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LA ROME ANTIQUE

 

Rome antique : l'Empire romain
(27 avant J.-C.-476 après J.-C.)

Cet article fait partie du dossier consacré à la Rome antique.
Dernière grande période de la longue histoire de la Rome antique, qui connut d'abord le régime de la royauté puis celui de la République.

Pour en savoir plus, voir également les articles Rome antique (jusqu'en 264 avant J.-C.), Rome antique (264-27 avant J.-C.).
1. Le régime impérial, ou principat


Prétendu restaurateur de la République après sa victoire sur Marc Antoine et Cléopâtre, Octave qui se fait décerner le titre d'Auguste par le sénat en 27 avant J.-C., est ce qu'on appelle un empereur, du latin imperator, général victorieux, celui qui détient l'imperium. Mais ce titre ne suffit pas à identifier le régime impérial, qu'il vaut mieux appeler principat, dans la mesure où l'empereur se dit plutôt le premier (princeps) des citoyens que leur souverain.
1.1. Les pouvoirs impériaux

L'empereur se définit par une titulature qui donne l'énumération de ses fonctions et de ses pouvoirs : imperator, avec pouvoirs proconsulaires sur les provinces, il détient aussi la « puissance tribunitienne » dans Rome (il n'y a plus de tribuns de la plèbe) et le grand pontificat (pouvoir religieux). Il s'octroie souvent le consulat. Il se dit Caesar et Augustus, et ces surnoms deviennent eux-mêmes des titres. Mais cet ensemble est disparate et laisse les historiens perplexes. On ne connaît pas très bien les formalités d'avènement : certains pouvoirs, d'origines diverses, ne sont pas acquis d'emblée. Une lacune, en outre : le mode de désignation des empereurs successifs. Le pouvoir résulte le plus souvent d'une acclamation par les soldats, complétée d'une confirmation par le sénat, ce qui n'exclut pas une certaine hérédité, même quand elle est créée par adoption.
1.2. Des empereurs aux types variés

Caligula
Si le poids de l'hérédité se fait sentir chez certains des « douze Césars » (de César à Domitien) évoqués par Suétone (→ Vie des douze Césars), les empereurs sont surtout classés par l'historiographie antique en bons et en mauvais, en fonction de leur attitude repectivement favorable ou défavorable envers le sénat. Il y a des cas pathologiques (→  Caligula, Commode) et des parvenus grisés par le pouvoir (→  Vitellius). Il est aussi des personnages sans caractère (Julianus, de mars à juin 193), portés à un pouvoir éphémère par la garde prétorienne, qui attend d'eux une récompense. Les empereurs sont de plus en plus d'origine militaire et provinciale. Parviennent ainsi des séries d'empereurs espagnols (→  Trajan, Hadrien), syriens (les Sévères) ou illyriens (de Claude II à Dioclétien). Cela peut donner de curieux résultats : sous Élagabal (218-222), prêtre sémite d'un dieu-soleil oriental, un danseur est fait préfet du prétoire, un cocher préfet des vigiles, un coiffeur préfet de l'annone, et l'empire échappe tout juste à l'obligation d'adorer le dieu nouveau venu. Ainsi les empereurs se suivent et ne se ressemblent pas.
1.3. Les empereurs du Haut-Empire (27 avant J.-C.-192 après J.-C.)

Les Julio-Claudiens (27 avant J.-C.-68 après J.-C.)
Claude Ier
Auguste (27 avant J.-C.-14 après J.-C.) mérite son titre de « père de la patrie ». Tibère (14-37) est décrit comme un dangereux misanthrope. Caligula (37-41) apparaît comme un despote de type oriental hanté par le souvenir d'Alexandre.
NéronNéron
Claude (41-54) est un pédant, mais aussi l'auteur d'une législation très positive. Quant à Néron (54-68), il a droit à tous les commentaires et à toutes les réputations.
Les Flaviens (69-96)
Après la crise de l'année des quatre empereurs (68-69), Vespasien (69-79) rétablit l'ordre mais laisse l'impression d'un bourgeois provincial avaritieux. Titus (79-81) est tout à l'opposé du nouveau Néron qu'on avait redouté d'abord. Domitien (81-96) élabore le système défensif de l'Empire et annonce déjà le « dominat », nom que l'on donne aujourd'hui à l'absolutisme sacré, qui fait des progrès à mesure qu'avance l'Empire.
Les Antonins (96-192)

Après Nerva (96-98), Trajan (98-117) est un conquérant, un administrateur et un bâtisseur : il soumet la Dacie, sur la rive gauche du Danube, annexe l'Arabie Pétrée et crée les provinces d'Arménie et de Mésopotamie. Fin diplomate, il sait obtenir l'adhésion du sénat, désormais totalement rallié à la monarchie impériale ; il dote également Rome du plus important de ses forums.

Hadrien (117-138) est un voyageur et un dilettante, mais aussi un maître efficace. Le ralliement des élites grecques à l'administration de l'Empire devient manifeste sous son principat.
Antonin le PieuxAntonin le Pieux
Hadrien adopte comme successeur un sénateur respecté, Antonin (138-161), qui mène la même politique et jouit d'une grande popularité en raison de sa bonne gestion des finances publiques et de son accord profond avec le sénat.

Marc Aurèle (161-180) est un empereur philosophe, Commode (180-192) un despote qui se prend pour Hercule.
1.4. Le culte impérial

Malgré leurs défauts d'humanité, les empereurs sont déifiés de leur vivant ou, plus sûrement encore, après leur mort, à moins que leur mémoire ne soit condamnée, leur nom martelé sur les monuments et leurs statues décapitées. Le culte impérial provient de traditions orientales et hellénistiques. Le culte de Rome et d'Auguste se célèbre dans le cadre des provinces, où il se présente comme une manifestation de loyalisme, et les assemblées des notables de province sont à la fois religieuses et politiques. À la fin du iie s., les dédicaces relatives au culte impérial n'émanent plus de particuliers, mais seulement de magistrats ou de collectivités, ce qui dénote une relative désaffection. En revanche, le cérémonial de la Cour se précise et s'imprègne de religiosité : tout ce qui touche à l'empereur devient sacré ; lui-même est adoré par des sujets prosternés. Mais ce sont là des manifestations d'orientalisation d'époque tardive (iiie siècle surtout) qui expriment le passage du principat au dominat.
1.5. Les cadres politiques

Les cadres politiques de l'Empire ne sont plus ceux de la République. L'empereur observe souvent de la déférence ou une apparence de déférence, à l'égard du sénat, laisse le sénat désigner les magistrats qu'il a proposés, mais désigne des consuls en surnombre pour distinguer des fidèles. Parmi les sénateurs, constitués en ordre héréditaire, l'empereur choisit des curateurs, à qui sont confiées de hautes fonctions. Dans l'ordre équestre, où l'on entre sur acceptation impériale, se recrutent des procurateurs, autres hauts fonctionnaires qui dirigent nombre de services tant urbains que provinciaux, car une hiérarchie paperassière se développe. Le préfet du prétoire, chef de la garde prétorienne, est un personnage de premier plan, chargé, entres autres tâches, du ravitaillement de l'armée. L'administration des domaines impériaux, devenus immenses grâce aux confiscations répétées, est aux mains de toute une hiérarchie. Elle comprend les mines, qui étaient souvent propriétés privées sous la République.
2. La paix romaine

2.1. Des frontières sécurisées


L'armée est une armée de métier, recrutée un peu partout dans l'Empire. Mais les soldats vont souvent opérer loin de leur pays d'origine. Les opérations de conquête se poursuivent (Bretagne, Dacie). Au iie siècle, la politique défensive, déjà sagement amorcée sur certaines frontières, tend à se généraliser. L'Empire s'entoure de retranchements au nom significatif de limes, frontière. Le limes n'est pas une ligne de défense impénétrable, et des échanges économiques ont lieu avec les pays barbares, surtout après la conquête de la Dacie sous Trajan, qui étend les possibilités du commerce.
 Le danger du voisinage se fait pourtant sentir : les Barbares du Nord et de l'Est, qui suivent les voies commerciales, sont souvent en mouvement. Sous Néron, Sarmates et Roxolans bougent déjà aux abords du Danube. Sous Marc Aurèle, leur menace devient sérieuse. Mais la population de l'Empire n'est pas encore concernée. Elle jouit de cette paix tant vantée, des communications intérieures sûres, voies rapides ou mer sans pirates.
2.2. Diversité du monde romain

Caracalla
Les provinces, gouvernées les unes par les délégués de l'empereur, les autres par ceux du sénat, bénéficient de régimes divers. Les cités ont des statuts non moins variés. Chaque cité possède sa physionomie propre. Le monde romain est le cadre d'un vaste brassage de population. Les Italiens sont partis pour l'Orient et l'Occident. Les esclaves orientaux se sont enracinés à Rome. Affranchis, ils sont montés dans la hiérarchie sociale. L'attribution du droit de cité à tout l'Empire, en 212, par l'édit de Caracalla, sanctionne le résultat de ce chassé-croisé. Mais tous se sentent, en définitive, animés d'un patriotisme romain destiné à survivre longtemps.
L'Orient
L'Égypte, considérée comme patrimoine impérial, et dont le pittoresque suscite une vague d'égyptomanie esthétique et religieuse, est un grenier à blé qui jouxte ce foyer intellectuel, cosmopolite et turbulent que demeure Alexandrie. La Grèce propre est un désert, mais Athènes est un musée et une université. L'Asie Mineure prospère sous l'autorité d'une très riche bourgeoisie hellénisée. La Syrie bénéficie des échanges caravaniers actifs avec un Orient lointain. Tous ces pays de l'Orient romain ont adopté les institutions de Rome sans perdre l'usage de la langue grecque et de maintes traditions hellénistiques. La vie intellectuelle y est active. Seuls songent à se révolter les Juifs, qui se heurtent longtemps à l'incompréhension des empereurs.
Aux ier, et encore plus aux iie et iiie siècles, la place de l'Orient dans l'Empire est devenue singulièrement importante. C'est de l'Orient lointain que des caravanes apportent des produits exotiques. C'est sur les rives de l'Euphrate que les légionnaires vont monter la garde face aux Parthes, puis aux Sassanides. C'est de Syrie que viennent les marchands, dont les colonies sont établies dans chaque port de l'Empire. C'est d'Orient enfin que viennent les nouveautés en matière religieuse.

L'Occident s'est très vite romanisé, à l'exception des campagnes, où certains continuent à parler punique ou gaulois. L'Espagne est fortement colonisée. Elle donne à Rome plusieurs empereurs et des écrivains (Quintilien, Sénèque, Lucain, Martial). La Narbonnaise n'a rien à envier à l'Italie sous le rapport de la romanisation. La Gaule chevelue, à première vue plus sauvage, a été fortement pénétrée et mise en valeur. Elle voisine avec une Germanie romaine très active, du fait de la présence des légions, et dont les villes, issues des camps, ont une physionomie originale. La Sicile et l'Algérie sont des terres à blé, grandes pourvoyeuses de la capitale impériale. En Afrique romaine, de vastes domaines existaient là où il n'y a plus aujourd'hui qu'un désert. Partout, les élites participent pleinement à la civilisation et aux institutions de Rome. Dans des cités bien bâties, honorées de subventions impériales, les notables se disputent les fonctions publiques et dépensent avec vanité pour l'embellissement de leur patrie.
L'Italie et Rome
Au regard de ces provinces actives, l'Italie apparaît, dans sa plus grande partie, déserte ; elle est découpée en grands domaines d'élevage extensif, que possèdent les sénateurs, obligés de placer une partie de leur fortune en terres italiennes.
Rome est en quelque sorte le revers des provinces. Par la fiscalité, l'annone, elle se nourrit, en parasite, du produit du reste de l'Empire. Le ier siècle est celui de la « décadence » des moralistes classiques. La convergence des richesses prises au monde, d'une monarchie de parvenus et d'une populace désœuvrée fait de Rome le foyer d'un luxe délirant, d'une débauche légendaire et d'un parasitisme sordide. Les enrichis, fiers de leur réussite, mènent la vie caricaturée par Pétrone dans le Satiricon. Les pauvres ramassent les miettes, vont regarder mourir les condamnés, les gladiateurs et les fauves à l'amphithéâtre, consacrent une partie de leur temps à la relaxation que procurent les séjours dans les thermes publics ou privés. Ce tableau prête le flanc aux descriptions mal intentionnées des historiens des empereurs (Suétone) et a provoqué depuis lors maints commentaires sur le caractère primitif de ces comportements plaqués de luxe plus que de civilisation.
2.3. L'évolution religieuse

