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MITOSE

 

 

 

 

 

 

mitose

Mode général, assez complexe, de division de la cellule, caractérisé par la duplication de tous ses éléments et par leur répartition égale dans les deux cellules filles. (Synonyme : caryocinèse.)
Les cellules se multiplient par divisions successives, ou mitoses. C’est le cas chez tous les organismes eucaryotes, qu’ils soient composés d’une seule cellule (la mitose se confond alors avec la reproduction asexuée) ou de plusieurs. Chez les êtres vivants qui se reproduisent par reproduction sexuée, c’est par des mitoses successives que la cellule-œuf (zygote) se transforme peu à peu en embryon, qui croît et se développe jusqu’à devenir un organisme adulte. Une fois la croissance terminée, les mitoses servent, tout au long de la vie, au renouvellement des cellules, et donc à l’entretien des tissus et des organes.
→ reproduction.
1. Le cycle cellulaire

La mitose (M) est précédée d'une phase à trois étapes relativement longue, l'interphase, pendant laquelle la cellule se prépare à se diviser. L'ensemble constitue le cycle cellulaire, qui comprend donc quatre étapes (G1, S, G2 et M) selon l'activité synthétique de la cellule.
Au cours de la phase G1, limitée par la fin de la mitose et le début de la phase S, les synthèses d'ARN sont très actives. Pendant la phase S, située au milieu de l'interphase, la quantité d'ADN est doublée de 2n à 4n grâce à la réplication, et des histones (protéines associées à l’ADN) sont synthétisées. La phase G2 s'intercale entre la fin de la phase S et le début de la mitose. Même si la cellule contient à ce moment deux fois plus d'ADN, elle n'est pas encore prête à se diviser. À l'issue de l'étape G2, chaque chromosome est constitué de deux chromatides identiques, morphologiquement et génétiquement, et unies par leur centromère. Leur apparition marque le démarrage de la mitose proprement dite. Au cours des phases suivantes, les chromatides se séparent et se répartissent dans chacun des noyaux fils.
2. Les phases de la mitose
2.1. La prophase

En fin d'interphase, chaque chromosome est constitué de deux longs filaments, les chromatides. Une modification de la structure des nucléoprotéines entrant dans la constitution de chaque chromatide entraîne une spiralisation progressive de ces dernières ; le chromosome devient plus court et plus épais : il se condense. Parallèlement, deux paires de centrioles (chacune formant un centrosome) s’éloignent chacune vers un pôle de la cellule ; les fibres du faisceau mitotique (faisceaux de microtubules) rayonnent à partir de chaque centrosome. En fin de prophase, le fuseau de microtubules entoure l'enveloppe nucléaire.
La rupture de l'enveloppe du noyau signale la fin de la prophase. Quand les chromosomes, relativement condensés, entrent en contact avec les fibres du fuseau mitotique, il s'établit une connexion grâce à des fibres courtes qui se développent à partir des kinétochores, points d'insertion des microtubules sur le centromère (région centrale du chromosome).
2.2. La métaphase
Les chromosomes migrent vers le centre de la cellule, la plaque équatoriale (« l'équateur » de la cellule). Leur orientation varie en fonction de leur taille et de l'importance de la cellule. Si cette dernière présente un diamètre suffisant, les centromères se disposent à sa périphérie selon un cercle ou un ovale, dans le plan équatorial.
Le réticulum endoplasmique se désorganise.
2.3. L'anaphase
La division de chaque centromère provoque la désolidarisation des chromatides filles, chacune formant alors un chromosome à part entière. Ces deux chromosomes migrent chacun vers un pôle opposé du fuseau – cette migration est apparemment déclenchée par des modifications dans la disposition des fibres courtes.
2.4. La télophase
Une nouvelle membrane nucléaire se forme autour de chaque groupe (identique) de chromosomes, les séparant définitivement. Dans chaque noyau fils, les chromosomes se décondensent et retournent à leur état diffus, caractéristique de l'interphase, pour former la chromatine. L'enveloppe nucléaire et le réticulum endoplasmique se reconstituent.
2.5. La cytocinèse
Le cytoplasme doit à son tour se diviser pour que la division de la cellule de départ soit complète, et que soient obtenues deux cellules filles. Ce processus, la cytocinèse, peut varier selon le type cellulaire envisagé. Les cellules animales ne présentent pas de cloison cellulaire rigide. Un sillon de division créé par un anneau de filaments contractiles scinde le cytoplasme en son milieu. La membrane plasmique subit un véritable étranglement.
Dans les cellules végétales, une nouvelle paroi pectocellulosique (phragmoplaste) se forme à l'équateur de la cellule mère pour la séparer en deux cellules filles.

 

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Quadruplexes d’ADN

 

 

 

 

 

 

QUADUPLEXES  D' ADN

 

 Mis en évidence dans des cellules humaines il y a peu, les quadruplexes d’ADN focalisent l’attention des biologistes, des chimistes et des médecins. De quoi s’agit-il exactement ? Pourquoi intéressent-ils tant les chercheurs ? Zoom sur un domaine de recherche en pleine effervescence.
La plupart d’entre nous n’en ont jamais entendu parler. Et pourtant… Les quadruplexes d’ADN pourraient obliger à réécrire certains passages des manuels de biologie. Mieux, ils pourraient s’avérer capitaux dans la lutte contre plusieurs maladies graves, cancer en tête. Une chose est sûre : depuis la démonstration de l’existence de ces éléments dans les cellules humaines en 20131, la recherche dans ce domaine explose !
 
« Grâce à l’étude des quadruplexes, on est littéralement en train de redéfinir le code génétique. Ce sont comme des interrupteurs génétiques qui offrent un nouveau niveau de régulation des gènes », s’enthousiasme le chercheur David Monchaud, de l’Institut de chimie moléculaire de l’université de Bourgogne2.

Des structures inhabituelles de l’ADN

Concrètement, les quadruplexes sont des structures non usuelles de l’ADN. Cette molécule est classiquement constituée de deux brins enroulés l’un sur l’autre, formés chacun d’un enchaînement de « bases nucléiques » (guanine, G ; adénine, A ; cytosine, C ; et thymine, T), et maintenus ensemble grâce à des liaisons faibles entre les bases.

