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KENYA

 

Kenya


Nom officiel : République du Kenya

État d'Afrique orientale, sur l'océan Indien, le Kenya est entouré par le Soudan du Sud et l'Éthiopie au nord, la Somalie à l'est, l'océan Indien au sud-est, la Tanzanie au sud et le lac Victoria et l'Ouganda à l'ouest.
Le Kenya est membre du Commonwealth.
Superficie : 583 000 km2
Nombre d'habitants : 44 354 000 (estimation pour 2013)
Nom des habitants : Kényans
Capitale : Nairobi
Langue : swahili
Monnaie : shilling du Kenya
Chef de l'État : Uhuru Kenyatta
Chef du gouvernement : Uhuru Kenyatta
Nature de l'État : république
Constitution :
Adoption : avril 2010
Pour en savoir plus : institutions du Kenya
GÉOGRAPHIE

L'Ouest, montagneux et volcanique, est le domaine des cultures du café et du thé et de l'horticulture (produits exportés par Mombasa). Dans l'Est, formé de plaines, se localisent des plantations de canne à sucre, de bananiers et de sisal. L'élevage est développé, mais revêt souvent une plus grande valeur sociale qu'économique. Le tourisme (réserves d'animaux et littoral aux récifs coralliens) comble une partie du déficit de la balance commerciale. La population, rapidement croissante, juxtapose une quarantaine de groupes ethniques (les Kikuyu étant les plus nombreux).
1. Le milieu naturel du Kenya

1.1. Le relief

Mont KenyaMont Kenya
Le relief est très diversifié. À l'est, le long de l'océan Indien, la côte, de 400 km de long, tantôt marécageuse et envahie par la mangrove, tantôt sableuse, est bordée d'îlots et de barrières coralliennes. Là affleurent des terrains sédimentaires allant du quaternaire au Karroo (fin du paléozoïque et début du mésozoïque). Elle se rétrécit du nord au sud. Hauteurs et dépressions, exploitant l'inégale résistance des sédiments crétacés et tertiaires, s'y succèdent. Les régions basses périphériques, au nord et à l'est, monotones, proviennent d'aplanissements du socle (comme dans le pays nyika, entre Nairobi, la capitale et Mombasa) ou d'épanchements volcaniques. Leur désolation est accentuée par la sécheresse, par exemple dans la région du Marsabit. Des hauteurs isolées les accidentent localement : reliefs résiduels dans le socle (Kamba, Taita), alignements de cônes volcaniques (Chluyu). Depuis la région côtière, l'altitude s'élève vers l'intérieur, constitué en majeure partie par des plateaux élevés dans le socle précambrien, qui constitue une pénéplaine monotone parsemée d'inselbergs.

Lac NakuruLac Nakuru
La coupure brutale de la Rift Valley, dépression tectonique de 40 à 80 km de largeur, bombement de l'effondrement du vieux socle cristallin, divise ces plateaux en des hautes terres orientales, où se trouve la capitale, Nairobi (1 600 m), et en des hautes terres occidentales, qui descendent vers le lac Victoria, dont le Kenya est riverain. Elle est dominée par les escarpements vertigineux des monts Aberdare, à l'est, et du Mau Escarpement, à l'ouest. Dans la région de la Rift Valley, le socle disparaît entièrement sous d'énormes épanchements volcaniques. Le fond du Rift, très irrégulier, forme lui-même une zone d'altitude. Il s'élève par paliers du lac Turkana au lac Naivaska, avant de redescendre vers le lac Natron, à la frontière tanzanienne. Il existe dans le fond de la Rift Valley de nombreux volcans récents (Suswa, Longonot, Menengai). Cette zone est parfois hachée d'un dense réseau de failles méridiennes. Sur les hautes terres orientales, le mont Kenya (5 194 m), au nord de Nairobi, est un vieil édifice volcanique disséqué par les glaciers quaternaires et actuels. Le mont Elgon est un autre volcan imposant.
De part et d'autre du Rift, les Hautes Terres orientales et occidentales présentent une morphologie différente. Vers l'est s'étendent des planèzes assez régulières. À l'ouest, en revanche, les épanchements volcaniques sont moins considérables. Le socle, cisaillé de failles, apparaît plus souvent : blocs soulevés (pays nandi et kisii, plateau luhya) ou parties effondrées (fossé du Kavirondo, près du lac Victoria).
Une série de lacs jalonnent le fossé tectonique : au nord, le plus grand, le lac Turkana, long de 250 km et large de 40, puis, vers le sud, les lacs Hannington, Baringo, Nakuru, Elmenteita, Naivasha, Magadi et Natron. À l'extrême sud-ouest, les plateaux plongent vers le lac Victoria qui pénètre dans le Kenya par une profonde échancrure, le golfe du Kavirondo.
1.2. Les pluies et les températures

Savane
Le climat, équatorial, est rythmé par deux saisons de pluies, centrées sur octobre et avril. Les pluies sont très irrégulières. Les régions basses reçoivent moins de 600 mm, précipitations marginales pour l'agriculture mais suffisantes pour garantir des pâturages d'excellente qualité. La géographie des températures est surtout déterminée par l'altitude. Le contraste fondamental entre Hautes Terres et régions basses est un des traits distinctifs de la géographie kényane. S'il fait chaud sur la côte (26 °C), les hautes terres ont un climat équatorial d'altitude (Nairobi : moyenne annuelle, 17 °C, amplitude annuelle, 3,5 °C, février est le mois le plus chaud). La pluviométrie augmente avec l'altitude et en se rapprochant du lac Victoria, passant de 1 000 mm à 2 000 mm, à l'exception de la Rift Valley (500 à 700 mm) et du nord semi-désertique.
1.3. Le réseau hydrographique

Le réseau hydrographique, désorganisé par les bouleversements survenus au tertiaire, est encore inadapté. La Rift Valley est une zone endoréique. Peu de cours d'eau parviennent à l'océan. Les seuls qui soient d'importance sont le Tana et la Galana. Au nord-ouest, la Kerio et la Turkwel sont tributaires du lac Turkana. Les formations végétales les plus répandues sont les formations ouvertes, de la savane-parc aux steppes du Nord en passant par les savanes herbeuses, domaine des herbivores et des carnassiers.
1.4. Les formations végétales

La grande forêt humide équatoriale n'est conservée qu'en lambeaux exigus sur les hautes terres centrales et sur la côte. Les régions basses sont le domaine des grandes étendues de formations sèches – steppes et savanes à acacia, bush rabougri, voire déserts dans le Nord. Les régions hautes (notamment le mont Kenya et les Aberdare) sont caractérisées par une végétation plus riche, véritable mosaïque disposée selon l'altitude et l'orientation des versants. Présentes entre 1 600 et 2 700 m, les forêts, qui ont été réduites par l'activité humaine, sont souvent remplacées par des formations herbeuses à pennisetum (kikuyu grass) et cynodon (star grass). Plus haut s'étendent des zones de bambous, une forêt d'altitude chargée d'épiphytes et des prairies alpines, au-dessus de 3 700 m. Outre une pluviosité relativement favorable, les régions hautes disposent de sols variés le long des versants, plus riches sur les coulées basaltiques bien que fort honorables sur le socle. On peut alors comprendre que l'opposition des densités, la répartition sommaire du territoire entre régions pastorales et agricoles a des fondements essentiellement écologiques.
2. La population du Kenya

Hutte
On distingue trois groupes appartenant à des familles linguistiques différentes. Les Luhyas, les Kambas et les Kikuyus (plus de 4 millions) sont de langue bantoue. Les Masais, les Turkanas, les Suks (peuples pasteurs) et les Nandis, ainsi que les Luos des rives du lac Victoria (environ 2 millions), font partie du groupe nilo-saharien. Dans le Nord-Est, les nomades somalis, boranas et ormas appartiennent au groupe chamito-sémitique (couchitique).
Les étrangers sont près de 200 000, dont une moitié environ d'Asiatiques. Beaucoup de grands propriétaires européens – surtout britanniques – des hauts plateaux kényans (les white highlands, au temps de la colonisation) ont quitté le pays après l'indépendance. Un tiers environ de la population est chrétienne. Les musulmans (dont les ismaéliens, fidèles de l'Aga Khan), peu nombreux, se trouvent surtout sur le littoral. La population se concentre sur les hautes terres du Sud-Ouest, sur la côte et dans la région du lac Victoria.
Les caractéristiques démographiques de la population sont celles des pays d'Arique subsaharienne : très faible taux d'urbanisation (30 %), forte croissance démographique, taux de mortalité infantile élevé (59 ‰) et faible espérance de vie (56 ans à la naissance pour les hommes).

NairobiNairobi
Les villes les plus importantes sont la capitale, Nairobi, et Mombasa, premier port de l'Afrique orientale. Après ces deux grandes villes viennent quatre villes moyennes (Nakuru, Kisumu, Eldoret et Thika) et une série de petites villes (les plus importantes étant Nanyuki, Kitale, Malindi, Kericho et Nyeri).
3. L'économie du Kenya

Le Kenya représente la principale économie de l'Afrique de l'Est. L'agriculture reste, de loin, le premier secteur d'activité, mais c'est le tourisme qui est devenu la principale source de devises étrangères, avec notamment les réserves d'animaux, à l'intérieur du pays, et le littoral, avec ses récifs coralliens.
3.1. L'agriculture

L'agriculture occupe près de 70 % de la population active, et la production agricole assure encore environ le quart du produit intérieur brut, bien qu'une très faible partie des terres exploitables soit mise en culture. Plus de la moitié des surfaces cultivées sont consacrées au maïs, aliment de base de la population. Les autres cultures vivrières sont le millet, le sorgho, la manioc, la patate douce. De grandes propriétés (50 % des terres cultivables) et plantations héritées de la colonisation subsistent aux côtés des petites exploitations concédées aux Africains (500 000 réinstallés sur 600 000 ha dès 1970 aux termes d'un vaste programme de rachat des terres financé en partie par la Grande-Bretagne). L'Ouest, montagneux et volcanique, est le domaine des cultures de café et de thé, principaux produits d'exportation. Les sols les plus riches se situent autour d'Eldoret, de Nakuru et de Kitale, où se trouvent les derniers colons (15 % des terres cultivées). Le Kenya est devenu le second exportateur mondial de thé, mais les exportations de café ont décliné. Dans les plaines de l'Est se localisent des plantations de canne à sucre, de fruits tropicaux (bananes), de sisal et de coton. Aux cultures commerciales s'ajoutent les agrumes, le pyrèthre (dont le pays fournit près de 70 % de la production mondiale) et, plus récemment, l'horticulture, à l'ouest, notamment la production et l'exportation de roses vers l'Europe. L'élevage (bovins, ovins, caprins) est important, mais revêt souvent une plus grande valeur sociale qu'économique. Seul le cheptel situé sur les hauts plateaux, en partie propriété des Européens, est rentable. Les terres les plus riches se situent autour d'Eldoret, Nakuru et Kitale.
3.2. L'industrie

Il existe peu de ressources naturelles ou minières, excepté la géothermie et le carbonate de soude du lac Magadi. L'industrie kenyane est une des plus diversifiées d'Afrique orientale. Elle s'est développée dans les secteurs de l'agroalimentaire, de la métallurgie, du textile et de la chimie. Elle se localise surtout à Nairobiet à Mombasa, les deux principales villes. La raffinerie de pétrole de Mombasa fournit les pays voisins, et plusieurs firmes ont monté des usines d'assemblage automobile (dont Volkswagen et Fiat). Cependant, tourné essentiellement vers le marché intérieur, l'industrie n'exporte guère, à l'exception du textile, qui profite de l'ouverture du marché nord-américain.
3.3. Les ressources financières

Le secteur bancaire est en expansion. Le tourisme s'appuie sur l'exceptionnel patrimoine faunistique des grands parcs naturels (Amboseli, Masaï-Mara, Samburu-Shaba, Tsavo) et sur la valorisation du littoral. Les recettes du tourisme international comblent une partie du déficit de la balance commerciale. Les principaux clients et fournisseurs du Kenya sont la Grande-Bretagne, le Japon, l'Allemagne et les États-Unis. La dette extérieure pèse, avec la poussée démographique, sur l'avenir de l'économie. Le pays est en partie dépendant des transferts de fonds de sa diaspora.
3.4. Les sites du Kenya classés à l'Unesco

