sein d'une même dynastie par un collège restreint de dignitaires, était assisté d'un « vice-empereur », le ciuacoatl, et de quatre « sénateurs » élus en même temps que lui. Il désignait de hauts fonctionnaires tels que le petlacalcatl, chargé de la perception des impôts et du trésor, le uey calpixqui, préfet de la capitale, etc. Le Grand Conseil (tlatocan, « lieu de la parole, du commandement ») se réunissait sous sa présidence ou sous celle du ciuacoatl pour discuter des décisions importantes, et pouvait repousser jusqu'à trois reprises les propositions du souverain, par exemple en cas de déclaration de guerre. L’empereur est, au début du xvie s., un personnage quasi divin, entouré d'un halo religieux. Sa principale mission consiste à défendre, à agrandir et à embellir le temple de Huitzilopochtli, le dieu organisateur du monde des Aztèques, auquel il offre, souvent lui-même, des sacrifices. L'empereur vit dans un palais superbe, entouré de ses femmes, de ses conseillers, de ses devins, de ses nains et de ses bouffons. Nul ne peut le regarder en face, ni le toucher. Il lui est interdit de fouler le sol.
Une religion omniprésente et sanglante

Reliée à la classe dirigeante par de multiples liens familiaux, mais distincte d'elle, influente à coup sûr dans les affaires publiques mais non mêlée directement à la gestion de l'État, la classe sacerdotale était nombreuse et respectée. À la tête de la hiérarchie se trouvaient les deux grands prêtres égaux appelés Serpents à plumes, assistés d'un « vicaire général », lui-même entouré de deux coadjuteurs. Groupés en collèges au service de telle ou telle divinité, ou répartis dans les quartiers comme simples desservants, les prêtres avaient à leur charge non seulement le culte, mais l'éducation supérieure et les hôpitaux destinés aux pauvres et aux malades. Le clergé disposait d'immenses richesses en terres et en marchandises de toute sorte, qu'administrait un trésorier général.
La vie des Aztèques était dominée par la religion, que caractérisaient un panthéon foisonnant, une riche mythologie, un rituel complexe fertile en épisodes dramatiques et sanglants mais aussi en cérémonies grandioses et en émouvante poésie. La civilisation aztèque avait réalisé la synthèse des divinités astrales des tribus nordiques (Huitzilopochtli, Tezcatlipoca), des dieux agraires adorés par les anciennes populations sédentaires (Tlaloc, Chalchiuhtlicue, etc.), des dieux étrangers tels que Xipe Totec (Oaxaca) ou Tlazolteotl (déesse de l'Amour chez les Huaxtèques).
Le dieu des Aztèques à qui est adressé le culte est guerrier et triomphant. Huitzilopochtli est fils d'une déesse de la Terre, il personnifie le Soleil par sa victoire sur ses frères et sœurs, les Ténèbres et l'Étoile du matin. Soleil et guerre : tels sont les deux principes organisateurs de la religion aztèque. Ainsi, les morts au combat ou les sacrifiés connaissent une survie grandiose, car ils sont chargés d'aider le Soleil dans sa course. Tous les jours pendant quatre ans, ils l'accompagnent du levant au zénith. Passé cette période, ils se métamorphosent en colibris ou en papillons. Celui qui meurt dans sa maison, au contraire, disparaît dans les Ténèbres. Dès son enfance, l'homme aztèque est préparé à l'idée du sacrifice; il ne doit vivre que pour donner son cœur et son sang « à notre Mère et à notre Père, la Terre et le Soleil », et contribuer de la sorte au bel ordonnancement du monde : permettre le lever du Soleil, la tombée de la pluie, la pousse du maïs… La « guerre fleurie », pacte de sang entre tribus sœurs, de même origine et de même culture, a été scellée à cette fin.
Les sacrifices humains, très fréquents, correspondaient à deux conceptions distinctes. Tantôt le sang et le cœur des victimes étaient offerts aux dieux, plus particulièrement au Soleil, afin d'assurer la marche régulière de l'univers ; tantôt les victimes incarnaient le dieu et mimaient son drame mythique, jusqu'au moment où leur sacrifice transférait leur force vitale à la divinité représentée. Les sacrifiés, de même que les guerriers tombés au combat et les femmes mortes en couches étaient promis à une éternité bienheureuse, tandis que les morts ordinaires, pensait-on, devaient subir quatre années d'épreuves dans le royaume souterrain de Mictlantecuhtli (le Pluton aztèque) avant de disparaître dans le néant. Mais les morts que Tlaloc avait « distingués » en les appelant à lui (par noyade, hydropisie, affections pulmonaires, etc.) devaient jouir dans l'au-delà d'une vie paisible dans l'abondance du paradis (Tlalocan).
« Le compte des destins »

À l'instar des Mayas et des Toltèques, les Aztèques ont élaboré un système très complexe de calendriers, mêlant observations astronomiques et métaphysique, instrument de repérage des phénomènes naturels, tels les saisons ou le mouvement des astres, mais aussi moyen de déterminer le destin des hommes et du monde. L'existence de chacun était régie par le tonalpoualli, le « compte des destins », système extrêmement complexe de divination fondé sur un calendrier rituel de 260 jours divisé en 20 séries de treize. Chacun de ces jours était désigné par un chiffre et un signe – « 1, crocodile », « 2, vent », « 3, maison », etc. –, que les prêtres spécialisés, les « compteurs de destins », interprétaient à l'occasion des naissances, mariages, départs en voyage, expéditions militaires. Chaque année solaire est désignée par le nom de son premier jour, pris lui-même dans le calendrier divinatoire. Seuls quatre signes peuvent commencer une année: tecpatl (le silex), acatl (le roseau), calli (la maison), tochtli (le lapin). Combinés chacun avec les treize nombres fondamentaux du calendrier divinatoire, ils offrent 52 débuts d'année possibles. À l'issue de ce cycle de cinquante-deux ans, le temps est réputé suspendu: il peut alors se dissoudre, et c'est la fin du monde tant redoutée, ou se répéter, les anciens signes épuisés redevenant porteurs de vie à la faveur d'une cérémonie sacrificielle. Au-delà de ce cycle clos, les noms des jours et des années se répètent inlassablement.


La chute de l’empire

Le 18 février 1519, Hernán Cortés débarque au Yucatán accompagné de quelques dizaines de soldats. Le 13 août 1521, Tenochtitlán tombe sous ses assauts ; le dernier empereur est capturé, les Aztèques sont décimés et soumis à jamais. On peut se demander pourquoi un État organisé à ce point pour la guerre et une civilisation aussi élaborée se sont effondrés comme châteaux de sable devant une poignée d'Espagnols. L'explication tient sans doute au décalage technologique (les Mexicas n'ont ni épées de fer ni armes à feu). Elle tient aussi au pessimisme de la vision religieuse aztèque. Moctezuma II, scrupuleux et méditatif, très attentif aux présages, croit reconnaître dans les Espagnols qui arrivent sur la côte du Mexique les représentants de Quetzalcóatl, le roi-prêtre des Toltèques, le dieu-serpent à plumes dont le retour est annoncé par d'anciennes prophéties. De plus, l'année 1519 coïncide avec la fin d'un cycle calendaire de cinquante-deux ans, qui marque la suspension du temps. Ces êtres étranges, blancs, barbus et vêtus de fer, qui lancent la foudre et possèdent des chevaux, animaux que personne n'a jamais vus au Mexique, ont tous les caractères des dieux. Les Aztèques, prêts à les accepter comme tels, ne veulent que les honorer…
L'explication réside enfin dans la complicité active des peuples voisins, soumis depuis trop longtemps à la puissance mexica, fatigués de donner leur fortune à son empereur, et leurs enfants à ses dieux. Les Totonaques et les seigneurs de Tlaxcala rejoignent Cortés, qui se présente devant Tenochtitlán-Mexico avec une armée de plus de 30 000 indigènes. Moctezuma hésite : il cherche la preuve qu'il se trouve devant des dieux. Il reçoit les Espagnols et prépare pour eux des fêtes, en l'honneur, notamment, de Huitzilopochtli. Mais Cortés doit regagner la côte à la hâte pour combattre des émissaires de l'Espagne venus lui demander des comptes sur son épopée. Pendant ce temps, Alvarado, son lieutenant resté sur place, organise, sous on ne sait quel prétexte, le massacre de la foule venue assister à une cérémonie religieuse. À son retour, Cortés trouve la capitale aztèque en révolte ; Moctezuma, tenu responsable de la situation, est tué par le peuple. L'insurrection progresse. Assiégés, Cortés et ses compagnons doivent se frayer un chemin hors de la ville ; ils sont décimés par les guerriers aztèques enragés : c'est la Noche Triste (la Nuit Triste) du 30 juin au 1er juillet 1520. Cortés en réchappe pourtant. Il va reconstituer ses forces et réinvestir méthodiquement Tenochtitlán à partir de la fin de 1520. Le 13 août 1521, au milieu des ruines de sa ville dévastée par les canons, le dernier empereur aztèque se rend aux Espagnols. Il s'appelle Cuauhtémoc, l'« Aigle-qui-tombe », c'est-à-dire le Soleil couchant ; le soleil aztèque s'éteint pour toujours.
Quelques divinités du panthéon aztèque

Chalchiuhtlicue

« Celle qui a une jupe de pierres vertes », déesse de l'Eau douce, compagne de Tlaloc.
Cihuateteo

« Femmes-déesses », femmes mortes en couches et divinisées ; elles prennent au zénith le relais des guerriers morts au sacrifice pour accompagner le Soleil dans son voyage.
Coatlicue