Paganisme ancestral et cultes orientaux
La religion traditionnelle n'est pas morte, mais elle est trop étroitement liée à l'État ; le culte est trop officiel, et le rituel trop archaïque et incompréhensible, même pour les Romains de l'Empire. Les classes cultivées ne lui accordent plus de crédit, tandis que les classes populaires se sont tournées vers d'autres dieux, dont le culte présente des aspects mystiques. C'est en particulier le cas des religions importées d'Orient, véhiculées par les marchands et les esclaves, adoptées par les marins, les soldats, favorisées par certains empereurs. Le culte d'Isis et de Sérapis se propage en colportant tout un folklore exotique venu d'Égypte. Le culte d'Attis est introduit officiellement sous Claude, pour se joindre à celui de Cybèle. Mithra, originaire d'Iran, tient une place étonnante dans les pays où sont casernés les soldats.
Évolution vers le syncrétisme
En outre, la variété des attitudes humaines se traduit par l'athéisme de quelques esprits forts, par les tendances panthéistes ou monothéistes de certains, par les superstitions indéfectibles de la masse. Les empereurs ont sévi occasionnellement contre les propagateurs des superstitions, expulsant les astrologues et les charlatans, comme le furent aussi les « philosophes », assimilés aux autres perturbateurs ou rivaux de la religion traditionnelle. La spéculation sur la nature des dieux passionne les platoniciens et les gnostiques du iie siècle. Les tendances syncrétiques qui paraissent épurer le panthéon gréco-romain et oriental s'accentuent au iiie siècle, et les préférences personnelles des empereurs font presque apparaître un dieu officiel suprême, qui pourrait être Jupiter ou le Soleil, ou la synthèse des deux : en pays grec, Zeus-Hélios-Sérapis est qualifié de dieu unique.
Originalité du judaïsme
Le judaïsme se situe en marge, bien que ses exégètes aient été contaminés par l'hellénisme et la philosophie platonicienne. Son caractère national a été estompé par le prosélytisme des Juifs auprès des païens, prosélytisme favorisé par leur dispersion même, leur diaspora, qui les a répandus dans les villes. Après la révolte de Judée (66-70), réprimée par Vespasien et Titus, et les révoltes juives de 115 et de 135, la dispersion s'accentue. L'attitude du pouvoir romain à l'égard des Juifs est complexe : respect de principe pour une religion nationale, sanctions à la suite des révoltes nationalistes. Les Juifs ont pu cependant édifier librement leurs synagogues, et leur omniprésence a ouvert la voie à l'expansion du christianisme.
Les débuts modestes du christianisme (ier-iie siècle)
Le christianisme apparaît d'abord en pointillé. On a énormément écrit sur ses manifestation à Rome et en Italie au ier siècle. Mais existe une grande différence entre la vision chrétienne de la question et l'optique des textes païens, qui se limitent à d'expéditives allusions à une nouvelle secte. C'est en Asie Mineure que les chrétiens se multiplient en premier lieu. À Rome, la persécution néronienne attire l'attention sur eux. Pline le Jeune, gouverneur de Bithynie au temps de Trajan, se demande quelle attitude adopter à leur égard. Leur cas est embarrassant : ils refusent de considérer l'empereur comme un dieu, ce qui est très grave, mais on les tient, au demeurant, pour d'honnêtes gens. Dans la foule, les chrétiens ont des ennemis, qui les accusent d'adorer un dieu à tête d'âne, de se livrer à des orgies secrètes et autres calomnies, car ils sentent confusément la menace qu'ils font peser sur le paganisme ancestral. Juridiquement, leur position est mauvaise : le seul fait d'être chrétien est, en soi, une faute.
L'essor du christianisme (iie-iiie siècle)
L'attitude des empereurs est variable, tantôt tolérante, en dépit de la législation (ce qui explique que des lieux de réunion publiquement connus soient nombreux), tantôt persécutrice, comme la population elle-même, occasionnellement coupable de massacres (Lyon, 177). Au iiie siècle, le christianisme est florissant. Il est présent dans toutes les régions peuplées et civilisées de l'Empire. On bâtit des églises en nombre croissant. La théologie et l'apologétique bénéficient de la plume agile de Tertullien et de Clément d'Alexandrie. Et tout cela à la veille de persécutions nouvelles (Decius, 249 ; Dioclétien, 303), qui obligent les chrétiens à utiliser plus que jamais le refuge des catacombes. Le siècle est d'ailleurs celui de la crise, des troubles, de la terreur, et les chrétiens ne sont pas les seuls à en souffrir.
Pour en savoir plus, voir l'article christianisme.
3. Le Bas-Empire

3.1. La crise du iiie siècle

Une crise qui vient de loin
Le Bas-EmpireLe Bas-Empire
Le tableau séduisant de la paix romaine, d'un Empire prospère où un commerce actif ferait bénéficier les habitants des denrées de toutes les contrées se ternit très rapidement. Au ier siècle, l'Italie est malade de ses terres vides, de ses propriétaires endettés, de son prolétariat urbain. Pline l'Ancien annonce que le mal gagne les provinces. Elles aussi pâtissent des dévaluations, dont Néron est l'initiateur et qui ne font que commencer. Au iie siècle, l'industrie provinciale l'emporte : les vases de terre sigillée de Gaule s'expédient dans tout le monde antique. Mais la production, dans son ensemble, stagne. Les dépenses de l'État augmentent : l'administration, la défense des frontières, où les barbares se font plus nombreux et offensifs, rendent la fiscalité plus oppressive. L'économie est en crise. Le manque d'hommes se fait sentir là où ils seraient nécessaires.
Les manifestations de la crise
Au iiie siècle, la crise éclate : c'est l'anarchie, la révolte, la fuite généralisée. Cela résulte d'un concours de faits que les historiens modernes, donnant d'ailleurs de plus en plus d'importance à l'économie, ont du mal à hiérarchiser : le déséquilibre de l'Empire entre ses provinces besogneuses et sa capitale parasite ; l'écart excessif entre la richesse de quelques-uns et le dénuement de la masse ; la fainéantise de beaucoup, qui vivent de quasi-mendicité ; la pénurie de soldats et de laboureurs ; le vide des campagnes et le rétrécissement des villes dépeuplées, qui s'enserrent dans d'étroits remparts ; la dépopulation, qui explique en partie la situation ; les invasions barbares, qui deviennent de plus en plus fréquentes et dévastatrices et prennent parfois la forme de raids à longue distance, Rome devant combattre à la fois Perses et Germains et se résigner à abandonner certains territoires, surtout les derniers acquis (Bretagne, Dacie, Mésopotamie) ; la crise d'autorité, enfin, qui se manifeste à partir de 193.
Les aléas du régime impérial
Le iiie siècle est le siècle des armées, des coups d'État militaires, des empereurs issus des camps pour un règne éphémère et qui se combattent les uns les autres.

Septime Sévère
L'époque des Sévères (193-235) accélère l'évolution du principat vers le dominat. Ces empereurs d'origine libyenne et syrienne établissent un régime autoritaire, dans lequel une théorie classique a vu la revanche des masses paysannes opprimées sur la bourgeoisie urbaine et les grands propriétaires. Le pouvoir impérial affiche un caractère de plus en plus militaire.
AurélienAurélien
Après 235, l'anarchie politique s'installe. La multiplication des empereurs rivaux fait donner à une série d'entre eux le nom de « trente tyrans ». En Gaule, un empire indépendant, fondé par Postumus en 258, se maintient même pendant quelques années et s'étend sur l'Espagne et la Bretagne. C'est Aurélien qui y met fin en 274.
Quand l'anarchie s'atténue, comme c'est le cas sous les Sévères et sous les premiers empereurs illyriens, après 268, toutes les décisions impériales semblent dictées par les nécessités de l'état de siège que subit le monde romain. Les problèmes d'argent entraînent un dirigisme accru. L'État s'arroge des monopoles, les métiers sont constitués en corporations, tandis que les bureaux se militarisent. Le sénat, quant à lui, est devenu le simple conseil municipal d'une capitale désertée par les empereurs.
Les mutations de la société
Dans son ensemble, l'Empire résiste bien, mais les provinces ont été localement ruinées par les fréquents passages des armées romaines comme barbares.
L'armée se sédentarise sous la forme de soldats-paysans, prêts à la moindre alerte. Elle joue aussi un rôle accru de police contre le brigandage, participe à la construction des remparts des villes et finit par se charger de la collecte des impôts et d'une partie de la justice. La population subit ce régime. Les riches sont victimes de confiscations et de réquisitions. S'ils sont des notables dans leur cité (décurions), ils sont responsables de l'impôt et paient pour les autres. Leur condition, de plus en plus ingrate est rendue héréditaire. Le commerce est bloqué : au mont Testaccio, où s'entassent les restes d'amphores du port de Rome, aucune ne porte de date postérieure à 255. En 252 enfin, la peste s'est mise de la partie. Après avoir payé tribut aux Barbares, Rome se résigne à les accueillir : à partir de 276, l'empereur Probus établit des colons goths et vandales en Pannonie. Ce n'est qu'un début.
3.2. La restauration du ive siècle

La tétrarchie
Dioclétien
En 286, deux empereurs, Dioclétien en Orient et Maximien en Occident, gouvernent le monde romain. En 287, ils prennent respectivement les titres de Jovius et d'Herculius. En 293, pour faire face à l'extension géographique et économique de l'Empire, un système original de partage quadripartite du pouvoir se met en place, la tétrarchie. Maximien prend pour césar l'ancien préfet du prétoire Constance Chlore, chargé de la Bretagne et de la Gaule. Peu après, Dioclétien fait de même avec Galère, qui devient responsable de la péninsule balkanique. La défense de l'Empire s'appuie donc sur les quatre résidences impériales de Trèves (Constance), Milan (Maximien), Sirmium (Galère) et Nicomédie (Dioclétien), tandis que Rome reste la capitale officielle, toujours désertée par les princes.
Un régime de plus en plus autoritaire
La paix règne sur toutes les frontières à partir de 298. Le nombre des légions passe de 39 à 60, mais leurs effectifs sont variables. L'administration impériale est renforcée et les impôts (capitation et impôt foncier) sont augmentés. La bonne monnaie fait sa réapparition, mais elle est faite de billon, et non plus d'argent comme ce fut le cas sous le Haut-Empire. Une flambée des prix, combattue par un édit du maximum du prix des marchandises et des services applicable dans tout l'Empire (301), accompagne cette politique monétaire. Dioclétien s'attaque aussi aux croyances jugées dangereuses, d'abord au manichéisme, ensuite au christianisme (303-304), par quatre édits successifs qui font des milliers de victimes, surtout en Orient, en Italie et en Afrique.

Constantin Ier le GrandConstantin Ier le Grand
En 305, Dioclétien et Maximien abdiquent, leurs Césars Constance Chlore et Galère les remplacent. Mais le système est déréglé dès 306 par la mort de Constance Chlore et la proclamation par ses troupes de son fils Constantin (306-337), qui prend le contrôle des Gaules, des Germanies, de l'Hispanie et de l'île de Bretagne.
La réorganisation constantinienne
Table de Peutinger, IIIe s. et IVe s.Table de Peutinger, IIIe s. et IVe s.
Avec le règne de Constantin Ier, l'Empire subit une véritable mutation. Il s'empare de l'Italie en 313 et de tout l'Orient en 324. Les institutions autoritaires qui sont nées de la nécessité sont toujours en place. Mais la situation militaire et politique s'est clarifiée. Enfin, peu après les dernières persécutions, l'Empire devient chrétien, officieusement par la conversion de l'empereur, à une date indéterminée, officiellement par la proscription des sacrifices aux dieux païens, amorcée en 341, mais rendue définitive en 394 seulement.
Survient alors une embellie dans l'histoire du Bas-Empire. Les lettres reprennent quelque vigueur, les arts également, bien que marqués désormais au coin de la barbarie. L'Empire se partage en deux parties, avec la naissance d'une nouvelle capitale, Constantinople, nouveau nom de Byzance à partir de 330. La réaction païenne de l'empereur Julien (361-363) semble vouloir amorcer un retour aux mœurs anciennes, vite enrayé.
Persistance des anciens maux et déclin de l'Empire d'Occident
Mais les maux du iiie siècle subsistent au ive, et les Anciens, qui eux-mêmes en ont eu conscience et ne savaient trop qui accuser, ont eu des réactions de défense, souvent malheureuses, limitées, égoïstes : le corporatisme, le patronat, l'anachorèse (fuite dans le désert), la fortification des villes, les pactes avec les Barbares.

Théodose Ier le GrandThéodose Ier le Grand
Après le règne de Théodose Ier le Grand (379-395), dernier à réunifier brièvement l'ensemble du monde romain en 394, rien n'empêche plus la rupture définitive entre deux empires, celui d'Orient et celui d'Occident, puis, en 476, la disparition politique du plus exposé d'entre eux aux barbares, l'Empire d'Occident.
Ce fait brutal n'empêche pas la persistance des traces matérielles ou culturelles de la romanité qu'on retrouve à travers l'Europe. Cette notion même de Romania, de « romanité », est l'expression posthume du patriotisme romain et de la nostalgie, chez les ex-Romains des royaumes barbares, de la splendeur et de l'ordre passés.

 

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JÉSUS

 

Jésus  ou  Jésus-christ

Cet article fait partie du dossier consacré au christianisme.
Juif de Palestine, fondateur du christianisme, dont la naissance correspond théoriquement au début de l'ère chrétienne.