Plusieurs sites du Kenya sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco :
– parc national et forêt naturelle du mont Kenya ;
– parcs nationaux du lac Turkana ;
– vieille ville de Lamu ;
– forêts sacrées de kayas des Mijikenda ;
– Fort Jésus, Mombasa ;
– réseau des lacs du Kenya dans la vallée du Grand Rift.
HISTOIRE

1. Les origines

Les plus anciens vestiges fossiles des ancêtres de l'homme, appartenant au genre Australopithecus (4 millions-1,5 million d'années), ont été découverts dans la Rift Valley. Des restes datés de 2 millions d'années d'Homo habilis – premier représentant du genre Homo – ont également été mis au jour, ainsi que ceux de leur descendant.
Le territoire de l'actuel Kenya a été peuplé par des vagues d'immigration successives venues d'horizons différents, qui ont progressivement supplanté les premiers habitants, des populations proches des Pygmées et des Bochimans, vivant de chasse et de cueillette. Les peuples couchitiques sont venus du nord-est de l'Afrique et des hauts plateaux éthiopiens, les Bantous – Kikuyus, Kambas, Chaggas et Luhyas – sont partis du sud-ouest de l'Afrique et les peuples nilotiques sont arrivés du Soudan méridional – principalement les Kalenjins, pasteurs et agriculteurs, qui occupent les hautes terres de l'ouest du Kenya. Les Luos, peuple hamite, arrivent sur la côte orientale du lac Victoria au début du xvie siècle, et s'établissent au milieu des Bantous.
À partir du xviie siècle, de grandes vagues de migration quittent le Soudan et le nord-ouest du Kenya voit l'arrivée des Turkanas, et, plus au sud, des Masais, pasteurs et guerriers, souvent restés jusqu'à aujourd'hui fidèles à leurs coutumes ancestrales.
2. La civilisation swahilie et l'intrusion portugaise

Les navigateurs arabes fréquentent très tôt le littoral est-africain, à Mombasa, Malindi, Manda, Paté et Lamu, pour ne parler que des ports kényans, où ils achètent de l'or, de l'ivoire et des esclaves. Ce commerce est particulièrement florissant au xve siècle. Un métissage s'opère avec les populations bantoues du littoral, et donne naissance à une brillante civilisation et à une langue, le swahili, mélange de bantou et d'arabe, qu'illustre une remarquable littérature poétique.
Les Portugais, apparus en 1497 dans l'océan Indien, aident d'abord les cités swahilies à repousser l'invasion d'une tribu cannibale, les Zimbas. Décidés à monopoliser le commerce maritime, ils s'emparent en 1593 de Mombasa (où ils construisent le célèbre Fort Jésus), et occupent les autres ports du littoral de Lamu à Kilwa.
En 1698, Mombasa est conquise par des Arabes d'Oman, qui vont à nouveau contrôler le littoral durant tout le xviiie siècle. Tout en se livrant au commerce, ils développent une agriculture de plantation qui utilise une main-d'œuvre servile importée de l'intérieur. La présence arabe entraîne une islamisation partielle de la population côtière. Les peuples de l'intérieur n'ont pas connu d'organisations monarchiques analogues à celles des sociétés interlacustres de l'Ouganda, et résistent moins bien qu'elles aux vagues d'immigration. Les Masais font régner l'insécurité dans la région des hauts plateaux et rendent impraticables les circuits du commerce de Mombasa avec le royaume du Buganda (en Ouganda), qui doit alors s'effectuer par l'actuelle Tanzanie.
3. La colonisation britannique

3.1. Partage de l'Afrique de l'Est entre l'Allemagne et le Royaume-Uni

La pénétration missionnaire précède de peu la colonisation et le partage de l'Afrique entre les puissances occidentales à la conférence de Berlin (1885). En 1886, le Premier ministre britannique, lord Salisbury, signe un accord avec le chancelier allemand Bismarck pour délimiter les zones d'influence en Afrique de l'Est : les revendications du Royaume-Uni sur le Kenya sont reconnues, en même temps que celles de l'Allemagne sur l'actuelle Tanzanie continentale. En 1888, la British East Africa Company, qui avait obtenu du sultan de Zanzibar la concession de la majeure partie du pays et loué à bail la zone côtière, cède ses droits à la Couronne britannique.
3.2. Du protectorat à la colonie britannique

En 1895, l'ensemble du pays est placé sous protectorat britannique, avant de devenir une colonie en 1920. Le chemin de fer de Mombasa atteint Kisumu, sur le lac Victoria, en 1901. Des colons britanniques arrivent dès 1896, souvent des aristocrates, comme lord Delamere, qui veut faire du Kenya une colonie de peuplement. Ils emploient une nombreuse main-d'œuvre africaine sur de vastes plantations situées sur les « hautes terres », bientôt surnommées, à Londres, « le jardin de la Chambre des lords ». Les Indiens, introduits en grand nombre pour la construction du chemin de fer Mombasa-Kisumu, réclament une place dans l'administration du pays. Entre les deux guerres, l'explosion démographique des Kikuyus accélère la création d'un prolétariat à Nairobi. En 1925, Joseph Kangethe et Jomo Kenyatta créent la Kikuyu Central Association (KCA), qui réclame la restitution des « hautes terres » à son peuple.
3.3. La révolte Mau-Mau et l'ascension de Jomo Kenyatta

Après 1945, le Royaume-Uni accorde progressivement une place aux Indiens puis aux Africains dans le Conseil législatif local, surtout après la révolte des Kikuyus, connue sous le nom de « Mau-Mau », qui, de 1952 à 1956, ébranle le système colonial, malgré une très dure répression : pour une trentaine de Blancs assassinés, les forces de l'ordre abattent 11 000 Noirs et en internent 90 000, tandis que J. Kenyatta, accusé d'être l'instigateur du mouvement Mau-Mau, est arrêté et condamné à sept ans de prison.
La rébellion terminée, deux partis politiques africains se forment sur une base régionale, créant une coupure entre Kikuyus et Luos d'une part, Kalenjins et populations bantoues de la côte d'autre part. Le premier, la Kenya African National Union (KANU), se réclame de J. Kenyatta, et le second, la Kenya African Democratic Union (KADU), plus modéré et fédéraliste, a pour chef Ronald Ngala.
4. Depuis l'indépendance (1963-)

4.1. Jomo Kenyatta (1963-1978)

Jomo KenyattaJomo Kenyatta
Après la libération anticipée de J. Kenyatta en 1961 et la reconnaissance du droit à l'autonomie interne, la KANU l'emporte aux élections de mai 1963 sur la KADU (respectivement 75 et 49 sièges). L'indépendance est proclamée le 12 décembre 1963. J. Kenyatta est le premier chef de gouvernement. Un an plus tard, la république est proclamée, et celui-ci devient le premier président du Kenya, qui reste membre du Commonwealth. La centralisation est renforcée par divers amendements à la Constitution ; la KADU est intégrée au sein de la KANU, préparant ainsi l'instauration du monopartisme. La contestation vient de l'aile gauche et marxisante de la KANU, animée par un Luo, Oginga Odinga, qui forme en 1966 un nouveau parti, la Kenya People's Union (KPU).
Une certaine agitation est entretenue par un mouvement qui se réclame des Mau-Mau, tandis que les populations somalies du Nord réclament leur rattachement à la Somalie, qui a toujours revendiqué une partie de cette région. En 1968, une vague xénophobe aboutit à l'expulsion de milliers de commerçants indiens, moins toutefois que dans l'Ouganda voisin. De 180 000, le nombre des Indiens au Kenya tombe alors à 120 000. En juillet 1969, le jeune ministre (luo) Tom Mboya, pro-occidental et considéré comme le dauphin de J. Kenyatta, est assassiné à Nairobi. J. Kenyatta fait alors arrêter O. Odinga et interdit la KPU. Kenyatta est réélu à la présidence en novembre, et, aux législatives de décembre, seule la KANU est autorisée à présenter des candidats.
En septembre 1974, J. Kenyatta, qui vient de décréter le swahili langue nationale, est réélu pour cinq ans, tandis que divers scandales éclaboussent sa famille, dont sa fille, maire de Nairobi. Entre 1975 et 1977, le régime procède à une série d'arrestations, dont celle du grand écrivain kényan, Ngugi Wa Thiongo.
4.2. La présidence de Daniel Arap Moi (1978-2002)

J. Kenyatta meurt le 22 août 1978, et le vice-président, Daniel Arap Moi, un Kalenjin, lui succède. Le régime se durcit et le monopartisme est officiellement instauré en juin 1982. La stabilité du régime est sérieusement troublée, en août de la même année, par une tentative de coup d'État, fomentée par des éléments de l'armée de l'air. Des émeutes éclatent à Nairobi, qui font 150 morts, mais les unités militaires et la police restées fidèles au gouvernement forcent les rebelles à se rendre. Le président Moi dissout l'armée de l'air et ordonne 8 000 arrestations.
L'apparition en 1986 du mouvement Mwakenya (gauche révolutionnaire) inquiète le gouvernement, qui fait procéder à de nombreuses arrestations. Deux vieux alliés politiques du président Moi sont mis à l'écart (le ministre de la Justice, Charles Njonjo, en 1983 ; le vice-président, Mwai Kibaki, un Kikuyu, en 1988), et plusieurs journaux sont interdits. Une réforme des procédures électorales, en 1986, qui oblige les électeurs à s'aligner en file derrière leur candidat, est fortement critiquée, notamment par les Églises. Cette mesure sera maintenue en 1990, tandis que l'assassinat inexpliqué du ministre des Affaires étrangères, Robert Ouko, provoque une vive émotion.
L'intolérance du régime pousse les États-Unis à lier désormais leur aide au respect des droits de l'homme, et le gouvernement rétablit le multipartisme en décembre 1991. Mais, aux élections pluralistes de décembre 1992 (marquées par des irrégularités), l'opposition divisée est battue par le président Moi, qui est reconduit dans ses fonctions, et la KANU obtient la majorité au Parlement. Le gouvernement formé en janvier 1993 est composé exclusivement de membres de l'ancien parti unique. Dans la Rift Valley, les Kikuyus sont l'objet de brimades de la part des Kalenjins et des Masais, qui veulent s'approprier leurs terres, provoquant des troubles graves (1 500 victimes).
L'opposition relève la tête avec la création de nouveaux partis, dont le Forum for the Restoration of Democracy (FORD), que préside Oginga Odinga (ce dernier meurt en 1994). Un parti islamique fondé par Cheikh Balala s'implante à Mombasa. Le FORD se scinde en deux organisations rivales, le FORD-Kenya et le FORD-Asili, que dirige un ancien ministre, Kenneth Matiba. En 1995, une autre formation de l'opposition, Safina (« l'arche de Noé », en swahili), porte à sa tête un Blanc de nationalité kényane, Richard Leakey (fils du célèbre paléo-anthropologue Louis Leakey).
Les divisions de l'opposition permettent cependant au président Moi de remporter les élections présidentielle et législatives de 1997. Il est réélu en devançant M. Kibaki et Raila Odinga (le fils de Oginga Oginga Odinga), tandis que la KANU obtient 107 des sièges de l'Assemblée nationale contre 103 à l'opposition, éclatée en une dizaine de formations.
En politique étrangère, le Kenya avait, en 1980, accordé des facilités militaires aux États-Unis, mais avait renouvelé, en 1987, son traité de défense avec l'Éthiopie, alors marxiste, pour disposer d'un allié en cas de conflit avec la Somalie. Les relations souvent tendues avec l'Ouganda et la Tanzanie avaient provoqué, en 1977, la dissolution de la Communauté économique est-africaine mise sur pied par les Britanniques. Cette communauté a été restaurée en 1994 par un traité entre les chefs d'État de l'Ouganda, de la Tanzanie et du Kenya. Par ailleurs, en 1996 et 1998, Nairobi a abrité, sans résultat probant, des conférences de réconciliation entre les factions armées de Somalie. Depuis l'attentat perpétré, le 7 août 1998, contre l'ambassade américaine à Nairobi, le Kenya opère un rapprochement avec États-Unis face au terrorisme, confirmé par la visite du secrétaire d'État Colin Powell, en 2001 puis en 2005.
4.3. Alternance démocratique sur fond de crise post-électorale