Grâce à l’étude des
quadruplexes, on
est littéralement en
train de redéfinir
le code génétique.
C’est la fameuse structure en double hélice  (ou « duplexe »), découverte en 1953 par les biologistes James Watson et Francis Crick. Les quadruplexes d’ADN, eux, sont des structures d’ADN composées non pas de 2, mais de 4 brins tournant les uns sur les autres. « Ils se forment par repliement de l’ADN quand il est riche en G : en s’auto-assemblant entre elles, les bases G conduisent à une structure à 4 brins riches en G. D’où l’autre nom des quadruplexes : G4 », précise le chercheur.

Autre caractéristique importante des G4 : contrairement à la double hélice d’ADN – qui est, elle, une structure permanente –, ce sont des structures très dynamiques, voire furtives. « C’est une des raisons pour lesquelles leur existence dans les cellules humaines n’a été démontrée que depuis peu », souligne David Monchaud.

Exemples de structures secondaires d’ADN.
 D. Monchaud / ICMUB
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Une présence chez tous les êtres vivants

Les données les plus récentes suggèrent que les G4 peuvent se former au niveau de pas moins de… 716 000 endroits de notre génome ! Cela dit, ils semblent plus fréquents au niveau des télomères, ces zones situées aux extrémités des chromosomes et qui en assurent la stabilité. Et aussi au niveau des promoteurs de gènes (régions à proximité des gènes et indispensables à leur expression), notamment des promoteurs d’oncogènes, dont la surexpression favorise le développement des cancers.
 
Par ailleurs, d’autres molécules génétiques peuvent également former des G4 quand elles sont riches en G : les ARN, des molécules proches chimiquement de l’ADN mais constituées d’un seul brin, indispensables à la fabrication des protéines. Enfin, l’existence des G4 est maintenant suspectée dans tous les types de cellules vivantes : celles des humains, mais aussi celles des plantes, ou encore des virus et des bactéries.

De nombreux mécanismes biologiques concernés

Si les G4 intéressent tant les chercheurs, c’est à cause de leur possible implication dans plusieurs processus biologiques clés, indispensables au bon fonctionnement de la cellule. Parmi ceux-ci : la stabilité des chromosomes ; la « réplication » de l’ADN, mécanisme survenant avant la division des cellules, permettant d’obtenir, à partir d’une molécule d’ADN, deux molécules identiques ; la « transcription » où un brin de l’ADN est copié en une molécule d’ARN ; la « traduction », processus où l’ARN est utilisé pour permettre la synthèse de protéines ; etc.

On sait depuis peu
que les G4 peuvent
être des éléments
positifs pour
la cellule.
« Au départ, les chercheurs considéraient que les G4 étaient forcément des éléments perturbateurs pour la cellule », souligne la biologiste Marie-Noëlle Prioleau, de l’Institut Jacques Monod3. Par exemple, plusieurs travaux ont suggéré qu’ils constituent des sortes de nœuds sur l’ADN entravant le fonctionnement d’une protéine indispensable au processus de réplication : l’ADN polymérase.

Or, « depuis peu, on sait qu’ils peuvent aussi être des éléments positifs », poursuit la chercheuse. Ainsi, lors d’une étude publiée en 20144, elle a montré avec son équipe que, si les G4 peuvent empêcher la réplication lorsque celle-ci est en cours, ils sont en revanche cruciaux pour l’initiation de ce même processus.

Une piste pour le traitement de maladies graves

À cause de leurs possibles rôles dans les processus biologiques clés cités plus haut, les G4 pourraient être impliqués dans le développement de plusieurs maladies graves : les cancers, certaines maladies rares (syndrome de l’X fragile, etc.), neurodégénératives (maladie de Charcot, démences fronto-temporales, etc.), ou infectieuses (herpès, sida, etc.). D’où l’idée de tenter de développer des traitements les ciblant pour lutter contre ces différentes pathologies. Une  perspective particulièrement motivante pour David Monchaud, « surtout dans le cas des maladies rares et neurodégénératives, pour lesquelles il n’existe pas ou peu de stratégies thérapeutiques à ce jour ».

Exemple de structures de quadruplexes d’ADN
 D. Monchaud / ICMUB
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Mais avant d’arriver à exploiter les pouvoirs des G4, les chercheurs devront répondre à moult questions encore en suspens : où, quand et comment ces structures apparaissent au cours de la vie d’une cellule ? Quels sont les systèmes régulant leur formation ? Pourrait-on les contrôler ? Pour quelles retombées thérapeutiques ? Etc.
 
« L’un des défis actuels de la recherche sur les quadruplexes est de développer des outils d’imagerie pour les visualiser en direct dans les cellules vivantes afin de comprendre leur dynamique dans la cellule », explique David Monchaud, qui travaille à cette fin5. Rien qu’au CNRS, les G4 impliquent plusieurs dizaines d’équipes de chimistes, biologistes et médecins, travaillant un peu partout en France.
 
« C’est un domaine de recherche encore émergent mais en développement très rapide ; à tel point qu’il nous est parfois difficile, même à nous, d’en suivre l’évolution, constate David Monchaud. C’est ce qui rend les G4 si passionnants, parfois décourageants, mais toujours scientifiquement stimulants. »
                 
 

Notes
1. « Quantitative visualization of DNA G-quadruplex structures in human cells », Giulia Biffi et al., Nature Chemistry, vol. 5 : 182-186, publié en ligne le 20 janvier 2013.
2. Unité CNRS/Univ. de Bourgogne.
3. Équipe Domaines chromatiniens et réplication (CNRS/Univ. Paris Diderot).
4. « G4 motifs affect origin positioning and efficiency in two vertebrate replicators », Anne-Laure Valton et al., EMBO J., 1er avril 2014, vol. 33 (7) : 732-746.
5. « Direct visualization of both DNA and RNA quadruplexes in human cells via an uncommon spectroscopic method », Aurélien Laguerre et al., Scientific Reports, vol. 6 : 32141, publié en ligne le 18 août 2016.