Jésus, initiateur du mouvement religieux à l’origine du christianisme, est le personnage principal des quatre Évangiles, qui lui attribuent le titre de Christ – Messie consacré par l'onction de Dieu – et le désignent comme celui qui « sauvera son peuple de ses péchés ».
Les sources

Jésus n'ayant légué aucun écrit à la postérité, les témoignages concernant sa vie et son enseignement proviennent essentiellement des quatre récits évangéliques : Évangiles de Matthieu, de Marc, de Luc et de Jean. Or les indications biographiques à caractère purement historique y sont assez ténues.
Outre des sources juives, souvent polémiques et tardives, il existe également quelques textes païens qui font état de l’existence de Jésus de Nazareth : l'écrivain latin Pline le Jeune, envoyé en mission en Bithynie (dans le nord-ouest de l'actuelle Turquie) par l'empereur Trajan, se montre perplexe à l'égard des chrétiens « qui chantent des hymnes au Christ comme à un dieu » et qui refusent de participer au culte de l'empereur imposé par Rome ; pour sa part, l'historien romain Tacite parle, dans ses Annales, des chrétiens accusés par Néron d'avoir allumé l'incendie de Rome, en 64, et dit à leur propos : « Ce nom leur vient de Christ, qui avait été, sous le règne de Tibère, livré au supplice par Ponce Pilate » (XV, 44).
Le contexte historique : la Palestine au temps de Jésus

Pierre Mignard, le Christ et la SamaritainePierre Mignard, le Christ et la Samaritaine
Lorsque naît Jésus, la Palestine est sous occupation romaine : le pouvoir du gouverneur romain se superpose alors à celui des rois locaux. Après la mort du roi juif Hérode le Grand, Rome partage son territoire entre les trois fils de celui-ci, et c’est à Hérode Antipas qu’échoient la Galilée et la Pérée. Les juifs conservent un pouvoir dans le domaine religieux par le biais du grand prêtre et du tribunal du sanhédrin. Les trois instances – Rome, les rois locaux, le grand prêtre – prélèvent chacune des impôts : dans la Palestine du début de notre ère, la situation économique est difficile et le climat politique tendu.
Le judaïsme du temps de Jésus est représenté par plusieurs mouvements, dont les plus connus sont ceux des pharisiens (stricts défenseurs de la loi religieuse) et des sadducéens (liés au Temple). D'autres sectes sont plus orientées vers la résistance armée (les zélotes) ou vers la protestation religieuse (les esséniens). À l'extérieur de la Palestine, la rencontre entre la culture grecque et les communautés juives disséminées dans l'Empire donne lieu à ce que l'on appelle le judaïsme hellénistique.
Ce contexte historique est à l'arrière-plan des Évangiles, qui montrent Jésus aux prises avec les diverses tendances du judaïsme, mais aussi avec une certaine conception du pouvoir politique et de la grandeur religieuse.
L’histoire de Jésus

Introduction

Si les historiens s'accordent aujourd'hui à dire qu'il n'est pas possible d'écrire une biographie scientifique de Jésus ni d'en fournir un itinéraire détaillé, ils s'estiment toutefois capables de reconstituer les principaux moments de son existence.
La naissance


Nicolas Poussin, la Sainte FamilleAnnibal Carrache, la Vierge aux cerisesBenozzo Gozzoli, le Cortège des Rois magesLa Fuite en ÉgyptePierre Mignard, la Vierge et l'Enfant et le petit saint Jean
Les Évangiles de Matthieu et de Luc situent la naissance de Jésus, fils de Marie, durant le règne du roi juif Hérode le Grand (donc avant la mort de ce dernier, en l'an 4 qui précède notre ère). Il naît à Bethléem (probablement vers les années 7 ou 6 avant notre ère) et passe son enfance à Nazareth, en Galilée. On l’appelle le « fils de Joseph, le charpentier », lequel descend du roi David. Jésus exerce probablement le métier de charpentier, jusqu'au jour où il se retire dans la solitude du désert de Judée.
Le baptême par Jean le Baptiste

Vers les années 27-28, Jésus rejoint Jean le Baptiste, qui pratique dans le Jourdain le rite du baptême d'eau en vue de la pureté requise pour la fin des temps, considérée comme imminente. Ce prophète manifeste une certaine accointance avec la mentalité essénienne, dont il partage l'héritage prophétique et la tradition ascétique, mais dont il se distingue par sa présence dans le monde ordinaire et par son annonce du Messie. Jésus se fait baptiser par Jean puis, semble-t-il, l'imite dans sa prédication et dans son activité baptismale ; il recrute ses premiers compagnons parmi les disciples de Jean. Par la suite, Jésus manifestera toujours une grande admiration pour le prophète du désert.
Le ministère public

Lorsque le Baptiste est emprisonné sur ordre d’Hérode Antipas, successeur du roi Hérode le Grand, Jésus, alors âgé d’environ trente ans, retourne en Galilée et choisit la ville de Capharnaüm pour centre de rayonnement. Les Évangiles le présentent comme un prédicateur itinérant, qui prêche dans les synagogues aux jours du sabbat, annonce la Bonne Nouvelle du « Règne de Dieu » et guérit les malades. Dans les trois Évangiles dites synoptiques (Matthieu, Marc et Luc), l'enseignement et les actions de Jésus concernent pour beaucoup la venue du « Règne de Dieu » (appelé généralement, de façon plus ambiguë, le « Royaume de Dieu »), qui doit établir des relations de justice et de paix entre les hommes, et entre les êtres humains et Dieu. Jésus annonce que son avènement entraînera une nouvelle manière de vivre.
Afin d'étendre son action et de répandre la Bonne Nouvelle, Jésus dispense son enseignement à quelques disciples fidèles. Parmi ceux-ci, il en choisit douze : les apôtres (un chiffre probablement symbolique, évoquant celui des tribus d'Israël et préfigurant le nouvel Israël). Le roi Hérode Antipas, qui a fait décapiter Jean le Baptiste, s'inquiète de ce prophète perturbateur. Les chefs religieux ont pour leur part juré de se débarrasser de lui. Enfin, les compatriotes de Jésus se méprennent sur la portée religieuse et non politique de son message. Ainsi s'explique le départ de Jésus hors de Galilée. Les Évangiles synoptiques ne donnent pas d'indications sur la durée du ministère de Jésus, mais celui de Jean mentionne trois fêtes de la Pâque juive ; le ministère de Jésus aurait donc duré entre deux et trois ans, sans doute pendant les années 27 à 30.
Les derniers jours du ministère


Philippe de Champaigne, la CèneAndrea Mantegna, le Christ au jardin des OliviersGiotto, le Baiser de Judas
Après un bref séjour aux confins du pays, au cours duquel les disciples reconnaissent en lui le Messie (Marc, VIII, 29), Jésus se rend à Jérusalem où il fait une apparition triomphale le jour de la fête des Rameaux. Probablement est-ce alors qu'il fait esclandre en chassant les marchands et les changeurs du Temple. Les autorités sadducéennes et pharisiennes décident de mettre fin à son activité et utilisent les offices de l’apôtre Judas.
Quelques jours plus tard, Jésus prend un dernier repas (la Cène eucharistique), au cours duquel il fait ses adieux à ses disciples. Dans la nuit, au jardin de Gethsémani où il s’est retiré pour prier, il est arrêté par une troupe conduite par celui qui l’a trahi, Judas (Jean, XVIII, 3).
Le jugement et la crucifixion


Matthias Grünewald, la CrucifixionLe Pontormo, Déposition de croixEnguerrand Quarton, la PietàPhilippe de Champaigne, le CrucifiementTitien, le Couronnement d'épines
Jésus est questionné au petit matin par les chefs juifs qui l'estiment digne de mort pour avoir blasphémé en prétendant à une dignité divine ; ils le livrent donc au préfet Ponce Pilate, gouverneur de Judée de 26 à 36. Le pouvoir romain ayant seul le droit de mettre à mort, Jésus subit le supplice (romain) de la crucifixion.
Giandomenico Tiepolo, Chute du Christ sur le chemin du CalvaireGiandomenico Tiepolo, Chute du Christ sur le chemin du Calvaire
Les Évangiles synoptiques situent cette mort le jour de la Pâque juive (15 du mois de nisan, en mars-avril), tandis que Jean rapporte qu'elle est survenue la veille (ce qui est plus plausible). Marc et Jean indiquent en outre que Jésus a été exécuté la veille d'un sabbat, donc un vendredi (le 15 nisan est tombé un samedi en 27, 30 et 33). Les années 27 et 33 laissant trop peu ou, au contraire, beaucoup trop de temps pour le ministère public de Jésus, ce dernier est probablement mort le 7 avril (14 nisan) de l'an 30.
La vie de Jésus semble achevée avec la mise au tombeau. Cependant, l'historien demeure en présence d'une histoire qui continue : l'histoire de Jésus devient celle de ses disciples. Ceux-ci en effet déclarent que le tombeau de Jésus a été trouvé vide et que Jésus leur est apparu vivant à diverses reprises, qu’il a ressuscité. Le Nouveau Testament affirme que cette mort a un sens pour l'humanité, et que Dieu a reconnu en Jésus son Fils en le ressuscitant.
La nature de Jésus : une réflexion christologique séculaire

Introduction

Christ
Les périodes troublées qu’avait connu Israël avaient favorisé le développement de thèmes messianiques : l'attente d'une intervention de Dieu soit directement, soit par l'intermédiaire d'un Messie, un homme choisi et envoyé par Dieu. Au ier s. de notre ère, le peuple juif – qui vit sous l’occupation d’une puissance étrangère, qui est confronté à une culture profane et qui est divisé en son sein – est particulièrement réceptif à cette expression d'espérance.
Le Greco, la PentecôteLe Greco, la Pentecôte
La question se pose alors de savoir si Jésus, prédicateur itinérant juif, entouré de disciples juifs, est le Messie attendu. Dans le judaïsme, ce dernier n'apparaît pas comme une figure marquée par la souffrance : la foi juive espère une intervention glorieuse de Dieu en faveur de son peuple. Or, les Évangiles montrent un Jésus qui, s’il lutte efficacement contre les forces du Mal et enseigne avec autorité, annonce à ses disciples la nécessité de sa mort : il ne peut être reconnu par Dieu comme son Messie que dans le passage sur la croix. La résurrection de Jésus – qui constitue cet acte de reconnaissance – est celle d'un homme condamné, bafoué et mis à mort par un supplice honteux. Le nom « Jésus », employé le plus souvent seul dans les Évangiles, rappelle que le Christ a été un être de chair et de sang. Le terme « Christ » (du grec Christos, « oint »), employé dans le Nouveau Testament pour « Messie », n'est pour sa part pas chargé du même sens que dans le monde juif. Il prend la valeur d'un nom propre lorsqu'il désigne Jésus comme objet de la foi. C'est pourquoi on donne le nom de christologie à toute interprétation croyante de la figure de Jésus, et on appelle christologiques les titres (le Christ, Fils de David, Fils de l'homme, Seigneur) qui lui sont attribués pour signifier sa mission et sa dignité particulières.
Au cœur des écrits du Nouveau Testament

École de Novgorod, l'AnnonciationÉcole de Novgorod, l'Annonciation
Après les Épîtres de Paul, les Évangiles insistent sur l'incarnation historique de Jésus. La réflexion sur la personne et l'œuvre de Jésus-Christ donne lieu dans le Nouveau Testament à des christologies qui diffèrent par leurs accentuations et le degré de leur élaboration.
La proclamation de la résurrection de Jésus est le point de départ de ces études. Dès lors s'impose une interprétation de sa mort, puis une réflexion sur son identité humaine et sa vie, que les premières générations chrétiennes abordent en s'appuyant sur les textes de l'Ancien Testament. Ces interrogations, qui visent à préciser le contenu de la relation entre Jésus-Christ et Dieu, rebondissent au fil du temps sans jamais s'épuiser. Elles donnent naissance à un travail d'interprétation continuel, amorcé par le Nouveau Testament, interprétation reformulée sans cesse dans de nouvelles catégories de pensée.
La prédication chrétienne missionnaire, dont témoignent les lettres de Paul, est centrée sur le lien entre la croix et la résurrection de Jésus-Christ. Elle cherche à élucider le sens de la mort du Christ, qui se sacrifie pour tous les hommes et rachète leurs péchés. Alors que pour les missionnaires chrétiens la foi en Jésus-Christ assure par elle seule le salut, Paul, pour sa part, ne se réfère pas à la vie historique de Jésus.

Giandomenico Tiepolo, Saint Joseph et l'Enfant JésusGiandomenico Tiepolo, Saint Joseph et l'Enfant Jésus
Pour les Évangiles, la souveraineté du Christ n'est pas seulement celle du Seigneur ressuscité, mais aussi celle du Seigneur tel qu'il a vécu sur la Terre. C'est dans cette optique qu'ils tentent d'élucider la véritable identité de Jésus. L'Évangile de Marc affirme que c'est seulement devant la croix que se révèle la filiation divine de Jésus. La question de savoir à partir de quand Jésus peut être dit « Fils de Dieu » se posera par la suite. Dans les Évangiles de Matthieu et de Luc, les récits de la naissance de Jésus – conçu par une vierge sous l'action du Saint-Esprit – avancent effectivement l'idée qu'il était Fils de Dieu dès sa venue au monde. L'Évangile de Jean va plus loin en reconnaissant la préexistence de toute éternité du Fils de Dieu, qui s'est incarné en Jésus.
Les hymnes christologiques des lettres pauliniennes tardives proclament également cette préexistence. Les premières communautés chrétiennes ne donnent pas à Jésus le nom de Dieu. Mais, dès la fin du ier s., l'appellation Dieu est employée aussi en christologie. Au début de l'Évangile de Jean, où Jésus est présenté comme la Parole préexistante, il est dit que « la Parole était Dieu ». Cette désignation du Christ comme Dieu a soulevé un débat au sein de l'Église primitive, dont ont émergé les dogmes concernant les deux natures du Christ et la Trinité (Dieu à la fois Père, Fils et Saint-Esprit).
Dans l’Église primitive

Dans le monde gréco-romain, la prédication chrétienne s’est concentrée sur la question de savoir quel type de relation unit Dieu et Jésus-Christ. Les diverses réponses données à cette question peuvent être réparties en deux grands courants : celui de l'école d'Antioche, qui met l'accent sur l'humanité de Jésus, et, à l'extrême, aboutit à la négation de sa divinité ; et celui de l'école d'Alexandrie, qui souligne la divinité de Jésus et peut conduire à la négation de son humanité. Lorsque le christianisme est reconnu comme une religion autorisée dans l'Empire romain (au ive s.), les conflits entre les deux écoles deviennent des affaires d'État : les empereurs convoquent alors des conciles christologiques, chargés de formuler des dogmes acceptables pour tous.
Le concile de Nicée (325) affirme que « la nature du Fils est identique et consubstantielle à celle du Père ». Celui de Chalcédoine (451) établit une distinction entre la nature humaine et la nature divine du Christ, tout en insistant sur l'unité des deux. Mais les difficultés subsistent, car les concepts de nature, de substance et de personne ne sont pas définis de la même manière par tous.
Dans les diverses branches du christianisme