Le président Moi accepte les termes de la Constitution qui lui interdisent de solliciter un nouveau mandat, mais, désireux de garder la haute main sur sa succession, il impose à la KANU la candidature du jeune Uhuru Kenyatta, fils du « père de l'indépendance », Jomo Kenyatta. Ce choix d'un homme sans expérience politique se heurte à l'hostilité des prétendants de longue date et de nombreux membres du parti au pouvoir, dont plusieurs rejoignent les rangs de l'opposition.
Cette dernière, rassemblée au sein de la National Rainbow Coalition (NARC, ou Coalition nationale Arc-en-ciel), remporte très largement les élections générales du 27 décembre 2002, dont les observateurs locaux et internationaux soulignent la fiabilité et la transparence. Son candidat, Mwai Kibaki, un Kikuyu, remporte l'élection présidentielle avec 62,2 % des suffrages devant U. Kenyatta (31,3 %). À l'Assemblée, la NARC obtient la majorité absolue en gagnant 125 sièges contre 64 à la KANU.
M. Kibaki échoue à mettre en œuvre la plupart de réformes promises pendant la campagne électorale. En dépit de la création d'une commission indépendante (chargée notamment de réexaminer l’affaire Goldenberg, qui plombe l'économie kényane depuis 1992) la lutte contre la corruption – « un mode de vie au Kenya » – s'avère rapidement inopérante, si bien que les pays donateurs interrompent leur aide dès 2005. Malgré l'essor du tourisme, le délabrement des infrastructures n'est pas enrayé, la croissance reste modeste et les inégalités sociales demeurent fortes.
Annoncée « dans les cents jours », la réforme de la Constitution divise profondément la coalition gouvernementale. La modification de la Loi fondamentale faisait partie des engagements qui avaient permis à la NARC d'être élue triomphalement lors des élections de 2002. Le poste de Premier ministre faisait également partie du pacte préélectoral scellé avec R. Odinga, l'opposant historique, qui avait permis la victoire de la NARC. En échange des votes de son fief de l'ouest du pays, celui-ci devait obtenir, en cas de victoire, ce poste créé sur mesure. Le 21 novembre 2005, les Kenyans rejettent par 58,3 % de « non » le projet de réforme constitutionnelle soumis à référendum. Prenant acte de cet échec, le président Kibaki annonce un remaniement ministériel : limogé, R. Odinga et le PLD forment avec la KANU une alliance appelée Orange Democratic Movement (ODM), dont une faction dissidente, dirigée par Kalonzo Musyoka, deviendra en août 2007 l'ODM-Kenya.
Après une campagne électorale d'une grande violence (près de 80 morts), les élections générales du 27 décembre 2007 se déroulent dans le calme. L'ODM remporte très largement les législatives avec 99 sièges devant le camp présidentiel restructuré autour du Party of National Unity (PNU, 43 sièges), sans toutefois obtenir la majorité absolue. Le 30 décembre, la commission électorale annonce la victoire – avec une avance de quelque 230 000 voix devant R. Odinga (ODM) – du président sortant, M. Kibaki, qui prête aussitôt serment. Dénonçant une fraude massive dans le décompte des votes, R. Odinga appelle ses partisans à manifester contre la « victoire volée ». S'ouvre alors un cycle de violences, prenant parfois, notamment dans la vallée du Rift, l'allure de conflits interethniques, mais également nourries par d'anciennes rivalités foncières. Au terme de deux mois d'affrontements, le bilan sera de 1 200 morts et de 600 000 personnes déplacées.
Après l'annonce, le 8 janvier 2008, par le président sortant de la composition partielle d'un gouvernement de « large ouverture », l'ODM exige une médiation internationale. Celle-ci, après l'échec d'une tentative lancée par le président ghanéen John Kufuor, est poursuivie par l'ex-secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, qui parvient à arracher un accord de partage du pouvoir entre M. Kibaki et R. Odinga le 28 février. Le 13 avril, le premier nomme R. Odinga à la tête d'un gouvernement de coalition composé de 41 membres et au sein duquel Musalia Mudavadi, le numéro deux de l'ODM, et U. Kenyatta, sont tous deux nommés vice-Premiers ministres.
En avril et août 2010, une nouvelle Constitution est finalement adoptée et largement approuvée par référendum. Promulguée le 27 août, elle prévoit un plus grand équilibre entre pouvoirs et d’importantes limitations des prérogatives présidentielles : institution d’un Sénat représentant les comtés et d’une Cour suprême ; procédure de destitution (impeachment) par les deux assemblées du président qui ne peut plus dissoudre le Parlement ; garantie des libertés civiles dans une Déclaration des droits (Bill of Rights) ; décentralisation… Par ailleurs, une politique foncière visant une répartition plus équitable des terres y est explicitement inscrite. Tandis qu’un calendrier est fixé pour l’application de la nouvelle loi fondamentale, le poste actuel de Premier ministre est provisoirement maintenu jusqu’aux prochaines élections générales, date à laquelle le texte devrait entrer pleinement en vigueur.
Présent dans de nombreuses opérations de maintien de la paix, le Kenya s'implique dans la coopération contre le terrorisme et renforce ses liens avec Israël après l'attentat du 28 novembre 2002 visant un hôtel de Mombasa où séjournaient des Israéliens. Sur le plan régional, il mène une intense politique de médiation. Il accueille les pourparlers de paix sur la Somalie, ouverts en octobre 2002 sous l'égide de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) mais s’engage aussi militairement dans la lutte contre les milices islamistes chabab en les délogeant notamment de leur bastion de Kismaayo en 2012. Le Kenya est également le principal médiateur dans le conflit intersoudanais, auquel met un terme la signature, le 9 janvier 2005 à Nairobi, d'un accord global par le gouvernement et le chef du SPLM/SPLA, John Garang.
4.4. Les élections de 2013 et la victoire d’Uhuru Kenyatta

En mars 2013, Uhuru Kenyatta, candidat de l’alliance nationale (TNA issue du PNU) mais inculpé par la Cour pénale internationale (CPI) de crimes contre l'humanité pour sa responsabilité dans les violences postélectorales de 2007, est élu de justesse à la présidence de la République avec 50,07 % des voix. Alors que le taux de participation atteint un niveau sans précédent (86 %), son principal adversaire R. Odinga (ODM) finit par accepter sa défaite, soucieux d’éviter de nouvelles violences.
U. Kenyatta a dû s’assurer du soutien non seulement des Kikuyus, dont il est lui-même issu et dont il parle et utilise la langue, mais aussi d’autres ethnies – aucune n’étant majoritaire – dont celle des Kalenjin (la troisième du pays) représentée par son vice-président William Ruto (parti républicain uni, URP). Ce dernier (qui avait soutenu R. Odinga en 2007) est également poursuivi par la CPI pour les mêmes motifs que le président. Au lieu de les desservir, ces inculpations semblent bien avoir joué en faveur du fils du père de la nation et de son allié. Cet accord au sommet se traduit au niveau parlementaire par la Jubilee Alliance coalition, formée principalement par l’alliance nationale et l’URP qui vient en tête des élections législatives et s’assure, avec ses alliés extérieurs dont le Forum démocratique uni de Musalia Mudavadi, d’une majorité au parlement. Le Mouvement démocratique orange (ODM), qui reste le premier parti, prend la tête de l’opposition.
Les craintes d’une réédition des troubles post-électoraux de 2007 dissipées, le nouveau président entre en fonctions le 9 avril après l’annonce d’un programme axé notamment sur une redistribution des richesses et un juste accès à la terre, le développement économique, la lutte contre l’insécurité et la préservation de l’unité nationale par delà les clivages ethniques.
S’il est soutenu par l’Union africaine et l’Afrique du Sud dans son affrontement avec la justice internationale, il doit aussi faire face au défi du terrorisme à la suite de l’attaque meurtrière dans un centre commercial au cœur de Nairobi commis par un commando les 21-24 septembre en représailles à l’intervention du Kenya contre les milices chabab en Somalie.

 

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LE LIBÉRALISME

 

libéralisme

1. Les débuts de l'histoire du concept

Le mot « libéralisme » est né au début du xixe siècle, après, comme il arrive souvent, que l'idée qu'il contient, la revendication de liberté, a été portée elle-même sur le devant de la scène historique. En effet, demander, exiger la liberté politique, idéologique, culturelle s'est introduit dans la conscience politique des élites françaises dès le xviiie siècle, dans une société qu'on dirait aujourd'hui « bloquée », divisée en « états », c'est-à-dire en classes institutionnelles (→ clergé, noblesse, tiers état), et où les libertés au sens moderne n'existaient réellement qu'à l'état larvaire : liberté de penser, de circuler, de publier, de créer, etc. Elles n'avaient aucune existence juridique.
Sous l'Ancien Régime, il existait une religion d'État, des classes sociales figées héréditaires, des barrières pour tout ce qui pourrait aller et venir dans le royaume (douanes, impôts, passeports, etc.) ; néanmoins les choses commencent à bouger avec la fin du règne de Louis XIV. La liberté de l'individu, sa capacité de décider de son avenir, qui constituaient autant de questions qu'il était jusqu'alors impossible voire impensable de soulever officiellement, deviennent des thèmes de réflexion.
Cependant, depuis la Renaissance et la Réforme, un courant idéologique souterrain prépare une conception nouvelle de la vie sociale. Machiavel, dans le Prince, Hobbes (1588-1679) dans le Léviathan, chacun à sa manière, ont attaqué la perspective de saint Thomas d'Aquin selon laquelle l'homme était fait pour vivre dans une société de droit divin (rappelons que la Somme théologique tient que tout pouvoir est d'essence divine et que la société civile ne peut être que théocratique). Pour Hobbes et Machiavel, Dieu n'a rien à faire ni dans le lien social entre les hommes ni dans la société. L'homme est fondamentalement mauvais ; il faut le prendre comme tel (pragmatisme, dirait-on aujourd'hui) et donc bâtir une société où sa méchanceté est la donnée de base, par une répression visible et sans hypocrisie, et où le « prince », loin de chercher à opprimer ses sujets, règne en fonction de leur harmonie possible et pour leur bien.
Le point de départ sera méthodologiquement le même pour les philosophes du xviiie siècle : existent d'abord les données de fait, dont la liste, établie dans un esprit pragmatique, dépend de chaque auteur. Certains partent de la notion de « nature ». Ainsi les « économistes », que la tradition appellera les « physiocrates » (du grec phusis, nature), pensent que la société doit être organisée selon la nature, un ordre « naturel qui renferme les lois constitutives et fondamentales de toutes sociétés », selon les termes de l'un d'eux, Dupont de Nemours.
Quelles sont les notions issues de l'ordre naturel qui assurent le bien-être des sociétés ? Ce sont la propriété, la liberté et l'autorité. La première, la propriété, est fondamentale : elle est personnelle, immobilière et foncière. La liberté, déjà supposée par la propriété, implique que l'individu est le meilleur juge pour savoir ce qui lui convient. Chaque homme doit pouvoir obtenir « la plus grande augmentation possible de jouissance par la plus grande diminution possible de dépenses », selon les termes d'un autre physiocrate, François Quesnay. Quant à la troisième, l'autorité, les physiocrates n'ont guère d'originalité : le souverain est un homme unique, un souverain absolu, et sa mission est de créer et de faire respecter les lois. Le cri de ralliement des physiocrates, dans la France issue de la pratique colbertiste, faite de règlements et de droits de toutes sortes sur un territoire constitué d'une mosaïque de coutumes et de droits particuliers, est le mot célèbre : « Laissez faire, laissez passer ! ».
On sait que la Révolution réalisera d'abord toute son œuvre révolutionnaire au nom de la liberté : et d'abord par le moyen de l'égalité politique pour accéder à la liberté politique, en supprimant les « ordres », les privilèges, puis en mettant l'accent sur la liberté et la propriété davantage que sur l'égalité dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Cependant, elle ne rendra pas possibles toutes les libertés, notamment celles, pour les classes défavorisées, de s'organiser.
Sur le plan intellectuel, il faut attendre la fin de la Révolution et du premier Empire pour que naisse le mot libéralisme, sous la plume de Maine de Biran qui le définit en 1818 comme une doctrine favorable au développement des libertés.
Nous sommes donc avec la Révolution passés à un pluriel : les libertés. Il y a à cette époque partout en Europe une aspiration à la liberté politique, différente selon les pays, mais qui n'est jamais loin de la liberté économique : en Espagne, les libéraux veulent, dans la Constitution qu'ils rédigent à Cadix en 1812, tout en résistant à l'occupation française, lutter contre l'absolutisme de leur monarchie ; en Angleterre, en 1832, face au parti conservateur, le parti whig devient le parti libéral, préconisant le libre-échange en matière de commerce extérieur et la démocratie par le suffrage universel qui n'existait dans aucun pays d'Europe à cette époque-là.