« Celle qui a une jupe de serpents », vieille déesse de la Terre, qui enfanta miraculeusement le dieu des Mexica, Huitzilopochtli.
Coyolxauhqui

« Celle qui est parée de grelots », sœur aînée de Huitzilopochtli, tuée par lui, ainsi que ses frères, les 400 étoiles au Sud, au moment de sa venue au monde. Elle symbolise les ténèbres, vaincues par le jeune Soleil triomphant.
Eecatl

Quetzalcóatl sous sa forme de dieu du Vent. Représenté avec un masque en forme de bec de canard, ou sous la forme d'un singe soufflant.
Huitzilopochtli

« Le colibri de gauche », jeune dieu de la tribu aztèque, qu'il avait guidée dans sa migration. Il symbolise le Soleil triomphant, au zénith.
Mayahuel

Déesse du Maguey, qui avait été la plante nourricière des Aztèques au temps de leur migration. Elle est généralement représentée comme plurimammaire.
Mictlantecuhtli

Le « Seigneur du lieu des morts », dieu des Enfers, représenté sous la forme d'un cadavre décharné.
Nanauatzin

Petit dieu pustuleux ou syphilitique, autre forme de Quetzalcóatl. À l'origine des temps, il s'était sacrifié en se jetant dans un brasier allumé à Teotihuacán, pour faire naître le Soleil.
Ometecuhtli et Omecihuatl

« Le Seigneur et la Dame de la dualité ». D'après certaines sources, c'est le couple primordial qui aurait enfanté tous les autres dieux et les humanités. Leur culte semble être tombé en désuétude chez les Aztèques, et n'être resté vivant que chez certains rameaux nahuas émigrés dès le xiie s. comme les Pipils du Guatemala.
Quetzalcóatl

QuetzalcóatlQuetzalcóatl
« Serpent plume précieuse ». Sans doute la figure dominante du panthéon aztèque. Inventeur des arts, des techniques et de la pensée philosophique.
Tezcatlipoca

« Miroir qui fume », dieu du Nord, du Ciel nocturne et de la Guerre, patron des jeunes guerriers. Vainqueurs de Quetzalcóatl par ses sortilèges.
Tlaloc

Fresque de TepantitlaFresque de Tepantitla
Vieux dieu de la Pluie, l'un des plus importants du panthéon, honoré dans tout le Mexique. Caractérisé par ses yeux entourés de serpents formant comme des lunettes et par sa bouche ornée de crocs, comme les autres dieux de la Pluie des peuples voisins ou antérieurs : le Cocijo des Zapotèques, le Chac des Mayas, etc.
Tlazolteotl

« Déesse de l'Immondice », déesse de l'Enfantement et de l'Amour charnel, des Bains lustraux. Originaire sans doute de la Huaxteca, région connue pour sa « frivolité », elle avait le pouvoir d'effacer, par la confession, les offenses à la morale sexuelle.
Toci

« Notre aïeule », nommée aussi Teteo innan, « la mère des dieux ». C'est son culte qui était célébré sur la colline où devait apparaître la Vierge de Guadalupe, faisant de celle-ci, par un phénomène de syncrétisme, une Vierge pleinement nationale.
Tonatiuh

Le Soleil, représenté au centre du célèbre monument « la Piedra del sol », tirant la langue pour réclamer sa nourriture, le sang humain.
Xipe Totec

« Notre Seigneur l'écorché », dieu peut-être originaire de l'actuel État d'Oaxaca. Il représente le Renouveau de la végétation. Les prêtres se revêtaient en son honneur de la peau des sacrifiés, qui, en jaunissant, évoquait une feuille d'or : il est aussi le dieu des orfèvres.
Xiuhtecuhtli

« Le Seigneur du feu », également nommé Huehueteotl, « le vieux dieu ». Vieux dieu du Feu et des puissances volcaniques, représenté généralement comme un vieillard ridé dont la tête supporte un brasero.
Xolotl

Autre forme de Quetzalcóatl. Lors du sacrifice qu'avaient décidé tous les dieux à Teotihuacán pour faire vivre le Soleil, il fut le seul à s'enfuir et à tenter de se cacher. Il devint le dieu des Monstres, et de tout ce qui est double : double épi de maïs, double maguey, jumeaux…
ART

Introduction

L'art des Aztèques, comme leur religion, est le résultat d'une synthèse. La tradition toltèque qui avait survécu dans certaines villes du plateau central comme Culhuacán, le style « mixtéca-puebla » de Cholula, de Tizatlán et de l'Oaxaca, et certaines influences d'origine plus lointaine, comme celle des Huaxtèques, se sont amalgamés en un ensemble original. Riche à la fois d'un symbolisme ésotérique et d'un vigoureux réalisme, l'art aztèque frappe par la puissance et l'énergie des formes, par la sûreté du dessin, par la hardiesse de la conception.
Architecture

En architecture, les Aztèques n'ont guère innové ; ils ont repris pour l'essentiel les thèmes de l'architecture classique et toltèque, c'est-à-dire la pyramide à degrés et le palais horizontal. Cependant, la juxtaposition de deux temples au sommet d'une pyramide unique, comme c'était le cas du Grand Teocalli de Mexico, avec les sanctuaires jumelés de Tlaloc et de Huitzilopochtli, est un trait typiquement aztèque. Les monuments circulaires, tels que les temples du Vent à Mexico et à Calixtlahuaca, relèvent d'une tradition étrangère à la civilisation classique : il s'agit là d'un emprunt à l'architecture huaxtèque. Les dimensions grandioses de certains édifices, comme le palais du Tlatoani à Mexico ou celui du roi de Texcoco, immenses bâtiments groupés autour de patios et de jardins, surpassaient tout ce qui avait été réalisé au Mexique auparavant. En outre, les Aztèques sont le seul peuple autochtone du Mexique qui ait taillé entièrement dans la roche vive, à Malinalco, un temple avec ses statues et ses bas-reliefs.
Sculpture

QuetzalcóatlQuetzalcóatl
La sculpture, dont il subsiste de très nombreuses œuvres en dépit des destructions massives dues à la conquête, présente un large éventail symbolique et stylistique, depuis les idoles et les bas-reliefs à thèmes religieux jusqu'aux statues de personnages et d'animaux, en passant par les scènes historiques à la gloire des empereurs. Parmi les spécimens les plus connus qui se trouvent dans les musées du Mexique ou à l'étranger, on mentionnera la statue colossale de la déesse Coatlicue, extraordinaire chef-d'œuvre macabre ; les représentations du Serpent à plumes Quetzalcóatl ; le « Calendrier aztèque », monolithe qui résume sur son disque les conceptions cosmologiques des anciens Mexicains ; le « Teocalli de la Guerre sacrée », dédié au Soleil et au combat cosmique ; une tête de dignitaire (« chevalier-aigle ») qui évoque de façon frappante l'énergie des guerriers ; la « Pierre de Tizoc », qui retrace les victoires du septième souverain ; la stèle commémorative de l'inauguration du grand Temple, par Ahuitzotl, en 1487.
Arts décoratifs

Les Aztèques ont fait revivre l'art du masque en pierre, qui avait été pratiqué avec virtuosité à l'époque classique (Teotihuacán, ve-viiie s.). Ils ont porté à un haut degré de perfection la sculpture et la ciselure des pierres semi-précieuses : jadéite, néphrite, serpentine, cristal de roche. D'admirables statuettes en portent témoignage, par exemple celle du dieu Tezcatlipoca (musée de l'Homme, Paris) ou celle de Xolotl (musée du Wurtemberg, à Stuttgart).
Trois grandes corporations d'artisans étaient spécialisées, à Mexico, dans les arts que nous appelons « mineurs » : les orfèvres, dont les merveilleux bijoux et ornements d'or et d'argent s'inspiraient surtout du style mixtèque de l'Oaxaca ; les lapidaires, qui décoraient de mosaïque de turquoise, de grenat, d'obsidienne et de nacre les masques, objets cérémoniels, casques d'apparat ; enfin les amanteca, ou plumassiers, dont les fragiles chefs-d'œuvre faits de plumes d'oiseaux tropicaux ornaient la coiffure et les vêtements des dignitaires ainsi que les idoles des dieux.
Peinture

Manuscrit aztèqueManuscrit aztèque
Il existait à Mexico deux catégories de peintres : ceux qui couvraient de fresques les murailles des palais et des sanctuaires, et ceux qui, scribes versés dans l'écriture hiéroglyphique, enluminaient les manuscrits religieux ou historiques. Certains de ces manuscrits, tel le Codex borbonicus (bibliothèque de l'Assemblée nationale, Paris), constituent des recueils de petits tableaux symboliques admirablement exécutés.
Littérature

La littérature, surtout sous la forme de poèmes déclamés et chantés avec accompagnement de flûtes et d'instruments à percussion, présentait des genres nettement délimités : poèmes religieux d'une grande élévation, poèmes philosophiques, épopées historico-mythiques, odes lyriques, poèmes mimés et dialogués que l'on peut considérer comme un embryon de théâtre. En outre, les Aztèques attachaient une importance extrême à l'art oratoire ; toutes les circonstances importantes de la vie publique ou privée, depuis l'élection d'un souverain jusqu'au départ d'une caravane de négociants, étaient marquées par des discours pompeux et imagés. Enfin, la danse tenait une large place dans les réjouissances familiales, dans les banquets et dans les cérémonies religieuses.


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LA ROME ANTIQUE

 

Rome antique : l'Empire romain
(27 avant J.-C.-476 après J.-C.)

Cet article fait partie du dossier consacré à la Rome antique.
Dernière grande période de la longue histoire de la Rome antique, qui connut d'abord le régime de la royauté puis celui de la République.