 

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Définir la biologie de synthèse

 

Définir la biologie de synthèse : un premier enjeu de débat


La biologie de synthèse ambitionne de créer des fonctions et organismes nouveaux, qui n’existent pas dans la nature, dans un but de connaissances et d’applications. Ses promoteurs la présentent comme un champ nouveau de la biologie, avec une approche méthodologique mêlant la biologie et l’ingénierie des biotechnologies.
In EnglishPar Pascale Mollier MIS À JOUR LE 25/01/2016PUBLIÉ LE 10/10/2014 MOTS-CLÉS : BIOTECHNOLOGIE - GENOME - SOCIOLOGIE - SCIENCES SOCIALES - BIOLOGIE DE SYNTHÈSE
 ROBOT  de la plateforme de métagénomique quantitative (MetaQuant) de l'unité MICALIS. © Bertrand NICOLAS
© Bertrand NICOLAS
Pas de définition unique
Selon une définition consensuelle, la biologie de synthèse (ou biologie synthétique) vise à concevoir et construire de nouveaux systèmes biologiques, pourvus de fonctionnalités prédictibles et fiables, à des fins de recherche fondamentale et d’applications. Les objets construits peuvent être de simples molécules (enzymes), des circuits biologiques (« pompes, oscillateurs »), ou bien des organismes entiers (microorganismes spécialisés dans la production de composés considérés comme utiles, tels que biocarburants, médicaments, etc.). Au Canada, on emploie l’expression : ingénierie de la biologie. Mais il n’existe pas de définition unique. Selon une plaisanterie couramment citée d’un chercheur du MIT : « si on enferme six biologistes dans une pièce, ils donneront sept définitions de la biologie de synthèse ! ».
Science ou technologie ? Nouveau domaine ou prolongement de la génétique moléculaire ? Ces points font débat entre les biologistes et les ingénieurs, entre les biologistes eux-mêmes…
 Peu d’applications pour l’instant
Seules deux ou trois applications sont arrivées à maturité. Parmi elles, la production d’un médicament contre le paludisme, l’artémisinine. Cette molécule, présente dans l’armoise, une plante médicinale, est produite à grande échelle par une levure de boulanger dans laquelle ont été transférés les douze gènes  nécessaires à la synthèse de la molécule par la plante, une prouesse technologique... Autres applications : une version synthétique de l’hydrocortisone, synthétisée à partir d’alcool et de sucre.
Mais de nombreux travaux sont en cours, le potentiel d’applications revendiqué par les promoteurs de la biologie de synthèse est énorme. Par exemple, un outil de diagnostic basé sur un acide nucléique modifié pour suivre les patients atteints du Sida ou d’hépatite ; de la soie d’araignée pour l’aviation ou l’industrie automobile, la fabrication de biocarburants alternatifs (butanol, isobutène, biohuile) par des bactéries ou des algues microscopiques ; ou encore des bactéries capables de dégrader le pétrole laissé par les marées noires (1).
Progresser dans la connaissance du vivant
Si l’on pouvait programmer une cellule vivante comme on configure une carte électronique, on pourrait  lui faire produire les protéines souhaitées à la demande. Mais cette perspective est encore éloignée, même si la compréhension et la modélisation des systèmes vivants ont bien progressé depuis les années 2000 grâce à la montée en puissance des moyens numériques. Le défi consiste à comprendre les règles fondamentales qui gouvernent le fonctionnement dynamique d’une cellule dans son environnement. C’est l’objectif de ce que l’on appelle la biologie systémique ou intégrative.
La biologie de synthèse quant à elle s’appuie largement sur la modélisation pour construire de nouveaux systèmes biologiques selon deux approches principales. Une première approche, dite « Bottom up », consiste à assembler des « biobriques » (2) en circuits génétiques préalablement modélisés par ordinateur, puis à les insérer dans des « organismes châssis » capables de les faire fonctionner.  A l’inverse, la deuxième approche, dite « Top down », consiste à transformer des organismes vivants existants en leur ajoutant ou en leur enlevant des gènes (3).
Mais là encore, il ne suffit pas d’additionner des éléments comme dans un circuit électrique. C’est beaucoup plus complexe que cela du fait des multiples interactions qui existent entre les composantes d’une cellule vivante.
 
(1) Certaines bactéries ont naturellement ce potentiel, comme l’a montré un essai prometteur réalisé en 2010 dans le golfe du Mexique.
(2) Les biobriques sont des séquences d’ADN connues, dont les caractéristiques sont accessibles en accès libre dans le « Registry of Standard Biological Parts ». Ces biobriques sont destinées à être assemblées comme dans un jeu de lego, selon les initiateurs de cette méthode.
(3) Il existe aussi deux autres approches plus futuristes : (i) l’insertion de génomes artificiels dans des cellules elles-mêmes artificielles, appelées « protocellules ». Ces protocellules sont des nanobiosystèmes qui sont actuellement incapables de se reproduire ; (ii) la construction de systèmes vivants à partir de nouveaux codes génétiques.
L’INGÉNIERIE GÉNÉTIQUE NE DATE PAS D’HIER…
1912 : un médecin, Stéphane Leduc, soutient que la synthèse doit succéder à l’analyse pour valider les connaissances biologiques. Le concept est reformulé plus tard par le célèbre physicien Richard Feynman (1918-1988) : « Ce que je ne peux créer, je ne peux le connaitre ».
1965 : Robert Burns Woodward reçoit le prix Nobel pour la synthèse de molécules organiques : quinine, cholestérol, cortisone, chlorophylle,…
1970 : le biologiste indien Har Gobind Khorana synthétise l’ADN d’un ARN de transfert.
1984 : le laboratoire de Steven Benner, synthétise un gène codant pour une protéine.
2002 : le groupe d’Eckard Wimmer (Etat de New York) reconstitue le génome du virus de la polio (7741 pb) « from scratch », c’est-à-dire sans utiliser de matériel naturel, mais en partant seulement de la séquence publiée du génome ARN.
2004 : 1er congrès mondial de biologie de synthèse à Boston au MIT.
2005 : synthèse du génome du virus de la grippe espagnole (Tumpey et al. Science 310)
2010 : l’équipe de Craig Venter synthétise le génome d’une bactérie (1,08 millions de paires de bases) et le fait fonctionner dans une autre bactérie. Craig Venter a annoncé médiatiquement avoir « recréé la vie », jouant ainsi sur un registre ambigu fascination/peur. Cette interprétation est contestée par d’autres scientifiques, puisqu’il s’agit « seulement » de recopier un ADN existant dans une bactérie naturelle.
RUPTURE OU CONTINUITÉ ?
« La biologie de synthèse est née de la rencontre entre biologie moléculaire, informatique et sciences de l’ingénieur. Ni les ingénieurs, qui ont tardé à s’intéresser de près à l’ADN, ni les biologistes, qui ont négligé les outils d’ingénierie pour se concentrer sur l’accumulation de connaissances, n’ont pleinement réalisé la rupture technologique que leur rencontre allait provoquer.  […]
Voilà que les données déposées dans les banques publiques, les séquences d’ADN de centaines d’organismes, deviennent source d’inspiration pour une biologie devenant de synthèse, produisant des génomes librement inspirés de ceux existant dans la nature, et demain peut-être“from scratch”, sans équivalent naturel. Rétrospectivement, cette évolution semble logique, mais elle ne correspond pas à un projet consciemment formulé par la communauté scientifique, à une “feuille de route” connue de tous. [Elle interroge] la société sur la notion de “fuite en avant technologique”, sur l’attitude qu’il convient de développer lorsque la recherche engendre des forces qui entraînent la société dans des directions qu’elle n’a pas anticipées, ni a fortiori tracées. »
Extraits de l’Avis du Comité d’éthique pour la recherche agronomique, janvier 2014.
NOUVELLES APPROCHES D’INGÉNIERIE DES MICROORGANISMES POUR LA BIOLOGIE DE SYNTHÈSE
Exposé de Denis Pompon, LISBP Laboratoire d'Ingénierie des Systèmes Biologiques et des Procédés, Toulouse. Carrefour de l'innovation agronomique du 18 avril 2013 :