Dès le milieu du xixe siècle, l'aspiration à une certaine émancipation par rapport aux traditionalismes s'étend à tous les domaines : il y a par exemple des protestants libéraux, des catholiques libéraux (par exemple le catholicisme libéral de 1830, avec La Mennais, Lacordaire, est en lutte contre la tradition monarchique et gallicane du catholicisme de l'Église romaine – et l'histoire du catholicisme libéral va animer la vie des catholiques français jusqu'à l'encyclique de 1892, dans laquelle le pape accepte l'idée de république, mais sans toutefois condamner toute monarchie.
Ainsi, le concept de libéralisme est hissé dans le premier tiers du xixe siècle au rang de porte-drapeau pour tous les mouvements antipasséistes et anticonservateurs ; généreux, large, mobilisateur, il est devenu aussi un concept flou et un fourre-tout idéologique. Pour y voir clair, on est obligé de distinguer constamment, malgré leur histoire commune, les deux domaines où le libéralisme est revendiqué comme doctrine, le politique et l'économique ; mais il faut toujours partir de l'un pour aller à l'autre et en repartir pour retourner au premier.
2. Les fondements économiques du libéralisme politique

On admet aujourd'hui que le libéralisme politique se confond avec la démocratie : la disparition des démocraties populaires en Europe oblige à cette simplification, même si tous les régimes dits « démocratiques » ne sont pas – loin s'en faut – des régimes libéraux.
Le libéralisme politique est d'abord un système philosophique qui a pour base historique l'individualisme social, dont une application s'est retrouvée dans la loi Le Chapelier de 1791, qui abolit les corporations des métiers qui s'étaient créées sous l'Ancien Régime au nom de la liberté individuelle, et par opposition à l'intérêt social de la coalition d'intérêt économique que représentera le syndicalisme à la fin du xixe siècle.
Or l'individualisme a une longue histoire doctrinale. Le premier, John Locke, dans les Deux Traités sur le gouvernement (1690), avait opposé l'état de nature, où les individus se laissent aller à la violence, et le lien social, auquel les individus consentent librement à se livrer, cela dans leur intérêt, pour mieux s'opposer à l'arbitraire d'un monarque. Il est ainsi le premier à faire du libéralisme une doctrine de la représentation nationale des citoyens (avec la notion de majorité) et une doctrine de l'équilibre des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire). Ainsi le principe de la liberté est fondé sur la notion de l'individu, dont toutes les institutions doivent viser à conserver l'intégrité. Locke est véritablement le premier penseur du libéralisme politique. Mais il faut bien comprendre que, dans cette perspective, l'individu est fonction de ce qu'il possède, ses biens matériels comme ses capacités personnelles, intellectuelles et morales. Il règle donc ses rapports avec autrui selon un mode d'échange de tout ce qu'il possède : c'est un rapport de « propriétaire avec d'autres propriétaires » qui constitue la base du rapport social.
Cette vision va régler les fondements d'une conception qui mettra deux siècles à s'instaurer, la démocratie parlementaire. C'est parce que l'État démocratiquement constitué devra respecter l'individualisme qu'il pourra répondre à son objectif. Or, comment se situe dans la société l'individu, dont le ressort essentiel est le désir de « subsister », c'est-à-dire en définitive de s'enrichir pour vivre ?

Adam Smith
Un autre penseur anglais, Adam Smith, va fonder ce qu'on appelle depuis l'« économie politique » dans un ouvrage classique, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776). Qu'est-ce que l'enrichissement ? C'est, dit-il, l'accroissement de la productivité du travail : chacun se spécialise dans cette perspective. Mais la situation est forcément inégalitaire : il y a toujours d'un côté ceux qui disposent de plus de moyens de production (les propriétaires fonciers principalement, à l'époque de Smith), et il y a, de l'autre côté, ceux qui en disposent moins : s'esquisse alors le système qui consiste à échanger du travail contre du salaire. La société capitaliste est donc une société où existe le salariat. C'est d'ailleurs le salaire qui va fixer l'enrichissement et le prix des objets fabriqués.
Jeremy BenthamJeremy Bentham
Un autre théoricien anglais, Jeremy Bentham (1748-1832), fonde à l'aube du capitalisme la véritable doctrine de l'individualisme libéral. Il reprend le concept d'utilité comme ce qui fait le bonheur de l'individu, et pour cela établit une « arithmétique du plaisir » qui fonde la recherche du bonheur du plus grand nombre d'hommes. Son principe est que « les individus intéressés sont les meilleurs juges de l'emploi le plus avantageux des capitaux ». Il ajoute que, en fonction des différentes actions possibles que chacun mène pour arriver à son plaisir personnel, doit être adjointe une échelle de punitions proportionnelle aux délits qui pourraient se produire à cette occasion. Mais on peut objecter simplement que la recherche du « plaisir » risque finalement de se retourner contre l'individu même, si les sanctions supposent aussi une libre acceptation. Il faut donc au mieux définir les rapports entre l'utile et l'individuel.
Or, qu'est-ce que l'individualisme sinon la satisfaction de ce qui est utile à l'individu ? C'est un autre penseur anglais, John Stuart Mill, qui définit l'utilitarisme en termes particulièrement originaux : l'individu recherche non pas ce qui lui est utile égoïstement, mais ce que les autres acceptent comme utile à tous. Il écrit en effet : « Le bonheur que les utilitaristes ont adopté comme critérium de la moralité de la conduite n'est pas le bonheur personnel, mais celui de tous les intéressés. » Sa conception (Principes d'économie politique, 1848) s'oppose à celles des socialistes qui sont hostiles à la compétition comme facteur de progrès économique. Par exemple, il refuse l'impôt progressif, car la liberté individuelle doit l'emporter sur tout le reste : ce qui a été gagné honnêtement a été bien gagné, parce qu'il l'a été par les lois de la libre concurrence. Les classes défavorisées ne doivent pas être assistées – ce serait jouer contre leur intérêt bien compris ; l'amélioration de leurs conditions se fera par la diffusion de la culture, de l'éducation, et, en attendant, par leur association, décidée par elles, en groupements d'intérêts communs. La compétition individuelle doit pouvoir finalement être accessible également à tous, aux pauvres comme aux riches, pour remplir l'idéal de justice propre à tout être humain et rendre cette compétition accessible également à tous est l'objectif conforme à l'idéal moral de toute l'humanité.
Ces principes constituent véritablement la base de la conception libérale de la vie politique.


Thomas Robert MalthusJean-Baptiste Say
L'économie libérale comme corps de doctrine se développe principalement à partir des penseurs anglais. Elle est ainsi fondée sur trois principes :
– 1° la quantité de subsistances limite la quantité de population, selon T. R. Malthus ;
– 2° la quantité de capital limite l'extension de l'industrialisation (A. Smith) ;
– 3° tout produit engendre un revenu égal à sa valeur suscitant une demande équivalente, selon Jean-Baptiste Say.
Les idées libérales se répandent en France, en Angleterre, par des livres, comme ceux de J.-B. Say, de Frédéric Bastiat, qui combat le socialisme et l'interventionnisme de l'État et recommande la libre-concurrence, et également par des revues, dont le Journal des économistes (publié à Paris de 1871 à 1890). Ce dernier préconise l'individualisme extrême et critique la charité publique.
3. Les fondements politiques du libéralisme et les tentatives d'approfondissement

Les principes du libéralisme économique qui ont accompagné la naissance et le développement du capitalisme peuvent être ainsi résumés :
– 1° primauté de l'intérêt personnel ;
– 2° libre concurrence à l'intérieur d'un ensemble où les compétiteurs se reconnaissent entre eux (si donc quelqu'un d'étranger vient fausser le jeu, il faut l'en empêcher, – l'histoire fourmille de tels exemples [le Zollverein, les lois de Jules Méline, l'auteur du protectionnisme et du double tarif de 1892, le mélinisme] ; c'est le seul domaine où l'intervention de l'État est justifiée pour les libéraux de cette époque) ;
– 3° liberté d'entreprendre et d'embaucher.
Du respect de ces trois principes, les théoriciens pensent que résultera automatiquement un équilibre entre les forces en présence. Or précisément la réalité ne répond plus à cette attente, depuis que l'industrialisation a jeté les paysans pauvres dans les villes proches des mines de fer et de charbon et que le capitalisme se répand dans le monde entier, notamment avec l'essor du colonialisme.
Vers les années 1850 naît en Europe le mouvement socialiste, qui, pendant un siècle et demi, va tenter de constituer une force puissante contre la théorie et la pratique du capitalisme. Or les socialistes sont pour la plupart favorables au collectivisme, l'abandon de la propriété privée des moyens de production et d'échange au profit d'un État constitué et dirigé par les anciennes classes exploitées, ouvriers et paysans. Les méthodes pour y arriver diffèrent selon les doctrines socialistes. Si on laisse de côté les révolutionnaires radicaux, partisans de la révolution, les autres cherchent à modifier les pratiques en entrant dans le jeu politique. La bataille à l'intérieur des régimes existants commence par la volonté de réaliser des modifications politiques à l'intérieur des régimes démocratiques nés au xixe siècle. Les socialistes élus dans les instances politiques françaises, allemandes, vont avoir pour objectif commun la volonté de faire intervenir l'État dans les rapports entre les possédants et les salariés ; certains points sont obtenus (limitation du travail des enfants, début de la protection sociale des veuves dont les maris sont victimes des accidents du travail, etc.).
Parallèlement, les théoriciens du libéralisme sont obligés de constater que les faits sociologiques résistent à leur analyse. D'abord, ils ont bien observé qu'il existe une certaine instabilité au sein des élites possédantes. Les revenus des individus ne restent pas forcément dans les mains de leurs héritiers familiaux, ce que constate l'économiste Vilfredo Pareto, dans son Manuel d'économie politique (1906). Ensuite, ils observent aussi que le régime économique connaît des crises profondes et des soubresauts : certains pressentent que ces crises sont cycliques (la théorie viendra plus tard, par exemple avec François Simiand). Enfin, avec les grèves souvent violentes, le début des « coalitions ouvrières » (renforcées par les Internationales), les mouvements sociaux en France, en Belgique antérieurs à 1914, avec la poussée électorale des socialistes en Belgique, en France, en Allemagne, en Italie, les théoriciens hostiles à l'État, partisans du « laisser-faire, laissez-passer », sont contraints de modifier leurs vues. D'ailleurs, les politiques entament quelques lois sociales en France (Bourse du travail), en Allemagne avec Bismarck.
Ainsi, au premier tiers du xxe siècle, alors qu'un fait politique et culturel majeur vient de se produire (la fondation de l'URSS), la théorie libérale semble battue en brèche par une multitude hétéroclite de faits concrets obligeant les théoriciens libéraux à des révisions déchirantes et les hommes politiques libéraux à des aménagements pratiques dans les législations.
4. Les modifications de la théorie libérale : vers le néolibéralisme