Pour en savoir plus, voir également les articles Rome antique (jusqu'en 264 avant J.-C.), Rome antique (264-27 avant J.-C.).
1. Le régime impérial, ou principat


Prétendu restaurateur de la République après sa victoire sur Marc Antoine et Cléopâtre, Octave qui se fait décerner le titre d'Auguste par le sénat en 27 avant J.-C., est ce qu'on appelle un empereur, du latin imperator, général victorieux, celui qui détient l'imperium. Mais ce titre ne suffit pas à identifier le régime impérial, qu'il vaut mieux appeler principat, dans la mesure où l'empereur se dit plutôt le premier (princeps) des citoyens que leur souverain.
1.1. Les pouvoirs impériaux

L'empereur se définit par une titulature qui donne l'énumération de ses fonctions et de ses pouvoirs : imperator, avec pouvoirs proconsulaires sur les provinces, il détient aussi la « puissance tribunitienne » dans Rome (il n'y a plus de tribuns de la plèbe) et le grand pontificat (pouvoir religieux). Il s'octroie souvent le consulat. Il se dit Caesar et Augustus, et ces surnoms deviennent eux-mêmes des titres. Mais cet ensemble est disparate et laisse les historiens perplexes. On ne connaît pas très bien les formalités d'avènement : certains pouvoirs, d'origines diverses, ne sont pas acquis d'emblée. Une lacune, en outre : le mode de désignation des empereurs successifs. Le pouvoir résulte le plus souvent d'une acclamation par les soldats, complétée d'une confirmation par le sénat, ce qui n'exclut pas une certaine hérédité, même quand elle est créée par adoption.
1.2. Des empereurs aux types variés

Caligula
Si le poids de l'hérédité se fait sentir chez certains des « douze Césars » (de César à Domitien) évoqués par Suétone (→ Vie des douze Césars), les empereurs sont surtout classés par l'historiographie antique en bons et en mauvais, en fonction de leur attitude repectivement favorable ou défavorable envers le sénat. Il y a des cas pathologiques (→  Caligula, Commode) et des parvenus grisés par le pouvoir (→  Vitellius). Il est aussi des personnages sans caractère (Julianus, de mars à juin 193), portés à un pouvoir éphémère par la garde prétorienne, qui attend d'eux une récompense. Les empereurs sont de plus en plus d'origine militaire et provinciale. Parviennent ainsi des séries d'empereurs espagnols (→  Trajan, Hadrien), syriens (les Sévères) ou illyriens (de Claude II à Dioclétien). Cela peut donner de curieux résultats : sous Élagabal (218-222), prêtre sémite d'un dieu-soleil oriental, un danseur est fait préfet du prétoire, un cocher préfet des vigiles, un coiffeur préfet de l'annone, et l'empire échappe tout juste à l'obligation d'adorer le dieu nouveau venu. Ainsi les empereurs se suivent et ne se ressemblent pas.
1.3. Les empereurs du Haut-Empire (27 avant J.-C.-192 après J.-C.)

Les Julio-Claudiens (27 avant J.-C.-68 après J.-C.)
Claude Ier
Auguste (27 avant J.-C.-14 après J.-C.) mérite son titre de « père de la patrie ». Tibère (14-37) est décrit comme un dangereux misanthrope. Caligula (37-41) apparaît comme un despote de type oriental hanté par le souvenir d'Alexandre.
NéronNéron
Claude (41-54) est un pédant, mais aussi l'auteur d'une législation très positive. Quant à Néron (54-68), il a droit à tous les commentaires et à toutes les réputations.
Les Flaviens (69-96)
Après la crise de l'année des quatre empereurs (68-69), Vespasien (69-79) rétablit l'ordre mais laisse l'impression d'un bourgeois provincial avaritieux. Titus (79-81) est tout à l'opposé du nouveau Néron qu'on avait redouté d'abord. Domitien (81-96) élabore le système défensif de l'Empire et annonce déjà le « dominat », nom que l'on donne aujourd'hui à l'absolutisme sacré, qui fait des progrès à mesure qu'avance l'Empire.
Les Antonins (96-192)

Après Nerva (96-98), Trajan (98-117) est un conquérant, un administrateur et un bâtisseur : il soumet la Dacie, sur la rive gauche du Danube, annexe l'Arabie Pétrée et crée les provinces d'Arménie et de Mésopotamie. Fin diplomate, il sait obtenir l'adhésion du sénat, désormais totalement rallié à la monarchie impériale ; il dote également Rome du plus important de ses forums.

Hadrien (117-138) est un voyageur et un dilettante, mais aussi un maître efficace. Le ralliement des élites grecques à l'administration de l'Empire devient manifeste sous son principat.
Antonin le PieuxAntonin le Pieux
Hadrien adopte comme successeur un sénateur respecté, Antonin (138-161), qui mène la même politique et jouit d'une grande popularité en raison de sa bonne gestion des finances publiques et de son accord profond avec le sénat.

Marc Aurèle (161-180) est un empereur philosophe, Commode (180-192) un despote qui se prend pour Hercule.
1.4. Le culte impérial

Malgré leurs défauts d'humanité, les empereurs sont déifiés de leur vivant ou, plus sûrement encore, après leur mort, à moins que leur mémoire ne soit condamnée, leur nom martelé sur les monuments et leurs statues décapitées. Le culte impérial provient de traditions orientales et hellénistiques. Le culte de Rome et d'Auguste se célèbre dans le cadre des provinces, où il se présente comme une manifestation de loyalisme, et les assemblées des notables de province sont à la fois religieuses et politiques. À la fin du iie s., les dédicaces relatives au culte impérial n'émanent plus de particuliers, mais seulement de magistrats ou de collectivités, ce qui dénote une relative désaffection. En revanche, le cérémonial de la Cour se précise et s'imprègne de religiosité : tout ce qui touche à l'empereur devient sacré ; lui-même est adoré par des sujets prosternés. Mais ce sont là des manifestations d'orientalisation d'époque tardive (iiie siècle surtout) qui expriment le passage du principat au dominat.
1.5. Les cadres politiques

Les cadres politiques de l'Empire ne sont plus ceux de la République. L'empereur observe souvent de la déférence ou une apparence de déférence, à l'égard du sénat, laisse le sénat désigner les magistrats qu'il a proposés, mais désigne des consuls en surnombre pour distinguer des fidèles. Parmi les sénateurs, constitués en ordre héréditaire, l'empereur choisit des curateurs, à qui sont confiées de hautes fonctions. Dans l'ordre équestre, où l'on entre sur acceptation impériale, se recrutent des procurateurs, autres hauts fonctionnaires qui dirigent nombre de services tant urbains que provinciaux, car une hiérarchie paperassière se développe. Le préfet du prétoire, chef de la garde prétorienne, est un personnage de premier plan, chargé, entres autres tâches, du ravitaillement de l'armée. L'administration des domaines impériaux, devenus immenses grâce aux confiscations répétées, est aux mains de toute une hiérarchie. Elle comprend les mines, qui étaient souvent propriétés privées sous la République.
2. La paix romaine

2.1. Des frontières sécurisées


L'armée est une armée de métier, recrutée un peu partout dans l'Empire. Mais les soldats vont souvent opérer loin de leur pays d'origine. Les opérations de conquête se poursuivent (Bretagne, Dacie). Au iie siècle, la politique défensive, déjà sagement amorcée sur certaines frontières, tend à se généraliser. L'Empire s'entoure de retranchements au nom significatif de limes, frontière. Le limes n'est pas une ligne de défense impénétrable, et des échanges économiques ont lieu avec les pays barbares, surtout après la conquête de la Dacie sous Trajan, qui étend les possibilités du commerce.
 Le danger du voisinage se fait pourtant sentir : les Barbares du Nord et de l'Est, qui suivent les voies commerciales, sont souvent en mouvement. Sous Néron, Sarmates et Roxolans bougent déjà aux abords du Danube. Sous Marc Aurèle, leur menace devient sérieuse. Mais la population de l'Empire n'est pas encore concernée. Elle jouit de cette paix tant vantée, des communications intérieures sûres, voies rapides ou mer sans pirates.
2.2. Diversité du monde romain

Caracalla
Les provinces, gouvernées les unes par les délégués de l'empereur, les autres par ceux du sénat, bénéficient de régimes divers. Les cités ont des statuts non moins variés. Chaque cité possède sa physionomie propre. Le monde romain est le cadre d'un vaste brassage de population. Les Italiens sont partis pour l'Orient et l'Occident. Les esclaves orientaux se sont enracinés à Rome. Affranchis, ils sont montés dans la hiérarchie sociale. L'attribution du droit de cité à tout l'Empire, en 212, par l'édit de Caracalla, sanctionne le résultat de ce chassé-croisé. Mais tous se sentent, en définitive, animés d'un patriotisme romain destiné à survivre longtemps.
L'Orient
L'Égypte, considérée comme patrimoine impérial, et dont le pittoresque suscite une vague d'égyptomanie esthétique et religieuse, est un grenier à blé qui jouxte ce foyer intellectuel, cosmopolite et turbulent que demeure Alexandrie. La Grèce propre est un désert, mais Athènes est un musée et une université. L'Asie Mineure prospère sous l'autorité d'une très riche bourgeoisie hellénisée. La Syrie bénéficie des échanges caravaniers actifs avec un Orient lointain. Tous ces pays de l'Orient romain ont adopté les institutions de Rome sans perdre l'usage de la langue grecque et de maintes traditions hellénistiques. La vie intellectuelle y est active. Seuls songent à se révolter les Juifs, qui se heurtent longtemps à l'incompréhension des empereurs.
Aux ier, et encore plus aux iie et iiie siècles, la place de l'Orient dans l'Empire est devenue singulièrement importante. C'est de l'Orient lointain que des caravanes apportent des produits exotiques. C'est sur les rives de l'Euphrate que les légionnaires vont monter la garde face aux Parthes, puis aux Sassanides. C'est de Syrie que viennent les marchands, dont les colonies sont établies dans chaque port de l'Empire. C'est d'Orient enfin que viennent les nouveautés en matière religieuse.