Le Sauveur bénissant
Deux autres conciles traitent encore du problème christologique (Constantinople II en 553, et Constantinople III en 681) et ne parviennent pas à empêcher le désaccord sur ce sujet entre l'Occident (Église latine) et l'Orient (Église grecque).
Pendant des siècles, la théologie occidentale médite, en particulier à partir du xiie s., le sens de la formule de Chalcédoine : « Le Christ est une personne en deux natures. » Au moment de la Réforme protestante, au xvie s., Luther réintroduit la question de la rédemption : comment l'homme peut-il être sauvé ? Selon lui, Jésus-Christ est la face de Dieu tournée vers l'être humain, dans la faiblesse d'une incarnation qui va jusqu'à la mort. Il offre la seule possibilité de connaître Dieu et d'être sauvé par lui. Le xviiie s. consacre le point de vue anthropologique et l'approche rationnelle prônée par les Lumières, qui met en cause le fondement des christologies classiques. L'essor des sciences soulève le problème de la nature de la vérité contenue dans les textes bibliques. Cet examen critique aboutit, au xixe s. et au début du xxe s., à la prise en compte de la dimension historique des faits et des textes ayant suscité la foi chrétienne. Le problème christologique est alors repensé dans la perspective des rapports entre l'histoire et la vérité, l'histoire et la foi.
Alors qu'un certain type de recherche s'épuise à retrouver les faits véridiques de la vie de Jésus ou les paroles réellement prononcées par lui, le théologien protestant Rudolf Bultmann (1884-1976) affirme que l’homme a seulement accès au Christ de la foi, par lequel Dieu s'adresse à l'homme. Les disciples de Bultmann défendent la possibilité d'atteindre le Jésus de l'histoire à travers le Christ de la foi. Tant la théologie catholique que la théologie protestante considèrent aujourd'hui que la christologie n'est pas un obstacle, mais un des chemins d'accès à Jésus. Grâce au dialogue ouvert avec les sciences humaines, le problème de l'homme, de sa relation possible avec Jésus-Christ et avec Dieu, est désormais partie intégrante de la réflexion christologique.
Une réflexion toujours ouverte

Suivant les confessions, les époques et les cultures, les chrétiens ont eu tendance à insister tantôt sur la divinité de Jésus-Christ, tantôt sur son humanité. Pour certains, le nom de Jésus-Christ signifie avant tout « Jésus est le Christ », celui qui, dès les origines, possède l'autorité et la souveraineté de Dieu lui-même ; tout ce que Jésus a enseigné et accompli sur la Terre prend par là valeur d'absolu. Pour d'autres, Jésus-Christ signifie d'abord « le Christ, c'est Jésus », l'homme de Nazareth, le Galiléen ; en lui, Dieu incarne sa divinité et partage le sort des hommes.
Les autres fois monothéistes – le judaïsme et l'islam – ne confèrent à Jésus qu'un statut humain : pour elles, c'est un grand rabbin (ou enseignant), un grand prophète. Par ailleurs, depuis la sécularisation des sociétés occidentales, le personnage de Jésus a été jugé et parfois récupéré en dehors de toute foi en Dieu. Il est considéré tour à tour comme un moraliste, un révolutionnaire, un des précurseurs du pacifisme…
Exprimer l'unité de la personne de Jésus-Christ en maintenant à la fois son humanité et sa divinité est donc le propre de la foi chrétienne. C'est par la figure de Jésus-Christ qu'elle affirme la possibilité de la rencontre entre Dieu et l'homme.

 

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ABRAHAM

 

ABRAHAM


Cet article fait partie du dossier consacré au judaïsme.
Patriarche des Hébreux (xixe s. avant J.-C.), un des personnages majeurs des religions juive, chrétienne et islamique.
Récit biblique

Abraham, fils du nomade Térah

Rembrandt, le Sacrifice d'AbrahamRembrandt, le Sacrifice d'Abraham
Selon la Genèse, Abram (nom sous lequel il est connu avant que Dieu ne le nomme Abraham) est l’un des trois fils de Térah, un nomade araméen originaire d’Our en Chaldée (basse Mésopotamie), descendant lui-même de Sem et de Noé. Térah décide de quitter la région d'Our pour migrer avec son clan. Tel est le début de l'histoire des Hébreux, que l'on date généralement aux environs de 1850 avant J.-C. « Et Térah [Tharé] prit Abram son fils et Lot fils de Haran, son petit-fils, et Saraï sa bru, femme d'Abram, et les fit sortir d'Our des Chaldéens pour aller au pays de Canaan » (Genèse, XI, 31).
En un premier temps, le clan des Térahites se dirige vers le nord de la Mésopotamie et s'arrête à Harran, dans la zone du haut Euphrate. Mais Harran n'est qu'une étape ; Térah meurt, et Abraham quitte la haute Mésopotamie. Cette fois, la migration s'accomplit d'est en ouest, en direction du pays de Canaan (la Palestine biblique). Les pérégrinations d'Abraham depuis Harran, à travers le pays de Canaan et jusqu'en Égypte, sont soutenues par une large promesse que Dieu lui a faite, scellant avec lui une alliance éternelle (XV, 2-21).
Abraham et Lot au pays de Canaan

Lorsque Abraham et Lot, son neveu, qu'il a amené avec lui, arrivent en Canaan, le pays est occupé par une population sémite établie depuis le début du IIIe millénaire avant J.-C. dans les plaines côtières et le Nord. Le reste du territoire est zone franche pour les nomades et leurs troupeaux.
La caravane partie de Harran campe aux environs de Sichem – que l'exploration archéologique a retrouvée au tell Balata, à l'est de Naplouse. « Abraham traversa le pays, jusqu'au territoire de Sichem, au chêne de Moré. » Ce chêne de Moré (c'est-à-dire du « devin ») est un arbre sacré marquant l'emplacement d'un vieux sanctuaire sémitique : les endroits sacrés (arbres, tombes, sanctuaires) sont, avec les points d'eau, les centres de ralliement des Hébreux nomades.
De Sichem, Abraham poursuit vers le sud jusqu'au Néguev (« pays sec », alors une région pauvre, terre d'élection des nomades mais aussi des pillards). La pérégrination d'Abraham est jalonnée d'étapes dont les noms resteront dans l'histoire d'Israël : Béthel, Aï et surtout Hébron (cette dernière région, au chêne de Mambré, autre emplacement sacré, sera le port d'attache du clan abrahamite).
C'est à ce moment de la vie du patriarche qu'il faut placer l'épisode du séjour en Égypte (Genèse, XII). Une période de sécheresse et de disette amène les nomades à chercher refuge dans la riche vallée du Nil.
Durant ce séjour égyptien arrive à Abraham une aventure dont l'aspect moral a longtemps embarrassé les commentateurs (Genèse, XII, 10 à 28). La tradition rapporte que, pour garder la vie sauve, Abraham se fait passer pour le frère de son épouse, Sara, que le pharaon convoite. Emmenée au harem royal, celle-ci est rendue à son légitime époux, après que Dieu ait affligé « de grands maux la maison de Pharaon ».
De retour en Canaan, Abraham et Lot se séparent : « Le pays ne suffisait pas à leur installation commune et ils avaient de trop grands biens pour habiter ensemble. »(Genèse, XIII). Lot se fixe près des cités du sud de la mer Morte, cédant ainsi à l'attrait d'une vie plus sédentaire. Abraham, pour sa part, poursuit sa vie de nomadisme. De Mambré-Hébron, il rayonne dans le sud du pays à la recherche des pâturages et des points d'eau. À ce plateau qui garde le souvenir du grand patriarche, les Arabes ont donné le nom de Ramat al-Khalil (la hauteur de l'Ami) : dans la Bible et le Coran, Abraham est appelé « l'Ami de Dieu ».
En dépit de leur différent, Abraham vint au secours de son neveu, victime d'un raid militaire organisé par quatre roisorientaux contre cinq rois cananéens (Genèse, XIV).
La tradition religieuse met encore au compte du patriarche le salut de Lot et de sa famille lors de la légendaire catastrophe qui aboutit à la destruction de Sodome et Gomorrhe, cités du sud de la mer Morte. L'origine de cette légende célèbre est à chercher dans quelque séisme particulièrement destructeur. Les émanations de soufre, les eaux chaudes qui abondent dans la partie méridionale de la dépression ont été aux yeux des Anciens les témoins de la pluie de soufre et de feu que Yahvé a fait tomber sur les villes maudites (Genèse, XIX). Le nom de Sodome est conservé par le Djebel Sudum (djabal al-Sadum), un épais gîte salin où se dressent des stèles de sel.
La descendance d'Abraham

Ismaël et Isaac
Abraham et Sara, qui voient venir la vieillesse, n'ont pas d'enfant. Afin de s’assurer une descendance, Sara propose à son époux de s’unir à sa servante Agar (Genèse, XVI) ; cette pratique, dont témoigne le droit mésopotamien (code d'Hammourabi et lois de Nouzi), permet à une épouse stérile de devenir la mère légitime de l'enfant né de cette union à laquelle elle a consenti. Ainsi naît Ismaël, l'ancêtre des Ismaélites dont les « Arabes » sont les descendants.
Mais la présence de deux épouses ne favorise guère la paix du foyer. Agar, fière d'avoir enfanté, oublie son statut de concubine et irrite sa maîtresse par son arrogance. La situation s’envenime après la naissance d'un nouvel enfant, fils, cette fois, de l'épouse légitime : Isaac, l'enfant de la promesse divine. « Ta femme Sara te donnera un fils et tu l'appelleras Isaac. J'établirai mon alliance avec lui en alliance perpétuelle pour sa race après lui » (Genèse, XVII). C'est ce second fils d’Abraham, Isaac, qui est reconnu comme l'ancêtre des Israélites dont le peuple juif est le descendant.
Or, selon l'ancien droit oriental, l'enfant né d'une concubine dispose de l'héritage paternel, s'il est juridiquement considéré comme fils de l'épouse, ce qui est le cas d'Ismaël. Dans sa jalousie maternelle, Sara refuse que l'héritage soit partagé entre les deux enfants et, outrepassant la loi, implore son époux de chasser la servante et son fils. À contrecœur, Abraham se résout à renvoyer Agar et Ismaël.
L’épreuve divine de la foi
Andrea del Sarto, le Sacrifice d'AbrahamAndrea del Sarto, le Sacrifice d'Abraham
Dieu cherche à éprouver la foi d’Abraham et lui demande de lui faire le sacrifice de son fils chéri, « ton fils Isaac ton unique, celui que tu aimes » (Genèse, XXII). Abraham se met en devoir d'obéir. Mais à l’instant ultime du sacrifice, Dieu, satisfait de cette obéissance, substitue à l’enfant une victime animale. Ce récit biblique témoigne du refus des sacrifices humains, relativement fréquents chez les Cananéens et pratiqués aussi en Israël, mais plus rarement, jusqu'au vie s.avant notre ère.
Isaac grandit. Typiquement oriental est le récit de son mariage (Genèse, XXIV). Abraham envoie son intendant en haute Mésopotamie chercher une femme pour son fils, là où s'est fixée, après la sortie d'Our, une partie de la tribu de Térah. Car le patriarche ne veut pas pour son héritier une fille des Cananéens parmi lesquels il vit. L'endogamie (mariage à l'intérieur du clan) est une coutume, héritage de la vie tribale, fréquemment attestée dans l'Orient ancien. Isaac épouse sa cousine Rébecca.
Le seuil de la mort et la caverne de Macpéla

Abraham, qui est nomade, ne possède pas de terre. Quand son épouse Sara meurt, il se trouve dans l'obligation d'acheter aux habitants du pays une portion de terrain pour la sépulture de celle-ci. Le contrat par lequel il acquiert la grotte de Macpéla et le champ qui l'entoure n'est pas sans présenter de nombreuses ressemblances avec les contrats que nous font connaître les documents hittites et hourrites. Le terrain acquis entoure une grotte qui doit servir de tombeau.
Les cavernes funéraires resteront le type normal de la sépulture israélite : dix-huit siècles plus tard, Jésus de Nazareth sera lui aussi enseveli dans une chambre funéraire creusée dans le roc.
Abraham meurt « dans une vieillesse heureuse, vieux et rassasié de jours », et il est enseveli aux côtés de son épouse. La grotte de Macpéla va devenir le caveau de famille des grands ancêtres d'Israël : Sara et Abraham, Isaac et Rébecca, Jacob et Lia. Les historiens considèrent comme très ancienne la tradition qui situe au Haram al-Khalil (le lieu saint de l'Ami) la sépulture des patriarches hébreux. Depuis deux millénaires, des monuments hérodiens, byzantins, médiévaux et arabes se succèdent au-dessus d'une grotte s'ouvrant au flanc de la colline d'Hébron, témoins de la foi d'une multitude de croyants juifs, chrétiens et arabes.
Symbolique religieuse