Les partisans du libéralisme reviennent désormais sur le rôle de l'État. Ils commencent à définir, au début des années 1930, un nouveau type de libéralisme, qui admet son intervention ; on parlera alors de « néolibéralisme ». Ainsi, à l'époque, John Maynard Keynes est considéré comme un néolibéral : il défend l'intervention de l'État pour sauver le système économique existant, et ce contre le communisme. Il affirme que, dans le système libéral, ce n'est pas la demande qui s'ajuste à l'emploi, mais c'est le niveau de l'emploi qui est impitoyablement ajusté à l'état de la demande. Or l'état de la demande dépend du revenu de la masse des consommateurs, forcément toujours plus grande pour que vive le système capitaliste. Il n'est dès lors pas hostile à l'intervention de l'État et dénonce la doctrine classique du « laisser-faire ».
Mais le terme « néolibéralisme » va très vite évoluer vers une acception plus commune aujourd’hui, où l’intervention de l’État dans le fonctionnement de l’économie est, au contraire, de plus en plus critiquée. Peu avant la Seconde Guerre mondiale, se définissent comme « néolibéraux » des économistes estimant que l’État a surtout pour rôle d’assurer la plus grande liberté des agents économiques, et qu'il doit avant tout à veiller au bon fonctionnement des marchés, en assurant le maintien d’une situation de concurrence (lutte contre les monopoles).
En 1938, un colloque regroupe autour de W. Lippmann des économistes connus comme Friedrich von Hayek, Ludwig von Mises, Jacques Rueff. Ils remarquent que la non-intervention de l'État n'a pas empêché la formation de monopoles : au contraire, le principe de la libre concurrence n'a été qu'une règle conservatrice favorisant la création et le renforcement des monopoles, la domination des économies par la banque, entraînant dans de nombreux secteurs importants la mort de la concurrence réelle. Après la Seconde Guerre mondiale, un groupe a été fondé en Suisse, la Mont-Pelerin Society, qui s'efforce de définir un cap nouveau, tout en défendant « la croyance dans les mérites de la propriété privée et de la loi du marché ».
Fondamentalement hostiles à l'évolution vers le collectivisme, ces économistes ont posé trois principes de ce qui a été appelé depuis le « néolibéralisme » :
–1° priorité donnée à la recherche de l'intérêt personnel, dans un cadre légal déterminé, sous la responsabilité sanctionnée par le risque du producteur et du consommateur ;
– 2° croyance au caractère non nocif de l'inégalité des hommes, de leurs conditions sociales, économiques et culturelles, en ceci que ces inégalités développent le goût du risque, le dynamisme, l'initiative personnelle ;
– 3° enfin – grande originalité dans le cadre du « libéralisme » – intervention de l'État.
Cette intervention a pour objet de créer le cadre légal qui permettra le fonctionnement du libre marché sans entraver le mécanisme des prix. Elle se borne à amortir les déséquilibres trop criants. Le néolibéralisme va devenir la panacée de la pensée de la droite traditionnelle mais aussi celle de la gauche, respectueuse des institutions dans lesquelles elle est régulièrement élue dans les systèmes à alternance.
On le voit aujourd’hui, où tous les gouvernements européens sont fortement incités à mettre en œuvre des réformes économiques d’inspiration libérale : baisse de la dépense publique, afin de permettre une diminution des prélèvements obligatoires ; libéralisation du marché du travail, via l’effacement de certaines règles protectrices des salariés ; libéralisation du marché des services, en élargissant l’accès à certaines professions réglementées.

 

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LE SOUS-SOL DE L'ARCTIQUE ...

 

Le sous-sol de l'Arctique attise les convoitises


 - par Denis Delbecq dans dlr n°51 daté septembre 2012 à la page 44
Immense espace encore largement inexploré, l'Arctique sera-t-il le nouvel Eldorado d'une planète assoiffée de ressources énergétiques et minières ?

Les chiffres sont vertigineux. Selon l'organisme fédéral américain qui conduit les études géologiques (USGS), les régions situées au nord du cercle polaire recèleraient 30 % du gaz et 13 % du pétrole qui restent à découvrir sur notre planète. Et l'inventaire des ressources de l'Arctique ne s'arrête pas là.

De l'Alaska au Groenland, de la Russie à la Norvège, se trouveraient d'immenses réserves d'or, de diamants, de métaux, de terres rares* et d'uranium. Autant de trésors que commencent à convoiter les industriels. Ces derniers comptent sur le réchauffement climatique pour dénicher de nouveaux gisements dans ces lointaines contrées encore largement inexplorées. Une agitation telle qu'au printemps dernier, la Lloyd's a publié un rapport sur « les opportunités et risques du Grand Nord ». Le géant britannique de l'assurance pour les transports maritimes est concerné au premier chef : dans l'Arctique, et malgré la banquise*, tout passera par la mer.

Crise de l'énergie oblige, les hydrocarbures occupent une place de choix dans la région. Aujourd'hui, environ 400 gisements de pétrole et surtout de gaz - dont une cinquantaine considérés comme importants - sont exploités au nord du cercle polaire, à l'ouest de la Sibérie et en Alaska, pour l'essentiel. Ils contiendraient, selon les industriels qui les exploitent, près de 6 milliards de tonnes de pétrole, l'équivalent d'un an de consommation mondiale de brut. Et près de 31 milliards de mètres cubes de gaz, ce qui représente dix ans de la consommation gazière mondiale.

Mais il resterait encore bien plus à découvrir, selon l'inventaire établi en 2008 par l'USGS. De nombreux gouvernements de la région arctique - à l'exception notable de la Russie - ont participé à ce travail, ainsi que, très discrètement, des géants pétroliers de plusieurs pays, notamment le français Total et le norvégien Statoil. Résultat : selon l'USGS, les réserves à découvrir sont estimées à 12 milliards de tonnes de pétrole, et 46 000 milliards de mètres cubes de gaz, dont l'essentiel se trouve dans la région de l'océan Arctique sous pavillon russe.

Sans compter les hydrocarbures non conventionnels, comme les gaz de schiste et les schistes bitumineux, dont personne n'a encore tenté l'évaluation. « On peut seulement dire qu'il y en a beaucoup », résument Victor Gavrilov et Anatoli Zolotoukhine, deux géologues de l'université Goubkine de Moscou, dans une étude publiée en 2011 dans la revue Énergies nouvelles et portant sur les ressources de l'Arctique russe.

EXPLORATION FOISONNANTE DANS LE GRAND NORD
Progressivement, au fil de la hausse des cours, les compagnies pétrolières prospectent de plus en plus vers le nord. La Norvège vient d'accorder vingt-six permis d'exploration, et se prépare à en accorder quatre-vingt-six l'an prochain, dans les mers de Barents et de Norvège : elle espère ainsi lutter contre l'épuisement de ses gisements de gaz actuels. En avril 2012, l'américain Exxon-Mobil et le russe Rosneft ont signé un accord de coopération qui pourrait entraîner jusqu'à 500 milliards de dollars d'investissements en commun sur plusieurs décennies, centrés principalement sur l'Arctique russe.

« Le feu vert accordé en juin 2012 par le gouvernement américain aux forages de Shell au large de l'Alaska, est lui aussi révélateur d'un intérêt des pétroliers qui grandit avec le cours du baril », explique Donald Gautier, le géologue qui a piloté l'inventaire de l'USGS. Et d'ajouter : « Shell a déjà dépensé plus de 3 milliards de dollars pour étudier cette région et les forages exploratoires devaient commencer dès cet été. » Ces recherches seront suivies par tous les pétroliers, dans la mesure où elles portent sur la zone off shore supposée la plus riche de l'Arctique américain.

Toutefois, même en cas de succès, il faudra être patient. Car les experts sont unanimes : dans ces contrées inhospitalières, il faut quinze à vingt ans pour mettre un puits en production. « Il convient aussi de s'attendre à de sévères désillusions, prévient Flemming Christiansen, qui dirige l'organisme officiel en charge des évaluations géologiques au Danemark et au Groenland. En 2011, il y a eu dix forages off shore à l'ouest du Groenland. Tous se sont avérés négatifs ! » La détection des hydrocarbures est loin d'être une science exacte. « Nous avons établi nos calculs en raisonnant sur une base purement géologique pour identifier les zones les plus prometteuses. Mais nous n'avons pas pris en compte les données économiques et techniques », explique Donald Gautier. Or, un gisement non rentable n'est pas un gisement. L'essentiel du potentiel se trouverait au niveau des marges continentales*, par moins de 500 mètres de fond. En mer, il y a certes la banquise et ses aléas. Pourtant, c'est un moindre mal comparé aux difficultés que posent les gisements terrestres.

LE RÉCHAUFFEMENT REND L'EXPLOITATION PLUS ARDUE
« En hiver, on peut se déplacer sur terre et transporter du matériel en scooter des neiges ou en chenillard, précise Bruno Goffé, qui coordonne au CNRS le programme européen sur les matériaux stratégiques, Era-Min. Toutefois, en été, seul l'hélicoptère peut atteindre les endroits isolés, et à condition que le carburant y ait été disposé durant l'hiver. » Et, contrairement à ce qu'on pourrait penser, la fonte superficielle du pergélisol* en été - les sols peuvent être gelés sur 600 mètres d'épaisseur -ne facilite pas la construction des routes, des voies de chemin de fer, des pipelines et des installations industrielles. La terre devient si meuble que cela peut même déstabiliser les routes existantes. En outre, avec le réchauffement climatique, la fonte du pergélisol est plus précoce dans l'année.

Autre problème : « Au Canada, on utilise souvent les cours d'eau gelés comme routes en hiver, mais ils sont trop étroits pour permettre le transport fluvial en été. Le réchauffement climatique rend donc ces routes de plus en plus éphémères », ajoute le géologue norvégien Lars Kullerud, président de l'université Arctique, une émanation du Conseil de l'Arctique*, un organisme international en charge notamment de la protection de l'environnement et de la sécurité maritime.

Pour toutes ces raisons, le développement de l'Arctique commencera d'abord dans les zones maritimes accessibles par brise-glace. Ce n'est donc pas un hasard si Shell vise en premier lieu une exploitation au large des côtes de l'Alaska. Le pétrolier pourra utiliser le pipeline Trans-Alaska - qui traverse l'État américain du nord au sud - pour relier ses futures plates-formes off shore du nord au terminal pétrolier de Valdez, situé au sud, au bord du Pacifique. Un oléoduc qui ne fonctionne aujourd'hui qu'au tiers de sa capacité.

LE PRIX DU BARIL INFLUENCE LA PROSPECTION
Ailleurs, en raison du manque d'infrastructures locales, et de besoins en énergie paradoxalement mal couverts, ce sera beaucoup plus compliqué. « L'achat de pétrole représente une très grande part de notre budget », confirme Michael Mifflin, responsable de l'évaluation environnementale et de la gestion des terres du Nunavut. Dans cette province canadienne de 2 millions de kilomètres carrés, vivent 31 000 personnes, Inuits pour la plupart. Amené l'été par bateau et stocké pour l'hiver, le carburant est subventionné à 80 % par le gouvernement du Nunavut, pour maintenir le prix de vente au même niveau que dans le reste du Canada. Les autres produits de la vie courante sont aussi très onéreux. « Ainsi, le lait et les matériaux de construction coûtent trois fois plus cher que dans le reste du pays.» Ce qui ne facilite pas le développement des ressources pétrolières. « Il y avait eu un sérieux effort d'exploration avec la hausse des cours du pétrole dans les années 1970. Puis, tout s'est arrêté, et l'exploration n'a repris que récemment, à cause de l'envolée des prix du baril », poursuit Michael Mifflin. Ce qui confirme qu'en matière d'hydrocarbures, les réserves dépendent autant du contexte économique que de la géologie du sous-sol.