 

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LES GÈNES HOMÉOTIQUES ET L'ÉVOLUTION DES ANIMAUX

 

 

 

 

 

 

 

Texte de la 432e conférence de l'Université de tous les savoirs donnée le 11 juillet 2002

Guillaume Balavoine, « Le complexe Hox et l'évolution des animaux »

L'idée que les modifications que subissent les espèces au cours de l'évolution sont causées par des altérations du développement de l'embryon est apparue dès le XIXe siècle. Néanmoins, l'ignorance dans laquelle nous étions des mécanismes fondamentaux de l'embryogenèse, c'est-à-dire le développement progressif d'un animal juvénile composé de milliers de cellules, de tissus différenciés et d'organes complexes à partir d'une seule cellule, l'oeuf fécondé, a empêché jusqu'à une date récente toute avancée significative dans le domaine des mécanismes embryologiques de l'évolution. Cette situation a radicalement changé depuis une trentaine d'années. Des progrès considérables ont été faits dans la compréhension de la façon dont les gènes contrôlent le développement de l'embryon. Pour la première fois, des exemples convaincants du rôle possible de certains gènes dans l'évolution de la morphologie des animaux ont été proposés.

Au cours de mon exposé, je souhaite donner un aperçu historique de la relation entre embryologie et évolution. J'essaierai d'expliquer à quel point la découverte des gènes homéotiques et de leur conservation chez la plupart des animaux a été révolutionnaire pour la biologie du développement. Dans une troisième partie, j'expliquerai comment certains de ces gènes peuvent avoir été impliqué dans l'évolution du plan d'organisation des animaux.

Evolution, embryologie et génétique

La première synthèse de l'embryologie et de l'évolution est celle de Ernst Haeckel (1834-1919), le grand naturaliste allemand. Depuis longtemps, les naturalistes avaient constaté que des animaux très dissemblables au stade adulte comme les mammifères et les poissons peuvent avoir des embryons très comparables aux stades précoces (le fameux stade « pharyngula »). Des interprétations pré-évolutionnistes ont éte proposées par Serres et par Meckel, mais la synthèse la plus connue était celle de von Baer (1792-1876). Les lois de von Baer mettent en exergue que l'embryogenèse dans un groupe donné fait d'abord apparaître les caractères les plus généraux, puis les caractères spécifiques, suivant une séquence temporelle stricte. Von Baer, qui était "fixiste" (il ne croyait pas à l'évolution des formes vivantes) voyait donc les différents groupes d'animaux comme autant de lignées séparées, ayant en commun les caractères généraux apparaissant tout au début de l'embryogenèse, et se différenciant par des caractères apparaissant plus tardivement dans le développement.

Haeckel voyait au contraire dans l'ontogénie une image exacte de la façon dont les animaux ont évolué, une conception énoncée en français par le fameux aphorisme : « l'ontogenèse récapitule la phylogenèse ». Selon Haeckel, les caractères nouveaux acquis par les organismes adultes au cours de l'évolution sont originellement des additions terminales au processus de leur développement. Par la suite, d'autres caractères peuvent encore être ajoutés en séquence, mais les caractères acquis auparavant sont retenus dans l'embryogenèse en apparaissant plus tôt. L'embryogenèse récapitule donc les formes adultes des espèces ancestrales. Un exemple bien connu est celui des fentes pharyngiennes qui apparaissent transitoirement chez les embryons des mammifères et qui selon l'hypothèse d'Haeckel sont le vestige des fentes portant les branchies chez les ancêtres « poissons » des mammifères. Haeckel reconnaît des exceptions à cette règle pourtant, c'est-à-dire des caractères qui n'apparaissent pas dans l'ontogénie à un stade qui correspond à celui de leur acquisition au cours de la phylogenèse. Mais le grand oeuvre du biologiste évolutionniste doit justement consister à retrouver dans l'embryogenèse les indices véritables de l'histoire des êtres. En appliquant systématiquement ces principes à la reconstitution de cette histoire des êtres vivants, Ernst Haeckel fut le premier à dessiner les arbres généalogiques (ou « phylogénétique ») représentant leurs parentés.

Gradualisme darwinien contre mutationnisme

Haeckel était un partisan enthousiaste des idées de Charles Darwin (1809-1882). Darwin proposa en 1859 dans l'Origine des espèces une théorie révolutionnaire de l'évolution des formes vivantes par la sélection naturelle. Le fondement de cette théorie est qu'il existe à tout moment dans la population naturelle de n'importe quelle espèce des variations infimes de la forme et de la taille des organes. Ces variations apparemment insignifiantes ont néanmoins la caractéristique d'être héréditaires. Certaines de ces variations se révèlent désavantageuses pour la survie dans son milieu de l'individu qui les porte mais d'autres sont bénéfiques. Comme la reproduction produit bien plus d'individus qu'il n'en peut survivre (la fameuse "lutte pour la vie"), les individus porteurs d'une variation bénéfique sont plus susceptibles d'attendre l'age de la reproduction que les autres et vont plus que les autres transmettrent ces avantages à leur descendance, entraînant l'expansion de la variation au sein de la population de l'espèce. Comme pendant ce temps, de nouvelles variations apparaissent, de proche en proche, par l'accumulation sur de très longues périodes de temps (Darwin parlait de millions d'années) d'infimes variations, des modifications très substantielles de l'anatomie de l'espèce peuvent se produire. Darwin ne connaissait pas l'origine des variations héréditaires qu'il constatait dans les populations naturelles et il ne savait pas par quel mécanisme ces variations étaient transmises à la descendance.