D’Abraham, cet « Araméen errant », la Bible et le Coran ont fait un être d'exception qui prend place aux côtés de Moïse, de Jésus et de Mahomet. Car la migration d'Abraham ne s'insère pas seulement dans un processus historique, elle est devenue un événement religieux.
Père des croyants, chevalier de la foi, champion du monothéisme, Abraham est celui dont se réclament les trois grandes religions monothéistes du bassin méditerranéen. Et chaque croyant juif, chrétien ou musulman fait siens les mots de Paul Claudel : « Les fils d'Abraham, c'est nous. »
Abraham face à l’exégèse et à la critique historique

Au xixe s., les premiers travaux des exégètes ont conduit à douter de l'historicité d'Abraham. De nos jours, une meilleure connaissance du Moyen-Orient, reposant pour partie sur les découvertes archéologiques – notamment à Byblos, Ras Shamra (Ougarit), Mari, Our et Nouzi (près de Kirkuk) – qui élargissent et confirment les récits bibliques, restitue à ce récit de la Genèse une assise historique. Ainsi la pérégrination d'Abraham s'inscrit dans le vaste déplacement des Amorites, observé au début du IIe millénaire avant J.-C.
La migration patriarcale vers Haran et, de là, vers le sud est vraisemblable. Les dernières études permettent de connaître le mode de vie ainsi que l'univers religieux de ces hommes itinérants. Abraham était un pasteur de petit bétail, en voie de sédentarisation. L'une des caractéristiques essentielles de la religion patriarcale réside dans le culte du « dieu du père », dieu de l'ancêtre immédiat, que le fils fait sien ; cette reconnaissance est fixée dans l'expression « le dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob ». Cette divinité de nomades n'est pas liée à un sanctuaire mais à un groupe d'hommes, qu'elle conduit et garde en chemin. Elle décide de ses migrations et sait où elle le mène (Genèse, XII, 1). Elle s'engage envers ses fidèles, enfin, par des promesses qui répondent aux deux vœux essentiels de groupes pasteurs semi-nomades : la descendance, qui assure la continuité du clan ; la terre où ils aspirent à se fixer. L'invocation d'« El Shaddaï » par Abraham est le fruit de l'association du dieu sédentaire « El » avec le nom du dieu du père, apporté de haute Mésopotamie, « Shaddaï », celui qui vient des steppes. Par la suite, les patriarches hébreux n'ont retenu du dieu El qu'un seul trait : sa puissance. On notera que le nom de Yahvé ne doit pas être employé pour désigner le dieu d'Abraham : le culte ancien du dieu des pères s'est retrouvé dans la foi, ultérieure, en Yahvé, particulièrement en ceci que la divinité est attachée à des personnes plutôt qu'à des lieux sacrés.
Ainsi, les écrits de la Genèse relatifs à Abraham ne constituent pas, à proprement parler, une relation historique ; des expériences postérieures se sont déposées dans ce récit, lequel renferme, cependant, de nombreuses traces d'une époque antérieure. Enfin, les interprétations chrétienne (Épître aux Romains, IV, 18) et musulmane (Surates III, 68 ; VI, 84) de ces traditions de la Genèse ont élargi ces dernières en reconnaissant en Abraham le père de tous les croyants et ont confirmé la promesse selon laquelle il aurait une postérité aussi nombreuse qu'il y a d'étoiles dans le ciel.


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ISRAËL - HISTOIRE

 

Israël : histoire


Israël et les territoires occupés
1. L'évolution de la vie politique

1.1. Les fondements de l'État d'Israël

Le 14 mai 1948, conformément à la résolution de l'assemblée générale de l'ONU en date du 29 novembre 1947, David Ben Gourion proclame l'indépendance de l'État d'Israël (« Medinat Israel ») et devient Premier ministre. Le nouvel État doit immédiatement faire face à l'offensive de cinq armées arabes (Égypte, Transjordanie, Iraq, Syrie, Liban) qui viennent prêter main-forte aux Arabes de Palestine, militairement défaits. La guerre s'achève par la victoire d'Israël, mais engendre un nouveau problème humanitaire et politique, celui des réfugiés palestiniens.
Si l'année 1948 marque l'accession à la souveraineté d'un nouvel État, elle constitue à bien des égards la consécration d'une réalité sociopolitique qui a pris progressivement corps dans la première moitié du siècle. Les pionniers juifs qui arrivent de Russie dès 1904 jettent en effet les premières bases d'une société juive indépendante (villages coopératifs, partis politiques, union agricole, organisation paramilitaire d'autodéfense). Ces débuts modestes connaissent d'importants développements après l'instauration du mandat britannique sur la Palestine en 1920.
Le rôle de la Histadrout
La Histadrout (Fédération générale des travailleurs d'Eretz Israel) est, dès le départ, bien plus qu'un simple syndicat : elle agit aussi comme entrepreneur (coopératives, entreprises, kibboutzim, mochavim), pourvoyeur de soins (par l'intermédiaire de la Koupat Holim, Caisse d'assurance maladie) et « agence culturelle » (gestion jusqu'en 1951 des écoles du courant ouvrier, d'associations sportives et culturelles, de maisons d'édition, de journaux…). Elle contrôle également à l'origine la Haganah, l'embryon d'armée juive, qui s'étoffera progressivement jusqu'à rassembler 45 000 hommes en 1947.
L'Agence juive
Si la Histadrout est le véritable instrument de consolidation du sionisme, la communauté juive de Palestine (yichouv) dispose également de véritables organismes « paragouvernementaux ». Le plus important est l'Agence juive qui, dirigée par Ben Gourion à partir de 1935, fonctionne comme le gouvernement officieux des Juifs de Palestine et de la diaspora qui se reconnaissent dans le projet sioniste.
 L'Assemblée des élus et le Conseil national
Deux autres instances spécialisées représentent les seuls Juifs de Palestine : l'Assemblée des élus (Asefat ha-Nivharim) et le Conseil national (Vaad Leoumi). La première est un « Parlement des Juifs de Palestine », qui préfigure la Knesset, et permet d'organiser la vie politique naissante autour de quatre courants : le bloc socialiste, qui voit régulièrement croître son audience, les sionistes généraux (libéraux centristes), les révisionnistes (droite conservatrice), les sionistes religieux. Quant au Conseil national, émanant de l'Assemblée des élus, il constitue un organe essentiellement administratif s'occupant de l'acquisition des terres, de l'éducation, de la santé, des affaires sociales…
La prééminence du sionisme socialiste
Toute cette infrastructure institutionnelle encadre une communauté juive qui s'est renforcée démographiquement durant l'entre-deux-guerres du fait de l'immigration, passant de 56 000 en 1918 à 550 000 en 1945 (durant la même période, la population arabe passe de 600 000 à 1,2 million).
La déclaration d'indépendance en 1948 marque un tournant, mais, à bien des égards, elle constitue aussi l'aboutissement de l'entreprise de consolidation nationale menée depuis un demi-siècle. Les représentants du sionisme socialiste, qui dominent l'appareil du mouvement sioniste et les institutions du yichouv depuis les années 1930, vont conserver cette suprématie jusqu'aux élections de mai 1977 – où, pour la première fois, l'opposition de droite accède au pouvoir.
1.2. La domination de la gauche travailliste (1948-1977)

L'ère Ben Gourion (1948-1963)
Israël et les territoires occupésIsraël et les territoires occupés
Cette longue période est d'abord marquée, de 1948 à 1963, par l'« ère de Ben Gourion », dont le parti Mapai (travailliste) rassemble en moyenne 35 % des voix. Toutefois, bien que dominant, le « parti des travailleurs d'Eretz Israel » est obligé de s'allier à d'autres formations pour constituer une majorité gouvernementale. Ce recours aux coalitions est lié au mode de scrutin. Les 120 députés de la Knesset sont en effet élus tous les quatre ans, par listes, à la proportionnelle intégrale (pour être représenté, il suffit d'obtenir 1,5 % des suffrages exprimés). Aucun parti n'est donc en mesure de bénéficier à lui seul de la majorité des sièges et, pour former le gouvernement – auquel appartient le véritable pouvoir exécutif –, les alliances politiques s'avèrent indispensables.
Jusqu'en 1955, le Mapai s'est appuyé sur les sionistes généraux et les partis religieux (dont les exigences seront à l'origine de nombreuses crises gouvernementales). Par la suite, il entrera dans une alliance de plus en plus étroite avec les autres formations de gauche, Ahdout ha-Avodah (centré autour de la fédération de kibboutzim ha-Kibboutz ha-Mehouhad) et Mapam (formation marxisante centrée autour d'une autre fédération de kibboutzim, ha-Kibboutz ha-Artzi).
À l'intérieur de son parti, Ben Gourion, qui n'accepte pas facilement d'être contesté, doit faire face à des divergences d'opinion avec son ministre des Affaires étrangères, Moshe Sharett, favorable à une attitude plus modérée vis-à-vis des pays arabes. Cela le conduit à une première retraite politique (décembre 1953-février 1955) au cours de laquelle il ne cesse de réclamer une politique plus offensive envers l'Égypte nassérienne qui se fait le héraut du nationalisme arabe. La détérioration du climat politique en Israël, consécutive à « l'affaire Lavon » (du nom du ministre de la Défense israélien compromis dans une série d'attentats anti-américains commis en Égypte dans le but de provoquer une crise entre Washington et Le Caire), favorise son retour au pouvoir et lui permet de lancer, en coopération avec la France et la Grande-Bretagne, la campagne de Suez contre l'Égypte (→ canal de Suez, octobre 1956).


Shimon Peres   Levi Eshkol
De nouveaux rebondissements dans l'affaire Lavon, à partir de 1960, conduisent finalement Ben Gourion à la démission (juin 1963). Sa tentative pour se doter d'une nouvelle base politique – il constitue en 1965 un nouveau groupement, le Rafi, avec de jeunes partisans comme Moshe Dayan et Shimon Peres – sera un échec. En 1968, le Rafi rejoint Ahdout ha-Avodah et le Mapai pour constituer le parti travailliste israélien (PTI).
Levi Eshkol (1963-1969) et Golda Meir (1969-1974)
Le successeur de Ben Gourion, Levi Eshkol, n'infléchit guère la ligne politique générale. La montée de la tension régionale en mai 1967 le pousse à nommer le général M. Dayan ministre de la Défense et à former un gouvernement d'union nationale où siège, pour la première fois, Menahem Begin, le leader du Gahal, un bloc de droite regroupant la droite conservatrice (Herout) et le parti libéral.

Golda MeirGolda Meir
Ce gouvernement bipartisan continuera à fonctionner jusqu'à l'été 1970 sous la direction de Golda Meir, nommée Premier ministre à la mort de L. Eshkol (février 1969). Celle-ci maintient difficilement l'unité du parti travailliste, traversé par des luttes sévères entre Yigal Allon et Abba Ebban d'un côté, Shimon Peres et Moshe Dayan de l'autre. De plus, elle doit faire face à un mécontentement grandissant des Séfarades, qui dénoncent les discriminations sociales dont ils sont l'objet.
Enfin, la guerre d'usure entre l'Égypte et Israël, le long du canal de Suez, entretient une tension régionale persistante qui conduit d'ailleurs à l'éclatement de la quatrième guerre israélo-arabe, en octobre 1973 (guerre du Kippour). La victoire à l'arraché obtenue par Israël engendre une grave crise de confiance qui pousse Golda Meir à démissionner en avril 1974, après des élections législatives au cours desquelles le crédit des travaillistes a été largement entamé, alors que le bloc de droite, appelé désormais Likoud, gagne du terrain.
Yitzhak Rabin (1974-1977)
Yitzhak RabinYitzhak Rabin
Les années 1974-1977, où le Premier ministre, Yitzhak Rabin, doit faire face à une opposition de droite de plus en plus virulente (y compris dans les colonies juives de Cisjordanie), sont également marquées par une rivalité grandissante entre celui-ci et son ministre de la Défense, S. Peres, pour le leadership du parti. Cette décomposition interne contribue à la victoire du Likoud, en mai 1977. En obtenant 43 sièges contre 32 à l'Alignement travailliste (PTI et Mapam), le Likoud de M. Begin met fin à l'hégémonie du sionisme socialiste et intègre définitivement le camp nationaliste de droite dans le jeu politique israélien.
1.3. Alternances politiques (1977-2000)

Menahem Begin (1977-1983)
Menahem BeginMenahem Begin
Le Likoud doit avant tout son succès au « second Israël », ces couches populaires séfarades qui se considèrent comme des laissés-pour-compte de l'État travailliste. Le changement de gouvernement entraîne une série de conséquences : multiplication des implantations juives en Cisjordanie et à Gaza au nom de l'édification du « Grand Israël » (de la Méditerranée au Jourdain), libéralisation de l'économie, qui accroît la liberté de mouvement des capitaux mais produit aussi un emballement de l'inflation (160 % en 1983)… Le grand succès de l'ère Begin reste la paix avec l'Égypte (mars 1979), conclue grâce à l'entremise américaine (→ accords de Camp David) ; son échec le plus sérieux est la guerre du Liban, déclenchée en juin 1982, qui n'atteint aucun de ses objectifs (reconstruction d'un État libanais fort, marginalisation de la Syrie, élimination de l'Organisation de libération de la Palestine [OLP] comme acteur politique).
Yitzhak Shamir (1983-1992)
Yitzhak ShamirYitzhak Shamir
Lorsque M. Begin passe la main à Y. Shamir (août 1983), le pays est dans une situation assez médiocre. Isolé sur le plan diplomatique pour son engagement au Liban et son refus de dialoguer avec l'OLP, en proie à des difficultés économiques (inflation, grèves…), le gouvernement finit par tomber, mais les élections de juillet 1984, loin de dégager une majorité cohérente, donnent un poids parlementaire quasiment équivalent à la gauche et à la droite et contraignent le PTI et le Likoud à constituer un gouvernement d'union nationale. Ce dernier procède en 1985 au retrait de l'armée israélienne du Liban (à l'exception d'une zone dite de sécurité, au sud du pays) et stabilise l'économie nationale.