En dépit de cette situation d'exploration difficile, l'Arctique sera-t-il le nouvel Eldorado énergétique du XXIe siècle ? « Sur la base des technologies disponibles aujourd'hui, moins de la moitié des ressources potentielles de pétrole en Arctique seraient économiquement exploitables avec un cours à 300 dollars le baril », avertit Donald Gautier. Pour le gaz, situé plutôt côté norvégien et surtout russe, seul un tiers serait récupérable à moyen terme, en fonction des cours mondiaux. Dans la partie contrôlée par Moscou, des gisements de gaz avérés attendent leur heure. « Vladimir Poutine parle de construire des infrastructures portuaires pour développer la production dans l'Arctique, explique Elena Safirova, spécialiste de la Russie à l'USGS. Ce gaz jouera un rôle clé dans l'avenir économique du pays. Mais dans la pratique, les choses bougent très lentement. »

Haut lieu encore hypothétique en termes énergétiques, l'Arctique recèle aussi de nombreuses ressources minérales. La Suède possède ainsi, à Kiruna, la plus importante mine de fer souterraine du monde. Celle de Red Dog, en Alaska, est la première pour le zinc. Et Norilsk, en Sibérie, abrite le premier gisement mondial de nickel, qui produit aussi du cuivre et du palladium. Entre 1897 et 1899, le Canada connut la célèbre ruée vers l'or du Klondike. Plus de 100 000 prospecteurs, pour l'essentiel amateurs, se précipitèrent vers cette contrée inhospitalière située à la frontière du Canada et de l'Alaska. Baptisée depuis « Territoires du Nord-Ouest », la région - qui dispose d'une autonomie limitée dans le cadre de l'État fédéral canadien - tire désormais la moitié de ses revenus des industries minières, notamment de l'or et des diamants.

DES RESSOURCES ENCORE MAL ÉVALUÉES
Plus à l'est, sur le territoire du Nunavut, la prospection va bon train. « Plusieurs projets sont en cours d'évaluation environnementale, analyse Michael Mifflin. Il y a notamment un important gisement de fer sur l'île de Baffin, prévu pour trente-cinq années de production. » Il sera exploité d'ici quelques années par une filiale à 70 % d'Arcelor-Mittal, et le minerai sera en principe exporté toute l'année à bord de navires brise-glace, vers l'Europe et la Chine. « Areva espère de son côté mettre en valeur un gisement d'uranium près de Baker Lake, dans la partie sud du Nunavut », ajoute Michael Mifflin.

Cependant, aucune étude globale n'a été conduite pour évaluer les ressources des sites minéraux de l'Arctique. « On peut toutefois extrapoler une distribution potentielle en fonction de ce que l'on connaît plus au sud dans les zones affleurantes*», résume Michel Cathelineau, du laboratoire de géologie et gestion des ressources minérales et énergétiques de l'université de Lorraine, à Nancy.

« Le Canada a initié un programme d'évaluation de ses ressources énergétiques et minérales, centré sur l'Arctique, ajoute John Percival, de Natural Resources Canada, qui contribue au volet "minéraux" de cet inventaire. Si on se doute qu'il y a des gisements, personne ne sait où il faut commencer à chercher. » Tous les ans, des équipes de géologues se rendent dans l'Arctique canadien pour cartographier les sols ; leurs observations sont complétées par des mesures des variations du champ magnétique terrestre réalisées au cours de survols aériens.

En Russie, l'essentiel des gisements minéraux exploités se trouve en Iakoutie, dans l'est de la Sibérie. Or, indique Elena Safirova : « De nombreux autres gisements ont été identifiés dans le nord de la Russie. Mais ils ne sont pas exploités, car cela serait trop onéreux. Tant que c'est possible, Moscou préfère importer ses matières premières depuis les anciennes républiques de l'URSS. »

LES POTENTIALITÉS ÉNORMES DU GROENLAND
Enfin, l'une des régions les plus prometteuses sur le plan minier, mais très protégée sur le plan environnemental, est sans conteste le Groenland. « C'est un vrai paradis pour minéralogiste », résume Michel Cathelineau. Dans cette île, se trouveraient d'importants gisements de terres rares, mais aussi de fer, de molybdène, de zinc et de plomb : « Nous constatons une hausse significative des demandes de licences d'exploration », note Flemming Christiansen. Une centaine de permis ont été accordés ces dernières années. « Toutefois, le développement sera extrêmement lent en raison du manque d'infrastructures ; il reste suspendu à des cours mondiaux élevés. »

Contrairement aux terres souvent meubles de l'Arctique russe et canadien, le Groenland est essentiellement formé d'un socle rocheux dont la surface accessible croît avec le recul des glaciers côtiers. « Les gisements affleurent, et il est plus facile qu'ailleurs de construire des infrastructures et des routes.» La firme australienne GME espère décrocher l'autorisation d'exploiter les terres rares de Kvanefjeld, dans le sud du Groenland. Ce serait le second gisement mondial. Mais si la ressource semble bien là, il n'est pas sûr que GME puisse obtenir le feu vert des autorités, car ces terres sont associées à d'importantes quantités d'uranium, dont l'exploitation reste interdite au Groenland.

« Ailleurs dans l'île, beaucoup de projets souffrent d'un manque de capitaux. La Chine pourrait alors jouer un rôle important à l'avenir au Groenland », conclut Flemming Christiansen. Pékin, qui, selon l'édition du 16 juin 2012 de The Economist, a lancé la fabrication de gros brise-glaces, déploie d'intenses efforts diplomatiques pour décrocher - tout comme l'espère aussi l'Union européenne - un siège d'observateur au Conseil de l'Arctique. En juin 2012, le président Hu Jintao est ainsi venu plaider sa cause à Copenhague. Comme elle le fait en Afrique, au Canada ou encore en Australie, la Chine tente donc de prendre pied en Arctique pour assouvir ses besoins de matières premières. Cependant, la valorisation de ces richesses devrait prendre des décennies, le temps que les prix sur le marché mondial justifient durablement qu'on s'attaque au sous-sol de milieux si hostiles et si fragiles.

Par Denis Delbecq

 

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LES AZTÈQUES

 

LES  AZTÈQUES

Introduction

Dans leur langage, dialecte du nahuatl, leur nom (Azteca) signifie le peuple d'Aztlán, origine légendaire de la tribu. Ils s'appelaient aussi Mexica (prononcer « Méchica »). Leur capitale Mexico a donné son nom au pays tout entier.
Selon leur histoire traditionnelle, ils s'étaient établis à Aztlán vers le milieu du iie s. et y vécurent plus de mille ans. Dans la seconde moitié du xiie s. (1168 ?), ils quittèrent ce pays, qu'on peut situer au nord-ouest de l'actuel Mexique ou au sud-ouest des États-Unis actuels, pour se diriger vers le sud en une longue migration, conduits par les prêtres soldats dits « porteurs de dieux », conformément aux oracles de la divinité tribale, Huitzilopochtli. Environ un quart de siècle plus tard, on les retrouve dans la région de Tula, à 100 km au nord de Mexico ; ils y demeurèrent vingt ans. C'est là sans doute qu'ils commencèrent à s'imprégner des croyances et des mœurs de l'ancienne civilisation toltèque, dont Tula avait été la capitale. Ils célébraient alors pour la première fois, sur la montagne Coatepec, le rite du Feu nouveau.

Couronnement de l'empereur Acamapichtli
Tantôt guerroyant, tantôt s'alliant par des mariages aux populations en place, les Aztèques pénétrèrent au xiiie s. dans la vallée centrale du Mexique par la région nord-ouest (Zumpango, Xaltocán). Ils y trouvaient des cités-États fortement organisées et belliqueuses. Leur première tentative de création d'un État indépendant s'acheva en désastre : le chef aztèque élevé à la dignité de souverain, Huitzilihuitl Ier, fut fait prisonnier et sacrifié. Devenus les vassaux de cités puissantes, ne possédant en propre aucun territoire, les Aztèques finirent par se réfugier dans les îlots et sur les bas-fonds marécageux de la grande lagune. Ils y fondèrent en 1325 un village de cabanes en roseaux, Mexico, appelé aussi Tenochtitlán (« lieu où le cactus pousse sur le rocher ») : leur dieu leur avait donné l'ordre de s'établir là où ils verraient un aigle, perché sur un cactus, en train de dévorer un serpent. C'est seulement cinquante ans plus tard qu'ils purent enfin s'organiser en État. Leur premier souverain, Acamapichtli, se rattachait à une famille noble d'origine toltèque.
Des onze souverains aztèques, quatre ont péri de mort violente : Chimalpopoca, assassiné sur l'ordre du roi d'Atzcapotzalco ; Tizoc, probablement empoisonné ; Moctezuma II, tué par les Espagnols ou par un projectile lancé par un guerrier aztèque ; Cuauhtemoc, pendu par Cortés.
Empire et société aztèques

Le temps de la conquête

Nezahualcoyolt
Ce qu'on appelle couramment l'« Empire aztèque » prit naissance en 1428-1429 sous la forme d'une triple alliance. Les trois États de Tenochtitlán, Texcoco et Tlacopan s'associèrent après la défaite de la dynastie militariste d'Atzcapotzalco, qui exerçait son hégémonie sur la vallée centrale. En fait, le tlatoani aztèque étant investi des fonctions de généralissime des forces confédérées, c'est lui qui devint rapidement le chef suprême, l'empereur du Mexique conquis. Après avoir soumis d'abord l'ensemble de la vallée, les Aztèques et leurs alliés étendirent leur domination vers l'est (plateau de Cholula-Puebla, côte du Golfe), vers le sud (Morelos, côte du Pacifique), vers le nord et le nord-ouest (plateau de Toluca, région de Tula et de Xilotepec, cours inférieur du Pánuco), vers le sud-est (Oaxaca, isthme de Tehuantepec, province maya du Soconusco). C’est ainsi que, ayant succédé à Itzcoatl en 1440, Moctezuma Ier, fondateur de la grandeur mexica et alors âgé de quarante ans, entreprit très rapidement une guerre – qui dura jusqu'à l'arrivée des Espagnols – contre les peuples nahuas qui vivaient de « l'autre côté des volcans », à l'est, dans la vallée de Puebla, où se trouvaient les seigneuries indépendantes de Tlaxcala et Cholula. Ce combat perpétuel, surnommé la « guerre fleurie », n'avait pas pour but de vaincre ni de soumettre, mais de capturer le plus de prisonniers possible, afin de les offrir en sacrifice aux dieux. En effet, le sang humain, « eau précieuse » rituellement versée, permettait seul, dans la conception religieuse et la cosmogonie aztèques, la survie des dieux et la perpétuation du monde.
D'autres guerres entreprises par Moctezuma Ier et ses successeurs eurent pour objectif d'étendre la domination aztèque sur les riches contrées tropicales du Sud, de l'Ouest et de l'Est qui regorgeaient de plumes chatoyantes, de pierres précieuses, de coton, de cacao: autant de denrées fort appréciées de la noblesse aztèque et absentes de la vallée de Mexico. Moctezuma Ier soumit peu à peu des villes importantes et des régions entières jusqu'aux confins du Guatemala actuel. Sous les règnes d'Ahuitzotl (1486-1502) et de Moctezuma II (1502-1520), la suprématie aztèque se renforça encore.
Une économie florissante

Au début du xvie s., l'Empire rassemblait des populations appartenant à des ethnies très variées (Nahuas, Otomis, Huaxtèques, Mixtèques, Matlaltzincas, Zapotèques, etc.), groupées pour les besoins de l'administration en 38 provinces tributaires. Chaque province devait verser aux fonctionnaires aztèques (calpixque) des quantités déterminées de denrées alimentaires, tissus, métaux précieux, plumes d'oiseaux tropicaux, matériaux de construction, caoutchouc, jade, armes, etc., selon des barèmes soigneusement tenus à jour par des scribes. En dehors de cette obligation, les cités et villages conservaient une large autonomie, s'administraient selon leurs coutumes et pratiquaient leurs cultes particuliers. Quelques villes, aux frontières, étaient placées sous l'autorité de gouverneurs aztèques appuyés par des troupes de garnison. Certains petits États, amis (Teotitlán) ou hostiles (Tlaxcala), enclavés dans l'Empire, avaient conservé leur indépendance.
Si l'organisation administrative du tribut avait pour résultat de faire affluer à Mexico d'énormes richesses, le commerce, rendu possible par l'effacement des frontières et la paix intérieure, était intense entre la capitale et les provinces. Des corporations de négociants (pochteca), influentes et prospères, détenaient le monopole de ces échanges, tandis que le petit commerce et les métiers les plus divers étaient exercés par des artisans, marchands et marchandes de légumes, poissons ou gibier, menuisiers, sauniers, fabricants de nattes et de paniers, porteurs d'eau, tisserandes, etc. Ceux qui pratiquaient l'artisanat de luxe (orfèvrerie et joaillerie, ciselure, art de la mosaïque de plumes) formaient des corporations respectées. Il en était de même des médecins, sages-femmes, guérisseurs et guérisseuses, tandis que l'opinion et la loi condamnaient sévèrement les sorciers et magiciens.
Mexico, capitale symbole de la puissance aztèque