L'Occident s'est très vite romanisé, à l'exception des campagnes, où certains continuent à parler punique ou gaulois. L'Espagne est fortement colonisée. Elle donne à Rome plusieurs empereurs et des écrivains (Quintilien, Sénèque, Lucain, Martial). La Narbonnaise n'a rien à envier à l'Italie sous le rapport de la romanisation. La Gaule chevelue, à première vue plus sauvage, a été fortement pénétrée et mise en valeur. Elle voisine avec une Germanie romaine très active, du fait de la présence des légions, et dont les villes, issues des camps, ont une physionomie originale. La Sicile et l'Algérie sont des terres à blé, grandes pourvoyeuses de la capitale impériale. En Afrique romaine, de vastes domaines existaient là où il n'y a plus aujourd'hui qu'un désert. Partout, les élites participent pleinement à la civilisation et aux institutions de Rome. Dans des cités bien bâties, honorées de subventions impériales, les notables se disputent les fonctions publiques et dépensent avec vanité pour l'embellissement de leur patrie.
L'Italie et Rome
Au regard de ces provinces actives, l'Italie apparaît, dans sa plus grande partie, déserte ; elle est découpée en grands domaines d'élevage extensif, que possèdent les sénateurs, obligés de placer une partie de leur fortune en terres italiennes.
Rome est en quelque sorte le revers des provinces. Par la fiscalité, l'annone, elle se nourrit, en parasite, du produit du reste de l'Empire. Le ier siècle est celui de la « décadence » des moralistes classiques. La convergence des richesses prises au monde, d'une monarchie de parvenus et d'une populace désœuvrée fait de Rome le foyer d'un luxe délirant, d'une débauche légendaire et d'un parasitisme sordide. Les enrichis, fiers de leur réussite, mènent la vie caricaturée par Pétrone dans le Satiricon. Les pauvres ramassent les miettes, vont regarder mourir les condamnés, les gladiateurs et les fauves à l'amphithéâtre, consacrent une partie de leur temps à la relaxation que procurent les séjours dans les thermes publics ou privés. Ce tableau prête le flanc aux descriptions mal intentionnées des historiens des empereurs (Suétone) et a provoqué depuis lors maints commentaires sur le caractère primitif de ces comportements plaqués de luxe plus que de civilisation.
2.3. L'évolution religieuse

Paganisme ancestral et cultes orientaux
La religion traditionnelle n'est pas morte, mais elle est trop étroitement liée à l'État ; le culte est trop officiel, et le rituel trop archaïque et incompréhensible, même pour les Romains de l'Empire. Les classes cultivées ne lui accordent plus de crédit, tandis que les classes populaires se sont tournées vers d'autres dieux, dont le culte présente des aspects mystiques. C'est en particulier le cas des religions importées d'Orient, véhiculées par les marchands et les esclaves, adoptées par les marins, les soldats, favorisées par certains empereurs. Le culte d'Isis et de Sérapis se propage en colportant tout un folklore exotique venu d'Égypte. Le culte d'Attis est introduit officiellement sous Claude, pour se joindre à celui de Cybèle. Mithra, originaire d'Iran, tient une place étonnante dans les pays où sont casernés les soldats.
Évolution vers le syncrétisme
En outre, la variété des attitudes humaines se traduit par l'athéisme de quelques esprits forts, par les tendances panthéistes ou monothéistes de certains, par les superstitions indéfectibles de la masse. Les empereurs ont sévi occasionnellement contre les propagateurs des superstitions, expulsant les astrologues et les charlatans, comme le furent aussi les « philosophes », assimilés aux autres perturbateurs ou rivaux de la religion traditionnelle. La spéculation sur la nature des dieux passionne les platoniciens et les gnostiques du iie siècle. Les tendances syncrétiques qui paraissent épurer le panthéon gréco-romain et oriental s'accentuent au iiie siècle, et les préférences personnelles des empereurs font presque apparaître un dieu officiel suprême, qui pourrait être Jupiter ou le Soleil, ou la synthèse des deux : en pays grec, Zeus-Hélios-Sérapis est qualifié de dieu unique.
Originalité du judaïsme
Le judaïsme se situe en marge, bien que ses exégètes aient été contaminés par l'hellénisme et la philosophie platonicienne. Son caractère national a été estompé par le prosélytisme des Juifs auprès des païens, prosélytisme favorisé par leur dispersion même, leur diaspora, qui les a répandus dans les villes. Après la révolte de Judée (66-70), réprimée par Vespasien et Titus, et les révoltes juives de 115 et de 135, la dispersion s'accentue. L'attitude du pouvoir romain à l'égard des Juifs est complexe : respect de principe pour une religion nationale, sanctions à la suite des révoltes nationalistes. Les Juifs ont pu cependant édifier librement leurs synagogues, et leur omniprésence a ouvert la voie à l'expansion du christianisme.
Les débuts modestes du christianisme (ier-iie siècle)
Le christianisme apparaît d'abord en pointillé. On a énormément écrit sur ses manifestation à Rome et en Italie au ier siècle. Mais existe une grande différence entre la vision chrétienne de la question et l'optique des textes païens, qui se limitent à d'expéditives allusions à une nouvelle secte. C'est en Asie Mineure que les chrétiens se multiplient en premier lieu. À Rome, la persécution néronienne attire l'attention sur eux. Pline le Jeune, gouverneur de Bithynie au temps de Trajan, se demande quelle attitude adopter à leur égard. Leur cas est embarrassant : ils refusent de considérer l'empereur comme un dieu, ce qui est très grave, mais on les tient, au demeurant, pour d'honnêtes gens. Dans la foule, les chrétiens ont des ennemis, qui les accusent d'adorer un dieu à tête d'âne, de se livrer à des orgies secrètes et autres calomnies, car ils sentent confusément la menace qu'ils font peser sur le paganisme ancestral. Juridiquement, leur position est mauvaise : le seul fait d'être chrétien est, en soi, une faute.
L'essor du christianisme (iie-iiie siècle)
L'attitude des empereurs est variable, tantôt tolérante, en dépit de la législation (ce qui explique que des lieux de réunion publiquement connus soient nombreux), tantôt persécutrice, comme la population elle-même, occasionnellement coupable de massacres (Lyon, 177). Au iiie siècle, le christianisme est florissant. Il est présent dans toutes les régions peuplées et civilisées de l'Empire. On bâtit des églises en nombre croissant. La théologie et l'apologétique bénéficient de la plume agile de Tertullien et de Clément d'Alexandrie. Et tout cela à la veille de persécutions nouvelles (Decius, 249 ; Dioclétien, 303), qui obligent les chrétiens à utiliser plus que jamais le refuge des catacombes. Le siècle est d'ailleurs celui de la crise, des troubles, de la terreur, et les chrétiens ne sont pas les seuls à en souffrir.
Pour en savoir plus, voir l'article christianisme.
3. Le Bas-Empire

3.1. La crise du iiie siècle

Une crise qui vient de loin
Le Bas-EmpireLe Bas-Empire
Le tableau séduisant de la paix romaine, d'un Empire prospère où un commerce actif ferait bénéficier les habitants des denrées de toutes les contrées se ternit très rapidement. Au ier siècle, l'Italie est malade de ses terres vides, de ses propriétaires endettés, de son prolétariat urbain. Pline l'Ancien annonce que le mal gagne les provinces. Elles aussi pâtissent des dévaluations, dont Néron est l'initiateur et qui ne font que commencer. Au iie siècle, l'industrie provinciale l'emporte : les vases de terre sigillée de Gaule s'expédient dans tout le monde antique. Mais la production, dans son ensemble, stagne. Les dépenses de l'État augmentent : l'administration, la défense des frontières, où les barbares se font plus nombreux et offensifs, rendent la fiscalité plus oppressive. L'économie est en crise. Le manque d'hommes se fait sentir là où ils seraient nécessaires.
Les manifestations de la crise
Au iiie siècle, la crise éclate : c'est l'anarchie, la révolte, la fuite généralisée. Cela résulte d'un concours de faits que les historiens modernes, donnant d'ailleurs de plus en plus d'importance à l'économie, ont du mal à hiérarchiser : le déséquilibre de l'Empire entre ses provinces besogneuses et sa capitale parasite ; l'écart excessif entre la richesse de quelques-uns et le dénuement de la masse ; la fainéantise de beaucoup, qui vivent de quasi-mendicité ; la pénurie de soldats et de laboureurs ; le vide des campagnes et le rétrécissement des villes dépeuplées, qui s'enserrent dans d'étroits remparts ; la dépopulation, qui explique en partie la situation ; les invasions barbares, qui deviennent de plus en plus fréquentes et dévastatrices et prennent parfois la forme de raids à longue distance, Rome devant combattre à la fois Perses et Germains et se résigner à abandonner certains territoires, surtout les derniers acquis (Bretagne, Dacie, Mésopotamie) ; la crise d'autorité, enfin, qui se manifeste à partir de 193.
Les aléas du régime impérial
Le iiie siècle est le siècle des armées, des coups d'État militaires, des empereurs issus des camps pour un règne éphémère et qui se combattent les uns les autres.