On le voit, le développement ne joue pas un grand rôle dans la théorie de Darwin. Haeckel a donc essayé de concilier le darwinisme avec sa propre théorie d'évolution des formes vivantes par modification du développement. Haeckel avait ses propres idées sur la transmission héréditaire des variations, fondée sur ce qu'il est convenu d'appeler l'hérédité des caractères acquis, mais cette théorie s'effondra avec la découverte du gène.

Ironiquement, les gènes étaient découverts par un moine morave, Gregor Mendel (1822-1884), à l'époque même où Darwin faisait publier l'Origine des espèces. Mendel travaillait sur une plante, le petit pois, et sur de petites variations de pigmentation ou de texture des téguments des graines de cette plante. Ces variations étaient semblables à celles dont parlait Darwin dans l'Origine des espèces. Mais pendant plus de trente ans, les travaux de Mendel n'ont reçu aucun écho.

L'une des premières conséquences de la redécouverte du gène vers la fin du dix-neuvième siècle a été un rejet par les premiers généticiens de l'évolution « darwinienne » (c'est-à-dire du rôle prépondérant de la sélection naturelle dans l'apparition des caractères nouveaux) comme cause principale de l'évolution anatomique. L'un des ré-inventeurs de la génétique, le hollandais Hugo de Vries (1848-1935), distinguait deux sortes de variations dans les populations naturelles : les variations continues minimes sur lesquelles Darwin fondait sa théorie, mais qui ne pouvaient, selon de Vries, en aucun cas permettre l'évolution et les variations discontinues et brutales (qu'il appela des « mutations ») qui, seules, pouvaient produire de nouvelles espèces. Le rôle de la sélection était, sinon rejetée, du moins limitée à l'émondage des espèces par trop inadaptées. Pour de Vries, l'évolution procède donc par sauts, une mutation pouvant faire apparaître soudainement une nouvelle espèce.

Bateson et les transformations homéotiques

Parmi les tenants de cette école saltationniste, on trouve William Bateson (1861-1926), zoologiste anglais. Bateson était persuadé que les mécanismes évolutifs qui produisent de nouvelles espèces sont discontinus et interviennent par des variations anatomiques brutales. Dans Materials for the study of variation (1894), il fournit un recueil considérable d'exemples de ces variations discontinues. Certaines de ces variations se caractérisent par le fait qu'une certaine partie du corps d'un organisme prenait l'apparence d'une autre partie. Par exemple, chez les insectes, les antennes peuvent être remplacée par des pattes ; chez les crustacés, les yeux peuvent devenir des antennes ; chez diverses plantes, les pétales de la fleur peuvent prendre la forme d'étamines. Bateson fournit une longue liste de ce type de transformations parmi des groupes aussi variés que les vers annelés, les insectes et les mammifères. Il inventa le terme « homéose » pour désigner ces transformations. Bateson s'intéressa à l'origine de la variation et s'enthousiasma pour la théorie génétique de l'hérédité. Cette théorie lui semblait tout à fait confirmer ses idées quant à l'apparition soudaine de nouvelles espèces. Néanmoins, pendant les décennies qui suivent, ces idées ne font guère école. Les généticiens s'intéressent essentiellement à des modifications assez minimes de la morphologie pour expliquer l'évolution des caractères. Les « monstres » issus de mutations telles que les transformations homéotiques intervenant au cours du développement précoce les intéressent fort peu.

Les mutants homéotiques de la drosophile

Il faudra attendre Edward Lewis (né en 1918, prix Nobel 1995 de médecine), un généticien américain, pour que l'origine génétique des transformations homéotiques soient analysées en profondeur. Edward Lewis a travaillé toute sa vie sur les gènes homéotiques de la mouche fétiche des généticiens, la drosophile.

Le corps d'une mouche (tête, thorax et abdomen) est formé de segments d'anatomies différentes mais qui apparaissent identiques au début de leur développement. Sous l'effet d'une mutation d'un gène homéotique, un ou plusieurs segments vont au cours du développement prendre l'apparence d'autres segments. L'exemple le mieux connu est celui de la mutation bithorax. Les mouches porteuses de cette mutation ont deux paires d'ailes et semblent avoir deux thorax. Chez les mouches (diptères), le deuxième segment thoracique (T2) est très développé et porte une paire de pattes et une paire d'ailes alors que le troisième segment thoracique (T3) est de taille réduite et porte juste une paire de pattes mais pas d'ailes. Chez le mutant bithorax, T3 ressemble trait pour trait à T2, c'est-à-dire que la taille du segment est considérablement augmentée et qu'il porte des ailes (fig 1).

Edward Lewis a consacré une bonne partie de sa carrière à l'étude de ces gènes et dans une publication en 1978, il a contribué à démontrer deux aspects fondamentaux de leur structure et de leur fonction (fig 2) :

- les gènes homéotiques sont regroupés en deux complexes sur un chromosome de la mouche, le complexe Antennapedia qui compte cinq gènes contrôlant la forme des segments de la tête et du thorax, et le complexe Bithorax avec trois gènes s'occupant du thorax et de l'abdomen. Lewis en a déduit que les gènes homéotiques étaient des gènes apparentés apparus par des duplications successives dites « en tandem » d'un seul gène ancestral.

- Ces gènes régulent l'identité des segments de la mouche le long de l'axe antéro-postérieur suivant un ordre identique à celui dans lequel on les trouve sur le chromosome. C'est ce que l'on appelle la propriété de colinéarité.

Edward Lewis pensait à cette époque que les gènes homéotiques étaient une particularité des arthropodes (les animaux articulés) et qu'ils avaient joué un grand rôle dans leur évolution. On considérait à l'époque que les insectes avaient évolué à partir d'ancêtres chez lesquels tous les segments du tronc sont identiques, comme chez les milles-pattes actuels. Cette anatomie aurait été contrôlée par un gène homéotique ancestral unique. Puis d'autres gènes, ceux du complexe Bithorax seraient apparus par des duplications du gène ancestral. Mais ces nouveaux gènes auraient acquis une nouvelle fonction, celle de gènes « suppresseurs » de « pattes » L'apparition de ces gènes aurait donc provoqué l'apparition de l'abdomen sans patte et donc des insectes (fig 3).