Nezahualpilli
À mesure qu'augmentaient les ressources de la tribu dominante, la capitale, simple village lacustre à l'origine, s'était transformée en une cité de plusieurs centaines de milliers d'âmes. Au centre, sur l'île rocheuse désignée par l'oracle divin, se dressaient les pyramides, les temples, les palais impériaux. Les quatre quartiers, subdivisés en nombreuses fractions (calpulli), s'étendaient sur un millier d'hectares le long de canaux et sur l'île voisine de Tlatelolco. La cité était reliée à la côte du lac par trois chaussées surélevées. Une digue longue de 16 kilomètres, construite sous le règne de Moctezuma Ier, la protégeait à l'est contre l'irruption des eaux de la grande lagune. Deux aqueducs amenaient l'eau potable à la ville depuis Chapultepec et Coyoacán. En raison de la prospérité générale (freinée de 1451 à 1456 par de mauvaises récoltes), la population de la capitale et des villes voisines, Tlacopan, Coyoacán, Culhuacán, Xochimilco, Texcoco, etc., ne cessait de croître. En 1519, le bassin de Mexico abritait entre 1 million et 1,5 million d'habitants, soit une densité de 200 habitants par km2, pour une superficie de terres cultivées qui ne dépassait guère les 3 000 km2. L'espace propice à la culture était en effet très réduit, à cause notamment de la faible épaisseur des sols, de l'érosion, de la présence de nombreux lacs et marécages. Le génie aztèque a su pourtant en tirer un profit maximal grâce à des techniques agricoles originales : fumage des sols avec des excréments humains et animaux, irrigation, dry-farming, élévation de terrasses. Mais le plus remarquable est sans doute la manière dont les Mexicas ont asséché une grande partie des lacs de la vallée et mis en valeur les marais au moyen des chinampas, radeaux de roseaux fixés par des pieux et couverts d'une couche de terre boueuse où sont plantés maïs, haricots, courges et piments.
L'agriculture du bassin de Mexico et celle des régions tropicales sous domination aztèque ont donné au Vieux Monde les ingrédients d'une révolution alimentaire : le maïs, une cinquantaine d'espèces de haricots, dont les haricots verts, les citrouilles, les oignons, les tomates (tomatl), les pommes de terre, les cacahuètes (tlacacahuatl), la vanille… À cette liste non exhaustive, il faut adjoindre une boisson faite avec la graine de l'amaxocoatl, connue sous le nom de « cacao » ou « chocolat ».
Une société hiérarchisée, une administration efficace

La société aztèque à son origine avait été égalitaire et frugale. Mais, avec le temps et l'expansion de l'Empire, le luxe et la hiérarchie politico-sociale l'avaient profondément modifiée. Le « simple citoyen » (maceualli) menait encore une vie assez semblable à celle des Aztèques de la migration ; il cultivait le lopin de terre auquel il avait droit, chassait ou pêchait, devait prendre part aux travaux collectifs (entretien des canaux et des ponts, terrassements, etc.). Mais les négociants disposaient de grandes richesses sous forme de denrées, métaux précieux, plumes, tissus. L'aristocratie militaire, qui se renouvelait d'ailleurs par la promotion de guerriers sortis du peuple, possédait des domaines ruraux et des palais, et recherchait de plus en plus le luxe. Autour d'elle gravitaient serviteurs, métayers, esclaves, et aussi des artistes, sculpteurs, ciseleurs, orfèvres, peintres, poètes et musiciens.
Tous les enfants, quelle que fût leur origine, recevaient une éducation relevant d'un des deux systèmes en vigueur : pour les enfants du peuple, les telpochcalli, collèges de préparation à la vie pratique et à la guerre ; pour ceux de l'aristocratie, mais aussi pour ceux des négociants et pour les enfants « plébéiens » que l'on destinait à la prêtrise, les calmecac, monastères-collèges qui dépendaient des temples. Dans ces derniers, on enseignait l'histoire traditionnelle, la religion et les rites, l'écriture pictographique, la lecture des livres sacrés, la musique et le chant. Il existait d'ailleurs des écoles de chant ouvertes aux jeunes gens de la classe populaire.
L'administration de l'Empire et la justice étaient assurées par un grand nombre de fonctionnaires et de magistrats, assistés de scribes, gendarmes, huissiers, messagers. Organisés selon une hiérarchie complexe, ils percevaient en rémunération le produit de terres qui leur étaient affectées. Les conquérants espagnols et Cortés lui-même ne tarissent pas d'éloges quant à l'ordre et à l'efficacité de l'administration, à l'intégrité des juges, à la splendeur et à la propreté de la capitale. La justice est un modèle d'organisation. Grâce à une remarquable hiérarchie des juridictions, qui comprend des tribunaux d'instance (teccali) et une cour suprême ou cour d'appel (tlacxitlan), la justice est rendue avec rapidité et efficacité. Aucun procès ne dure plus de quatre-vingts jours, y compris le jugement et l'arrêt. Les juges sont nommés par le souverain et par le chef du quartier où se tient le tribunal.
Prédominance de l’empereur

L'État aztèque, né de la démocratie tribale, était devenu une monarchie aristocratique. Au sommet, le tlatoani (« celui qui parle, qui commande »), élu à vie au sein d'une même dynastie par un collège restreint de dignitaires, était assisté d'un « vice-empereur », le ciuacoatl, et de quatre « sénateurs » élus en même temps que lui. Il désignait de hauts fonctionnaires tels que le petlacalcatl, chargé de la perception des impôts et du trésor, le uey calpixqui, préfet de la capitale, etc. Le Grand Conseil (tlatocan, « lieu de la parole, du commandement ») se réunissait sous sa présidence ou sous celle du ciuacoatl pour discuter des décisions importantes, et pouvait repousser jusqu'à trois reprises les propositions du souverain, par exemple en cas de déclaration de guerre. L’empereur est, au début du xvie s., un personnage quasi divin, entouré d'un halo religieux. Sa principale mission consiste à défendre, à agrandir et à embellir le temple de Huitzilopochtli, le dieu organisateur du monde des Aztèques, auquel il offre, souvent lui-même, des sacrifices. L'empereur vit dans un palais superbe, entouré de ses femmes, de ses conseillers, de ses devins, de ses nains et de ses bouffons. Nul ne peut le regarder en face, ni le toucher. Il lui est interdit de fouler le sol.
Une religion omniprésente et sanglante

Reliée à la classe dirigeante par de multiples liens familiaux, mais distincte d'elle, influente à coup sûr dans les affaires publiques mais non mêlée directement à la gestion de l'État, la classe sacerdotale était nombreuse et respectée. À la tête de la hiérarchie se trouvaient les deux grands prêtres égaux appelés Serpents à plumes, assistés d'un « vicaire général », lui-même entouré de deux coadjuteurs. Groupés en collèges au service de telle ou telle divinité, ou répartis dans les quartiers comme simples desservants, les prêtres avaient à leur charge non seulement le culte, mais l'éducation supérieure et les hôpitaux destinés aux pauvres et aux malades. Le clergé disposait d'immenses richesses en terres et en marchandises de toute sorte, qu'administrait un trésorier général.
La vie des Aztèques était dominée par la religion, que caractérisaient un panthéon foisonnant, une riche mythologie, un rituel complexe fertile en épisodes dramatiques et sanglants mais aussi en cérémonies grandioses et en émouvante poésie. La civilisation aztèque avait réalisé la synthèse des divinités astrales des tribus nordiques (Huitzilopochtli, Tezcatlipoca), des dieux agraires adorés par les anciennes populations sédentaires (Tlaloc, Chalchiuhtlicue, etc.), des dieux étrangers tels que Xipe Totec (Oaxaca) ou Tlazolteotl (déesse de l'Amour chez les Huaxtèques).
Le dieu des Aztèques à qui est adressé le culte est guerrier et triomphant. Huitzilopochtli est fils d'une déesse de la Terre, il personnifie le Soleil par sa victoire sur ses frères et sœurs, les Ténèbres et l'Étoile du matin. Soleil et guerre : tels sont les deux principes organisateurs de la religion aztèque. Ainsi, les morts au combat ou les sacrifiés connaissent une survie grandiose, car ils sont chargés d'aider le Soleil dans sa course. Tous les jours pendant quatre ans, ils l'accompagnent du levant au zénith. Passé cette période, ils se métamorphosent en colibris ou en papillons. Celui qui meurt dans sa maison, au contraire, disparaît dans les Ténèbres. Dès son enfance, l'homme aztèque est préparé à l'idée du sacrifice; il ne doit vivre que pour donner son cœur et son sang « à notre Mère et à notre Père, la Terre et le Soleil », et contribuer de la sorte au bel ordonnancement du monde : permettre le lever du Soleil, la tombée de la pluie, la pousse du maïs… La « guerre fleurie », pacte de sang entre tribus sœurs, de même origine et de même culture, a été scellée à cette fin.
Les sacrifices humains, très fréquents, correspondaient à deux conceptions distinctes. Tantôt le sang et le cœur des victimes étaient offerts aux dieux, plus particulièrement au Soleil, afin d'assurer la marche régulière de l'univers ; tantôt les victimes incarnaient le dieu et mimaient son drame mythique, jusqu'au moment où leur sacrifice transférait leur force vitale à la divinité représentée. Les sacrifiés, de même que les guerriers tombés au combat et les femmes mortes en couches étaient promis à une éternité bienheureuse, tandis que les morts ordinaires, pensait-on, devaient subir quatre années d'épreuves dans le royaume souterrain de Mictlantecuhtli (le Pluton aztèque) avant de disparaître dans le néant. Mais les morts que Tlaloc avait « distingués » en les appelant à lui (par noyade, hydropisie, affections pulmonaires, etc.) devaient jouir dans l'au-delà d'une vie paisible dans l'abondance du paradis (Tlalocan).
« Le compte des destins »

À l'instar des Mayas et des Toltèques, les Aztèques ont élaboré un système très complexe de calendriers, mêlant observations astronomiques et métaphysique, instrument de repérage des phénomènes naturels, tels les saisons ou le mouvement des astres, mais aussi moyen de déterminer le destin des hommes et du monde. L'existence de chacun était régie par le tonalpoualli, le « compte des destins », système extrêmement complexe de divination fondé sur un calendrier rituel de 260 jours divisé en 20 séries de treize. Chacun de ces jours était désigné par un chiffre et un signe – « 1, crocodile », « 2, vent », « 3, maison », etc. –, que les prêtres spécialisés, les « compteurs de destins », interprétaient à l'occasion des naissances, mariages, départs en voyage, expéditions militaires. Chaque année solaire est désignée par le nom de son premier jour, pris lui-même dans le calendrier divinatoire. Seuls quatre signes peuvent commencer une année: tecpatl (le silex), acatl (le roseau), calli (la maison), tochtli (le lapin). Combinés chacun avec les treize nombres fondamentaux du calendrier divinatoire, ils offrent 52 débuts d'année possibles. À l'issue de ce cycle de cinquante-deux ans, le temps est réputé suspendu: il peut alors se dissoudre, et c'est la fin du monde tant redoutée, ou se répéter, les anciens signes épuisés redevenant porteurs de vie à la faveur d'une cérémonie sacrificielle. Au-delà de ce cycle clos, les noms des jours et des années se répètent inlassablement.