Septime Sévère
L'époque des Sévères (193-235) accélère l'évolution du principat vers le dominat. Ces empereurs d'origine libyenne et syrienne établissent un régime autoritaire, dans lequel une théorie classique a vu la revanche des masses paysannes opprimées sur la bourgeoisie urbaine et les grands propriétaires. Le pouvoir impérial affiche un caractère de plus en plus militaire.
AurélienAurélien
Après 235, l'anarchie politique s'installe. La multiplication des empereurs rivaux fait donner à une série d'entre eux le nom de « trente tyrans ». En Gaule, un empire indépendant, fondé par Postumus en 258, se maintient même pendant quelques années et s'étend sur l'Espagne et la Bretagne. C'est Aurélien qui y met fin en 274.
Quand l'anarchie s'atténue, comme c'est le cas sous les Sévères et sous les premiers empereurs illyriens, après 268, toutes les décisions impériales semblent dictées par les nécessités de l'état de siège que subit le monde romain. Les problèmes d'argent entraînent un dirigisme accru. L'État s'arroge des monopoles, les métiers sont constitués en corporations, tandis que les bureaux se militarisent. Le sénat, quant à lui, est devenu le simple conseil municipal d'une capitale désertée par les empereurs.
Les mutations de la société
Dans son ensemble, l'Empire résiste bien, mais les provinces ont été localement ruinées par les fréquents passages des armées romaines comme barbares.
L'armée se sédentarise sous la forme de soldats-paysans, prêts à la moindre alerte. Elle joue aussi un rôle accru de police contre le brigandage, participe à la construction des remparts des villes et finit par se charger de la collecte des impôts et d'une partie de la justice. La population subit ce régime. Les riches sont victimes de confiscations et de réquisitions. S'ils sont des notables dans leur cité (décurions), ils sont responsables de l'impôt et paient pour les autres. Leur condition, de plus en plus ingrate est rendue héréditaire. Le commerce est bloqué : au mont Testaccio, où s'entassent les restes d'amphores du port de Rome, aucune ne porte de date postérieure à 255. En 252 enfin, la peste s'est mise de la partie. Après avoir payé tribut aux Barbares, Rome se résigne à les accueillir : à partir de 276, l'empereur Probus établit des colons goths et vandales en Pannonie. Ce n'est qu'un début.
3.2. La restauration du ive siècle

La tétrarchie
Dioclétien
En 286, deux empereurs, Dioclétien en Orient et Maximien en Occident, gouvernent le monde romain. En 287, ils prennent respectivement les titres de Jovius et d'Herculius. En 293, pour faire face à l'extension géographique et économique de l'Empire, un système original de partage quadripartite du pouvoir se met en place, la tétrarchie. Maximien prend pour césar l'ancien préfet du prétoire Constance Chlore, chargé de la Bretagne et de la Gaule. Peu après, Dioclétien fait de même avec Galère, qui devient responsable de la péninsule balkanique. La défense de l'Empire s'appuie donc sur les quatre résidences impériales de Trèves (Constance), Milan (Maximien), Sirmium (Galère) et Nicomédie (Dioclétien), tandis que Rome reste la capitale officielle, toujours désertée par les princes.
Un régime de plus en plus autoritaire
La paix règne sur toutes les frontières à partir de 298. Le nombre des légions passe de 39 à 60, mais leurs effectifs sont variables. L'administration impériale est renforcée et les impôts (capitation et impôt foncier) sont augmentés. La bonne monnaie fait sa réapparition, mais elle est faite de billon, et non plus d'argent comme ce fut le cas sous le Haut-Empire. Une flambée des prix, combattue par un édit du maximum du prix des marchandises et des services applicable dans tout l'Empire (301), accompagne cette politique monétaire. Dioclétien s'attaque aussi aux croyances jugées dangereuses, d'abord au manichéisme, ensuite au christianisme (303-304), par quatre édits successifs qui font des milliers de victimes, surtout en Orient, en Italie et en Afrique.

Constantin Ier le GrandConstantin Ier le Grand
En 305, Dioclétien et Maximien abdiquent, leurs Césars Constance Chlore et Galère les remplacent. Mais le système est déréglé dès 306 par la mort de Constance Chlore et la proclamation par ses troupes de son fils Constantin (306-337), qui prend le contrôle des Gaules, des Germanies, de l'Hispanie et de l'île de Bretagne.
La réorganisation constantinienne
Table de Peutinger, IIIe s. et IVe s.Table de Peutinger, IIIe s. et IVe s.
Avec le règne de Constantin Ier, l'Empire subit une véritable mutation. Il s'empare de l'Italie en 313 et de tout l'Orient en 324. Les institutions autoritaires qui sont nées de la nécessité sont toujours en place. Mais la situation militaire et politique s'est clarifiée. Enfin, peu après les dernières persécutions, l'Empire devient chrétien, officieusement par la conversion de l'empereur, à une date indéterminée, officiellement par la proscription des sacrifices aux dieux païens, amorcée en 341, mais rendue définitive en 394 seulement.
Survient alors une embellie dans l'histoire du Bas-Empire. Les lettres reprennent quelque vigueur, les arts également, bien que marqués désormais au coin de la barbarie. L'Empire se partage en deux parties, avec la naissance d'une nouvelle capitale, Constantinople, nouveau nom de Byzance à partir de 330. La réaction païenne de l'empereur Julien (361-363) semble vouloir amorcer un retour aux mœurs anciennes, vite enrayé.
Persistance des anciens maux et déclin de l'Empire d'Occident
Mais les maux du iiie siècle subsistent au ive, et les Anciens, qui eux-mêmes en ont eu conscience et ne savaient trop qui accuser, ont eu des réactions de défense, souvent malheureuses, limitées, égoïstes : le corporatisme, le patronat, l'anachorèse (fuite dans le désert), la fortification des villes, les pactes avec les Barbares.

Théodose Ier le GrandThéodose Ier le Grand
Après le règne de Théodose Ier le Grand (379-395), dernier à réunifier brièvement l'ensemble du monde romain en 394, rien n'empêche plus la rupture définitive entre deux empires, celui d'Orient et celui d'Occident, puis, en 476, la disparition politique du plus exposé d'entre eux aux barbares, l'Empire d'Occident.
Ce fait brutal n'empêche pas la persistance des traces matérielles ou culturelles de la romanité qu'on retrouve à travers l'Europe. Cette notion même de Romania, de « romanité », est l'expression posthume du patriotisme romain et de la nostalgie, chez les ex-Romains des royaumes barbares, de la splendeur et de l'ordre passés.

 

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JÉSUS

 

Jésus  ou  Jésus-christ

Cet article fait partie du dossier consacré au christianisme.
Juif de Palestine, fondateur du christianisme, dont la naissance correspond théoriquement au début de l'ère chrétienne.

Jésus, initiateur du mouvement religieux à l’origine du christianisme, est le personnage principal des quatre Évangiles, qui lui attribuent le titre de Christ – Messie consacré par l'onction de Dieu – et le désignent comme celui qui « sauvera son peuple de ses péchés ».
Les sources

Jésus n'ayant légué aucun écrit à la postérité, les témoignages concernant sa vie et son enseignement proviennent essentiellement des quatre récits évangéliques : Évangiles de Matthieu, de Marc, de Luc et de Jean. Or les indications biographiques à caractère purement historique y sont assez ténues.
Outre des sources juives, souvent polémiques et tardives, il existe également quelques textes païens qui font état de l’existence de Jésus de Nazareth : l'écrivain latin Pline le Jeune, envoyé en mission en Bithynie (dans le nord-ouest de l'actuelle Turquie) par l'empereur Trajan, se montre perplexe à l'égard des chrétiens « qui chantent des hymnes au Christ comme à un dieu » et qui refusent de participer au culte de l'empereur imposé par Rome ; pour sa part, l'historien romain Tacite parle, dans ses Annales, des chrétiens accusés par Néron d'avoir allumé l'incendie de Rome, en 64, et dit à leur propos : « Ce nom leur vient de Christ, qui avait été, sous le règne de Tibère, livré au supplice par Ponce Pilate » (XV, 44).
Le contexte historique : la Palestine au temps de Jésus

Pierre Mignard, le Christ et la SamaritainePierre Mignard, le Christ et la Samaritaine
Lorsque naît Jésus, la Palestine est sous occupation romaine : le pouvoir du gouverneur romain se superpose alors à celui des rois locaux. Après la mort du roi juif Hérode le Grand, Rome partage son territoire entre les trois fils de celui-ci, et c’est à Hérode Antipas qu’échoient la Galilée et la Pérée. Les juifs conservent un pouvoir dans le domaine religieux par le biais du grand prêtre et du tribunal du sanhédrin. Les trois instances – Rome, les rois locaux, le grand prêtre – prélèvent chacune des impôts : dans la Palestine du début de notre ère, la situation économique est difficile et le climat politique tendu.
Le judaïsme du temps de Jésus est représenté par plusieurs mouvements, dont les plus connus sont ceux des pharisiens (stricts défenseurs de la loi religieuse) et des sadducéens (liés au Temple). D'autres sectes sont plus orientées vers la résistance armée (les zélotes) ou vers la protestation religieuse (les esséniens). À l'extérieur de la Palestine, la rencontre entre la culture grecque et les communautés juives disséminées dans l'Empire donne lieu à ce que l'on appelle le judaïsme hellénistique.
Ce contexte historique est à l'arrière-plan des Évangiles, qui montrent Jésus aux prises avec les diverses tendances du judaïsme, mais aussi avec une certaine conception du pouvoir politique et de la grandeur religieuse.
L’histoire de Jésus