Campagne électorale, Israël, 1992Campagne électorale, Israël, 1992
L'élection, en novembre 1988, d'une nouvelle chambre ingouvernable (droite : 47 députés ; gauche sioniste : 49 ; partis religieux : 18) entraîne de nouveau la formation d'un gouvernement d'union nationale, dirigé par Y. Shamir. Miné par des rivalités internes, le gouvernement se trouve rapidement paralysé, alors même qu'Israël est confronté à un soulèvement populaire de grande ampleur (Intifada) dans les territoires occupés depuis 1967 en Cisjordanie et à Gaza. Après une ultime crise, l'union nationale se brise en mars 1990, permettant à Y. Shamir de constituer une coalition de droite qui va diriger les affaires du pays jusqu'en juin 1992, date à laquelle le parti travailliste reprendra le pouvoir.
Pour en savoir plus, voir l'article Palestine.
Yitzhak Rabin (1992-1995), Shimon Peres (1995-1996)

L'accord de Washington, 1993   Benyamin Netanyahou
La victoire du PTI sous la conduite de Yitzhak Rabin n'est pas la réédition – inversée – du triomphe électoral du Likoud en 1977. Il s'agit en effet davantage d'un vote sanction contre le Likoud pour ses échecs internes (mauvais résultats économiques, absorption imparfaite des immigrants russes) que d'un vote d'adhésion au PTI, même si le nouveau Premier ministre, leader respecté et pragmatique, paraît plus convaincant que son adversaire. Rabin place la question de la paix au premier rang de ses priorités.
En étroite collaboration avec son ministre des Affaires étrangères, Shimon Peres, il imprime à la diplomatie israélienne un tournant radical en concluant avec l'ennemi d'hier, l'OLP, lors de négociations secrètes menées à Oslo, une déclaration de principes (13 septembre 1993) qui dresse les contours d'un règlement définitif du conflit israélo-palestinien (→ accords de Washington.) Cette décision courageuse suscite des critiques véhémentes de la droite et des oppositions de plus en plus vives de certains secteurs de la société israélienne (en particulier parmi les sionistes religieux). L'hostilité au gouvernement croît d'autant plus que le processus de négociations avec les Palestiniens s'accompagne d'une montée de la violence (massacre de musulmans à Hébron par un colon juif ultranationaliste, attentats suicides du mouvement islamiste Hamas).
Dans ce climat de plus en plus tendu, l'irréparable se produit : le 4 novembre 1995, Y. Rabin est assassiné à Tel-Aviv par un ultranationaliste juif. Ce meurtre, qui traumatise les Israéliens, souligne combien la fracture est profonde entre partisans et adversaires du processus de paix. L'héritier politique de Y. Rabin, S. Peres, qui le remplace comme Premier ministre, bénéficie d'un crédit politique de courte durée. En février-mars 1996, cinq attentats islamistes extrêmement meurtriers permettent à la droite, d'abord discréditée par ses outrances verbales, de retrouver une audience plus large.
Benyamin Netanyahou (1996-1999)
Après une lutte très serrée, le candidat de la droite, Benyamin Netanyahou, remporte les premières élections directes au suffrage universel en mai et devient Premier ministre. Il parvient sans mal à constituer un gouvernement avec l'appui des formations religieuses et des partis de centre droit. Tout en ne rejetant pas explicitement les accords de Washington, le nouveau Premier ministre en donne toutefois une interprétation rigide qui ralentit considérablement le rythme des négociations, alors qu'il relance parallèlement la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem.
Soumis à une forte pression américaine, il finit cependant par signer, en octobre 1998, avec Yasser Arafat un mémorandum destiné à relancer le processus de paix (accord de Wye River [ou Wye Plantation]). Abandonné progressivement par ses amis politiques, opposés aux accords, et condamné par la gauche qui lui reproche d'avoir bloqué l'application de ces derniers, B. Netanyahou ne parvient pas à s'opposer au vote du Parlement en faveur d'élections générales anticipées (fin décembre). Victime de ses contradictions, il est ainsi contraint d'écourter le terme de son mandat, prévu initialement en 2001.
Ehoud Barak (1999-2001)
Ehoud BarakEhoud Barak
Ce scrutin, organisé en mai 1999, permet le retour des travaillistes au pouvoir : Ehoud Barak est élu Premier ministre (56,1 % des suffrages), succédant à B. Netanyahou (43,9 %). Cette large victoire tend à démontrer le renforcement des idées centristes, mais le résultat des élections législatives relativise cette première impression : d'abord, la fragmentation de la Knesset, qui compte désormais quinze formations politiques ; ensuite, le renforcement des tendances centrifuges qui fissurent la société israélienne (poussée des partis religieux et de ceux qui revendiquent ouvertement la laïcité).
Au terme de longues tractations, E. Barak parvient à former un gouvernement, qui lui donne une large majorité à la Knesset ; il se caractérise notamment par la participation du Shas, le parti orthodoxe séfarade, qui obtient quatre postes ministériels. Investi officiellement le 7 juillet, E. Barak réaffirme sa détermination à mettre fin au conflit israélo-arabe. Trois principaux dossiers sont à l'ordre du jour : la reprise des négociations de paix avec les Palestiniens, la normalisation des relations israélo-syriennes et le départ des troupes israéliennes du Liban.
Les négociations avec les Palestiniens reprennent en juillet 1999 et une version révisée de l'accord de Wye River est signée à Charm el-Cheikh (Égypte), par E. Barak et Y. Arafat, le 4 septembre. Mais les hésitations des négociateurs à s'engager de façon irrévocable retardent le processus qui devrait conduire à un accord de paix définitif, accord qui se prononcera, entre autres, sur le statut des territoires palestiniens.
La normalisation des relations israélo-syriennes s'avère beaucoup plus difficile que prévu, puisque les différentes rencontres initiées en décembre 1999 se soldent par un premier constat d'échec (mars 2000). Pourtant, dans la foulée, Israël annonce unilatéralement le retrait en juillet de ses troupes du Liban-Sud, finalement exécuté en mai avec plus d'un mois d'avance sur la date préalablement fixée. En arrière-plan à ces difficiles négociations, E. Barak lutte sans relâche pour conserver une coalition gouvernementale particulièrement hétéroclite. En juin 2000, les ministres du Meretz (gauche laïque) démissionnent ; ils sont suivis en juillet par les ministres de trois autres formations.
1.4. L'échec du sommet de Camp David (2000) et le retour de la violence

Les États-Unis convoquent alors en urgence un sommet israélo-palestinien, qui a pour but d'arracher un compromis historique aux deux parties. Ehoud Barak, en grande difficulté (gouvernement désormais minoritaire, motions de censure à répétition), n'a qu'une très faible marge de manœuvre et compte sur le soutien de son peuple, tandis que Y. Arafat reste étroitement dépendant d'une direction palestinienne très divisée.
Ouverte le 11 juillet 2000 à Camp David, cette rencontre s'achève deux semaines plus tard sans l'accord escompté. Pourtant les négociations ont permis de lever certains tabous.
Pour en savoir plus, voir l'article accords de Camp David.

Jérusalem
Le plus important concerne Jérusalem. Rompant avec la ligne officielle soutenue jusqu'alors par tous les gouvernements israéliens pour lesquels Jérusalem « réunifiée » est la capitale du seul État d'Israël, E. Barak propose de concéder aux Palestiniens des espaces de souveraineté dans les quartiers arabes du secteur oriental de la ville, rattaché unilatéralement à Jérusalem-Ouest dans la foulée de la victoire militaire en juin 1967. La souveraineté israélienne serait en revanche préservée dans la dizaine de quartiers juifs (180 000 habitants) édifiés depuis 1967.
Sur le kilomètre carré de la Vieille Ville, là où se trouvent la plupart des Lieux saints (→ Haram al-charif ou esplanade des Mosquées [mont du Temple, pour les Juifs], Mur occidental ou Mur des lamentations, Saint-Sépulcre), Israël est disposé à admettre une souveraineté palestinienne dans les quartiers chrétien et musulman.
Enfin, Israël souhaite se voir reconnaître la souveraineté ultime sur le mont du Temple, même si les autorités musulmanes conservaient la gestion de fait de ce site sur lequel se dressent le dôme du Rocher et la mosquée al-Aqsa qui font de Jérusalem la troisième ville sainte de l'islam. Ce dernier point, à forte dimension religieuse, est un élément majeur du blocage avec les Palestiniens.
Pour en savoir plus, voir l'article Jérusalem.
Les frontières
Si Jérusalem apparaît comme la pierre d'achoppement principale, les autres dossiers sont loin d'être réglés. Celui sur les frontières enregistre des avancées significatives mais la proposition de restituer aux Palestiniens 91 % de la Cisjordanie, les 9 % restants – où résident 80 % des colons juifs – étant annexés par Israël, aurait pratiquement coupé en trois leur futur État.
Les réfugiés
Finalement, la question des réfugiés (soit 3,6 millions de personnes) n'est qu'effleurée. Israël rejette toute responsabilité dans l'exode des 750 000 Palestiniens en 1948 et refuse de prendre en considération la résolution 194 de 1948, prévoyant soit le retour des réfugiés dans leurs foyers, soit le versement de compensations financières. Pour l'Organisation de la Palestine (OLP), qui a été pendant des décennies le porte-parole des réfugiés palestiniens, il est évident qu'accepter un compromis – pourtant nécessaire – sur ce dossier s'est avéré, pour l'heure, prématuré.
Bilan
Le bilan du sommet de Camp David est donc mitigé. D'un côté, E. Barak a incontestablement transformé les termes du débat intérieur en Israël. Sur Jérusalem comme sur les colonies, il a posé de nouveaux paramètres qui ne pourront être ignorés par ses successeurs. D'un autre côté, malgré ces avancées, le sommet n'a pas abouti à un accord concret et cet échec a pesé lourd par la suite pour les Palestiniens qui y ont vu l'illustration de l'impasse persistante du processus de Washington au cours duquel la colonisation juive s'est poursuivie sans relâche, rendant un compromis territorial de plus en plus difficile à mettre en œuvre.
Reprise de la violence
À l'évidence, cette réalité sur le terrain a nourri un profond ressentiment qu'un geste a suffi à faire éclater. La visite d'Ariel Sharon sur l'esplanade des Mosquées (mont du Temple pour les Juifs), fin septembre 2000, est l'étincelle qui met le feu aux poudres, ouvrant une phase de confrontation violente entre Israéliens et Palestiniens. Celle-ci se traduit par une militarisation croissante : liquidations d'activistes du Hamas et du Fatah, incursions prolongées de chars, raids d'hélicoptères de combat et d'avions de la part d'Israël ; mitraillages de colonies juives, tirs de mortier et attentats-suicides du côté palestinien. Le prix humain est considérable : plus de 5 800 morts (à la fin août 2007), dont les quatre cinquièmes sont palestiniens, des milliers de blessés, deux sociétés traumatisées. Dnas l'État hébreu, cette violence généralisée a alimenté un mouvement de « défense patriotique » assez large, qui a conduit à une « droitisation » de l’opinion publique.
Pour en savoir plus, voir l'article seconde Intifada.
1.5. Les droites au pouvoir (2001-2015)