La chute de l’empire

Le 18 février 1519, Hernán Cortés débarque au Yucatán accompagné de quelques dizaines de soldats. Le 13 août 1521, Tenochtitlán tombe sous ses assauts ; le dernier empereur est capturé, les Aztèques sont décimés et soumis à jamais. On peut se demander pourquoi un État organisé à ce point pour la guerre et une civilisation aussi élaborée se sont effondrés comme châteaux de sable devant une poignée d'Espagnols. L'explication tient sans doute au décalage technologique (les Mexicas n'ont ni épées de fer ni armes à feu). Elle tient aussi au pessimisme de la vision religieuse aztèque. Moctezuma II, scrupuleux et méditatif, très attentif aux présages, croit reconnaître dans les Espagnols qui arrivent sur la côte du Mexique les représentants de Quetzalcóatl, le roi-prêtre des Toltèques, le dieu-serpent à plumes dont le retour est annoncé par d'anciennes prophéties. De plus, l'année 1519 coïncide avec la fin d'un cycle calendaire de cinquante-deux ans, qui marque la suspension du temps. Ces êtres étranges, blancs, barbus et vêtus de fer, qui lancent la foudre et possèdent des chevaux, animaux que personne n'a jamais vus au Mexique, ont tous les caractères des dieux. Les Aztèques, prêts à les accepter comme tels, ne veulent que les honorer…
L'explication réside enfin dans la complicité active des peuples voisins, soumis depuis trop longtemps à la puissance mexica, fatigués de donner leur fortune à son empereur, et leurs enfants à ses dieux. Les Totonaques et les seigneurs de Tlaxcala rejoignent Cortés, qui se présente devant Tenochtitlán-Mexico avec une armée de plus de 30 000 indigènes. Moctezuma hésite : il cherche la preuve qu'il se trouve devant des dieux. Il reçoit les Espagnols et prépare pour eux des fêtes, en l'honneur, notamment, de Huitzilopochtli. Mais Cortés doit regagner la côte à la hâte pour combattre des émissaires de l'Espagne venus lui demander des comptes sur son épopée. Pendant ce temps, Alvarado, son lieutenant resté sur place, organise, sous on ne sait quel prétexte, le massacre de la foule venue assister à une cérémonie religieuse. À son retour, Cortés trouve la capitale aztèque en révolte ; Moctezuma, tenu responsable de la situation, est tué par le peuple. L'insurrection progresse. Assiégés, Cortés et ses compagnons doivent se frayer un chemin hors de la ville ; ils sont décimés par les guerriers aztèques enragés : c'est la Noche Triste (la Nuit Triste) du 30 juin au 1er juillet 1520. Cortés en réchappe pourtant. Il va reconstituer ses forces et réinvestir méthodiquement Tenochtitlán à partir de la fin de 1520. Le 13 août 1521, au milieu des ruines de sa ville dévastée par les canons, le dernier empereur aztèque se rend aux Espagnols. Il s'appelle Cuauhtémoc, l'« Aigle-qui-tombe », c'est-à-dire le Soleil couchant ; le soleil aztèque s'éteint pour toujours.
Quelques divinités du panthéon aztèque

Chalchiuhtlicue

« Celle qui a une jupe de pierres vertes », déesse de l'Eau douce, compagne de Tlaloc.
Cihuateteo

« Femmes-déesses », femmes mortes en couches et divinisées ; elles prennent au zénith le relais des guerriers morts au sacrifice pour accompagner le Soleil dans son voyage.
Coatlicue

« Celle qui a une jupe de serpents », vieille déesse de la Terre, qui enfanta miraculeusement le dieu des Mexica, Huitzilopochtli.
Coyolxauhqui

« Celle qui est parée de grelots », sœur aînée de Huitzilopochtli, tuée par lui, ainsi que ses frères, les 400 étoiles au Sud, au moment de sa venue au monde. Elle symbolise les ténèbres, vaincues par le jeune Soleil triomphant.
Eecatl

Quetzalcóatl sous sa forme de dieu du Vent. Représenté avec un masque en forme de bec de canard, ou sous la forme d'un singe soufflant.
Huitzilopochtli

« Le colibri de gauche », jeune dieu de la tribu aztèque, qu'il avait guidée dans sa migration. Il symbolise le Soleil triomphant, au zénith.
Mayahuel

Déesse du Maguey, qui avait été la plante nourricière des Aztèques au temps de leur migration. Elle est généralement représentée comme plurimammaire.
Mictlantecuhtli

Le « Seigneur du lieu des morts », dieu des Enfers, représenté sous la forme d'un cadavre décharné.
Nanauatzin

Petit dieu pustuleux ou syphilitique, autre forme de Quetzalcóatl. À l'origine des temps, il s'était sacrifié en se jetant dans un brasier allumé à Teotihuacán, pour faire naître le Soleil.
Ometecuhtli et Omecihuatl

« Le Seigneur et la Dame de la dualité ». D'après certaines sources, c'est le couple primordial qui aurait enfanté tous les autres dieux et les humanités. Leur culte semble être tombé en désuétude chez les Aztèques, et n'être resté vivant que chez certains rameaux nahuas émigrés dès le xiie s. comme les Pipils du Guatemala.
Quetzalcóatl

QuetzalcóatlQuetzalcóatl
« Serpent plume précieuse ». Sans doute la figure dominante du panthéon aztèque. Inventeur des arts, des techniques et de la pensée philosophique.
Tezcatlipoca

« Miroir qui fume », dieu du Nord, du Ciel nocturne et de la Guerre, patron des jeunes guerriers. Vainqueurs de Quetzalcóatl par ses sortilèges.
Tlaloc

Fresque de TepantitlaFresque de Tepantitla
Vieux dieu de la Pluie, l'un des plus importants du panthéon, honoré dans tout le Mexique. Caractérisé par ses yeux entourés de serpents formant comme des lunettes et par sa bouche ornée de crocs, comme les autres dieux de la Pluie des peuples voisins ou antérieurs : le Cocijo des Zapotèques, le Chac des Mayas, etc.
Tlazolteotl

« Déesse de l'Immondice », déesse de l'Enfantement et de l'Amour charnel, des Bains lustraux. Originaire sans doute de la Huaxteca, région connue pour sa « frivolité », elle avait le pouvoir d'effacer, par la confession, les offenses à la morale sexuelle.
Toci

« Notre aïeule », nommée aussi Teteo innan, « la mère des dieux ». C'est son culte qui était célébré sur la colline où devait apparaître la Vierge de Guadalupe, faisant de celle-ci, par un phénomène de syncrétisme, une Vierge pleinement nationale.
Tonatiuh

Le Soleil, représenté au centre du célèbre monument « la Piedra del sol », tirant la langue pour réclamer sa nourriture, le sang humain.
Xipe Totec

« Notre Seigneur l'écorché », dieu peut-être originaire de l'actuel État d'Oaxaca. Il représente le Renouveau de la végétation. Les prêtres se revêtaient en son honneur de la peau des sacrifiés, qui, en jaunissant, évoquait une feuille d'or : il est aussi le dieu des orfèvres.
Xiuhtecuhtli

« Le Seigneur du feu », également nommé Huehueteotl, « le vieux dieu ». Vieux dieu du Feu et des puissances volcaniques, représenté généralement comme un vieillard ridé dont la tête supporte un brasero.
Xolotl

Autre forme de Quetzalcóatl. Lors du sacrifice qu'avaient décidé tous les dieux à Teotihuacán pour faire vivre le Soleil, il fut le seul à s'enfuir et à tenter de se cacher. Il devint le dieu des Monstres, et de tout ce qui est double : double épi de maïs, double maguey, jumeaux…
ART

Introduction

L'art des Aztèques, comme leur religion, est le résultat d'une synthèse. La tradition toltèque qui avait survécu dans certaines villes du plateau central comme Culhuacán, le style « mixtéca-puebla » de Cholula, de Tizatlán et de l'Oaxaca, et certaines influences d'origine plus lointaine, comme celle des Huaxtèques, se sont amalgamés en un ensemble original. Riche à la fois d'un symbolisme ésotérique et d'un vigoureux réalisme, l'art aztèque frappe par la puissance et l'énergie des formes, par la sûreté du dessin, par la hardiesse de la conception.
Architecture

En architecture, les Aztèques n'ont guère innové ; ils ont repris pour l'essentiel les thèmes de l'architecture classique et toltèque, c'est-à-dire la pyramide à degrés et le palais horizontal. Cependant, la juxtaposition de deux temples au sommet d'une pyramide unique, comme c'était le cas du Grand Teocalli de Mexico, avec les sanctuaires jumelés de Tlaloc et de Huitzilopochtli, est un trait typiquement aztèque. Les monuments circulaires, tels que les temples du Vent à Mexico et à Calixtlahuaca, relèvent d'une tradition étrangère à la civilisation classique : il s'agit là d'un emprunt à l'architecture huaxtèque. Les dimensions grandioses de certains édifices, comme le palais du Tlatoani à Mexico ou celui du roi de Texcoco, immenses bâtiments groupés autour de patios et de jardins, surpassaient tout ce qui avait été réalisé au Mexique auparavant. En outre, les Aztèques sont le seul peuple autochtone du Mexique qui ait taillé entièrement dans la roche vive, à Malinalco, un temple avec ses statues et ses bas-reliefs.
Sculpture

QuetzalcóatlQuetzalcóatl
La sculpture, dont il subsiste de très nombreuses œuvres en dépit des destructions massives dues à la conquête, présente un large éventail symbolique et stylistique, depuis les idoles et les bas-reliefs à thèmes religieux jusqu'aux statues de personnages et d'animaux, en passant par les scènes historiques à la gloire des empereurs. Parmi les spécimens les plus connus qui se trouvent dans les musées du Mexique ou à l'étranger, on mentionnera la statue colossale de la déesse Coatlicue, extraordinaire chef-d'œuvre macabre ; les représentations du Serpent à plumes Quetzalcóatl ; le « Calendrier aztèque », monolithe qui résume sur son disque les conceptions cosmologiques des anciens Mexicains ; le « Teocalli de la Guerre sacrée », dédié au Soleil et au combat cosmique ; une tête de dignitaire (« chevalier-aigle ») qui évoque de façon frappante l'énergie des guerriers ; la « Pierre de Tizoc », qui retrace les victoires du septième souverain ; la stèle commémorative de l'inauguration du grand Temple, par Ahuitzotl, en 1487.
Arts décoratifs

Les Aztèques ont fait revivre l'art du masque en pierre, qui avait été pratiqué avec virtuosité à l'époque classique (Teotihuacán, ve-viiie s.). Ils ont porté à un haut degré de perfection la sculpture et la ciselure des pierres semi-précieuses : jadéite, néphrite, serpentine, cristal de roche. D'admirables statuettes en portent témoignage, par exemple celle du dieu Tezcatlipoca (musée de l'Homme, Paris) ou celle de Xolotl (musée du Wurtemberg, à Stuttgart).
Trois grandes corporations d'artisans étaient spécialisées, à Mexico, dans les arts que nous appelons « mineurs » : les orfèvres, dont les merveilleux bijoux et ornements d'or et d'argent s'inspiraient surtout du style mixtèque de l'Oaxaca ; les lapidaires, qui décoraient de mosaïque de turquoise, de grenat, d'obsidienne et de nacre les masques, objets cérémoniels, casques d'apparat ; enfin les amanteca, ou plumassiers, dont les fragiles chefs-d'œuvre faits de plumes d'oiseaux tropicaux ornaient la coiffure et les vêtements des dignitaires ainsi que les idoles des dieux.
Peinture

Manuscrit aztèqueManuscrit aztèque
Il existait à Mexico deux catégories de peintres : ceux qui couvraient de fresques les murailles des palais et des sanctuaires, et ceux qui, scribes versés dans l'écriture hiéroglyphique, enluminaient les manuscrits religieux ou historiques. Certains de ces manuscrits, tel le Codex borbonicus (bibliothèque de l'Assemblée nationale, Paris), constituent des recueils de petits tableaux symboliques admirablement exécutés.
Littérature

La littérature, surtout sous la forme de poèmes déclamés et chantés avec accompagnement de flûtes et d'instruments à percussion, présentait des genres nettement délimités : poèmes religieux d'une grande élévation, poèmes philosophiques, épopées historico-mythiques, odes lyriques, poèmes mimés et dialogués que l'on peut considérer comme un embryon de théâtre. En outre, les Aztèques attachaient une importance extrême à l'art oratoire ; toutes les circonstances importantes de la vie publique ou privée, depuis l'élection d'un souverain jusqu'au départ d'une caravane de négociants, étaient marquées par des discours pompeux et imagés. Enfin, la danse tenait une large place dans les réjouissances familiales, dans les banquets et dans les cérémonies religieuses.


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