Les années qui suivirent, qui virent l'application systématique des nouvelles techniques de biologie moléculaire à l'analyse des gènes des deux complexes donnèrent souvent raison aux idées visionnaires de Lewis sauf sur un point important : les gènes étaient beaucoup plus anciens qu'il ne le pensait.

L'homéodomaine ou la pierre de Rosette de la biologie du développement.

Dans les années 1980, plusieurs laboratoires ont élucidé la nature et la fonction moléculaire des gènes homéotiques. Les gènes sont des fragments d'ADN sur le chromosome composé d'un enchaînement spécifique de nucléotides (les quatre fameuses bases A,T,G,C). Ces enchaînements codent la structure d'une protéine, laquelle peut avoir diverses fonctions (protéines contractiles comme dans les cellules musculaires, enzymes du métabolisme, etc ...). Quand un gène, à un moment donné du développement et dans des cellules données, est effectivement « traduit » dans la protéine qu'il code, on dit que le gène s'« exprime ». Les gènes homéotiques codent pour des protéines régulatrices de l'expression d'autres gènes, c'est-à-dire que dans les cellules où le gène homéotique s'exprime, une protéine homéotique est produite qui va à son tour réguler positivement ou négativement l'expression de plusieurs autres gènes.

Les gènes homéotiques sont responsables de l'identité des segments de la drosophile au cours du développement, c'est-à-dire qu'ils vont aiguiller le développement des cellules de ces segments vers une direction spécifique. C'est pourquoi ces gènes ont été désignés sous l'appellation de gènes « sélecteurs» : ils fixent la destinée des cellules embryonnaires dans lesquelles ils sont exprimés, c'est-à-dire dans lesquelles la protéine qu'ils codent est produite. On peut grâce à des méthodes moléculaires sophistiquées mettre en évidence l'expression du gène dans des segments spécifiques (fig 4).

Le séquençage des gènes homéotiques fut effectué dans plusieurs laboratoires, notamment celui de Walter Gehring en Suisse et celui de Thomas Kaufman aux Etats-Unis. Comme Lewis l'avait prévu, les gènes homéotiques sont bien des gènes apparentés. Ils ont tous en commun un motif conservé, lequel code pour une partie de la protéine que l'on a appelé l'« homéodomaine ». C'est grâce à cet homéodomaine que les protéines homéotiques peuvent se fixer sur le chromosome à des endroits spécifiques et réguler d'autres gènes se trouvant à proximité, les gènes « effecteurs » qui vont réaliser la « forme » finale du segment en agissant sur la différenciation des cellules de ce segment.

Les études menées sur la drosophile ont donc révélé des concepts entièrement nouveaux pour la biologie du développement. Les gènes homéotiques ont été les premiers gènes « sélecteurs » étudiés en détail mais on sait aujourd'hui que beaucoup d'autres gènes de ce type (des centaines) existent sur les chromosomes et qu'ils régulent de multiples aspects du développement.

Très rapidement, on s'aperçut que des gènes codant pour des protéines à homéodomaine très proches des gènes homéotiques de la drosophile étaient présents chez la plupart des animaux, en particulier chez les vertébrés. On appelle ces gènes les gènes « Hox » de façon générale. La voie était ouverte pour une vaste entreprise d'identification de gènes par homologie qui conduisit à la découverte des complexes de gènes Hox chez l'homme et la souris. La « Pierre de Rosette » de la biologie du développement était découverte.

Des complexes homologues chez les insectes et les vertébrés.

Les deux complexes homéotiques de la drosophile ANT-C et BX-C sont le résultat d'une scission d'un complexe ancestral unique. Cette organisation ancestrale en un seul complexe a été trouvée chez d'autres insectes. Les vertébrés ont quatre complexes de gènes Hox qui résultent manifestement de duplications d'un complexe ancestral entier. Les quatre complexes sont situés sur des chromosomes différents. Ils sont alignables entre eux, chaque gène ayant en général un proche parent chez chacun des trois autres complexes, dont l'homéodomaine est quasiment identique.

La plupart des gènes Hox des vertébrés sont alignables avec les gènes des complexes de la drosophile, sur la base de la comparaison des homéodomaines et de la position du gène au sein du complexe (figure 3). Ceci démontre que ces gènes ont été hérités d'un ancêtre commun aux deux organismes, un animal qui vivait il y a au moins 550 millions d'années. Le complexe Hox lui-même devait donc exister chez cet animal. Il a été possible d'étudier la fonction des gènes Hox chez les mammifères en prenant comme modèle la souris où il est possible d'obtenir artificiellement des mutants de ces gènes. Quand on détruit l'un des gènes de la souris, on obtient des souriceaux présentant des malformations qui sont des transformations homéotiques de la colonne vertébrale ou des côtes, c'est-à-dire que certaines vertèbres ou certaines côtes prennent l'aspect de vertèbres ou de côtes plus antérieures ou plus postérieures. On a donc des effets très comparables à ceux observés sur les segments de la drosophile.

On avait donc à l'époque entre les mains un premier exemple de conservation à très grande échelle d'une structure chromosomique complexe. Que cette structure soit constituée de gènes fondamentaux pour le développement, responsables d'une partie importante du plan d'organisation de l'animal, comme cela a été établi rapidement chez les vertébrés aussi, était complètement inattendu. Rien ne laissait penser en effet que les plans d'organisation d'un mammifère et d'un insecte avaient quoi que ce soit de comparable, hormis quelques grands traits de base (axe antéro-postérieur, présence d'une tête, etc...).

La comparaison structurelle et fonctionnelle des gènes Hox des insectes et des mammifères établissait donc de façon certaine que leur dernier ancêtre commun avait déjà un complexe Hox élaboré, que ce complexe jouait déjà un rôle dans la régionalisation antéro-postérieure de l'embryon.

L'évolution du complexe Hox au sein des animaux.

La ressemblance des complexes de la souris et de la drosophile est remarquable. Il y a néanmoins des différences importantes. D'abord, les quatre complexes semblables des mammifères suggèrent que chez un de leur ancêtre, le complexe ancestral a été dupliqué plusieurs fois pour donner les quatre copies. Ensuite, les mammifères ont beaucoup plus de gènes « postérieurs » (exprimés dans la partie postérieure de l'embryon) que les insectes (jusqu'à cinq contre un seul). Ces différences suggèrent que des changements assez importants se sont produits pendant l'histoire du complexe Hox.