Introduction

Si les historiens s'accordent aujourd'hui à dire qu'il n'est pas possible d'écrire une biographie scientifique de Jésus ni d'en fournir un itinéraire détaillé, ils s'estiment toutefois capables de reconstituer les principaux moments de son existence.
La naissance


Nicolas Poussin, la Sainte FamilleAnnibal Carrache, la Vierge aux cerisesBenozzo Gozzoli, le Cortège des Rois magesLa Fuite en ÉgyptePierre Mignard, la Vierge et l'Enfant et le petit saint Jean
Les Évangiles de Matthieu et de Luc situent la naissance de Jésus, fils de Marie, durant le règne du roi juif Hérode le Grand (donc avant la mort de ce dernier, en l'an 4 qui précède notre ère). Il naît à Bethléem (probablement vers les années 7 ou 6 avant notre ère) et passe son enfance à Nazareth, en Galilée. On l’appelle le « fils de Joseph, le charpentier », lequel descend du roi David. Jésus exerce probablement le métier de charpentier, jusqu'au jour où il se retire dans la solitude du désert de Judée.
Le baptême par Jean le Baptiste

Vers les années 27-28, Jésus rejoint Jean le Baptiste, qui pratique dans le Jourdain le rite du baptême d'eau en vue de la pureté requise pour la fin des temps, considérée comme imminente. Ce prophète manifeste une certaine accointance avec la mentalité essénienne, dont il partage l'héritage prophétique et la tradition ascétique, mais dont il se distingue par sa présence dans le monde ordinaire et par son annonce du Messie. Jésus se fait baptiser par Jean puis, semble-t-il, l'imite dans sa prédication et dans son activité baptismale ; il recrute ses premiers compagnons parmi les disciples de Jean. Par la suite, Jésus manifestera toujours une grande admiration pour le prophète du désert.
Le ministère public

Lorsque le Baptiste est emprisonné sur ordre d’Hérode Antipas, successeur du roi Hérode le Grand, Jésus, alors âgé d’environ trente ans, retourne en Galilée et choisit la ville de Capharnaüm pour centre de rayonnement. Les Évangiles le présentent comme un prédicateur itinérant, qui prêche dans les synagogues aux jours du sabbat, annonce la Bonne Nouvelle du « Règne de Dieu » et guérit les malades. Dans les trois Évangiles dites synoptiques (Matthieu, Marc et Luc), l'enseignement et les actions de Jésus concernent pour beaucoup la venue du « Règne de Dieu » (appelé généralement, de façon plus ambiguë, le « Royaume de Dieu »), qui doit établir des relations de justice et de paix entre les hommes, et entre les êtres humains et Dieu. Jésus annonce que son avènement entraînera une nouvelle manière de vivre.
Afin d'étendre son action et de répandre la Bonne Nouvelle, Jésus dispense son enseignement à quelques disciples fidèles. Parmi ceux-ci, il en choisit douze : les apôtres (un chiffre probablement symbolique, évoquant celui des tribus d'Israël et préfigurant le nouvel Israël). Le roi Hérode Antipas, qui a fait décapiter Jean le Baptiste, s'inquiète de ce prophète perturbateur. Les chefs religieux ont pour leur part juré de se débarrasser de lui. Enfin, les compatriotes de Jésus se méprennent sur la portée religieuse et non politique de son message. Ainsi s'explique le départ de Jésus hors de Galilée. Les Évangiles synoptiques ne donnent pas d'indications sur la durée du ministère de Jésus, mais celui de Jean mentionne trois fêtes de la Pâque juive ; le ministère de Jésus aurait donc duré entre deux et trois ans, sans doute pendant les années 27 à 30.
Les derniers jours du ministère


Philippe de Champaigne, la CèneAndrea Mantegna, le Christ au jardin des OliviersGiotto, le Baiser de Judas
Après un bref séjour aux confins du pays, au cours duquel les disciples reconnaissent en lui le Messie (Marc, VIII, 29), Jésus se rend à Jérusalem où il fait une apparition triomphale le jour de la fête des Rameaux. Probablement est-ce alors qu'il fait esclandre en chassant les marchands et les changeurs du Temple. Les autorités sadducéennes et pharisiennes décident de mettre fin à son activité et utilisent les offices de l’apôtre Judas.
Quelques jours plus tard, Jésus prend un dernier repas (la Cène eucharistique), au cours duquel il fait ses adieux à ses disciples. Dans la nuit, au jardin de Gethsémani où il s’est retiré pour prier, il est arrêté par une troupe conduite par celui qui l’a trahi, Judas (Jean, XVIII, 3).
Le jugement et la crucifixion


Matthias Grünewald, la CrucifixionLe Pontormo, Déposition de croixEnguerrand Quarton, la PietàPhilippe de Champaigne, le CrucifiementTitien, le Couronnement d'épines
Jésus est questionné au petit matin par les chefs juifs qui l'estiment digne de mort pour avoir blasphémé en prétendant à une dignité divine ; ils le livrent donc au préfet Ponce Pilate, gouverneur de Judée de 26 à 36. Le pouvoir romain ayant seul le droit de mettre à mort, Jésus subit le supplice (romain) de la crucifixion.
Giandomenico Tiepolo, Chute du Christ sur le chemin du CalvaireGiandomenico Tiepolo, Chute du Christ sur le chemin du Calvaire
Les Évangiles synoptiques situent cette mort le jour de la Pâque juive (15 du mois de nisan, en mars-avril), tandis que Jean rapporte qu'elle est survenue la veille (ce qui est plus plausible). Marc et Jean indiquent en outre que Jésus a été exécuté la veille d'un sabbat, donc un vendredi (le 15 nisan est tombé un samedi en 27, 30 et 33). Les années 27 et 33 laissant trop peu ou, au contraire, beaucoup trop de temps pour le ministère public de Jésus, ce dernier est probablement mort le 7 avril (14 nisan) de l'an 30.
La vie de Jésus semble achevée avec la mise au tombeau. Cependant, l'historien demeure en présence d'une histoire qui continue : l'histoire de Jésus devient celle de ses disciples. Ceux-ci en effet déclarent que le tombeau de Jésus a été trouvé vide et que Jésus leur est apparu vivant à diverses reprises, qu’il a ressuscité. Le Nouveau Testament affirme que cette mort a un sens pour l'humanité, et que Dieu a reconnu en Jésus son Fils en le ressuscitant.
La nature de Jésus : une réflexion christologique séculaire

Introduction

Christ
Les périodes troublées qu’avait connu Israël avaient favorisé le développement de thèmes messianiques : l'attente d'une intervention de Dieu soit directement, soit par l'intermédiaire d'un Messie, un homme choisi et envoyé par Dieu. Au ier s. de notre ère, le peuple juif – qui vit sous l’occupation d’une puissance étrangère, qui est confronté à une culture profane et qui est divisé en son sein – est particulièrement réceptif à cette expression d'espérance.
Le Greco, la PentecôteLe Greco, la Pentecôte
La question se pose alors de savoir si Jésus, prédicateur itinérant juif, entouré de disciples juifs, est le Messie attendu. Dans le judaïsme, ce dernier n'apparaît pas comme une figure marquée par la souffrance : la foi juive espère une intervention glorieuse de Dieu en faveur de son peuple. Or, les Évangiles montrent un Jésus qui, s’il lutte efficacement contre les forces du Mal et enseigne avec autorité, annonce à ses disciples la nécessité de sa mort : il ne peut être reconnu par Dieu comme son Messie que dans le passage sur la croix. La résurrection de Jésus – qui constitue cet acte de reconnaissance – est celle d'un homme condamné, bafoué et mis à mort par un supplice honteux. Le nom « Jésus », employé le plus souvent seul dans les Évangiles, rappelle que le Christ a été un être de chair et de sang. Le terme « Christ » (du grec Christos, « oint »), employé dans le Nouveau Testament pour « Messie », n'est pour sa part pas chargé du même sens que dans le monde juif. Il prend la valeur d'un nom propre lorsqu'il désigne Jésus comme objet de la foi. C'est pourquoi on donne le nom de christologie à toute interprétation croyante de la figure de Jésus, et on appelle christologiques les titres (le Christ, Fils de David, Fils de l'homme, Seigneur) qui lui sont attribués pour signifier sa mission et sa dignité particulières.
Au cœur des écrits du Nouveau Testament

École de Novgorod, l'AnnonciationÉcole de Novgorod, l'Annonciation
Après les Épîtres de Paul, les Évangiles insistent sur l'incarnation historique de Jésus. La réflexion sur la personne et l'œuvre de Jésus-Christ donne lieu dans le Nouveau Testament à des christologies qui diffèrent par leurs accentuations et le degré de leur élaboration.
La proclamation de la résurrection de Jésus est le point de départ de ces études. Dès lors s'impose une interprétation de sa mort, puis une réflexion sur son identité humaine et sa vie, que les premières générations chrétiennes abordent en s'appuyant sur les textes de l'Ancien Testament. Ces interrogations, qui visent à préciser le contenu de la relation entre Jésus-Christ et Dieu, rebondissent au fil du temps sans jamais s'épuiser. Elles donnent naissance à un travail d'interprétation continuel, amorcé par le Nouveau Testament, interprétation reformulée sans cesse dans de nouvelles catégories de pensée.
La prédication chrétienne missionnaire, dont témoignent les lettres de Paul, est centrée sur le lien entre la croix et la résurrection de Jésus-Christ. Elle cherche à élucider le sens de la mort du Christ, qui se sacrifie pour tous les hommes et rachète leurs péchés. Alors que pour les missionnaires chrétiens la foi en Jésus-Christ assure par elle seule le salut, Paul, pour sa part, ne se réfère pas à la vie historique de Jésus.