Ariel Sharon
En Israël, le sentiment que le pays est en danger a amené une majorité d'électeurs à se rassembler autour d'Ariel Sharon, élu Premier ministre en février 2001 avec 62 % des suffrages, et à soutenir l'établissement d'un gouvernement d'unité nationale, Shimon Peres devenant ministre des Affaires étrangères.
Toutefois, une crise gouvernementale finit par mettre un terme à l'union nationale en Israël, conduisant à des élections législatives anticipées en janvier 2003. A. Sharon voit sa position consolidée : avec 40 mandats, le Likoud double sa représentation à la Knesset, tandis qu'avec 19 sièges, le parti travailliste enregistre une défaite historique. Le bloc de droite est largement dominant avec 69 sièges (sur 120), tandis que celui de gauche obtient difficilement 36 mandats, 15 sièges revenant à la formation centriste Shinouï (Changement). Fort de ces résultats, A. Sharon constitue un gouvernement rassemblant le Likoud, l'extrême droite et le Shinouï, à l'exclusion des ultraorthodoxes qui se retrouvent pour la première fois depuis bien longtemps sur les bancs de l'opposition.
Quasi-réoccupation de la Cisjordanie, élimination de cadres palestiniens et construction d'un mur de séparation
La tâche de cette nouvelle équipe est double : redresser une situation économique dégradée (hausse du chômage, reprise de l'inflation, baisse des investissements…) et sortir de la confrontation avec les Palestiniens dans un environnement régional transformé. Pour répondre au premier défi, le gouvernement a adopté un budget d'austérité qui comporte en particulier une réduction draconienne des aides sociales.
Face à la seconde Intifada, qui a conduit à la suspension des relations diplomatiques entre Israël et le monde arabe, le gouvernement a choisi l'option militaire. Elle s'est traduite par la quasi-réoccupation de la Cisjordanie (accompagnée de mesures de bouclages très sévères, d'arrestations et de destructions de maisons) ainsi que par une politique d'« assassinats ciblés » visant les cadres des groupes paramilitaires palestiniens. Au printemps 2004, Israël liquidait tour à tour le cheikh Ahmad Yassine, fondateur et chef spirituel du Hamas, et son successeur Abdel Aziz al-Rantissi. Parallèlement, la construction d'un mur de séparation, édifié depuis 2002 de manière unilatérale entre Israël et la Cisjordanie, s'est accélérée malgré sa condamnation par la Cour internationale de justice (CIJ) en juillet 2004.
L'impasse diplomatique du « Quartet »
Sur le front diplomatique, en revanche, les choses n'ont guère avancé. L'adoption, au printemps 2003, par le « Quartet » (États-Unis, Union européenne, Russie, Nations unies) d'une « feuille de route » visant à parvenir, en trois étapes, à un règlement définitif du conflit israélo-palestinien sur la base de la coexistence entre deux États, marquait une volonté renouvelée d'implication de la communauté internationale. Néanmoins, en l'absence de gestes significatifs d'Israël (sur la question des implantations et les opérations de l'armée dans les territoires palestiniens) comme de trêve inter-palestinienne durable, cette initiative a tourné court.
L'accord Nusseibeh-Ayalon et l'initiative de paix de Genève
Face à cette impasse diplomatique, les raisons d'espérer sont venues de l'intérieur des sociétés palestinienne et israélienne avec le lancement, à l'automne 2003, de deux initiatives. La première consiste en une pétition à l'origine de laquelle se trouvent Ami Ayalon, ancien chef des services de renseignements intérieurs de l'État hébreu, et Sari Nusseibeh, président de l'université palestinienne al-Quds, pétition qui précise que la solution au conflit passe par la constitution, dans les frontières du 4 juin 1967, d'un État palestinien, aux côtés d'Israël, et par le respect de certains principes (évacuation des colonies juives, souveraineté divisée à Jérusalem-Est, strict cadrage de l'application du « droit au retour » des réfugiés palestiniens).
La seconde, plus politique et dite « initiative de Genève », lancée par Yossi Beilin, au nom d'une large partie de la gauche israélienne, et par Yasser Abed Rabbo, soutenu par d'importants secteurs du Fatah, consiste en un véritable plan de paix alternatif contenant des dispositions très précises pour régler l'ensemble du contentieux israélo-palestinien.
Retrait unilatéral de la bande de Gaza et gel des négociations israélo-palestiniennes
Du côté israélien, ces propositions de paix ont suscité un vaste débat interne et contraint A. Sharon à reprendre l'initiative en annonçant son intention de procéder à un retrait unilatéral de la bande de Gaza et du Nord de la Cisjordanie. Cette initiative devrait conduire au retrait de l'armée et, surtout, pour la première fois, au démantèlement de 25 implantations juives et à l'évacuation de leurs habitants (environ 8 000 personnes). Ce projet a suscité l'opposition des partis d'extrême droite, qui ont quitté la coalition, contraignant A. Sharon à s'allier, à nouveau, au parti travailliste en janvier 2005. La constitution de ce gouvernement d'unité nationale a facilité la mise en œuvre fructueuse du plan de désengagement au cours de l'été 2005.
Concentré sur cette politique unilatérale, le gouvernement Sharon n'a guère cherché à relancer les négociations bilatérales avec les Palestiniens, malgré l'élection de Mahmud Abbas à la présidence de l'Autorité nationale palestinienne en janvier 2005. Le triomphe du Hamas aux législatives palestiniennes de janvier 2006, qui refuse de reconnaître l'État hébreu, a conduit à sa mise en quarantaine et au gel des négociations.
Contraint d'organiser des élections législatives anticipées, A. Sharon choisit de créer une formation politique plus centriste, Kadima (En avant), afin d’accroître sa marge de manœuvre politique, mais, victime d'une attaque cérébrale au tout début de l'année 2006, il disparaît brusquement de la scène politique.
Ehoud Olmert (2006-2008)
Désormais emmené par Ehoud Olmert, Kadima gagne les élections de mars 2006 (29 sièges) et constitue un nouveau gouvernement d'union avec le parti travailliste. La voie de l'unilatéralisme dans laquelle Kadima entendait persister après le triomphe du Hamas aux législatives palestiniennes de janvier 2006, est suspendue après le semi-échec de la guerre menée contre le Hezbollah au Liban au cours de l'été, qui fragilise considérablement le gouvernement.
La prise du pouvoir par la force du Hamas à Gaza, en juin 2007, contribue aussi à détériorer la situation sur le terrain avec la multiplication des tirs de roquette sur le sud d'Israël d'un côté, la poursuite des opérations militaires israéliennes de l'autre. Les conclusions de la commission d'enquête chargée de se pencher sur la conduite de la seconde guerre du Liban soulignent de graves défaillances politiques et militaires.
Bien que E. Olmert ait vu sa popularité entamée, l'absence d'alternative politique crédible contribue un temps à son maintien au pouvoir. Prenant acte de l'impasse de l'unilatéralisme, il reprend, dans le sillage de la conférence internationale d'Annapolis (États-Unis, novembre 2007), des négociations de fond avec le président M. Abbas, mais celles-ci échouent à mettre en place un accord-cadre sur le règlement final avant la fin 2008. Rattrapé par une nouvelle affaire de corruption, E. Olmert annonce fin juillet qu'il ne participera pas aux primaires de son parti et qu'il démissionnera dans la foulée.
Le retour de Benyamin Netanyahou (depuis 2009)
Tzipi Livni remporte ces primaires, en septembre, mais la nouvelle dirigeante de Kadima ne parvient pas à constituer un gouvernement autour d'elle, rendant de nouvelles élections inévitables. Tenu en février 2009, après une campagne militaire de plus de trois semaines menées contre le Hamas à Gaza, ce scrutin donne la majorité au bloc de droite, permettant à B. Netanyahou de constituer, fin mars, un gouvernement qui regroupe, autour du Likoud, formations religieuses et nationalistes (Shas, « Foyer juif », Israel Beitenou, Judaïsme unifié de la Torah) mais aussi, de façon plus inattendue, le parti travailliste (jusqu'en janvier 2011).
Ce gouvernement, très marqué à droite, doit faire face à des tensions inédites avec la nouvelle administration américaine, soucieuse de relancer le processus de paix en obtenant d’Israël un arrêt complet de la colonisation. Face à la pression américaine, B. Netanyahou finit par accepter un gel limité dans le temps (novembre 2009-septembre 2010) et à la seule Cisjordanie ; toutes choses qui ne suffisent ni à rétablir la confiance avec Washington ni à redémarrer les négociations avec les Palestiniens.
En janvier 2013, suite à de nouvelles élections législatives, B. Netanyahou est reconduit comme Premier ministre à la tête d’une coalition différente. À l’alliance entre le Likoud et Israël Beitenou s’adjoignent les partis centristes Yesh Atid et Ha-Tnouah Tnouah (créé par T. Livni en 2012), mais aussi avec le parti sioniste-religieux « Foyer juif ». L’agenda prioritaire du gouvernement est centré sur les questions intérieures : enrôlement des ultra-orthodoxes dans l’armée, budget de rigueur, question du logement.
De nouvelles élections anticipées doivent cependant être convoquées en mars 2015 après la destitution, en décembre 2014, des ministres des Finances (Yaïr Lapid, leader de Yesh Atid) et de la justice (T. Livni), tous deux opposés au projet de budget prévoyant une hausse des dépenses consacrées à la défense ainsi qu'à un projet de loi déclarant Israël « État-nation du peuple juif ».
Ce scrutin (précédé par une augmentation du seuil électoral à 3,25 % des voix), s’annonce serré, mais malgré leur alliance au sein de l’Union sioniste, Ha-Tnouah et le parti travailliste de Yitzhak Herzog, axant leur campagne sur des réformes sociales et sociétales (davantage que sur la relance des discussions avec les Palestiniens), n’obtiennent que 18,67 % des suffrages et 24 sièges. Avec un discours privilégiant les enjeux sécuritaires, déjouant les pronostics malgré un bilan plutôt médiocre, B. Netanyahou et son parti parviennent à s’imposer en remportant 30 sièges avec 23,4 % des suffrages.
Ce quatrième mandat repose toutefois sur une majorité d’une seule voix (61 sur 120), Israël Beitenou d'A. Liberman (6 sièges contre 15 en 2009) ayant décidé de rejoindre l’opposition. Au Likoud acceptent ainsi de s’allier le nouveau parti de centre droit Koulanou (fondé en décembre 2014 par Moshe Kahlon, issu du Likoud, 10 sièges), les ultra-orthodoxes ashkénazes (« Judaïsme unifié de la Torah ») et sépharades (Shas) ainsi que « Foyer juif ». Ce dernier est l’un des principaux perdants de ce scrutin avec le Shas, Israël Beitenou et Yesh Atid, tandis que la liste réunissant quatre partis arabes en vue de surmonter le nouveau seuil électoral, arrive en troisième position avec 10,6 % des voix et 13 députés. Ne se présentant pas à ces élections, le parti Kadima (2  députés en 2013) disparaît de la Knesset.
2. Une société plurielle en devenir

2.1. Un pays d'immigration

Le judaïsme dans le monde aujourd'huiLe judaïsme dans le monde aujourd'hui
Parce qu'il est défini comme l'État du peuple juif, l'État d'Israël est ouvert à tous les Juifs de la diaspora qui bénéficient d'un droit naturel et inaliénable à y immigrer (réglementé par la loi du retour de 1950). La réalisation du sionisme passe avant tout par l'immigration (aliyah), qui a essentiellement touché deux zones géographiques : la Russie et l'Europe orientale, d'où vinrent les gros bataillons d'immigrants (jusqu'en 1950, puis dans les années 1970 et les années 1990), et les pays d'islam, qui se vidèrent quasiment de tous leurs Juifs en trois vagues successives entre 1948 et 1964.
Durant les quinze premières années qui suivirent sa création, alors qu'Israël accueillait plus d'un million d'immigrants, l'État défendit une intégration nationale par fusion qui supposait que les nouveaux arrivants abandonnent leurs identités d'origine et se laissent absorber dans leur nouvelle société d'accueil.
Cette idéologie du melting-pot réclamait l'assimilation des nouveaux immigrants au modèle socioculturel en place, forgé par les pionniers russo-polonais ayant immigré entre 1904 et 1923. Cette intégration, menée par l'État, passait par la mobilisation de deux instruments de socialisation, l'école et l'armée. Celles-ci ont contribué de façon déterminante à faire naître une conscience collective partagée. Elles ont nourri un patriotisme israélien, qui s'est également renforcé avec l'usage de l'hébreu comme langue parlée, abondamment diffusée par les mass media, et avec l'attachement à une territorialité spécifique (nourri par l'étude de la Bible, l'archéologie, les excursions à travers le pays). Si un sentiment d'appartenance nationale a vu le jour, la société israélienne reste toutefois fortement divisée selon trois lignes de fracture.
2.2. Les Arabes en Israël

Comme tous les États du Proche-Orient, l'État d'Israël est fondé sur la reconnaissance des appartenances communautaires. Par conséquent, Juifs, Arabes et Druzes (secte hétérodoxe de l'islam) sont officiellement considérés comme des groupes ethniques différents.
1,2 million d'Arabes et de Druzes possèdent de plein droit la citoyenneté israélienne, mais leur statut de minoritaires dans un État juif les place souvent dans une situation très délicate. Soumis jusqu'en 1966 à une administration militaire qui restreignait sévèrement leurs libertés civiles, les Arabes d'Israël virent leurs terres expropriées et remises à des localités juives et à des kibboutzim. Quant aux ressources qui leur étaient allouées, elles étaient notoirement plus réduites que celles destinées aux Juifs (subventions publiques, dotations budgétaires aux conseils locaux et municipaux…).
Bien que la situation objective des Arabes d'Israël se soit améliorée depuis les années 1970, leur intégration dans un État juif dont ils ne peuvent partager les valeurs et les symboles demeure nécessairement problématique, et leur participation à la vie de la cité, imparfaite : il faudra attendre 2001 pour voir un Arabe accéder à un poste de ministre et 2007 pour qu'un musulman devienne ministre.
Situés à la périphérie de la société israélienne, les Arabes apportent majoritairement leurs suffrages à des partis non sionistes (parti communiste, parti démocratique arabe, Alliance nationale démocratique, Liste arabe commune) et poursuivent une stratégie de consolidation communautaire qui passe de façon croissante par l'islam. De plus, tout en exigeant l'égalité de traitement avec leurs concitoyens juifs, ils ont réaffirmé, au contact des Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, leur identité palestinienne. La reprise de l'Intifada n'a fait que resserrer ces liens, 13 Arabes israéliens ayant été tués par la police lors de manifestations en octobre 2000.
2.3. Ashkénazes et Séfarades