Ces constatations ont amené certains chercheurs à se demander quelles ont été les grandes étapes de l'évolution du complexe, à quelle moment de l'histoire de la vie ce complexe est apparu et si cette apparition est corrélée avec une étape importante de l'évolution des formes vivantes. Une « chasse » au gène Hox a donc été menée chez toute une série d'organismes. Très vite, il est apparu que l'histoire des gènes Hox serait propre aux animaux. En effet, aucun gène proche du type Hox n'a été découvert chez les plantes, chez les champignons ou chez les bactéries.

Pour comprendre l'histoire du complexe Hox au sein des animaux, il faut avoir une idée assez précise de la généalogie des animaux. A l'époque où les gènes Hox furent identifiés, dans les années 1980, d'importants progrès restaient à faire dans ce domaine. Depuis Haeckel, les hypothèses sur la forme de l'arbre généalogique des animaux, basées sur la comparaison de leurs caractères anatomiques et embryologiques avaient abondées. Mais des conflits importants subsistaient entre les évolutionnistes. L'ère de la biologie moléculaire apporta un renouveau considérable à ce domaine car il devint possible d'utiliser les gènes pour établir les relations de parenté entre les êtres vivants. La comparaison de la structure de gènes homologues (c'est-à-dire hérité d'un ancêtre commun) entre plusieurs organismes permet d'obtenir ces informations. Tous les gènes sont constitués d'un enchaînement précis des quatre acides nucléiques constitutifs de l'ADN (A, T, G et C). Lorsqu'une espèce donne naissance à deux lignées distinctes au cours de l'évolution, de petites différences vont commencer à s'accumuler entre les gènes initialement identiques de ces deux lignées. En général, ces différences consistent en de simples remplacements, appelés substitutions, d'un acide nucléique par un autre. En première approximation, ces substitutions s'accumulent régulièrement en fonction du temps écoulé. Le principe de base de ce que l'on appelle la « phylogénie moléculaire » est donc simple : plus les structures des gènes comparés sont proches (moins on trouve de substitutions), plus les organismes concernés doivent être apparentés.

L'utilisation systématique de ces techniques sur plusieurs types de gènes a permis de voir émerger au cours des années 1990 la forme générale de l'arbre des animaux (fig 5). A la base de l'arbre émergent les éponges, les animaux les plus simples. Les éponges n'ont pas à proprement parler de tissus différenciés. Tous les autres animaux se regroupent par le fait qu'ils ont des tissus et des organes différenciés. A la base de ce nouveau groupe des « animaux à tissus », on distingue une autre branche qui est celle des polypes (anémones de mer, coraux) et méduses. Ces animaux ont été reconnus très tôt comme relativement plus simples que les autres animaux à tissus, car ils n'ont fondamentalement que deux feuillets cellulaires (un externe et un interne), n'ont pas de système nerveux condensé et pas non plus d'axe antéro-postérieur avec une tête et un tronc clairement différenciés. Tous les autres animaux semblent être regroupés dans un troisième ensemble que l'on appelle les « bilatériens ». Ce terme se réfère au fait que ces animaux ont une symétrie bilatérale (c'est-à-dire un côté gauche et un côté droit identique) mais ils ont en commun de nombreuses autres particularités. Ils ont un axe antéro-postérieur très différencié avec une tête et un tronc, un tube digestif et un système nerveux condensé avec un « cerveau » et une chaine nerveuse. Les recherches les plus récentes ont montré que ces animaux complexes, les bilatériens se divisent eux-mêmes en trois grands groupes illustrés sur la figure 5 mais ceci dépasse notre propos.

La recherche de gènes Hox chez les éponges a toujours été négative. Chez les polypes et méduses, un petit nombre de gènes apparentés aux gènes Hox a été identifié et quelques indices qu'ils sont groupés en complexe ont pu être obtenus. Chez pratiquement tous les groupes de bilatériens considérés (vertébrés, oursins, insectes, vers annelés, mollusques, etc ...), un complexe Hox élaboré comptant entre huit et quatorze gènes a été découvert. On voit donc se dessiner un scénario assez clair de l'histoire du complexe Hox. Les premiers gènes Hox seraient apparus chez un ancêtre des animaux à tissus après la divergence des éponges. A l'époque où la branche des polypes et méduses s'est séparée, le complexe Hox n'auraient compté que quelques gènes (peut-être trois). Par contre de nombreuses duplications de gènes se seraient produites chez les ancêtres des bilatériens. On peut imaginer que les grandes étapes de ce scénario correspondent à des étapes de la complexification au plan d'organisation des animaux. En gros, l'acquisition d'un axe de symétrie très simple comme celui des polypes et méduses serait corrélé à la présence d'un petit complexe de trois gènes. Par contre, l'apparition d'une régionalisation antéro-postérieure poussée comme chez les bilatériens aurait nécessité la présence d'un complexe beaucoup plus élaboré d'au moins huit ou dix gènes.

On le voit, l'existence du complexe Hox est bien plus ancienne que ce que Lewis avait imaginé. La multiplication du nombre des gènes que Lewis envisageait chez les arthropodes s'est en fait produite bien avant, chez les ancêtres des bilatériens. Pourtant, les bilateriens ont évolué pour donner une diversité époustouflante d'animaux. Est-ce à dire que le complexe Hox n'a pas été impliqué dans cette diversification, jouant simplement un rôle conservateur d'agent de régionalisation de l'axe antéro-postérieur ?

Les gènes Hox sont-ils responsables de l'évolution anatomique ?