Giandomenico Tiepolo, Saint Joseph et l'Enfant JésusGiandomenico Tiepolo, Saint Joseph et l'Enfant Jésus
Pour les Évangiles, la souveraineté du Christ n'est pas seulement celle du Seigneur ressuscité, mais aussi celle du Seigneur tel qu'il a vécu sur la Terre. C'est dans cette optique qu'ils tentent d'élucider la véritable identité de Jésus. L'Évangile de Marc affirme que c'est seulement devant la croix que se révèle la filiation divine de Jésus. La question de savoir à partir de quand Jésus peut être dit « Fils de Dieu » se posera par la suite. Dans les Évangiles de Matthieu et de Luc, les récits de la naissance de Jésus – conçu par une vierge sous l'action du Saint-Esprit – avancent effectivement l'idée qu'il était Fils de Dieu dès sa venue au monde. L'Évangile de Jean va plus loin en reconnaissant la préexistence de toute éternité du Fils de Dieu, qui s'est incarné en Jésus.
Les hymnes christologiques des lettres pauliniennes tardives proclament également cette préexistence. Les premières communautés chrétiennes ne donnent pas à Jésus le nom de Dieu. Mais, dès la fin du ier s., l'appellation Dieu est employée aussi en christologie. Au début de l'Évangile de Jean, où Jésus est présenté comme la Parole préexistante, il est dit que « la Parole était Dieu ». Cette désignation du Christ comme Dieu a soulevé un débat au sein de l'Église primitive, dont ont émergé les dogmes concernant les deux natures du Christ et la Trinité (Dieu à la fois Père, Fils et Saint-Esprit).
Dans l’Église primitive

Dans le monde gréco-romain, la prédication chrétienne s’est concentrée sur la question de savoir quel type de relation unit Dieu et Jésus-Christ. Les diverses réponses données à cette question peuvent être réparties en deux grands courants : celui de l'école d'Antioche, qui met l'accent sur l'humanité de Jésus, et, à l'extrême, aboutit à la négation de sa divinité ; et celui de l'école d'Alexandrie, qui souligne la divinité de Jésus et peut conduire à la négation de son humanité. Lorsque le christianisme est reconnu comme une religion autorisée dans l'Empire romain (au ive s.), les conflits entre les deux écoles deviennent des affaires d'État : les empereurs convoquent alors des conciles christologiques, chargés de formuler des dogmes acceptables pour tous.
Le concile de Nicée (325) affirme que « la nature du Fils est identique et consubstantielle à celle du Père ». Celui de Chalcédoine (451) établit une distinction entre la nature humaine et la nature divine du Christ, tout en insistant sur l'unité des deux. Mais les difficultés subsistent, car les concepts de nature, de substance et de personne ne sont pas définis de la même manière par tous.
Dans les diverses branches du christianisme

Le Sauveur bénissant
Deux autres conciles traitent encore du problème christologique (Constantinople II en 553, et Constantinople III en 681) et ne parviennent pas à empêcher le désaccord sur ce sujet entre l'Occident (Église latine) et l'Orient (Église grecque).
Pendant des siècles, la théologie occidentale médite, en particulier à partir du xiie s., le sens de la formule de Chalcédoine : « Le Christ est une personne en deux natures. » Au moment de la Réforme protestante, au xvie s., Luther réintroduit la question de la rédemption : comment l'homme peut-il être sauvé ? Selon lui, Jésus-Christ est la face de Dieu tournée vers l'être humain, dans la faiblesse d'une incarnation qui va jusqu'à la mort. Il offre la seule possibilité de connaître Dieu et d'être sauvé par lui. Le xviiie s. consacre le point de vue anthropologique et l'approche rationnelle prônée par les Lumières, qui met en cause le fondement des christologies classiques. L'essor des sciences soulève le problème de la nature de la vérité contenue dans les textes bibliques. Cet examen critique aboutit, au xixe s. et au début du xxe s., à la prise en compte de la dimension historique des faits et des textes ayant suscité la foi chrétienne. Le problème christologique est alors repensé dans la perspective des rapports entre l'histoire et la vérité, l'histoire et la foi.
Alors qu'un certain type de recherche s'épuise à retrouver les faits véridiques de la vie de Jésus ou les paroles réellement prononcées par lui, le théologien protestant Rudolf Bultmann (1884-1976) affirme que l’homme a seulement accès au Christ de la foi, par lequel Dieu s'adresse à l'homme. Les disciples de Bultmann défendent la possibilité d'atteindre le Jésus de l'histoire à travers le Christ de la foi. Tant la théologie catholique que la théologie protestante considèrent aujourd'hui que la christologie n'est pas un obstacle, mais un des chemins d'accès à Jésus. Grâce au dialogue ouvert avec les sciences humaines, le problème de l'homme, de sa relation possible avec Jésus-Christ et avec Dieu, est désormais partie intégrante de la réflexion christologique.
Une réflexion toujours ouverte

Suivant les confessions, les époques et les cultures, les chrétiens ont eu tendance à insister tantôt sur la divinité de Jésus-Christ, tantôt sur son humanité. Pour certains, le nom de Jésus-Christ signifie avant tout « Jésus est le Christ », celui qui, dès les origines, possède l'autorité et la souveraineté de Dieu lui-même ; tout ce que Jésus a enseigné et accompli sur la Terre prend par là valeur d'absolu. Pour d'autres, Jésus-Christ signifie d'abord « le Christ, c'est Jésus », l'homme de Nazareth, le Galiléen ; en lui, Dieu incarne sa divinité et partage le sort des hommes.
Les autres fois monothéistes – le judaïsme et l'islam – ne confèrent à Jésus qu'un statut humain : pour elles, c'est un grand rabbin (ou enseignant), un grand prophète. Par ailleurs, depuis la sécularisation des sociétés occidentales, le personnage de Jésus a été jugé et parfois récupéré en dehors de toute foi en Dieu. Il est considéré tour à tour comme un moraliste, un révolutionnaire, un des précurseurs du pacifisme…
Exprimer l'unité de la personne de Jésus-Christ en maintenant à la fois son humanité et sa divinité est donc le propre de la foi chrétienne. C'est par la figure de Jésus-Christ qu'elle affirme la possibilité de la rencontre entre Dieu et l'homme.

 

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ABRAHAM

 

ABRAHAM


Cet article fait partie du dossier consacré au judaïsme.
Patriarche des Hébreux (xixe s. avant J.-C.), un des personnages majeurs des religions juive, chrétienne et islamique.
Récit biblique

Abraham, fils du nomade Térah

Rembrandt, le Sacrifice d'AbrahamRembrandt, le Sacrifice d'Abraham
Selon la Genèse, Abram (nom sous lequel il est connu avant que Dieu ne le nomme Abraham) est l’un des trois fils de Térah, un nomade araméen originaire d’Our en Chaldée (basse Mésopotamie), descendant lui-même de Sem et de Noé. Térah décide de quitter la région d'Our pour migrer avec son clan. Tel est le début de l'histoire des Hébreux, que l'on date généralement aux environs de 1850 avant J.-C. « Et Térah [Tharé] prit Abram son fils et Lot fils de Haran, son petit-fils, et Saraï sa bru, femme d'Abram, et les fit sortir d'Our des Chaldéens pour aller au pays de Canaan » (Genèse, XI, 31).
En un premier temps, le clan des Térahites se dirige vers le nord de la Mésopotamie et s'arrête à Harran, dans la zone du haut Euphrate. Mais Harran n'est qu'une étape ; Térah meurt, et Abraham quitte la haute Mésopotamie. Cette fois, la migration s'accomplit d'est en ouest, en direction du pays de Canaan (la Palestine biblique). Les pérégrinations d'Abraham depuis Harran, à travers le pays de Canaan et jusqu'en Égypte, sont soutenues par une large promesse que Dieu lui a faite, scellant avec lui une alliance éternelle (XV, 2-21).
Abraham et Lot au pays de Canaan