Autant les différences entre Juifs et Arabes sont officiellement reconnues, autant celles entre Juifs sont récusées par un État fondé sur le postulat de l'unité du peuple juif. Pourtant, les conditions mêmes dans lesquelles la société israélienne s'est constituée progressivement (par immigrations successives) ont perpétué un clivage entre Ashkénazes et Séfarades.
Jusqu'à la récente vague migratoire venant de l'ex-URSS, la population juive était à peu près également distribuée entre les deux groupes ethniques. Bien que les Séfarades aient connu une ascension sociale certaine depuis les années 1970 (forte pour les Irakiens, normale pour les Yéménites, faible pour les Marocains) et que les phénomènes de convergence (dans les modes de vie, les pratiques familiales) soient réels, la constitution d'une nation israélienne homogène par amalgame des immigrants est loin d'être réalisée.
La persistance d'un écart ethnique important dans les domaines éducatif et professionnel au détriment des Séfarades montre que la stratégie de fusion dans un creuset commun n'est pas parvenue à ses fins. Ainsi, les élèves d'origine orientale sont concentrés dans les écoles professionnelles alors que leurs condisciples ashkénazes sont plus nombreux dans l'enseignement général. À l'université, les Séfarades ont cinq fois moins de chance d'obtenir un diplôme que les Ashkénazes.
Au niveau économique, les Juifs des pays d'islam sont concentrés parmi les cols bleus (ouvriers) alors que les Juifs d'Occident forment les gros bataillons des classes moyennes et dominent l'élite économique, universitaire et médiatique. Le mécontentement du « second Israël » par rapport au parti travailliste, accusé d'avoir conduit la politique d'intégration de façon autoritaire, s'est traduit par le soutien massif accordé au Likoud en 1977, ce qui a permis la première alternance politique du pays. Cette adhésion au Likoud demeure importante, mais l'État d'Israël a affaire aujourd'hui à une mobilisation inédite de la « séfaradité » à travers le parti Shas (« Séfarades gardiens de la Torah »), qui appelle à une pratique rigoriste du judaïsme et valorise la spécificité culturelle des Juifs des pays d'islam. En offrant un ensemble de services (jardins d'enfants, écoles primaires…), le Shas est parvenu à renforcer sa base politique et à s'imposer comme le porte-parole de l'« Israël séfarade », économiquement défavorisé et culturellement marginalisé. Son audience électorale reste forte. Si le résultat obtenu lors des élections législatives de mai 1999, avec 17 sièges, demeure exceptionnel, les 11 mandats décrochés en 2009 et 2013 montrent que le Shas est bien installé dans le paysage politique israélien, même si avec 5,7 % des voix et 7 députés, il est l’un des perdants du scrutin de 2015.
Le processus de communautarisation n'est pas limité au monde séfarade puisqu'il a touché les nouveaux immigrants de l'ex-URSS, mais il a, dans ce cas, évolué différemment. Un certain nombre de facteurs ont entretenu la tendance à la mobilisation communautaire : le poids démographique (1 million d'immigrants), le profil identitaire (forte déjudaïsation allant de pair avec la valorisation d'une identité culturelle russe), l'organisation interne très efficace (associations, presse et télévision en russe).
La communautarisation est demeurée une réalité sociale mais elle a connu des traductions politiques variables. Présentes à la Knesset à partir de 1996, les formations « russes » s'étaient fondues dans la droite israélienne en 2003 avant de renaître en 2006 avec le parti Israel Beitenou (Israël, notre maison) dirigé par Avigdor Liberman, qui est devenu en 2009 le troisième parti avec 15 sièges avant de s’allier au Likoud en 2013-2015. Cette formation revendique un nationalisme sans concession qui réclame, à terme, l'homogénéisation ethnique d'Israël par rattachement des zones peuplées d'Arabes israéliens à toute future entité palestinienne.
Qu'elle soit séfarade ou « russe », l'ethnicité est une ressource disponible pour être mobilisée politiquement dans une société israélienne plurielle mais traversée par une forte opposition entre religieux et laïcs.
2.4. Religieux et laïcs

Dès le départ, Israël s'est défini comme un État juif, devant donc assurer, à travers ses institutions, un projet de vie collective juive. Même si le contenu précis de cette identité nationale n'a jamais été clairement déterminé, le caractère juif de l'État impliquait que le droit de la famille et l'espace public étaient partiellement régis par une législation d'origine religieuse. D'où l'adoption d'une série de lois réglementant le respect du shabbat, la distribution de nourriture kasher dans les cantines publiques, l'élevage et la commercialisation de porc…, et attribuant la gestion des mariages et des divorces aux seules autorités religieuses.
Ce statu quo dans lequel l'État concède certains droits à la sphère religieuse s'est maintenu jusqu'à aujourd'hui, malgré de nombreuses crises. Il est toutefois malmené par un phénomène contradictoire qui voit la réaffirmation religieuse aller de pair avec l'approfondissement de la sécularisation de la société.
Le pôle religieux, qui regroupe environ un quart de la population juive, est composé de deux courants : l'un ultraorthodoxe et l'autre sioniste religieux. Bien que séparés par d'importantes controverses théologiques quant à la signification religieuse à accorder à l'État d'Israël, ces deux courants défendent une même interprétation rigoriste du judaïsme, et sont favorables à une présence plus grande de la religion dans la vie publique. Le rôle pivot que les partis religieux remplissent dans les différentes coalitions gouvernementales leur donne un moyen de pression idéal pour faire avancer leurs revendications.
Toutefois, l'activisme des groupes religieux se heurte à l'opposition d'autres secteurs de la société israélienne, qui défendent une laïcité inconditionnelle (passant, entre autres, par la séparation de la synagogue et de l'État). Cette laïcité militante a été parfois défendue par des formations politiques comme le parti Shinouï (Changement), qui obtint 15 mandats à la Knesset en 2003 au nom de la lutte contre la coercition religieuse, mais ne parvint pas à perdurer sur le plan électoral.
Le clivage religieux / laïcs se cristallise beaucoup sur la question de la conscription. En effet, alors que les Juifs laïcs et nationalistes-religieux passent, pour les hommes, trois ans sous les drapeaux puis effectuent des périodes de réserve jusque dans leur quarantaine, 60 000 étudiants des instituts d’études talmudiques sont dispensés d’obligations militaires en vertu d’un ancien accord datant de 1948 (à peine 400 jeunes gens étaient alors concernés). Cette situation nourrit un profond sentiment d’injustice chez les laïcs, poussant nombre d’électeurs laïcs à voter pour Yair Lapid, et sa formation Yesh Atid (« Il y a un avenir », 19 mandats en 2013, ramenés à 11 en 2015), qui s’est engagée à mettre fin aux exemptions systématiques dont bénéficient les Juifs ultra-orthodoxes.
En mars 2014, la loi prévoyant la conscription des ultra-orthodoxes est adoptée par 67 voix (une contre). Saluée par ses promoteurs comme une avancée significative sur la voie de l’universalisation du service militaire, la loi a été critiquée tant par les ultra-orthodoxes – qui la dénoncent par principe –, que par des laïcs qui la jugent trop timorée. Sa mise en œuvre, nécessairement graduelle, risque d'être retardée par nombre d'obstacles.
Deux mouvements contradictoires traversent la société israélienne, amenant les uns à prôner un État selon la Torah, et les autres à se faire les avocats d'un Israël post-sioniste. Entre les deux pôles, il existe toutefois un vaste conglomérat « centriste » de personnes attachées à la nature hybride de l'État d'Israël comme État juif et démocratique. La bipartition politique de la société israélienne (en particulier autour de la question déterminante du processus de paix) entretient une polarisation croissante entre un courant « normalisateur » (regroupant les laïcs de toute obédience) et un courant « identitariste » (allant des ultra-orthodoxes aux traditionalistes).
2.5. Riches et pauvres

Israël a longtemps été basé sur une économie sociale-démocrate, avec une forte présence du secteur public et parapublic, et un système d’aide à l’emploi, à la santé et à l’éducation qui assurait une distribution relativement égalitaire des ressources.
À compter des années 1980, le pays entra dans une phase de libéralisation économique, de privatisation et de dérégulation, qui eut pour effet de réduire l’ampleur de la protection sociale. Deux conséquences s’en suivirent : d'une part, la croissance régulière de l’écart entre les plus riches et les plus pauvres, qui fait d’Israël un des pays les plus inégalitaires parmi les 34 membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ; d’autre part, le pourcentage des familles israéliennes vivant sous le seuil de pauvreté est important, puisqu'il représente 20 % des familles.
Cette situation d’inégalité a pourtant nourri une contestation sociale relativement limitée, sauf en 2011. L’augmentation continue du coût du logement a en effet conduit à l’apparition d’un « mouvement des tentes » qui, né à Tel-Aviv, a progressivement gagné des dizaines de villes d’Israël. D’abord sur la défensive, le gouvernement Netanyahou répondit à cette contestation sociale en mettant en œuvre certaines réformes : augmentation des impôts sur les entreprises et les hauts revenus, loi sur le logement…
2.6. Quelle identité nationale ?

Le jeu complexe des différents clivages – Juifs / Arabes, Séfarades / Ashkénazes, religieux / laïcs, riches / pauvres – définira les contours de l'État d'Israël de demain. En effet, les incertitudes sur l'évolution de l'identité nationale se multiplient, alors que le pays a gagné progressivement une légitimité internationale plus large, dont la consolidation dépendra, toutefois, d'un règlement global de l'ensemble du contentieux israélo-arabe.
3. Israël dans la communauté internationale

Paradoxe d'Israël : créé par une décision de la communauté internationale en 1947 (par 33 voix pour, 13 contre et 10 abstentions), l'État juif est sans doute l'État au monde dont l'existence a été la plus contestée dans le concert des nations. Ses relations internationales s'en sont longtemps ressenties. Depuis sa création, Israël n'a établi des rapports stables et continus qu'avec l'Occident. Le monde arabo-musulman lui a été totalement hostile pendant des décennies, alors que les pays de l'Est et le tiers-monde ont entretenu avec lui, le plus clair du temps, des relations globalement assez distantes.
Pendant longtemps, l'isolement total de l'État juif dans la région rendait impérieux l'établissement de relations fortes avec des partenaires susceptibles de le soutenir, et ceux-ci se trouvaient essentiellement en Occident.
3.1. Israël, la France et l'Europe

Israël et la France
Durant les vingt premières années de son existence, Israël est surtout soutenu par la France. Dans les années 1950, grâce aux efforts de Shimon Peres alors directeur général du ministère des Affaires étrangères, plusieurs accords d'armement sont conclus entre les deux pays, prévoyant la livraison de tanks, d'avions et de pièces d'artillerie. Le début de la révolution algérienne, en novembre 1954, amène la constitution d'une alliance encore plus étroite, dans la mesure où le principal ennemi d'Israël, l'Égypte, est aussi le soutien majeur du Front de libération nationale (FLN).
Pour en savoir plus, voir l'article guerre d'Algérie.
L'expédition conjointe sur le canal de Suez, en octobre 1956, comme l'aide française à la construction du réacteur nucléaire de Dimona, dans le Néguev, constituent les manifestations les plus fortes de cette union franco-israélienne contre le nationalisme arabe. L'instauration en France de la Ve République ne conduit pas immédiatement à une modification des rapports bilatéraux, mais la fin du conflit en Afrique du Nord pousse le général de Gaulle à renouer avec les pays arabes et à adopter, ce faisant, une position plus équilibrée dans le conflit israélo-arabe.
La guerre des Six-Jours (5-10 juin 1967) marquera un tournant de la politique française : de Gaulle déclare un embargo sur la livraison de toutes les armes à destination du Moyen-Orient, ce qui pénalise fortement Israël, tributaire de la France en matière d'armement. Cette mesure fera progressivement des États-Unis le fournisseur quasi exclusif de l'État juif, tout en refroidissant les relations franco-israéliennes.
Israël et l'Allemagne
Avec l'Allemagne, le rapprochement était à la fois extrêmement délicat et pourtant indispensable. En reconnaissant publiquement la responsabilité allemande dans le génocide des Juifs d'Europe, le chancelier Adenauer enclencha un processus qui permit la conclusion, en septembre 1952, de l'accord de Luxembourg au terme duquel l'Allemagne s'engageait à verser à Israël, à titre de réparation, pendant douze années 3,4 milliards de marks (plus les dédommagements individuels destinés aux victimes du nazisme). Cet accord facilitera l'établissement de relations diplomatiques en mai 1965, et ce, malgré l'opposition virulente de la droite nationaliste regroupée autour de Menahem Begin.
Israël et l'Europe
Pour Israël, l'Europe est aujourd'hui avant tout un partenaire commercial vital. L'État hébreu bénéficie depuis 1975 d'un accord d'association avec l'Union européenne, accord qui a été renouvelé en 1995 dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen. Si l'Europe est un enjeu surtout économique (30 % des exportations israéliennes se dirigent vers l’Europe des 28), les États-Unis constituent véritablement l'allié privilégié sur le plan politique.
3.2. L'alliance stratégique avec les États-Unis

Bien que l'appui diplomatique américain ait été décisif dans la naissance de l'État juif, c'est la réorientation de la position française après la guerre des Six-Jours qui conduira progressivement à l'intervention de plus en plus appuyée des États-Unis aux côtés d'Israël. L'entente avec Washington concerne trois domaines : militaire (coopération stratégique : don annuel de 1,8 milliard de dollars dans les années 1990 étant passé à 3 milliards en 2010), économique (accord de libre-échange, don annuel de 1,2 milliard de dollars dans les années 1990, désormais supprimé), diplomatique.
Les États-Unis n'ont jamais ménagé leur soutien politique à Israël, en particulier à l'ONU, considérant que l'État hébreu constituait un élément de stabilité régionale et un atout stratégique (hier contre l'Union soviétique et ses alliés arabes, aujourd'hui contre l'islamisme radical). La perception de valeurs démocratiques partagées et le dynamisme de la communauté juive américaine ont, par ailleurs, cimenté l'alliance stratégique israélo-américaine.
Cette forte proximité n'a pas empêché les États-Unis de promouvoir à plusieurs reprises des projets globaux de règlement du conflit israélo-arabe (plan Rogers de 1969-1970, processus de Camp David en 1978, plan Reagan de 1982), mais ceux-ci étaient difficiles à mettre en œuvre tant que l'Union soviétique se posait en puissance rivale des États-Unis.
La disparition de l'URSS en 1991 change radicalement la donne régionale et incite les États-Unis à lancer une initiative diplomatique majeure : la conférence de la paix de Madrid (octobre 1991), qui ouvre un cycle de

 
 
 
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