Deux exemples concrets chez les arthropodes

Nous avons vu que l'évolution de la structure du complexe s'est faite bien avant ce que pensait initialement Edward Lewis au cours de l'histoire des animaux. Pourtant, dans la suite de cet exposé, nous allons retourner vers le groupe de prédilection de Lewis et de nombreux évolutionnistes depuis, c'est-à-dire les arthropodes. Les arthropodes, comme nous l'avons vu sont tous constitués de segments, initialement identiques au cours du développement mais qui se différencient par la suite sous l'action des gènes Hox. En comparant l'organisation anatomique des principaux groupes d'arthropodes, on s'aperçoit que leurs plans anatomiques diffèrent considérablement non seulement par la forme des segments mais aussi par la façon dont ils se regroupent le long du corps de l'animal (fig 6). Chez les myriapodes, le groupe le plus simplement organisé, tous les segments portent des pattes et ont à peu près la même forme d'un bout à l'autre. Dans les autres groupes, ils se regroupent en un thorax et un abdomen mais de façon très différentes. Chez les arachnides (araignées et autres scorpions), le thorax portant les pattes est fusionné avec la tête, alors que les segments de l'abdomen ne portent pas de pattes. Chez les crustacés, tous les segments portent généralement des pattes mais celles du thorax sont souvent très différentes de celles de l'abdomen. Chez les insectes, le thorax ne comporte que trois segments et là encore les segments abdominaux ne portent pas de pattes. Les gènes Hox sont ils responsables de ces différences ? Des chercheurs de plusieurs laboratoires ont entrepris des études à la fois sur la structure et le fonctionnement du complexe Hox chez ces grands groupes d'arthropodes. Les résultats ont été surprenants. Globalement, la structure du complexe Hox est très remarquablement conservatrice chez tous les arthropodes. On retrouve les mêmes gènes que ceux que nous avons décrits chez la drosophile chez chacune des espèces d'arthropodes considérés. Contrairement à ce que proposait Lewis, ce n'est donc pas une variation dans le nombre des gènes Hox qui explique l'évolution de l'anatomie des arthropodes. Qu'en est-il de la façon dont ces gènes s'expriment ? Nous avons que les gènes Hox, gènes sélecteurs, influent sur la destinée des cellules dans lesquels ils sont exprimés sous la forme d'une protéine. De la même façon que chez la drosophile, les divers gènes Hox des arthropodes considérés s'expriment dans des groupes de segments contigus, généralement de façon chevauchante et en respectant la règle de colinéarité. La correspondance globale des domaines d'expression suggère des correspondances entre l'anatomie segmentée des différents groupes. Ainsi, si on en croit les gènes Hox (mais aussi l'anatomie comparée plus traditionnelle), les segments du thorax d'une araignée correspondent à ceux de la tête chez les autres arthropodes. Tout ce passe comme si au cours de l'évolution soit les arachnides ont commencé à marcher sur leur tête, soit au contraire (et peut-être plus vraisemblablement) les autres groupes ont intégré à leur tête la partie la plus antérieure de leur tronc dont les pattes sont devenus des pièces buccales destinées à la mastication. Néanmoins, en comparant les gènes correspondant dans différents groupes d'arthropodes, on observe des différences parfois considérables. Le gène pb, par exemple s'exprime dans la plus grande partie du céphalothorax des arachnides (c'est-à-dire cinq segments consécutifs) alors qu'il n'est exprimé que dans un seul segment de la tête chez une espèce de crustacé. L'extension postérieure de l'expression des gènes les plus antérieurs est également variable. Est-il possible que de telles différences expliquent les différents plans d'organisation des arthropodes ? Ceci semble peu probable car il est difficile de relier ces différences individuelles avec des particularités anatomiques constatées. Une difficulté supplémentaire est que nous ne disposons pas chez ces arthropodes des collections de mutants de la drosophile et donc pas de moyen de savoir quelles sont réellement les fonctions de ces gènes.

Pourtant, dans un certain nombre de cas, les chercheurs ont trouvé des indices plus probants.

Le premier exemple concerne les crustacés (crabes, crevettes, etc ...). Les chercheurs Michalis Averof et Nipam Patel (fig 7) ont comparé l'expression du gène Ubx chez diverses espèces de crustacés. Ces espèces diffèrent par la forme et la fonction des pattes les plus antérieures portées par le thorax. Chez certaines espèces, ces pattes sont effectivement des organes locomoteurs mais chez d'autres espèces, elles sont devenues des pièces buccales avec une fonction masticatrice. Chez les embryons des premières, le gène Ubx est exprimé dans toutes les pattes. Par contre, chez les embryons des secondes, les ébauches des pattes les plus antérieures, celles qui vont devenir des pièces buccales, n'ont pas d'expression du gène Ubx. Tout ce passe donc comme si le gène Ubx jouait un rôle dans le maintien de l'identité de patte locomotrice. Son « retrait » des pattes les plus antérieures était donc nécessaire pour leur permettre de devenir des pièces masticatrices. Pour autant, nous ne pouvons pas affirmer que c'est ce retrait de Ubx des pattes antérieures qui a causé la transformation au cours de l'évolution. Peut-être d'autres gènes sont-ils intervenus.

Un autre exemple concerne un aspect en apparence beaucoup plus discret de l'évolution morphologique mais là aussi le gène Ubx (encore lui ...) semble jouer un rôle certain. Cet exemple a été découvert par le chercheur David Stern, chez plusieurs espèces très apparentées de mouches drosophile. Les mouches ont de fins poils sur les pattes mais pas partout. Certaines zones de la patte en sont exemptes et David Stern a mis en évidence que les cellules de ces zones expriment le gène Ubx pendant leur développement. Certaines espèces de mouches ont une zone sans poils très étendue sur leurs pattes alors que chez d'autres, elle est beaucoup plus réduite. David Stern a montré que le gène Ubx est directement responsable de ces différences. Lorsqu'il introduit le gène d'une mouche"glabre « dans une mouche poilue » par un simple croisement (de la même façon que l'on croise un âne avec une jument pour obtenir un mulet), il obtient une extension de la zone sans poils.

Conclusion

Ces deux exemples nous ramènent à notre propos du début : l'évolution est-elle saltationniste ou gradualiste ? Le premier exemple, avec la transformation de plusieurs pattes de façon très importante semble suggérer la possibilité d'une évolution saltationniste. Pourtant rien dans cet exemple ne démontre que cette transformation s'est faite brutalement sous l'effet d'une ou d'un très petit nombre de mutations. Le deuxième exemple concernant un infime détail de l'anatomie d'une patte se rattache beaucoup plus au gradualisme darwinien. Le débat entre saltationnisme et gradualisme est aujourd'hui largement estompé. La plupart des biologistes acceptent l'idée que l'évolution se fait bien de façon graduelle par l'accumulation de petites différences comme le suggérait Darwin. Une partie de l'intérêt suscité par les gènes homéotiques provenait de l'idée que ces gènes étaient susceptibles d'engendrer une évolution par saut. Aujourd'hui, les chercheurs sont beaucoup plus prudents sur cette idée. Mais, ironie de l'histoire, c'est cet engouement pour les gènes homéotiques qui a permis de réaliser une percée décisive dans la compréhension des mécanismes génétiques du développement.

 

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