Lorsque Abraham et Lot, son neveu, qu'il a amené avec lui, arrivent en Canaan, le pays est occupé par une population sémite établie depuis le début du IIIe millénaire avant J.-C. dans les plaines côtières et le Nord. Le reste du territoire est zone franche pour les nomades et leurs troupeaux.
La caravane partie de Harran campe aux environs de Sichem – que l'exploration archéologique a retrouvée au tell Balata, à l'est de Naplouse. « Abraham traversa le pays, jusqu'au territoire de Sichem, au chêne de Moré. » Ce chêne de Moré (c'est-à-dire du « devin ») est un arbre sacré marquant l'emplacement d'un vieux sanctuaire sémitique : les endroits sacrés (arbres, tombes, sanctuaires) sont, avec les points d'eau, les centres de ralliement des Hébreux nomades.
De Sichem, Abraham poursuit vers le sud jusqu'au Néguev (« pays sec », alors une région pauvre, terre d'élection des nomades mais aussi des pillards). La pérégrination d'Abraham est jalonnée d'étapes dont les noms resteront dans l'histoire d'Israël : Béthel, Aï et surtout Hébron (cette dernière région, au chêne de Mambré, autre emplacement sacré, sera le port d'attache du clan abrahamite).
C'est à ce moment de la vie du patriarche qu'il faut placer l'épisode du séjour en Égypte (Genèse, XII). Une période de sécheresse et de disette amène les nomades à chercher refuge dans la riche vallée du Nil.
Durant ce séjour égyptien arrive à Abraham une aventure dont l'aspect moral a longtemps embarrassé les commentateurs (Genèse, XII, 10 à 28). La tradition rapporte que, pour garder la vie sauve, Abraham se fait passer pour le frère de son épouse, Sara, que le pharaon convoite. Emmenée au harem royal, celle-ci est rendue à son légitime époux, après que Dieu ait affligé « de grands maux la maison de Pharaon ».
De retour en Canaan, Abraham et Lot se séparent : « Le pays ne suffisait pas à leur installation commune et ils avaient de trop grands biens pour habiter ensemble. »(Genèse, XIII). Lot se fixe près des cités du sud de la mer Morte, cédant ainsi à l'attrait d'une vie plus sédentaire. Abraham, pour sa part, poursuit sa vie de nomadisme. De Mambré-Hébron, il rayonne dans le sud du pays à la recherche des pâturages et des points d'eau. À ce plateau qui garde le souvenir du grand patriarche, les Arabes ont donné le nom de Ramat al-Khalil (la hauteur de l'Ami) : dans la Bible et le Coran, Abraham est appelé « l'Ami de Dieu ».
En dépit de leur différent, Abraham vint au secours de son neveu, victime d'un raid militaire organisé par quatre roisorientaux contre cinq rois cananéens (Genèse, XIV).
La tradition religieuse met encore au compte du patriarche le salut de Lot et de sa famille lors de la légendaire catastrophe qui aboutit à la destruction de Sodome et Gomorrhe, cités du sud de la mer Morte. L'origine de cette légende célèbre est à chercher dans quelque séisme particulièrement destructeur. Les émanations de soufre, les eaux chaudes qui abondent dans la partie méridionale de la dépression ont été aux yeux des Anciens les témoins de la pluie de soufre et de feu que Yahvé a fait tomber sur les villes maudites (Genèse, XIX). Le nom de Sodome est conservé par le Djebel Sudum (djabal al-Sadum), un épais gîte salin où se dressent des stèles de sel.
La descendance d'Abraham

Ismaël et Isaac
Abraham et Sara, qui voient venir la vieillesse, n'ont pas d'enfant. Afin de s’assurer une descendance, Sara propose à son époux de s’unir à sa servante Agar (Genèse, XVI) ; cette pratique, dont témoigne le droit mésopotamien (code d'Hammourabi et lois de Nouzi), permet à une épouse stérile de devenir la mère légitime de l'enfant né de cette union à laquelle elle a consenti. Ainsi naît Ismaël, l'ancêtre des Ismaélites dont les « Arabes » sont les descendants.
Mais la présence de deux épouses ne favorise guère la paix du foyer. Agar, fière d'avoir enfanté, oublie son statut de concubine et irrite sa maîtresse par son arrogance. La situation s’envenime après la naissance d'un nouvel enfant, fils, cette fois, de l'épouse légitime : Isaac, l'enfant de la promesse divine. « Ta femme Sara te donnera un fils et tu l'appelleras Isaac. J'établirai mon alliance avec lui en alliance perpétuelle pour sa race après lui » (Genèse, XVII). C'est ce second fils d’Abraham, Isaac, qui est reconnu comme l'ancêtre des Israélites dont le peuple juif est le descendant.
Or, selon l'ancien droit oriental, l'enfant né d'une concubine dispose de l'héritage paternel, s'il est juridiquement considéré comme fils de l'épouse, ce qui est le cas d'Ismaël. Dans sa jalousie maternelle, Sara refuse que l'héritage soit partagé entre les deux enfants et, outrepassant la loi, implore son époux de chasser la servante et son fils. À contrecœur, Abraham se résout à renvoyer Agar et Ismaël.
L’épreuve divine de la foi
Andrea del Sarto, le Sacrifice d'AbrahamAndrea del Sarto, le Sacrifice d'Abraham
Dieu cherche à éprouver la foi d’Abraham et lui demande de lui faire le sacrifice de son fils chéri, « ton fils Isaac ton unique, celui que tu aimes » (Genèse, XXII). Abraham se met en devoir d'obéir. Mais à l’instant ultime du sacrifice, Dieu, satisfait de cette obéissance, substitue à l’enfant une victime animale. Ce récit biblique témoigne du refus des sacrifices humains, relativement fréquents chez les Cananéens et pratiqués aussi en Israël, mais plus rarement, jusqu'au vie s.avant notre ère.
Isaac grandit. Typiquement oriental est le récit de son mariage (Genèse, XXIV). Abraham envoie son intendant en haute Mésopotamie chercher une femme pour son fils, là où s'est fixée, après la sortie d'Our, une partie de la tribu de Térah. Car le patriarche ne veut pas pour son héritier une fille des Cananéens parmi lesquels il vit. L'endogamie (mariage à l'intérieur du clan) est une coutume, héritage de la vie tribale, fréquemment attestée dans l'Orient ancien. Isaac épouse sa cousine Rébecca.
Le seuil de la mort et la caverne de Macpéla

Abraham, qui est nomade, ne possède pas de terre. Quand son épouse Sara meurt, il se trouve dans l'obligation d'acheter aux habitants du pays une portion de terrain pour la sépulture de celle-ci. Le contrat par lequel il acquiert la grotte de Macpéla et le champ qui l'entoure n'est pas sans présenter de nombreuses ressemblances avec les contrats que nous font connaître les documents hittites et hourrites. Le terrain acquis entoure une grotte qui doit servir de tombeau.
Les cavernes funéraires resteront le type normal de la sépulture israélite : dix-huit siècles plus tard, Jésus de Nazareth sera lui aussi enseveli dans une chambre funéraire creusée dans le roc.
Abraham meurt « dans une vieillesse heureuse, vieux et rassasié de jours », et il est enseveli aux côtés de son épouse. La grotte de Macpéla va devenir le caveau de famille des grands ancêtres d'Israël : Sara et Abraham, Isaac et Rébecca, Jacob et Lia. Les historiens considèrent comme très ancienne la tradition qui situe au Haram al-Khalil (le lieu saint de l'Ami) la sépulture des patriarches hébreux. Depuis deux millénaires, des monuments hérodiens, byzantins, médiévaux et arabes se succèdent au-dessus d'une grotte s'ouvrant au flanc de la colline d'Hébron, témoins de la foi d'une multitude de croyants juifs, chrétiens et arabes.
Symbolique religieuse

D’Abraham, cet « Araméen errant », la Bible et le Coran ont fait un être d'exception qui prend place aux côtés de Moïse, de Jésus et de Mahomet. Car la migration d'Abraham ne s'insère pas seulement dans un processus historique, elle est devenue un événement religieux.
Père des croyants, chevalier de la foi, champion du monothéisme, Abraham est celui dont se réclament les trois grandes religions monothéistes du bassin méditerranéen. Et chaque croyant juif, chrétien ou musulman fait siens les mots de Paul Claudel : « Les fils d'Abraham, c'est nous. »
Abraham face à l’exégèse et à la critique historique

Au xixe s., les premiers travaux des exégètes ont conduit à douter de l'historicité d'Abraham. De nos jours, une meilleure connaissance du Moyen-Orient, reposant pour partie sur les découvertes archéologiques – notamment à Byblos, Ras Shamra (Ougarit), Mari, Our et Nouzi (près de Kirkuk) – qui élargissent et confirment les récits bibliques, restitue à ce récit de la Genèse une assise historique. Ainsi la pérégrination d'Abraham s'inscrit dans le vaste déplacement des Amorites, observé au début du IIe millénaire avant J.-C.
La migration patriarcale vers Haran et, de là, vers le sud est vraisemblable. Les dernières études permettent de connaître le mode de vie ainsi que l'univers religieux de ces hommes itinérants. Abraham était un pasteur de petit bétail, en voie de sédentarisation. L'une des caractéristiques essentielles de la religion patriarcale réside dans le culte du « dieu du père », dieu de l'ancêtre immédiat, que le fils fait sien ; cette reconnaissance est fixée dans l'expression « le dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob ». Cette divinité de nomades n'est pas liée à un sanctuaire mais à un groupe d'hommes, qu'elle conduit et garde en chemin. Elle décide de ses migrations et sait où elle le mène (Genèse, XII, 1). Elle s'engage envers ses fidèles, enfin, par des promesses qui répondent aux deux vœux essentiels de groupes pasteurs semi-nomades : la descendance, qui assure la continuité du clan ; la terre où ils aspirent à se fixer. L'invocation d'« El Shaddaï » par Abraham est le fruit de l'association du dieu sédentaire « El » avec le nom du dieu du père, apporté de haute Mésopotamie, « Shaddaï », celui qui vient des steppes. Par la suite, les patriarches hébreux n'ont retenu du dieu El qu'un seul trait : sa puissance. On notera que le nom de Yahvé ne doit pas être employé pour désigner le dieu d'Abraham : le culte ancien du dieu des pères s'est retrouvé dans la foi, ultérieure, en Yahvé, particulièrement en ceci que la divinité est attachée à des personnes plutôt qu'à des lieux sacrés.
Ainsi, les écrits de la Genèse relatifs à Abraham ne constituent pas, à proprement parler, une relation historique ; des expériences postérieures se sont déposées dans ce récit, lequel renferme, cependant, de nombreuses traces d'une époque antérieure. Enfin, les interprétations chrétienne (Épître aux Romains, IV, 18) et musulmane (Surates III, 68 ; VI, 84) de ces traditions de la Genèse ont élargi ces dernières en reconnaissant en Abraham le père de tous les croyants et ont confirmé la promesse selon laquelle il aurait une postérité aussi nombreuse qu'il y a d'étoiles dans le ciel.


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